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ARTICLE DE SYNTHÈSE / REVIEW ARTICLE DOSSIER Réentraînement à leffort et lombalgie chronique Exercise training and chronic low back pain J.-L. Barnay · M. Lhote · F. Acher · C. Marillier · G. Sendra · M.-C. Monnet · V. Gremeaux · J.-M. Casillas © Springer-Verlag France 2012 Résumé La lombalgie chronique reste un problème de santé majeur. Malgré un grand nombre de propositions thérapeu- tiques, elle reste difficile à contrôler. Le reconditionnement à leffort et le renforcement musculaire font partie des recom- mandations chez le lombalgique chronique. Développés au cours dune prise en charge globale répondant au caractère plurifactoriel de ce symptôme, ils ont pour objectif essentiel linsertion sociale et professionnelle. Le versant éducatif est essentiel, car cest la modification durable des habitudes de vie qui conditionne le résultat. Mots clés Lombalgie chronique . Renforcement musculaire . Kinésiophobie . Éducation thérapeutique Abstract Chronic low back pain remains today a major health problem. Despite a multitude of rehabilitation pro- gram, it remains difficult to control. Strengthening in the chronic low back pain is not easy because the image of this symptom is multifactorial and requires taking into conside- ration the profile of each and fixing with him, clear objecti- ves. Strength training must be tailored to the objectives set for a return to work in a sustainable manner. Keywords Chronic low back pain . Strengthening . Kinesiophobia . Therapeutic education Introduction La lombalgie chronique (LC), dans sa forme commune, est un symptôme de présentation polymorphe, avec un vécu complexe et des répercussions variées, mais souvent invali- dantes. Son champ datteinte dépasse la restriction anato- mique, avec des conséquences psychocomportementales, socioprofessionnelles, physiques et fonctionnelles. Son coût global sur les dépenses de santé est un problème majeur, dautant plus que son incidence ne semble pas diminuer [1]. Elle représente un enjeu pour le praticien de MPR. Il existe un grand nombre de programmes proposés, sans pour autant que lon observe de diminution de la prévalence de cette pathologie. Le principe dune prise en charge globale et multidisciplinaire est néanmoins reconnu, avec la nécessité de prendre en compte chaque patient dans sa complexité. À travers latteinte lombaire, cest tout un complexe ostéo- musculo-articulaire qui est déstabilisé. Le réentraînement à leffort fait désormais partie de cette nécessaire approche globale de la LC [2]. Il vise ainsi à lutter contre les différents facteurs identifiés de la chronicité, dans un objectif de réin- sertion. Il est désormais proposé le plus souvent dans des structures de MPR, qui mettent à disposition à la fois un personnel spécialisé et un plateau technique spécifique. Le déconditionnement plurifactoriel du lombalgique Une lombalgie est considérée comme chronique au-delà de 12 semaines sans résolution satisfaisante des symptômes. On constate fréquemment chez ces patients, linstallation dun cercle vicieux, au cours duquel les douleurs entraînent une diminution dactivité progressive, alimentée par une crainte permanente de faire réapparaître les douleurs, avec pour résultat une sédentarisation progressive, un isolement socioprofessionnel, une sous-estimation de ses capacités physiques et un déconditionnement global, finalement auto-entretenu. On retrouve ainsi : Des rachialgies basses, souvent mal soulagées malgré de multiples consultations, imageries et propositions thérapeu- tiques conventionnelles, souvent sans amélioration durable. Une perte de la mobilité axiale avec une diminution des performances musculaires à la fois sur les extenseurs et les fléchisseurs du rachis, cette perte de force prédominant sur les extenseurs [3]. Par-delà cette atteinte des muscles qui participent à la stabilité du tronc, ce sont aussi les muscles stabilisateurs du bassin, insérés à la racine des J.-L. Barnay · M. Lhote · F. Acher · C. Marillier · G. Sendra · M.-C. Monnet · V. Gremeaux · J.-M. Casillas (*) Pôle Rééducation-Réadaptation, CHU Dijon, 23 rue Gaffarel, 21079 Dijon cedex, France e-mail : [email protected] Lett. Méd. Phys. Réadapt. (2012) 28:25-29 DOI 10.1007/s11659-012-0306-3

