6
Recommandations pour la pratique du pâturage Depuis dix ans le pâturage est pratiqué par le troupeau de la station régionale caprine du Pradel. Différentes expérimentations et observations nous ont permis de mieux maîtriser le pâturage au fil des années. Des données ont été enregistrées sur la qualité de l’herbe, le comportement des animaux, la complémentation, le parasitisme. Cela représente quatre grands piliers qu’il est important de maîtriser pour tirer partie du pâturage. Chaque exploitation avec ses caractéristiques, chaque éleveur avec ses objectifs, chaque troupeau avec son passé, font que le raisonnement est à adapter au cas par cas. GERER LE « POTENTIEL HERBE. » Quand sortir ? Sortir précocement, c’est anticiper le plus possible la forte pousse d’herbe qui a lieu au printemps. Les chèvres sortent dès les premières pousses vertes, à la sortie de l’hiver. La complémentation en fourrage sera bien sûr importante et diminuera au fur et à mesure de l’évolution des disponibilités en herbe. Le but est que, lorsque la pousse de l’herbe est suffisante pour assurer toute l’alimentation du troupeau, les animaux aient déjà passé leur période de transition. Ainsi, ils pourront profiter pleinement de cette herbe, déprimer le maximum de surface et moins gaspiller. Cette recommandation est d’autant plus importante si l’on dispose de surfaces peu ou pas mécanisables, aucun rattrapage mécanique ne sera possible, et l’on aura intérêt à utiliser l’herbe au bon stade, le plus longtemps possible. Mieux vaut prendre le risque d’avoir à rentrer les animaux quelques jours au cas où la pousse stagne, plutôt que d’attendre d’avoir une quantité importante d’herbe à la sortie. Dans notre cas, la sortie se fait souvent fin février ou début mars, et nous manquons d’herbe jusqu’à la fin du mois ; donc la transition est douce car nous sommes obligés de complémenter en foin. Sur quoi sortir ? Les différences de précocité entre parcelles doivent être utilisées : les parcelles précoces seront utilisées tôt au printemps, puis, lorsque d’autres parcelles entrent en végétation, elles seront écartées pour être fauchées et si possible réutilisées en pâturage en fin de printemps. Il ne sert à rien de vouloir passer sur absolument toutes les prairies de l’exploitation s’il y a vraiment très peu d’herbe. Des surfaces peuvent déjà être écartées pour la fauche. Les surfaces par chèvre sont alors de 0,08 à 0,1 ha, elles décroîtront au fur et à mesure de la pousse. Quelles surfaces utiliser ? L’ajustement de la surface à pâturer est la clef d’une bonne production. En effet le maintien d’une herbe au stade optimal est très important : les quantités ingérées et la richesse de l’ingéré en dépendent. D’après nos observations, une quantité de matière sèche disponible par chèvre et par jour voisine de 3 kg au minimum favorise l’ingestion. Il est donc important d’estimer le rendement sur pied de la prairie : quelques repères simples peuvent aider. Si la prairie est homogène, il faut l’arpenter, repérer la hauteur moyenne de l’herbe : est-elle au niveau du coup de pied, de la cheville, entre la cheville et le

Recommandations Pour La Pratique Du Pâturage

Embed Size (px)

DESCRIPTION

elevage

Citation preview

Recommandations pour la pratique du pâturageDepuis dix ans le pâturage est pratiqué par le troupeau de la station régionale caprine du Pradel. Différentes expérimentations et observations nous ont permis de mieux maîtriser le pâturage au fil des années. Des données ont été enregistrées sur la qualité de l’herbe, le comportement des animaux, la complémentation, le parasitisme. Cela représente quatre grands piliers qu’il est important de maîtriser pour tirer partie du pâturage. Chaque exploitation avec ses caractéristiques, chaque éleveur avec ses objectifs, chaque troupeau avec son passé, font que le raisonnement est à adapter au cas par cas.GERER LE « POTENTIEL HERBE. »Quand sortir ?

