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Réformer la fiscalité des entreprises. Pourquoi

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Sommaire

PROPOS INTRODUCTIFS Alain LE POMMELEC, Maître de conférences de droit privé, Université d'Auvergne

FAUT-IL SUPPRIMER LES NICHES FISCALES ET LES NICHES SOCIALES ? Jean-Luc ALBERT, Professeur de droit public à l'Université d'Auvergne Clermont 1

FRAUDE, EVASION ET POLITIQUE FISCALE INTERNATIONALES Lukasz STANKIEWICZ, Maître de conférences à l'Université Jean Moulin (Lyon 3)

FISCALITE DE L’IMMOBILIER PROFESSIONNEL ET DEMEMBREMENT Me Marc AMBLARD, Avocat au barreau de Clermont-Ferrand, Cabinet Amblard - Chamalières & Paris - www.amblard-avocats.fr Maître de conférences à l’Université de Provence (Aix en Provence)

FINANCES LOCALES, DECENTRALISATION, FISCALITE LOCALE DES ENTREPRISES Gérard VERRIER, Maître de conférences associé de droit public, Université d'Auvergne Clermont 1

Table des matières

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PROPOS INTRODUCTIFS

« La vérité n’est pas toujours révolutionnaire. », in Cadaveri eccellenti, (Cadavres exquis)

Francesco Rosi1

es crises financières, économiques et sociales, tout comme la série de sanctions prononcées par les agences de notation ont mis au cœur du débat politique français la question du très lourd endettement de l’Etat et des collectivités territoriales. Cette problématique a été l’un des sujets de la campagne de l’élection présidentielle, mais les fragments de réponse sont davantage des « éléments de langage » destinés à ne pas désespérer l’opinion publique ; la

vigueur d’un message d’appel à la mobilisation inspiré de Winston Churchill, avec « de la sueur et des larmes » n’étant guère « aimable » aux oreilles des électeurs, et, dès lors, peu usité dans les questionnaires des instituts de sondage. Face aux déficits abyssaux, les propositions portées par les partis politiques ont, jusqu’alors, suggérés plusieurs pistes tantôt en faveur de mesures imposant des économies formulées de manière suffisamment floue pour ne pas décourager les électeurs, tantôt des projets de réforme de la fiscalité, visant notamment les entreprises. De fait, les impôts, les taxes et redevances constituent des moyens traditionnels et éprouvés, pour alimenter le « tonneau des Danaïdes » par référence à la mythologie grecque, pourtant leur efficacité reste très discutée, tout comme leur caractère « juste » ou « équitable ». En outre, de nombreuses analyses économiques et financière relèvent qu’il n’est pas acquis que l’alourdissement de la fiscalité soit suffisant en période de récession, voire de « décroissance » pour rembourser les intérêts de la « dette publique ». Le spectre d’une « France sans usine » n’est plus uniquement agité par quelques commentateurs sensibles aux arguments qualifiés de « déclinistes » de manière bien trop cursive et simpliste, et inutilement péjorative, tant les illusions d’optique portées par les « trente glorieuses » ont largement fait leur temps. L’obsolescence et la dégénérescence de l’outil industriel français sont quotidiennement constatées à l’aune des restructurations d’entreprises, et de la kyrielle de plans sociaux et de drames humains qui en résultent. La dialectique « rigueur et croissance » fait naturellement l’objet de délicats euphémismes, ainsi récemment la notion vertueuse et très politiquement correcte « d’effort » est mise à contribution pour tenter de dissimuler, sans grand courage politique, de véritables mesures d’austérité, alors que de nombreuses décisions ont déjà prises clairement en ce sens par de nombreux gouvernements dans les Etats de la « zone euro » les plus menacés par la crise des dettes publiques. La technique de l’anamorphose est manifestement toujours d’actualité, alors même que de nombreux experts de disciplines variées alertent les dirigeants politiques depuis plusieurs années. Les rapports successifs de la Cour des comptes indiquent clairement les limites des « replâtrages » budgétaires à répétition, alors que l’on croit discerner un consensus, encore vague et timide, sur la nécessité de limiter les dépenses, (encore convient-il de déterminer lesquelles…), et surtout d’assurer le financement de la dette par des recettes supplémentaire, (mais de nouveau : lesquelles ?).

1 Film franco-italien réalisé par Francesco Rosi, sorti en 1976, adapté du roman « Il Contesto »de Leonardo Sciascia, publié en

1971. Colloque « L ittérature et temps des révoltes » (I tal ie, 1967-1980), Colloque international organisé par l’ENS Lettres et sciences humaines, l’université Stendhal Grenoble 3, l’UPMF Grenoble 2 et les laboratoires Triangle UMR 5206, GERCI EA611 et CRHIPA EA 599

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Pour répondre aux dépenses, l’outil de la fiscalité qu’elle soit directe ou indirecte, ne peut évidemment pas être négligé ; la formule familière de « redistribution des cartes », par référence aux « lames » ou « arcanes » du Tarot de Marseille choisis pour symboliser la problématique, est naturellement à l’ordre du jour. Il convient donc de « réformer la fiscalité française ». Il est en effet légitime de s’interroger, à l’occasion de ce colloque dédié au Master 2 « Droit et fiscalité de l’entreprise », plus spécifiquement sur les évolutions de la fiscalité des entreprises parce qu’il semble inévitable de prévoir une modification radicale des normes fiscales, sans doute synonyme d’alourdissement pour certaines sociétés commerciales très prospères. On peut donc comprendre pourquoi il convient de réformer la fiscalité des entreprises, encore faut-il savoir comment il convient de la mettre en œuvre afin de répondre à l’interrogation triviale mais incontournable : « Qui paye quoi ? ». Comment peut-on augmenter la pression fiscale sans entraver le développement des entreprises, en assurant la rémunération des salariés et le partage des bénéfices ? Il s’agit là, sans doute, d’une nouvelle quadrature du cercle tant les risques sont grands, selon certains analystes, d’avoir à constater à moyen terme des effets pervers et contreproductifs. De toute évidence « l’alchimie » fiscale est une science d’initiés imposant beaucoup de prudence dont les techniques ont en commun d’être d’un maniement particulièrement délicat. Il n’est pas certain que la « vertu » ne connaisse pas de nouvelles « infortunes », et que de nouveau triomphent les « prospérités du vice », pour utiliser la langue du XVIIIe siècle. Au-delà de la « vertu symbolique » de l’impôt, la question de l’efficacité des prélèvements fiscaux est traditionnellement posée comme nous le rappelle la formule « trop d’impôts tue l’impôt », et toute réforme de la fiscalité des entreprises ne peut pas faire l’économie de l’exigence de « l’utile et du juste » pour reprendre la formule du Professeur Jacques Ghestin. Il convient de concilier des intérêts apparemment divergents, de taxer les revenus du travail et ceux du capital, tout en luttant contre les inégalités du traitement fiscal entre petites et grandes entreprises, de ne pas décourager les entrepreneurs et investisseurs dans l’environnement financier très concurrentiel d’une économie de marché « globalisée », de ne pas négliger le risque de délocalisation fiscale tant les régimes fiscaux sont différents au sein même de l’Union Européenne, comme en témoigne parmi beaucoup d’autres, l’exemple irlandais avec un impôt sur les sociétés limité à 5%. En outre, l’instabilité fiscale, (on notera plus de cent quarante lois en cinq ans, de multiples collectifs budgétaires, des instructions fiscales d’une très grande technicité, etc.), a été récemment présentée dans un rapport de KPMG, rendu public, comme « l’ennemie de l’entreprise » au point que l’image de la fiscalité française est fréquemment associée à celle d’un célèbre dessert transalpin : « la tranche Napolitaine »… Trois exemples récents et topiques permettent d’illustrer le propos. En premier lieu, on mentionnera l’arrêté du 1er mars 2012 (et ses six annexes) relatif aux conventions nationales et locales dites « de tiers de confiance en matière fiscale », susceptibles d’être conclues par les avocats, les notaires, les experts-comptables, (c’est-à-dire les principaux professionnels du droit et du chiffre) avec l’administration fiscale afin de faire bénéficier leurs « clients » de réduction d’impôts en qualité de contribuables. En deuxième lieu, on relèvera l’instruction du 9 mars 2012 (4A-412), complétant le décret du 30 janvier 2012, relative au statut fiscal des personnes ayant choisi le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). En troisième et dernier lieu, on signalera l’instruction du 5 mars 2013 relative à la fiscalité des groupes de sociétés précisant les aménagements nécessaires justifiés par l’arrêt « Société Papillon », n° C 418/07, rendu le 27 novembre 2008, par la Cour de justice des communautés européennes.

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Au-delà des opinions politiques de chacun, il n’est évidemment pas très rationnel d’utiliser l’arme fiscale de manière punitive, toutefois les « marqueurs politiques » tiennent un rôle essentiel en matière fiscale, dans la mesure où ils influencent de manière décisive les choix relatifs à l’assiette et aux taux des prélèvements, de la proportionnalité et de la progressivité, des seuils, exonérations, etc., comme l’indiquent les lois de finances successives et d’inévitables lois de finances rectificatives qui imposent des corrections tout aussi sévères que tardives. C’est un truisme que de rappeler que pour les entreprises la compétitivité est une condition sine qua non de leur survie, et que le maintien de l’emploi de millions de salariés dépend précisément de cette condition. Pour un entrepreneur, la fiscalité du patrimoine professionnel est évidemment une préoccupation majeure, Après l’abandon de la taxe professionnelle, la question de l’allégement des charges et de nouveau posée, tout comme celle de la taxation des bénéfices consolidés, l’éradication de nombreuses « niches » fiscales et sociales. La lutte contre la fraude et l’évasion fiscale est censée être l’objet d’une politique fiscale internationale concertée, mais il est permis de constater une « efficacité assez faible », pour respecter l’art de la litote, tant les paradis fiscaux ayant chacun leur spécialité prospèrent dans une impunité globalement sauvegardée, et tant le « dumping fiscal », parfois au sein même de l’Union Européenne est devenu un élément de communication politique et économique majeur auprès des « décideurs ». En réponse aux menaces précédemment relevées, de nouvelles taxes sont envisagées en France pour limiter les effets dévastateurs des délocalisations, mais leur efficacité reste à démontrer. De même, on envisage de manière récurrente, des mesures permettant de limiter les « excès » de l’optimisation fiscale dont bénéficie une minorité de contribuables « initiés », fort bien renseignés par des « professionnels » de la fiscalité. La multiplication de statuts fiscaux spécifiques entraîne souvent des effets d’aubaine, et la stratégie entrepreneuriale est de plus en plus fréquemment influencée par des éléments de choix imprégnés de « tactique fiscale » orientés quelquefois par les règles de la fiscalité locale. Chacun est convaincu de l’importance des dispositifs fiscaux pour les dirigeants d’entreprise. Le programme de réflexion proposé par le colloque portera donc sur des interrogations majeures auxquelles les intervenants, qui nous ont fait l’honneur de leur présence, tenteront d’apporter les réponses adéquates par leurs contributions successives.

Alain LE POMMELEC, Maître de conférences de droit privé, Université d'Auvergne

Responsable du Master 2 Droit et fiscalité de l’entreprise

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FAUT-IL SUPPRIMER LES NICHES FISCALES ET LES NICHES SOCIALES ?

Jean-Luc ALBERT,

Professeur de droit public à l'Université d'Auvergne Clermont 1 I - UNE REMISE EN CAUSE PARTIELLE

A - Une contestation juridique limitée B - Une interrogation générale

II - UNE CORRECTION INDISPENSABLE A - Les instruments d’adaptation B - Le retour de certaines politiques ciblées

Conclusion

es dépenses fiscales et sociales, autrement dénommées « niches » fiscales ou sociales, ou aides fiscales, subventions fiscales…, parfois présentées sous deux formes : les dépenses fiscales et les niches sociales, font partie du paysage financier de nombreux Etats2 et constituent en France depuis plus de trente ans l’un des instruments majeurs des politiques incitatives dans les domaines économique et social.

Depuis plusieurs années, un débat politique conduit à les remettre en cause partiellement, se traduisant en particulier en matière fiscale par un plafonnement des dépenses fiscales cumulées par contribuable. De plus, le paysage juridique de ces dispositifs est particulièrement instable et soumis à de nombreuses adaptations et corrections chaque année3. Qu’entend-on par dépenses fiscales et sociales ? Ce sont des régimes fiscaux et sociaux de faveur se traduisant par des dispositions dérogatoires au droit commun4. La loi de finances pour 1981, suite à un rapport du conseil des impôts rendu en 1979, avait établi la nécessité de rendre publique la liste de ces dépenses et défini celles-ci comme étant « toute disposition législative ou réglementaire dont la mise en œuvre entraine pour l’Etat une perte de recettes et donc pour le contribuable un allègement de sa charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

2 Cf. T. Lambert (Dir.), La fin des paradis fiscaux ?, Montchrestien, coll. Grands colloques, 2011

3 Cf. J-L Pierre, Dernières lois fiscales, Droit des sociétés, mars 2012, 5.

4 J-L Albert- L. Saïdj, Finances publiques, Dalloz, 2011, p.255.

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Cependant, comme le souligne fort justement la Cour des comptes, chaque année dans son Rapport public annuel, le problème est que depuis, « aucun document officiel ne décrit l’ensemble des principes de la fiscalité française »5. Quant au Gouvernement, il présente la dépense fiscale comme toute disposition législative ou règlementaire dérogatoire par rapport à une « norme fiscale », norme qu’il ne définit pas. S’agissant de la «niche » sociale, celle-ci est « toute mesure d’exonération, de réduction ou d’abattement d’assiette applicable aux contributions et cotisations sociales avec une perte de recettes pour la Sécurité sociale par rapport à ce qui serait résulté de l’application du taux normal de cotisations ou de contributions sociales»6. En somme, il s’agit d’une économie d’impôt ou de charge sociale7. Il en résulte sur le plan fiscal une liste établie par le ministère et annexée au projet de loi de finances dans un fascicule « Voies et moyens » et sur le plan des finances sociales, une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale8. Au titre de 2012, le Gouvernement a considéré qu’existaient 491 dispositifs (504 en 2011) dont 449 (453 en 2011) ayant un impact pour un coût total de 65,9 milliards d’euros9. Cependant, la Cour des comptes avec son instance consultative, le Conseil des Prélèvements obligatoires, se trouvent ici en désaccord avec le Gouvernement. La Cour des comptes a ainsi souligné dans son rapport public annuel que depuis 2005 certaines dépenses fiscales n’étaient plus inscrites dans ladite liste alors même que les dispositifs existeraient encore. Il en résulte une dualité de situation avec des dépenses fiscales « officielles » estimées en 2009 à 72,9 milliards d’euros et des dépenses fiscales « officieuses » chiffrées à 75 milliards d’euros. Or, pour la Cour, c’est dans ce second volet que l’on retrouve une partie essentielle des dépenses fiscales en faveur des entreprises pour un montant estimé à 59 milliards d’euros. Le Conseil des Prélèvements obligatoires10 a cherché à établir un rapport d’ensemble au niveau des entités économiques en publiant en octobre 2010 un rapport : Entreprises et niches fiscales et sociales.

5 CC, Rapport public annuel, 2012.

6 Min. du Budget, La nouvelle gouvernance des dépenses fiscales et des niches sociales ; dernière mise à jour, 23 juin 2011.

7 Cf. J. Lamarque, O. Négrin, L. Ayrault, Droit fiscal général, LexisNexis, 2

ème éd., 2011, p.39 et s. ; M. Collet, Droit fiscal, 3

ème éd.,

PUF, 2012, p.175 et s. 8 Annexe V.

9 PLF 2012, Voies et moyens, Tome II.

10 Mais avant, Conseil des impôts, La fiscalité dérogatoire. Pour un réexamen des dépenses fiscales, XXIème rapport au

Président de la République, sept. 2003.