Réentraînement à l’effort et lombalgie chronique

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ARTICLE DE SYNTHÈSE / REVIEW ARTICLE DOSSIER

Réentraînement à l’effort et lombalgie chronique

Exercise training and chronic low back pain

J.-L. Barnay · M. Lhote · F. Acher · C. Marillier · G. Sendra · M.-C. Monnet · V. Gremeaux · J.-M. Casillas

© Springer-Verlag France 2012

Résumé La lombalgie chronique reste un problème de santémajeur. Malgré un grand nombre de propositions thérapeu-tiques, elle reste difficile à contrôler. Le reconditionnement àl’effort et le renforcement musculaire font partie des recom-mandations chez le lombalgique chronique. Développés aucours d’une prise en charge globale répondant au caractèreplurifactoriel de ce symptôme, ils ont pour objectif essentiell’insertion sociale et professionnelle. Le versant éducatif estessentiel, car c’est la modification durable des habitudes devie qui conditionne le résultat.

Mots clés Lombalgie chronique . Renforcement musculaire .Kinésiophobie . Éducation thérapeutique

Abstract Chronic low back pain remains today a majorhealth problem. Despite a multitude of rehabilitation pro-gram, it remains difficult to control. Strengthening in thechronic low back pain is not easy because the image of thissymptom is multifactorial and requires taking into conside-ration the profile of each and fixing with him, clear objecti-ves. Strength training must be tailored to the objectives setfor a return to work in a sustainable manner.

Keywords Chronic low back pain . Strengthening .Kinesiophobia . Therapeutic education

Introduction

La lombalgie chronique (LC), dans sa forme commune, estun symptôme de présentation polymorphe, avec un vécucomplexe et des répercussions variées, mais souvent invali-dantes. Son champ d’atteinte dépasse la restriction anato-mique, avec des conséquences psychocomportementales,socioprofessionnelles, physiques et fonctionnelles. Son coût

global sur les dépenses de santé est un problème majeur,d’autant plus que son incidence ne semble pas diminuer[1]. Elle représente un enjeu pour le praticien de MPR. Ilexiste un grand nombre de programmes proposés, sans pourautant que l’on observe de diminution de la prévalence decette pathologie. Le principe d’une prise en charge globale etmultidisciplinaire est néanmoins reconnu, avec la nécessitéde prendre en compte chaque patient dans sa complexité. Àtravers l’atteinte lombaire, c’est tout un complexe ostéo-musculo-articulaire qui est déstabilisé. Le réentraînement àl’effort fait désormais partie de cette nécessaire approcheglobale de la LC [2]. Il vise ainsi à lutter contre les différentsfacteurs identifiés de la chronicité, dans un objectif de réin-sertion. Il est désormais proposé le plus souvent dans desstructures de MPR, qui mettent à disposition à la fois unpersonnel spécialisé et un plateau technique spécifique.

Le déconditionnement plurifactorieldu lombalgique

Une lombalgie est considérée comme chronique au-delà de12 semaines sans résolution satisfaisante des symptômes. Onconstate fréquemment chez ces patients, l’installation d’uncercle vicieux, au cours duquel les douleurs entraînent unediminution d’activité progressive, alimentée par une craintepermanente de faire réapparaître les douleurs, avec pourrésultat une sédentarisation progressive, un isolementsocioprofessionnel, une sous-estimation de ses capacitésphysiques et un déconditionnement global, finalementauto-entretenu. On retrouve ainsi :

• Des rachialgies basses, souvent mal soulagées malgré demultiples consultations, imageries et propositions thérapeu-tiques conventionnelles, souvent sans amélioration durable.

