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© 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2013) 5, 375-377 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Actualités Maladies Respiratoires Revue des Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Cours du Groupe d’Oncologie thoracique de Langue Française GOLF 2013 Du 24 au 27 septembre 2013 Numéro coordonné par Fabien Vaylet, Julien Mazières, Arnaud Scherpereel 2013 5 *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Marotel). MOTS CLÉS Allergie ; Anaphylaxie ; Chimiothérapie ; Biothérapie ; Cancer du poumon Réactions d’allure anaphylactique et traitements utilisés en oncologie Anaphylactic-like reactions and treatment used in oncology C. Marotel*, W. Gaspard, P. Bousiquier, H. Souhi, H. Leoch, F. Rivière, J. Margery et F. Vaylet Service de pneumologie, hôpital Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France Résumé L’anaphylaxie médicamenteuse est rare mais peut mettre en jeu le pronostic vital. Les oncologues devraient bénécier de l’expérience acquise dans le bilan des accidents anaphylactiques survenus lors d’une anesthésie générale. Les allergologues espèrent la découverte de nouveaux allergènes, par exemple le galactose- α-1,3-galactose, et une meilleure compréhension des mécanismes en cause. Une coopération devrait être bénéque pour les deux spécialités. © 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Drug anaphylaxis is uncommon but potentially life-threatening. Oncologists should prot from experience gained with work-up in anaesthesia related anaphylaxis. Allergists expect discovery of new allergens, e.g. galactose--1,3-galactose, and a better understanding of mechanisms involved. Cooperation should be protable for both specialities. © 2013 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. KEYWORDS Allergy; Anaphylaxis; Chemotherapy; Biotherapy; Lung cancer

Réactions d’allure anaphylactique et traitements utilisés en oncologie

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© 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2013) 5, 375-377

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ISSN 1877-1203

www.splf.org

Actualités

Maladies

RespiratoiresRevue

des

Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française

Cours du Groupe d’Oncologie thoracique de Langue Française GOLF 2013

Du 24 au 27 septembre 2013

Numéro coordonné par Fabien Vaylet, Julien Mazières, Arnaud Scherpereel

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+-

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Clinicien- absence d'ATCD d'autre cancer- origine ethnique- statut tabagique- métastase probable

Préleveur- prélèvements multiples- bonne taille- fixateur adapté- congélation si possible

Cyctopathogiste- coloration, type historique- techniques complémentaires- lames de réserve pour IHC, HIS ALK- ADN pour EGFR, HER2, PI3K, KRas, BRaf

Malade suspect d'un CBNPC

CBPC

Epidermoïde IHC ALK

ISH ALK

EGFR, HER2, KRas, Braf

ISH ou mutation neg

ISH ALK +

ADN plate-forme

Mutation +

CBNPC ADC

P63Mucine/

TTF1

83

69

4

Septembre

Vol 5 2013 N° 5

*Auteur correspondant. Adresse e- mail : [email protected] (C. Marotel).

MOTS CLÉSAllergie ;Anaphylaxie ;Chimiothérapie ;Biothérapie ;Cancer du poumon

Réactions d’allure anaphylactique et traitements utilisés en oncologie

Anaphylactic-like reactions and treatment used in oncology

C. Marotel*, W. Gaspard, P. Bousiquier, H. Souhi, H. Lefl och, F. Rivière, J. Margery et F. Vaylet

Service de pneumologie, hôpital Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France

RésuméL’anaphylaxie médicamenteuse est rare mais peut mettre en jeu le pronostic vital. Les oncologues devraient bénéfi cier de l’expérience acquise dans le bilan des accidents anaphylactiques survenus lors d’une anesthésie générale. Les allergologues espèrent la découverte de nouveaux allergènes, par exemple le galactose- α- 1,3- galactose, et une meilleure compréhension des mécanismes en cause. Une coopération devrait être bénéfi que pour les deux spécialités.© 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SummaryDrug anaphylaxis is uncommon but potentially life- threatening. Oncologists should profi t from experience gained with work- up in anaesthesia related anaphylaxis. Allergists expect discovery of new allergens, e.g. galactose- - 1,3- galactose, and a better understanding of mechanisms involved. Cooperation should be profi table for both specialities.© 2013 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