Sortir précocement, c’est anticiper le plus possible la forte pousse d’herbe qui a lieu au printemps. Les chèvres sortent dès les premières pousses vertes, à la sortie de l’hiver. La complémentation en fourrage sera bien sûr importante et diminuera au fur et à mesure de l’évolution des disponibilités en herbe. Le but est que, lorsque la pousse de l’herbe est suffisante pour assurer toute l’alimentation du troupeau, les animaux aient déjà passé leur période de transition. Ainsi, ils pourront profiter pleinement de cette herbe, déprimer le maximum de surface et moins gaspiller.Cette recommandation est d’autant plus importante si l’on dispose de surfaces peu ou pas mécanisables, aucun rattrapage mécanique ne sera possible, et l’on aura intérêt à utiliser l’herbe au bon stade, le plus longtemps possible.Mieux vaut prendre le risque d’avoir à rentrer les animaux quelques jours au cas où la pousse stagne, plutôt que d’attendre d’avoir une quantité importante d’herbe à la sortie. Dans notre cas, la sortie se fait souvent fin février ou début mars, et nous manquons d’herbe jusqu’à la fin du mois ; donc la transition est douce car nous sommes obligés de complémenter en foin.

Sur quoi sortir ?

Les différences de précocité entre parcelles doivent être utilisées : les parcelles précoces seront utilisées tôt au printemps, puis, lorsque d’autres parcelles entrent en végétation, elles seront écartées pour être fauchées et si possible réutilisées en pâturage en fin de printemps. Il ne sert à rien de vouloir passer sur absolument toutes les prairies de l’exploitation s’il y a vraiment très peu d’herbe. Des surfaces peuvent déjà être écartées pour la fauche. Les surfaces par chèvre sont alors de 0,08 à 0,1 ha, elles décroîtront au fur et à mesure de la pousse.

Quelles surfaces utiliser ?

L’ajustement de la surface à pâturer est la clef d’une bonne production. En effet le maintien d’une herbe au stade optimal est très important : les quantités ingérées et la richesse de l’ingéré en dépendent.

D’après nos observations, une quantité de matière sèche disponible par chèvre et par jour voisine de 3 kg au minimum favorise l’ingestion.

Il est donc important d’estimer le rendement sur pied de la prairie : quelques repères simples peuvent aider. Si la prairie est homogène, il faut l’arpenter, repérer la hauteur moyenne de l’herbe : est-elle au niveau du coup de pied, de la cheville, entre la cheville et le mi-mollet ? Dans le premier cas la hauteur sera sûrement comprise entre 7 et 10 cm, 12 à la cheville, et 15 au-dessus. Cette notion de hauteur sera à compléter absolument par l’appréciation de l’aspect de la végétation : est-on en présence d’une herbe où subsistent beaucoup de brins secs ou au contraire d’un tapis vert en totalité ? les feuilles des graminées sont-elles dressées ou déjà retombantes (signe de végétation plus importante). Dans le cas de présence de beaucoup d’herbe sèche et/ou de brins d’herbe épars et dressés on se situe souvent en sortie d’hiver (transition) ou fin de printemps, lorsque les effets de l’été se font sentir ou encore immédiatement après une fauche :CAS 1 Dans le cas d’herbe verte en totalité, dense et essentiellement feuillue on va plutôt se situer en plein printemps, période qui va en général de 60 à 80 jours : CAS 2.

La combinaison de ces deux types d’observations (hauteur et aspect), nous donne les informations suivantes :

Hauteur estimée CAS 1 : Transition oufin de printemps

ou suite immédiate de fauche(peu fiable)

CAS 2 :Pleine pousse, totalité végétation verte

(assez fiable)

Coup de pied 7-9 cm 200 à 500 kg ms/ha 600 à 1 000 kg ms/ha

Cheville 12 cm 700 kg ms/ha 1200 à 1300 kg ms/haAu-dessus cheville 15 cm 700 à 900 kg ms/ha 1 500 et + kg ms/ha

Remarque : rendements estimés pour une végétation sans trous. Sinon il faut enlever de la MS/ha au prorata de la surface en moins.Comment ajuster la surface ?

Cet ajustement va dépendre de la période dans l’année, et de l’année elle-même : le climat peut en effet jouer un rôle important.

Globalement, on peut estimer qu’en deçà de 200 à 500 kg MS/ha, la prise alimentaire est limitée. Les animaux se déplacent beaucoup. On constate un type de déplacement assez caractéristique : les chèvres marchent, en groupe, tête aux ras du sol pour trier quelques brins d’herbes.

La complémentation en foin est alors importante et une surface de 0,1 ha ou moins par chèvre est acceptable pour cette période qui correspond souvent à une période de transition ou de pâture, presque immédiate après une fauche. Dès que la pousse devient plus importante, il faudrait veiller à maintenir les chèvres sur des parcs ayant une hauteur d’herbe allant de 7 à 10 cm (pâturage continu) ou 9 à 12 cm à l’entrée sur une petite parcelle dans le cas de pâturage tournant.