• Une perte de la mobilité axiale avec une diminution desperformances musculaires à la fois sur les extenseurs et lesfléchisseurs du rachis, cette perte de force prédominantsur les extenseurs [3]. Par-delà cette atteinte des musclesqui participent à la stabilité du tronc, ce sont aussi lesmuscles stabilisateurs du bassin, insérés à la racine des

J.-L. Barnay · M. Lhote · F. Acher · C. Marillier · G. Sendra ·M.-C. Monnet · V. Gremeaux · J.-M. Casillas (*)Pôle Rééducation-Réadaptation,CHU Dijon, 23 rue Gaffarel, 21079 Dijon cedex, Francee-mail : [email protected]

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membres inférieurs qui vont eux aussi, du fait de l’hypo-mobilité croissante, subir une amyotrophie, une modifica-tion de leur typologie ainsi qu’une rétraction limitant lesamplitudes articulaires globales et faisant le lit d’autresdouleurs [4]. Tous ces éléments induisent une désorgani-sation du schéma moteur avec une perte des capacitésproprioceptives et de la coordination des muscles du troncet de la ceinture pelvienne.

• Un déconditionnement global avec souvent une prise depoids associée, une modification des habitudes de vie versune sédentarité croissante. Cela se traduit par une réduc-tion des capacités aérobies maximales [5]. Il existe habi-tuellement des pratiques hygiénodiététiques délétèresavec la présence fréquente de facteurs de risque cardio-vasculaire. On retrouve ainsi chez les lombalgiques uneplus grande tendance au tabagisme avec une faible moti-vation au sevrage [6].

• Un rapport au mouvement anxiogène, qui relève dans denombreux cas d’un comportement proche de la phobie :il s’agit de la kinésiophobie, source forte de l’inhibitiongestuelle [7].

• Sur le plan psychocomportemental, en dehors de toutepersonnalité pathologique ou atypique, la présentationinsidieuse et chronique de la douleur peut installer chezces patients une anxiété et une humeur dépressive, avecune autodépréciation, une dévalorisation du corps, uneremise en cause de leur place dans la société, qui est parailleurs souvent aggravée par les clichés, entretenus danscette même société, concernant la lombalgie. Ces troublesanxiodépressifs sont fréquemment aggravés par des stra-tégies contre-productives que vont développer certainspatients, fondées sur de fausses croyances, notammentconcernant les relations entre l’activité physique et ladouleur lombaire. Ceci est d’ailleurs parfois entretenupar certains professionnels de santé, insuffisammentinformés, qui vont encourager à réduire systématiquementles sollicitations lombaires, à augmenter les temps d’inac-tivité. Les patients en viennent fréquemment à une sur-consommation d’antalgiques, avec passage à des paliers 3,sans forcément d’effet bénéfique sur la douleur.

• Une désinsertion socioprofessionnelle qui s’installe pro-gressivement [8]. La symptomatologie lombaire devientalors pour le patient la seule justification de son isolementet du développement de son incapacité croissante, mais ilne peut en apporter des preuves visibles…

Comportements et douleurchez le lombalgique chronique

La complexité des rapports individuels avec la douleur et lesmodifications comportementales très diverses rendant la

standardisation des programmes de reconditionnement diffi-cile. Ce constat explique probablement au moins en partie lagrande variété de propositions thérapeutiques, qui vont desapproches psychosociales à l’entraînement physique intensifà haut niveau énergétique. La gestion de la douleur nécessitede bien prendre en compte ses différents aspects. En effet, ladimension nociceptive ne suffit pas à elle seule à expliquerl’évolution du patient. Les conditions de travail, le mode devie, les loisirs, les renoncements et les modifications com-portementales liés à la lombalgie doivent être évalués, demême que les circonstances déclenchantes. Le contexte, enparticulier de traumatisme professionnel et d’implication dela responsabilité d’un tiers, est identifié de longue datecomme un facteur de chronicisation.

