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Raymond DEPARDON, photographe et cinéaste

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Etude sur le travail de Raymond Depardon, photographe et cinéaste. Etude du cinéma de type documentaire au travers de son œuvre, et de l'influence de son œil de photographe dans sa manière d'aborder ces films.

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 SOMMAIRE   

  Avant propos  

Introduction   

I. Entre photographie et cinéma : la retranscription d’une réalité ordinaire   

1. La photographie et le cinéma : des médias d’images. Définitions et théories. 

2. Depardon photographe et Depardon cinéaste : corrélations et influences. 3. La place de la photographie dans le cinéma de Depardon.  

  II. Les cinémas de Raymond Depardon 

  

1. La réalité quotidienne du cinéma de Depardon 2. Distance et fixité du cadre  3. Mouvements et prises sur le vif 

  

Conclusion  Bibliographie   Raymond Depardon : Biographie 

Bibliographie  Filmographie 

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AVANT PROPOS  

Choisir un  sujet  répondant au  thème du  cinéma documentaire ne  c’est pas avéré chose aisée pour ma part. N’ayant que très peu de connaissances en la matière,  j’ai  privilégié  le  choix  d’un  cinéaste  plutôt  que  d’une  école,  d’un mouvement  ou  d’une  thématique  afin  de  « limiter »  les  choix  qui  m’étaient offerts en termes d’analyse cinématographique et théorique. 

Ainsi,  mon  choix  s’est  porté  sur  l’œuvre  de  Raymond  Depardon. Photographe,  cinéaste et  auteur de  textes, Raymond Depardon  est parvenu  à s’imposer comme un cinéaste de talent.  

 « Raymond Depardon est d’ores et déjà l’homme du miracle. Il est à peu près le seul photographe qui ait réussi son passage au cinéma »1.   

La  relation  entre  la  photographie  et  le  cinéma  était  une  piste  que  je souhaitais  explorer  en  premier  lieu.  Le  but  étant  de  savoir  si  R.  Depardon percevait son travail cinématographique comme un prolongement de son métier de photographe et en quoi ces rôles  influaient  l’un sur  l’autre. Cela m’a permis d’effectuer  des  recherches  sur  des  photographes  dont  nous  avons  évoqué  le travail  en  cours  qui  abordent  le  cinéma  durant  leurs  carrières  comme  le  fait Depardon. 

Au  cours  des  recherches  effectués  sur  son œuvre,  notamment  par  le visionnage d’un certain nombre de ces films documentaires, j’ai été frappée par une scission entre un cinéma fixe, avec une distance assumée et un cinéma du mouvement, régulièrement en rapport à des situations de tournage particulière (lieu de guerre et de combats, chasses poursuites au côté de reporters…) 

1 Serge Daney, « La Comédie humaine », Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Page 63.

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INTRODUCTION  Raymond  Depardon  est  un  homme  à  la  carrière  prolifique. 

« Boulimique »2 de l’image, il est à la fois photographe, cinéaste et écrivain.  D’abord reporter photographe pour l’agence Dalmas, R. Depardon fonde 

sa  propre  agence  en  1966 avec Gilles  Caron:  l’agence Gamma,  par  le  biais  de laquelle il couvrira un grand nombre d’événements dont certains inspireront des films marquants  dans  sa  carrière  cinématographique  (Tchad,  Liban…).  Puis,  il quitte l’agence Gamma pour l’agence Magnum où commence pour R. Depardon une  recherche  de  l’intime  et  du  personnel,  vers  ce  que  les  images photographiées ne montrent pas. Il va donc s’essayer à  l’écriture,  il publiera un certain  nombre  d’ouvrages  photographiques  annotés  par  ces  soins  afin d’exprimer  ce  que  l’image  ne  peut  retranscrire.  Il  s’éloigne  ainsi  du photoreportage  pour  chercher  un  autre  mode  d’expression  en  mesure  de représenter la réalité de façon brute : le cinéma.  

 Dans  de  nombreux  films  de  Depardon,  on  peut  observer  une  certaine 

« fixité  »  de  l’image,  la  caméra  ne  bouge  pas  ou  peu.  C’est  comme  s’il  se préparait  à  prendre  une  photographie  au  moyen  d’une  caméra.  A  l’inverse, d’autres rappellent le photojournalisme, la prise en direct ; « sur le vif ». Se sont les deux types de cinéma de Raymond Depardon.   

Sa  démarche  ne  semble  pas  viser  à  répéter  ses  connaissances  de photographe en cinéma;  il s’agirait plutôt de retranscrire quelque chose que  la photographie serait  incapable de transmettre, par  le biais d’un autre « média » en l’occurrence, le cinéma. Son but n’est semble t‐il pas de faire de belles images « Si  tu  veux  faire  des  belles  images,  prend  ton  appareil  photo »3 mais  plutôt d’écouter.  « […]  si  tu  bouges,  tu  ne  dégages  pas  l’écoute  parce  que  tu  la perturbes. Ce qui est important, c’est l’écoute »4.    Ainsi, le travail qui va suivre tentera de dégager les impacts que le métier de photographe a pu avoir sur l’œuvre du cinéaste et vise versa.  

Quel est la place de l’expérience photographique de Raymond Depardon dans ces réalisations cinématographiques ? 

En quoi peut‐on dire que son cinéma est un « cinéma du réel » ?  Cela  passera  dans  un  premier  temps  par  la  définition  de  ce  que  sont 

réellement ces deux médias de  l’image et ce qui  les différencie  l’un de  l’autre. Puis par  les  influences qu’ils ont  l’un sur  l’autre dans  l’œuvre de Depardon tout comme  dans  celle  d’autres  photographes‐cinéastes.  Enfin,  nous  tenterons  de dégager  les « types » de cinéma de Depardon :  la  fixité du cadre et  la mise en distance du sujet puis la caméra d’action, la prise en direct et les mouvements.  

2 Martine Robert, « Je veux imposer mon regard », L’Œil, n°609, Janvier 2009 3 Raymond Depardon, citation extraite de L’être photographe, Raymond Depardon, entretien avec Christian Caujolle, Ed. de L’aube, Condé‐sur‐Noireau, 2007. Page 35. 4 Raymond Depardon, citation extraite de L’être photographe, Raymond Depardon, entretien avec Christian Caujolle, Ed. de L’aube, Condé‐sur‐Noireau, 2007. Page 39.

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Entre photographie et cinéma : la retranscription d’une réalité de l’ordinaire. 

  

1. La photographie et le cinéma : des médias d’images. Définitions et théories. 

 On  ne  peut  nier  que  la  photographie  tout  comme  le  cinéma  relèvent 

chacun de pratiques qui  leur sont propres, mais également de  la personne qui les met en œuvre. Toutefois, on ne peut pas non plus nier qu’un certain nombre d’entre elles tendent à se recouper : on peut notamment parler de la lumière, de l’angle  de  vue,  du  cadrage,  ou  encore  du  choix  du  sujet.  Tous  ces  éléments tiennent autant des connaissances techniques de l’individu que de son approche sensible  (sorte  de  prédisposition(s)  naturelle(s),  innée(s))  ou  encore  de l’expérience, du tâtonnement et de la découverte « sur le tas ». 

D’ordinaire,  on  oppose  la  photographie  au  cinéma  en  fonction  d’un mouvement et d’une  temporalité. « Une  répartition  traditionnelle attribue à  la photographie la saisie de l’instant – ne dit‐on pas un instantané ? – tandis que le cinéma est perçu  comme un art du  temps. »5  . Ainsi,  il  faudrait admettre que rien ne pourrait être fixe dans ce qui est filmable et que rien ne pourrait bouger dans ce qui est photographiable. En somme, ces deux arts seraient relatifs à des temporalités différentes, or, nous savons que ce qui est photographié n’est pas nécessairement  fixe et  immobile. De  la même  façon, ce qui est  filmé n’est pas nécessairement  en  mouvement.  Le  cinéma  plus  que  tout  autre  média  peut témoigner de l’immobilité réelle de quelque chose. Depardon l’illustre d’ailleurs dans ces œuvres à la fois photographiques et cinématographiques. 

