RAPPORT SUR L’INDÉPENDANCE DU SYSTÈME JUDICIAIRE PARTIE I L’INDÉPENDANCE DES JUGES

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    Strasbourg, 16 mars 2010

    Etude n 494 / 2008

    CDL-AD(2010)004Or. angl.

    COMMISSION EUROPENNE POUR LA DMOCRATIE PAR LE DROIT

    (COMMISSION DE VENISE)

    RAPPORTSUR LINDPENDANCE DU SYSTME JUDICIAIRE

    PARTIE I : LINDPENDANCE DES JUGES

    Adopt par la Commission de Veniselors de sa 82e session plnire

    (Venise, 12-13 mars 2010)

    sur la base des observations de

    M. Guido NEPPI MODONA (membre supplant, Italie)Mme Angelika NUSSBERGER (membre supplant, Allemagne)

    M. Hjortur TORFASON (membre, Islande)M. Valery ZORKIN (membre, Russie)

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    Table des matires

    Introduction ............................................................................................................................. 3I. REMARQUES PRLIMINAIRES ................................................................................ 3II. NORMES EXISTANTES............................................................................................. 4III. ASPECTS SPCIFIQUES DE lINDPENDANCE DES JUGES................................ 5

    1. Niveau auquel lindpendance des juges est garantie................................................ 52. Bases de nomination ou de promotion........................................................................ 63. Organes de nomination et consultatifs........................................................................ 74. Dure du mandat ........................................................................................................ 85. Inamovibilit et rgime de sanctions disciplinaires - Mutations................................... 96. Rmunration des juges ........................................................................................... 107. Budget de la justice................................................................................................... 118. Absence dinfluence extrieure indue ....................................................................... 129. Caractre dfinitif des dcisions de justice ............................................................... 1410. Indpendance au sein de lappareil judiciaire ........................................................... 1411. Rpartition des affaires et droit au juge naturel ........................................................ 16IV. CONCLUSIONS........................................................................................................ 18

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    INTRODUCTION

    1. Par une lettre date du 11 juillet 2008, la prsidente de la commission des questions juridiques et des droits de lhomme de lAssemble parlementaire a pri la Commission deVenise de donner un avis sur les normes europennes relatives lindpendance du

    systme judiciaire . La commission tait intresse tant par une prsentation de lacquisexistant que par des propositions de dveloppement, sur la base dune analyse comparativetenant compte des principales familles de systmes juridiques en Europe .

    2. La Commission de Venise a confi la rdaction de ce rapport sa sous-commission sur lepouvoir judiciaire, qui a tenu des runions sur cette question Venise les 16 octobre 2008,11 dcembre 2008, 12 mars 2009, 10 dcembre 2009 et 11 mars 2010.

    3. La sous-commission a dcid dlaborer deux rapports sur lindpendance du pouvoirjudiciaire, lun traitant du ministre public et lautre des juges. Le prsent rapport, consacr aux juges, a t tabli sur la base des observations de M. Neppi Modona (CDL-JD(2009)002),Mme Nussberger (CDL-JD(2008)006), M. Zorkin (CDL-JD(2008)008) et M. Torfason.

    4. En dcembre 2008, M. Desch, reprsentant du Comit europen de coopration juridique(CDCJ), et Mme Laffranque, prsidente du Conseil consultatif de juges europens (CCJE), ontparticip aux travaux de la Commission. Mme Laffranque a galement soumis desobservations crites (CDL-JD(2008)002).

    5. Le prsent rapport a t examin lors des sessions plnires de la Commission des 17 et18 octobre 2008, 12 et 13 dcembre 2008, 12 et 13 juin 2009, 9 et 10 octobre 2010 et 11 et12 dcembre 2009. Il a t adopt par la Commission de Venise sa 82e Session plnire(Venise, 12-13 mars 2010).

    I. REMARQUES PRLIMINAIRES

    6. Lindpendance du pouvoir judiciaire comporte une composante objective, savoir quelleconstitue une caractristique dont le systme judiciaire ne saurait faire lconomie, et unecomposante subjective, savoir que toute personne a le droit de voir ses droits et ses libertstablis par un juge indpendant. En labsence de juges indpendants, il ne peut y avoirdapplication correcte et lgale des droits et des liberts. Lindpendance du pouvoir judiciairenest donc pas une fin en soi. Elle nest pas un privilge dont bnficieraient les juges titreindividuel, mais se justifie par la ncessit de permettre aux juges de remplir leur mission degardiens des droits et des liberts.

    7. Lindpendance des juges et, partant, la rputation du systme judiciaire dans une socitdonne dpend de multiples facteurs. Outre les rgles institutionnelles garantissant cetteindpendance, la personnalit et le professionnalisme des juges sont des lmentsdterminants. La culture juridique dans son ensemble est galement un aspect important.

    8. Les rgles institutionnelles doivent permettre de slectionner des juges hautement qualifiset fiables sur le plan personnel et de dfinir un environnement dans lequel ils puissent travaillersans tre indment soumis des influences extrieures.

    9. La question de linstauration dun ensemble complet de normes relatives lindpendance judiciaire a t traite dans un nombre considrable de documents plus ou moins dtaills,visant tablir des points de rfrence. Ces documents, quils manent dorganisationsinternationales, dinstances officielles ou de groupes indpendants, dressent un tableau

    exhaustif de ce que devraient tre les lments de lindpendance judiciaire, de son rle et de

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    son importance pour garantir la prminence du droit et de la nature des obstacles que lepouvoir excutif, le pouvoir lgislatif ou dautres parties peuvent mettre sur son chemin.

    10. Dans beaucoup de pays, lexprience a montr que les meilleures rgles institutionnellesne pouvaient rien sans la bonne volont des personnes charges de leur mise en uvre. Il estdonc au moins aussi important dappliquer les normes en vigueur que de dterminer quellesnouvelles normes il y aurait lieu de mettre en place. Cependant, le prsent rapport ne se bornepas prsenter une vue densemble des normes existantes, mais sefforce aussi de recenserles domaines dans lesquels il serait utile dinstaurer de nouvelles normes afin de changer despratiques qui peuvent faire obstacle lindpendance des juges.

    11. Il est noter que certains principes ne sont applicables quaux juges des juridictionsordinaires au niveau national, mais non aux membres des cours constitutionnelles ni desjuridictions internationales, qui nentrent pas dans le champ du prsent rapport.

    II. NORMES EXISTANTES

    12. Aux niveaux europen et international, il existe un important corpus de textes consacrs lindpendance du pouvoir judiciaire. Il serait absurde de tout reprendre zro pour tenter unenouvelle fois de dfinir des normes en la matire. Aussi, dans le prsent rapport, laCommission de Venise se fondera-t-elle sur les textes existants.

    13. Au niveau europen, le droit un tribunal indpendant et impartial est dabord garanti parlarticle 6 de la Convention europenne des droits de lhomme ( 1. Toute personne a droit ceque sa cause soit entendue quitablement, publiquement et dans un dlai raisonnable, par untribunal indpendant et impartial, tabli par la loi, qui dcidera, soit des contestations sur sesdroits et obligations de caractre civil, soit du bien-fond de toute accusation en matire pnaledirige contre elle. () ). La jurisprudence de la Cour claire plusieurs aspects importants delindpendance judiciaire mais, par nature, naborde pas la question de manire systmatique.

    14. Outre la Convention europenne des droits de lhomme, le texte qui fait le plus autorit surla question de lindpendance judiciaire au niveau europen est la Recommandationn R(94)12 du Comit des Ministres sur lindpendance, lefficacit et le rle des juges, textedailleurs en cours de rexamen. La Commission de Venise espre que le prsent rapport serautile cet gard.

