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(re) Naissance Quels leviers pour développer et transformer son entreprise dans un environnement de ruptures ? Octobre 2015

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(re) NaissanceQuels leviers pour développer et transformer son entreprise dans un environnement de ruptures ?

Octobre 2015

SommaireLa démarche EY Growth Navigator 4

Les points clés 5

Les 7 leviers de la croissance :• Clients 6• Collaborateurs, comportements

et culture d’entreprise 10• Numérique, technologie

et analyse des données 14• Opérations 18• Financement et fonction financière 22• Transactions et partenariats 26• Risques 30

Méthodologie des cas d’entreprises 34

La Chaire Entrepreneuriat et EY 34

Remerciements 35

Léviathan, tel était le nom de l’œuvre d’Anish Kapoor lors de l’exposition Monumenta en 2011 au Grand Palais. Occupant une immense partie de l’extraordinaire verrière parisienne, cette construction semblait tout à la fois en épouser délicatement les formes mais aussi en menacer la structure rigide. Envoûtant autant qu’inquiétant, ce Léviathan était-il un monstre générateur de chaos ou bien au contraire la source du renouveau ?

Cette problématique nous semble illustrer de la situation actuelle : confrontées à un environnement changeant et de plus en plus collaboratif, les entreprises établies et reconnues font face à l’émergence d’acteurs dont les modes opératoires et l’ADN diffèrent fortement des systèmes établis. Quand les premières peuvent voir dans cette intrusion des sources de transformations et connaître ainsi une renaissance, l’acte de naissance des seconds consiste en un bouleversement aussi rapide que durable du marché.

Dans ce contexte de ruptures, quel que soit le niveau de maturité des entreprises, savoir douter de soi-même et remettre en question sa stratégie est incontournable. Le dirigeant doit prendre le recul nécessaire pour évaluer les atouts et les faiblesses de son entreprise. Pour y parvenir, il doit s’interroger sur les leviers qu’il peut activer pour garantir une croissance durable et une position de leader sur son marché.

La présente étude est une invitation à se poser ces questions qui permettent d’identifier les leviers de croissance pertinents ainsi que les moyens de les actionner. Pour chacun des sept leviers identifiés – clients, ressources humaines, organisation, digital, financement, transactions et risques – nous faisons le point sur les principaux enjeux, avant de les illustrer par des cas pratiques de deux types : les entreprises qui ont connu une émergence fulgurante ayant un effet « disruptif » sur le marché, et celles déjà établies qui ont fait preuve d’agilité pour s’adapter à ces ruptures.

Organisateur du Prix de l’Entrepreneur de l’Année dans 60 pays et depuis plus de 20 ans en France, EY dispose d’un point de vue privilégié pour accompagner les PME et ETI en croissance. L’observation assidue des entreprises les plus performantes nous permet de tirer des enseignements pour l’ensemble de la sphère entrepreneuriale française, que nous partageons aujourd’hui à travers cette étude, réalisée en partenariat avec la Chaire Entrepreneuriat de l’ESCP. Nous vous laissons découvrir, dans différents secteurs et selon des stratégies variées, comment des entreprises – Léviathan ou Grand Palais – ont connu naissance et renaissance.

Éditorial

Jean-François Royer, Associé Ernst & Young Advisory, Responsable du Prix de l’Entrepreneur de l’Année

Pierre Jouanne, Associé Ernst & Young et Associés, Responsable du Marché Entrepreneurs

Frédéric Thomas,Associé Ernst & Young et Associés, Responsable du développement Marché Entrepreneurs Paris

Sylvain Bureau,Directeur de la Chaire Entrepreneuriat ESCP Europe

Jacqueline Fendt, Directrice Scientifique de la Chaire Entrepreneuriat ESCP Europe

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La démarche EY Growth NavigatorLa méthode EY Growth Navigator a été développée par EY au niveau mondial. Elle permet aux entrepreneurs de s’auto-évaluer sur un certain nombre de leviers de croissance (ci-dessous), de déterminer leur niveau d’ambition dans chaque domaine et sa cohérence avec la stratégie de l’entreprise, puis de construire un plan d’actions à mettre en œuvre collectivement. La démarche a été menée plus de 1 000 fois à travers le monde depuis un an. EY Growth Navigator s’enrichit à mesure de l’accompagnement des entreprises, dont les retours d’expérience alimentent une base mondiale qui permet de construire un benchmark des bonnes pratiques et d’affiner une vision sectorielle.

Clients : comment améliorer l’expérience client et augmenter la valeur de son portefeuille

Collaborateurs, comportements et culture d’entreprise : comment composer, retenir et fédérer des équipes performantes

Numérique, technologie et analyse des données : comment saisir les opportunités offertes par les technologies et le digital

Opérations : comment optimiser l’efficience de son organisation

Financement et fonction financière : comment développer une stratégie de financement de la croissance

Transactions et partenariats : comment réussir des acquisitions et des partenariats stratégiques

Risques : comment mettre en place un dispositif efficace de gestion des risques

Évaluer votre situation actuelle Parvenir à un avantage concurrentiel

Collaborateurs, comportements et

culture d’entrepriseNumérique,

technologie et analyse des données

Transactions et partenariats

Risques

Opérations Financement et fonction financière

Clients

Avantage concurrentiel

Stratégie de croissance durable

Cette démarche sur mesure et participative se fait en plusieurs étapes :

• Préparation : l’entreprise choisit les leviers de croissance prioritaires et détermine les plus importants au regard du gisement de valeur potentiel qu’ils représentent.

• Réflexion : l’entreprise réalise un état des lieux de ses forces et faiblesses. Elle se positionne sur chacun des leviers choisis selon son niveau de maturité et d’ambition. La vision du dirigeant peut être confrontée à celle de son comité directeur. Puis les initiatives structurantes à mettre en place sont identifiées.

• Action : l’entreprise arbitre et hiérarchise dans une matrice finale les actions de transformation concrètes à mettre en œuvre (et le rythme de leur mise en œuvre).

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Les points clés La rupture sur un marché n’a rien d’exceptionnel. C’est la vitesse de transformation qui, aujourd’hui, marque le jeu concurrentiel, tout comme l’hyper-croissance. Et c’est en réunissant humilité et agilité que les entreprises parviendront à suivre ces transformations : humilité, afin de ne pas considérer les succès passés comme des garanties pour l’avenir, ni mésestimer les évolutions à l’œuvre ; agilité, pour envisager et construire les expertises nécessaires à la transformation des activités de l’entreprise. La méthode et la logique entrepreneuriales, loin d’être l’apanage des seules start-up, sont profitables à toutes les entreprises.

A travers 7 leviers, cette étude met en lumière les bonnes pratiques et pistes de réflexion propres à accélérer sa croissance ou la retrouver.

Levier 1

Clients

Internet et les réseaux sociaux ont révolutionné la relation client : désormais partenaires des entreprises dans un nombre toujours plus grand de domaines, ils sont acteurs du changement et de la définition de leurs besoins. Développez une relation de co-création avec vos clients et organisez leurs communautés pour créer une relation durable et encourager l’innovation.

Levier 2

Collaborateurs, comportements et culture d’entreprise

Un système établi peut être révolutionné par de nouvelles logiques managériales. Responsabilisez vos collaborateurs, favorisez l’émergence d’intrapreneurs : l’innovation naîtra d’un changement de culture, de la reconnaissance et du développement des talents, et d’un nouveau regard sur l’existant.

Levier 3

Numérique, technologie et analyse des données

Le numérique réinvente le temps et l’espace. L’analyse de grandes quantités de données ouvre de nouvelles perspectives de performance et de développement des systèmes d’information. Devenez leader de votre marché en rompant radicalement avec les règles et les pratiques de votre secteur.

Levier 4

OpérationsAvec l’accélération du rythme du changement, veillez plus que jamais à aligner opérations et stratégie. Au-delà des indicateurs comptables, l’optimisation doit intégrer le développement durable et intégrer collaborateurs, fournisseurs et clients.

Levier 5

Financement et fonction financière

Profitez pleinement de toutes les opportunités offertes par l’innovation financière pour accompagner les différents stades de votre croissance. Avec la dématérialisation des informations et l’intégration des systèmes de contrôle de gestion, faites évoluer vos fonctions financières pour introduire dès aujourd’hui les outils qui vous seront indispensables demain.

Levier 6

Transactions et partenariats

La croissance externe est une source d’innovation et de compétitivité accrue. Anticipation, concertation et préparation vous seront indispensables pour envisager sereinement les transformations de votre société.

Levier 7

Risques En parallèle des risques traditionnels, le numérique génère de nouvelles menaces. Associez vos parties prenantes à la gestion des risques pour les transformer en opportunités.

6 | (re) Naissance

Les 7 leviers de la croissance

ClientsSi les clients constituent la raison d’être d’une entreprise, ils étaient cantonnés jusqu’à récemment à l’extrême fin de la chaîne économique. Ils « recevaient » un bien ou un service contre une compensation financière. Avec Internet et les réseaux sociaux, les clients s’immiscent dans des étapes de production ou dans la démarche d’innovation, voire deviennent acteurs de l’offre avec l’économie collaborative. Parmi les entreprises qui ont compris cette évolution, nombreuses sont celles qui travaillent déjà, non plus pour, mais avec leurs clients finaux. La co-création est devenue un des principes de la nouvelle économie. Le défi principal des entreprises qui cherchent des relais de croissance est de capter la valeur potentiellement créée par leurs communautés de clients.

Les questions à se poser• Comment appréciez-vous la qualité et la maturité de

votre offre de produits/services sur vos marchés ?

• Comment vos clients vous connaissent-ils ? Par votre réputation ? Via la relation client ? Par leur implication dans les programmes de développement ?

• Quelle appréciation portez-vous sur l’expérience vécue par vos clients ?

• Quel niveau d’anticipation avez-vous sur l’évolution de vos produits, demandes ou problèmes clients ?

• Quels leviers utilisez-vous pour améliorer l’expérience client ?

Les axes d’action• Produits

• Marchés et canaux de distribution

• Marketing

• Politiques de vente et de prix

• Expérience client

➥ BlaBlaCar : la start-up qui a réinventé le covoiturage

BlaBlaCar, anciennement covoiturage.fr, est une plateforme collaborative créée en 2006 sur un principe simple : mettre en relation des conducteurs qui ont des places libres dans leur voiture et des passagers qui souhaitent effectuer le même trajet. Ils vont alors partager les frais du trajet (péage et essence notamment). L’ambition de BlaBlaCar : réduire le gaspillage massif des voitures qui roulent à vide, permettant un gain économique pour les conducteurs et réduisant l’impact environnemental.

Fort de son succès, BlaBlaCar observe une croissance continue depuis sa création. En 2011, la start-up connaît un tournant avec l’intégration du module de paiement en ligne, qui renforce la confiance entre les membres et fait de BlaBlaCar un outil populaire s’adressant au plus grand nombre. Aujourd’hui, le site compte 20 millions de membres dans 19 pays. Un chiffre qui inquiète des acteurs historiques comme la SNCF, qui estime que le covoiturage lui a fait perdre des clients sur ses TGV en 2014.