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De la même façon, en 2011, l’Inspection générale des Finances a rendu un rapport en ce domaine : Rapport du Comité d’évaluation sur les dépenses fiscales et les niches sociales11, rapport recensant et analysant de façon parfois fort critique les dispositifs identifiés, au nombre de 450 en matière fiscale et de 69 en matière sociale. Enfin, il convient de rappeler que la loi de programmation des finances publiques 2009-2012 a fixé comme règle que ces dispositifs doivent désormais donner lieu à compensation systématique lorsque de nouvelles mesures sont adoptées et qu’une évaluation devait être réalisée tous les trois ans après leur entrée en vigueur. Les formes retenues en ce domaine sont particulièrement diverses : exonérations, abattements, crédit d’impôt, taux réduit, réduction d’assiette, allègement de charge, etc., que ce soit au profit de secteurs d’activité, de territoires précis (ex. ville, outre-mer…) ou de certaines politiques plus globales (emploi, innovation-recherche…). Le rapport rendu en octobre 2010 par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est évidemment, au vu du thème du colloque de ce jour, le plus intéressant parce que « ciblé » sur le monde économique. Le CPO a ainsi identifié 293 dépenses fiscales bénéficiant aux entreprises pour un total de 35 milliards d’euros représentant 14% des recettes fiscales nettes de l’Etat. Le CPO rajoute à cela les mesures fiscales « déclassées » qu’il estime alors à 71 milliards d’euros. Sur le plan des « niches » sociales, le CPO recense 91 dispositifs à destination des entreprises pour un coût de 66 milliards d’euros pour ce qui est des prélèvements sociaux, soit 15% des recettes de la Sécurité sociale12. Les deux types de dispositifs additionnés seraient ainsi au nombre de 384 pour 137 milliards d’euros. Cette analyse ne reflète pas exactement celle du ministère du budget. Cette abondance des dispositifs interpelle ! Elle traduit certes une série de démarches incitatives impulsées par les majorités successives, mais elle conduit aussi à s’interroger sur le niveau des prélèvements obligatoires en France. De fait, plus le niveau des prélèvements obligatoires est élevé, plus les incitations fiscales et sociales sont indispensables pour la conduite des politiques publiques. En outre, il faut ici conduire différencier deux approches bien distinctes, à savoir les dispositifs en direction des entreprises mais bénéficiant fiscalement aux particuliers (ex. en matière d’ISF) et les dispositifs bénéficiant directement aux entreprises (ex. crédit d’impôt-recherche).

11

La Documentation française, 2011. 12

« Dont 31,5 milliards d’euros sous la forme d’allègements généraux et d’exonération ciblées ». CPO, Communiqué de presse, 6 oct. 2010.

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I - UNE REMISE EN CAUSE PARTIELLE Deux facteurs peuvent conduire à leur remise en cause : leur coût budgétaire et une interrogation sur l’efficience de certaines politiques (B) ; ceci étant, ces dispositifs discutés aussi sur le plan juridique sont sans doute moins remis en cause sur ce terrain (A).

A - Une contestation juridique limitée Le débat juridique autour de ces mécanismes d’incitation financière s’est en fin de compte révélé d’une portée quelque peu limitée. Au regard du principe d’égalité, les dispositifs en question sont surtout analysés comme des instruments de « discrimination positive » fondés sur une lecture économique, politique du Gouvernement que le Conseil constitutionnel hésite à contester voire à discuter. Ainsi, s’agissant de la loi relative au statut fiscal de la Corse, le Conseil constitutionnel, en 199413, s’était retranché derrière les analyses du Législateur («il ressort des dispositions de la loi éclairée par les travaux préparatoires») pour admettre les dispositifs fiscaux spécifiques à la Corse alors fondés sur une analyse économique générale justifiée par les « particularités géographiques et économiques» de ce territoire. Plus globalement, le Conseil a admis l’existence de politiques territoriales fondées sur la « discrimination fiscale »14 en faveur, en particulier, du développement économique de territoires défavorisés : « Le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte, par l’octroi d’avantages fiscaux, des mesures d’incitation au développement et à l’aménagement de certaines parties du territoire national dans un but d’intérêt général »15. La loi TEPA, tant discutée, ne fut pas non plus censurée en ce qui concerne le régime fiscal et social des heures supplémentaires et complémentaires, le Conseil ne disposant pas «d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; … il ne lui appartient donc pas de rechercher si l’objectif que s’est assigné le législateur pouvait être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi déférée ne sont pas manifestement inappropriées à la finalité poursuivie»16 (stimuler la croissance et l’emploi). Le Conseil a même pu aller jusqu’à admettre dans cette même décision qu’une mesure de portée limitée, ne crée pas « une rupture d’égalité contraire à l’article 13 de la Déclaration de 1789 »17.

13

Cons. const. Déc. n°94-350 DC du 20 déc. 1994, Loi relative au statut fiscal de la Corse, JORF, 24 déc. 1994, p.18387. 14

J. Boudine, « Incitations fiscales et aménagement du territoire dans les départements d’outre-mer », in Aménagement du territoire et développement durable, Cujas, 2009, p.73 et s. 15

Cons. 34, Cons. const., Décision n°94-358 DC du 26 janvier 1995, Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, JORF, 1

er février 1995, p.1706 et s.

16 Cons. const., Déc. n°2007-555 DC du 16 août 2007, Loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, JORF, 22 août

2007, p.13959. 17

En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales afférentes aux heures supplémentaires.

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Les distinctions opérées par le législateur entre les contribuables doivent répondre à « des critères objectifs et rationnels au regard du but poursuivi par le législateur », sous la réserve que cette rupture ne soit pas caractérisée en ne conduisant pas à un traitement injustifié au regard de l’objectif poursuivi »18. Dès lors c’est moins sur le terrain constitutionnel que du droit économique que le risque juridique peut conduire à remettre en cause certains mécanismes de dépense fiscale et sociale. En la matière, le droit de l’union européenne et le droit de l’Organisation mondiale du commerce constituent de réels cadres juridiques encadrant les législations nationales par trop favorables et incitatives dans le contrôle des aides étatiques à l’économie. En ce sens, une dépense fiscale ou sociale est clairement qualifiable19 d’aide à l’économie et relève des règles supranationales afférentes. La politique de l’Union est depuis l’origine de prohiber les aides à l’économie20 ; depuis les années 1990 elle tend aussi à lutter contre les dispositifs facteurs de concurrence fiscale dommageable ce qui a conduit à remettre en cause certaines législations notamment françaises. L’Accord OMC sur les subventions et les Mesures compensatoires définit d’ailleurs comme subvention « une contribution financière des pouvoirs publics ou de tout organisme public du ressort territorial d’un membre dans le cas où des recettes publiques normalement exigibles sont abandonnées ou ne sont pas perçues, et de citer comme exemple les incitations fiscales telles que le crédit d’impôt »21. La règle de l’Union est en ce domaine relativement classique. Chaque fois qu’un Etat institue un dispositif d’incitation fiscale en faveur des entreprises, il se doit, d’en assurer la notification à la Commission européenne, sous réserve de certains types d’aides qui bénéficient d’un régime dérogatoire22. L’aide n’est pas nécessairement incompatible puisque le droit de l’Union admet depuis longtemps que certaines d’entre elles puissent contribuer au développement régional, notamment. La conséquence est ici en cas de déclaration d’incompatibilité d’être amené à restituer l’aide perçue, sous réserve de la carence de l’Etat en matière de notification. Ainsi, a-t-on assisté à la demande de la Commission de restitution par Alcan des aides perçues résultant d’une exonération totale des droit d’accises sur les huiles minérales23, à la condamnation de l’exonération de la taxe sur les conventions d’assurance accordée aux mutuelles24, à la remise en cause

18

Cons. 19 et 20, Cons. const., Déc. n°2007-555 DC du 16 août 2007, ibid. 19

Cf. M. Karpenschif, C. Nourissat, Les grands arrêts de la jurisprudence de l’Union européenne, PUF, Thémis, p.268 et s. 20

Art. 107 TFUE. 21

art. 1.1, ii. 22

Cf. Commission européenne, Règlement CE 800/2008 du 6 août 2008, JOUE, L.214, 9 août 2008. Aides de minimis, aides à l’innovation, aux PME, à la formation, à l’emploi, capital-investissement, … 23

Commission européenne, 7 déc. 2005, IP/05/1542. 24

Commission européenne, 13 nov. 2001, IP/01/1575.

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de l’exonération d’impôt sur les sociétés des sociétés créées pour la reprise d’une entreprise industrielle en difficulté25 mais, a contrario, la Commission européenne a approuvé le régime fiscal de réduction d’ISF pour favoriser l’investissement dans les PME26 ou encore les exonérations fiscales et sociales bénéficiant aux entreprises concernées par les zones franches urbaines27 etc. En ce sens, il n’est pas interdit de s’interroger sur le traitement fiscal particulier qui est réservé en France à certains types d’entreprises comme les coopératives.

B - Une interrogation générale La question de la réforme des dépenses fiscales et sociales est en réalité plus globalement et plus directement liée à d’autres questionnements. On peut en fait, mettre en avant, deux interrogations majeures en ce domaine : - le coût cumulé de ces dispositifs n’est-il pas excessif, en particulier dans une période marquée par une crise des finances publiques ? - ces dispositifs sont-ils réellement justifiés et ont-ils fait la preuve de leur efficacité ? Double approche * Sur le coût des dépenses fiscales et sociales, il est clair que l’énoncé des chiffres, même si l’on s’en tient aux seuls chiffres « officiels » en ce domaine et à l’approche gouvernementale, conduit à cette remise en cause qui apparait de prime abord comme étant de « bon sens » pour les caisses publiques. Le seul déficit de l’Etat pour 2012 est situé dans la loi de finances rectificative de mars 2012 à 84,8 milliards d’euros28. Or, le Gouvernement a estimé les dépenses fiscales que l’on peut présenter comme « officielles » à hauteur de 65,9 milliards d’euros, concernant en premier la mission ville et le logement (14 milliards), devant la mission Solidarité, celle relative au Travail et à l’emploi, puis l’économie, l’outre-mer et l’écologie. Si l’on adjoint à cette approche gouvernementale celle de la Cour des comptes, il est clair que, du moins en apparence, il existe de véritables marges de manœuvre financière en ce domaine pour réduire les déficits publics. * Sur le second point, c’est en effet la question de l’efficacité même et donc de l’évaluation des différents dispositifs en vigueur qui peut être à même d’amener à une sensible évolution de cette dépense. Ici, tant les approches LOLF que RGPP peuvent y contribuer. De plus de nombreux travaux nationaux ont conduit à des rapports et analyses particulièrement complets en ce domaine.

25

Commission européenne, 16 déc. 2003, Inst. DGI, 4 H-2-04, BOI, n°43 du 4 mars 2004. 26

Commission européenne, 12 mars 2008, IP/08/434. 27

Commission européenne, 30 avr. 2003, IP/03/605. 28

Loi de finances rectificative pour 2012, Loi du 14 mars 2012, n°2012-354, JORF, 15 mars 2012, p.4690 et s.

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En l’espèce comment ne pas citer l’importante étude réalisée par l’Inspection générale des finances en 2011 au travers du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales29. Or, ce rapport est en lui-même révélateur des difficultés d’une telle approche. Sur le plan méthodologique, ledit Comité a clairement établi les lacunes inhérentes à ce type d’évaluation, lacunes tenant tout à la fois à la difficulté de bâtir des indicateurs, d’analyser des résultats, d’obtenir des informations pertinentes sur les dispositifs en question de la part des différentes administrations concernées. De fait, celui-ci notait que sur 473 dépenses fiscales relevant du champ d’étude 81 dispositifs étaient « non chiffrés », 190 se situaient à un niveau financier inférieur à 10 millions d’euros. Reposant d’abord, en matière fiscale sur des mécanismes d’exonération et de réduction de taux et en matière sociale sur des exonérations « ciblées et des exemptions d’assiette, nombre de ces dispositifs obtinrent dans l’évaluation un score de 0 démontrant leur grande inefficacité30. Si l’on dépasse ce stade, le rapport fait apparaitre aussi l’extrême diversité des situations et la possibilité de dégager des marges de manœuvre financière en remettant en cause les régimes de certains dispositifs. Mesurant les différents dispositifs identifiés et en les regroupant par mission, le Comité a fait apparaitre que certaines politiques qui ont une incidence sur le monde économique se révèlent peu efficaces voire n’ont aucune efficacité en termes de dépenses fiscales et sociales : la politique des territoires est au premier rang d’entre elles.

II - UNE CORRECTION INDISPENSABLE Sous réserve que le concept de dépenses fiscales et sociales donne lieu à une interprétation unique entre les différents acteurs concernés en ce domaine, plusieurs démarches ont été mises en œuvre ou sont envisageables pour réforme les dispositifs en vigueur. En premier lieu, il convient d’identifier les mécanismes permettant de « corriger » les excès de ces dépenses (A), tout en notant que l’impossibilité de remplacer la dépense fiscale et sociale par la dépense budgétaire pose la question du recentrage de ce type d’instrument sur quelques politiques économiques dument ciblées (B).

A - Les instruments d’adaptation D’ores et déjà plusieurs dispositifs ont été mis en œuvre afin de contenir le « dynamisme » des dépenses fiscales et sociales.

29

Juin 2011. 30

Rapport, op. cit., pp.51 et s.

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* Le premier processus repose sur un non choix de politique publique qui passe par un plafonnement des dépenses fiscales par contribuable, en particulier au regard de l’impôt sur le revenu et une tendance à la réduction de ce plafond. Cette réduction a été régulière ces dernières années. Qualifiée par le Gouvernement de réduction « homothétique » : « qui présente l’homothétie ; propriété de deux figures géométriques dont tous les points se correspondent deux à deux sur des droites passant par un point fixe appelé centre d’homothétie, et de façon que le rapport des distances du point fixe à deux points correspondants (points homologues) soit constant », (Quillet-Flammarion), ou encore de coup de « rabot », cette première solution permet d’éviter la question de la sélectivité des politiques bénéficiaires de la dépense fiscale et sociale. Ainsi au regard de l’IR et donc des particuliers, dans une approche globale qui dépasse la seule dépense fiscale en direction des entreprises, le Législateur n’a eu de cesse de réduire le volume des avantages fiscaux cumulés : - LF 2009 : 25 000 euros et 10% du revenu net imposable par an. - LF 2010 : 20 000 euros et 8% du revenu net imposable par an. - LF 2012 : 18 000 euros et 4% du revenu net imposable par an. Ceci étant, il ne s’agit que d’une approche parcellaire puisque ce « rabot » n’est habituellement pas global car le législateur ne l’applique pas à toutes les dépenses fiscales. En somme, le « rabot » fiscal a lui-même sa dépense fiscale dérogatoire. * La deuxième solution, fruit de la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques 2009 – 201231 aurait pu consister en une politique de rationalisation de la création de la dépense fiscale et sociale. Il s’agirait de l’introduction d’un mécanisme rappelant l’article 40 de la constitution. Certains ont pu croire que ce mécanisme existait. En effet, l’article 11 de la loi précitée organisait un quasi principe de compensation, les créations ou extensions de dépenses fiscales, tout comme les mesures de réduction, d’exonération, d’abattements d’assiette s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale devaient donner lieu à compensation par des suppressions ou diminutions de mesures relevant de ces mêmes domaines pour un montant équivalent. En outre, l’article 12 de ce texte prévoyait des sujétions en matière d'évaluation des effets et de bilan des dispositifs concernés. La loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour 2011-201432 a abrogé, pour l’essentiel, la loi de 2009 et a imposé à la fois une stabilisation en volume de ces dispositifs à périmètre constant. Pour autant, on cherche dans ce nouveau texte, sauf erreur de lecture, le rappel d’un principe de compensation.