De nombreuses stratégies sont fondées sur le coping, quiexprime la capacité du patient à faire face, à s’adapter à unévénement vécu comme négatif. Cette approche fait appelaux principes des stratégies cognitivocomportementales aucours desquelles le patient est accompagné dans l’acquisi-tion d’outils nécessaires pour permettre que les événementsnégatifs ne soient plus vécus comme insurmontables. Celaimpose de connaître au maximum les capacités de ressourcesindividuelles du patient afin de s’appuyer sur elles dans unedémarche de gestion des situations sociales et professionnel-les. Ce n’est pas du seul ressort du psychologue, mais relèved’une démarche pluridisciplinaire au cours de laquelle tousles acteurs de la rééducation (médecins, kinésithérapeutes,ergothérapeutes, moniteurs d’activité physique adaptée…)sont impliqués. À travers cette vision globale de la prise encharge de la douleur, on associe une lutte contre la kinésio-phobie. Celle-ci peut être évaluée à l’aide de questionnaires,tels que le FABQ (Fear-Avoidance Beliefs Questionnaire)recherchant les peurs et croyance erronées entre l’activitéphysique (FABQ1Phys) ou le travail (FABQ Work) et lesdouleurs rachidiennes [9]. On peut alors mieux identifierles mécanismes responsables de l’hypo-activité et accompa-gner le patient dans les situations délicates qui jusque-làétaient sources d’inhibition motrice et donc de désinsertion.Cela nécessite donc une double approche à la fois physiqueet cognitivocomportementale, avec pour but la réappropria-tion du corps et l’amélioration gestuelle [10].

Les effets attendusdu reconditionnement à l’effort

La conservation ou la reprise d’activité professionnelle

C’est l’objectif prioritaire d’un programme de recondition-nement à l’effort au cours de la LC. La reprise profession-nelle est obtenue dans 80 % des cas à l’issue d’un pro-gramme de reconditionnement [11].

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Lorsque le problème de l’insertion professionnelle ne sepose pas – par exemple chez un patient retraité –, la repriseou le maintien des activités et de la participation socialepeut être un objectif chez un lombalgique dans une impassethérapeutique, car ayant épuisé la plupart des possibilitésconventionnelles, pharmacologiques ou non. Cette évolutiondes répercussions fonctionnelles de la LC sous l’effet dureconditionnement est bien étudiée par des questionnairesvalidés, tel que le score Eifel, de Québec ou celui de Dallas.

Les effets physiques du reconditionnement

Ils sont les instruments de la réinsertion : amélioration descapacités physiques aérobies, augmentation de la force auniveau des extenseurs lombaires et de la sangle abdominale[12], diminution de la raideur. Ils sont bien appréciés pardifférents systèmes de mesure, au premier rang desquelsles appareils d’isocinétisme. Des tests cliniques simples sonttrès informatifs et aisés à mettre en œuvre : test de Sorensenpour l’évaluation de l’endurance des extenseurs lombaires[13], test de Shirado pour les fléchisseurs [3].

La réduction des dysmétabolismes

Certains troubles métaboliques sont fréquemment associés àla LC (HTA, diabète, dyslipidémie, surcharge pondérale)[14]. Leur contrôle fait partie désormais des objectifs de laprise en charge, avec une place essentielle au reconditionne-ment à l’effort dans cet impact. De même, le réentraînementparticipe au sevrage de l’intoxication tabagique si souventretrouvée et qui est impliquée pour certains dans la pathogé-nie des douleurs [6].

L’amélioration des troubles de l’humeur

La reprise de confiance induite par le reconditionnement,l’autonomisation ainsi permise, participent à la réductiondes troubles de l’humeur au cours de la LC et concourentainsi à l’amélioration de la qualité de vie [15].

L’impact sur les algies

Il est habituellement retrouvé sur le moyen terme, avec unediminution significative de la prise d’antalgiques [16]. Il estmultifactoriel car passe par des effets systémiques du recon-ditionnement sur les systèmes neurovégétatif, sérotoniner-gique, voire dopaminergique. Il est également induit pardes effets mécaniques locaux des contractions musculaire(sur les structures disco-vertébrales) qui sont médiés par larégulation de certains neuropeptides (substance P) et certainsneuromédiateurs (glutamate) qui interviennent sur la régula-tion du métabolisme osseux et des signaux nociceptifs [17].