Si tout semble se dérouler sans encombre pour BlaBlaCar, de nouveaux enjeux apparaissent. L’un d’eux est de conserver les valeurs d’origine qui ont fait le succès de la start-up et de s’assurer que tous les collaborateurs – 350 aujourd’hui – partagent la même vision. Pour formaliser cette culture d’entreprise, les employés de BlaBlaCar, alors qu’ils n’étaient encore que 60, ont été invités à partager les valeurs qui les animaient au quotidien. Dix grands préceptes sont nés de cette réflexion, comme « Think it, Build it, Use it », qui incite les collaborateurs à être eux-mêmes utilisateurs de la plateforme pour pouvoir l’améliorer en continu, ou « The member is the boss », qui insiste sur le fait que c’est l’écoute de l’utilisateur qui permettra à l’entreprise d’offrir le meilleur service et de ne pas se faire dépasser par un nouvel entrant. Le défi est d’autant plus grand que l’entreprise, qui compte bien continuer sur sa lancée, envisage aujourd’hui de continuer son développement à l’international.

Les cas d ’entrepr ises

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Vincent Dietsch

Directeur associé, Kalea Consulting, membre du réseau EY en France

Pendant longtemps la relation client s’est limitée presque exclusivement au téléphone et aux centres d’appel. Le délai de réponse, la pertinence des informations et la qualité du contact constituaient les seuls leviers d’action possibles. Aujourd’hui, avec la multiplication des canaux de communication et des réseaux sociaux, les entreprises ont dû modifier leur perception de la relation client et investir de nouveaux champs d’expérimentation. Les notions de « parcours » et d’« expérience » sont passées au premier plan. On trouve la trace de cette évolution chez Nespresso, Starbucks ou Apple qui ont, dès leur création, décidé de placer l’expérience client au cœur de leurs modèles de développement.

Un nouveau canal relationnel est en plein essor : les objets connectés. Grâce aux données récoltées sur les usages et les besoins clients, les capteurs embarqués dans

les produits ouvrent un nouveau canal de communication du client vers l’entreprise. Ces produits « intelligents » permettent aux entreprises du bâtiment, de la santé ou de l’agriculture de développer de nouveaux services et de rompre avec leurs modèles de business

traditionnels. Grâce à ses ascenseurs connectés, ThyssenKrupp peut notamment proposer de la maintenance préventive.

Alors que l’usage prime de plus en plus sur la possession, la vente de services est en train de remplacer la vente de produits physiques. A tel point que les frontières sectorielles se brouillent et que des entreprises sortent de leur domaine d’activité traditionnel pour se positionner sur un rôle d’intermédiation, à l’instar d’IBM qui grâce à ses technologies « smart » prend des positions fortes sur le marché de gestion de l’eau en Asie.

Autre facteur qui transforme la relation client : chacun s’attend à voir se propager partout (lors de ses achats, dans sa vie professionnelle) les usages innovants qu’ils ont adoptés en privé. Les entreprises doivent donc être des observateurs permanents du quotidien des individus. Le B-to-B puise son inspiration auprès du B-to-C, qui lui-même doit s’aligner sur les services C-to-C que propose la nouvelle économie collaborative. C’est ainsi que les entreprises seront en mesure à la fois d’enrichir la relation client, d’adapter leurs modèles de développement et de conquérir de nouveaux marchés.

« Les entreprises doivent être des observateurs permanents du quotidien. »

8 | (re) Naissance

Louis-David Benyayer

Chercheur à l’ICD-Lara

Chercheur associé à la Chaire Entrepreneuriat ESCP Europe

L’économie collaborative est loin d’être un mouvement marginal : les usages se développent très rapidement et les valorisations sont impressionnantes. Les acteurs dits traditionnels ont mis du temps à comprendre que cette nouvelle tendance allait constituer pour eux une menace importante. Aujourd’hui, la valorisation d’Airbnb est supérieure à celle d’Accor Hôtels.

Certains acteurs traditionnels voient ce développement comme une opportunité. La SNCF a racheté le site « 1, 2, 3 en voiture » et donné naissance à iDVroom, plateforme de covoiturage du domicile à la gare ; récemment, elle a aussi pris une participation majoritaire dans OuiCar (location de voitures entre particuliers). Dans la distribution, Mr Bricolage a lancé sa propre plateforme de location ou revente d’outillage d’occasion entre particuliers et Leroy Merlin a mis en place un partenariat avec le site Frizbiz qui met en relation des particuliers pour réaliser des services de bricolage.

Ce mouvement est le prolongement de l’évolution des frontières de l’organisation. Dans les cas susmentionnés, la valeur est créée en dehors de l’entreprise par des acteurs qui n’en font pas partie. Ce mouvement s’accélère et s’applique à des domaines auxquels on ne pensait pas auparavant : qui aurait, il y a dix ans, envisagé ce bouleversement dans l’hôtellerie ? L’enjeu principal aujourd’hui pour les acteurs traditionnels est de s’adapter à cette tendance en s’assurant de capter la valeur créée par des acteurs externes à leur organisation.

« L’enjeu pour les acteurs traditionnels est de trouver un moyen de capter la valeur créée en-dehors de leur organisation. »

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Aurélien Acquier

Professeur de Stratégie et Organisation à ESCP Europe

Les secteurs du transport, du financement et de l’hébergement ont été bouleversés par l’économie collaborative. Le prêt et l’aide à la personne

voient également leur logique se transformer. Plus globalement, tous les espaces où les individus peuvent valoriser leur patrimoine ou leurs compétences ont été ou sont en train d’être transformés.

Aujourd’hui, le principal enjeu pour les entreprises du secteur collaboratif est de se développer rapidement car dans ce secteur, les barrières à l’entrée sont faibles et il existe une logique de prime au premier entrant (« first mover advantage »). Un second enjeu est plus identitaire : il s’agit de ne pas « perdre son âme » dans cette phase de croissance. Les entreprises de l’économie collaborative sont souvent nées avec une promesse environnementale et sociale, et une vision réformiste du capitalisme. Par exemple, BlaBlaCar a longtemps communiqué sur l’impact environnemental de son activité et avait une réelle volonté de création de valeur économique, sociale et environnementale. Mais il est difficile de maintenir cette hybridité quand l’entreprise se développe et que la logique business devient prédominante. Or, si cette promesse est mise à l’écart, les entrepreneurs du collaboratif risquent d’apparaître comme un nouveau Léviathan, une fois qu’elles seront normalisées. Airbnb en est l’exemple le plus parlant : l’entreprise est passée du statut de « petit acteur beatnik sympa » au nouveau « monstre » de la Silicon Valley qui ébranle l’industrie hôtelière.

➥ Leroy Merlin : élargir son offre de biens et de services grâce à l’économie collaborative

Leroy Merlin compte déjà 340 magasins partout dans le monde, mais c’est un espace un peu particulier qui ouvrira ses portes fin 2015 à proximité immédiate du magasin d’Ivry : un Maker Space version XXL. Cet espace, créé en partenariat avec Techshop, le spécialiste américain du TechLab, offrira à tous ceux qui veulent « faire » un parc de plus de 150 machines (dont des imprimantes numériques 3D, des machines de découpe laser, de soudure…). Les abonnés pourront avoir un accès illimité à cette mini-usine et bénéficier d’un accompagnement, de conseils personnalisés et de formations de la part de coachs présents en permanence sur le site. Un site dont sortiraient peut-être, à terme, de nouveaux produits co-créés entre ces makers et Leroy Merlin.

Cette démarche consistant à se positionner comme un acteur de l’économie collaborative a débuté en 2014 avec la prise de participation dans Frizbiz, plateforme d’échange de services entre particuliers, également appelé jobbing. L’objectif pour Leroy Merlin : compléter son offre de services liés au bricolage, composée historiquement de l’achat, de la location de matériel et de la mise en relation avec des artisans, par, dorénavant, l’échange de compétences entre membres de la communauté. En saisissant l’opportunité de l’économie collaborative pour élargir sa gamme, l’ambition de Leroy Merlin est clairement affichée : jouer des pratiques émergentes plutôt que leur résister.

Les cas d ’entrepr ises

« Les entreprises du secteur collaboratif vont devoir croître sans dénaturer leur promesse initiale. »

10 | (re) Naissance

Les 7 leviers de la croissance

Collaborateurs, comportements et culture d’entreprise

L’excellence d’une entreprise est étroitement liée à celle de ses employés. Alors que de plus en plus d’organisations démontrent l’efficacité d’un système qui accorde une grande importance au bien-être, à la motivation et à la responsabilisation de leurs employés, le développement des collaborateurs est devenu un levier de croissance à part entière. Les entreprises doivent être en mesure de capter les signaux faibles qui feront leur croissance future. Pour cela, elles doivent tenir compte de la diversité des profils et des générations, identifier les talents à même d’exploiter ces signaux et favoriser l’intégration autour d’une vision partagée tout en laissant la place à l’innovation. C’est ainsi qu’elles pourront demeurer compétitives.

Les questions à se poser• Votre stratégie RH est-elle alignée sur votre stratégie globale ?

• Comment accompagnez-vous le développement des compétences de vos équipes ?

• Disposez-vous des talents nécessaires pour mettre en place votre stratégie ?

• Assurez-vous un suivi de la performance de vos collaborateurs ?

• Vos collaborateurs sont-ils incités à explorer de nouveaux concepts et de nouvelles idées ?

• Comment l’innovation est-elle encouragée et récompensée ?

• Par quels leviers encouragez-vous et motivez-vous vos collaborateurs ?

Les axes d’action• Gestion des potentiels

• Management de la performance

• Innovation

• Leadership

• Rémunération et récompense

Colin Bernier

Associé responsable de l’activité Talent & Reward, Ernst & Young Société d’Avocats

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la rémunération ne constitue pas toujours l’élément le plus important pour attirer et conserver des talents. Les attentes varient de façon extrêmement forte entre les générations, et doivent être prises en compte dans les politiques de recrutement : ainsi par exemple, si la génération du baby-boom représente une population fidèle à l’entreprise et à ses valeurs, les membres des générations X et Y sont beaucoup plus sensibles à l’intérêt des projets qu’ils portent et à l’autonomie qu’on leur accorde. Cette différence doit être prise en compte.

Le défi est de parvenir à harmoniser les différents angles d’approche sans créer de frustrations, ni de conséquences néfastes accidentelles. Le plus important est d’avoir une politique de rémunération rationnelle. Il s’agit d’éviter par exemple que de nouveaux entrants bénéficient d’une rémunération plus élevée que les collaborateurs déjà présents dans l’entreprise, sauf à ce que cette différence puisse s’expliquer, et soit expliquée, par des expertises différentes.

D’autre part, les entreprises disposent de quantités de données très importantes dans le domaine des ressources humaines, dont elles tirent pour le moment peu d’enseignements. L’analyse de ces données permettrait par exemple de mieux sélectionner les profils à recruter, de réduire le turnover en identifiant les collaborateurs à risque, ce qui aurait pour

effet de réduire les coûts de recrutement. Une analyse des données RH peut également permettre de mettre en place de meilleurs programmes

« Les entreprises doivent tenir compte des différences générationnelles. »

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de développement des talents en répondant notamment aux questions suivantes : combien d’années faut-il aux talents pour se révéler ? Quels sont les profils susceptibles de mieux réussir ? Quel type de rémunération réduit l’attrition par tranche d’âge ?