    15. Etant donn que ce texte reste assez gnral, plusieurs tentatives ont t faites pourlaborer un texte plus pointu sur lindpendance de la magistrature. Le texte le plus complet estprobablement lAvis n 1 du Conseil consultatif de juges europens (CCJE) sur les normesrelatives lindpendance et linamovibilit des juges. Dautres avis du CCJE sont galementpertinents dans ce contexte, par exemple lAvis n 6 sur le procs quitable dans un dlairaisonnable, lAvis n 10 sur le Conseil de la Justice au service de la socit et lAvis n 11 surla qualit des dcisions de justice.

    16. Parmi les textes du Conseil de lEurope, citons galement la Charte europenne sur lestatut des juges, adopte lors dune runion multilatrale organise Strasbourg en juillet 1998par la Direction des affaires juridiques du Conseil de lEurope.

    17. Le rapport de la Commission de Venise sur les nominations judiciaires (CDL-AD(2007)028)traite de questions particulirement importantes pour lindpendance judiciaire. Dautresaspects sont abords dans divers avis de la Commission.

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    18. Plusieurs normes de lONU relatives lindpendance de la magistrature sappuient surlarticle 10 de la Dclaration universelle des droits de lhomme ( Toute personne a droit, enpleine galit, ce que sa cause soit entendue quitablement et publiquement par un tribunalindpendant et impartial, qui dcidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fond detoute accusation en matire pnale dirige contre elle. ). Cest le cas en particulier desPrincipes fondamentaux relatifs lindpendance de la magistrature adopts par lAssemblegnrale des Nations Unies en 1985 et des Principes de Bangalore sur la dontologie judiciaireadopts en 2002. Ces normes concordent souvent avec celles du Conseil de lEurope mais, engnral, elles ne vont pas au-del.

    19. Le prsent rapport se propose de prsenter de manire cohrente les lments desnormes europennes. Il suit dans une large mesure la structure de lAvis n 1 du CCJE.

    III. ASPECTS SPCIFIQUES DE LINDPENDANCE DES JUGES

    1. Niveau auquel lindpendance des juges est garantie

    20. La Recommandation n R(94)12 dispose ce qui suit (principe I.2.a) : Lindpendance des juges devrait tre garantie, conformment aux dispositions de la Convention et aux principesconstitutionnels, par exemple en faisant figurer des dispositions expresses cet effet dans lesConstitutions ou dautres textes lgislatifs, ou en incorporant les dispositions de la prsenterecommandation dans le droit interne.

    21. Suivant la recommandation formule dans la Charte europenne, le CCJE, dans son Avisn 1 (par. 161), prconise daller plus loin : les principes fondamentaux du statut des jugessont noncs dans les normes internes du niveau le plus lev et ses rgles dans des normesdu niveau au moins lgislatif .

    22. La Commission de Venise souscrit sans rserve cette approche. Les principes

    fondamentaux garantissant lindpendance des juges devraient tre inscrits dans laConstitution ou un texte quivalent2.

    1 Sauf indication contraire, les rfrences au CCEJ se rapportent son Avis n 1.2 Exemples de dispositions constitutionnelles :

    Albanie - Article 145 de la Constitution1. Les juges sont indpendants et soumis seulement la Constitution et la loi. ()Andorre - Article 85 de la Constitution1. La Justice est rendue, au nom du peuple andorran, exclusivement par des juges indpendants,inamovibles et, dans lexercice de leurs fonctions juridictionnelles, soumis uniquement la Constitution et la loi. ()Autriche - Article 87 de la Constitution1. Les juges sont indpendants dans lexercice de leurs fonctions judiciaires. ()Rpublique tchque - Article 81 de la ConstitutionLe pouvoir judiciaire est exerc au nom de la rpublique par des tribunaux indpendants.Gorgie - Article 84 de la Constitution1. Les juges sont indpendants dans leurs activits et ne sont soumis qu la Constitution et la loi. Touteimmixtion dans les activits des juges pour influer sur leurs dcisions est interdite et punie par la loi.Allemagne - Article 97 de la Loi fondamentale - Indpendance des juges1. Les juges sont indpendants et ne sont soumis qu la loi. ()Grce - Article 87 de la Constitution1. La justice est rendue par des tribunaux constitus de magistrats du sige qui jouissent duneindpendance tant fonctionnelle que personnelle. ()Islande - Article 70 de la ConstitutionToute personne a droit ce que sa cause soit entendue quitablement et dans un dlai raisonnable parun tribunal indpendant et impartial qui statuera sur ses droits et obligations ou sur le bien-fond de touteaccusation en matire pnale dirige contre elle. Les dbats devant le tribunal sont publics sauf si le juge

    en dcide autrement, en application de la loi, en vue de prserver la moralit, lordre public, la scuritnationale ou les intrts des parties en cause.Italie - Article 101.2 de la Constitution

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    2. Bases de nomination ou de promotion

    23. La Recommandation n R(94)12 prvoit que [t]oute dcision concernant la carrireprofessionnelle des juges devrait reposer sur des critres objectifs, et la slection et la carrire

    des juges devraient se fonder sur le mrite, eu gard leurs qualifications, leur intgrit, leurcomptence et leur efficacit .

    24. Dans son Avis n 1 (par. 25), le CCJE recommande en outre aux autorits desEtats membres responsables des nominations et des promotions ou charges deformuler des recommandations en la matire dadopter, de rendre publics et de mettre enuvre des critres objectifs afin que la slection et la carrire des juges soient fondessur le mrite, eu gard leurs qualifications, leur intgrit, leur comptence et leur

    Les juges ne sont soumis qu la loi.Article 104.1 de la ConstitutionLa magistrature constitue un ordre autonome et indpendant de tout autre pouvoir.

    Lettonie - Article 83 de la ConstitutionLes juges sont indpendants et soumis uniquement la loi.Lituanie - Article 109 de la ConstitutionDans la Rpublique de Lituanie, seuls les tribunaux rendent la justice.Les juges et les tribunaux sont indpendants lorsquils rendent la justice.Dans linstruction des affaires, les juges nobissent qu la loi.Les tribunaux statuent au nom de la Rpublique de Lituanie.Portugal - Article 203 de la Constitution - IndpendanceLes tribunaux sont indpendants et ne sont soumis qu la loi.Article 216 de la Constitution - Garanties et incompatibilit1. Les juges sont inamovibles. Ils ne pourront tre muts, suspendus, mis la retraite ou dmis de leursfonctions en dehors des cas prvus par la loi.2. Les juges ne peuvent tre tenus pour responsables de leurs dcisions, sauf exceptions consignesdans la loi.

