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EN ENTREPRISE travail & sécurité n° 758 – février 2015 S ortie de terre à l’ex- trême ouest du dépar- tement de l’Aube, Artémise (pour Aube recyclage et traitement d’éléments mercuriels issus de sources de l’éclairage) bénéficie d’une situation géographique stratégique. Cette usine, spé- cialisée dans le recyclage des sources lumineuses (lampes et néons principalement), se trouve à quelques dizaines de mètres de la sortie de l’autoroute A5, aux portes de la région parisienne. Un point fort puisque l’Ile-de-France apporte une part importante des déchets, la matière première d’Artémise. « L’avantage d’être partis de rien, c’est que nous avons pu choisir notre implanta- tion et innover, tout en intégrant les questions de santé et de sécu- rité au travail dès la conception de l’usine », indique Laure Cler- get, directrice de l’usine. Lors de sa création, en 2011, Arté- mise s’installe à Barberey, dans l’agglomération de Troyes. Jean- Marie Bailly, son président, envi- sage très vite de déménager dans une usine plus moderne et plus sûre. Il a alors conscience des risques associés au recyclage des luminaires. Certains contiennent en effet du mercure dont l’inha- lation peut provoquer des lésions neurologiques, respiratoires et rénales. Ils sont d’ailleurs clas- sés comme déchets dangereux. Jean-Marie Bailly et ses asso- ciés choisissent alors de se tour- ner vers la Carsat Nord-Est pour lui demander conseil. « Nous ne voulions pas répéter les erreurs du passé », confie Luc Blanquart, directeur technique. Des mesures sont effectuées par le SPéCIALISéE dans le recyclage des lampes et néons, la société Artémise est repartie de zéro en concevant un bâtiment à la fois innovant et intégrant les risques professionnels. Automatisation et séparation des activités se sont traduites par une réduction de l’exposition des opérateurs aux vapeurs de mercure. RECYCLAGE Le mercure passe de la lumière à l’ombre 42 43 n EN CHOISISSANT de concevoir une nouvelle usine dédiée au recyclage des luminaires, Artémise est parvenue à concilier modernisation et prévention des risques professionnels. n L’EXPOSITION aux vapeurs de mercure a été réduite en isolant la majeure partie du process de recyclage dans un espace dédié, placé en dépression. n LES INTERVENTIONS de maintenance nécessitent le port de masques adaptés (masque à cartouche filtrante). L’essentiel Fiche d’identité n NOM : Artémise. n LIEU : Vulaines (Aube). n ACTIVITé : recyclage des lampes et autres équipements électriques professionnels. n EFFECTIF : 16 personnes. 94% des composants des lampes sont recyclables. LE CHIFFRE Cédric Duval © Gaël Kerbaol/INRS

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en entreprise

travail & sécurité – n° 758 – février 2015

Sortie de terre à l’ex-trême ouest du dépar-tement de l’Aube, Artémise (pour Aube recyclage et traitement

d’éléments mercuriels issus de sources de l’éclairage) bénéficie d’une situation géographique stratégique. Cette usine, spé-cialisée dans le recyclage des sources lumineuses (lampes et néons principalement), se trouve à quelques dizaines de mètres de la sortie de l’autoroute A5, aux portes de la région parisienne. Un point fort puisque l’Ile-de-France apporte une part importante des déchets, la matière première d’Artémise. « L’avantage d’être partis de rien, c’est que nous avons pu choisir notre implanta-tion et innover, tout en intégrant les questions de santé et de sécu-rité au travail dès la conception

de l’usine », indique Laure Cler-get, directrice de l’usine.Lors de sa création, en 2011, Arté-mise s’installe à Barberey, dans l’agglomération de Troyes. Jean-Marie Bailly, son président, envi-sage très vite de déménager dans une usine plus moderne et plus sûre. Il a alors conscience des risques associés au recyclage des luminaires. Certains contiennent en effet du mercure dont l’inha-lation peut provoquer des lésions neurologiques, respiratoires et rénales. Ils sont d’ailleurs clas-sés comme déchets dangereux. Jean-Marie Bailly et ses asso-ciés choisissent alors de se tour-ner vers la Carsat Nord-Est pour lui demander conseil. « Nous ne voulions pas répéter les erreurs du passé », confie Luc Blanquart, directeur technique.Des mesures sont effectuées par le

SpécialiSée dans le recyclage des lampes et néons, la société Artémise est repartie de zéro en concevant un bâtiment à la fois innovant et intégrant les risques professionnels. Automatisation et séparation des activités se sont traduites par une réduction de l’exposition des opérateurs aux vapeurs de mercure.

recyclage

Le mercure passe de la lumière à l’ombre

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n eN cHOiSiSSaNT de concevoir une nouvelle usine dédiée au recyclage des luminaires, Artémise est parvenue à concilier modernisation et prévention des risques professionnels.

n l’eXpOSiTiON aux vapeurs de mercure a été réduite en isolant la majeure partie du process de recyclage dans un espace dédié, placé en dépression.

n leS iNTeRVeNTiONS de maintenance nécessitent le port de masques adaptés (masque à cartouche filtrante).

L’essentiel

Fiche d’identitén NOM : Artémise.

n lieU : Vulaines (Aube).

n acTiViTé : recyclage des lampes et autres équipements électriques professionnels.

n eFFecTiF : 16 personnes.

94 %des composants des lampes sont recyclables.