Malgré l’attrait du modèle, seul un nombre limité d’entreprises françaises a pour l’instant décidé de s’engager dans l’exploitation du potentiel que l’on appelle le « Big Data RH » en analysant et modélisant les données dont ils disposent dans le domaine des ressources humaines. En effet, ces mesures nécessitent d’adopter une perspective de long terme, car si l’investissement est immédiat, les bénéfices ne sont pas tout de suite perceptibles. Les entreprises devraient songer à se transformer avant la reprise économique, afin de bénéficier de tout son dynamisme.

Frédéric Levaux

Directeur associé, Ernst & Young Advisory

Avec l’émergence de l’économie numérique, les aspirations des talents ont changé : ils souhaitent qu’on leur accorde plus de responsabilités, de confiance et de liberté. C’est ce dont témoigne la réussite des nouveaux modèles organisationnels comme celui de Zappos, entreprise de vente de

chaussures en ligne basée à Las Vegas. Cette société fonctionne sur le principe de l’holocratie et s’appuie sur une hiérarchie

fractale, ce qui laisse les employés libres de s’organiser comme ils le souhaitent au sein d’équipes. Malgré des contraintes logistiques fortes liées à la vente en ligne, l’entreprise n’a cessé de se développer jusqu’à son acquisition par Amazon en 2009.

Bien que ce modèle soit difficilement reproductible et dépende en grande partie de la personnalité du fondateur, la volonté de s’abstraire des processus est une tendance qui se généralise, notamment par le biais de la culture des growth hackers, ces « débrouillards » qui ne prennent aucune chose pour acquise et explorent des voies nouvelles en marge des règles et des recommandations.

Dans un contexte où les entreprises traditionnelles font face à une concurrence

« Savoir intégrer les intrapreneurs est vital pour les entreprises. »

12 | (re) Naissance

accrue de la part de structures plus souples, capables de pratiquer l’innovation agile et de lancer des produits plus rapidement, elles doivent pouvoir attirer ces nouveaux talents et les aider à transformer l’organisation.

Bien que vitale, cette stratégie ne va pas sans poser quelques problèmes, car l’entreprise devra être à même de gérer la frustration des collaborateurs qui restent soumis à des processus traditionnels. Or faire collaborer ces « intrapreneurs » avec les experts métiers est un élément clé pour être capable d’innover et de s’adapter aux nouveaux usages de son marché. C’est la raison pour laquelle Nestlé a décidé de former et développer des talents numériques, puis de les déployer au sein de petites équipes à différents niveaux de l’organisation, afin de provoquer des interactions et de diffuser une culture numérique plus forte. L’intégration de ces nouveaux talents sera un aspect stratégique du devenir des organisations.

Isaac Getz

Professeur de Leadership et Innovation à ESCP Europe

Depuis le XIXe siècle, les entreprises ont essayé de générer de l’innovation via des boîtes à idées et autres concours, mais certaines se sont rapidement rendu compte que cela ne fonctionnait pas, à l’instar de Michelin qui a cessé d’y avoir recours dès 1930. On ne s’attaque pas en effet à la cause du problème : les collaborateurs ont des idées mais ils n’ont pas envie de les partager car ils sont déresponsabilisés par la structure hiérarchique.

Des entreprises « libérées » comme Favi ont pris le contrepied de l’entreprise traditionnelle bureaucratique, anti-innovante pour la majorité des salariés car laissant l’activité d’innovation à l’élite des « sachants ». Ces entreprises ont puisé leur force créative dans les idées des salariés, qui, responsabilisés, ont envie de les réaliser à travers leurs nombreuses initiatives.

L’innovation ouverte est bénéfique car elle montre que les solutions ne sont pas l’apanage d’une élite. Cependant, il faut s’ouvrir aux idées de ses propres salariés avant d’envisager des partenariats à l’extérieur. L’intrapreneuriat est aussi une approche bénéfique car il

« Aller vers l’entreprise libérée, c’est s’assurer plus d’innovations venant de tous les salariés. »

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➥ Tesla et Renault : quand une technologie centenaire redynamise un marché mature

Tesla est une entreprise automobile quelque peu particulière puisqu’elle a vu naissance… dans la Silicon Valley. Co-fondée en 2003 par Elon Musk – également à l’origine de Paypal et de SpaceX – l’entreprise produit des voitures électriques haut de gamme, considérées comme des innovations de rupture sur le marché automobile.

Tesla s’est développée en prenant des orientations stratégiques a priori contre-intuitives, sous l’impulsion de son fondateur, serial entrepreneur visionnaire : un positionnement de niche, des premières voitures bricolées avec des batteries d’ordinateurs et de téléphones, et un réseau de distribution en propre. Surtout, Elon Musk a annoncé en 2014 sa volonté d’ouvrir ses brevets, afin que tous les acteurs de l’écosystème puissent profiter de sa technologie. L’objectif ? Développer le marché de l’électrique et par conséquent les infrastructures liées, notamment les systèmes de recharge qui restent encore très peu nombreux.

Malgré des ventes peu élevées comparé à ses concurrents (Tesla représente 0,02 % du marché mondial), la valorisation boursière de Tesla atteint 25,2 milliards de dollars en 2015, alors que celle de Renault plafonne à 27,7 milliards de dollars. Mais Tesla constitue-t-il un concurrent de taille pour Renault ? Cette dernière a surtout profité de la brèche ouverte par Tesla, qui a crédibilisé la voiture électrique, pour reprendre la production de ses voitures initiée en 1988, faisant ainsi du groupe le premier vendeur de voitures électriques du monde. Avec ses voitures Twizzy et Zoé, Renault se développe aujourd’hui sur un marché de masse, jusqu’alors délaissé par Tesla. Surtout, Renault continue d’être leader sur de nombreux autres segments plus traditionnels, comme le démontre l’immense succès de son crossover Captur, modèle d’innovation incrémentale.

➥ Poult : entreprise « libérée » depuis 2006

La biscuiterie Poult est plus que centenaire, puisque c’est en 1883 qu’elle fut créée par Emile Poult, pâtissier de Montauban. C’est pourtant en 2006, en pleine crise financière et suite à sa reprise par LBO France, que l’entreprise effectue sa mue.

L’entreprise, sous l’impulsion de son PDG Carlos Verkaeren, décide alors de revoir toute son organisation, et de fonder son management sur des valeurs de liberté et de confiance. L’objectif : revenir aux motivations intrinsèques des collaborateurs. Pour y parvenir, la pyramide managériale est aplatie, les comités de direction sont supprimés, les équipes auto-organisées sont regroupées en familles de produits (et non plus par fonctions), et l’attribution des ressources au sein de l’entreprise devient collaborative. L’entreprise va jusqu’à supprimer les primes, même pour les commerciaux. Par ailleurs, afin de diffuser

la culture de l’innovation, la Poult Académie, programme intrapreneurial, et la cellule innovation, dotée de 30 coachs bénévoles, sont créées.

L’objectif de redonner envie de travailler et d’innover est atteint, puisque le taux d’absentéisme diminue de 60 % entre 2007 et 2010. Reconnue par ses pairs, Poult reçoit le Trophée du management de l’innovation en 2010 et des Espoirs du management en 2013. Une récompense méritée, puisque les nouveautés représentent dorénavant 70 % de la croissance du groupe. Numéro un français sur le marché des marques de distributeurs et deuxième biscuitier français après Lu, Poult a vu sa croissance augmenter de 13 % en 2013, alors que le marché reculait de 2 %… L’entreprise libérée, entreprise de demain ?

Les cas d ’entrepr ises

donne au salarié la pleine capacité à initier un nouveau produit, un business model… L’entreprise doit néanmoins veiller à ce que cette démarche ne devienne pas un gadget à côté du « business as usual », et s’attaquer au préalable aux structures organisationnelles qui étouffent l’initiative des salariés.

Régis Coeurderoy

Professeur de Stratégie et Organisations à ESCP Europe

Les conditions pour favoriser l’innovation n’existent pas vraiment. L’innovation de rupture provient in fine de la chance ! Pour mettre la chance de son côté, il faut se libérer du planning de développement, s’ouvrir, encourager la créativité et l’esprit entrepreneurial… et ainsi générer des processus qui vont favoriser l’émergence de projets qui n’étaient pas définis a priori.

On observe par ailleurs une corrélation entre innovation, de rupture notamment, et identité culturelle du pays dans laquelle elle se développe. Les cultures qui favorisent un certain égalitarisme, une distribution assez plate du pouvoir, et qui ont une relation positive à l’incertitude favorisent beaucoup plus l’innovation. En Europe, les premiers sont la Suisse et les pays nordiques ; les derniers se trouvent plutôt à l’Est, avec la Roumanie et la Bulgarie.

Mais le discours actuel, qui incite à l’innovation de rupture, est à prendre avec précaution. Le fondement de l’organisation est de générer des routines, des régularités. Donc si l’on veut sortir de la routine, il faut désorganiser, décentraliser, déhiérarchiser… ce qui peut être néfaste pour beaucoup d’entreprises. Une société humaine ne pourrait pas tenir le choc de changements structurels trop fréquents ! Heureusement, l’innovation de rupture est plutôt minoritaire.

Il ne faut pas oublier l’innovation incrémentale. La force des ETI allemandes comme Uhlmann réside plutôt dans la continuité que dans la rupture. Ces entreprises se positionnent sur des niches et investissent de façon permanente pour garder

leur avance. Il existe chez elles un vrai souci du perfectionnisme et une poursuite permanente de l’effort, qui sont les secrets du modèle allemand d’innovation.

« L’innovation de rupture est exceptionnelle, et heureusement ! »

14 | (re) Naissance

Les 7 leviers de la croissance

Gilles Babinet

« Digital champion » de la Commission européenne et membre du conseil stratégique d’EY en France

Comment entre-t-on dans l’ère numérique quand on est une entreprise ? Beaucoup pourrait être dit à ce titre, cependant, il me semble que la méthode la plus structurante consisterait à s’appuyer sur une plateforme. Les entreprises qui ont décidé de tirer profit des potentialités offertes par le numérique ont eu recours à ce type d’outil en interne. Son intérêt ne réside pas seulement dans la possibilité de stocker un grand nombre de données, mais surtout de les exposer au regard de tous les collaborateurs de façon transverse.

Les conséquences d’un tel outil sont multiples : en unifiant des systèmes d’information et de communication autrefois séparés, il permet de décloisonner

l’entreprise et d’enrayer les logiques de silos, encourageant les acteurs à développer une plus grande collaboration

Numérique, technologie et analyse des données

Source de désintermédiation et de décloisonnement, le numérique a ouvert aux entreprises la possibilité de devenir leader de leur marché en contournant la plupart des barrières à l’entrée traditionnelles. Parmi les premiers secteurs à vivre cette transformation, l’industrie culturelle constitue un observatoire particulièrement intéressant pour comprendre les mutations à venir dans les autres secteurs et s’inspirer des stratégies d’adaptation de ses parties prenantes. L’émergence des mégadonnées (Big Data) offre d’autre part aux entreprises une nouvelle source de leadership, en leur permettant d’affiner leur vision stratégique et de prendre des décisions plus rapides et plus pertinentes. Bien employée, l’information est capable de révolutionner l’organisation en plaçant la collaboration au centre de la création de valeur.

