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RÉFLEXION SUR LES AMENDEMENTS AUX PROJETS TAVERNIER Au vu des amendements proposés, il me semble que les projets se décantent peu à peu et correspondent plus aux réalités du terrain et aux souhaits des professionnels de la santé mentale. Ce qui importe, c'est de construire un cadre légal qui promeuve la qualité des pratiques et, pour ce faire, organise au mieux la protection des patients et des formations, tout en permettant l'éventuel remboursement de certaines prestations. J'ajouterai que la notion même de santé mentale implique une diversité d'approches thérapeutiques, de cheminements personnels, et de chemins de formation. Bien que président du plus grand groupe professionnel de psychologues cliniciens (et psychothérapeutes) francophone de notre pays (APPPsy, Association des Psychologues Praticiens d'Orientation Psychanalytique), j'insiste sur le fait que protéger notre profession n'a pour nous aucun relent corporatiste. Nous ne voulons pas d'un cadre légal qui construise, à côté de la citadelle médicale, un néocorporatisme des psychologues. D'autant plus que, pour nombre de cliniciens de terrain, la collaboration avec les collègues médecins ne se passe nullement sur ce mode. Pour mémoire, les projets Aelvoet-Tavernier (en réalité Cools) ne font pas partie de l'accord de gouvernement. Ils se sont tramés à l'insu d'Écolo qui s'est trouvé mis devant le fait accompli et coincé par sa fidélité à Agalev. En réalité, le seul projet qui mérite qu'on se batte pour lui est le projet «psychothérapie», à condition qu'il bénéficie d'un créneau qui en marque la spécificité. L'«argument» de Bob Cools sur le «dualisme cartésien» est risible. Si nous tenons à un chapitre spécifique «professions de la santé mentale», au sein de l'A.R. n°78, c'est précisément pour ne pas être inclus dans un sous-chapitre moniste à connotation de pure technologie médicale (ne pas apparaître comme un élément spécialisé parmi d'autres, à côté des bandagiste, des radiologues, ...). De ce point de vue d'ailleurs, nous sommes proches des généralistes et des psychiatres. Dans une perspective générale. Multiplier des lois sur tout et n'importe quoi est toxique pour la gestion de l'État et pour l'exercice de la démocratie. En ce qui concerne les psychologues, leur titre étant déjà protégé par la loi et la profession de psychologue clinicien se différenciant mal dans la pratique de celle de psychothérapeute, nous ne voyons pas la nécessité d'une loi sur la psychologie clinique. Encore moins sur la sexologie. Même remarque pour les sexologues et consorts que pour les psychologues cliniciens: leur pratique de facto recoupe (au moins partiellement) celle de la psychothérapie. Inutile de faire à chaque fois une nouvelle loi pour les coiffeurs pour dames, les coiffeurs pour drames, les coiffeurs pour hommes, les coiffeurs pour chiens... Légiférer sur les coiffeurs suffit. Ce qui importe, c'est d'exiger de chaque praticien de la santé mentale des critères de formation suffisants, de ne pas leur

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Au vu des amendements proposés, il me semble que les projets se décantent peu à peu et correspondent plus aux réalités du terrain et aux souhaits des professionnels de la santé mentale. Francis Martens ( Texte transmis à Michèle Gilkinet et Olivier Mariage ) président de l'APPPsy

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RÉFLEXION SUR LES AMENDEMENTS AUX PROJETS TAVERNIER

Au vu des amendements proposés, il me semble que les projets sedécantent peu à peu et correspondent plus aux réalités du terrain et auxsouhaits des professionnels de la santé mentale.