31

Loi n°2009-135 32

Loi n°2010-1645

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Or, ce principe n’a en lui-même aucune autorité juridique et c’est sans surprise que l’on a noté que différents dispositifs fiscaux et sociaux furent créés depuis sans pour autant que leur création ait automatiquement donné lieu à compensation financière par la suppression de certains dispositifs existants. Cette situation n’est pas sans rappeler les faiblesses inhérentes à l’article L.131-7 du Code de la sécurité sociale, fruit de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, qui impose (mais avec des exceptions pour certains dispositifs) que toute mesure d’exonération totale ou partielle de cotisation de sécurité sociale fasse l’objet d’une compensation intégrale. Or, nombre de « niches » sociales créées depuis n’ont pas donné lieu à compensation, avec l’assentiment, le cas échéant, du Conseil constitutionnel, comme en 2004 à propos des contrats d’avenir33. Ce qu’une simple loi a fait, une autre loi peut le défaire. En tout état de cause, la démarche initiée par la loi de programme des finances publiques pour 2009-2012 devrait bénéficier d’une dimension juridique affirmée par rapport à la norme législative ordinaire. En ce sens, la réforme constitutionnelle votée par les deux assemblées mais non soumise au Congrès garde toute son actualité. * La troisième possibilité repose sur une démarche sélective de réduction, par dépense fiscale ou sociale, avec une remise en cause progressive des dispositifs les moins efficaces, démarche qui a déjà été engagée. Les études à présent diversifiées réalisées par la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances, l’INSEE, la DARES etc. permettent, en dépit de la difficulté persistante du recueil d’une information complète sur ces dispositifs, de se faire une idée des mécanismes les plus efficients, les plus pertinents, dans un contexte de crise financière et donc inévitablement de resserrement de la dépense fiscale tout comme de la dépense budgétaire. Ainsi, l’INSEE a-t-il montré récemment, les différences d’impact sur les entreprises des politiques territoriales concernant les zones franches urbaines mises en place depuis 199734. Selon l’INSEE, la première génération de ZFU a eu un impact positif sur les implantations d’entreprises dans les quartiers dits « sensibles » tant en termes d’implantation que de créations d’emploi. Pour autant, les disparitions d’entreprises se sont ensuite accélérées, les dernières générations de ZFU conduisant plus à des transferts d’établissements ; or, plus globalement cette politique n’aurait eu qu’un effet très limité sur les chômeurs de ces quartiers. S’agissant de dispositifs intéressant l’outre-mer la Cour des comptes a été particulièrement critique sur les dispositifs mis en œuvre. Elle avait ainsi dénoncé les coûts « disproportionnés » de certains d’entre eux (comme la loi Girardin de 2003), comme par exemple en Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, au

33

Cons. const., Décision n°2004-508 DC du 16 déc. 2004 Loi de financement de la sécurité sociale, JORF, 21 déc. 2004, p. 21663. 34

P. Givord, C. Trevien, Les zones franches urbaines : quel effet sur l’activité économique ?, Insee Analyses, n°4 mars 2012 ; J. Chauveau, F. Niedercorn, L’Insee doute de l’efficacité des zones franches urbaines en matière de création d’emplois, Les Echos, 9-10 mars 2012, p.5.

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travers notamment de la minoration du résultat des entreprises imposable à l’IS35. Quant au crédit d’impôt recherche, la Cour n’a pu que noter que la réforme majeure de ce dispositif consistant à ne plus prendre en compte l’augmentation de la dépense et donc le surcroit d’effort fait par l’entreprise en ce domaine mais un volume des dépenses (passé d’ailleurs de 5% à 10% en 2006) avait eu un impact important avec « une forte augmentation de la créance liée au crédit d’impôt » sans que l’on puisse en mesurer complètement les effets. Or, à nouveau réformé en 2008, ce mécanisme a encore un peu plus accentué le coût de la « créance fiscale », même si la Cour, s’appuyant sur différents travaux ministériels a pu souligner l’effet dit de « levier » de ce dispositif sur les dépenses de recherche et développement des entreprises »36.

B - Le retour de certaines politiques ciblées Les régimes des dépenses fiscales et sociales en France, multiples, variés, divers, invitent à une simplification du paysage fiscal et à un recentrage sur quelques axes prioritaires. Il convient ici de donner une lisibilité politique à ces dispositifs en particulier en direction du monde économique. Oserait-on rappeler ici ce que Joseph Caillaux énonçait déjà en 1904 : « … quand on se contente d’envisager notre système d’impôts tel qu’il se comporte actuellement, l’impression qui se dégage de la première étude qu’on en fait, c’est qu’il ne porte l’empreinte ni d’une grande idée, ni d’une grande personnalité…. La confusion des règlements, la complication des taxes, tout fortifie cette idée que nos contributions, … sont juxtaposées les unes aux autres, qu’elles ne composent pas un système à proprement parler, que notre fiscalité est de pièces et de morceaux. … la France a toujours, en tout temps, supporté de très lourdes charges. Voici que nous touchons à la cause principale, essentielle, de notre système d’impôts : l’excès des dépenses »37. L’impact économique et social de ces dispositifs a été mesuré par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales et l’ensemble permet, sur le plan économique de mieux appréhender les orientations les plus efficaces. La démarche ainsi perceptible est triple : - mettre fin aux dispositifs, nombreux, d’une efficience limitée, - mettre fin aux dispositifs comportant des effets d’aubaine, - recentrer ces dispositifs sur les politiques publiques les plus importantes. De fait, la simple lecture du Code général des impôts est révélatrice de la multiplication des dispositifs institués sans grande cohérence. Ainsi, le déroulé des articles 244 quater et s. en matière de crédit d’impôt qui pour une majorité concernent les entreprises traduit la surabondance ses préoccupations politiques et sectorielles.

35

Cour des comptes, Rapport public 2010, février 2010, p.495 et s. 36

Cour des comptes, Le crédit d’impôt recherche, 2008. 37

J. Caillaux, Notre système d’impôts, p.88 et s., 1904, Paris, éd. A. Chevalier-Marescq et Cie.

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Près d’une vingtaine de mécanismes de crédit d’impôt ont ainsi été institués, du plus connu, le crédit d’impôt pour dépenses de recherche effectuées par les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles, au crédit d’impôt pour emploi de salariés réservistes à celui en faveur des métiers d’art ou encore en faveur des maîtres restaurateurs ou même des débitants de tabac. Les effets dits d’aubaine ne sont pas rares dans le cadre de cette surabondance de dispositifs. Les analyses opérées en ce domaine ont conduit l’Inspection générale des Finances, notamment, à finalement conclure à trois orientations : - la suppression des dépenses fiscales centrées sur la consommation de biens importés, - le maintien du crédit d’impôt recherche, - le maintien des dispositions d’exonération de charges sociales sur les bas salaires, en dépit d’une conséquence induite constatée par beaucoup, à savoir un effet d’écrasement des salaires pour bénéficier de ce dispositif.

En conclusion, si le coût élevé pour les caisses publiques de ces dispositifs incitatifs ne peut que

conduire à une remise en cause partielle de ceux-ci, leur disparition complète ne serait sans doute pas non plus une option à retenir, sauf en même temps à revoir de façon complète les niveaux des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises en France, avec une baisse générale de ceux-ci. Au vu des débats fiscaux qui marquent l’actuelle campagne des élections présidentielles mais aussi des intérêts économiques en jeu, voire de l’appétence des groupes d’intérêt pour ces dispositifs, c’est une orientation qui parait ne pas être retenue, au grand regret de ceux qui, de façon plus distanciée, analysent la situation des entreprises françaises dans la compétition économique européenne et internationale.

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FRAUDE, EVASION ET POLITIQUE FISCALE INTERNATIONALES

Lukasz STANKIEWICZ, Maître de conférences de droit public à Université Jean Moulin Lyon 3

Centre d’Etudes et de Recherches Financières et Fiscales (CERFF) I - REPENSER NOS STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L’EVASION FISCALES INTERNATIONALES ?

A - Une frontière floue entre les notions de fraude et d’évasion fiscales internationales B - Un activisme normatif récent dont l’efficacité reste à démontrer

II - REPENSER NOTRE POLITIQUE FISCALE INTERNATIONALE ? A - Repenser la territorialité de l’imposition des bénéfices ? B - Repenser les prix de transfert ?

éformer la fiscalité des entreprises : pourquoi et comment ? ». L’intitulé du colloque impose une direction : une réforme fiscale est nécessaire, il reste à en fixer les modalités. Mais, il faut encore s’accorder sur la consistance de la notion de réforme fiscale car on ressent intuitivement que toutes les modifications des règles fiscales n’ont pas la même portée. Or, ces modifications sont déjà pléthoriques et récurrentes. Selon le rapport publié en 2008

« Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche » auquel Olivier Fouquet a attaché son nom, de 1990 à 2008, le nombre d’articles des CGI et LPF modifiés chaque année a oscillé entre 458 et 1.528, avec, en pourcentage, une moyenne annuelle de 20%. Dans la même veine, dans son rapport annuel de 2010, la Commission supérieure de codification estime que la réfection du CGI et du LPF est devenue indispensable ne serait-ce que pour respecter l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la norme fiscale, conformément à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel (Cons. const., 2005-530 DC, 29 déc. 2005). Comme la révolution mexicaine, une certaine réforme fiscale permanente est institutionnalisée, de sorte que la réforme fiscale la plus radicale consisterait sans doute à ériger - enfin - la stabilité de la norme en objectif de l’ordonnancement fiscal. La vraie question est donc celle-ci : la fiscalité des entreprises a-t-elle besoin de réformes systémiques ? On a connu au cours du quinquennat 2007-2012 au moins une vraie réforme systémique : le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale. Une fusion de l’IR avec la CSG serait également une vraie réforme systémique tout comme le basculement du financement de la protection sociale sur la TVA. Faut-il réformer en profondeur notre fiscalité internationale des entreprises ? Cette contribution tentera, de manière essentiellement prospective, d’apporter modestement quelques éléments au débat.

« R

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Les orientations en matière de politique fiscale internationale sont souvent aiguillonnées par les préoccupations tirées des fraudes et abus, présumés ou avérés, constatés ou redoutés par les pouvoirs publics. Nous ferons donc un détour par la fraude et l’évasion fiscales internationales (I) avant d’aborder le thème, plus systémique, de la nécessité (ou non) de refondation de notre politique fiscale internationale (II).

I - REPENSER NOS STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L’EVASION FISCALES INTERNATIONALES ? Le thème de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, attractif à toute époque, est devenu brûlant aujourd’hui en ce moment de tension extrême dans laquelle se trouvent les finances publiques des Etats développés. L’enjeu n’est pas simplement budgétaire, il est tout aussi moral et politique : à l’heure où l’on demande ou l’on demandera très bientôt des sacrifices majeures à des classes moyennes contribuant honorablement à la couverture des charges publiques, le fait que d’astucieux « passagers clandestins » puissent y échapper est devenue moralement et politiquement insupportable. Dans ces conditions, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales a été, selon les déclarations récentes de la Ministre du budget, Mme Valérie Pécresse, une priorité du gouvernement depuis 2007. Sans partager entièrement l’optimisme consistant à dire que la France commence à gagner ce combat, il convient de constater, avec honnête intellectuelle, que la période récente a été très riche en réformes dans ce domaine. Depuis 2007, 60 mesures nouvelles ont été prises pour lutter contre les fraudes dans le domaine fiscal, social et douanier dont près de la moitié dans le domaine fiscal. Avant d’aller plus loin, il convient cependant de revenir quelques instants sur les notions, floues, de fraude et d’évasion fiscales.

A - Une frontière floue entre les notions de fraude et d’évasion fiscales internationales Le plus souvent, l’évasion fiscale est présentée comme une violation indirecte non pas tant de la lettre mais de l’esprit du droit fiscal. Dans cette acception, l’évasion fiscale se rapproche de l’abus de droit par la fraude à la loi : le but de l’opération est contraire à l’esprit de la loi fiscale mais le moyen utilisé est légal. Au contraire de l’évasion fiscale, la fraude fiscale est le plus souvent présentée comme une violation directe de la lettre de la règle fiscale. Dans cette acception, le comportement d’un contribuable résident de France qui encaisse des intérêts sur un compte tenu par un établissement bancaire du Liechtenstein tout en omettant de les inclure parmi ses revenus de capitaux mobiliers en France constitue une fraude fiscale et non pas une évasion fiscale : le contribuable enfreint directement une règle claire du droit fiscal ; il ne crée aucune apparence de légalité. Il n’y a aucun obstacle normatif à l’imposition, le problème réside dans la preuve. Là, ou l’évasion fiscale est subtile, détournée, la fraude est directe et brutale.

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La répression de la fraude fiscale est essentiellement un problème de preuve. Pour savoir si le contribuable a pu disposer d’un compte au Liechtenstein, il est nécessaire de renforcer les moyens de contrôle et d’investigation de l’administration. La répression de l’évasion fiscale est plus complexe, c’est pour cela que l’évasion fiscale attire davantage l’attention de la doctrine universitaire, car lutter contre l’évasion fiscale implique de déjouer une apparence de légalité créée par le contribuable ce qui nécessite une souvent une réponse législative sous la forme d’une mesure anti-abus. Cela dit, les problèmes de preuve restent au cœur de l’application de ces mêmes mesures. Apparemment simple sur le plan conceptuel, la distinction entre l’évasion et la fraude fiscales est malaisée en droit positif français. Il n’est pas possible de tracer une frontière nette entre ces deux conceptions idéales. Par exemple, le délit de fraude fiscale incrimine toute soustraction frauduleuse à l’impôt, ce qui est suffisamment large pour englober aussi les opérations constituant un abus de droit au sens de l’article L. 64 du LPF. Incontestablement, la France dispose depuis longtemps de mesures législatives anti-évasion sophistiquées dans le domaine international : dispositif de lutte contre la sous-capitalisation (CGI, art. 212), les sociétés écrans (CGI, art. 209 B), les prix de transfert (CGI, art. 57), pour n’en citer que quelques-uns ; l’article L. 64 du LPF rénové. Dans ces conditions, l’effort normatif de ces dernières années semble s’être davantage porté sur les questions de preuve, sur le renforcement de l’efficacité du contrôle fiscal, permettant une application effective des dispositifs anti-évasion et de lutter contre la fraude fiscale.

B - Un activisme normatif récent dont l’efficacité reste à démontrer Parmi les dispositifs récemment adoptés, on signalera notamment : le durcissement des sanctions pénales au titre du délit de fraude fiscale ; le renforcement du droit de communication auprès des établissements de crédit établis en France permettant d’obtenir des informations sur les opérations de transferts de fonds réalisés avec l’étranger (L. 96A du LPF et L. 152-3 du CMF) ; la création d’un fichier EVAFISC offrant à l’administration une base d’information laissant présumer la détention des comptes à l’étranger ; la mise en place de la Brigade Nationale de Répression de la Délinquance Financière (BNRDF), dite « police fiscale », ayant les prérogatives de police judiciaire, permettant notamment un recours aux écoutes téléphoniques ; le renforcement des obligations documentaires des grandes entreprises dans le domaine des prix de transfert ; la signature de 36 conventions d’échange d’assistance administrative avec les « paradis fiscaux ». Plusieurs de ces dispositifs visent précisément l’évasion et la fraude fiscales internationales lorsqu’elle implique les paradis fiscaux. Cela dit, l’offensive fiscale française, ensemble avec celle du G20 et de l’OCDE, vise non pas tant les paradis fiscaux mais la fraude au moyen des paradis fiscaux. Il n’est pas exigé des paradis fiscaux d’augmenter leur pression fiscale mais d’échanger les renseignements pour permettre à l’Etat de la résidence on-shore de débusquer les fraudeurs. Cependant, l’une des raisons d’être des paradis fiscaux est justement leur opacité… Pour exercer une pression sur les paradis fiscaux l’article 22 de la loi de finances rectificative pour 2009 a introduit la notion d’Etat et territoire non coopératif (ETNC). Il s’agit, en substance, d’une juridiction fiscale n’appartenant pas à l’Union Européenne, ayant fait l’objet d’un examen par l’OCDE, n’ayant pas

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conclu avec la France de convention d’assistance administrative permettant l’échange de tous les renseignements nécessaires à l’application de la législation fiscale française, n’ayant pas signé une telle convention avec au moins 12 Etats. Si la liste reste courte, la France se réserve le droit de la mettre à jour en fonction de la qualité de l’échange de renseignements avec les Etats signataires des conventions d’assistance administrative. A ce jour, il semblerait que le taux de réponse des administrations fiscales concernées ne soit que de 30% et surtout que la qualité de l’information transmise laisse à désirer (Dr. fisc. 2012, n°5, act. 70). Dès lors, dans l’absolu, le reproche principal qui peut être adressé à la liste des ETNC est qu’elle est certainement trop courte, mais on croit comprendre que, en ce moment, il s’agit d’offrir une carotte avant, si besoin, d’agiter le bâton. La qualification ETNC entraîne un régime fortement pénalisant visant à dissuader les résidents français de nouer ou de maintenir des relations économiques avec ces territoires : une retenue à la source à 50%, encadrement de la déductibilité en France des paiements effectués à destination des ETNC, exclusion de dividendes payés par les sociétés situés dans les ETNC du bénéfice du régime de sociétés mères et filiales en France, extension à 10 ans du délai de reprise en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés en cas de non déclaration des comptes ou du non-respect des obligations déclaratives des régimes de l’article 209B et 123 bis… En conclusion, il semblerait que le législateur a déjà doté l’administration fiscale des outils pertinents bien que toujours perfectibles. La vraie question est sans doute davantage celle des moyens matériels de l’action. Si la création d’une « police fiscale » doit être saluée, sa sous-dotation en agents (21 en tout) paraît caractérisée. On nous signale également une baisse du nombre de procédures d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) (de 20% environ). Pour le futur, le renforcement de l’efficacité de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales ne semble donc pas devoir passer par une grande réforme des textes mais par davantage des moyens matériels d’action ainsi que par un meilleur pilotage du contrôle fiscal. Ainsi, il est nécessaire de prendre en compte les impératifs d’efficacité des contrôles fiscaux dans le cadre du processus législatif, pas uniquement lorsque les lois fiscales sont en cause, pour ne pas ouvrir des brèches susceptibles d’être exploitées à des fins frauduleuses. Par exemple, les études d’impact, enjoignant au législateur de réfléchir à l’impact financier de la loi, offrent désormais un tel outil. Une telle réflexion en amont a sans doute fait défaut dans le dossier de la fraude à la TVA sur le marché du quota de carbone ayant provoqué des pertes budgétaires de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en quelques mois entre l’été 2008 et mai 2009. Le dernier rapport public de la Cour des comptes a cruellement épinglé les manquements commis par différents acteurs institutionnels dans la gestion de ce dossier en insistant pour le futur sur la nécessité de « réduire les risques d’inadaptation du système fiscal à la spécificité de nouveaux marchés complexes, en intégrant dans la préparation des textes les contraintes du contrôle fiscal et les connaissances des spécialistes de ces marchés » (Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, t. I, p. 176).