 De plus, ces deux supports disposent des mêmes  racines concernant  le « langage »  de  l’image  qu’ils  retranscrivent.  Pour  l’un  comme  pour  l’autre,  il s’agit de déterminer un  cadre, une  lumière, une distance, un décor, etc. Si on décompose  l’image cinématographique, alors, on s’aperçoit qu’elle n’est en fait qu’une  succession  d’images  capturées  (et  en  cela  photographiées).  Le mécanisme  de  la  caméra  permettant  une  accélération  des  prises  de  vues ;  le cinéma ne  serait donc par déduction qu’un mode de photographies en  rafales accompagnées d’un son. 

 De  là  découle  la  complexité  de  la  limite  entre  ces  deux  pratiques  de l’image.  En  effet,  l’accélération  de  la  prise  d’image  peut  être  assimilée  à  une succession  d’instants  T  (de  photographies  donc,  selon  la  définition  courante) pour  en  faire  un  mouvement  (le  cinéma).  On  peut  ainsi  déterminer  que  la temporalité  est différente  en photographie  et  en  cinéma.  Toutefois,  il  semble important  de  souligner  que  bien  que  la  perception  de  la  photographie  est instantanée, elle n’en est pas moins  le  résultat d’un processus  temporel ; celui de l’observation du photographe, où son œil et son corps tout entier participent à  l’immortalisation  de  l’instant. Ainsi,  « chaque  photographie  dite  instantanée est, de son côté, la trace non pas d’un instant‐ jamais visible en tant que telle ‐, 

5 Fleisher Alain « l’image, entre l’instant et le temps », Les laboratoires du temps : écrits sur le cinéma et la photographie 1, Ed. Galaade, 2008. Page 78.

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mais d’une perception, d’une analyse de l’espace, des événements visuels, de la lumière, qui ont précédé  le moment où  le doigt a appuyé sur  le bouton. »6 . La photographie est donc sujette à une temporalité plus étendu que l’instant qu’on lui attribut d’ordinaire. Elle se rapproche donc en cela de la temporalité que l’on attribut au cinéma. 

On  peut  dire  que  la  frontière  entre  ces  deux  pratiques  de  l’image  est mince. De là, on est en droit de s’interroger sur les motivations qui nourrissent le passage  d’un  média  à  l’autre.  C’est  peut‐être  l’envie,  le  désir  ou  encore  le besoin. Le besoin de retranscrire autre chose, de rendre compte de la réalité par un autre biais que celui de « l’image de l’instant ».  

 2. Depardon photographe et Depardon cinéaste : corrélations et influences. 

 Le cinéma de R. Depardon se caractériserait selon F. Sabourault par une 

« approche  de  toute  évidence  pragmatique  et  révélatrice  d’un  apprentissage « sur  le  tas » ;  il  n’en  reste  pas  moins  qu’elle  est  empreinte  d’un professionnalisme  qu’il  tient  d’un  apprentissage  parallèle,  celui  de  la photographie notamment. »7. Raymond Depardon a en effet, par son métier de photographe, acquis la faculté d’observer les événements présents, c’est ce que l’on  appelle  « l’œil  du  photographe » ;  et  par  le  cinéma,  il  semble  vouloir  les inscrire dans un  temps qui  leur  sont propres. De  là, on peut  supposer que R. Depardon  tente  de  faire  mesurer  par  le  spectateur,  toute  l’ampleur  de  la situation capturée. 

 Selon P. Fraisse, R. Depardon est un homme « consciencieux c'est‐à‐dire 

méticuleux  dans  ses  approches,  précis  dans  ses  doutes  et  rigoureux  dans  son questionnement »8.  Son  métier  de  photographe  a  donc  forgé  une  sorte  de « code », de rigueur qu’il met en pratique dans son cinéma.   

A ces débuts, R. Depardon s’impose  la contrainte de « ne pas couper ». Son manque  de  pratique  ne  lui  permettait  sûrement  pas  de  juger  de  ce  qui devait  être  filmé  et  donc,  afin  de  rendre  compte  de  la  véracité  des  faits,  il s’imposait  la  contrainte  de  filmer  en  continu  les  événements.  «Je  filme  les choses  jusqu‘au bout. Je crois qu’une certaine vérité se révèle un peu à travers ces plans  séquences que  je ne peux pas manipuler. »9 Puis,  la pratique  et  les progrès technique en termes de capture d’images et de sons, ont fait évoluer sa vision  du  cinéma.  Il  semblerait  que  l’apogée  de  cette  rigueur  survient  avec Urgences (1988), où la distance et la fixité du cadre face au sujet qu’il filme sont deux données essentielles de son cinéma documentaire de R. Depardon.  

 

6 Fleisher Alain « l’image, entre l’instant et le temps », Les laboratoires du temps : écrits sur le cinéma et la photographie 1, Ed. Galaade, 2008. Page 80. 7 Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992.  8 Philippe Fraisse  « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90. 9 Raymond Depardon, Errance, Seuil, Paris, 2000. Page 114.

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De là, comment mesurer l’impact que la photographie a pu exercée sur le cinéma de R. Depardon ? Et vise versa.   

« La photographie apporte au cinéma de Depardon l’exigence du cadre et la  nécessité  de  l’immobile,  l’exigence  de  la  position.  Le  cinéma  apporte  à  la photographie de Depardon un sens inouï de  la distance qui correspond souvent à  la distance nécessaire pour bien écouter, ou entendre quelqu’un. Depardon filme quand il veut enregistrer la voix »10.  Ainsi, il semblerait que ces « médias » de  représentation  s’enrichissent mutuellement  par  l’acquisition  de  techniques parallèles.  R. Depardon  a  pleinement  conscience  de  l’interaction  de  ces  deux arts. « Lorsque j’ai abordé le cinéma,  à la fin des années 1960, j’ai vite constaté que ma formation de photographe m’imposait un style ; celui de quelqu’un qui n’intervient pas, qui filme sans rien dire ». Toutefois,  il sait que  leurs rôles sont différents, et qu’ils n’aboutissent pas au même résultat. « Une photo, un plan au cinéma, ne fonctionne pas du tout de la même façon. D’ailleurs je n’ai jamais fait de « film photographe ». J’ai toujours séparé les deux pratiques cinéma et photo. Je  commence  seulement  aujourd’hui  à  comprendre  pourquoi  […]  Je me  suis aperçu  que  quand  j’avais  besoin  vraiment  de  montrer  l’instant  décisif,  je préférais me servir de la caméra et du son […] je trouve qu’avec le son, c’est plus fort.»11 Ces débuts au cinéma apparaissent comme un prolongement du photo‐journalisme a  l’instar de d’autres personnalités  telles que Leacock, Pennebaker ou encore Wiseman, cinéastes américains appliquant apparemment ce style de cinéma documentaire.  

 L’acte de  filmer sans couper, qui est en quelque sorte  le  leitmotiv de R. 

Depardon a ces débuts, pourrait être ici assimilé à une situation dans laquelle un photographe  reste  attentif  à  une  action  afin  d’en  saisir  le  cliché  recherché. A l’exception  que  dans  le  cas  d’un  film  documentaire  (tel  que  le  conçoit Depardon),  il ne semble pas y avoir de moment clé,  il n’y a que  l’action qui se déroule et en définitive, on ne sait pas vraiment où  l’action commence, encore moins où elle se termine. Dans Délits flagrants par exemple,  l’action se déroule dans une salle d’interrogatoire où Depardon filme l’échange entre un procureur et  un  prévenu  qui  vient  tout  juste  d’être  arrêté.  On  assiste  à  un  défilé d’entretiens, qui se déroulent  tous de  la même manière. La dernière séquence est comme toutes les autres, puis, c’est le générique de fin. Ainsi, l’on s’attend à ce  qu’il  y  ait  une  action  particulière,  qui  surviendrait  comme  un moment  de spectaculaire, de  surprenant, ce moment ne viendra pas. Le  spectateur assiste simplement à  la succession de ces entretiens « chroniques » sans qu’il y ait de finalité, de chute particulière. Le cadre reste fixe pour donner de l’importance à l’action, à l’échange et par respect pour les personnes filmées. Peut‐être peut‐on également avancer  l’hypothèse que  la fixité du cadre serait représentative d’un état  d’impuissance  face  à  l’action.  Certes,  il  y  a  échange,  certes  les  deux 

10  Philippe Fraisse  « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90. 11 Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Page 62

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protagonistes participent à défendre  leur position mais finalement sans succès, car  la machine  judiciaire ne  fait pas d’analyse au cas par cas, chaque personne est soumise de la même manière à la loi. Ainsi il serait possible d’assimiler le plan fixe  à  l’inaptitude  des  individus  à  contrebalancer  le  pouvoir  de  l’institution représentée  dans  ce  film.  R.  Depardon  ne  chercherait  donc  pas  seulement  à retranscrire un réel « brut de décoffrage » et banal où chaque individu tient son rôle; mais  à  dénoncer  le  système  autosuffisant  de  la  justice,  de  la  police  ou encore de la psychiatrie.  