Les questions à se poser• Quelle est la place du numérique dans votre entreprise ?

• Comment le digital transforme-t-il votre activité ?

• Quels investissements avez-vous réalisés pour basculer vos activités en mode digital ?

• Avez-vous mis en place des méthodes et des outils spécifiques pour le reporting et l’analyse des données de performance de votre entreprise ?

• Quels sont les moyens alloués à la DSI pour étudier et mettre en place de nouvelles approches digitales ?

Les axes d’action• Stratégie digitale

• Innovation technologique

• Analyse et sécurité des données

• Organisation de la fonction IT

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« Les plateformes sont des outils privilégiés pour faire entrer une entreprise dans l’ère numérique. »

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propice à l’innovation. Dans ce système, les différents métiers peuvent conserver la capacité de construire leurs propres espaces dans la mesure où ils demeurent interopérables. Les données doivent en effet rester accessibles à l’ensemble des collaborateurs. Cette organisation donne souvent lieu, à un aplatissement de la structure hiérarchique qui laisse place à un système agile dédié aux projets.

Cependant, pour réussir cette révolution, il est indispensable que le management en ait compris les enjeux et en soutienne le développement. Il faut aussi que les dirigeants repensent le suivi de la performance : dans les sociétés où les données sont au centre des processus de décision, l’évaluation de la performance doit être liée aux projets, aux équipes, aux individus. Plusieurs échelles d’indicateurs doivent être réunies et mesurées en permanence, afin d’obtenir une analyse précise des dynamiques à l’œuvre et de dégager les bonnes pratiques. Cette méthode implique que les objectifs de performance se contentent de fixer de grandes orientations, afin d’être en mesure de les faire évoluer en fonction des résultats recensés1. C’est ainsi qu’une entreprise acquiert l’agilité nécessaire à sa croissance et à l’industrialisation de l’innovation.

1 A ce sujet, lire Exponential Organisation, de Salim Ismael

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Martin Kupp

Professeur de stratégie à ESCP Europe Membre de la Chaire Entrepreneuriat

Le numérique a bouleversé les façons de produire et de distribuer du contenu culturel. En termes de production, le credo est désormais « everywhere, everytime, cheap », alors que la réussite passait auparavant par la production dans des grands studios avec des technologies de pointe. Aujourd’hui, la technologie étant accessible à tous, il est même possible de produire un album ou un film dans son propre appartement ! On observe le même mouvement dans la photographie, et plus généralement dans les industries créatives. Le revers de cette tendance est que de moins en moins de gens peuvent vivre de cette activité : il y a les superstars et les autres.

Concernant la distribution, la grande différence aujourd’hui est que le créateur de contenu, l’artiste, peut avoir un contact direct avec sa cible. Avant, un artiste était presque B-to-B : il y avait toujours un intermédiaire entre lui et les gens qui « consommaient ». Maintenant, un fan peut aller directement sur SoundCloud ou Spotify pour écouter gratuitement ce que l’artiste vient de poster, et l’artiste peut en échange obtenir de nombreuses données sur ceux qui l’écoutent via ces plateformes. Savoir comment les fans se comportent permet de réagir en conséquence. Pour les artistes autant que pour les entreprises, les bases de données représentent d’énormes opportunités.

« Les données de consommation constituent aujourd’hui un atout majeur pour les artistes. »

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➥ Amazon et Fnac : quand la distribution de biens culturels se réinvente sur le web

C’est en 1994 que Jeff Bezos crée dans son garage de Seattle Amazon, site de vente en ligne de livres. Dix ans plus tard, et après avoir étendu son offre à tous les biens non alimentaires, la start-up est devenue le leader mondial du e-commerce, avec un chiffre d’affaires trimestriel s’élevant aujourd’hui à 22,7 milliards de dollars. Aux États-Unis, 1 livre sur 2 est vendu par le pure player.

L’arrivée d’Amazon sur le marché de la distribution de biens culturels, mais également la digitalisation de ces biens, constituent au milieu des années 2000 un double choc pour Fnac, qui a mal anticipé l’ampleur de cette révolution numérique. En 2009, l’entreprise ferme l’un de ses principaux magasins parisiens et licencie 400 personnes dans le cadre de son plan de réduction de coûts de 35 millions d’euros. En 2011, alors que le chiffre d’affaires en magasins chute de 5,4 % sur l’année, Alexandre Bompard, alors PDG du groupe, lance son plan de développement « Fnac 2015 » basé sur une stratégie centrée

sur le client, l’enrichissement de son offre et, enfin, l’accélération de l’omnicanal. Ce renforcement des liens entre ses boutiques – sa force – et son site internet prend plusieurs formes :

• en magasin, le client peut avoir accès à la totalité de l’offre disponible sur le site web (« click&mag ») ou commander des produits sur une borne afin de se faire livrer chez lui ;

• sur Internet, il peut vérifier la disponibilité d’un produit en magasin, le retirer dans l’heure (« Click&Collect 1h »), ou encore se faire livrer en 3 heures, surpassant ainsi son concurrent Amazon qui livre au mieux le lendemain.

Les résultats du plan sont, trois ans après sa mise en place, positifs pour Fnac : entre 2013 et 2014, les bénéfices ont été multipliés par trois, s’élevant ainsi à 41 millions d’euros, la croissance des ventes sur les nouveaux produits était de 11 % en 2014, et la trésorerie nette a augmenté de 16 % en un an pour atteindre 535 millions d’euros.

➥ Lady Gaga : la « Madonna 2.0 »

Loin d’être anecdotique, le secteur des industries créatives est emblématique des nombreuses transformations liées au numérique. Lady Gaga a ainsi, dès 2008, saisi le principal enjeu : maintenir le contact avec ses fans (« clients ») entre chaque concert. Elle a saisi toutes les opportunités offertes par le numérique, en étant très tôt active sur les réseaux sociaux. Lady Gaga a également réalisé des partenariats avec Google et Spotify, refusés par la plupart des artistes à l’époque, qui lui ont permis de mieux comprendre les habitudes de consommation de ses fans et de communiquer en conséquence. Enfin, pour mieux mettre en œuvre cette stratégie, Lady Gaga a conclu un contrat 360 avec Interscope Records, obtenant ainsi un renfort marketing en échange d’un partage de revenus encore inédit pour les activités non-musicales.

Sa stratégie d’« intimité de masse » et de relation quasi amicale avec ses fans paye, puisque l’on dénombre en 2012, 23 millions d’albums vendus

dans le monde, et 2 millions de téléchargements payants de titres la même année aux États-Unis, record dans l’histoire de la musique dématérialisée. Le téléchargement illégal ne lui porte pas atteinte : en effet, qui oserait voler un ami ?

A l’inverse, si Madonna a été l’une des premières artistes à saisir l’importance de la vidéo dans les années 1980, elle n’a pas vu arriver la révolution numérique dans l’industrie musicale : comptes sur les réseaux sociaux créés tardivement et contenus – visuels ou musicaux – peu fréquents ont agrandi la distance avec ses fans. En 2015, après avoir été piraté quelques mois avant sa sortie officielle, son album « Rebel Heart » est l’une de ses moins bonnes ventes aux États-Unis depuis 20 ans. Surtout, sa communication digitale ne lui permet pas de renouveler sa base de fans, beaucoup plus âgée que celle de Lady Gaga… Lady Gaga n’a peut-être pas détrôné Madonna, mais on peut sans conteste affirmer qu’elle en est la version 2.0.

Les cas d ’entrepr ises

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Les 7 leviers de la croissance

Bertrand Baret

Associé Ernst & Young Advisory

Aujourd’hui, les entreprises ne peuvent plus compter uniquement sur l’excellence de leurs produits ou sur la maîtrise de leurs marchés pour rester concurrentielles ou conquérir de nouveaux marchés. Compte tenu de l’accélération du changement de l’environnement économique ces dernières années, les plans stratégiques traditionnellement établis sur 5 à 7 ans ne sont souvent pas suffisamment agiles et réactifs. Il est désormais devenu nécessaire de gagner en souplesse et de viser à faire évoluer la culture de l’entreprise et la gestion des opérations (achats, production, chaîne de distribution, réseau commercial, etc.) vers davantage de réactivité et de performance.

Les entreprises qui ne sont pas parvenues à réagir aux mutations de leurs marchés n’ont pas toujours fait d’erreurs de stratégie, elles n’ont simplement pas réussi à s’adapter suffisamment rapidement à un contexte nouveau, souvent pour cause de rigidité organisationnelle. C’est pourquoi la capacité à se transformer rapidement est un élément particulièrement important

à prendre en compte quand on est dirigeant.

Contrairement aux sociétés qui ont peu réagi aux bouleversements de leurs marchés, certaines ont réussi à évoluer au bon moment, comme Schneider Electric

par exemple, et ont opéré une véritable transformation culturelle qui leur a permis de se positionner sur l’échiquier mondial.

OpérationsAlors que les entreprises sont toujours plus nombreuses à modifier leur proposition de valeur pour s’adapter aux mutations de leurs marchés, la gestion des opérations est plus que jamais sollicitée pour mettre en œuvre les transformations prévues dans les plans stratégiques. La progressive migration de l’industrie vers les services, l’utilisation de données recueillies sur les machines offrent de nouvelles opportunités d’optimisation en marge du lean management classique, qui prend par ailleurs un nouveau sens pour répondre à la nécessité d’un développement durable. En outre, l’accélération du rythme du changement impose aux opérations de se faire plus agiles, car il ne suffit plus seulement pour les dirigeants d’accomplir les mutations nécessaires, il faut qu’ils les réalisent dans les temps.

Les questions à se poser• Quels sont les principaux piliers et points forts

de votre stratégie opérationnelle ?

• La stratégie est-elle de la responsabilité de l’échelon local ou est-elle alignée au sein d’entités internationales ?

• Comment êtes-vous organisé pour améliorer la qualité de vos processus ?

• Comment vos fournisseurs ou clients sont-ils intégrés dans votre recherche d’amélioration continue et/ou d’excellence opérationnelle ?

• Vos chaînes de production et d’approvisionnement sont-elles optimisées ?

• Recherchez-vous en permanence une optimisation de vos processus sans nuire à la qualité du service ?

Les axes d’action• Stratégie

• Excellence et résilience opérationnelle

• Amélioration continue

• Développement durable

« Les dirigeants doivent anticiper le décalage entre leurs objectifs stratégiques et la réalité des opérations. »

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Cet enseignement s’applique également aux entreprises de taille intermédiaire. C’est ainsi qu’un groupe familial qui compte parmi les premiers transformateurs mondiaux de produits agricoles, a décidé de se réorganiser en vue d’atteindre une excellence opérationnelle nouvelle et d’accélérer son développement dans de nouveaux marchés, notamment en Asie du Sud-Est.