Des surfaces devront donc être écartées du circuit de pâturage : Si on est en période de forte pousse : plein printemps, terrain assez humide, temps chaud, il faut fortement diminuer la surface. Par exemple, en cas de pâturage tournant on peut raisonner ainsi : je garde 12 à 15 jours d’herbe d’avance (sans compter la pousse de ces douze jours), plus la parcelle où sont les chèvres.

L’intervalle entre 2 passages, en cas de pâturage tournant, va donc diminuer. Il peut descendre à deux semaines parfois. La surface écartée devra être fauchée le plus tôt possible pour permettre une repousse en fin de printemps. En pâturage de type continu, il faut également écarter des surfaces, dès que l’on voit que la hauteur d’herbe a tendance à légèrement augmenter, signe que ce que mangent les chèvres est inférieur à la production de la prairie.

La règle des « 12 à 15 jours d’avance d’herbe » peut s’appliquer aussi.

L’analyse d’un planning de pâturage peut aider à expliquer cette notion de surface à écarter.

On peut également signaler qu’un nombre de passage trop important nuit à un bon pâturage : au fur et à mesure des passages successifs les refus s’accumulent et diminuent la quantité et la qualité de l’ingéré.

Trois à quatre passages semblent être un maximum à conseiller, ensuite il faut prévoir une fauche ou un broyage (ou éventuellement la mise à disposition pour des animaux peu exigeants).

Dans le cas du pâturage continu le problème est le même : une durée trop importante de présence des animaux laisse la possibilité de développement de refus, surtout en cas de forte hétérogénéité de la parcelle. A ce sujet on peut préciser que les deux techniques de pâturage peuvent être combinées, en fonction des contraintes de l’exploitation.COMMENT COMPLEMENTER ?La complémentation en chèvrerie tiendra compte : du niveau de production escompté, de la disponibilité en herbe, de la densité de végétation, du temps de présence des animaux sur la parcelle, de la météorologie.

Le niveau de production

Pour des hauts niveaux de production la quantité d’herbe ingérée peut être un facteur limitant.

En schématisant, on peut illustrer cela en disant qu’une chèvre de 60 kg produisant 2 litres de lait et recevant 0,5 kg de concentré devra ingérer 1,2 kg de Matière Sèche d’herbe à 0,9 UFL par kg de MS. Pour une production de 4

litres à quantité de concentré identique, la quantité d’herbe ingérée devra être de 2,1 kg de MS !

Si le niveau de production est élevé, on sera donc plus pointilleux sur la complémentation en foin et concentré. La complémentation en concentré étant difficile à faire bouger au jour le jour, on ajustera plutôt avec du foin.

La disponibilité en herbe. La densité de végétation

Comme indiqué précédemment, les quantités ingérées par les chèvres en parc ont tendance à être plus faibles si la quantité de matière sèche offerte par chèvre et par jour est inférieure à 2,5- 3 kg. Les observations sur l’estimation du rendement et de l’aspect du couvert végétal sont donc là aussi importantes.D’après nos observations, il semble que même si on compense une faible densité de végétation par une augmentation de la surface disponible, la réponse de production ne sera pas bonne, si cette densité de végétation est inférieure à 400 kg de matière sèche par hectare.

Exemple :Après une fauche, des brins verts réapparaissent, ne dépassant le coup de pied. On estime l’herbe disponible à 300 kg de MS par hectare, donc 100 chèvres pourraient passer une journée sur une parcelle d’un hectare (11 ha * 300 kg MS = 300 kg, 300 kg / 100 chèvres = 3 kg par chèvre). Dans ce cas, l’ingestion va être faible les chèvres ne peuvent pas manger de grosses bouchées d’herbe, et elles sont obligées de se déplacer davantage. Pour des chèvres en pleine production, une complémentation en foin sera inévitable.

Le temps de présence des animaux

Nos observations de 1998 et de 1999 sur le comportement alimentaire nous ont montré que le temps d’ingestion était voisin de 5 à 7 heures.Ces heures sont bien sûr entrecoupées de temps de repos. Une période de 7 à 8 heures de sortie semble donc faible pour assurer la totalité de l’ingestion. 10 à 12 heures semblent plus appropriées.

Le moment de la sortie est également important.

La période la plus favorable à l’ingestion est souvent le soir, surtout pendant les saisons chaudes. Une ingestion maximale passera donc par une traite très tardive le soir ou très précoce avec sortie d’animaux après la traite.

Nous concluons que pour des animaux à haut potentiel (environ 4 litres au printemps), une journée où le seul fourrage ingéré est la pâture équivaut à 3 grands repas (supérieurs à 1 heure) plus 2 ou 3 repas secondaires (15- 30 minutes) = 360 minutes, avec une densité d’herbe supérieure à 500 kg de MS par ha et un climat favorable.