   Toutefois, R. Depardon confie, au cours d’un entretien avec C. Caujolle, que  le piège de partir de    la photographie,  c’est qu’on  fait de  la photo, « des plans par plans » ; et ce n’est pas du cinéma selon  lui. « Le cinéma ne consiste pas à photographier des plans l’un derrière l’autre. Il peut y avoir des plans fixes bien sur, mais c’est avant tout un mouvement, une écriture. »  12 Son approche du cinéma évolue surtout grâce au son. Au début, ces films sont à une distance importante de  leur  sujet,  comme  si Depardon n’osait  s’approcher,  comme  il a l’habitude de faire avec son appareil photo. Puis, l’arrivée du son sur les caméras l’a encouragé semble t‐il à se rapprocher pour pouvoir le prendre. De là ; ce que Depardon filmait, c’était moins l’image que le son. « Rester dans un lieu, ne plus bouger et construire un film comme ça : une bonne distance, jouer sur la durée, laisser  les  gens  s’exprimer  et  dégager  l’écoute.  Ça,  c’est  ma  grande  théorie […] »13    3. La place de la photographie dans le cinéma de Depardon.  

 Depardon n’utilise par a proprement parlé la photographie dans ces films. A 

l’inverse  de  Chris  Marker  dans  La  Jetée  (1962)  qui  superpose  et  enchaine  des images photographiées  pour les mettre en mouvement, ou encore de William Klein qui dans Muhammad Ali the Greatest (1964‐1974) décompose  les mouvements en photographies  afin  d’en  saisir  les  détails ;  Depardon  n’utilise  par  l’objet photographique dans ces films. Il n’en utilise que la démarche et les codes. En cela, son cinéma est une écriture à part de bien d’autres photographes‐cinéastes tels que Agnès Varda (Salut les cubain, 1962), Santiago Alvarez (Now!, 1965) ou encore Jean Daniel Pollet (Jour après jour, 2007).  

De son cinéma, on retient son approche du cadre et de la distance. Toujours respectueuse  du  sujet  qui  lui  fait  face,  Depardon  s’efforce  de  trouver  sa  place, toujours différente en  fonction des  sujets qu’il  aborde. On  ressent une  approche lente et patiente du cinéaste,  toujours  respectueux et d’une grande pudeur.  « Le problème de  la distance est un  thème récurent chez moi.  Je n’aime pas être  trop près, ni trop loin. Je n’ai jamais trouvé la bonne distance. Il y a une distance propre à chaque sujet que  je fais. »14 . Il filme d’une manière à  laisser  le temps aux mots, 

12 Raymond Depardon, citation extraite de L’être photographe, Raymond Depardon, entretient avec Christian Caujolle, Ed. de L’aube, Condé‐sur‐Noireau, 2007. Page 36 13 Raymond Depardon, citation extraite de L’être photographe, Raymond Depardon, entretient avec Christian Caujolle, Ed. de L’aube, Condé‐sur‐Noireau, 2007. Pages 39‐40 14 Raymond Depardon, Errance, Seuil, Paris, 2000, Pages 62

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 Raymond Depardon, Asile de San Clemente, Italie                Raymond Depardon, Image de Guerre, Beyrouth  

L’œuvre complète de Depardon se profile de cette manière,  une approche, une distance et un temps pour chaque chose ; dans ces 

photographies, mais également dans ces films documentaires ou de fictions.

aux hésitations, aux précisions….de  la même manière qu’un photographe patiente et  attend  le  bon  moment  pour  déclencher  la  prise  de  vue.  Le  temps  est  très perceptible dans son cinéma, où l’image animée rend compte mieux que n’importe quel  autre média,  de  l’immobilité  des  choses  et  du  temps  qui  passe. Mais  on  le ressent  également  dans  ces  photographies,  comme  un  temps  suspendu,  et  qui laisse devine que  l’après de  l’image ce poursuit de  la même façon ou au contraire, qu’il file a toute allure, et qui emporte le spectateur dans une action intense.  

 

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Les cinémas de Raymond Depardon  LANGLAIS Amandine ENSAV APPROFONDISSEMENT

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Les cinémas de Raymond Depardon 

 Cette  partie  visera  à  analyser  et  comparer  les  deux  « familles »  de 

l’œuvre cinématographique de Depardon :  

Assumer  une  distance,  un  cadre  fixe,  où  l’échange  et  la  banalité  de  la scène est privilégiée. C’est  le cas de Urgences, Délits flagrant et 10 éme chambre, instants d’audiences. 

S’approcher du sujet filmé, renoncé à  la « bonne distance » au profit de l’image et du  son, afin de  capter  la  réalité quotidienne. C’est  le  cas de Numéro zéro, Reporters, San Clemente.  De  là,  nous  tenterons  de  rendre  compte  de  l’approche  personnelle  de 

Depardon concernant son cinéma, et de la liberté de création qu’il s’octroie, en interprétant au cas par cas les situations qui s’offrent à lui, notamment en terme de cadrage, de rythme de prise de vue, de distance par rapport au sujet filmé… 

 1. La réalité quotidienne du cinéma de Depardon :    Dans  les  films de R. Depardon,  les  lieux sont très  importants,  ils ne  font pas d’ordinaire l’objet d’un film. Toutefois, Depardon déclare « je ne voulais pas non plus m’enfermer à ne  faire que du cinéma, à n’aller que dans  les endroits tarte à la crème  pour en faire des bons films. Je fais toujours des films avec une sincérité,  une  force  que  j’ai  sans  cesse    améliorée,  réfléchie. »    L’ordinaire apparait dans toute son exactitude, Depardon ne cherche pas le spectaculaire ou le  dramatique. « Nulle  trace  de  spectaculaire,  d’horreur  ou  de  monstruosité. L’excès ici, est plutôt du côté de l’ordinaire. »15 Il s’évertue à retranscrire au plus proche du  réel  les événements du quotidien dans  ces  lieux. « On m’a  souvent reproché mon approche, qui consiste en une sorte de « caméra observante ». On m’a accusé,  surtout dans  les années 1970, de n’avoir ni parti pris, ni point de vue :  d’être  en  fait  à  l’opposé  du  cinéma  militant. Pourtant,  un  cadre,  un distance, un  emplacement,  tous  ces paramètres  inévitablement présents dans mon cinéma comme dans n’importe quel autre, constituent et forment un point de vue. »16   C’est en cela que R. Depardon est un cinéaste documentariste de talent ; il ne cherche pas à  imposer son  regard à nous diriger vers quelque chose qu’il aurait souhaité. Il est objectif, il prend certes le parti de choisir un placement, un cadre, etc. mais il le fait dans un souci de transmission du réel tel qu’il le perçoit en direct afin d’être au plus proche du réel. « Depardon cinéaste et photographe est  à  la  recherche  de  documents,  et  on  sent  bien  qu’il  voudrait  nous  les présenter  sans  aucun  artifice, et même  sans  aucune mise en  scène :  tout  son travail porte  la marque d’un  conflit potentiel  entre  l’image  et  les mots,  entre 

15 A propos de « 10 ème chambre, instants d’audiences » dans Anne Goliot‐Lété, « Plans longs et histoires courtes : 4 films sur Paris de Raymond Depardon », Tout contre le réel, Miroirs du fait divers, sous la direction de E. André, M. Boyer‐Weimman et H. Kuntz, Ed. Le Manuscrit, Paris, 2008 16 Conférence avec Raymond Depardon, Les Mardis de la FEMIS, Confrontations, Paris, 1993.