II - REPENSER NOTRE POLITIQUE FISCALE INTERNATIONALE ? Les grandes orientations sur lesquelles se fonde le droit fiscal international français sont relativement stables. Pour n’en énumérer que les principales : le principe de territorialité de l’imposition des bénéfices des entreprises soumises à l’IS, fidélité au modèle de l’OCDE dans la conclusion des

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conventions fiscales, l’application des principes en matière des prix de transfert inspirés par les travaux de cette même organisation. Dans ce contexte, l’irruption récente des diverses propositions, d’un poids inégal, tendant à remettre en cause ces orientations suscitent nécessairement une réflexion. Ces propositions nous paraissent s’articuler en deux axes : vers une remise en cause du principe de territorialité d’imposition des bénéfices, d’une part, des principes établis en matière de prix de transfert, d’autre part.

A - Repenser la territorialité de l’imposition des bénéfices ? La campagne présidentielle de 2012 nous offre deux initiatives affectant la structure profonde, sinon les valeurs, du système fiscal international français. En premier lieu, la proposition du Président-candidat d’imposer les entreprises « du CAC 40 » sur leur bénéfice mondial. En deuxième lieu, celle de son challenger socialiste visant à lier l’assujettissement à l’impôt sur le revenu et la fortune à la nationalité. Nous ne traiterons pas ici du second aspect ne relevant pas directement de la fiscalité des entreprises. On observera simplement que parmi les grandes économies, seuls les Etats-Unis assujettissent leurs ressortissants non-résidents à une imposition mondiale. Cependant, les conventions fiscales conclues par les Etats-Unis leur réservent expressément une telle compétence ce qui n’est pas le cas des conventions fiscales suivant le modèle de l’OCDE. La France devrait donc renégocier, à tout le moins, les conventions fiscales avec les Etats les plus prisés par les « exilés fiscaux », ce qui ne serait ni facile ni rapide. Pour sa part, la proposition d’imposer le bénéfice mondial des sociétés « du CAC 40 » s’appuie sur le constat d’un rapport récent fortement médiatisé selon lequel le taux effectif d’imposition des bénéfices des entreprises « du CAC 40 » est moindre que celui des PME, et ce en toute légalité. Fort de ce constat, le Président-candidat a proposé la création d'un impôt minimum pour une centaine de grandes entreprises ayant leur siège en France et une capitalisation d'au moins un milliard d'euros, d'abord sur le chiffre d'affaires mondial, puis, après signature de conventions fiscales, sur le bénéfice mondial consolidé. Objectif affiché étant de lever deux à trois milliards d'euros de recettes supplémentaires par an (Les Echos, 8 mars 2012, p. 2). Il s’agirait d’une rupture caractérisée avec le principe de territorialité qui fonde, au contraire de certains Etats étrangers, l’impôt sur les sociétés français. D’ailleurs, la proposition dépasserait le cadre de la mondialité classique observée en droit comparé. Pour rappel, la mondialité signifie qu’une société ayant son siège dans un Etat, est assujettie dans cet Etat à l’impôt sur les bénéfices réalisés dans cet Etat mais aussi à l’étranger. Dans les droits internes étrangers (Etats-Unis, Allemagne…), la mondialité ne s’applique qu’aux implantations directes, c’est-à-dire à travers les succursales et non pas les filiales. Les Etats dont le droit interne est fondé sur le principe de mondialité se dédoublent cependant en deux catégories, selon leur politique conventionnelle.

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Certains Etats, comme l’Allemagne (et la France), pratiquent la méthode d’exemption pour éviter les doubles impositions des bénéfices d’entreprises. En principe, l’Allemagne exempte donc les bénéfices de ses entreprises tirés des sources situées dans les Etats conventionnés où elles disposent d’un établissement stable. En substance, l’IS allemand suit le principe de mondialité en droit interne mais bascule vers la territorialité en droit conventionnel. La seule différence avec la France est que nous sommes territorialistes déjà en droit interne. D’autres Etats, comme les Etats-Unis, pratiquent - sur le plan conventionnel - la méthode d’imputation (c’est-à-dire du crédit pour impôt étranger) pour éviter les doubles impositions des bénéfices des entreprises. Ils imposent les bénéfices de source étrangère tout en permettant de créditer l’impôt payé à l’étranger contre l’impôt américain. C’est une politique résolument mondialiste fondé sur le principe de neutralité à l’exportation des capitaux ; elle revient à neutraliser tout gain fiscal tiré d’un taux effectif d’imposition inférieur à l’étranger. Dès lors, l’investisseur américain n’a pas d’intérêt fiscal à préférer une implantation directe en dehors des Etats-Unis. Cela dit, même aux Etats-Unis, il est simple d’échapper à la mondialité : il suffit de s’implanter à l’étranger sous la forme de filiale. En effet, les bénéfices réalisés dans implantation indirectes, les filiales, échappent à l’impôt tant qu’ils ne sont pas distribués à la société mère. La seule exception tient à l’existence des dispositifs de répression des sociétés écran situées dans les pays à fiscalité privilégiée (comme le Subpart F du Code américain, l’article 209 B français). Lorsque les bénéfices des filiales sont effectivement distribués, on reconnait encore les juridictions fiscales mondialistes et territorialistes. Les Etats-Unis sont résolument mondialistes, aucun régime mère-fille n’existe aux Etats-Unis pour les distributions en provenance des filiales étrangères. Les dividendes sont intégralement taxables mais la société bénéficiaire peut créditer contre l’impôt américain les impôts, payés à l’étranger par la filiale, sur les bénéfices ayant permis la distribution du dividende (indirect tax credit). En revanche, nous sommes, comme les Allemands ou Néerlandais, résolument territorialistes : le régime de sociétés mères et filiales (quasi-exonération) s’applique autant aux dividendes reçus de sociétés françaises qu’à ceux reçus d’une filiale étrangère à condition qu’elle ne soit pas établie dans un Etat ou territoire non coopératif. Une imposition obligatoire sur le bénéfice mondial consolidé des filiales à 50% serait donc une révolution du point de vue des orientations traditionnelles de la politique fiscale internationale française. Un tel revirement peut paraître paradoxal quelques mois après la suppression du régime de l’article 209 quinquies, c’est-à-dire précisément du régime du bénéfice mondial. Mais, il s’agissait d’un régime facultatif sur agrément, favorable aux grands groupes qui sollicitaient son bénéfice lorsqu’ils y avaient intérêt (en présence d’implantations étrangères déficitaires, pour remonter la perte en France). Avant de s’interroger sur son opportunité, les interrogations juridiques quant à la conformité d’une telle imposition avec les conventions fiscales internationales le droit de l’Union Européenne sont nombreuses. Une imposition non facultative sur le bénéfice mondial consolidé reviendrait à imposer en France les bénéfices non distribués d’une société étrangère, solution écartée par l’arrêt d’assemblée Schneider Electric comme non conforme avec les conventions fiscales internationales, s’agissant de l’article 209 B du CGI, dans sa version alors en vigueur. Le projet du Président-candidat anticipe sur l’inconventionalité

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puisqu’il prévoit, pendant la renégociation des conventions que l’imposition prendrait la forme d’une taxe sur le chiffre d’affaires. La technique aussi peu sophistiquée que celle d’imposer le chiffre d’affaires brut peut dérouter mais ce sont parfois les solutions simples, voire primitives, qui résistent le mieux à l’épreuve des conventions fiscales et du droit de l’UE. Si la proposition reste vague quant aux modalités, on pourrait tenter, à chaud, quelques observations rapides lesquelles sembleraient indiquer, en première analyse, une certaine résistance du dispositif proposé aux normes supérieures. Le risque d’inconventionalité pourrait être écarté radicalement dans la mesure où les taxes sur le chiffre d’affaires ne sont pas visées par les conventions fiscales internationales de double imposition qui ne s’appliquent, en principe, qu’aux impôts sur le revenu et la fortune. Une telle taxe pourrait-elle s’appliquer à l’intérieur de l’UE ? Les directives TVA posent l'interdiction pour les États membres d'introduire ou de maintenir dans leurs systèmes fiscaux les impositions qui ont le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires. Mais, il s’agit de taxe sur le chiffre d’affaires « au sens de la directive ». Or, dans sa décision du 3 octobre 2006, Banca popolare di Cremona (C-475/03), relative à lRAP italien, proche cousin aîné de notre cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la CJCE a défini la notion de taxes sur le chiffre d’affaires interdites de manière fort restrictive. L'arrêt rappelle que les taxes nationales ne seront considérées comme contraires à la directive TVA que si elles « présentent les caractéristiques essentielles de la TVA même si [elles] ne sont pas en tous points identiques à celles-ci ». Or, une imposition annuelle et globale du chiffre d’affaires brut est aux antipodes de la logique de la TVA à la fois transactionnelle et fondée sur la détaxation des opérations intermédiaires. Enfin, à supposer que les filiales françaises des sociétés « du CAC40 » soient également visées par l’imposition du chiffre d’affaires consolidé au même titre que les autres filiales européennes, le dispositif pourrait, en première analyse, ne pas constituer une restriction à l’exercice de la liberté d’établissement. Mais, faut-il remettre en cause le principe de territorialité ? La mondialité peut paraître, de prime abord, attirante dans une certaine logique protectionniste car la société résidente n’ayant pas d’intérêt fiscal à s’établir à l’étranger, la décision d’investir repose pleinement sur les considérations autres que fiscales. Mais dans l’Etat de l’implantation, cette société est moins compétitive - par rapport à une entreprise locale ou celle d’une juridiction fiscale territorialiste - car elle supporte non seulement le poids de la fiscalité de cet Etat mais encore celui de l’Etat de la résidence. Aux Etats-Unis, où le taux marginal de l’impôt fédéral sur les sociétés est de 35%, les grands groupes militent de longue date pour un abandon du principe de mondialité et, en attendant, retiennent les bénéfices dans les filiales étrangères, car faute d’un régime de sociétés mères et filiales, leur rapatriement serait taxable au taux ordinaire de la corporation tax. La territorialité de l’impôt sur les sociétés est un principe plein de bon sens : l’impôt est payé dans l’Etat dans lequel le bénéfice a été réalisé, grâce aux conditions (services publics, qualité de la réglementation, du marché du travail…) par lui créées. Ainsi, la filiale turque d’une société française supportera à titre

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définitif l’impôt turc de la même manière que les bénéfices de source française de la société mère française seront taxés en France. Encore faudrait-il que l’assiette légitimement taxée en France ne soit pas érodée par différents paiements intragroupe semblant parfois tout aussi artificiels que difficiles à remettre en cause grâce aux méthodes traditionnelles de détermination des prix de transfert (comme en matière de redevances de concession de marque dont le montant est fonction du chiffre d’affaire du concessionnaire alors que le concédant se trouve systématiquement dans un autre Etat de l’UE à pression fiscale nettement inférieure). Tout en encourageant certaines pratiques d’optimisation agressive de la part des multinationales, la part d’indétermination inhérente à la notion de prix de transfert nuit aussi à la sécurité juridique en exposant les groupes au risque permanent de remise en cause des opérations intragroupe. Dès lors, pourrait-on changer de paradigme en matière de prix de transfert ?

B - Repenser les prix de transfert ? Et si la solution était européenne ? Le 16 mars 2011, La Commission Européenne a présenté une proposition de directive sur l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés (ACCIS). Ce projet est fondé sur un certain nombre des soubassements radicalement opposés aux principes traditionnels de fiscalité internationale. La proposition de la directive s’appuie sur la nécessité de simplifier les règles d’imposition des groupes des sociétés au sein de l’Union dans le but d’abolir de nombreux obstacles au bon fonctionnement du marché unique toujours non levés à savoir, notamment, l’absence de compensation transfrontalière des pertes, la permanence de certaines retenues à la source, les différences entre Etats membres dans l’application des prix de transfert, les charges induites par l’obligation de préparer les comptes et déclaration fiscales dans chaque Etat membre d’implantation conformément des réglementations locales dissemblables… En substance, il est prévu de permettre aux groupes de calculer un seul résultat, selon les règles communes fixées par la directive et après neutralisation des transactions intragroupe, pour l’ensemble des établissements localisés dans un Etat membre de l’UE et filiales établies dans l’UE et détenues directement ou indirectement à hauteur de 50% des droits de vote et de 75% du capital ou des droits sur le bénéfice. Ce résultat serait ensuite réparti entre les différentes entités du groupe pour être imposé dans chaque Etat membre au taux local de l’IS. C’est la clé de cette répartition qui bouleverse les principes établis de fiscalité internationale. Elle ignore la personnalité fiscale et comptable de chaque entité et le sacro-saint principe de pleine concurrence imposant aux entités d’un groupe de traiter entre elles comme s’il s’agissait d’un tiers indépendant. Le groupe européen est appréhendé de manière unitaire : les transactions intragroupes étant neutralisées et le résultat consolidé réparti en fonction d’une formule comportant trois facteurs de même valeur : main d’œuvre employée, immobilisations utilisées et chiffre d’affaires réalisé dans un Etat membre. Le critère de main d’œuvre tient compte, à parts égales, de la masse salariale (favorable aux Etats à coûts salariaux élevés) mais aussi des effectifs (favorable aux Etats avec des salaires plus faibles). Les immobilisations s’entendent uniquement des immobilisations corporelles à l’exclusion des incorporels et des actifs financiers, ce qui défavorise les Etats d’implantation des sociétés holding ou des sociétés financières et limite, ensemble avec la neutralisation des transactions intragroupe, l’intérêt des stratégies agressives d’optimisation fiscale en Europe (que l’on songe aux « sandwichs » néerlandais ou irlandais…).

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La logique de l’ACCIS s’appuie sur le constat qu’il « est de plus en plus difficile de déterminer la source précise d'un revenu dans des économies fortement intégrées » (D. GUTMANN, « L’assiette commune consolidée de l’IS : une réforme profonde de la fiscalité », RFFP 2011, n°116, p. 40). A partir de là, la permanence du recours à des méthodes transactionnelles de détermination des prix de transfert est considérée comme à la fois source d’insécurité juridique et un encouragement de la planification fiscale agressive qui confine parfois à l’évasion fiscale. A une logique transactionnelle se substitue une logique unitaire utilisant des critères objectifs et difficilement manipulables pour répartir l’assiette imposable entre juridictions taxatrices. Si la logique de l’ACCIS est révolutionnaire sur le plan international, elle peut s’appuyer sur les expériences internes de répartition de l’assiette imposable entre collectivités infra-étatiques : que l’on songe à l’articulation mutuelle des impôts sur les bénéfices établis par les Etats fédérés aux Etats-Unis ou aux critères de répartition entre collectivités territoriales françaises du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises « multi-établissements ». A la fois visionnaire et lucide quant aux difficultés de répartir de manière économiquement adéquate, à l’aide des instruments traditionnels, la base imposable des groupes opérant à l’échelle européenne entre les Etats membres, le projet ACCIS n’échappe tout de même pas à la critique. Choix subjectif de l’auteur, on s’attachera à deux éléments. Première critique, sans doute naïve, le régime ACCIS est prévu comme étant optionnel. Les groupes pourront s’en prévaloir si globalement ils y trouvent leur compte. Déjà que le succès de l’ACCIS n’est pas assuré, sauf peut-être par le truchement d’une coopération renforcée au sein d’un groupe d’Etats membres, le rendre obligatoire serait sans doute suicidaire sur le plan politique. Mais cela signifie que la proposition actuelle ne s’inscrit pas réellement dans une logique de lutte contre la concurrence fiscale dommageable ou contre l’évasion fiscale à travers la manipulation des prix de transfert mais poursuit essentiellement l’objectif, parfaitement légitime en soi, de faciliter l’activité transeuropéenne des groupes dans le but d’achever la construction du marché unique. Deuxième critique, plus technique mais tout aussi fondamentale, il ressort de la proposition de la commission que, selon le principe de confiance mutuelle, l’administration fiscale compétente pour l’ensemble de relations avec le groupe serait celle de l’Etat dans lequel est établie la société tête de groupe. Il y a dès lors à craindre une forme d’« administration shopping », des stratégies d’évitement de la compétence des administrations fiscales mieux dotées en instruments légaux et moyens matériels d’action… Malgré ces imperfections, l’ambitieuse proposition ACCIS est, au minimum, une utile contribution à la réflexion sur les fondements mêmes de notre fiscalité internationale des entreprises.