    3. Les juges en exercice ne peuvent exercer aucune autre fonction, publique ou prive, hormis lesfonctions denseignement ou de recherche scientifique de nature juridique et non rmunres,conformment la loi.4. Les juges en exercice ne peuvent tre nomms pour participer des commissions de servicetrangres lactivit des tribunaux sans autorisation du conseil suprieur comptent.5. La loi peut tablir dautres cas dincompatibilit avec lexercice de la fonction de juge.Roumanie - Article 123 de la Constitution Lexercice de la justice1. La justice est rendue au nom de la loi.2. Les juges sont indpendants et ils ne sont soumis qu la loi.Fdration de Russie - Article 10 de la ConstitutionLe pouvoir dEtat dans la Fdration de Russie est exerc sur la base de la sparation des pouvoirslgislatif, excutif et judiciaire. Les organes des pouvoirs lgislatif, excutif et judiciaire sont indpendants.Article 120 de la Constitution1. Les juges sont indpendants et ne sont soumis qu la Constitution de la Fdration de Russie et laloi fdrale. ()Slovnie - Article 125 de la Constitution - Indpendance des jugesLes juges, dans lexercice de leur fonction de juges, sont indpendants. Ils sont lis par la Constitution etpar la loi.Turquie - Article 138 de la ConstitutionLes juges sont indpendants dans lexercice de leur fonctions ; ils statuent conformment laConstitution, la loi et au droit et selon leur conviction intime.Nul organe, autorit, instance ou individu ne peut donner dordres ou de directives aux tribunaux ou auxjuges, leur envoyer des circulaires, ou leur faire de recommandations ou suggestions concernantlexercice de leur pouvoir juridictionnel.On ne peut ni poser de question ni organiser de discussions ni faire de dclarations daucune sorte lAssemble lgislative en rapport avec lexercice du pouvoir juridictionnel dans le cadre dun procs encours.

    Exemple de codification au niveau de la loi : au Royaume-Uni, larticle 3 de la loi de rforme

    constitutionnelle de 2005 prvoit que tous les ministres ayant des comptences relatives au systmejudiciaire ou ladministration de la justice doiventveiller au maintien de lindpendance du pouvoirjudiciaire .

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    efficacit . Le mrite ne se mesure pas seulement aux connaissances juridiques, auxcomptences analytiques ou lexcellence intellectuelle. Son valuation devrait aussiprendre en compte la personnalit, la sret de jugement, laccessibilit, laptitude lacommunication, lefficience dans llaboration des dcisions, etc.

    25. Il est indispensable que les juges aient le sens de la justice et le sens de lquit. Enpratique, toutefois, lvaluation de ces critres peut savrer malaise. Il importe quen lamatire les procdures soient transparentes et la pratique cohrente.

    26. Enfin, si le mrite doit tre le critre prpondrant, la diversit des juges est un lmentpropre accrotre la confiance du public et sa reconnaissance du systme judiciaire dans sonensemble. La magistrature nest pas reprsentative, mais elle doit tre ouverte et accessible toutes les personnes qualifies issues de lensemble des secteurs de la socit3.

    27. Le principe selon lequel toutes les dcisions concernant la nomination et la carrireprofessionnelle des juges devraient tre fondes sur le mrite, valu au moyen decritres objectifs dans le cadre de la loi, ne saurait tre contest.

    3. Organes de nomination et consultatifs

    28. La Recommandation n R(94)12 laisse apparatre une prfrence pour un conseil de lamagistrature, mais admet dautres dispositifs :

    Lautorit comptente en matire de slection et de carrire des juges devrait treindpendante du gouvernement et de ladministration. Pour garantir son indpendance,des dispositions devraient tre prvues pour veiller, par exemple, ce que sesmembres soient dsigns par le pouvoir judiciaire et que lautorit dcide elle-mme deses propres rgles de procdure. Toutefois, lorsque la Constitution, la lgislation ou lestraditions permettent au gouvernement dintervenir dans la nomination des juges, ilconvient de garantir que les procdures de dsignation des juges ne soient pas

    influences par dautres motifs que ceux qui sont lis aux critres objectifssusmentionns.

    29. Le CCJE plaide galement en faveur de lintervention dun organe indpendant(par. 45) : Le CCJE estime que la Charte europenne pour autant quelle prconiselintervention (au sens suffisamment large pour couvrir une opinion, recommandation ou proposition, ainsi quune dcision effective) dune instance indpendante compose dansune grande mesure de reprsentants des juges choisis dmocratiquement par dautres juges va dans la bonne direction, que le CCJE souhaite recommander. Ceci est particulirement important pour les pays qui nont pas de systme prouv aux basesdmocratiques solides.

    30. LAvis n 10 du CCJE sur le Conseil de la Justice au service de la socit prcise cetteposition. Ainsi, on peut lire au paragraphe 16 : Le Conseil de la Justice peut tre compos,soit exclusivement de juges, soit la fois de juges et de non-juges. Dans ces deuxsituations, il convient dviter tout corporatisme. Et plus loin, au paragraphe 19 : Selon leCCJE, une telle composition mixte prsente lavantage dune part dviter le corporatisme etdautre part de reflter les diffrents courants dopinion de la socit et apparatre ainsicomme une source supplmentaire de lgitimation du pouvoir judiciaire. Mme avec unecomposition mixte, le Conseil de la Justice doit fonctionner sans la moindre concession au jeu des majorits parlementaires et des pressions de lexcutif, en dehors de toutesubordination aux logiques partisanes, pour pouvoir se porter garant des valeurs et desprincipes essentiels de la justice.

    3 Voir aussi une conclusion analogue concernant les juges des cours constitutionnelles, Rapport sur lacomposition des cours constitutionnelles, Science et technique de la dmocratie n 20, p. 30.

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    31. La position de la Commission de Venise (CDL-AD(2007)028) est plus nuance :

    44. En Europe, il existe toutes sortes de systmes pour les nominations de juges et ilny a pas un modle unique qui sappliquerait tous les pays.

    45. Dans les dmocraties plus anciennes, le pouvoir excutif a parfois une influencedcisive sur les nominations judiciaires. De tels systmes peuvent fonctionnercorrectement en pratique et ils permettent davoir une magistrature indpendante, carles pouvoirs de cette dernire sont limits par la culture et les traditions juridiques qui sesont dveloppes au fil des dcennies.

    46. En revanche, les nouvelles dmocraties nont pas encore eu la possibilit dedvelopper de telles traditions, qui peuvent empcher les abus. En consquence, aumoins dans ces pays des dispositions constitutionnelles et juridiques explicites sontncessaires en tant que garantie pour empcher les abus politiques dans la nominationdes juges.

    47. Les nominations des juges des juridictions de droit commun (non constitutionnelles)constituent une question quil nest pas souhaitable de soumettre au vote du Parlementparce quon ne peut pas exclure le risque que des considrations politiques lemportentsur les mrites objectifs dun candidat.

    48. Une mthode approprie pour garantir lindpendance de la magistrature consiste crer un conseil de la magistrature, qui doit tre dot de garanties constitutionnellespour sa composition, ses pouvoirs et son autonomie.

    49. Un tel conseil doit avoir une influence dcisive sur la nomination et lavancementdes juges et les mesures disciplinaires leur encontre.

    50. Une partie importante ou la majorit des membres du Conseil de la magistraturedevrait tre lue par les magistrats eux-mmes afin dassurer la lgitimit dmocratiquedu Conseil de la magistrature ; les autres membres devraient tre lus par le Parlementparmi les personnes ayant les comptences juridiques appropries.

    32. En rsum, de lavis de la Commission de Venise, il est appropri, pour garantirlindpendance de la magistrature, quun conseil de la magistrature indpendant joue unrle dterminant dans les dcisions relatives la nomination et la carrire des juges.Du fait de la richesse de la culture juridique en Europe, qui est prcieuse et doit tre prserve,il nexiste pas de modle unique applicable tous les pays. Tout en respectant la diversitdes systmes juridiques, la Commission de Venise recommande aux Etats qui ne lontpas encore fait denvisager de crer un conseil de la magistrature indpendant ou un

    organe similaire. La composition de ce conseil devrait, dans tous les cas, prsenter uncaractre pluraliste, les juges reprsentant une partie importante, sinon la majorit, deses membres. A lexception des membres de droit, ces juges devraient tre lus oudsigns par leurs pairs.

    4. Dure du mandat

    33. Le principe I.3 de la Recommandation n R(94)12 est ainsi libell : Les juges, quils soientnomms ou lus, sont inamovibles tant quils nont pas atteint lge obligatoire de la retraite oula fin de leur mandat.