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Les cinémas de Raymond Depardon  LANGLAIS Amandine ENSAV APPROFONDISSEMENT

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l’image  brute  et  le  discours,  entre  les  documents  et  leur  explication,  leur commentaire. »17  R.  Depardon  ne  cherche  pas  à  faire  du  cinéma  politique, militant ou réactionnaire, même si les sujets et les lieux choisis sont le reflet de ces actes.     «  Ni conserver ni expliquer 

           Témoigner            Obsession  de  la  distance.  Recherche  systématique  de  l’anodin,  du banal, du non ‐ remarquable. Pour un but : la traversée des apparences. »10  

A  l’inverse  des  recueils  photographique  de  R. Depardon,  composés  de textes et annotations (souvent prises sur le terrain) qui ont pour but d’exprimer ce qui n’est pas perceptible par  la photographie ;  le cinéma parle de  lui‐même. Certainement par souci de « transparence »,  les films de R. Depardon n’ont pas de  commentaire  en  voix  off.  Il  est  vrai  que  cela  paraît  invraisemblable  de commenter  le réel d’une  image diffusée, cela n’apporterait aucune  information ou  pire,  pourrait  déformer  le  sens  premier  des  images  en  question.  «  Pour Depardon cinéaste et photographe du réel, il ne saurait y avoir de discours sur le réel.  […] La brutalité et  l’intensité des  films de Depardon proviennent de cette mise  en  image  du  silence  et  des  êtres  qui  interdit  tout  discours,  toute justification,  et  qui  nous met  en  présence  d’un  réel  précis,  banal,  anonyme, familier et bien sûr cauchemardesque »10    Ainsi,  R.  Depardon  ne  parle  pas,  il  ne  fait  qu’un  court  texte  de remerciements au début de ces films où  il explique  le contexte du film, c’est  la seule intervention de discours émanent du cinéaste. Le reste est construit par les images et les sons des scènes filmées de façon  discrètes. Le terme « discrètes » ici employé fait référence à l’article de Philippe Fraisse dans la revue Positif . 

« L’objectif de  la caméra est un regard  intensifié, qui  justement n’a plus rien  d’objectif »  « comment  placer  une  caméra  dans  une  institution  sans  en bouleverser  le fonctionnement ? Comment parvenir à se faire oublier pour que l’institution fonctionne  indépendamment de  la prise de vues ? Comment éviter, quand on filme un substitut du procureur, qu’il ne se mette à jouer au substitut du procureur, ce que Sartre appelait  la mauvaise foi, décrivant dans L’Être et  le Néant ce garçon de café qui  joue au garçon de café ? Toujours,  le photographe ou  le  cinéaste du  réel doit  compter  avec  cette épreuve  sartrienne du  regard : l’image, en me donnant une nature, un extérieur, une objectivité, m’offre une tentation, celle de me réduire à ce que je suis. »18 

 R.  Depardon  ne  cherche  pas  à  étonner  mais  simplement  à  relater 

l’événement tel qu’il se déroule. « Le film [à propos de Délits flagrants] semble 

17 Philippe Fraisse  « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90 18 Philippe Fraisse  « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90

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donc tourner le dos à une esthétique de l’étonnement et du spectaculaire, à une grande forme du fait divers, s’attachant au contraire à construire un regard à la fois patient, distancé et critique sur une réalité dépassant  largement  les  limites de l’événement relaté. »19.  

Chaque cas semble particulier ; il apparait dans son œuvre complète que chaque  sujet  est  abordé  de  façon  quasi  personnifiée.  « Le  problème  de  la distance est un thème récurrent chez moi. Je n’aime pas être trop près, ni trop loin. Je n’ai jamais trouvé la bonne distance. Il y a une distance propre à chaque sujet que je fais. »20 Prenons pour exemple Tchad (1) : l’embuscade (1970) ou 10 minutes  de  silence  pour  John  Lennon  (1980).  Ces  événements  qu’a  filmés  R. Depardon  sont  empreints  d’une  approche  que  l’on  pourrait  qualifiée  de « spontanée », prise « sur le vif ». Toutefois, dans le premier, il y a les aléas de la prise du direct en période de guerre, situation dans  laquelle  il y a beaucoup de mouvements, de bruits…alors que dans le second règne un silence respectueux, quasi  solennel,  avec  très peu de mouvements et de bruits. Un balayage de  la foule par la caméra, pas de brutalité et de réactions instinctives en comparaison au  premier.  Les  différentes  formes  des  documentaires  (mouvements  et placement de la caméra, distance par rapport au sujet) de R. Depardon font ainsi transparaître une certaine liberté d’approche de son travail de cinéaste. Chaque cas faisant  l’objet d’une retranscription filmée du réel tel qu’il est. C’est ce que nous montrerons dans la suite de ce travail. 

De  là, comment R. Depardon détermine t‐il cette distance nécessaire, et quel(s) signification(s) lui donner ?     2. Distance et fixité du cadre   

Comme  nous  venons  de  le  dire,  R.  Depardon  a  plusieurs manières  de retranscrire  les  faits  au  travers  de  son  cinéma  documentaire.  La  première approche consiste à se mettre en retrait et se  faire  le plus discret possible. On peut  observer  une  certaine  distance  de  la  caméra  par  rapport  au(x)  sujet(s) filmé(s)  ainsi qu’une  fixité dominante du  cadre dans un  grand nombre de  ces films  (ceux du corpus notamment). C’est comme une sorte de marque de style de R. Depardon, c’est même devenu une revendication.       Déterminer la distance de l’objectif d’un appareil photo ou d’une caméra dépend  avant  tout de  la  volonté et du but de  celui qui  capture  l’image. Nous avons vu que dans ces films, R. Depardon a toujours privilégié la retranscription brute et objective du  réel. « Il est dès  lors  important de  trouver  très  vite une distance  juste  par  rapport  au  sujet.  Là  encore  intervient mon  expérience  de photographe :  chaque  photographe  a  une  distance  qui  lui  est  propre  et 

19 Anne Goliot‐Lété, « Plans longs et histoires courtes : 4 films sur Paris de Raymond Depardon », Tout contre le réel, Miroirs du fait divers, sous la direction de E. André, M. Boyer‐Weimman et H. Kuntz, Ed. Le Manuscrit, Paris, 2008 20 Raymond Depardon, Errance, Seuil, Paris, 2000. Page 62.

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caractérise son contact au réel. »21 . Il en va de même pour Depardon cinéaste. La  difficulté  pour  lui  était  de  trouver  sa  distance  de  cinéaste,  n’étant logiquement pas  la même que celle du photographe. « Il fallait me trouver une nouvelle place. Ce n’était plus celle du photographe journaliste des conseils des ministres, des  voyages officiels, ou  celles des  faits divers pour  les  journaux et encore  moins  celle  de  la  guerre,  des  douleurs  universelles.  J’étais  devant quelque  chose  de  nouveau.  Je  me  devais  de  devenir  autre  chose…le  mot « témoin » n’est pas le bon. Prendre de la distance, reculer de quelques mètres, trouver une nouvelle attitude. […] C’est très étrange et désagréable au début.»22    De  là,  on  peut  se  demander  comment  cette  « bonne  distance »  est déterminée.  On  peut  dire  que,  pour  chaque  cas,  Depardon  a  une  approche particulière.  

   « Le  cadrage  est  l’acte,  ainsi  que  le  résultat  de  l’acte,  qui  délimite  et construit  un  espace  visuel  pour  le  transformer  en  espace  de  représentation. Cadrer c’est d’abord exclure et instituer » 23 Cadrer une  image, une situation, c’est placer  la caméra,  les personnages et  les objets  de  telle  manière  qu’ils  racontent  déjà,  par  leur  positionnement  dans l’espace, une partie de l’histoire que l’on veut représenter.    Dans Délits flagrants,  le cadre est fixé une fois pour toutes,  la scène est frontale.  Au  centre,  un  petit  bureau  et  de  part  et  d’autre,  chacun  des protagonistes. Le cinéaste enregistre l’échange et le rapport qui s’opère entre les 2 personnages ; en l’occurrence un substitut du procureur chargé de décider de la suite de la procédure, et un prévenu fraîchement arrêté.    

  Images de deux séquences  extraites de Délits flagrants, qui établissent une mise en scène simple et qui reste la même 

pour tous les cas. 