La dimension médico-économique

Le rapport coût/efficacité d’une prise en charge globalerééducative est supérieur à la prise en charge convention-nelle, avec un bénéfice démontré de 26 euros pour un eurodépensé [18].

Les modalités du reconditionnement

Le reconditionnement global aérobie

Il représente souvent l’axe de ce réentraînement. Il est déve-loppé sur différents ergomètres : bicyclette, tapis roulant,rameur, manivelle… À l’exemple de la rééducation cardio-vasculaire, et bien que ce ne soit pas actuellement systéma-tique, la réalisation initiale d’un test d’effort peut permettrele dépistage d’une pathologie cardiovasculaire (cardiopathieischémique, hypertension d’effort, trouble du rythme...). Ellepermet d’évaluer les capacités d’effort et de personnaliser leréentraînement sur – habituellement – la détermination d’unefréquence cardiaque cible. Le patient équipé d’un cardio-fréquencemètre peut alors, en autonomie, gérer ses effortssur les différents postes.

Le renforcement musculaire analytique

Il tient une part importante, car la diminution des performan-ces physiques passe par une perte d’efficience des stabilisa-teurs en station debout. Les érecteurs du rachis, les musclesde la ceinture lombaire, les fléchisseurs du rachis ainsi queles muscles de la racine des membres inférieurs sont desgroupes musculaires qui du fait de la douleur sont sous-utilisés. Il devient alors, dès le début de la prise en charge,primordial de les renforcer afin d’améliorer à la fois la forceet l’endurance dans les activités de la vie quotidienne, etainsi majorer la stabilité du tronc [3]. Ce renforcement seraintégré à une activité gymnique ou bien pourra être déve-loppé sur dispositifs spécifiques (type banc de musculation,appareils d’isocinétisme…). À noter, l’intérêt de l’adaptationdes techniques balnéothérapiques classiques, par exemple lapratique de la marche en arrière en piscine, aussi efficacepour le renforcement des extenseurs lombaires que l’utilisa-tion d’ergomètres sophistiqués [19]. Un compromis doit êtrechaque fois trouvé dans le respect d’une indolence relative etla recherche d’une mobilité rachidienne, même réduite.

La dimension proprioceptive et ergonomiquedu reconditionnement

Bien qu’elle ne soit pas fondamentale, elle est utile car ellepermet d’intégrer les gains en force et endurance musculaireà une gestuelle proche de la réalité des activités habituelles

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de chaque patient [20]. D’ailleurs, des exercices fonctionnelscentrés sur une tâche peuvent mieux convenir à certainspatients qui tolèrent mal un reconditionnement à l’effortconventionnel. Cela représente un élément facilitant de laréinsertion et de la poursuite à moyen terme d’une activitéphysique adaptée, sous la forme d’activités très diverses quipourront se rapprocher de pratiques sportives motivantes [21].

Le problème de l’intensité des exercices

Si c’est l’amélioration des capacités endurantes qui estrecherchée prioritairement, tant au cours du reconditionne-ment global qu’analytique, un gain sur les performancesmusculaires anaérobies est tout à fait envisageable si lecontexte professionnel ou de loisir (sport) du patient y incite.Ainsi ont pu être appliqués des principes de renforcementmusculaire inspirés de programmes proposés à des sportifsde haut niveau (travail en force supérieur à 70 % de la forcemusculaire maximale) [22].

Quelle combinaison d’exercices ?