    34. Le CCJE prcise, dans son Avis n 1 (par. 48), que [d]ans la pratique europenne, lesnominations plein temps jusqu lge lgal de la retraite sont la rgle. Cest l lapproche la

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    moins problmatique du point de vue de lindpendance . Il estime (par. 53) que si lanomination est provisoire ou pour une dure limite, linstance responsable de lobjectivit et latransparence de la mthode employe pour la nomination ou la reconduction une fonction dejuge temps plein sont dune importance capitale .

    35. Cette position concorde avec celle de la Commission de Venise qui, sauf dans des casparticuliers comme les juges des cours constitutionnelles, a toujours t favorable linamovibilit jusqu la retraite.

    36. Les priodes dessai posent cet gard un problme particulier. Cette question est traiteexpressment dans la Charte europenne au paragraphe 3.3 :

    3.3. Lorsque la procdure de recrutement prvoit une priode dessai,ncessairement courte, postrieure la nomination en qualit de juge avant que celle-ci ne soit confirme titre dfinitif, ou lorsque le recrutement seffectue pour une durelimite pouvant tre renouvele, la dcision de ne pas nommer dfinitivement ou de nepas renouveler ne peut tre prise que par linstance indpendante vise au point 1.3 ousur sa proposition ou sa recommandation ou avec son accord ou aprs son avis. Les

    dispositions du point 1.4 sont aussi applicables la personne soumise une priodedessai.

    37. La Commission de Venise sest penche sur cette question de faon approfondie dans sonrapport sur les nominations judiciaires (CDL-AD(2007)028) :

    40. La Commission de Venise considre que la fixation de priodes dessai peut porter atteinte lindpendance des juges, car ceux-ci peuvent avoir le sentiment defaire lobjet de pressions pour statuer dune certaine manire. ()41. Ceci ne devrait pas tre interprt comme excluant toute possibilit de nommer des juges temporaires. Dans les Etats dont le systme judiciaire est relativement rcent, ilpeut tre ncessaire en pratique de sassurer dabord quun juge est rellement capablede sacquitter effectivement de ses fonctions avant de le titulariser. Si les nominations

    lessai sont considres comme indispensables, un refus de confirmer le juge en placedoit se fonder sur des critres objectifs et saccompagner des mmes garantiesprocdurales que celles qui sappliquent lorsquun juge doit tre rvoqu.42. Il sagit avant tout dexclure les facteurs qui pourraient faire natre des doutes quant limpartialit des juges : malgr lobjectif louable que constitue le dsir dassurer unniveau lev grce un systme dvaluation, il est notoirement difficile de concilierlindpendance du juge avec un systme de notation. Si lon doit choisir entre les deux,cest lindpendance du juge qui est la valeur cruciale.43. Afin de concilier la ncessit dun essai/dune valuation avec lindpendance desjuges, il y a lieu de faire remarquer que certains Etats, comme lAutriche, ont instaur unsystme par lequel les futurs juges sont valus au cours dune priode dessaipendant laquelle ils peuvent aider laborer les jugements mais ne peuvent pas encore

    prendre de dcisions de justice, lesquelles sont rserves aux juges titulaires.

    38. En rsum, la Commission de Venise recommande vivement que les juges ordinairessoient nomms titre permanent jusqu leur retraite. Dans le cas de juges en exercice,les priodes dessai posent problme du point de vue de lindpendance.

    5. Inamovibilit et rgime de sanctions disciplinaires - Mutations

    39. Le principe de linamovibilit est implicitement garanti par le principe I.3 de laRecommandation n R(94)12 du Comit des Ministres (voir ci-dessus).

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    40. Le CCJE conclut ce qui suit (au par. 60) : Le CCJE estimea) que linamovibilit des juges devrait tre un lment exprs de lindpendanceconsacre au niveau interne le plus lev (voir paragraphe 16 ci-dessus) ;b) que lintervention dune instance indpendante selon une procdure qui garantitpleinement les droits de la dfense, est dune importance capitale dans les questionsde discipline ; etc) quil serait utile dlaborer des rgles dfinissant non seulement la conduite qui peutconduire la rvocation, mais aussi lensemble des comportements qui peuvententraner des sanctions disciplinaires ou un changement de statut comme par exempleune mutation un autre tribunal ou en un autre lieu.

    41. La question des mutations est traite plus prcisment dans la Charte europenne aupar. 3.4 :

    3.4 Le ou la juge en fonction dans un tribunal ne peuvent en principe faire lobjetdune nouvelle nomination ou dune nouvelle affectation, mme en promotion, sans yavoir librement consenti. Il ne peut tre fait exception ce principe que dans le cas o

    le dplacement a t prvu titre de sanction disciplinaire et a t prononc, dans celuidune modification lgale de lorganisation judiciaire et dans celui dune affectationtemporaire pour renforcer un tribunal voisin, la dure maximale dune telle affectationtant strictement limite par le statut sans prjudice de lapplication des dispositions dupoint 1.4.

    42. Cette position cadre avec lapproche suivie par la Commission de Venise lorsquelleexamine des Constitutions nationales.

    43. La Commission de Venise a invariablement dfendu linscription du principe delinamovibilit dans les Constitutions. Les mutations contre la volont du juge nepeuvent tre autorises qu titre exceptionnel. Concernant les procdures disciplinaires, la

    Commission, dans son rapport sur les nominations judiciaires4

    , se dit favorable ce que cesprocdures relvent de la comptence de conseils de la magistrature ou de juridictionsdisciplinaires. En outre, la Commission a toujours soutenu quil devait tre possible de faireappel des dcisions des instances disciplinaires.

    6. Rmunration des juges

    44. Selon la Recommandation n R (94) 12, la rmunration [des juges] devrait tre garantiepar la loi (principe I.2.b.ii) et tre la mesure de la dignit de leur profession et desresponsabilits quils assument (principe III.1.b). La Charte tend ce principe aux prestationsdassurance-maladie et la pension de retraite, ce quapprouve le CCJE.

    45. Le CCJE ajoute dans son Avis n 1 :

    62. Bien que certains systmes (par exemple dans les pays nordiques) appliquent enla matire les mcanismes traditionnels en absence de formelles dispositions lgales,le CCJE est davis quil est gnralement important (et en particulier dans le cas desnouvelles dmocraties) de fixer les dispositions lgales spcifiques garantissant lessalaires des juges qui protgeraient ces salaires contre les rductions et quiassureraient de facto laugmentation des salaires en fonction du cot de la vie.

    46. La Commission de Venise est galement davis que la rmunration des juges doitcorrespondre la dignit de leur profession et quune rmunration satisfaisante est

    indispensable pour protger les juges contre des ingrences extrieures indues. La4 CDL-AD(2007)028, par. 49.

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    Constitution polonaise, qui garantit aux juges une rmunration en rapport avec la dignit deleur charge et ltendue de leurs missions, est un exemple suivre. Le niveau de larmunration devrait tre tabli en tenant compte de la situation sociale dans le pays considrainsi que du niveau de rmunration des hauts fonctionnaires. La rmunration devrait tredtermine en fonction dun barme gnral et de critres objectifs et transparents, et nondune valuation de la performance individuelle du juge. Les primes dont lattribution comporteun lment dapprciation devraient tre exclues.