21 Conférence avec Raymond Depardon, Les Mardis de la FEMIS, Confrontations, Paris, 1993, pages 7 à 17 22 Raymond Depardon, Préface «  Le visage des mots », Paroles prisonnières, Ed. Le Seuil, mai 2004, page 10 23 Sous la direction de René Gardies, Comprendre le cinéma et les images, Ed Armand Colin, Paris, 2007. Pages 17 à 37

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 partie du côté  

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 On  peut  remarquer  que  la composition  du  cadre  est symétrique  dans  sa  hauteur,  les protagonistes  sont  assis  à  la même  hauteur,  et  sont  disposés de part  et  d’autre  d’un  étroit bureau.  Toutefois,  on  peut remarquer que ladu prévenu est un peu plus  large que celle du substitut.  

 Schéma d’analyse du cadre 

 

De  plus,  l’utilisation  de  ce  principe  de  cadre  fixe  peut  être  assimilée  à  une véritable  méthode  que  R.  Depardon  applique  méticuleusement  quelque  soit l’action qui se déroule.  

 Ici,  la  fin  de  la séquence montre  le mieux  toute l’application  que met  Depardon  à  ne pas  modifier  sa manière  de  f er. La  prévenue  s’en  va à  l’iss   d son entretien  avec  le substitut  du procureur,  ce  qui 

Image extraite de Délits flagrants, fin d’une séquence, la prévenue s’en va.  

entraîne  un  déséquilibre  important  de  la  composition  dégagée  sur  le  schéma précédent. Le spectateur ne peut pas  savoir ce qui attend le prévenu à sa sortie, et ce déséquilibre pourrait signifier, si nous  voulions  lui  donner  une  interprétation,  l’incertitude  de  l’avenir  de  ce prévenu.     Dans Délits flagrant, il existe 5 types de séquences :     

        Le  premier  type  de  scène  est  celui  analysé précédemment ; où un substitut du procureur et un  prévenu  sont  de  part  et  d’autre  d’un  étroit bureau. 

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  ù

révenu.  

 Le  second,  reprend  la  même  disposition, toujours,  le prévenu mais cette fois, avec son avocat,  autours  d’un  bureau.  Ici,  les personnages  semblent un peu plus enfermés dans  le  cadre  comme  pour  signifier  un  lien plus  « intime »  entre  le  prévenu  et  la personne désignée  pour  la  défendre,  o   un 

réel  échange,  une  discussion  s’opère.  A  l’inverse,  le  type  précédent  a  un champ  plus  large,  peut  être  pour  signifier  la partialité  du  rapport  entre  le substitut et le p 

Le  troisième  est  un  plan  de  face  sur  le substitut du procureur qui donne conseil à un agent de police avec  lequel  il  s’entretient au téléphone.  Ici,  il  n’y  a  pas  de  rapport  visuel entre  les  deux  protagonistes  si  bien  que Depardon  prend  le  parti  de  ne  filmer  que  le substitut de face et centré.     

   

Le quatrième type est toujours construit selon un  rapport  de  discussion  de  part  et  d’autre d’un bureau. De la même façon que les scènes qui  présentent  l’entretien  du  prévenu  avec l’avocat,  le  cadre  est  plus  intime,  le  champ plus resserré. Ici,  il  s’agit d’une  enquêtrice de personnalité 

qui  établit  pour  la  justice,  un  rapport  sur  la  situation  professionnelle  et familiale  du  prévenu. On  peut  observer  un  léger  désaxement  du  cadre  au profit  de  l’enquêtrice.  Peut  être  pour  placer  le  spectateur  en  position d’observation de la situation, du témoignage du prévenu.  

 Enfin, il y a ces scènes de transition, entre les séquences précédentes.  

 La  première,  est  une  déambulation  dans  les couloirs  sombres  et  infinis  du  Parquet  de Paris. C’est une scène du monde du dessous, où  on  voit  deux  hommes,  un  policier  et  un prévenu,  toujours  de  dos,  se  diriger  vers  les salles  d’entretien  des  types  de  séquences précédentes.  

  

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Puis, il y a les scènes du monde du dessus, où la caméra reste une fois de plus fixe, et qui filme l’extérieur du palais de justice de Paris. Elles pourraient symboliser le caractère insoupçonné du déroulement de ces scènes dans le monsouterrain depuis le monde du dessus.  

de 

    De la  même  manière,  dans  Urgences,  le  cadre  est  délimité  depuis  le début de la séquence. R. Depardon décide lui‐même de ces distances puisque la prise de son est effectué par sa collaboratrice, Claudine Nougaret. Il peut donc se mettre  suffisamment  loin,  non  seulement  pour  construire  sa  scène,  mais également pour faire oublier la caméra aux personnes filmées, dans un souci de saisie  de  l’événement  la  plus  réaliste  possible.  « Il  ne  faut  pas  que  le  cadre bouge, pour mieux suivre la parole. J’essaie de faire oublier qu’on est au cinéma, j’essaie que le spectateur ressente au plus près de ce que nous avons vécu »24 .   

Toutefois, on peut dire que le rapport établis n’est pas le même que dans Délits flagrants ; ici, la scène n’est pas filmée de manière frontale, mais désaxée, en diagonale. De plus, on peut dire que  l’on est plus spectateur  impartial d’un échange, mais  plutôt  d’une  relation  particulière  entre  la  psychologue  et  son patient. En temps que spectateur, on se trouve du côté du cops médical, comme tenus  à  distance  de  la  folie  du  patient  qui  reste  alors  comme  quelqu’un  de mystérieux ; d’inconnu.   

   Image extraite de Urgences

24 C. Devarrieux et M‐C de Navacelle, Cinéma du réel, avec Imamura, Ivens, Malle, Rouch, Storck, Varda…et le ciné‐journal de Depardon, Ed. Autrement, Condé‐sur‐Noireau, 1988. Page 107

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De là, comment interpréter la fixité du cadre et dans quel but est il établit ?  

« La  distance  et  la  fixité  du  cadre  face  au  sujet  qu’il  filme  sont  deux caractéristique  du  cinéma  de  Depardon  dans  sa  forme  la  plus  aboutie  (celle d’Urgences). Elles expriment parfaitement, sans que jamais l’un ne prenne le pas sur  l’autre, cet  inextricable enchevêtrement entre crainte de  l’autre et  respect du sujet filmé. La distance n’est pas que phobie, elle est aussi une sorte de vide sanitaire pour laisser à l’autre le champ nécessaire à une certaine autonomie. Le cadre  fixe  n’est  pas  que  point  de  vue  du  cinéaste,  il  est  aussi  respect  de l’échange dans sa dualité.»25 . Ainsi, si R. Depardon persiste à mettre sa caméra à distance et à ne pas y toucher, c’est autant dans un souci de retranscription du réel que dans un profond  respect des  sujets  filmés ; mais également dans une timidité de quelqu’un qui ne semble pas être à sa place en assistant à ces scènes.  « Raymond Depardon  aime  aller  voir  loin,  au‐delà des portes,  et  il n’en  a pas honte.  Il est  simplement gêné : comme  les  timides  sont gênés de  leur audace, gêné d’être quelque part sans avoir de raison majeur pour le faire ou plutôt sans pouvoir dire au juste, sans bien savoir eux‐mêmes pourquoi ils le font. »26 . Cette recherche de  la distance serait donc une mise en condition du spectateur et du cinéaste  lui‐même  pour  conforter  les  faits  sans  que  viennent  entravés  des mouvements incongrus. C’est le cas dans beaucoup de ces films. Cette fixité est en  quelque  sorte  le  reflet  d’une  réalité  codifiée  et  réglée,  où  les  rapports  de Délits  flagrants par exemple, sont régis par  les règles de  la  justice.  Il y a certes une  discussion  entre  les  acteurs, mais  en  fait  il  est  fait  état  de  l’incapacité d’action des uns et des autres au sein d’un système autonome.  

25 S. Sabouraud « Depardon, cinéaste », dans Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Page 159. 26 Introduction par Jacques Rancière «  L’art de la distance », Détours, Raymond Depardon, Maison européenne de la photographie. Page 8.

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 Dans cette séquence d’Urgences, R. Depardon fait un zoom avant sur le 

patient afin d’en isoler le visage.  