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FISCALITE DE L’IMMOBILIER PROFESSIONNEL ET DEMEMBREMENT

Me Marc AMBLARD,

Avocat au barreau de Clermont-Ferrand, Cabinet Amblard - Chamalières & Paris - www.amblard-avocats.fr

Maître de conférences à l’Université de Provence (Aix-en-Provence) I - L’UNICITE PATRIMONIALE II - LA DISSOCIATION CONVENTIONNELLE ET SES LIMITES III - LA SOLUTION DU DEMEMBREMENT Conclusion

e thème de l’immobilier professionnel est très souvent débattu en raison de ses multiples enjeux. D’abord économiques, car c’est dans ses murs que se développent les activités de l’entreprise. Ensuite financiers car les sommes mobilisées sont le plus souvent très importantes et peuvent constituer une réserve substantielle de revenus pour le dirigeant. Enfin fiscaux, les montages adoptés pouvant entraîner, comme nous allons le voir, un impact déterminant sur

l’imposition de l’entreprise et de ses dirigeants. Les développements suivant se placent délibérément dans l’hypothèse d’une acquisition. Faute de moyens pour acquérir ses murs d’exploitation, la firme n’a d’autre choix que de les louer pour les occuper. Le présent débat est alors sans objet.

I - L’UNICITE PATRIMONIALE En tout premier lieu, l’appropriation de l’immobilier d’entreprise suscite une interrogation fondamentale : faut-il dissocier la propriété des murs professionnels de l’exploitation ? La question mérite d’être posée car on trouvera des avantages certains à l’unicité patrimoniale (les murs sont la propriété de l’entreprise) : - la détention par la firme elle-même n'impose au dirigeant aucun effort de trésorerie ; - ce schéma ne génère pour lui aucun revenu foncier imposable ; - il permet en outre de comptabiliser les amortissements, donc réduire l'impôt sur les bénéfices ; - l'entreprise propriétaire jouit d’une parfaite maîtrise de ses locaux L’unicité patrimoniale présente toutefois, deux sérieux revers : - économique tout d’abord, en ce que l'inscription des locaux à l'actif du bilan de la société d'exploitation augmente artificiellement sa valeur. Situation qui peut être pénalisante voire rédhibitoire dans le cas d’une éventuelle reprise.

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- fiscal ensuite, lors de la revente en raison de la double lame fiscale. En effet, il est probable que l’entreprise se séparera de ses murs dans un futur plus ou moins lointain (départ à la retraite de son ou ses dirigeants, faiblesse de l’activité, ou au contraire, acquisition de locaux plus importants …) ; la cession subira alors un double frottement fiscal. D’abord, un impôt sur les sociétés (si l’entreprise y est assujettie) qui sera calculé sur la plus-value fiscale, celle-ci étant d’autant plus élevée que le bien aura été amorti. Ensuite, un impôt sur le revenu lorsque le dirigeant souhaitera prélever le produit de la vente pour ses besoins privés.

II - LA DISSOCIATION CONVENTIONNELLE ET SES LIMITES Ces deux écueils ont très rapidement incité les dirigeants à créer un véhicule juridique autonome qui acquiert le bien pour le louer à l'exploitant en vertu d’un bail. Ce schéma est de très loin, le plus répandu actuellement. Le patrimoine de l'entrepreneur s'enrichit ainsi des parts de l’entité propriétaire (le plus souvent, une société civile). A la retraite, les loyers lui fourniront éventuellement un complément de revenus opportun. En outre, en cas de cession, on profitera des abattements progressifs pour diminuer la plus-value imposable ; l’impôt dû sera même annulé si la durée de détention est au moins égale à trente ans. Mais ce schéma présente lui-même deux limites fiscales très pénalisantes : - on ne peut pas amortir le bien détenu par la société civile (article 31-1 du Code Général des Impôts). - un effet de ciseaux fort dommageable. En effet, avec le temps, les loyers versés par la société d’exploitation à la société civile vont s’accroître en raison de leur indexation. Les intérêts de l’emprunt que celle-ci aura probablement contracté vont, pour leur part, régresser. Il en résulte un résultat foncier imposable en constante progression qui contraindra le dirigeant à s’acquitter personnellement d’un impôt supplémentaire lorsque les deux courbes se croiseront. Situation d’autant plus fâcheuse que ces revenus fonciers ne seront pas réellement perçus par le contribuable attendus qu’ils sont destinés à couvrir le remboursement de l’emprunt. Ces deux obstacles incitent de nombreux professionnels du droit et du chiffre fort peu inspirés à préconiser à leurs clients un assujettissement de la société civile immobilière à l’impôt sur les sociétés. Les simulations que nous avons pu réaliser révèlent le caractère dommageable de cette option irrévocable. Ce choix s’avère effectivement très coûteux au dirigeant lors de la cession future du bien, le taux d’imposition de la plus-value brute étant très proche des 100%38. Le mirage fiscal prend alors fin. Chacun des deux montages présentés souffre donc de ses propres limites. Est-ce à dire qu’il n’existe pas de solution optimale ?

38

Pour une démonstration détaillée, nous renvoyons le lecteur vers notre article (2011) : « Les limites de la société civile immobilière assujettie à l’impôt sur les sociétés et la solution du démembrement » (http://www.village-justice.com/articles/limites-societe-civile-immobiliere,10947.html)

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Non, car l’imagination et l’ingéniosité des juristes ont produit un dispositif permettant de concilier les avantages des deux schémas (l’unicité et la dissociation) tout en en atténuant sensiblement les limites.

III - LA SOLUTION DU DEMEMBREMENT Le schéma optimal qui allie l’intérêt du dirigeant et celui de l’entreprise passe par un démembrement du droit de propriété des murs de l’entreprise. Rappelons brièvement que le démembrement repose sur une dissociation de la nue-propriété et de l’usufruit39 :

Pleine Propriété

Usufruit

+

Nue-propriété

Droit d’usage sur le bien (« usus »)

Droit d’en retirer des revenus (« fructus »)

Droit d’aliéner la chose (« abusus »)

Appliqué au contexte professionnel, il procède du principe suivant : - en acquérant l’usufruit, la société d’exploitation supportera une mensualité inférieure au loyer normalement dû ; - de son côté, la SCI n’a pas besoin de détenir la pleine propriété du bien ; d’autant que les loyers qui lui sont versés sont imposés, nous venons de le voir, entre les mains des associés qui ne les perçoivent pas puisque destinés au remboursement de l’emprunt. C’est pourquoi la détention disjointe de l’usufruit (par la société d’exploitation) et de la nue-propriété (par la société civile) devrait séduire tout prétendant à l'acquisition de locaux d’entreprise. Les avantages sont effectivement nombreux : - le droit d’usufruit figure, pour sa durée, à l'actif de l'entreprise et fait l'objet d'un amortissement tant comptable que fiscal. - le chef d'entreprise nu-propriétaire ne perçoit pas de loyers, ce qui lui évite de gonfler artificiellement ses revenus professionnels lourdement imposés. - au terme de la période du droit d’usufruit (temporaire), il fait croître son patrimoine privé en recouvrant la pleine propriété de l'immeuble puisque l’usufruit rejoint de facto la nue-propriété pour en reconstituer sa globalité (effet d’élastique) ; - enfin, si l'entrepreneur devenu plein propriétaire de l'immeuble décide de le vendre, la plus-value profitera de l’abattement progressif40 en retenant comme la plus ancienne des 2 durées de détention, c'est-à-dire celle de la nue-propriété41.

39

En droit français, un bien peut être schématiquement « séparé » en deux : l'usus et le fructus. En d'autres termes, la propriété, et la jouissance du bien (le fruit). 40

Article 150 VC du Code général des impôts : « La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC est réduite d'un abattement fixé à -2% pour chaque année de détention au-delà de la cinquième ; -4% pour chaque année de détention au-delà de la dix-septième ; -8% pour chaque année de détention au-delà de la vingt-quatrième. » 41

Bulletin Officiel des Impôts 8 M-1-04 n° 7 du 14/01/04 – Fiche 4.

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Finalement, ce schéma permet au dirigeant de se constituer dans le temps un patrimoine personnel tout en en faisant supporter la majeure partie du coût à son entreprise. En effet, la valeur de l’usufruit pris en charge par l’entreprise varie selon les cas et la durée du droit, entre 60% et 85% de la valeur de la pleine propriété.

En conclusion, on pourra légitimement se demander pourquoi tous les dirigeants n’adoptent pas ce

principe d’appropriation démembrée. De notre expérience, il ressort trois raisons : - la méconnaissance du schéma et son caractère très juridique ; il est vrai que la complexité du dispositif pour les non juristes ne favorise pas sa diffusion auprès des intéressés et des professionnels de l’immobilier ; - la présence de freins bancaires ; les établissements financiers redoutent des obstacles dans le processus de prise de garantie, notamment hypothécaire. La crainte n’est pas justifiée sachant qu’il est aisé d’obtenir du Bureau des hypothèques une double inscription (sur la nue-propriété d’une part et sur l’usufruit d’autre part) ; - enfin, l’existence de freins psychologiques ; les conseillers du dirigeant sont victimes de ce qu’un confrère nomme, non sans humour, le syndrome de la forêt hantée. Il fut un temps où nul ne s’aventurait dans les vastes étendues boisées, persuadé qu’elles étaient peuplées de monstres effrayants. Ici, ceux-là prennent diverses formes : abus de droit, abus de biens sociaux, acte anormal de gestion… C’est assez regrettable car une opération de démembrement rigoureusement menées par des professionnels de la discipline ne fait courir aucun risque à son bénéficiaire, aucun risque de remise en cause par l’administration fiscale. Gageons cependant qu’avec le temps et leur apprentissage progressif, ces techniques de démembrement appliquées à l’immobilier professionnel sauront séduire un nombre croissant de dirigeants. Les avantages économiques, fiscaux et patrimoniaux qu’ils en retireront plaident sans conteste en faveur d’une plus large diffusion.

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FINANCES LOCALES, DECENTRALISATION, FISCALITE LOCALE DES ENTREPRISES

Gérard VERRIER,

Maître de conférences associé de droit public, Université d'Auvergne Clermont 1 Directeur Général des Services

Introduction I – LE SYSTEME DE FINANCEMENT DES COLLECTIVITES LOCALES I.1. Un système complexe

A - Les ressources fiscales B - Les concours de l’Etat C - Les concours d’autres collectivités D - Les recettes tarifaires ou patrimoniales E - L’emprunt

I.2. Un système qui se dégrade A - L’effet des transferts B - L’attitude réservée du système bancaire C - L’incertitude sur les réformes

II – LA FISCALITE LOCALE II.1. Un système complexe

A - Une évolution à la hausse de la fiscalité locale qui impacte les entreprises B - Un lien entre les dépenses et les recettes mal compris par les PME C - Un cas concret : la réforme de la cotisation économique territoriale

II.2. Une pression fiscale allemande moins marquée qu'en France A - Une compétitivité allemande qui a su passer le cap de la crise B - Une meilleure gestion des prélèvements obligatoires allemands C - Analyse comparative des impositions foncières (points communs/différences)

II. 3. Les principaux enseignements III – LA REVISION DE LA FISCALITE LOCALE III.1. Les réformes en cours

A - Contribution Economique Territoriale (CET) B - Taxe Locale sur la Publicité Extérieure (TLPE) C - Taxe sur les Surfaces Commerciales (TASCOM)

III.2. Une fiscalité environnementale locale qui prend en compte les capacités contributives A - Taxe d'Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) B - Le versement transport

Conclusion

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Introduction

e système de financement des collectivités locales centré sur les « quatre vieilles » (taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non-bâties, taxe d’habitation, taxe professionnelle) semble avoir atteint ses limites. Au cours des deux dernières décennies, la décentralisation ainsi que les transferts de

compétences de l’Etat aux collectivités territoriales ont rendu nécessaire un accroissement des recettes fiscales locales. Cette constante augmentation s’est traduite notamment par une hausse des taxes existantes couplée à la création de nouvelles recettes fiscales. Ce sont principalement les entreprises qui ont supporté la hausse de cette pression fiscale, ce qui a eu un impact non négligeable sur leur compétitivité. En 2009, les Prélèvements Obligatoires (PO) représentent 41,6 points du PIB, en hausse de 2 points depuis 1982. Ils se situent à un niveau sensiblement supérieur à la moyenne de la zone euro ainsi qu'à celle de l’OCDE. De plus, alors que d’autres pays ont trouvé depuis longtemps des solutions pour limiter cette pression pour les entreprises, les charges fiscales de leurs homologues françaises n’ont cessé d’augmenter comme le confirme notre enquête « Les PME et la fiscalité locale ». Parallèlement, les impôts locaux sont jugés inadaptés. Les entreprises leur reprochent un système souvent injuste, complexe et illisible. Conscients des critiques formulées à l’encontre de la fiscalité locale, les pouvoirs publics ont engagé des réformes vers une meilleure efficacité économique des prélèvements actuels, à l’image de la réforme de la Taxe Professionnelle (TP). Ces efforts doivent être poursuivis car il existe au sein du système français une multitude d'autres dépenses fiscales souvent synonymes de confusion pour les entreprises. Ces dernières ne réclament pas un système de subventionnement mais des règles fiscales permettant de rendre le système fiscal effectif et efficient. Pour les collectivités locales, le dispositif fiscal est également essentiel puisqu’il constitue non seulement un élément de soutien économique, mais aussi un véritable investissement politique. Cependant, la fiscalité locale demeure complexe et ne procure pas le résultat escompté. La compétitivité des entreprises est entravée, l’emploi et les investissements ne sont donc pas encouragés. Ainsi, bien que certaines mesures soient fondées, leur efficacité doit être renforcée afin de ne pas constituer un frein au développement des entreprises. On rappellera que les collectivités locales ont à gérer des budgets importants - près de 175 milliards d'euros (Mds) en 2004 -, qui font d'elles des acteurs déterminants de l'économie nationale. Leur implication dans la sphère économique, qui préexistait à la décentralisation, s'est amplifiée avec celle-ci. La liberté de vote des taux des impôts locaux dès 1980, puis à partir de 1982, la suppression de la tutelle

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sur les actes budgétaires, comme la libéralisation progressive des emprunts, ont permis de mieux asseoir le pouvoir financier local. Les administrations publiques locales assurent plus de 70% des investissements publics (2003), alors qu'elles ne contribuent qu'à hauteur de 5% du produit intérieur brut (PIB) aux prélèvements obligatoires. Face à la diversité des responsabilités liées à la décentralisation, le système de financement local a dû s'adapter aux différents types de besoins comme à la variété des situations locales. Malgré le besoin de souplesse qu'appelle l'ouverture croissante des collectivités locales sur le monde économique, celles-ci n'en demeurent pas moins soumises à des règles strictes, ainsi qu'à des contrôles, corollaires de la décentralisation. L'acte II de la décentralisation, lancé en 2002 par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, comportait une vague de réformes des finances locales. Celle-ci s’est surtout accompagnée d’une augmentation sensible des budgets locaux. Enfin, les collectivités locales et leurs établissements publics (en particulier l’intercommunalité) sont d’autant plus sensibles à la crise économique qui frappe notre pays et l’Europe et à ses effets que l’Etat a transféré de nombreuses compétences depuis une dizaine d’années et que les mécanismes de compensation des charges de transfert sont loin d’être satisfaisants.

I - LE SYSTEME DE FINANCEMENT DES COLLECTIVITES LOCALES

I.1. Un système complexe Les ressources des collectivités se composent de recettes fiscales, de concours financiers de l'Etat (et accessoirement d'autres personnes publiques), de recettes tarifaires et patrimoniales. À cela s'ajoute le produit des emprunts pour le financement des investissements.