    47. Dans plusieurs pays, notamment post-socialistes, les juges bnficient galementdavantages en nature tels que des appartements, des voitures, etc. Cette rmunration nonpcuniaire a deux principales origines historiques. La premire est lancien systme socialistede rpartition des biens, qui reposait sur la planification centralise. Certains groupes, dont lesjuges, jouissaient dun accs privilgi certains biens, notamment les logements. Il sagissaitdun avantage considrable attach la fonction de juge.

    48. Cette pratique a ensuite perdur pendant la priode de transition post-socialiste verslconomie de march. Les prix de limmobilier ayant explos, les agents de lEtat, y compris

    les juges, taient dans lincapacit dacheter un logement convenable. L encore, lattributiondun appartement tait lun des avantages lis la fonction de juge. Aujourdhui, les jeunes juges, en particulier, peuvent avoir des difficults pour acheter un bien immobilier ; aussi lesystme dattribution de logements a-t-il t maintenu.

    49. Les attributions de logements sont une source de proccupation, mais il est vrai quil nestpas simple dassurer aux juges un niveau de vie appropri, y compris un logement. Unargument avanc en faveur de ces avantages en nature est quils peuvent tre attribus enfonction des besoins individuels, alors que les salaires sont fixs au mme niveau pour tous les juges dune catgorie donne sans possibilit daider ceux qui ont un besoin particulier.Toutefois, cette apprciation des besoins sociaux et les diffrences quelle tablit entre lesjuges ouvrent la porte des abus et lapplication de critres subjectifs.

    50. Mme si ces avantages sont prvus par la loi, il y a toujours une marge dapprciation dansleur attribution. Cest pourquoi ils reprsentent une menace potentielle pour lindpendancejudiciaire. Si, dans certains pays, il peut tre difficile dabolir immdiatement ces avantages ennature dans la mesure o ils rpondent un besoin ressenti de justice sociale, la Commissionde Venise recommande de les faire disparatre progressivement au profit dune rmunrationfinancire de niveau satisfaisant.

    51. En rsum, la Commission de Venise estime que la loi devrait garantir aux juges unniveau de rmunration conforme la dignit de leur charge et ltendue de leursmissions. Les primes et les avantages en nature, dont lattribution comporte un lmentdapprciation, devraient tre supprims progressivement.

    7. Budget de la justice

    52. Pour prserver lindpendance du systme judiciaire court et long terme, il estindispensable de le doter de ressources suffisantes pour que les tribunaux et les juges soienten mesure de respecter les normes tablies larticle 6 de la Convention europenne desdroits de lhomme et dans les Constitutions nationales et daccomplir leurs missions aveclintgrit et lefficacit requises pour que la population ait confiance dans la justice et ltat dedroit. Pour valuer les besoins en financement, il faut donc considrer lensemble desressources dont le systme judiciaire devrait tre dot afin de satisfaire ces exigences et dese voir reconnu en tant que pouvoir indpendant.

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    53. LEtat a le devoir dallouer des ressources financires suffisantes au systme judiciaire.Mme en temps de crise, le bon fonctionnement et lindpendance des juges ne doivent pastre mis en pril. Le financement des tribunaux ne doit pas tre fond sur des dcisionsdiscrtionnaires de la part des organes publics, mais sur des critres objectifs et transparentsgarantissant sa stabilit.

    54. Les textes internationaux ne prvoient pas lautonomie budgtaire du systme judiciaire,mais il est minemment souhaitable de prendre en compte lavis des magistrats lors dellaboration du budget. La position du CCJE ce sujet est expose dans son Avis n 2 sur lefinancement et la gestion des tribunaux :

    5. Le CCJE reconnat que bien que le financement des tribunaux soit un lment dubudget prsent au parlement par le ministre des Finances, ce financement ne doit pas tre tributaire des fluctuations politiques. Certes, le niveau de financement quunpays peut se permettre de dgager pour ses tribunaux est une dcision politique ; maisdans un systme fond sur la sparation des pouvoirs, il est toujours ncessaire deveiller ce que ni le pouvoir excutif ni le pouvoir lgislatif ne puisse exercer unequelconque pression sur la justice lorsquil fixe le budget de celle-ci. Les dcisions en

    matire daffectation de fonds aux tribunaux doivent tre prises dans le respect le plusrigoureux de lindpendance des juges.10. Bien que le CCJE ne puisse mconnatre les disparits conomiques entre lespays, le dveloppement dun financement appropri des tribunaux passe par une plusgrande participation de ceux-ci dans le processus dlaboration du budget. Dans cesconditions, le CCJE reconnat quil importe que les dispositions en matire de vote dubudget de la justice par le parlement comportent une procdure qui tienne compte delavis du pouvoir judiciaire.11. Lune des formes possibles de cette implication active de la justice dansllaboration du budget consisterait confier lorgane indpendant charg de lagestion du corps judiciaire, dans les pays o cet organe existe, un rle de coordinationdans la prparation des demandes financires des tribunaux, et faire de cet organe

    un interlocuteur direct du parlement pour lapprciation des besoins des juridictions. Ilserait souhaitable quun organe reprsentant lensemble des juridictions soit charg de prsenter les demandes budgtaires au parlement ou lune de ses commissionsspcialises.

    55. Les dcisions relatives laffectation de ressources financires aux tribunauxdoivent tre prises dans le plus strict respect du principe de lindpendancejudiciaire ; le systme judiciaire devrait avoir la possibilit de donner son avis sur laproposition de budget soumise au parlement, ventuellement par lintermdiaire duconseil de la magistrature.

    8. Absence dinfluence extrieure indue

    56. Lindpendance judiciaire prsente deux aspects complmentaires. Lindpendanceexterne protge le juge contre linfluence des autres pouvoirs de lEtat ; elle est unecomposante essentielle de ltat de droit. Lindpendance interne (voir ci-aprs, section 10)garantit quun juge prend ses dcisions en se fondant uniquement sur la Constitution et lalgislation, et non sur les instructions de juges plus levs dans la hirarchie.

    57. La Recommandation (94)12 nonce ce qui suit (principe I.2.d) : Les juges devraient prendre leurs dcisions en toute indpendance et pouvoir agirsans restrictions et sans tre lobjet dinfluences, dincitations, de pressions, demenaces ou dinterventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit

    ou pour quelque raison que ce soit. La loi devrait prvoir des sanctions lencontre despersonnes cherchant influencer ainsi les juges. Les juges devraient tre absolumentlibres de statuer impartialement sur les affaires dont ils sont saisis, selon leur intime

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    conviction et leur propre interprtation des faits, et conformment aux rgles de droit envigueur. Les juges ne devraient tre obligs de rendre compte aucune personnetrangre au pouvoir judiciaire sur le fond de leurs affaires.

    58. Dans son Avis n 1 (par. 63), le CCJE formule les observations suivantes : Il est pourtant dlicat de dire ce quest une influence indue et de trouver un bonquilibre entre, par exemple, la ncessit de protger la procdure judiciaire contre lespressions et distorsions de toutes sortes, quelles soient dorigine politique, mdiatiqueou autre, et lutilit dune discussion ouverte sur les questions dintrt public au sein dela socit et dans une presse libre. Il faut que les juges acceptent dtre des personnages publics et quils ne soient pas trop susceptibles ou dune constitutionfragile. Le CCJE estime quaucune modification du principe existant ne semblencessaire mais que les juges des diffrents Etats pourraient tirer profit de discussionset dchanges dinformation sur des situations particulires.