La complémentation en foin

Elle va donc tenir compte de tous ces critères. Pour schématiser, on distinguera 2 types de couvert végétal : Peu de disponibilité (inférieure ou égal à 500 kg de MS par ha) Herbe abondante (environ 1 tonne de MS par ha). Des propositions de complémentation : ainsi, la part du pâturage dans le cas d’herbe de qualité en quantité suffisante sera respectivement de 35% avec 4 heures de sortie, 70% avec 8 heures et 100% avec 12 heures.

Ces données sont indicatives et donnent les grands traits du raisonnement de la complémentation. Elles doivent être modulées suivant l’objectif de production et suivant le passé des animaux. En effet, nos observations ont été faites sur des animaux déjà habitués à pâturer.

La complémentation en concentré

Les expérimentations de 1995 et 1998 nous ont permis de mieux cerner les modalités de distribution du concentré. Les quantités à distribuer indiquées dans le tableau peuvent être légèrement diminuées si la prairie est excellente et l’ingestion maximale : animaux habitués au pâturage, temps clément.

Nous avons pu montrer qu’une distribution importante de concentré pouvait avoir des effets négatifs sur l’ingestion au pâturage (substitution fourrage-concentré) sans entraîner de production beaucoup plus importante. Une quantité limitée à 0,8 kg pour des fortes productrices semble un bon compromis entre la nécessité d’éviter ce phénomène de substitution et un besoin d’assurer la production.

On peut admettre que certaines journées, la qualité de l’herbe et le niveau d’ingestion pourraient couvrir seuls les besoins importants. Mais les aléas climatiques ou de qualité d’herbe sont “ tamponnés ” par un apport de

concentré.

Un calcul économique est toutefois nécessaire pour évaluer la distribution de tel ou tel type et telle ou telle quantité de concentré.COMPORTEMENT ALIMENTAIRE - HABITUDES ALIMENTAIRESNous avons vu précédemment quelques chiffres sur l’occupation de la journée par la chèvre au pâturage. Ces données ont été enregistrées précisément en 1998 et 1999, en plus d’observations plus sommaires les années précédentes. Il est clair que nous avons affaire à un troupeau habitué au pâturage, qui sort depuis toujours.

Les chevrettes sont également sorties en première année, dans le but de leur faire acquérir certaines habitudes. Ce dernier point nous paraît primordial, même si nous n’avons pas pour l’instant de preuves scientifiques pour le démontrer.

Il est clair qu’en cas, de changement de pratiques alimentaires, de sortie au pâturage d’animaux habitués au zéro pâturage, d’essais de maximisation de l’utilisation du pâturage avec des chèvres recevant constamment de fortes quantités de bon foin, le comportement risque d’être sensiblement différent de celui que nous avons observé. Un temps d’adaptation sera nécessaire, sûrement sur plusieurs années, le temps de dresser les nouvelles générations de chevrettes qui rentrent dans le troupeau.

D’autre part, comme cela a été signalé dans l’introduction, chaque exploitation est un cas particulier et des adaptations doivent être faites. On peut penser qu’un pâturage de type continu est intéressant, mais on peut clôturer un petit espace, moins appétant, pour essayer de le faire mieux consommer.

De même, des prairies un peu moins appétentes seront sûrement un peu mieux consommées dans le cas de pâturage en soirée où l’ingestion est plus importante.Quand cela est possible, il est préférable d’implanter des prairies composées d’espèces appétentes, principalement à partir de Ray Grass Anglais ou hybride, qui donnent de meilleures réponses laitières que la Fétuque élevée ou le Dactyle (sans avoir, sous notre climat, les qualités de pérennité et de production de ces deux dernières espèces).

Importance du rôle de l’éleveur

Le pâturage a montré son efficacité par rapport à la production laitière d’un troupeau de chèvres.

Sa mise en œuvre peut paraître plus complexe que la gestion d’une alimentation à l’auge. Le rôle de l’éleveur est essentiel pour observer l’état des parcelles, leurs évolutions, ainsi que le comportement de son troupeau.

Une prise de note très fréquente sur tous ces critères, ainsi que le suivi journalier de la production laitière aident beaucoup à évaluer sa pratique et à la faire évoluer.

Les quelques règles de base citées dans ce document peuvent servir de cadre à cette gestion du pâturage, qui doit être enrichie par toute l’expérience de l’éleveur, ainsi que par la concertation avec les techniciens et collègues éleveurs.