A - Les ressources fiscales Si les collectivités ont progressivement conquis un certain pouvoir fiscal, celui-ci demeure limité et encadré. Aux termes de la Constitution, la création d'impôts locaux, de même que les règles concernant leur assiette et leur taux, relèvent de la loi. Un pas important a été franchi en direction de l'autonomie financière locale avec la loi du 10 janvier 1980, qui permet aux collectivités de fixer elles-mêmes le taux de leurs principaux impôts. Encore, ce pouvoir est-il limité par des règles de liaison entre les taux et de plafonnement. Un autre pas a été franchi avec la loi organique du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, qui fixe un seuil de ressources propres (dont les ressources fiscales) en deçà duquel il ne sera pas possible de descendre. La fiscalité locale a représenté, en 2003, 69,6 Mds, répartis en une quarantaine d'impôts locaux - directs ou indirects - dont certains ont un caractère facultatif.

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a) Les impôts directs Les plus anciens impôts locaux, mais aussi les plus importants en volume sont les quatre taxes directes locales qui représentent 72% du produit de la fiscalité locale et 90% de la fiscalité directe. Ces taxes sont assises sur des valeurs locatives cadastrales censées représenter le revenu des biens immobiliers concernés. Cependant, la dernière révision remontant à 1961 pour les propriétés non bâties et à 1970 pour les propriétés bâties, malgré l'actualisation pratiquée annuellement depuis 1980, les valeurs sont aujourd'hui déconnectées de la réalité. Une révision avait bien été prévue par une loi du 30 juillet 1990 et achevée en 1993, mais elle n'a jamais été mise en œuvre. LA TAXE PROFESSIONNELLE Pesant sur les entreprises, elle représente à elle seule 45% de la ressource provenant de ces taxes. Assise sur la valeur locative des immobilisations corporelles (immeubles, terrains, matériel, outillage) et jusqu'en 1999 sur 18% de la masse salariale, elle est fort inégalement répartie sur le territoire, ce qui en fait la principale responsable de la grande disparité de richesses entre les collectivités. De plus, elle est très mal supportée par les entreprises qui dénoncent, en particulier, les distorsions de concurrence résultant de la variété des taux pratiqués d'une collectivité à l'autre. Pour limiter cette charge, le législateur a pris, au fil des années, des mesures d'allégements successifs, en les compensant partiellement par des dotations budgétaires, qui font de l'Etat le principal contribuable à la taxe professionnelle: 18 Mds en 2003. La loi de finances pour 1999 a introduit une réforme plus radicale en décidant de supprimer sur cinq ans la part "salaires" de la taxe professionnelle (environ le tiers des bases brutes de la taxe). En 2003, la taxe professionnelle de France Telecom, jusqu'alors versée au profit de l'État, a été rétrocédée aux collectivités. Début 2004, le Président de la République a décidé l'achèvement du processus de suppression de la taxe professionnelle, qui devrait toutefois être remplacée par un nouvel impôt économique local à l'assiette plus moderne. Le développement de l’intercommunalité a conduit à la Taxe professionnelle Unique ; l'un des fondements du regroupement intercommunal depuis 1999 a été la mise en place de la taxe professionnelle unique (TPU). Aujourd'hui (chiffres 2005), 1101 communautés (urbaines, d'agglomération, de communes) sur 2525 sont à TPU et regroupent 39,4 millions d'habitants. LES TAXES SUR LES MÉNAGES • La taxe d'habitation : son produit représente un peu moins du quart de celui des quatre taxes. En est redevable tout occupant, locataire ou propriétaire, d'un local à usage d'habitation au 1er janvier. Des abattements sont consentis pour charges de famille, et elle est plafonnée par rapport au revenu. La part régionale de la taxe d'habitation a été supprimée par la loi de finances rectificative pour 2000.

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• La taxe foncière sur les propriétés bâties, qui rapporte environ 30% du produit des quatre taxes, est due par les propriétaires immobiliers. La base d'imposition à laquelle s'applique le taux voté par chaque collectivité est égale à la moitié de la valeur locative. • La taxe foncière sur les propriétés non bâties (moins de 2% du produit des quatre taxes) est due par les propriétaires de terrains nus. Le taux d'imposition voté s'applique à une assiette égale à la valeur locative diminuée d'un abattement de 20%. Les parts régionale et départementale de cette taxe ont été supprimées par la loi de finances pour 1993. Depuis la loi du 10 janvier 1980, les collectivités fixent elles-mêmes les taux des quatre taxes directes locales. Mais un lien étroit avait été établi entre les taux des taxes sur les ménages et ceux de la taxe sur les entreprises. Ce lien a été assoupli par la loi de finances pour 2003, aux termes de laquelle la taxe professionnelle peut désormais progresser une fois et demie plus vite que les autres taxes. LES AUTRES IMPOTS DIRECTS On citera la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (3,7 Mds en 2003), la redevance communale et départementale des mines, l'imposition forfaitaire sur les pylônes électriques et le versement destiné aux transports en commun (perçu dans les grandes agglomérations, il représente 4,5 Mds en 2003).

b) Les impôts indirects Plus nombreux, ils sont moins productifs que les impôts directs. Cependant, l'ensemble de la fiscalité indirecte représente une somme non négligeable : 10 Mds en 2002. Beaucoup d'impôts ont un lien avec l'urbanisme : taxe locale d'équipement, versement pour dépassement du plafond légal de densité, taxe départementale des espaces naturels sensibles, redevance pour création de bureaux en Île-de-France. Les principaux impôts indirects portent sur les transactions immobilières : droits de mutation à titre onéreux et autres impôts complémentaires (5,5 Mds en 2003). Une quinzaine d'autres taxes - taxes de séjour, taxes sur la publicité, les jeux, les remontées mécaniques, les abattoirs, les spectacles, les débits de boisson - ont un produit plus ou moins significatif en fonction du lieu.

c) La fiscalité liée aux transferts de compétence PREMIERS TRANSFERTS Des impôts d'État ont été transférés aux collectivités pour financer les transferts de compétences et les charges liés à la décentralisation. D'après la loi du 7 janvier 1983, ils devaient représenter « la moitié au moins des ressources attribuées par l'État à l'ensemble des collectivités locales ». Les impôts transférés ont été : • pour les départements : la taxe additionnelle sur les véhicules à moteur (vignette), les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière sur les mutations à titre onéreux (droits de mutation) ; la première a été supprimée et les seconds plafonnés en 2000 ;

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• pour les régions : la taxe sur les cartes grises et une taxe additionnelle aux droits de mutation (supprimée en 2000). TRANSFERTS DE L’ACTE II Après une phase d'allégement ou de suppression de ces impôts indirects initialement transférés (1999-2000), concomitante de la réforme de la taxe professionnelle et de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, le législateur transfère à nouveau des parcelles d'impôts indirects pour financer l'acte II de la décentralisation : • la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP : 5,3 Mds pour les départements, 3 Mds pour les régions) ; • la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (environ 1 Md pour les départements, elle servira à financer aussi le transfert des SDIS. datant de 1996)42. DECENTRALISATION ET PEREQUATION Le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. " On peut distinguer schématiquement trois dispositifs, objet de réformes en cours : - la péréquation verticale, consistant en une redistribution des richesses par l'État, prend essentiellement la forme de dotations de solidarité contenues dans la dotation globale de fonctionnement (DGF), en faveur des collectivités les plus défavorisées; - la péréquation horizontale, consistant en un prélèvement sur le budget des collectivités les plus aisées au profit des plus défavorisées, comme le fonds de solidarité des communes d'Île-de-France, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle entre communes ou la contribution départementale au mécanisme de solidarité (entre départements) ; - l'intercommunalité à fiscalité propre, qui permet de mutualiser les imp6ts entre communes aux richesses fiscales souvent très disparates. Selon le président de J'Association des communautés de France, Marc Censi, les inégalités de richesse entre communes, initialement de 1 à 8500, se réduiraient de 1 à 10 par la mise en commun des richesses dans les groupements de communes à fiscalité propre.

B - Les concours de l’Etat Reflets de ses rapports complexes avec les collectivités, les concours financiers de l'État se sont accrus avec le temps et regroupent aujourd'hui trois grandes composantes. - les subventions spécifiques, qui ont longtemps été la seule forme de concours, n'occupent plus qu'une place résiduelle ; - accompagnant la décentralisation, des dotations budgétaires à l'indexation prédéfinie et libres d'emploi, ont été instituées pour financer les charges des collectivités, mais aussi pour compenser des impôts locaux supprimés ;

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La loi de finances pour 2005 opère deux transferts de TCA, l'un, de 120 M, destiné aux nouveaux transferts aux départements (TOS, routes nationales), l'autre, de 900 M, destiné aux SDIS et qui vient en réfaction de la DGF (pour 880 M€, 20 M€ servant à la retraite des pompiers).

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- s'y ajoutent les dégrèvements d'impôts locaux consentis aux contribuables, que l'État rembourse aux collectivités locales, sur la base des produits votés. Les compensations d'allègements et de dégrèvements d'impôts ont pris une place croissante dans les dotations de l'État par rapport aux compensations de charges.

a) L’évolution des concours de l’Etat : une indexation forfaitaire Les crédits budgétaires aux collectivités pesant chaque année d'un poids plus lourd, les gouvernements successifs ont cherché à maîtriser leur progression en instituant à compter de 1996, pour une période de trois ans, un « pacte de stabilité financière », aux termes duquel les principales dotations budgétaires indexées sont incluses dans une « enveloppe normée » , devant évoluer au rythme de l'inflation, et ses composantes à leur propre rythme (supérieur), l'une d'entre elles 5 servant de variable d'ajustement. A succédé à ce pacte, pour la période 1999-2001, un « contrat de croissance et de solidarité » qui a repris les mêmes principes, à ceci près que le taux d'évolution de « l'enveloppe normée » inclut une part du taux de croissance du PIB (33%). Pour respecter une progression globale de l'enveloppe plus faible que celle de ses composantes, le montant de la DCTP a dû être fortement amputé, tombant de 19,10 MdsF (2,91 Mds) en 1995 à 1,24 Md en 2005.

b) Les dotations « sous enveloppe » Y sont regroupées des dotations de fonctionnement et d'équipement. LA DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT La dotation globale de fonctionnement (DGF) qui est la principale d'entre elles (37 Mds en 2005), est versée aux communes, à leurs groupements à fiscalité propre, aux départements et, depuis 2004, aux régions. Instituée en 1979 en contrepartie de la suppression d'une ressource fiscale locale, elle s'est d'emblée vu assigner le double objet de compenser cette dernière et d'assurer une péréquation progressive entre collectivités riches et pauvres, sa répartition entre collectivités bénéficiaires faisant appel à l'origine à un nombre élevé de critères, ce qui en rendait les modalités de calcul très complexes. La loi du 31 décembre 1993 portant réforme de la DGF a figé ces critères pour les communes, les répartissant schématiquement entre, d'une part, des éléments destinés à compenser des charges ou des allègements fiscaux et, d'autre part, des éléments destinés à aider les communes défavorisées. Par la suite, de nouvelles dotations de compensation de charges ou de fiscalité et certains fonds destinés à la péréquation sont venus s'agréger à la DGF. La loi de finances pour 2004 a donc généralisé le dispositif en stratifiant ces différents fonds ou dotations, au profit des communes, des départements et des régions. La DGF de chacune des catégories de collectivités territoriales est schématiquement divisée en deux parts : une part forfaitaire et une part péréquatrice.

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• La DGF des communes (20,5 Mds en 2004) est ainsi répartie en une dotation forfaitaire (13,6 Mds) et une dotation d'aménagement. Cette dotation d'aménagement est elle-même subdivisée en une dotation des EPCI à fiscalité propre (5,4 Mds) et trois dotations de péréquation des communes : la dotation de solidarité urbaine (DSU : 0,6 Md), la dotation de solidarité rurale (DSR : 0,4 Md) et la dotation nationale de péréquation (DNP : 0,6 Md). • La DGF des départements (11,5 Mds en 2004) est également répartie entre deux dotations à vocation forfaitaire (10,5 Mds) et deux à vocation péréquatrice (0,9 Md). • La DGF des régions (4,8 Mds en 2004) est répartie entre une dotation forfaitaire (4, 7 Mds) et une dotation de péréquation (0,1 Md). La DGF est indexée sur l'inflation prévisionnelle (de l'année n + 1) à laquelle s'ajoute la moitié de la croissance du PIB de l'année n (soit 3,05% pour 2005). La masse financière de cette progression est partagée, pour chaque catégorie de collectivités, entre la partie forfaitaire et la partie péréquatrice. Ce système permet de faire proportionnellement progresser les dotations de péréquation beaucoup plus vite que les dotations forfaitaires, par effet de masse (ces dotations étant beaucoup plus petites que les dotations forfaitaires). Ainsi, le comité des finances locales peut choisir d'affecter à la progression de la dotation forfaitaire : - au maximum, environ la moitié de la progression de la DGF pour les communes ; - 60% à 70% de la progression de la DGF pour les départements ; - 75% à 95%de la progression de la DGF pour les régions. Le solde est affecté aux dotations de péréquation. Une fois les enveloppes de DGF déterminées pour chaque catégorie, elles sont réparties entre les entités qui composent chacune d'entre elles (environ 40 000 collectivités locales au total). Schématiquement, les critères individuels d'attribution se répartissent ainsi : - dotation de l'année précédente et la population pour la part forfaitaire ; - indicateurs, parfois multiples, de pauvreté et de charges pour la part péréquatrice. De petites dotations satellites évoluent comme la DGF (dotation spéciale pour le logement des instituteurs et dotation" élu local"). LA DOTATION GLOBALE D’EQUIPEMENT (DGE) Destinée aux investissements des communes et des départements, la DGE est un concours de faible montant (0,932 Md en 2005), mais à forte portée symbolique. Instituée en 1983, elle avait vocation à remplacer les subventions spécifiques, qui se traduisaient par un assujettissement vis-à-vis de l’Etat pour la réalisation d'investissements locaux. Mais sa mise en œuvre a été décevante. En effet, pour les communes, le taux de concours tournait autour de 2%, alors qu'auparavant les subventions par opération atteignaient des taux plus significatifs (de 20 à 60%} ; aussi a-t-elle été réformée plusieurs fois depuis sa création.

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Depuis 1996, la DGE est réservée aux communes (et groupements} de moins de 20 000 habitants à faible potentiel fiscal, et elle est en pratique attribuée opération par opération. Une partie de la DGE des départements continue à être versée pour partie sous forme de taux de concours, et pour partie en fonction de critères de richesse et de charges. La DGE évolue au rythme de la formation brute de capital fixe (FBCF} des administrations publiques ( + 3% en 2005}. LES DOTATIONS LIÉES AUX TRANSFERTS DE COMPÉTENCES • La dotation générale de décentralisation (DGD), créée en 1983 pour financer, à titre principal, les transferts de compétences - à côté des dotations spécifiques pour la Corse et la formation professionnelle, et en complément de la fiscalité transférée - évolue en principe comme la DGF. Mais sa structure a été modifiée au fil des années en fonction des changements décidés dans la répartition des compétences. Elle a été profondément recomposée, du fait d'une part de l'institution de la couverture maladie universelle (CMU), qui a étatisé l'aide médicale et, d'autre part, de l'inclusion dans la DGD de la compensation des impôts transférés, puis supprimés: droits de mutation et vignette automobile. En 2004, 95% de la DGD des départements et des régions ont été intégrés à la partie forfaitaire de leur DGF : la DGD proprement dite n'est plus qu'une dotation résiduelle (0,26 Md en 2005). • La dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC : 0,3 Md en 2005) et la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES : 0,6 Md en 2005) ont vocation à compenser les charges d'investissement aux départements et aux régions, liées aux transferts en matière scolaire. Elles sont indexées comme la DGE et réparties en fonction de la capacité d'accueil des établissements scolaires et de la population scolarisable.

c) Les concours hors « enveloppe » Ces concours, qui représentent environ 20 Mds en 2010 (29% du total), sont indépendants de l'indexation de l'enveloppe normée. • Les subventions spécifiques de fonctionnement, que divers ministères continuent à verser aux collectivités locales, pour un montant de 913 M en 2005. • Les subventions spécifiques d'équipement n'ont pas été regroupées dans la DGE (dont elles sont exclusives) et continuent à être accordées par les ministères pour un montant pratiquement équivalent (930 M en 2005). • Le fonds de compensation pour la TV A est destiné à rembourser avec un décalage de deux ans 8 la TVA acquittée par les collectivités sur leurs dépenses directes d'investissement, sur la base d'un taux forfaitaire (15,482%). Le crédit évaluatif inscrit à ce titre dans le budget de l'État est passé de 1 MdF (0,15 Md) en 1976 à 3,8 Mds pour 2005 (ce qui témoigne de la dynamique des investissements locaux). • Le produit des amendes de police de la circulation (560 M pour 2005) est réparti entre les départements, au prorata des contraventions constatées l'année précédente, au profit des communes et groupements, et affecté aux opérations d'amélioration des transports en commun et de la circulation.