    59. Il convient, dans ce contexte, dexaminer la question de la responsabilit pnale et civile etde limmunit des juges. Dans son Avis n 3 sur les principes et rgles rgissant les impratifs

    professionnels applicables aux juges et en particulier la dontologie, les comportementsincompatibles et limpartialit, le CCJE expose la position suivante : 75. En ce qui concerne la responsabilit pnale, le CCJE est davis :i) que le juge devrait tre responsable pnalement dans les termes de droit communpour les infractions commises en dehors de ses fonctions ;ii) que la responsabilit pnale ne devrait pas tre engage lencontre dun jugepour les faits lis ses fonctions en cas de faute non intentionnelle de sa part.76. En ce qui concerne la responsabilit civile, le CCJE considre que, compte tenudu principe de lindpendance :i) il devrait tre remdi aux erreurs judiciaires (que ces dernires aient trait lacomptence, au fond ou la procdure) dans le cadre dun systme de recoursadquat (avec ou sans lautorisation du tribunal) ;

    ii) tout remde pour dautres fautes de la justice (y compris, par exemple, les retardsexcessifs) relve exclusivement de la responsabilit de lEtat ;iii) sauf en cas de faute volontaire, il ne convient pas que dans lexercice de sesfonctions, un juge soit expos une responsabilit personnelle, celle-ci ft-elleassume par lEtat sous la forme dune indemnisation.

    60. La Commission de Venise a prconis une immunit fonctionnelle limite des juges : Les magistrats () ne devraient pas bnficier dune immunit gnrale telle quellefigure dans la Constitution bulgare. Selon les normes gnrales, ils ont effectivementbesoin dtre protgs de poursuites civiles pour des actes accomplis de bonne foidans le cadre de leurs fonctions. Ils ne devraient toutefois pas jouir dune immunitgnrale qui les protgerait contre toute poursuite pour des actes criminels quils

    auraient commis, et pour lesquels ils doivent rpondre devant les tribunaux. (CDL-AD(2003)12, par. 15.a).

    61. Il ne fait aucun doute que lesjuges doivent tre protgs contre toute influence extrieureindue. A cette fin, ils devraient jouir dune immunit fonctionnelle mais exclusivementfonctionnelle (immunit de poursuites pour les actes accomplis dans lexercice de leursfonctions, lexception des infractions intentionnelles, comme lacceptation de pots-de-vin).

    62. De plus, les juges ne devraient pas se retrouver dans une situation o leurindpendance ou leur impartialit puissent tre mises en doute. Cest ce qui justifie lesrgles nationales concernant lincompatibilit de la fonction judiciaire avec dautresfonctions. Cest aussi pourquoi de nombreux Etats restreignent les activits politiquesdes juges.

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    63. Limpartialit est galement prescrite par larticle 6 de la CEDH. Il sagit dune notionvoisine, mais distincte de celle dindpendance. Un juge doit se rcuser quand son interventiondans une affaire prsente une apparence raisonnable de partialit ou de conflit dintrts, quilsoit ou non de parti pris dans la pratique.

    64. Afin que des pressions indues ne viennent pas entraver le cours de la justice, ilconvient denvisager dappliquer le principe du sub judice en le formulantsoigneusement de manire assurer un juste quilibre entre la ncessit de protger,dune part, le cours de la justice et, dautre part, la libert de la presse et le dbat publicsur des questions dintrt gnral.

    9. Caractre dfinitif des dcisions de justice

    65. Selon le principe I.2.a.i de la Recommandation n R (94) 12, les dcisions des jugesne devraient pas tre susceptibles dtre rvises en dehors des procdures de recoursprvues par la loi . Il doit tre entendu que ce principe nexclut pas la possibilit de rouvrirune procdure titre exceptionnel en raison de lapparition de faits nouveaux ou pour

    dautres motifs prvus par la loi.

    66. Alors que, dans son Avis n 1 (par. 65), le CCJE conclut daprs les rponses sonquestionnaire que ce principe semble gnralement respect, lexprience de la Commissionde Venise et la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme tendent montrerque, dans les pays post-sovitiques, le pouvoir de contrle de la Prokuratura quivaut souvent lui permettre de former un recours contre des dcisions de justice qui, en principe, ne sontplus susceptibles dappel.

    67. La Commission de Venise insiste sur le principe selon lequel les dcisions de justice nedevraient pas tre susceptibles dtre rvises en dehors des procdures dappel, enparticulier la suite dun recours form par le ministre public ou tout autre organe de

    lEtat aprs lexpiration du dlai dappel.

    10. Indpendance au sein de lappareil judiciaire

    68. Dans les textes internationaux, la question de lindpendance interne au sein du systmejudiciaire a bnfici dune moindre attention que celle de lindpendance externe. Elle semblepourtant tout aussi importante. Dans plusieurs Constitutions, il est indiqu que les juges nesont soumis qu la loi . Ce principe protge dabord les juges contre toute influenceextrieure indue. Cependant, il peut aussi sappliquer lintrieurdu systme judiciaire. Uneorganisation hirarchique de la magistrature dans laquelle les juges seraient subordonns auxprsidents de tribunaux ou des instances suprieures dans lexercice de leur activitjuridictionnelle porterait manifestement atteinte ce principe.

    69. Les principaux lments prendre en considration sont clairement exposs par le CCJE :

    64. Il sagit avant tout de souligner ici quun juge dans lexercice de ses fonctions nestlemploy de personne ; il exerce une fonction de lEtat. Il est par consquent leserviteur de la loi et il nest responsable que devant la loi. Il est vident quun juge lorsde lexamen dun cas nagit sur aucun ordre ou instruction de la part dun tiers au seinou lextrieur du systme judiciaire.

    66. Le CCJE note le risque potentiel que la hirarchie judiciaire interne peut faire pesersur lindpendance des juges. On sait que lindpendance suppose non seulement

    dtre labri dune influence extrieure indue, mais aussi dtre soustrait linfluenceindue qui peut dcouler dans certaines situations de lattitude dautres juges. Les juges

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    devraient tre absolument libres de statuer impartialement sur les affaires dont ils sontsaisis, selon leur intime conviction et leur propre interprtation des faits, etconformment aux rgles de droit en vigueur (Recommandation n R (94) 12, PrincipeI (2)(d)). Il sagit ici des juges pris isolment. Les termes employs nexcluent pas lesdoctrines comme celle du prcdent dans les pays de Common law (cest--direlobligation dun juge dune juridiction de degr infrieur de se conformer une dcisionantrieure prise par une Cour de degr suprieur sur un point de loi soulevdirectement dans une affaire ultrieure).

    70. Ladoption par la Cour suprme ou une autre instance suprieure de lignes directricescontraignantes pour les juridictions infrieures pratique en vigueur dans certains pays post-sovitiques pose problme cet gard.

    71. La Commission de Venise a systmatiquement dfendu le principe de lindpendanceindividuelle de chaque juge :

    Enfin, confrer la Cour suprme la comptence dexercer la surveillance delactivit des tribunaux de droit commun, en vertu de larticle 51 par. 1er, semble

    contraire au principe de lindpendance de ces derniers. Si la Cour suprme doitpouvoir casser les jugements des tribunaux infrieurs, ou les reformer, elle ne sauraitexercer une surveillance sur leur activit. (CDL-INF(1997)6, par.6).