KEYWORDSAllergy;Anaphylaxis;Chemotherapy;Biotherapy;Lung cancer

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Idéalement, le premier prélèvement doit être fait dans les deux heures suivant la réaction [11]. La valeur normale est habituellement inférieure à 12 μg/l. La comparaison avec des prélèvements plus tardifs apporte également des éléments diagnostics. Toutefois un taux normal de tryptase ne permet pas d’exclure l’hypothèse d’une réaction anaphylactique, en particulier quand elle est localisée, comme dans le cas d’un œdème laryngé [10,11]. Enfi n, si un taux de tryptase supérieur ou égal à 25 μg/l est en faveur d’une dégranulation mastocytaire de mécanisme immunologique [8], un taux inférieur ne permet pas de trancher entre un mécanisme immunologique et un mécanisme non immunologique.

Reconstitution de l’histoire clinique

Il est important de recenser les différents produits admi-nistrés dans la période précédant la réaction. Cela peut permettre de redresser le diagnostic en incriminant par exemple le latex, les antibiotiques, l’acide folinique, les transfusions…

Les tests cutanés

Les tests cutanés peuvent être réalisés avec les anticorps monoclonaux utilisés en immunothérapie et certains médi-caments de chimiothérapie, en respectant un délai d’environ quatre semaines par rapport à la réaction. Ils sont beaucoup plus performants avec les sels de platine qu’avec les taxanes. Ils peuvent permettre d’explorer une réactivité croisée entre cisplatine, carboplatine et oxaliplatine. Les tests compren-nent des pricks avec la solution injectable non diluée et des IDR avec la solution diluée au 1/1000°, 1/100° et 1/10° [12]. Il n’est pas possible de tester toutes les molécules utilisées soit à cause de leur action vésicante ou irritante, soit à cause de leur caractère d’allergène incomplet avec un seul site de fi xation.

L’accoutumance

Elle est contre- indiquée en cas d’association à une réaction cutanée sévère de type Lyell ou Stevens- Johson. Elle peut être discutée pour les sels de platine [13] et les anticorps monoclonaux [4]. Elle induit une tolérance transitoire et devra être répétée à chaque nouvelle administration de la molécule en cause.

L’allergologue espère des avancées théoriques

Découverte de nouveaux allergènes

La fréquence élevée de réactions anaphylactiques lors de l’injection de cetuximab chez des patients du Tennessee et de la Caroline du Nord a été expliquée par la présence d’IgE vis- à- vis du cetuximab. L’épitope responsable correspond à un oligosaccharide, galactose- alpha- 1,3 galactose, présent sur la partie d’origine murine de la chaîne lourde [14]. Cet oligosac-charide est fréquemment exprimé sur les protéines animales

L’anaphylaxie est une réaction allergique sévère, sys-témique, pouvant mettre en jeu le pronostic vital, qui survient rapidement après le contact avec la substance

causale. Elle est rarement décrite dans le traitement du can-cer bronchique [1]. Si elle n’est pas mentionnée dans une revue générale de 2006 consacrée à la toxicité des chimio-thérapies en cancérologie pulmonaire [2], une mise au point de 2013 [3] envisageant la toxicité des traitements systé-miques (chimiothérapie, thérapies ciblées et immunothéra-pie) la mentionne de façon incidente.

L’emploi d’anticorps monoclonaux est susceptible de faire apparaître une fréquence accrue de ce type de réactions [4], les manifestations sévères et les décès étant habituellement rencontrés après la commercialisation de ces anticorps [5]. L’anaphylaxie associe une atteinte cutanée et/ou muqueuse, une atteinte respiratoire et/ou cardio- vasculaire. Elle traduit une dégranulation des mastocytes cutanés et/ou muqueux, des basophiles circulants secondaires à un mécanisme immu-nologique, pontage d’IgE membranaires spécifi ques [6]. Cette réaction a été décrite avec les traitements utilisés en onco-logie, que ce soit la chimiothérapie ou l’immunothérapie. La brutalité et la sévérité de la réaction sont anxiogènes pour le praticien et le patient. L’adrénaline reste le traitement de base des réactions sévères. Une fois la situation clinique stabilisée, une coopération entre l’allergologue et l’onco-logue peut être bénéfi que pour le patient.