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• La dotation de développement rural (DDR : 120 M en 2005) est destinée aux EPCI à fiscalité propre en zone rurale, pour financer leur effort d'équipement. Son régime est calé sur celui de la DGE.

C - Les concours d’autres collectivités Si l'État est le principal financeur des collectivités, il convient de noter : - que sur la période 2000-2006, la France est dotée d'un crédit de 15, 7 Mds de fonds structurels européens. Dans les zones éligibles, les collectivités tendent à recourir systématiquement à ces fonds pour leurs opérations. Toutefois, l'élargissement de l'UE, avec l'adhésion de dix pays beaucoup plus pauvres que la France, devrait voir cette ressource se tarir ; - que les collectivités territoriales se soutiennent beaucoup entre elles. L'essentiel de ce type de concours provient des conseils généraux, au profit des communes.

D - Les recettes tarifaires ou patrimoniales Les recettes tarifaires proviennent pour l'essentiel de la vente de services aux usagers (cantines, piscines, garderies...). Bien que les prix des services publics soient libres depuis 1987, ces recettes ne couvrent généralement pas le coût du service rendu, certains (services sociaux notamment) pouvant plus facilement que d'autres être facturés aux usagers à. leur coût réel. La principale de ces recettes est la redevance d'enlèvement des ordures ménagères des communes (0,4 Md en 2003). Certaines collectivités disposent en outre de revenus patrimoniaux ou d'exploitation (communes forestières notamment). Significatives pour les communes (9 Mds, 10% de leurs ressources totales hors emprunt), ces ressources sont plus faibles pour les départements (2,5 Mds, 6%) et négligeables pour les régions (0,2 Mds, 1,4%).

E - L’emprunt Avant la décentralisation, les emprunts des collectivités étaient soumis à une approbation préalable et n'étaient accordés que par les seuls prêteurs institutionnels, avec pour contrepartie des prêts à taux privilégié. La libéralisation amorcée en 1976 s'est affirmée avec la loi du 2 mars 1982, qui a supprimé l'ensemble des obligations antérieures. Les emprunts ne peuvent toutefois couvrir que des dépenses d'investissement, et leur remboursement constitue une dépense obligatoire. Depuis 1986, le libre choix de l'organisme prêteur et la suppression des prêts bonifiés ont achevé de « banaliser » le régime des emprunts. Cependant, cette « banalisation », dans un contexte de désinflation, a fortement renchéri le coût réel du crédit à partir de 1989. Aussi, les collectivités ont-elles pratiqué une politique active de désendettement et de réaménagement de leur dette. Leur niveau d'endettement, resté stable pendant trois décennies et qui représentait 8,7% du PIB en 1995, est tombé à un peu plus de 6% en 2004. Cette phase de désendettement qui s'achève s'accompagne d'une activité croissante sur les marchés de l'emprunt, essentiellement bancaire d'ailleurs: en 2003, les collectivités ont remboursé et souscrit pour environ 17 Mds d'emprunt à plus d'un an.

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I.2. Un système qui se dégrade La situation financière des collectivités territoriales est en règle générale qualifiée de remarquablement saine, en comparaison de celle de l’Etat, et avec le recul de plus de vingt années de décentralisation, on peut dire que cette situation tient à deux facteurs : - des règles budgétaires et comptables adaptées, assorties de contrôles performants, internes comme externes (cabinets d'audit, préfets, CRC) ; - à de rarissimes exceptions près, à l'excellente qualité des gestionnaires locaux, des élus comme des agents à leur service. L'acte Il de la décentralisation a pu donc être abordé avec sérénité sur ce plan, même s'il s'accompagne de changements de dimension importants dans les budgets locaux. Les élus sont toutefois généralement inquiets. Malgré une situation objectivement saine, ils craignent de devoir augmenter les impôts, et que les outils financiers mis à leur disposition ne leur permettent pas de financer convenablement leurs charges nouvelles. Le paradoxe n'est qu'apparent. Les gestionnaires locaux maîtrisent leurs risques financiers, mais peuvent avoir le sentiment d'y parvenir en renonçant à satisfaire complètement les besoins ressentis sur leur territoire. Ces changements de dimension s'accompagnent d'un foisonnement de réformes: simplification de l'architecture des concours de l'État, développement de la péréquation nationale, attribution d'impôts nouveaux aux collectivités, et surtout, réforme de la taxe professionnelle. Ce foisonnement, sans doute nécessaire à l'acte Il, s'accompagne d'incertitudes. Ce n'est qu'à l'achèvement du processus que l'inquiétude pourra être levée. Or, les incertitudes loin d’être levées sont aujourd’hui présentes et la crise amplifie les difficultés rencontrées par les collectivités pour satisfaire leurs besoins en investissement et assurer le fonctionnement des services publics ou des équipements installés. Ces difficultés sont de plusieurs ordres et leur gestion devrait avoir pour conséquence un recours plus important aux ressources fiscales.

A - L’effet des transferts Lorsque l’Etat transfère aux collectivités territoriale de des compétences exercées antérieurement, ces compétences ne sont pas exercées de la même façon et elles ont un impact bien plus important sur les budgets locaux : la compétence transférée d’abstraite devient une compétence de proximité. Elle est mise en œuvre par des élus qui doivent rendre des comptes et sur lesquels nos concitoyens peuvent exercer une pression légitime. La plus grande exigence pour satisfaire un besoin a pour conséquence que les moyens qui doivent être consacrés aux actions nécessaires sont plus importants et que les budgets des collectivités locales s'en trouvent affectés.

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B - L’attitude réservée du système bancaire Si les collectivités avaient consenti beaucoup d'efforts pour réduire leur endettement et que les caractéristiques de leur gestion, encouragés par les contrôles, leur permettait sans trop de contraintes d'un recours à l'emprunt notamment pour les investissements portant sur les générations futures, la crise actuelle, notamment celle du système bancaire, a pour effet d'inverser la situation. Le système bancaire mis en place en France était à l'origine tenue par la caisse des dépôts et consignations. La caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales, puis le crédit local de France avait une quasi-exclusivité pour prêter aux collectivités. Par la suite, l'ensemble des banques s'inscrivit dans un mécanisme concurrentiel pour financer des investissements des collectivités territoriales. Dexia s'inscrivit dans cette démarche et l'on connaît aujourd'hui la situation de cet établissement. Dans la crise traversée, Dexia s'interdit tout près classique aux collectivités et ses filiales se concentrent sur le crédit-bail immobilier ou les baux emphytéotiques administratifs qui sont des formules particulières. De même, les autres banques montrent quelques réticences à financer le secteur public. Dans ce contexte, les collectivités vont être amenées à renoncer à certains de leurs investissements car ils ne pourront plus les financer par l'emprunt ou bien elles devront aggraver une pression fiscale déjà lourde. On observe également la mise en place d'autres formules, tels que les projets urbains partenariaux qui font intervenir l'initiative privée dans les projets d'équipement incontournable des collectivités publiques.

C - L’incertitude sur les réformes La nécessité de réformes est en France en règle générale bien appréhendée. S'agissant toutefois de la fiscalité, si les ambitions sont fréquemment formulées, l'action est le plus souvent contrariée. Les échéances électorales, nationales ou locales, perturbent de manière récurrente les projets en la matière. Les quatre dernières années qui viennent de s'écouler ont vu les ambitions réformatrices se mettre en œuvre selon une méthode éprouvée pour les collectivités territoriales. Le projet de la commission Balladur a été largement discuté pour connaître un aboutissement avec la loi du 16 décembre 2010. La réforme de la taxe professionnelle a été également mise en œuvre à marche forcée et les processus sont aujourd'hui engagés. Des pans entiers de ces réformes ont cependant été contestés à la fois par l'opposition mais aussi s'agissant notamment de la réforme de la taxe professionnelle par des personnalités appartenant à la majorité actuelle : MM. RAFFARIN et JUPPE ont fait part de certaines réserves. La réforme du paysage administratif quant à elle se heurte aujourd'hui aux changements politiques intervenus au Sénat, mais elle était loin de faire l'unanimité parmi les parlementaires soutenant le gouvernement. Il faut aujourd'hui attendre les résultats des élections présidentielles et législatives pour connaître l'avenir de la loi et des institutions qu’elle a mis en place.

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Cette incertitude n'est pas sans conséquence pour les entreprises puisque l'activité se trouve ralentie au même rythme que l'activité publique, car avant une échéance qui la concerne une collectivité ne peut s'engager. C'est aussi une incertitude sur l'avenir car ce qu'une législation a mis en œuvre, une législation contraire peut le remettre en cause. Le maintien du paysage administratif français dans son état actuel aura forcément un coût.

II - LA FISCALITE LOCALE La fiscalité est un outil déterminant pour les collectivités territoriales dans la mesure où elle va déterminer, en partie, leur capacité d'action. Les dépenses des collectivités locales ont atteint 214 Md€ en 2009. Leur rythme de progression a été plus dynamique que celui de l'ensemble des dépenses publiques y compris pour les dépenses qui ne sont pas liées à des transferts de compétences. L'essentiel de cette hausse a été financée par une augmentation de la fiscalité locale. Cette dernière, qui représentait 3,6% du PIB en 1982, est passée à 6,1% du PIB en 2009, la différence étant constituée par des dotations d’État.

II.1. Un système complexe Avant d'appréhender les attentes des PME au regard de la fiscalité locale, il est indispensable de procéder à une analyse de la fiscalité locale sous l’angle de l’efficacité, sur le plan macro-économique, des bases existantes.

A - Une évolution à la hausse de la fiscalité locale qui impacte les entreprises En 2009, les différents niveaux des collectivités territoriales ont perçu 102,5 Md€1 d’impôts et taxes (82,3 Md€ en 2005). Ceux-ci, additionnés aux prélèvements nationaux et sociaux, pèsent sur la compétitivité des entreprises d’autant que le produit de la fiscalité locale est en constante augmentation. Depuis 2005, le taux de croissance annuel moyen de la fiscalité locale s’élève à 5,64% ce qui correspond sur la période 2005-2009 à une augmentation en valeur des impôts de près de 25%. Cette évolution à la hausse est confirmée également par « PME et fiscalité locale » de la CGPME. En effet, les charges globales supportées par les entreprises se sont accrues de 5% en moyenne par an entre 2008 et 2010. Or, l’enjeu est de taille pour les entreprises comme pour les collectivités. Une entreprise soumise à un impôt plus important sera amenée à réduire sa charge fiscale, ce qui conduit in fine à une perte de ressources pour les collectivités. Plus la fiscalité locale augmente, plus la charge fiscale supportée par l’entreprise augmente et moins son activité sera rentable, voire compétitive. Aujourd’hui, les critiques sont de plus en plus fortes vis-à-vis des ressources fiscales des collectivités locales. Les prélèvements obligatoires représentent 41,6 points de PIB en 2009, en hausse de près de 2 points depuis 1982. Sur cette période et cet ensemble, les prélèvements obligatoires destinés à l’État ont diminué. Dans le même temps, les prélèvements locaux se sont accrus et avoisinent les 60%.

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La progression de ce produit fiscal a pour corolaire une multiplication des impositions locales. En effet, alors qu’au début des années 80, les collectivités locales étaient financées essentiellement par les "quatre vieilles", on dénombre aujourd’hui 56 impôts et taxes dans le paysage fiscal français. Au-delà du poids de la charge globale des entreprises, cet accroissement présente l’inconvénient d’avoir des coûts d’adaptation qui varient en fonction de la taille des entreprises et sont donc proportionnellement plus élevés s’agissant des PME. Les chiffres présentés dans l'enquête "PME et fiscalité locale" indiquent que le montant moyen des charges acquitté par les entreprises moyennes (50 à 250) entre 2008 et 2010 est près de 3 fois plus grand que celui versé par les petites entreprises (10 à 50) et près de 13 fois plus élevé que celui versé par les micro-entreprises. Ainsi, cette augmentation exponentielle du montant des charges versé par les entreprises lorsqu’elles recrutent le 10ème et le 50ème salarié peut constituer un frein à leur croissance.

B - Un lien entre les dépenses et les recettes mal compris par les PME L’impôt payé par l’entreprise doit être en lien avec les services publics locaux dont elle bénéficie. Or, l’architecture actuelle des impôts locaux ne permet pas au chef d’entreprise de prendre la pleine mesure du lien entre les ressources prélevées et les dépenses engagées par les collectivités locales. Les principaux reproches formulés sont les suivants: Tout d’abord, le système de taxation local est perçu par beaucoup d’entreprises comme ayant une simple finalité budgétaire.

a) Un cas concret de système à finalité budgétaire: la TIPP Le Produit de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP), fondée essentiellement sur les recettes issues de la taxation du gazole et de l’essence, s’est élevé à 8,2 Md€ en 2008 puis en 2009, à 9,65 Md€. Elles constituent à peu près un quart de la fiscalité indirecte. C’est, avant tout, une taxe sur les transports dont le niveau est très élevé par rapport au prix de base du produit. Dans la mesure où son taux n’est pas fixé en référence à une évaluation des dommages causés à l’environnement, son impact positif sur l’environnement n’est pas ressenti comme tel par les assujettis. Cette absence de visibilité du point de vue environnemental s'est encore accrue suite aux différentes interventions législatives. Depuis la loi de finances pour 2004, une partie des recettes de la TIPP est reversée aux départements pour financer les transferts de charges résultant de la décentralisation. En 2006, l’assiette de la TIPP a été régionalisée et depuis 2007, les régions peuvent moduler le tarif de la TIPP. La loi de finances pour 2008 a également attribué aux départements une fraction de la TIPP, en sus de celle relative au RMI/RSA. Enfin, la loi de finances pour 2009 a augmenté les fractions de tarif attribuées aux régions et départements.

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b) Un système compliqué Le Produit de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP), fondée essentiellement sur les recettes issues de la taxation du gazole et de l’essence, s’est élevé à 8,2 Md€ en 2008 puis en 2009, à 9,65 Md€. Elles constituent à peu près un quart de la fiscalité indirecte. La fiscalité locale est devenue complexe à la fois en raison des règles de détermination de sa mise en œuvre (l’ancienne taxe professionnelle en est l’illustration) et de l’empilement de schémas de financement (les CCI). De plus, la structure du système fiscal n’a cessé de se compliquer sous l’effet de modifications annuelles plus ou moins importantes. En outre, chaque taxe implique comme corolaire un coût de gestion supplémentaire tant au niveau de l’administration que des entreprises et en particulier, les plus petites d’entre elles. Pour les entreprises, ce coût de gestion est intégré dans le paiement final de la taxe. S’y ajoute, le coût indirect des entreprises pour remplir leur obligation ainsi que le taux de recouvrement des collectivités ce qui accentue ce sentiment de payer plus que le service rendu. Au final, le produit de ces taxes est donc mal vécu.

c) Un ensemble illisible Outre le fait que le contribuable national peut se retrouver avec une charge supplémentaire du fait de la mise en place de dégrèvements ou d’exonérations, cette charge transférée rend le poids de la fiscalité insensible puisque celui-ci est pris en charge par l’Etat. Ce constat est renforcé par un manque de lien entre l’augmentation de la pression fiscale locale facilitée par le manque de lisibilité pour les contribuables des prélèvements locaux principalement en raison de leur « empilement ». De plus, les entreprises n’ont généralement pas conscience de payer une taxe locale. Par exemple, s'agissant de l’établissement et du paiement de la TEOM (Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères), celle-ci ne fait pas l’objet d’une imposition distincte. Elle apparaît sur l'avis de la taxe foncière. Lors du paiement, elle est incluse dans le montant global à payer. Elle peut sembler donc indolore pour l’entreprise redevable qui n’a pas le sentiment d’acquitter une taxe distincte et qui n’a pas pleinement conscience de l’augmentation éventuelle du taux.

d) Une sécurité juridique à améliorer La mise en œuvre des taxes locales peut être source d’insécurité. Par exemple, en matière de CET, les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 € doivent déposer ou télé-déclarer le formulaire 1330-CVAE. A partir de 2010, les règles de décompte des effectifs se font au lieu où la durée d’activité est la plus élevée.

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La parution d'un décret est annoncée dans les prochains mois (comme le précise l’instruction fiscale du 14 avril 2011). Or, aujourd’hui, il n’est pas publié. Les règles de calcul sont déjà complexes. Sans élément complémentaire, le retard pris ne fera qu’accentuer les erreurs des chefs d’entreprises déjà peu familiarisés à la technique fiscale. Les mêmes difficultés sont à relever en matière de TLPE.