Ce qui importe, c'est de construire un cadre légal qui promeuve la qualitédes pratiques et, pour ce faire, organise au mieux la protection despatients et des formations, tout en permettant l'éventuel remboursementde certaines prestations. J'ajouterai que la notion même de santémentale implique une diversité d'approches thérapeutiques, decheminements personnels, et de chemins de formation. Bien queprésident du plus grand groupe professionnel de psychologues cliniciens(et psychothérapeutes) francophone de notre pays (APPPsy, Associationdes Psychologues Praticiens d'Orientation Psychanalytique), j'insiste surle fait que protéger notre profession n'a pour nous aucun relentcorporatiste. Nous ne voulons pas d'un cadre légal qui construise, à côtéde la citadelle médicale, un néocorporatisme des psychologues. D'autantplus que, pour nombre de cliniciens de terrain, la collaboration avec lescollègues médecins ne se passe nullement sur ce mode.

Pour mémoire, les projets Aelvoet-Tavernier (en réalité Cools) ne font paspartie de l'accord de gouvernement. Ils se sont tramés à l'insu d'Écolo quis'est trouvé mis devant le fait accompli et coincé par sa fidélité à Agalev.En réalité, le seul projet qui mérite qu'on se batte pour lui est le projet«psychothérapie», à condition qu'il bénéficie d'un créneau qui en marquela spécificité. L'«argument» de Bob Cools sur le «dualisme cartésien» estrisible. Si nous tenons à un chapitre spécifique «professions de la santémentale», au sein de l'A.R. n°78, c'est précisément pour ne pas êtreinclus dans un sous-chapitre moniste à connotation de pure technologiemédicale (ne pas apparaître comme un élément spécialisé parmi d'autres,à côté des bandagiste, des radiologues, ...). De ce point de vued'ailleurs, nous sommes proches des généralistes et des psychiatres.

Dans une perspective générale. Multiplier des lois sur tout et n'importequoi est toxique pour la gestion de l'État et pour l'exercice de ladémocratie. En ce qui concerne les psychologues, leur titre étant déjàprotégé par la loi et la profession de psychologue clinicien se différenciantmal dans la pratique de celle de psychothérapeute, nous ne voyons pas lanécessité d'une loi sur la psychologie clinique. Encore moins sur lasexologie. Même remarque pour les sexologues et consorts que pour lespsychologues cliniciens: leur pratique de facto recoupe (au moinspartiellement) celle de la psychothérapie. Inutile de faire à chaque foisune nouvelle loi pour les coiffeurs pour dames, les coiffeurs pour drames,les coiffeurs pour hommes, les coiffeurs pour chiens... Légiférer sur lescoiffeurs suffit. Ce qui importe, c'est d'exiger de chaque praticien de lasanté mentale des critères de formation suffisants, de ne pas leur

accorder de titre sans qu'ils aient répondu à ces critères, mais de ne pasbarrer pour autant les accès à ceux qui viennent d'un trajet autre quecelui qui s'appuie sur des études de psychologie ou de médecine. Ladistinction qu'il me semble important d'établir et de préciser, c'est celleentre la pratique des thérapeutes (qui implique, outre les études, uneformation personnelle exigeante) et la pratique des techniciens ducomportement (qui appliquent des techniques prescrites par ailleurs, unpeu comme une infirmière exécute une série de piqûres). Ce qui est enjeu, c'est la formation de cliniciens compétents, assez solides et rigoureuxpour ne pas faire de la manipulation comportementale au gré desexigences du marché.

Le projet de loi sur la psychothérapie, à cet égard et compte tenu desamendements proposés, n'est plus à jeter avec l'eau du bain. Les critèresde formation personnelle exigés représentent un minimum intéressant etles accès ne sont plus bouchés à des praticiens issus de filièresdiversifiées. Un chapitre autonome, la référence à une déontologiespécifique, la suppression de l'exception médicale (en matière denécessité de formation) sont des avancées importantes qui, en outre,semblent tout à fait compatibles avec le projet Mayeur-Burgeonconcernant les professions de la santé mentale, lequel projet a le mérited'une grande simplicité architecturale. On y mettant du sien, chacunpourrait y retrouver son bien... pour le plus grand bien des usagers enmatière de santé mentale.

Francis Martens

président de l'APPPsy

( Texte transmis à Michèle Gilkinet et Olivier Mariage )