Compte tenu de la complexité des grandes organisations, les ETI, dont la structure est plus souple, ont tout intérêt à mener ces transformations, car elles peuvent leur donner un temps d’avance pour créer ou recréer un avantage compétitif. S’il y avait un conseil à donner aux dirigeants, ce serait de prendre le temps du recul pour faire coïncider leur stratégie et les besoins de leur marché avec la réalité des opérations, car c’est la gestion des opérations aujourd’hui, qui fera le business demain.

Valérie Moatti

Professeur de Management de l’Information et des Opérations

Directrice de la Chaire « Mode et Technologies » à ESCP Europe

Depuis la crise de 2008-2009, le sujet de l’optimisation des activités a été au cœur des questions des entreprises. Mais même si cela fait 40 ans que les pratiques de lean management sont censées être connues, beaucoup considèrent encore qu’il s’agit d’une méthode de réduction des coûts, alors

que le concept prône un changement beaucoup plus profond : des employés mieux valorisés, plus responsabilisés… pour, en conséquence, limiter la non-qualité, le gaspillage et la baisse de productivité. Il y a un vrai effort à faire pour sensibiliser à ce qu’est

réellement le lean management, car ces principes relèvent plus de l’implication et de la construction de sens qu’à la mesure permanente et la mise sous pression. Il y a donc aujourd’hui énormément de potentiel pour l’optimisation de ces activités.

Le développement durable est également important et donne du sens à la démarche lean : diminuer le gaspillage est bon pour la productivité, mais également pour

« Une meilleure application des méthodes de lean management permettra de réellement optimiser ses activités. »

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l’environnement. Par ailleurs, la nécessité d’impliquer les employés correspond à une démarche sociale : la façon dont on traite ses employés, la sous-traitance dans des pays où certaines conditions de travail sont respectées, le choix de fournisseurs qui respectent le droit du travail et sont soucieux de leur impact environnemental… sont autant de facteurs propices à une meilleure gestion des opérations. Les démarches de développement durable peuvent revitaliser l’entreprise et empêcher le détournement des démarches lean.

Valentina Carbone

Professeur de Management de la Supply Chain, des Achats et des Opérations à ESCP Europe

La « servicialisation », soit le fait de mettre du service autour d’un produit, et donc se diversifier, est une grande tendance. De nombreuses entreprises ont adopté ce mouvement, comme Sanofi, dont l’objectif n’est plus tant de créer des médicaments spécialisés pour traiter le diabète que de créer une plateforme qui permette de vivre avec, voire soigner, la maladie. Aux produits s’ajoutent l’écoute, la prévention, la mise en relation avec la communauté de malades… L’activité devient centrée sur le consommateur (customer-centric) et non plus sur le seul produit (product-centric) et l’entreprise change clairement de métier. Même des industriels « purs et durs » (Cargill, Lectra…) ou des prestataires d’entreprises logistiques ont entamé cette démarche. Il est ainsi pertinent de parler de diversification de l’offre plutôt que de recentrage sur le cœur de métier.

En parallèle de ce mouvement, les entreprises adoptent des démarches de développement durable principalement pour optimiser leurs opérations. Danone en a même presque fait un atout marketing, quitte à être accusé « d’écoblanchiment » (greenwashing). De l’autre côté de l’Atlantique, Wal-Mart, qui souffre encore de son image de mauvais employeur social, a totalement refondu ses opérations et a désormais une green supply chain très avancée, qui a eu pour conséquence de réduire la production de déchets de ses opérations de 98 % en l’espace de deux ans.

« Il est plus juste de parler de diversification de l’offre plutôt que de recentrage sur le cœur de métier. »

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➥ Lectra : des machines industrielles aux smart services

Quand Daniel Harari reprend Lectra en 1991, l’entreprise de création et de fabrication assistées par ordinateur est exsangue : les comptes sont faux et elle perd un million de francs par jour. Des mesures drastiques sont alors appliquées : remplacement de tous les logiciels , développement d’une nouvelle génération de machines de coupe, extension de l’activité à tous les marchés (autres que celui de la mode) et présence tout au long du cycle de production. Même si ces mesures semblent contre-intuitives et que la plupart des investisseurs se défient de la stratégie adoptée, le succès est au rendez-vous : en 2000, Lectra devient leader mondial de son marché. Mais c’est en 2005 que l’entreprise prend une orientation plus radicale : elle décide de maintenir la production en France, alors que la tendance est à la délocalisation, et de passer d’un fabricant de machines à un fournisseur de services intelligents (smart services). Lectra développe alors des smart services haut de gamme : une expérience mieux intégrée dans la conception des logiciels, une transformation des machines avec notamment l’installation de capteurs. Suite à la crise de 2009, le chiffre d’affaires des nouvelles ventes s’effondre. L’entreprise redéfinit alors sa proposition de valeur : sa technologie est une force, mais son atout majeur réside dans l’expérience de ses collaborateurs, présents dans le monde entier, auprès de 23 000 clients. Elle ajoute à son offre une activité de conseil et de conduite du changement. Lectra devient ainsi une entreprise centrée sur le client, non plus sur le produit.

La clef du succès de Lectra repose en partie sur sa façon systématique de faire le lien entre dispositifs techniques et modèles d’affaires. Cette approche est très visible sur l’utilisation du potentiel offert par les objets connectés. L’exemple le plus marquant est sans doute la possibilité de créer des systèmes qui contraignent fortement les paiements. Très concrètement, le transfert de propriété d’une machine n’est remis que lorsque la machine est entièrement payée. En cas d’absence de règlement, la machine s’arrête. Mais cette démarche valorise surtout le service. Ainsi, les milliers de machines installées fournissent en temps réel des informations aux centres d’expertise. Ces informations permettent de développer une maintenance préventive et donc de limiter les frais de réparation. Ce système permet d’assurer un monitorat à distance de la productivité des activités liées à la salle de coupe.

Ce changement d’activité, couplé à des conditions de paiement strictes et une réduction des frais de fonctionnement, génère aujourd’hui des résultats remarquables : des machines en arrêt moins de 2 % du temps, une marge brute moyenne de 75 %, des coûts de techniciens divisés par 4 grâce à la résolution de problèmes à distance en temps réel, et un chiffre d’affaires en hausse de 11 % entre 2010 et 2014. Les prochains défis de Lectra ? Continuer à développer son portefeuille « grands comptes » et perfectionner ses smart services, notamment grâce à l’exploitation des données.

Les cas d ’entrepr ises

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Les 7 leviers de la croissance

Financement et fonction financière

Pour se développer, atteindre une taille critique et accélérer leur croissance, les entreprises ont besoin de capital. Si les emprunts bancaires assurent encore en grande partie les besoins de financement des PME, les restrictions des conditions d’accès au crédit peuvent inciter les entreprises à se tourner vers d’autres sources de financement. Du financement participatif à l’introduction en bourse en passant par le capital-risque, les instruments sont multiples et diversifiés. A chaque étape, création, amorçage, développement, les dirigeants doivent pouvoir s’appuyer sur leur fonction financière pour identifier le type de financement – ou la combinaison de plusieurs types – le plus adapté à la situation.

Les questions à se poser• Comment s’articulent votre business plan

et votre plan de financement ?

• Votre organisation et vos procédures sont-elles adaptées à l’évolution de vos besoins de financement (exploitation, fonds propres…) ?

• Comment appréciez-vous la qualité de votre reporting actuel ?

• Votre stratégie fiscale est-elle utilisée comme un levier de croissance ?

• Quel est le niveau de maturité de votre fonction financière (niveau adéquat de ressources, travail en équipe, etc.) ?

Les axes d’action • Financement de la croissance

• Capital humain et organisation

• Processus et contrôles financiers

• Données financières et technologie

• Gestion des parties prenantes

➥ Ulule et BNP Paribas : des organismes de financement complémentaires ?

Ulule, plateforme de financement participatif fondée en 2010, permet aux internautes de financer des projets, pour la plupart créatifs ou sociaux, dans leurs premières phases de développement. Si le financement par les proches a toujours existé, Ulule permet de faciliter la démarche grâce à une plateforme simplifiée, un accompagnement poussé des porteurs de projet et un effet viral sur les réseaux sociaux décuplé. D’ailleurs, environ 60 % des fonds récoltés proviennent du réseau direct du porteur de projet, confirmant ainsi la pratique ancienne de love money.

Entre 2013 et 2015, Ulule a vu ses effectifs quadrupler, passant de 4 à 17 salariés, et la plateforme compte aujourd’hui plus de 35 000 transactions par mois. Sa croissance s’est accélérée avec le développement des

activités B-to-B dès le début de l’année 2014 et le développement d’interfaces de programmation favorisant des opérations de plus en plus emblématiques.

Les banques doivent-elles s’inquiéter de la montée en puissance d’Ulule ? BNP Paribas en a fait son parti et voit Ulule comme un très bon moyen de financer des projets qu’une banque n’aurait pas pu accompagner. La banque a établi un certain nombre de partenariats avec la plateforme, en sponsorisant par exemple le « Ulule Tour ». L’intérêt ? Sensibiliser ses clients aux nouveaux modes de financement participatif, qui, en confirmant l’intérêt du marché pour le projet, peuvent être une première solution rassurante avant l’octroi d’un prêt bancaire.

Les cas d ’entrepr ises

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Sylvane Peres-Labourdette

Associée Ernst & Young Advisory

Contrairement aux start-up qui ont l’opportunité d’intégrer dès leur création une approche optimisée en matière de comptabilité et de gestion, la plupart des petites et moyennes entreprises ont déjà des pratiques très installées et des systèmes d’information construits sans réelle anticipation des enjeux d’évolution de l’activité. Il leur est donc plus difficile de repenser ce dispositif en un modèle plus rapide, plus flexible et mieux intégré.

Pourtant la puissance accrue de traitement des données et la dématérialisation des flux constituent de réelles opportunités pour produire rapidement les informations analytiques et prévisionnelles essentielles à la prise de décision opérationnelle, tout en sécurisant la qualité des données et le contrôle interne.

Pour assurer les bons choix techniques et assurer l’évolution organisationnelle et culturelle qui les accompagne, trois éléments constituent de réels facteurs d’accélération :

• Il est souvent décisif pour la prise de conscience des enjeux que la fonction financière puisse comparer sa performance en termes de coût, délai, qualité et pertinence. Par ce « benchmark » auprès d’organisations comparables, elle peut ainsi rapidement identifier ses priorités et choisir les leviers qui permettront de se recentrer sur l’analyse et la proposition de plans d’action en s’appuyant sur des traitements toujours plus automatisés et sécurisés.

• En termes de dynamique de changement, il peut être également utile d’enrichir la réflexion de partages d’expérience en dehors de son secteur, voire en recherchant quelques profils issus d’industries plus matures en matière de contrôle de gestion, à même de proposer un modèle différent des habitudes « maison » et de faire évoluer progressivement les compétences internes.