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travail & sécurité – n° 758 – février 2015

les néons sont acheminés à l’aide d’un tapis roulant vers la « boîte ». Derrière ce terme, se cache une zone où le process est entière-ment automatisé. Les néons sont découpés à leurs extrémités pour retirer les culots. Une soufflerie envoie ensuite de l’air à l’intérieur des tubes pour retirer la poudre qu’ils contiennent. Nécessaire à l’obtention du spectre lumineux désiré, cette poudre inclut environ 3 % de terres rares. Enfin, le verre passe dans un broyeur. « Tout s’ef-fectue derrière le mur, sans inter-

vention humaine », indique Yann Delwaulle, chef d’atelier. En cas de maintenance, les opérateurs doivent systématiquement se munir d’un masque à cartouche. En outre, cet espace est placé en dépression ce qui empêche l’air pollué de s’échapper dans l’usine. Il est envoyé dans l’un des trois filtres à charbon situés sur le toit. Des progrès restent à réaliser au niveau du début de la chaîne automatisée, encore en phase de réglage. « Nous nous sommes rendus compte que le plénum soufflant ne couvrait pas assez les opérateurs, précise Arnaud Tiedrez. Ces derniers sont parfois obligés de se déplacer vers le bac pour faire glisser les tubes. Ce faisant, ils sortent du flux d’air. » L’ergonomie du poste est encore à retravailler. Les opérateurs se penchent en effet sur la table de tri et effectuent de fréquentes tor-sions du bassin.

Aspiration et températureUne fois séparés, les déchets sortent de la « boîte » et finissent conditionnés dans des big bags hermétiques pour les poudres, des bennes pour les métaux ferreux et non ferreux et des silos pour le

verre. Ils sont ensuite envoyés aux filières de valorisation adaptées. S’il limite les manutentions et les risques de TMS associés, le nouveau process automatisé ne résoud pas toute la problématique liée au mercure, notamment lors du nettoyage des bacs de collecte qui contiennent inévitablement des débris. « L’acquisition d’un aspirateur industriel est pré-vue pour réduire à ce poste les risques liés au mercure », assure Laure Clerget. D’une manière générale, le risque lié au mercure augmente avec la température : plus celle-ci s’élève et plus ce métal liquide se vaporise. « Nous surveillerons particulièrement la situation cet été, confie Luc Blanquart. En outre, des mesures hebdomadaires d’exposition sont réalisées et des mesures de mer-cure dans le sang et les urines sont effectuées tous les six mois. » Concernant le tri manuel, cou-pures et exposition aux agents biologiques comptent parmi les risques du métier. « Non seu-lement certaines ampoules arrivent cassées, mais surtout, on trouve de tout dans les bacs de recyclage, raconte Jean-Paul Poulet, opérateur de tri. Cela va des cartouches de CO2 aux transformateurs en passant par des perceuses, des fers à repasser et même des seringues parfois. » Un point qui reste à travailler. En attendant, l’étalage des déchets avec une balayette a été instauré.Pour grandir et atteindre son objectif de 3 000 tonnes de déchets collectés et traités par an, Artémise mise sur l’innova-tion. Elle s’est ainsi rapprochée de l’Université technologique de Troyes pour concevoir une chaîne de recyclage des LED. « Pour l’heure, personne ne recycle les LED. Or, un jour il n’y aura plus que ça sur le marché, confie Luc Blan-quart. L’enjeu est par conséquent immense. » En attendant, une campagne de mesures des expo-sitions au mercure par la Carsat et l’INRS est prévue lorsque l’activité aura atteint son rythme de croi-sière. « On est là depuis le début, rappelle Arnaud Tiedrez. C’est en collaborant dans le temps que l’on parvient à obtenir les meilleurs résultats en prévention. » n

Centre interrégional de mesures physiques de l’Est et le Labo-ratoire interrégional de chimie de l’Est. « On s’est vite rendu compte que la situation n’était pas tenable, explique Arnaud Tiedrez, contrôleur de sécurité à la Car-sat Nord-Est. Compris entre 9 et 150 μg/m3, les niveaux d’expo-sition instantanés aux postes de travail aux vapeurs de mercure étaient bien trop élevés et lais-saient entrevoir un dépassement de la valeur limite d’exposition professionnelle sur 8 heures, fixée à 20 μg/m3. » Une réflexion commune sur la ventilation du futur bâtiment est alors engagée. La principale recommandation est de séparer les activités émettrices de vapeurs de mercure des autres. Les plans sont réalisés. Les pre-miers coups de pioche sont don-nés en 2012. L’inauguration a lieu en octobre 2014.

Un plénum contre les émanations de mercureArtémise collecte tous types de luminaires : tubes fluorescents, lampes fluo-compactes, lampes à LED, lampes à iodure métallique et lampes à sodium. Ces déchets proviennent de collecteurs (car-tons ou bacs) agréés par Recy-lum, un éco-organisme à but non lucratif chargé d’organiser la filière de retraitement des lampes et autres équipements électriques professionnels. À ce jour, seuls les tubes fluorescents bénéfi-cient d’un nouveau process. Les autres lampes sont encore triées manuellement.Une fois réceptionnés, les bacs de tubes fluorescents sont ren-versés au poste de tri où deux opérateurs placent leur contenu dans les alvéoles d’un tapis rou-lant. Ce poste est surmonté d’un plénum soufflant qui prend de l’air extérieur non pollué et l’en-voie sur le tapis. Les opérateurs sont ainsi plongés dans un flux d’air qui agit comme un rideau et empêche les éventuelles vapeurs de mercure de remonter et d’être inhalées. « Il arrive en effet que des tubes arrivent cassés, voire se cassent lors de leur manipulation, libérant ainsi les vapeurs de mer-cure qu’ils contiennent », explique Arnaud Tiedrez.Une fois placés dans les alvéoles,

Le port d’un masque à cartouche est obligatoire lors d’une intervention de maintenance dans la zone de recyclage des néons.

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n Pour en savoir plus, lire « Risques chimiques dans la filière de valorisation des lampes usagées », Documents pour le médecin du travail, INRS, 2011.

À retrouver sur www.inrs.fr.