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7            8   L’homme semble fatigué, et son esprit paraît vagabonder dans un autre espace. Puis soudain, alors que rien ne semble prédire un changement de situation, il ouvre très vite le champ par un zoom arrière et l’on voit l’homme se redresser sur sa chaise. Cette action témoigne de l’implication mentale et physique du cinéaste dans l’action dont il est observateur. Il a senti une tension physique, un mouvement imminent et y a répondu par un replacement du champ afin d’en saisir le déroulement.     R. Depardon est un cinéaste attentif à ce qu’il cherche à transmettre et c’est par cette méthode de cadrage fixe qu’il parvient à faire preuve d’attention et d’objectivité sur le monde qui l’entoure.    En somme, nous pouvons dire que le cinéma de Depardon est un cinéma du sensible. Il met en avant autant les rapports de confiance et d’échange que les relations de hiérarchies qui s’établissent entre les protagonistes. Au travers de son cinéma, Depardon semble chercher à transmettre au public des faits qu’ils n’auraient jamais pu voir, au sein d’institutions closes, de capter des relations (médecins/patients ; policier/citoyen…). Il filme le groupe et l’individu, la société dans sa diversité, ses limites et sa complexité ainsi que ces institutions 

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dont les valeurs complexes en font un système difficilement compréhensible. Loin de la dénonciation et de l’attaque des fondements institutionnels de notre société, R. Depardon cherche l’ordinaire et le réaliste. Rien ne sert de dramatiser l’action puisque le réel à lui seul l’est déjà par bien des égards.    « Filmer, ce n’est pas surveiller ce qui se passe dans l’œilleton de la caméra. C’est, tout au contraire, être présent à ce que l’on filme, être sensible à la présence de la personne filmée, être réceptif de façon instinctive, animale, à sa respiration. L’autre n’est pas derrière une vitre, il est dans le même espace, la même durée que le cinéaste. »27 R. Depardon est un cinéaste du quotidien attentif à ce qu’il film. La preuve en est dans une séquence du film Urgences, où la psychologue s’entretient avec un patient. La série d’images qui suit fait état de toute la concentration du cinéaste à son action.     Cette attention est également palpable dans l’autre « type » de cinéma de Depardon évoqué en début de cette seconde partie. Ici, il s’agit d’être vigilent, de surveiller et de suivre l’action qui se déroule à l’instar d’un reporter. A l’inverse de ce que nous venons d’étudier donc, il s’agit ici de filmer l’action, cela implique des mouvements importants de caméra (déplacements, zoom…) et donc un abandon de cette distance respective du sujet vers une autre distance tout a fait assumée mais qui a pour rôle de retranscrire la réalité de l’action, d’y participer tout en restant extérieur à l’action.   3. Mouvements et prises sur le vif  

A  l’inverse  des  films  que  nous  avons  étudiés  précédemment,  San Clemente et Reporters sont deux films de Depardon qui s’apparente à ce que l’on peut qualifier de prise direct, « sur le vif ». Ici, il n’y a pas de géométrie du cadre comme nous avons pu le dégager dans les précédents schémas, il semblerai que Depardon y privilégie l’action telle qu’elle se déroule (comme dans la totalité de ces documentaires) mais avec une caméra à la fois participative et observante.  

« S’approcher  des  sujets  qu’on  filme,  comme  dans  Numéro  zéro  ou Reporters,  c’est  accepter  de  renoncer  un moment  à  la  « bonne  distance »  au nom d’une autre nécessité, prioritaire : celle d’être seul au son et à l’image pour mieux  capter  la  réalité  quotidienne  des  paparazzi  ou  celle  d’un  journal d’ébauche. »28. C’est en cela que le cinéma de Depardon est un cinéma du réel. Il semble  fonctionner de manière quasi  instinctive,  il n’hésite pas  à  abandonner ces  exigences  de  mise  à  distance  qui  le  rassurent  (notamment  en  tant  que photographe)  pour  se  rapprocher  d’une  action  afin  de  la  retranscrire  au  plus proche de la réalité.  

   

27 Jean Breschand « La place et le cadre »  Le documentaire, l’autre face du cinéma, Les Cahiers du cinéma et SCEREN‐CNDP, 2002, pages 76‐77. 28 Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Pages 159‐160.

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Dans San Clemente, Depardon arpente  les  lieux avec sa caméra. On sent que les mouvements paraissent hésitants, il semblerai qu’il n’ose pas se fixer sur des visages, encore tenus à distance par respect des sujets filmés.  Il semblerait que la caméra effectue comme un tour d’horizon sur les protagonistes sans s’en approcher,  peut‐être  comme  pour  rendre  compte  au  spectateur  de  l’état  des lieux et de l’ambiance pesante qui y règne. Puis, il se rapproche finalement d’un visage, en capte  toute  les émotions, en particulier  la  souffrance et  le désarroi, puis change de point de vue pour en fixer un autre et ainsi de suite.  

 Tout n’est que suite de plans séquences, comme un balayage de la scène 

où chacun se côtoie tout en étant dans son propre monde, dans sa propre tête ; la caméra ne se fixe pas, elle parcourt l’espace, s’arrête tantôt sur l’un, puis sur l’autre, s’accrochant  régulièrement à une silhouette qui passe devant  l’objectif avant de repartir dans une autre direction...  

  

  

Images extraites de San Clemente 

 Puis,  il  y  a  les  séquences  où  la  caméra  se  fixe  sur  une  personne  en 

particulier,  la suit dans ses déambulations hasardeuses, souvent sans but. On y observe des visages douloureux, empreints de  souffrances, d’incompréhension même parfois, et qui  laisse au  spectateur un  sentiment de malaise,  comme  si l’on était en position de voyeur.  

 

 La caméra se rapproche aussi, parfois à la limite de la décence, comme si 

Depardon estimait que se rapprocher au maximum du visage de quelqu’un nous permettrai de ressentir encore plus sa souffrance. 

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 Il ne s’agit plus  ici de rester à bonne distance du sujet filmé pour ne pas 

influencer  son  comportement,  il  s’agit plus de  rendre  compte d’une ambiance générale et il semblerai qu’elle passe par une caméra plus « participante » dans la mesure où Depardon ne cherche pas à construire  l’action  telle qu’il a put  le faire dans Délits flagrants ou Urgences. Ici, il s’agit plutôt d’une errance, comme si  le  spectateur  devenait  lui‐même  acteur.  Depardon  filme  tout  ce  qui  se présente,  suivant  les  allées  et  venues  des  pensionnaires,  faisant  des  détours brusques  en  fonction  des micro‐événements  qui  surviennent  çà  et  là  sur  son passage dans  la  lenteur du  temps qui passe.  Il  souligne  là peut être  la  liberté physique dont  jouissent  les pensionnaires. Une  liberté très déstructurée, dirait‐on,  qui  participe  une  nouvelle  fois  à  une  déstabilisation  du  spectateur  qui devient  alors  acteur,  en  totale  opposition  à  la  caméra  « objective »  de  Délits flagrants ou Urgences, qui le mettait en sécurité dans sa position d’observateur.  

 Dans Reporters, Depardon est également acteur.  Il  traque  littéralement 

ces  collègues  photographes  de  presse,  caméra  à  l’épaule,  au  cours  de  leurs poursuites acharnées du scoop. Il dessine un portrait critique de la profession au travers d’une temporalité propre au cinéma de Depardon. Il utilise une nouvelle fois  des  longs  plans  séquences  qui  rendent  compte  de  la  réalité  d’une profession, de la relation qu’entretiennent les reporters avec leurs cibles et de la mise  en  scène  organisée  des  évènements  que  le métier  induit. Depardon  ici, rend  la vérité aux choses en décortiquant et en exposant  les « combines » des photoreporters.  Une  nouvelle  fois,  il  abandonne  la  distance  aux  sujets  pour rendre compte de la réalité des actions, il filme beaucoup en plan serré comme pour « intimiser »  la scène. Comme si resserrer  le cadre permettait à Depardon de minimiser  sa présence pendant des  scènes qui  tiennent de  la planque des photoreporters, ou de leur réflexion personnelles, de leur stratégie d’attaque… 

 

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 Images extraites de Reporters 

 

Le temps une nouvelle fois est très marqué dans Reporters. Le temps de l’action avec ces mouvements, mais surtout le temps de l’attente et des silences, constamment présents.  