• Enfin, le mode projet peut être un obstacle difficile pour des équipes internes dimensionnées au plus juste, qui ne disposent, ni de la disponibilité, ni de l’expérience requises. Les dirigeants eux-mêmes peinent à trouver le temps nécessaire à la réflexion. Il ne faut donc pas hésiter à se faire aider pour définir l’ambition, élaborer la trajectoire la plus adaptée et définir des objectifs concrets et mesurables qui feront de la direction financière un partenaire reconnu par les décideurs de l’entreprise et du marché.

« S’inspirer d’autres modèles, fixer des objectifs de performance, construire un vrai projet de transformation financière au bénéfice de l’ensemble de l’entreprise. »

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Xavier Chopard

Directeur du Centre d’Affaires Entreprises Ile-de-France Innovation chez BNP Paribas

Dans la vie d’une entreprise, le financement participatif (ou crowdfunding) peut permettre de financer les pré-séries et de tester le marché, en amont du financement bancaire qui peut intervenir une fois le proof of concept confirmé. Il est toujours plus avantageux pour un porteur de projet de voir son banquier avec un projet pré-financé, une communauté déjà constituée, une campagne de communication déjà déployée…

Il existe d’autres leviers alternatifs de financement :

• L’equity crowdfunding, qui vient renforcer ou se substituer aux fonds de seed, mais qui constitue encore une très petite partie du crowdfunding en France,

• Le prêt entre particuliers, qui désintermédie le crédit à la consommation, et dont les volumes et la croissance sont significatifs aux États-Unis,

• Le prêt aux PME par des particuliers ou des investisseurs, comme sur la plateforme Lendix. Le financement coûte sur ce type de plateformes plus cher que celui d’une banque classique… en contrepartie d’une promesse de rapidité d’exécution et de financement complémentaire aux banques.

Les volumes du crowdfunding sont cependant encore limités en France, et peuvent être des leviers efficaces pour compléter le prêt bancaire, sans risque de substitution à ce stade. En termes de désintermédiation, les marchés financiers restent pour l’instant la principale alternative aux banques… même si le crédit bancaire reste en Europe encore majoritaire dans le financement des PME et des ETI.

« Le crowdfunding complète très bien la chaîne de financement. »

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Michael Troege

Professeur de Finance à ESCP Europe

Les organismes alternatifs de financement se sont beaucoup développés ces dernières années. Il s’agit surtout de plateformes de

financement participatif pour les start-up ou TPE, ou encore des fonds de dette pour les entreprises plus larges, c’est-à-dire des SICAV qui ont historiquement acheté de la dette émise et administrée par les banques,

mais qui commencent aujourd’hui à directement prêter aux entreprises.

Mais cela reste anecdotique pour les TPE et PME, dont les deux principales sources de financement restent le crédit bancaire et dans une moindre mesure le venture capital. Le principe du capital-risque est d’adapter la forme des contrats financiers aux besoins de l’entreprise et de l’investisseur. Le plus souvent, ils souscrivent à des actions de préférence convertibles : un peu comme un crédit qui serait échangeable en actions, et qui protège donc l’investisseur de la baisse de valeur. Il y a déjà eu à la fin des années 1980 une grosse vague de capital-risque en France, créant une bulle comparable à celle que l’on observe aujourd’hui, et qui a mal fini… Puis le capital-risque a fait un grand retour ces dernières années, de façon bien plus performante puisque les organismes de capital-risque maîtrisent désormais le métier.

Il faut savoir que les acteurs du capital-risque sont des investisseurs très actifs, qui aident les entreprises. Leur succès repose sur une forte connaissance des métiers dans lesquelles ils investissent, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces organismes sont presque toujours spécialisés dans une industrie. Ils passent beaucoup de temps avec les entreprises, aident à la définition de la stratégie et établissent des contacts avec des spécialistes ou des clients… Ce que ne fait pas une banque ou une plateforme de financement participatif.

➥ Lima : le premier gros succès français sur Kickstarter

Lima est un petit boîtier qui permet d’unifier la mémoire de tous ses appareils – téléphone, ordinateur, tablette, etc. –, défiant ainsi des géants du cloud. Mais avant de pouvoir lancer la production du produit, Lima a dû se confronter aux doutes des investisseurs, qui, emballés par l’idée, réclamaient cependant une preuve de concept – soit 1 000 ventes – avant d’apporter leur soutien financier. Les fondateurs décident alors de lancer une campagne de financement participatif sur Kickstarter, la plus grande plateforme américaine, et de loin la plus réputée pour les projets technologiques innovants. L’objectif de départ est fixé en septembre 2013 à 69 000 $ pour financer les 1 000 premiers produits. Mais cet objectif est atteint en 12 heures et, deux mois plus tard, c’est la somme de 1,2 million de dollars, fournie par près de 13 000 backers, qui apparaît au compteur. Lima devient la première entreprise française à récolter plus d’un million de dollars sur une plateforme de financement participatif.

Lima se heurte ensuite rapidement à la réalité et aux contraintes liées à la production de masse d’un produit qui doit passer d’un prototype pensé pour 1 000 personnes à plus de 17 000 appareils dignes des plus hauts noms de la technologie. L’entreprise passe en quelques mois de 2 à 22 employés. Après une année de retard due à une refonte du logiciel et une production ralentie, Lima livre enfin en juillet 2015 son produit dans 138 pays à l’issue d’une phase de test de 6 mois avec plus de 5 000 de ses contributeurs Kickstarter.

Les avantages pour Lima ont été nombreux : financer sa production et se positionner sur le marché américain, tout en créant une communauté de clients et en prouvant aux investisseurs l’intérêt pour le produit. Un intérêt confirmé en 2014, puisque Lima a réussi à convaincre le fonds d’investissement Partech Ventures d’investir dans l’entreprise à hauteur de 2,5 millions de dollars.

Les cas d ’entrepr ises

« Le venture capital reste un mode de financement bien plus complet pour les TPE et PME. »

26 | (re) Naissance

Les 7 leviers de la croissance

Transactions et partenariats

Les entreprises les plus performantes se développent rarement par le simple fait d’une croissance organique. Or grandir pour s’adapter aux bouleversements de son marché ne s’improvise pas : il ne suffit pas d’identifier les sources de changement pour que les résistances de ses collaborateurs et les siennes propres disparaissent d’elles-mêmes. Savoir bien s’entourer, anticiper et préparer sont les meilleures armes dont disposent les entreprises pour réussir cette transformation et accepter de changer de dimension, de management, de perspectives. Une fois maîtrisée, la croissance externe peut se révéler un outil des plus efficaces pour innover de façon continue. Elle peut même constituer le fondement d’une renaissance.

Les questions à se poser• Une stratégie d’acquisition est-elle clairement définie ?

• Des cibles ont-elles été identifiées ?

• Quelle est la part des acquisitions dans votre plan de développement ?

Les axes d’action• Stratégie et planning d’acquisitions

• Efficacité des transactions

• Partenariats et alliances

➥ Axel Springer : quand des start-up contribuent à la renaissance d’un géant des médias

Depuis 2005, près de 90 entreprises du numérique ont été achetées par Axel Springer (dont Zanox, Stepstone, SeLoger ou encore auféminin.com). L’idée était simple : acquérir des start-up déjà reconnues et en faire des leaders de leur marché. En 2015, l’objectif est atteint dans une grande majorité des cas. Pour parvenir à un tel succès, Axel Springer a construit des partenariats sans chercher à imposer sa culture ou son modèle et en respectant trois grands principes : l’indépendance opérationnelle des entreprises achetées, le maintien des équipes dirigeantes, et une focalisation sur la croissance pour conserver la trajectoire de développement.

Depuis 2014, la stratégie a quelque peu changé. Le groupe a élargi son périmètre

d’action en menant des acquisitions d’entreprises nettement moins matures. Cette nouvelle politique baptisée « Build, Acquire, Partner », consiste à créer des start-up en interne, ou à construire des liens avec de très jeunes entreprises. Pour mener ces actions, un accélérateur a été mis en place via une joint-venture avec Plug & Play (Axel Springer Plug & Play).

Aujourd’hui Axel Springer a 96 millions de visiteurs uniques, ce qui est bien supérieur à des entreprises comme BBC (35 millions) ou Lagardère (23 millions). Les revenus tirés du numérique ont augmenté de 78 % chaque année en moyenne depuis 2006 et représentent désormais 50 % des revenus du groupe.

Les cas d ’entrepr ises

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Jean-Charles de Lasteyrie

Vice-président de Ricol Lasteyrie Corporate Finance, membre du réseau EY en France

Contrairement aux entreprises de grande taille où la responsabilité de l’entreprise est partagée entre toute une équipe, et où le dirigeant peut se focaliser sur les grands équilibres, la stratégie et l’avenir de son organisation, un dirigeant de PME ou d’ETI est souvent seul pour accomplir toutes les tâches nécessaires au bon fonctionnement de son entreprise. Homme clé de l’organisation, constant décisionnaire, il ne peut facilement prendre le temps du recul, pourtant propice à l’analyse des bouleversements de son marché et à l’élaboration de sa stratégie. Dans ces conditions, assurer l’évolution, le développement et l’adaptation constante de son activité est souvent une gageure.

Pour passer à la vitesse supérieure, suivre les évolutions de son marché et atteindre une taille critique, il est souvent indispensable que les dirigeants recourent à une croissance externe. C’est l’accélérateur qui donne à une entreprise centrée sur l’opérationnel la possibilité de placer sa stratégie au cœur de son développement et donc d’assurer sa pérennité en lui donnant les moyens d’ajuster son positionnement avec davantage de réactivité. L’objectif de l’opération est de faire grandir l’organisation, tout en

conservant son agilité.

Choisir de procéder à une croissance externe signifie aussi accepter d’ouvrir son capital, ce qui constitue parfois une

décision difficile, voire un obstacle pour les créateurs d’entreprise. C’est pourquoi les dirigeants doivent prendre le temps de se demander quelle ambition ils souhaitent pour leur entreprise : aspirent-ils à rester à l’échelle locale ou à bâtir une entreprise d’envergure internationale ? Ambitionnent-ils un rythme de développement rapide ou la sécurisation de leurs capitaux ? Si leur stratégie est de changer d’échelle et de miser sur la croissance, il est primordial qu’ils fassent évoluer leurs modes de management pour s’ouvrir à de nouveaux partenariats. Dans cette phase critique de transformation d’une PME en ETI, puis en grande entreprise, les conseillers du chef d’entreprise ont un rôle essentiel à jouer pour lui permettre de réussir les mutations de son organisation, et aussi de lui-même.

« Pour grandir, il ne faut pas faire cavalier seul. »

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Hassan Alami

Associé Ernst & Young Advisory

Bien qu’elle bénéficie souvent d’un budget réduit, l’intégration post-acquisition joue un rôle crucial dans le succès d’une transaction. 20 % des professionnels interrogés par EY dans le cadre d’une étude sur l’intégration1 auraient souhaité rétrospectivement que davantage de budget y soit consacré. Il serait donc une erreur de négliger cette étape.