    Dans un systme fond sur lindpendance de la justice, les juridictions suprieuresassurent la cohrence de la jurisprudence sur lensemble du territoire national par lesdcisions quelles rendent dans les affaires dont elles sont saisies. Les tribunauxinfrieurs, sans tre formellement lis par les prcdents judiciaires dans la traditionde civil law, par opposition la tradition de common law, tendent se conformer auxprincipes noncs dans les dcisions des juridictions suprieures pour viter que les jugements quils rendent soient infirms en appel. De plus, des rgles de procdureexpresses contribuent assurer la cohrence entre les diffrentes branches du

    pouvoir judiciaire. Le projet ici examin scarte fondamentalement de ce principe. Ilconfre la Cour suprme (article 51, paragraphe 2, alinas 6 et 7) et, de manireplus restrictive, lAssemble plnire des cours suprmes spcialises (article 50, paragraphe 1), la facult dadresser aux tribunaux infrieurs des recommandationsou explications sur les questions qui concernent lapplication de la lgislation. Unetelle mthode na gure de chances de favoriser lapparition de tribunauxvritablement indpendants en Ukraine et comporte le risque que les magistrats seconduisent comme des fonctionnaires soumis aux ordres de leurs suprieurs. Laconception hirarchique du projet est illustre galement par les vastes pouvoirsreconnus au prsident de la Cour suprme (article 59). Celui-ci exerce apparemmentces pouvoirs extrmement importants titre individuel, sans avoir consulterlAssemble plnire ni le Prsidium. (CDL-INF(2000)5, section intitule Cration

    dun appareil judiciaire strictement hirarchis )

    Par indpendance judiciaire, on nentend pas seulement lindpendance dusystme judiciaire dans son ensemble vis--vis des autres pouvoirs de lEtat, maisaussi une indpendance interne. Chaque juge, quelle que soit sa place danslappareil judiciaire, exerce le mme pouvoir de juger. Par consquent, lorsquil renddes dcisions de justice, il doit aussi tre indpendant des autres juges ainsi que duprsident du tribunal et de toute autre juridiction (quil sagisse de la cour dappel oudautres instances suprieures). La rflexion se porte dailleurs de plus en plus surlindpendance interne des juges. Un haut conseil de la magistrature est le mieux mme de garantir la protection de lindpendance judiciaire, tant internequexterne, comme saccordent le reconnatre les principaux documentsinternationaux consacrs la question de lindpendance judiciaire. (CDL(2007)003par. 61)

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    72. En rsum, la Commission de Venise souligne quen vertu du principe delindpendance judiciaire interne, lindpendance individuelle de chaque juge estincompatible avec une relation de subordination des juges dans lexercice de leuractivit juridictionnelle.

    11. Rpartition des affaires et droit au juge naturel

    73. Comme cela a dj t indiqu, la question de lindpendance interne se pose nonseulement entre les juges des juridictions infrieures et des juridictions suprieures, mais aussientre le prsident ou le prsidium dun tribunal et les autres juges de ce tribunal, ainsi quentreces juges.

    74. Dans beaucoup de pays, la rpartition des affaires entre les diffrents juges permet auxprsidents de tribunaux dexercer une forte influence. En ce qui concerne lattribution desaffaires, la Recommandation n R(94)12 nonce des principes (principes I.2.e et f) que lonpeut considrer comme constitutifs de la notion dindpendance judiciaire :

    La distribution des affaires ne devrait pas tre influence par les souhaits dune partie une affaire ni daucune personne concerne par la dcision cet gard. Cettedistribution peut, par exemple, tre faite par tirage au sort ou selon une rpartitionautomatique suivant lordre alphabtique ou un systme analogue.

    Un juge ne peut tre dessaisi dune affaire sans juste motif, comme une maladiegrave ou lexistence dun intrt personnel en la matire. Toute raison ainsi que les procdures de dessaisissement devraient tre prvues par la loi et ne devraient pastre influences par tout intrt du gouvernement ou de ladministration. Une dcisiontendant dessaisir un juge dune affaire devrait tre prise par une autorit jouissant dela mme indpendance sur le plan judiciaire que les juges.

    75. Dans le mme ordre dides, selon la Commission de Venise, [l]a procdure de rpartitiondes affaires entre les juges devrait sappuyer sur des critres objectifs . (CDL-AD(2002)026,par. 70.7).

    76. La Convention europenne des droits de lhomme dispose que toute personne a droit ce que sa cause soit entendue quitablement et publiquement par un tribunal indpendant etimpartial, tabli par la loi (article 6 CEDH). Selon la jurisprudence de la Cour, lintroduction duterme tabli par la loi dans larticle 6 a pour objet dviter que lorganisation du systmejudiciaire dans une socit dmocratique (...) ne soit laisse la discrtion de lExcutif et defaire en sorte que cette matire soit rgie par une loi du Parlement 5. Dans des pays de droitcodifi, lorganisation du systme judiciaire ne saurait pas davantage tre laisse la discrtiondes autorits judiciaires, ce qui nexclut cependant pas de leur reconnatre un certain pouvoirdinterprtation de la lgislation nationale en la matire6.

    77. Cependant, le point le plus important est que, selon les termes exprs de larticle 6, lagarantie de laccs la justice dans les conditions dun procs quitable passe par un tribunalnon seulement tabli par la loi, mais en outre indpendant et impartial sur un plangnral et spcifique. Dans son apprciation de ces critres du procs quitable, la Cour deStrasbourg applique la maxime selon laquelle il faut non seulement que la justice soit rendue,mais aussi quelle apparaisse comme telle . Il ressort de ces considrations que les affaires

    5Voir Zand c. Autriche, requte n 7360/76, rapport de la Commission du 12 octobre 1978, Dcisions et

    rapports (DR) 15, pp. 70 et 80.6 Voir Come et autres c. Belgique, ns 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, 98,CEDH 2000-VII.

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    ne doivent pas tre confies des juges ou des collges de juges sur une base ad hocet/ouad personam, mais en fonction de critres objectifs et transparents.

    78. De nombreuses Constitutions europennes prvoient un droit subjectif au juge lgal(souvent dsign dans la jurisprudence par lexpression juge naturel prconstitu par la loi ).La garantie de ce droit est le plus souvent formule de manire ngative, comme dans laConstitution belge (article 13) Nul ne peut tre distrait, contre son gr, du juge que la loi luiassigne ou la Constitution italienne (article 25 par.1) Nul ne peut tre soustrait au jugenaturel prconstitu par la loi 7. Dautres Constitutions noncent le droit au juge naturel dans des termes positifs, comme la Constitution slovne (article 23) Chacun a le droit ceque le tribunal institu, sans dlais inutiles, se prononce indpendamment, impartialement etconformment la loi, sur ses droits et devoirs, ainsi que sur les accusations portes sonencontre 8.

    79. On peut distinguer deux dimensions dans cette garantie. Lune a trait au tribunal dans sonensemble. Lautre concerne le juge ou le collge de juges charg de laffaire considre. Sur leplan des principes, il est vident que les deux dimensions du droit au juge naturel doivent

    retenir lattention. Il ne suffit pas que le tribunal (ou la juridiction) comptent pour une affairedonne soit fix lavance. Il est indispensable que lordre dattribution des affaires auxdiffrents juges (ou collges de juges) au sein de cette juridiction le soit galement, cest--direquil soit rgi par des principes gnraux objectifs. Il est souhaitable de prciser clairement qui incombe en dernier ressort la responsabilit de la bonne rpartition des affaires. Dans leslgislations nationales, il est parfois prvu que les prsidents de tribunaux ont comptence pourattribuer les affaires aux diffrents juges. Cette comptence comporte toutefois un lmentdiscrtionnaire qui peut tre utilis de manire abusive pour exercer des pressions sur les juges en les surchargeant daffaires ou en leur attribuant uniquement des affaires de secondplan. Il permet galement de rserver les affaires politiquement sensibles certains juges etdviter de les confier dautres. Cela peut tre une manire trs efficace dorienter lissue dela procdure.