 Ainsi,  on  peut  dire  que  Depardon  au  travers  de  ses  films,  n’a  que  la 

préoccupation de rendre compte de la réalité dans un temps et un lieu donné. Il a certes des codes et un style qui lui sont propre, mais il n’hésite pas à mettre de côté  la  sécurité  de  la  distance  avec  son  sujet  pour  rendre  compte  du déroulement d’une action de manière plus réaliste. Il est en cela un cinéaste du réel, car il ne cherche pas à faire de son cinéma un objet artistique ou esthétique mais juste un témoin de la réalité. 

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CONCLUSION   

  Par l’exploration depuis le monde de la photographie vers celui du cinéma, ce n’est pas simplement l’ajout du mouvement à l’image que Depardon a voulut transmettre, c’est surtout pour montrer « des fonctionnements » ; choses que la photographie n’est pas en mesure de faire.  S’efforçant de retranscrire ce qu’il filme de la manière la plus réaliste possible, Depardon est à la recherche de la place qui lui permettrait de faire de la caméra un prolongement même de son corps afin de n’entraver en rien l’action qui se déroule.    Il ne cherche pas à imposer son discours, son avis sur les choses qu’il filme, tout au contraire, il s’abstient de tout commentaire, considérant que les images accompagnées du son sont suffisantes pour que le spectateur puisse se faire une idée de l’action.  « Le film n’a pas de réponse à donner. Je fais confiance à la subjectivité des images, et je laisse aux spectateurs le soin de dire se que le film représente. Je ne veux pas être celui qui a le dernier mot. »29    Ainsi,  « Le cinéma de Depardon est un cinéma essentiellement parlant, et pourtant, ce cinéma fait ressentir plus que tout autre les mutismes du monde. Les films de Depardon sont construits selon ce principe. Il y a des images, il y a des discours […] Les discours prolifèrent, et pourtant il n’y a aucune leçon immédiate à en tirer. Après avoir vu un film de Depardon, on a l’impression qu’il n’y a rien à en dire. Rien à ajouter. Rien à conclure. Comme si le dispositif avait pour but de faire émerger un silence primordial : ce n’est pas le silence que rompent les œuvres de Depardon, ce sont les bavardages. »30    Depardon a recherché dans le cinéma ce que la photographie à l’état brut ne lui permettait pas de transmettre : la réalité telle qu’on la ressent au moment même où elle se passe, dans une temporalité qui lui est propre. Cette réalité quotidienne et non d’exception, cette réalité certes parfois difficile à supporter mais jamais dramatisée. « C’est cette cohérence étonnante entre le choix du sujet et l’application souple d’une méthode d’ « observation » que découle la force et la prégnance de ses films documentaires. »31 

29 C. Devarrieux et M‐C de Navacelle, Cinéma du réel, avec Imamura, Ivens, Malle, Rouch, Storck, Varda…et le ciné‐journal de Depardon, Ed. Autrement, Condé‐sur‐Noireau, 1988. Page 93 30 Philippe Fraisse « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90. 31 S. Sabouraud « Depardon, cinéaste », dans Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Page 159.

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BIBLIOGRAPHIE  

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Corpus d’images (tirées des films suivants) :  _ Délits flagrants (108 min) 1994, 16mm, couleur négative.   Réalisation, image : Raymond Depardon   Image : N. Crédou   Son : C. Nougaret et S. Chiabaut   Montage : R. Ikhlef, C. Cotte et G‐H. Mauchant   Mixage : D. Hennequin   Production : La sept cinéma, Double D Copyright Films   Distribution : La sept cinéma, Double D Copyright Films   _ Urgences (104 min) 1987, super 16 mm, couleur négative.   Réalisation et image : Raymond Depardon 

Son : Claudine Nougaret   Montage : R. Ikhlef   Mixage : J‐P. Laforce   Production : Double D Copyright Films   Distribution : Double D Copyright Films  _ San Clemente (90’) 1980 (date de tournage), 16mm, noir et blanc négative. 

Réalisation, image et son : Raymond Depardon et Sophie Risthelhuber Coordination : Cléo Vernier Montage : Olivier Froux Mixage : Paul Bertault  Production : Double D Copyright Films Distribution : Double D Copyright Films 

 _ Reporters (90’) 1980, 16mm, couleur négative. 

Réalisation, image et son : Raymond Depardon  Montage : Olivier Froux Mixage : Paul Bertault  Production : BPI Centre Georges Pompidou  et Double D Copyright Films  Distribution : Double D Copyright Films  Nominé aux Oscars, César du meilleur documentaire 

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Raymond DEPARDON 

 BIOGRAPHIE 

 1942 : Naît le 6 juillet dans une famille de cultivateur à la ferme du Garet, à Villefranche‐sur‐Saône (Rhône).  1956 : Il obtient son certificat d’études. Son père lui offre un 6*6 d’occasion. Il est engagé comme apprenti dans une boutique de photo‐opticien de Villefranche‐sur‐Saône. Il achètera un Zeiss‐Iena Verra 24*36. 1957 : Il s’inscrit à des cours de photographie par correspondance afin d’obtenir le titre « d’opérateur photographe ». 1958 : Depardon s’installe a Paris afin d’y devenir l’assistant du photographe Louis Foucherand. 1960 : Il devient photographe à l’agence Dalmas. Reporters polyvalent, il photographie les personnalités à la sortie des boîtes de nuit (Marlon Brando), les faits divers (l’enlèvement du fils de la famille Peugeot), les jeux olympiques (Tokyo 1964) et multiplie les reportages à l’étranger (construction du mur de Berlin). Il couvre la guerre d’Algérie et décroche sa première grande publication en photographiant une mission militaire française dans le désert algérien. Il devient, en cinq ans, le reporter principal de l’agence. 1966 : Création de l’agence Gamma avec Gilles Caron, Hubert Henrotte, Hugues Vassal et Léonard de Raemy. Gamma met en place un nouveau fonctionnement d’agence qui offre au photographe autonomie et responsabilité. 1969 : Premier film documentaire tourné en Tchécoslovaquie, un an après la répression soviétique du Printemps de Prague. Ian Palach rend hommage à un jeune Pragois qui s’était immolé en public. 1970 : Premier voyage au Tchad avec Gilles Caron et Robert Piedge. 1973 : Raymond Depardon prend la direction de l’agence Gamma.  Il recrute des reporters et saisi l’occasion d’un putsch militaire au Chili pour redynamiser l’agence.  Il reçoit la Robert Capa Gold Metal avec David Burnett et Chas Geresten pour leur livre Chili. 1974 : Il réalise des photographies et le film Tchad 1, l’embuscade qui auront une résonnance internationale lors de l’affaire Françoise Claustre, une ethnologue française retenue en otage au Tchad. Il réalise son premier long métrage, 50,81%  (campagne présidentielle de VGE) 1977 : Deuxième long métrage avec Numéro zéro, à l’occasion du lancement du quotidien Le Matin de Paris. 1979 : Il quitte l’agence Gamma et rejoint la coopérative Magnum.  Ses premiers reportages, pour sa nouvelle agence, sont réalisés lors de la guerre civile au Liban et en Afghanistan, après l’intervention militaire soviétique. Il publiera Note à la suite de ce voyage. 1980 : Devient vice‐président européen de Magnum. 

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1981 : Repoters, le film de Depardon obtient le César du meilleur film documentaire en 1982 et il est nommé aux Oscars américain. Sa Correspondance new‐yorkaise, dans le quotidien Libération est remarquée et préfigure une collaboration singulière avec la presse écrite.  1984 : La Mission photographique de la Datar, qui, sous la direction de François Hers (artiste plasticien) ambitionne de renouer avec la tradition de la photographie de paysage, fait appel à Raymond Depardon. Il photographie, à la chambre et en couleurs, les lieux de son enfance et la ferme familiale.  1985 : Il réalise Empty Quarter, une femme en Afrique, film aux frontières du documentaire et de la fiction. Il sera présenté au Festival de Cannes, catégorie « un certain regard ». 1989‐1990 : Depardon photographie la chute du mur de Berlin. Il réalise La captive du désert, son premier film de fiction, avec Sandrine Bonnaire (présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 1990). 1991 : Reçois le Grand prix national de la photographie.  1994 : Délits flagrants, un film qui se présente comme ne suite d’interrogatoires de prévenus par des juges d’instruction, obtient le César du meilleur documentaire 1996 et le Prix Joris Ivens. 1996 : Afriques : comment ça va avec la douleur ? Partant du Cap, en Afrique du Sud, Raymond Depardon remonte jusqu'à Villefranche‐sur‐Saône via Alexandrie. 1997 : Sortie du film Paris, dont le rôle principal est tenu par le photographe Lus Delahaye, membre de l’agence Magnum. 2000 : Détours, première exposition à la Maison Européenne de la Photographie. « Voyage à travers les livres publiés » avec un travail nouveau sur l’errance. 2001 : Sortie du film Profils paysans l’approche, premier volet d’une série consacrée au monde rural. 