Les risques qui y sont associés sont par ailleurs nombreux : démarchage agressif des concurrents, attrition des talents, perte de savoir-faire, fracture culturelle, etc. Une étude réalisée par la Cass Business School estime que près de 70 % des fusions ne sont pas créatrices de valeur. Pour éviter ces écueils, les dirigeants doivent anticiper la planification de l’intégration en réunissant au plus tôt une équipe dédiée et experte, suffisamment nombreuse pour mettre en œuvre les objectifs visés et réduire les perturbations liées à l’opération.

Parmi ces objectifs, il est capital de :

• communiquer une vision claire, afin de fixer un cap pour tous les collaborateurs, quelle que soit leur entreprise d’origine ;

• maintenir le portefeuille client en communiquant de façon proactive sur les avantages de la nouvelle organisation, sans perdre de vue leurs enjeux actuels ;

• identifier et sécuriser les talents en confiant aux personnes clés un rôle propre à les engager dans l’intégration ;

• réduire l’écart culturel en impliquant les collaborateurs dans la conduite du changement (visites croisées des sites, partage des métiers, des rôles, des responsabilités) ;

• quantifier et réaliser les synergies afin d’être en mesure d’adapter le processus d’intégration et de communiquer aux parties prenantes la valeur créée.

Il n’est pas indispensable de recourir immédiatement à la standardisation des processus. La vitesse et le niveau d’intégration doivent être adaptés aux enjeux stratégiques de l’entreprise, l’important pour les dirigeants restant de bien s’entourer.

1 The right combination, Managing integration for deal success, EY, 2014

« L’intégration est cruciale pour la réussite d’une transaction. »

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René Mauer

Professeur sur le campus de Berlin d’ESCP Europe, Chaire Entrepreneuriat

Historiquement, de nombreuses entreprises ont utilisé des stratégies d’acquisition pour accélérer leur taux de croissance et obtenir une taille critique, utile dans les rapports de force avec leur écosystème ou pour obtenir des effets d’échelle. Il est habituel d’acquérir un concurrent et ainsi acheter des clients tout en limitant la pression concurrentielle. Cela permet également de développer de

nouveaux champs d’expertise car l’on obtient par ce biais de nouveaux brevets, procédés ou connaissances métiers inconnus auparavant. Ce que l’on observe de façon croissante ces dernières années c’est une accélération des logiques d’achat ou plus simplement de partenariats, non plus seulement avec des acteurs bien établis ou de taille significative mais aussi auprès de start-up qui n’apportent à court terme aucun chiffre d’affaires critique.

Cette démarche centrée sur les entreprises émergentes à forte croissance implique une autre logique et des stratégies bien particulières qu’il faut savoir maîtriser. L’enjeu premier est ici de faire face à des transformations du métier d’une telle importance qu’il est très difficile de trouver en interne toutes les solutions. Dans ce contexte, et pour faire réussir le partenariat, il faut trouver les bonnes formules pour collaborer. En effet, le modèle organisationnel des jeunes pousses et des entreprises matures est souvent antinomique. Pour réussir à les faire vivre ensemble, il faut dans un premier temps qualifier le niveau de maturité minimal du partenaire : s’il est trop jeune cela peut devenir trop complexe mais s’il est déjà trop mature, il risque d’être plus compliqué de l’intégrer. Deuxièmement, il faut développer des espaces d’échanges appropriés. A ce titre, les tiers lieux représentent un univers propice à de telles collaborations. De Berlin à Paris, et bien sûr dans la Silicon Valley, les espaces d’incubation et de travail collaboratif facilitent ces relations de travail. Quand les collaborations réussissent, il devient alors possible de construire des apprentissages croisés, indispensables pour faire face à un environnement toujours plus incertain et changeant.

➥ Swatch Group : une stratégie d’acquisitions qui a fait l’histoire du plus grand horloger mondial 2

Dès le départ, c’est une fusion, entre ASUAG et SSIH, qui permet la naissance de Swatch en 1983. La perte des deux tiers des emplois dans le secteur horloger suisse cause alors une véritable catastrophe. Quand la petite montre arrive sur le marché, elle permet à l’entreprise de devenir le symbole du renouveau. Elle envahit les marchés étrangers et 10 ans plus tard, environ 160 millions de montres sont vendues.

Avec l’arrivée de nombreuses copies, le modèle s’essouffle. En 1998, SMH est renommée The Swatch Group afin de faire profiter de l’image de Swatch à toutes les marques du groupe, qui compte déjà Omega, Longines et Tissot. Cette stratégie permet un avantage concurrentiel unique avec une offre sur tous les segments et une présence de

la production à la distribution, créant des situations de dépendance pour les concurrents (elle détient ainsi 70 % du volume du marché des mouvements).

Avec ses 18 marques, Swatch Group réalise aujourd’hui 17 % des ventes mondiales, la plaçant au rang de leader de l’horlogerie. Pour y parvenir, le groupe concilie tradition – montre suisse de qualité, puissance industrielle (160 usines), stabilité de l’actionnariat familial et des cadres dirigeants, focus sur la trésorerie – mais aussi goût pour l’innovation et respect de l’autonomie des responsables de marque et de pays.

Aujourd’hui, soucieux de faire face aux géants de la Silicon Valley, le groupe lance un nouveau partenariat entre Swatch et Tissot pour créer la montre connectée Touch Zero One.

2 Pour plus d’informations : « La fabrique de l’Innovation » de Gilles Garel professeur du CNAM.

Les cas d ’entrepr ises

« Les stratégies d’acquisition, au-delà de leur dimension financière, impliquent de plus en plus des enjeux d’apprentissage. »

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Les 7 leviers de la croissance

RisquesAvec l’évolution des usages et des technologies, les risques auxquels doivent faire face les entreprises prennent de nouveaux visages. Données, informations sensibles, réputation, tous ces actifs sont de plus en plus exposés. Mais avec la naissance de nouvelles sources de risques, sont également apparus de nouveaux moyens de les affronter. L’analyse des Big Data peut par exemple être utilisée pour mieux détecter les difficultés et les résoudre avant qu’elles ne prennent de l’ampleur. La meilleure politique en matière de gestion des risques reste donc de les anticiper. C’est pourquoi les entreprises qui ont fait le choix de l’intégrer dans la culture de leurs collaborateurs sont celles qui obtiennent les meilleurs résultats en termes de croissance. Des employés engagés au quotidien dans la gestion des risques permettent de transformer les menaces en opportunités.

Les questions à se poser• Disposez-vous d’une cartographie des risques au sein

de l’entreprise ? Est-elle régulièrement mise à jour ?

• Comment est intégrée la gestion des risques dans les plans d’investissement et dans les relations avec les investisseurs ?

• Existe-t-il des outils (logiciels) en place pour la gestion de la compliance (GRC) ?

• Comment appréciez-vous votre niveau d’exposition en cas de crise majeure ?

Les axes d’action • Management des risques

• Politiques, procédures et conformité

• Gestion des parties prenantes

➥ Up Group : faire des salariés les acteurs de la transformation et de la gestion des risques

Après 50 ans passés à développer des solutions sociales, culturelles et cadeaux, dont beaucoup étaient émises sur papier, le groupe Up (ex-Groupe Chèque Déjeuner) a dû amorcer une transformation profonde pour prendre le tournant du digital et rester compétitif sur un marché international. Si depuis 15 ans les contours de cette transformation sont identifiés et anticipés, le mouvement s’est véritablement accéléré ces dernières années avec la dématérialisation de certains produits et services, et le lancement de nombreux autres.

Des équipes commerciales qui repensent leur argumentaire de vente, aux RH devant recruter de nouvelles expertises et développer les compétences nécessaires, en passant par les départements IT, production ou communication, toutes les fonctions se mobilisent pour accompagner l’évolution du groupe, qui a connu une réorganisation en 2013 et une forte croissance externe.

Du fait de la structure coopérative du groupe et de ses valeurs, les salariés sont parties prenantes de cette transformation, et des moyens importants de communication sont déployés afin de les informer des enjeux et de s’assurer de leur adhésion. Ils sont donc sensibilisés aux risques induits par le changement – qu’ils perçoivent comme une opportunité – et intègrent naturellement la gestion des risques et le contrôle interne dans leur quotidien.

La fonction de Risk Manager, créée récemment, apporte une méthodologie de gestion des risques et de nouveaux outils de pilotage, nécessaires dans un contexte de plus en plus réglementé. Mais c’est parce qu’elle est ancrée dans la culture coopérative du groupe Up et intégrée à tous les niveaux de l’entreprise que la gestion des risques est véritablement facteur de performance durable.

Les cas d ’entrepr ises

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Dominique Pageaud

Associé Ernst & Young et Associés

Le management des risques est trop souvent perçu comme un « pensum » par les dirigeants, alors qu’il est un gage de pérennité et de croissance durable. Rappelons-nous simplement que pour les entreprises les

plus performantes en matière de gestion des risques, la croissance de l’EBITDA (bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissement) est

deux fois plus importante que dans les entreprises qui ne prennent pas en considération cette dimension1.

Quelles sont les clés du succès et les bonnes approches ?

• L’anticipation des facteurs de risques Il est essentiel qu’ils soient intégrés dans le projet de développement du dirigeant afin d’identifier les évènements (internes ou externes) qui peuvent retarder l’atteinte des objectifs. L’analyse doit porter sur chacun des grands axes stratégiques pour obtenir une vision globale des risques et ce, selon quatre grands thèmes :

1. Compétitivité de l’entreprise (conflits sociaux-économiques, accès au crédit, volatilité, trésorerie)

2. Confiance des parties prenantes (réputation, politique, éthique)

3. Relation au marché et aux clients (fusion/acquisition, sécurité des produits, politique de distribution)

4. Agilité opérationnelle (cybercriminalité, continuité en cas de rupture de la chaîne d’approvisionnement, etc.)

• L’intégration du pilotage des risques dans le processus de décision managérial Réduire les aléas et voir loin sont souvent les clés d’une décision efficace en matière de pilotage de projet et de décisions d’investissement. Le fait d’intégrer les facteurs de risques et les modalités de couverture dans la prise de décision sécurisent indéniablement la réussite finale du projet.

1 Selon une étude internationale réalisée par EY en 2011 auprès de plus de 2 500 entreprises

« La cartographie des risques doit être accompagnée d’une solide culture d’entreprise. »

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➥ Airbus : accélérer l’innovation pour mieux anticiper l’avenir

La gestion des risques technologiques, industriels et commerciaux revêt une importance particulière dans l’industrie aéronautique, où le risque doit tendre vers zéro. Or, dans un environnement qui évolue rapidement et qui voit de nouveaux acteurs produire des innovations de rupture – telle la start-up Expliseat et ses sièges deux fois plus légers – les acteurs aéronautiques doivent raccourcir leurs cycles de production, d’une vingtaine d’années en moyenne, et réduire fortement le time-to-market. Et si, à l’instar de SpaceX dans l’aérospatial, un pure player faisait soudainement son apparition ?

Pour réduire le risque de voir un concurrent disruptif apparaître et menacer son activité, Airbus a lancé en 2015 le Bizlab, qui a pour rôle d’accélérer sur une période de six mois les projets innovants portés par

des intrapreneurs, mais également par des start-up externes. L’objectif : réduire les temps de développement et d’implémentation et privilégier les projets à forte création de valeur. A terme, c’est également un changement de culture qui est visé, favorisant l’esprit d’entreprise, la prise de risque et l’acceptation de l’échec.