L’oncologue peut bénéfi cier de l’expérience acquise par l’allergologue dans le bilan des chocs anaphylactiques peropératoires [7,8]

Classifi cation clinique

La sévérité clinique est stratifi ée en cinq stades allant des signes cutanéo- muqueux généralisés au décès. Des photographies des lésions cutanées peuvent être utiles. La classifi cation utilisée par les allergologues est différente de celle utilisée pour coter les réactions survenant à l’oc-casion d’une perfusion dans le traitement d’un cancer [9]. En règle générale, l’anaphylaxie n’est pas associée à de la fi èvre ni à des contractions musculaires. Un même tableau clinique peut être dû à un mécanisme non immunologique, c’est- à- dire ne mettant pas en jeu des IgE. Cette possibilité existe avec les médicaments administrés à l’occasion d’une anesthésie générale comme avec ceux administrés lors d’une chimiothérapie ou d’une immunothérapie.

Bilan biologique en urgence

Les dosages sériques d’histamine et de tryptase mettent en évidence la dégranulation mastocytaire quand ils sont positifs. Il faut tenir compte de la cinétique de la réaction. Le pic d’histamine est précoce mais transitoire. Il peut être méconnu par un prélèvement tardif quand l’attention du clini-cien est focalisée sur le traitement en urgence de la réaction anaphylactique. Le pic de tryptase, d’apparition différée et plus durable, se prête mieux à l’enquête diagnostique [10].

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Réactions d’allure anaphylactique et traitements utilisés en oncologie 377

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provenant de mammifères non primates (bœuf, porc et agneau en particulier). Il a été possible de mettre en évidence une corrélation forte entre la présence d’une IgE dirigée vers cet oligosaccharide et une réaction anaphylactique survenue après consommation de ce type de viande [15]. De façon caractéris-tique, les réactions survenaient 3 à 5 h après le repas et il n’y avait jamais de syndrome d’allergie orale lors du repas. Avant la découverte de cette IgE spécifi que de galactose- alpha- 1,3 galactose, la survenue d’une réaction tardive, plus de 1 h après le repas, sans manifestation durant le repas conduisait à un diagnostic d’anaphylaxie idiopathique. En effet la publi-cation de cas d’anaphylaxie retardée était exceptionnelle concernant la seiche [16] et le soja fermenté [17]. Cette allergie au galactose- alpha- 1,3 galactose présent dans les viandes a également été décrite en Europe [18].

Des questions sans réponses

Deux épitopes identiques sont requis pour pouvoir ponter les IgE membranaires

La responsabilité fréquente des myorelaxants dans les accidents anaphylactiques peropératoires a été attribuée à la présence de deux groupes ammonium quaternaire dans chacune des molécules. Pourtant la majorité des médica-ments n’a pas d’épitope double. On invoque une fi xation des petites molécules médicamenteuses sur une macromolécule protéique pour expliquer comment un allergène médicamen-teux incomplet peut devenir complet et capable de ponter deux IgE.

Les mécanismes pouvant entraîner une dégranulation mastocytaire sans mise en jeu des IgE

On peut évoquer la possibilité d’une dégranulation mastocy-taire sans mise en jeu des IgE par l’intermédiaire du système des kinines [8] ou d’autres immunoglobulines [19].

Comment expliquer la synthèse d’IgE

Enfi n la synthèse paradoxale d’IgE malgré des cytotoxiques ou des immunomodulateurs reste mal comprise. S’agit- il d’une dérépression de la synthèse des IgE ?

Liens d’intérêts

Intérêts en liens avec cet article : aucun.

Références[1] Ciesieslski- Carlucci C, Leong P, Jacobs C. Case report of ana-

phylaxis from cisplatin/paclitaxel and a review of their hyper-sensitivity reaction profi les. Am J Clin Oncol 1997;20:373-5.

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