    80. Afin de renforcer limpartialit et lindpendance du systme judiciaire, il est vivementrecommand de dterminer lordre de traitement des affaires par les juges en fonction decritres gnraux. Lattribution peut se faire, par exemple, selon lordre alphabtique, au moyendun systme informatis ou sur la base de critres objectifs tels que la catgorie de laffaire.Les rgles gnrales (y compris les exceptions) devraient tre dfinies par la loi ou par unrglement spcial fond sur la loi, par exemple le rglement du tribunal tabli par le prsidiumo le prsident. Il nest pas toujours possible de mettre en place un systme conceptuel duneporte exhaustive, qui soit applicable toutes les affaires et limine tout cas particulierappelant une dcision dattribution. Dans certains cas, il peut tre ncessaire de prendre encompte la charge de travail ou la spcialisation des juges. Pour certaines questions juridiquesparticulirement complexes, il peut tre utile de faire appel juges spcialistes du domaine

    7 Voir aussi article 24 de la Constitution estonienne : Nul ne peut tre transfr contre sa libre volont, dela juridiction dun tribunal tablie par la loi la juridiction dun autre tribunal. ; article 8 de la Constitution grecque : Nul ne peut tre distrait contre son gr du juge que la loi lui a assign. ; article 33 de la Constitution duLiechtenstein : Nul ne peut tre distrait de son juge lgal ; il ne peut tre institu de tribunaux dexception. ;article 13 de la Constitution du Luxembourg : Nul ne peut tre distrait contre son gr du juge que la loi luiassigne. ; article 17 de la Constitution nerlandaise : Nul ne peut tre distrait contre son gr du juge que la loi luiassigne. ; article 83 de la Constitution autrichienne : Nul ne doit tre soustrait son juge lgal. ; article 32 par. 9de la Constitution portugaise : Aucune affaire ne peut tre retire au tribunal dont la comptence a t dterminepar une loi antrieure. ; article 48 de la Constitution slovaque : Nul ne peut tre cart de la juridiction du jugelgalement comptent. La comptence du tribunal est fixe par la loi. ; article 101 de la Loi fondamentaleallemande : Nul ne doit tre soustrait son juge lgal. .8 Voir aussi article 30 de la Constitution suisse : Toute personne dont la cause doit tre juge dans une

    procdure judiciaire a droit ce que sa cause soit porte devant un tribunal tabli par la loi, comptent,indpendant et impartial. ; article 24 de la Constitution espagnole : De mme, chacun a droit au jugeordinaire dtermin pralablement par la loi () .

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    considr. Par ailleurs, il peut tre prudent daffecter les juges nouvellement nomms uncollge comprenant des membres plus expriments. Enfin, il peut tre judicieux, lorsquuntribunal doit rendre une dcision taye dans une affaire complexe ou appele faire date, quecette affaire soit confie des juges confirms. Quoi quil en soit, il faudrait dfinir lavancedans quels cas la dcision dattribution dune affaire est prise par le prsident ou le prsidiumdu tribunal. En principe, cette dcision devrait tre susceptible de contrle.

    81. En rsum, la Commission de Venise recommande vivement que lattribution desaffaires aux diffrents juges soit rgie autant que possible par des critres objectifs ettransparents, tablis lavance par la loi ou par un rglement spcial fond sur la loi,comme le rglement du tribunal. Les exceptions devraient tre motives.

    IV. CONCLUSIONS

    82. Les Etats devraient respecter les normes suivantes afin de garantir lindpendancejudiciaire interne et externe :

    1. Les principes fondamentaux relatifs lindpendance des juges devraient tre inscritsdans la Constitution ou un texte quivalent. Ces principes sont les suivants : le pouvoirjudiciaire est indpendant des autres pouvoirs de lEtat ; les juges ne sont soumis qula loi ; ils ne se distinguent que par leurs fonctions ; principe du juge naturel ou lgalprconstitu par la loi ; principe de linamovibilit des juges.

    2. Toutes les dcisions concernant la nomination et la carrire professionnelle des jugesdevraient tre fondes sur le mrite, valu au moyen de critres objectifs dans lecadre de la loi.

    3. Les rgles relatives lincompatibilit de la fonction judiciaire avec dautres fonctions et la rcusation des juges sont une composante essentielle de lindpendance judiciaire.

    4. Il est appropri, pour garantir lindpendance de la magistrature, quun conseil de lamagistrature indpendant joue un rle dterminant dans les dcisions relatives la

    nomination et la carrire des juges. Tout en respectant la diversit des systmesjuridiques, la Commission de Venise recommande aux Etats qui ne lont pas encore faitdenvisager de crer un conseil de la magistrature indpendant. La composition de ceconseil devrait, dans tous les cas, prsenter un caractre pluraliste, les jugesreprsentant une partie importante, sinon la majorit, de ses membres. A lexceptiondes membres de droit, ces juges devraient tre lus ou dsigns par leurs pairs.

    5. Les juges ordinaires devraient tre nomms titre permanent jusqu leur retraite.Dans le cas des juges, les priodes dessai posent problme du point de vue delindpendance.

    6. Les conseils de la magistrature, ou les juridictions disciplinaires, devraient jouer un rledterminant dans les procdures disciplinaires. Il devrait tre possible de faire appeldes dcisions des instances disciplinaires.

    7. Il faudrait garantir aux juges un niveau de rmunration conforme la dignit de leurcharge et ltendue de leurs missions.

    8. Les primes et les avantages en nature, dont lattribution comporte un lmentdapprciation, devraient tre supprims progressivement.

    9. Concernant le budget de la justice, les dcisions relatives laffectation de ressourcesfinancires aux tribunaux devraient tre prises dans le plus strict respect du principe delindpendance judiciaire. Le systme judiciaire devrait avoir la possibilit de donner sonavis sur la proposition de budget soumise au parlement, ventuellement parlintermdiaire du conseil de la magistrature.

    10. Les juges devraient jouir dune immunit fonctionnelle mais exclusivementfonctionnelle.

    11. Les juges ne devraient pas se retrouver dans une situation o leur indpendance ouleur impartialit puissent tre mises en doute. Cest ce qui justifie les rgles nationales

  • 8/3/2019 RAPPORT SUR LINDPENDANCE DU SYSTME JUDICIAIRE PARTIE I LINDPENDANCE DES JUGES

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    concernant lincompatibilit de la fonction judiciaire avec dautres fonctions. Cest aussipourquoi de nombreux Etats restreignent les activits politiques des juges.

    12. Les Etats peuvent tablir que la fonction judiciaire est incompatible avec dautresfonctions. Les juges ne doivent pas exercer de fonctions excutives. Les activitspolitiques susceptibles de nuire limpartialit judiciaire ne doivent pas tre autorises.

    13. Les dcisions de justice ne devraient pas tre susceptibles dtre rvises en dehorsdes procdures dappel, en particulier la suite dun recours form par le ministrepublic ou tout autre organe de lEtat aprs lexpiration du dlai dappel.

    14. Afin que des pressions indues ne viennent pas entraver le cours de la justice, il convientdenvisager dappliquer le principe du sub judice en le formulant soigneusement demanire assurer un juste quilibre entre la ncessit de protger, dune part, le coursde la justice et, dautre part, la libert de la presse et le dbat public sur des questionsdintrt gnral.

    15. Le principe de lindpendance judiciaire interne implique que lindpendanceindividuelle de chaque juge est incompatible avec une relation de subordination desjuges dans lexercice de leur activit juridictionnelle.

    16. En application du principe du juge naturel ou lgal prconstitu par la loi, lattribution

    des affaires aux diffrents juges devrait tre rgie par des critres objectifs ettransparents, tablis lavance par la loi ou par un rglement spcial fond sur la loi,comme le rglement du tribunal. Les exceptions devraient tre motives.