Les premiers projets divulgués sont enthousiasmants : une solution de sécurisation nocturne des trappes d’avion dans les aéroports est en cours d’élaboration avec Sigfox, champion des réseaux très bas débit pour objets connectés, ou encore un système de guidage GPS des avions sur les voies des grands aéroports disponible sur la tablette du pilote, développé par une équipe d’intrapreneurs. Et demain, l’avion du futur ?

Les cas d ’entrepr ises

• L’engagement du management Les outils ne suffisent pas, la coordination managériale des différentes lignes de maîtrise et de contrôle de l’entreprise (gouvernance, outils de pilotage, système d’information) est capitale pour que la gestion des risques donne lieu à une performance durable. Pour mener une politique réussie, le management doit donc avoir à cœur de favoriser l’émergence d’une culture d’entreprise qui place la gestion des risques au cœur de l’organisation, sans qu’elle soit inhibante. Ce n’est que par ce biais que pourra être mis en place un processus efficace et intégré.

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Sylvain Bureau

Directeur de la Chaire Entrepreneuriat à ESCP Europe

Avec les Big Data, la quantité de données disponible permet de mieux évaluer les trajectoires passées et à venir. Il ne s’agit plus de traiter un échantillon limité, et parfois approximatif, mais bien d’appréhender la quasi-totalité des données, parfois même en temps réel. On peut décrire les mécanismes et éviter des trajectoires sous-optimales. Lister les risques et calculer leurs impacts s’en trouve facilité. Les solutions RFID dans le domaine de la santé ou du retail offrent une illustration parfaite de ce phénomène. Dans le même temps, l’environnement concurrentiel devenant plus instable, certaines trajectoires passées ne sont plus pertinentes pour envisager les évolutions à venir car les possibles sont trop variés et prennent des formes qui diffèrent trop des situations antérieures pour construire une analyse

statistique solide. La problématique à traiter n’est alors plus le risque mais l’incertitude. Qui aurait pu prévoir Uber ou Airbnb ? L’analyse de risques au sens traditionnel n’apporte que

peu de solutions ici. Cela peut même engendrer une forme de myopie car on a tendance à analyser des trajectoires passées dans son environnement immédiat.

On observe donc un double phénomène : des pans entiers de l’activité qui deviennent plus faciles à prévoir grâce aux Big Data – la gestion des risques est essentielle pour optimiser ses performances – et dans le même temps, des situations jusqu’alors prévisibles qui deviennent incertaines – la gestion des risques est alors insuffisante, il faut utiliser d’autres logiques adaptées au management de l’incertitude (cf. la logique effectuable par exemple).

« Il est essentiel de distinguer le risque de l’incertitude pour construire une croissance durable. »

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Méthodologie des cas d’entreprises

Pour illustrer cette étude, 50 entreprises ont été sélectionnées, qu’elles aient connu soit une émergence rapide et forte, soit une réorganisation significative leur permettant de se repositionner comme leader de leur marché en moins de cinq ans. Les cas sont issus d’entreprises de tailles, de secteurs et de pays variés. Le présent document ne détaille qu’un échantillon limité mais représentatif.Chaque étude de cas repose sur des données secondaires (issues de rapports d’activité, d’états financiers, d’analyses stratégiques…) associées à des entretiens de première main auprès de dirigeants ou de chercheurs d’ESCP Europe qui ont analysé ces entreprises.Une analyse systématique a été réalisée afin de déterminer la situation initiale de l’entreprise, les leviers de changement ainsi que les effets de la transformation sur la croissance. Après collecte et traitement des données, une synthèse a été rédigée, puis validée et confrontée par un acteur de terrain et un expert. De cette façon, l’étude apporte une perception croisée des acteurs de terrain aux prises avec les enjeux actuels de l’entrepreneuriat et des chercheurs qui ont une vision distanciée des dynamiques à l’œuvre.

La chaire entrepreneuriat

Inaugurée en février 2007 par Jean-Pierre Raffarin (ESCP 72), ancien Premier ministre et professeur à ESCP Europe, et cofondée par EY, la Chaire Entrepreneuriat est une communauté unique en Europe qui facilite l’apprentissage de femmes et d’hommes qui développent des projets innovants dans des contextes d’incertitude et de ressources limitées. La Chaire EEE, soutenue également depuis 2013 par

BNP Paribas, s’appuie sur une pédagogie innovante et expérientielle, un programme d’incubation (Blue Factory) ainsi qu’un fort ancrage dans les écosystèmes locaux. Chaque année, près de 1000 étudiants, haut-fonctionnaires, managers, ingénieurs et chercheurs sont formés à l’entrepreneuriat. Nous accompagnons également 150 projets d’entrepreneurs et d’intrapreneurs (de la branche spatiale d’Airbus à la nouvelle start-up de l’économie collaborative) et animons une communauté de plusieurs milliers de personnes à travers une cinquantaine d’événements par an (dont l’EntrepreneurSHIP Festival qui a lieu à Paris, Londres, Berlin, Turin et Madrid). Pour soutenir ces démarches, nous développons une activité de recherche et développement qui donne lieu à de nombreuses publications, dont des études réalisées avec notre partenaire EY (dont Grandir en Europe : Hasard ou état d’esprit ? qui fut précurseur dans la réflexion sur les entreprises de taille intermédiaire). Pour nous suivre : www.chaireeee.eu

À propos d’EY

Les entrepreneurs sont un maillon indispensable à la création de valeur dans notre économie.C’est pour cette raison qu’EY accompagne, depuis plus de 30 ans, les leaders d’aujourd’hui et de demain. Avec une approche multidisciplinaire, une organisation intégrée et un engagement au quotidien, nos 1 500 collaborateurs dédiés à ce marché sont en permanence connectés à leur réalité.Au cours du développement de leur société, les dirigeants font face à de nombreux enjeux : assurer le financement, conquérir de nouveaux marchés, optimiser l’organisation, gérer les risques, saisir les opportunités à l’international... Les plus performants font la différence dans la manière dont ils abordent les grands défis auxquels ils sont confrontés.Etre naturellement aux côtés des entrepreneurs, c’est aider les dirigeants à relever ces défis et à faire de leur entreprise une ”Entreprise d’Exception ”.

Le Prix de l’Entrepreneur de l’AnnéeOrganisé par EY depuis plus 1993, le Prix de l’Entrepreneur de l’Année distingue des femmes et des hommes qui nous prouvent, année après année, qu’il est toujours possible de progresser, d’innover et de créer de la valeur et des emplois. Ils nourrissent la confiance et l’envie d’entreprendre. A l’échelon national autant que local, la croissance et la compétitivité française s’appuient sur celles des entrepreneurs de chaque région. C’est pourquoi, nous récompensons chaque année les champions nationaux de l’esprit d’entreprendre mais aussi ceux qui sont les fers de lance de l’économie dans leur région. De ces lauréats régionaux émerge celui qui, tout comme ses pairs issus de 60 pays, porte ses couleurs nationales au World Entrepreneur of the Year qui se déroule chaque année à Monaco. Pour plus d’informations : www.ey.com/fr/eoy

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• Les experts sollicités :Aurélien Acquier, Professeur ESCP EuropeHassan Alami, Associé Ernst & Young AdvisoryGilles Babinet, Digital ChampionOlivier Badot, Professeur ESCP EuropeFranck Bancel, Professeur ESCP EuropeBertrand Baret, Associé Ernst & Young AdvisoryLouis-David Benyayer, Chercheur, ICD-Lara et ESCP EuropeColin Bernier, Associé Ernst & Young Société d’AvocatsSylvain Bureau, Directeur de la Chaire Entrepreneuriat, ESCP EuropeArnaud Burgot, Directeur Général, UluleValentina Carbone, Professeur ESCP EuropeWinifrey Caudron, Responsable Audit, Contrôle Internes & Gestion des Risques, Up GroupXavier Chopard, Directeur du Centre d’Affaires Entreprises Ile-de-France Innovation, BNP ParibasRégis Coeurderoy, Professeur ESCP EuropeVincent Dietsch, Directeur Associé Kalea Consulting, membre du réseau EY en FranceGisèle Ducrot, Senior Manager/Advisory Ernst & Young AdvisoryJacqueline Fendt, Directeur Scientifique de la Chaire Entrepreneuriat ESCP EuropeGilles Garel, Professeur, CNAMIsaac Getz, Professeur ESCP EuropeBruno Gutierres, Directeur BizLab, AirbusDaniel Harari, Directeur Général, LectraJulien Ignaszewski, Directeur de Projet TechShop, Leroy MerlinPierre Jouanne, Associé Ernst & Young et AssociésMartin Kupp, Professeur ESCP EuropeJean-Charles de Lasteyrie, Vice-président de Ricol Lasteyrie Corporate FranceFrédéric Levaux, Directeur associé Ernst & Young AdvisoryPénélope Liot, Responsable Growth, LimaPascal Malfoy, Directeur Général Délégué, Leroy MerlinSéverin Marcombes, Cofondateur, LimaRené Mauer, Professeur ESCP EuropeChristophe Midler, Directeur de recherche au CNRS et Professeur à l’École PolytechniqueValérie Moatti, Professeur ESCP EuropeDominique Pageaud, Associé Ernst & Young et AssociésCamille Panassié, Responsable Innovation, PoultSylvane Peres-Labourdette, Associée Ernst & Young AdvisoryEric Pesnel, Professeur ESCP EuropeJean-François Royer, Associé Ernst & Young AdvisoryFranck Sebag, Associé Ernst & Young et AssociésDavide Sola, Professeur ESCP EuropeFrédéric Thomas, Associé Ernst & Young et Associés,Michael Troege, Professeur ESCP EuropeLaure Wagner, Porte-Parole & membre de l’équipe fondatrice, BlaBlaCar

• Coordination :Grégoire Petit, GIE EYAlbane Comot, GIE EY

• Rédaction :Juliette Gayraud, GIE EYSaniya Al Saadi, ESCP EuropeAnne-Sophie Bluzat, GIE EY

• Création graphique :Nicolas Salmon, GIE EYSylvie Ferrier, GIE EYChristophe Matore, GIE EY

Remerciements

EY | Audit | Conseil | Fiscalité et Droit | Transactions

EY est un des leaders mondiaux de l’audit, du conseil, de la fiscalité et du droit, des transactions. Partout dans le monde, notre expertise et la qualité de nos services contribuent à créer les conditions de la confiance dans l’économie et les marchés financiers. Nous faisons grandir les talents afin qu’ensemble, ils accompagnent les organisations vers une croissance pérenne. C’est ainsi que nous jouons un rôle actif dans la construction d’un monde plus juste et plus équilibré pour nos équipes, nos clients et la société dans son ensemble.

EY désigne l’organisation mondiale et peut faire référence àl’un ou plusieurs des membres d’Ernst & Young Global Limited, dont chacun est une entité juridique distincte. Ernst & Young Global Limited, société britannique à responsabilité limitée par garantie, ne fournit pas de prestations aux clients. Retrouvez plus d’informations sur notre organisation sur www.ey.com.

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