Les programmes dits de « restauration fonctionnelle rachi-dienne » intègrent maintenant la plupart des modalités dereconditionnement au cours de la LC [23]. Cependant, cetteassociation ne doit pas être forcément systématique et la per-sonnalisation des programmes reste de mise afin de répondreà la grande diversité des incapacités rencontrées [24]. Ànoter que les techniques passives telles que les massages,la physiothérapie sont habituellement exclus de ces pro-grammes, car n’ayant pas montré d’effets significatifs surl’évolution de la LC. Elles présentent par ailleurs le risqued’entretenir une dépendance avec le thérapeute et sont doncun obstacle à l’autonomisation des patients. Seule l’applica-tion de la neuro-stimulation transcutanée (TENS), malgrél’insuffisance des preuves expérimentales, peut représenterun élément facilitant de la reprise des activités physiques[25]. Par contre, des techniques d’étirements de la muscula-ture crurale (quadriceps, ischio-jambiers) de type stretchings’avèrent souvent justifiées devant l’existence de rétractionsqui limitent la mise en œuvre de compensations à la protec-tion lombaire [26].

Dans quelle structure ? Quelle durée ?

Les programmes de reconditionnement dont l’efficacité a étédémontrée ont été développés au sein d’unités de rééduca-tion, proposant à la fois un plateau technique et une multi-disciplinarité. La durée de ces programmes, développés leplus souvent sur le mode d’une hospitalisation, varie entreun et deux mois [27].

Éducation thérapeutique

L’activité physique post-programmeconditionne le succès

Le patient doit être l’acteur principal de son reconditionne-ment et le résultat est conditionné par sa capacité d’autono-misation. Il faut donc lui fournir les outils nécessaires pourcomprendre les mécanismes de sa pathologie et de ses réper-cussions fonctionnelles [28]. Une proposition d’activité phy-sique adaptée possible doit être élaborée avec lui et donnerlieu à un document écrit détaillant les pratiques (modes,durée, fréquence, intensité). C’est en effet le respect despréconisations qui conditionne en premier le résultat d’unprogramme de reconditionnement. Il doit aussi connaître etmaitriser les facteurs déclenchants de ses douleurs, gérer saconsommation de médicaments, respecter les principesergonomiques.

Les facteurs de risque

Le lombalgique chronique est plus souvent porteur de fac-teurs de risque cardiovasculaire qui, pour certains, sontdirectement impliqués dans la pathogénie des lésions dégé-nératives notamment discales. Le tabagisme semble en parti-culier entretenir le syndrome douloureux et serait un facteurde risque des rachialgies et de leur chronicisation [6]. Lesevrage tabagique devient donc un enjeu habituel au coursde la LC, au même titre que le contrôle d’une hypertensionartérielle, d’un dysmétabolisme glycémique ou lipidique[14]. L’éducation diététique, au même titre que l’activitéphysique, représente un instrument essentiel de ce contrôle,visant à la fois à la réduction du risque athéromateux et à lastabilisation pondérale [29].

Le soutien psychocomportemental

Il est le plus souvent nécessaire afin de mener à bien ce pro-gramme d’éducation thérapeutique, qui remet en cause lesmodes de vie et implique une vision globale de la LC. C’estalors un véritable « contrat » qui est établi entre le patient etl’équipe de rééducation qui met à sa disposition les outils dureconditionnement à l’effort et de l’éducation thérapeutique.Ce contrat a pour objectif l’insertion sociale et profession-nelle et comme instrument les modifications prolongées del’hygiène de vie envisagées dans le contexte spécifique dupatient [27].

Conclusion

Le reconditionnement du lombalgique chronique doit pren-dre en considération le profil de chaque patient et doit être

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fondé sur ses attentes, avec un objectif de reprise (oude conservation) des activités sociales et surtout profession-nelles. Il s’adresse aux LC, résistantes aux thérapeutiquesconventionnelles, avec déconditionnement, à risque dedésinsertion et avec dégradation de la qualité de vie. Il peutreprésenter un traitement d’épreuve quand la chirurgieest discutée ou bien à sa suite afin d’assurer la reprise desactivités. Il existe de nombreux outils et techniques disponi-bles, mais le médecin de MPR doit avant tout définir avec lepatient un programme personnalisé au sein duquel le réen-traînement à l’effort et le renforcement musculaire sontessentiels. Comme pour la prise en charge en rééducationcardiovasculaire, le challenge est la modification pro-fonde et durable des habitudes de vie en termes d’activitéphysique [30].

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir deconflit d’intérêt.

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