 FILMOGRAPHIE 

 Cours métrages :  Ian Palach, 12 min, 16 mm couleur. Prague, Tchécoslovaquie 1969 Tchad, l‘embuscade, 12 min, 16 mm couleur. (1970) Yemen (Arabia Félix), 19 min, 16 mm couleur. (1973) Tchad 2 et Tchad 3, 40 min, 16mm couleur (1975‐1976) Les révolutionnaires du Tchad, interview de Françoise Claustre pour la télévision. (1975) Tibesti Too, 40 min, 35mm noir et blanc (1976‐77)  10 minutes de silence pour John Lennon, 16mm couleur (1980) Piparsod, 26min, 16mm couleur. (1982) New York, NY, 10 min, 35mm noir et blanc. (1986) Le petit navire, 6min, 35mm noir et blanc. (1987) Une histoire très simple, 4 min, 35mm noir et blanc (1990) Contacts, 13 min, 35mm noir et blanc. (1990) Carthagena (Contre l’oubli), 35mm couleur. (1992) 

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Face à la mer, 3 min, 35mm couleur. (1993) La prom’ (A propos de Nice), en collaboration avec Jean‐Marie Gustave  Le Clezio, 35mm couleur. (1994) Montage, 8 min, 35mm noir et blanc, Dolby (1997) Amour, 10 min, 35mm noir et blanc. (1997) Bolivia, 4 min, 35mm noir et blanc, Dolby (1997)  Déserts, 10 min, 35mm noir et blanc. Commande de la Fondation Cartier pour l’exposition « Désert ». (2000)  Longs métrages :  50 ,81%, campagne présidentielle de Valéry Giscard d’Eistaing, 90 min, 16mm couleur. (1974). Renommé 1974, une partie de campagne à sa sortie en 2002. Numéros zéro, préparatifs au lancement  du Matin de Paris, 90 min, 16mm couleur. Prix Georges Sadoul 1979. (1977) San Clemente, hôpital psychiatrique de Venise, 90 min, 16mm noir et blanc. (1980‐82) Reporters, 90 min, 16mm, couleur. César du meilleur documentaire 1982. Nominé aux Oscars (1980‐81) Faits Divers, les policier du 5ème arrondissement de Paris, 108 min, 16mm, couleur. Sélection officielle du Festival de Cannes, catégorie Un Certain Regard 1983. (1983) Les Années Déclic, autoportrait, 68mm, 35mm noir et blanc. (1984) Empty Quarter, une femme en Afrique, 90 min, 35mm couleur, sélection officielle du Festival de Cannes, catégorie Un Certain Regard 1985. (1984‐85) Urgences, service psychiatrique de l’Hôtel Dieu à Paris, 104 min, 35mm couleur. (1987) La captive du désert, 90 min, 35mm couleur. Compétition officielle du Festival de Cannes 1990. (1989‐90) Délits flagrant, 95 min, 35mm couleur stéréo. César du meilleur documentaire, 1996. Prix Joris Ivens 1996. (1994) Afriques : comment ça va avec la douleur ? , 165 min, 35mm couleur. Ouverture du festival du Cinéma du Réel 1996. Grand Prix du Festival Documenta de Munich, Prix du Festival international de films documentaires de Yamagata. (1996) Muriel Leferle, 77 min, 36mm couleur. (1996) Paris, 95 min, noir et blanc Dolby. (1997) Profils paysans, chapitre 1  l’approche, 90 min, 35mm couleur. Film sur le monde rural en milieu montagneux. (2001) Un homme sans l’Occident, 105 min, (2002) 10 ème chambre ; instant d’audience 2004 Profil Paysans, chapitre 2 le Quotidien 2005 Chacun son cinéma 2007 La Vie Moderne 2008   

 

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BIBLIOGRAPHIE  Ouvrages :  Jeux Olympiques de Mexico, en collaboration avec Yves Nouchi, Solar, 1968 Chili, en collaboration avec Chas Gerresten et David Burnett, obtient le Robert Capa Gold Metal, 1974 Tchad, Gamma, Paris, 1977 Gilles Caron reporters, Le Chêne, Paris, 1977 Notes, Arfuyen X, Paris, 1979. Réédition avec La Solitude heureuse du voyageur, « Points », n° P1558 Correspondances new‐yorkaise, Libération/Editions de l’Etoile, Paris, 1981 Le Désert américain, Editions de l’Etoile, Paris, 1983 San Clemente, Centre national de la photographie, Paris, 1984 Les Fiancées du Saigon, Les Cahiers de cinéma, Paris, 1986 Hivers, Arfuyen X, Paris, 1987 Vues, Edition Le Monde, Paris, 1988 La Pointe du Raz, Marval, Paris, 1991 Depardon Cinéma, en collaboration avec Frédérique Sabouraud, Les Cahiers du cinéma, Paris, 1993 La Colline des Anges et Retour au Vietnam (1972‐1992), en collaboration avec J‐C Guillerbaud, Seuil, Paris,  1993 et « Points », n° P1557 La Ferme du Garet, Carré/Actes‐Sud, Paris, 1996 La Porte des Larmes et Retour vers L’Abyssinie, en collaboration avec J‐C Guillerbaud, Seuil, Paris, 1996 En Afrique, Seuil, Paris, 1996 100 photos pour défendre la liberté de la presse, Reporters sans frontières, Paris, 1997 Depardon Voyages, Harzan, 1998 La Solitude heureuse du voyageur, Musée de Marseille, 1998 et réédition précédée de Notes, « Points », n° P1558 Silence rompu, La Joie de lire, Genève, 1998 Raymond Depardon (texte de Michel Guerrin), CNP Nathan, « Photo‐poche » n°81, 1999, Réédition avec Actes Sud, 2006 Rêves de désert, en collaboration avec Titouan Lamazou, Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2000 Détours, Maison européenne de la photographie, 2000 A tombeau ouvert, collectif dirigé par Josée Landrieu, photographies Raymond Depardon, Autrement, 2000 Corse, en collaboration avec Jean‐Noël Pancrazi, Seuil, Paris, 2000 et « Points », n° P1209 Errance, Seuil, Paris, 2000 et « Points », n° P1099 Désert, un homme sans l’Occident, Seuil, Paris, 2003 Paroles prisonnières, Seuil, Paris, 2004 J.O, Seuil, Paris, 2004 Paris journal, Harzan, 2004 

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Images politiques, La Fabrique, 2004 7*3, une exposition de films, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Actes Sud, 2004 Afriques, Harzan, 2005 Photographies de personnalités politiques, en collaboration avec Jean Lacouture, Seuil, Paris, 2006 et « Points », n° P1649 Depardon‐New York, en collaboration avec Alain Bergala, Les Cahiers du cinéma, 2006 Raymond Depardon, introduction par Michel Guerrin, Actes Sud, 2006 et réédition précédée de CNP Nathan, « Photo‐poche » n°81, 1999 Villes/Cities/Städte, Steidl Publishing et Actes Sud, 2007 Le Désert américain, en collaboration avec Serge Toubiana, Harzan, 2007 Point de vue, en collaboration avec Christian Caujolle, Editions de l’Aube, 2007 1968, Une année autour du monde, « Points », n° P1865, 2008 La Terre des paysans, Seuil, Paris, 2008 Le Tour du monde en 14 jours, 7 escales, 1 visa, « Points », n° P2012, 2008 Donner la parole, Hear them speak, Steild/ Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2008 Manhattan out, en collaboration avec Paul Virilio, Steidl, 2008 Paysans, « Points », n° P2275, 2009