C - Un cas concret : la réforme de la cotisation économique territoriale Le remplacement de la TP par la CET avait pour but affiché de soutenir la compétitivité des entreprises françaises. Force est de constater que si la réforme s’est traduite par la suppression de l’imposition sur les investissements productifs, il n’en demeure pas moins que des interrogations subsistent quant à l’impact de cette réforme. Compte tenu du contexte économique particulier de la réforme, l’interprétation des données recueillies concernant la CET demeure délicate. Ainsi, isoler l’impact chiffré du seul effet de cette réforme restera difficile. Ce qui semble certain, c’est que la réforme était nécessaire compte tenu de la hausse de la taxe survenue en 2008-2009. En examinant la période dans sa totalité (2008 à 2010), l’évolution qui ressort de l’enquête CGPME n’est pas homogène suivant le type d’entreprise considéré. Concernant les entreprises moyennes, la réforme a eu pour effet d’annuler la forte hausse du montant total versé de la taxe entre 2008 et 2009 (+4,8%) : la tendance s’est, en effet, retournée entre 2009 et 2010 (- 4,2%). En parallèle de cette réforme, des évolutions législatives récentes orientent la CET vers un alourdissement de la fiscalité des entreprises. Aux termes de l’article 1586 quater I bis du CGI, toute société membre d’un groupe au sens de l’article 223 A du CGI est dorénavant imposée à la CVAE à un taux correspondant au chiffre d'affaire réalisé par le groupe et non la société. Cette règle qui est applicable à compter de 2011 ne s'applique pas lorsque le chiffre d'affaire de la société "tête de groupe" bénéficie des dispositions de l’article 219, I-b du CGI, c’est-à-dire lorsque la somme du chiffre d'affaire des sociétés membres du groupe fiscal est inférieure à 7 630 000 €. Certaines PME intègrent des groupes de taille moyenne ou petite. Celles-ci peuvent donc être pénalisées, pour autant que le chiffre d'affaire des sociétés membres du groupe fiscal est supérieur à 7 630 000 €. Aussi, sous l’angle de la compétitivité des entreprises, cette mesure est-elle susceptible de pénaliser les filiales de groupes français par rapport aux filiales de groupes étrangers. De plus, depuis la loi du 29 décembre 2010, le plafonnement de la cotisation minimum a été relevé. A compter des impositions établies au titre de 2012, le plafond de la cotisation minimum demeure fixé à 2 000 euros pour les redevables dont le chiffre d'affaires ou les recettes hors taxes sont inférieurs à 100 000 euros. Dans le cas contraire, les conseils municipaux pourront établir un montant de cotisation minimum allant jusqu'à 6 000 euros.

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Cette évolution législative tendant à corriger les effets budgétaires du mécanisme antérieurement censuré aura pour principal effet de pénaliser les plus petites entreprises françaises, remettant ainsi pour partie en cause les effets positifs d’une réforme de la TP visant à accroître la compétitivité des entreprises.

II.2. Une pression fiscale allemande moins marquée qu'en France La crise économique a été le révélateur de l'absence de discipline stricte dans la conduite des politiques économiques des Etats de la zone euro. Il en est résulté de fortes tensions, les Etats ayant des trajectoires budgétaires différentes. Pour s’inscrire dans une vision globale, il convient d'analyser, voire de prendre en considération, la fiscalité locale des autres pays. Conformément aux orientations des pouvoirs publics, la CGPME a choisi de comparer les systèmes fiscaux français et allemand. Elle a souhaité mettre en lumière le fait que l'écart de compétitivité entre l'Allemagne et la France s'était creusé au détriment de cette dernière.

A - Une compétitivité allemande qui a su passer le cap de la crise Depuis de nombreuses années, la concurrence internationale s’intensifie et tous les pays perdent des parts de marché à l’exportation : l’apparition des pays émergents dans les échanges ne peut qu’intensifier cette tendance. Toutefois, le fait que la France perde des parts de marché vis-à-vis de ses voisins européens montre que notre pays fait face à un certain défaut de compétitivité. En effet, les partenaires européens sont tous soumis aux mêmes fluctuations de change ainsi qu’aux mêmes facteurs exogènes tels que les barrières non tarifaires, les normes, le protectionnisme, etc. Or, les exportations allemandes intra-européennes se sont accrues de 52,22% entre 1999 et 2009 et se sont élevées à 508,44 Md€ en 2009, tandis que sur la même période, la progression des exportations françaises intra-européennes a été nettement plus lente (+8,27%) et celles-ci ont atteint en 2009 seulement 215,95 milliards d’euros. Par ailleurs, en considérant le taux de pénétration du marché intérieur, c'est-à-dire la part de la demande intérieure satisfaite par des produits ou des services importés, on s’aperçoit que ce taux s’accroît plus rapidement en France qu’en Allemagne, pays opérant avec une même monnaie et exposé aux mêmes forces de mondialisation. Ainsi, la part des produits importés dans la demande intérieure s’est accrue de 54% entre 1995 et 2007, contre une hausse plus modérée en Allemagne (+24%). A noter également que la structure des importations est différente. L'Allemagne a réorganisé son outil de production et a délocalisé une partie de la chaîne de valeur. Elle importe pour produire. En France, pour réduire les coûts de production, les groupes français ont souvent préféré délocaliser complètement leur activité. Conséquence : les importations françaises sont destinées à la consommation. Ainsi, il est possible d’appréhender la compétitivité d’un pays, relativement à un autre, à travers sa balance extérieure de biens et services. A ce titre, en 2008, la balance extérieure des biens et services était déficitaire pour la France (-1,9% du PIB) alors qu’en Allemagne, celle-ci est largement excédentaire (+4,7% du PIB).

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Ces disparités ont de nombreuses causes dont l’une se rapporte aux différents coûts tels que les impôts locaux supportés par les entreprises françaises. Pour s’orienter vers une relocalisation de l’activité française, il convient de proposer une fiscalité locale plus pertinente.

B - Une meilleure gestion des prélèvements obligatoires allemands Il convient de noter au préalable que de nombreux prélèvements existant en France n’ont pas leur équivalent en Allemagne. Comme le précise le rapport de la Cour des Comptes, entre 2000 et 2008, le taux de prélèvements obligatoires a été ramené de 41,9% du PIB à 39,3% en Allemagne (-2,6 points), alors qu’en France, il est passé de 44,1% à 42,8% sur la même période (-1,3 point). Sur le nombre d’entreprises répertoriées, il convient de signaler également qu’en Allemagne 8 millions d’entreprises sont recensées. En France, le chiffre est de 3,7 millions. En Allemagne, le produit de l’impôt sur les entreprises est de 7 Md€ en 2009. En France, en moyenne, il est de 45 à 47 milliards en 2008 avec une forte baisse en 2009 due à la crise puisqu’il est de 19 Md€. Globalement, les prélèvements sur les entreprises en Allemagne sont moins importants. Ils ont par ailleurs subi une diminution plus nette qu'en France. Ce constat est dû aux options structurelles de chaque pays et à une priorité plus marquée en Allemagne du respect de l’équilibre budgétaire au cours des dernières années. Si l’on analyse la structure des prélèvements obligatoires par autorité locale en Allemagne, celle-ci est restée stable. En 2000 comme en 2008, les prélèvements obligatoires allemands sont affectés pour 30% aux autorités locales. A l’inverse, sur la même période, la France a subi une évolution de la fiscalité locale de 0,7 point de PIB.

C - Analyse comparative des impositions foncières (points communs/différences) Les impositions foncières des deux pays ont pour première particularité d’être très semblables au regard de leur champ d’application (l’Allemagne ne distinguant pas les propriétés bâties des propriétés non bâties). Les taxes foncières allemande et française ont a priori toutes les deux des bases vétustes et des règles complexes. Il convient néanmoins de noter que les choses sont en cours d’évolution au niveau français puisque la loi de finances pour 2011 instaure une révision des valeurs locatives. A l’inverse, entre 2002 et 2009, les recettes des taxes foncières ont explosé en France. Elles ont atteint 49,9% contre 18,1% en Allemagne. A titre d’exemple, pour 2009, les personnes morales ont acquitté à elles seules un peu plus de 12Md€7 au titre des deux taxes foncières (taxes foncières bâties et non bâties).

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II.3. Les principaux enseignements L’entreprise ne peut pas engager une stratégie de développement si le législateur ne cesse d’inclure des variables dans la fiscalité. A l’inverse, l’Allemagne a su maintenir les réformes fiscales nécessaires à son économie en dépit des alternances politiques. Dans un autre domaine, on peut citer la réforme allemande du financement de la protection sociale qui a été poursuivie malgré des changements politiques. Il apparaît, tout d’abord, que la politique de l’offre doit être privilégiée à la politique de la demande. En Allemagne, le taux de l’impôt sur les entreprises est moins élevé qu’en France. Cependant, l‘imposition des revenus y est plus importante. Ce transfert de la pression fiscale des entreprises vers les ménages garantit une meilleure compétitivité économique des entreprises allemandes au détriment des entreprises françaises. En effet, grâce à cette politique fiscale, l'Allemagne a su relever le défi de la mondialisation avec des entreprises plus offensives sur les marchés extérieurs, ce qui lui a permis de renouer avec la croissance de manière plus significative que la France. Ainsi, côté entreprises françaises, la demande est forte de s’orienter vers une diminution de la pression fiscale. De plus, les écarts à venir liés aux valeurs locatives en France risquent de peser lourdement sur les entreprises françaises en termes de compétitivité. En effet, alors que la révision des valeurs locatives est initiée en France, l’Allemagne n’a pas modifié ses bases depuis 1925. Certes, l’idée d’une refonte des taxes foncières avait été lancée en 2005, mais celle-ci n’a pas été menée à terme. Il est indiscutable que cette révision aura nécessairement un impact financier tant sur les entreprises que sur les personnes physiques.

III – LA REVISION DE LA FISCALITE LOCALE La fiscalité est un outil déterminant pour les collectivités territoriales dans la mesure où elle va déterminer, en partie, leur capacité d'action. Les dépenses des collectivités locales ont atteint 214 Md€ en 2009. Leur rythme de progression a été plus dynamique que celui de l'ensemble des dépenses publiques y compris pour les dépenses qui ne sont pas liées à des transferts de compétences. L'essentiel de cette hausse a été financée par une augmentation de la fiscalité locale. Cette dernière, qui représentait 3,6% du PIB en 1982, est passée à 6,1% du PIB en 2009, la différence étant constituée par des dotations d’État.

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III.1. Les réformes en cours Plusieurs éléments de la fiscalité locale des entreprises ou de l’urbanisme viennent de faire l’objet de révision dont il est difficile de mesurer les conséquences, faute du recul suffisant.

A - Contribution Economique Territoriale (CET) La Taxe Professionnelle (TP) reposait sur un principe complexe et économiquement absurde : «plus une entreprise investit en France, plus elle est taxée, même lorsque ses investissements ne sont pas rentables». L’existence de cette taxe représentait donc un handicap pour les entreprises françaises. Pour pallier ces lacunes et aboutir à un système de taxation calqué sur la réalité économique et la capacité contributive des entreprises, le gouvernement a engagé une réforme en 2009 qui a abouti à la suppression de la TP au profit de la CET. L’idée était de mettre en place un nouveau système de taxation qui soutiendrait l’investissement productif et répondrait enfin au problème posé, celui de l’attractivité du territoire. La CET est composée d’une Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) assise sur la valeur locative des biens passibles de taxes foncières et d’une Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) basée sur la valeur ajoutée. Cette réforme devait être bénéfique à la fois pour les entreprises (leur charge fiscale devait être réduite de 12,3 Md€ en 2010, et de 6,3 Md€ par an à compter de 2019) et pour les collectivités territoriales (puisqu’elles bénéficient de la totalité du produit de la CET et de la nouvelle imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux ainsi que du transfert d’impôts d’État). Afin de ne pas désavantager les PME, la nouvelle assiette assise sur la valeur ajoutée des entreprises est soumise à un barème progressif allant de 0 à 1,5% en fonction du chiffre d’affaires des sociétés. Pour ne pas pénaliser les entreprises qui sont imposées plus fortement, le plafonnement sur la valeur ajoutée a été maintenu et des dégrèvements ainsi qu’un lissage temporaire ont été mis en place. Si l’enquête « PME et la fiscalité locale » de la CGPME révèle que la réforme de la taxe professionnelle a eu un certain impact sur le montant versé par les entreprises (-20,1% entre 2009 et 2010), il faut noter que compte tenu du contexte économique particulier, l’interprétation des données recueillies concernant la CET s’avère délicate. L’impact du seul effet de cette réforme ne peut pas être isolé et reste donc difficilement chiffrable. En effet, les commentaires d’entreprises et fédérations adhérentes de la CGPME appuient ce constat. De plus, les évolutions législatives intervenues depuis la création de la CET compliquent le nouveau dispositif et laissent les entreprises dans une certaine insécurité juridique. Enfin, la réforme en cours de la révision des valeurs locatives pourrait accroître les critiques adressées à cette nouvelle fiscalité locale.

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Les reproches formulés à l'encontre de cette réforme conduisent à s'interroger sur l'opportunité du maintien du dispositif en l’état. Pour remplir l’objectif initialement poursuivi, • Un lissage qui doit mieux tenir compte de la nouvelle assiette intégrant la masse salariale Le projet de loi de finances 2010 a introduit un dispositif de lissage sur 5 ans pour les entreprises subissant une hausse des prélèvements en raison du remplacement de la TP par la CET. Du fait de l’impact de la mise en œuvre de la CET sur certains secteurs dont la masse salariale constitue une composante majeure pour la détermination de la valeur ajoutée, il est proposé d’allonger la durée de lissage de l’augmentation subie, de 5 ans à 10 ans. En effet, la CVAE réintègre les salaires dans la base imposable ce qui a pour conséquence de pénaliser très nettement les entreprises à forte intensité de main d’œuvre. Afin d’atténuer la hausse du coût du travail induit et de favoriser la reprise de l’emploi, il convient, pour les entreprises dont les frais de personnels représentent plus de 80%, d’allonger le dégrèvement sur 10 ans. • Modification de l’abattement sur la CVAE en faveur des petites entreprises Si, du point de vue des pouvoirs publics, la réforme favorise certaines entreprises, comme celles du secteur industriel, certaines autres (entreprises de services par exemple) figurent dans la liste des perdantes. Pour atténuer les conséquences négatives de la réforme pour ces redevables, et notamment pour les petites entreprises, un dégrèvement complémentaire de 1 000 € sur la part CVAE est applicable aux entreprises réalisant un CA inférieur à 2 000 000 €. Même si, lors de la réforme, les pouvoirs publics affichaient une charge fiscale pesant sur les entreprises globalement allégée de 4 à 5 Md€, les données remontées par certaines fédérations professionnelles indiquent que des entreprises sont toujours potentiellement perdantes. Or, à ce jour, rien ne permet d'affirmer que l’abattement de 1 000 € atténuera suffisamment l'impact financier de la réforme. Pour éviter que certaines entreprises soient lésées, il est demandé un réajustement de la mesure. La CGPME propose un rehaussement de l’abattement de 1 000 € à 1 500 €. • Le refus d'une augmentation sous couvert d’un meilleur système de péréquation La péréquation est un principe constitutionnel, inscrit au cinquième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, selon lequel « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Cet article implique que le législateur s’assure de l’existence de mécanismes péréquateurs, à finalité redistributive, afin de réduire les écarts de richesse existants entre collectivités territoriales.

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Sur ce fondement et compte tenu du risque de nouvelle localisation des richesses en raison de la nouvelle CET, les députés ont soumis une proposition de loi le 13 avril 2011 tendant à taxer les actifs financiers des entreprises pour augmenter les ressources des collectivités territoriales et renforcer la péréquation. Arguant d’une meilleure répartition des ressources entre les collectivités riches et les plus pauvres, les députés à l’origine de la proposition de loi souhaitent imposer au taux de 0,5% « l’ensemble des titres de placement et les valeurs mobilières de placement, de participation, les titres de créances négociables, les prêts à court, moyen et long terme». Or, les TPE ou PME ne thésaurisent pas. Les placements, que certaines d’entre elles ont la possibilité de réaliser, sont des provisions pour dépenses futures, d’investissement ou encore une sécurité financière pour pallier les périodes de baisse d’activité. Même si la CET est récente, cette taxe ne cesse de se compliquer sous l’effet de modification annuelles de plus en plus importantes. Ainsi, au moment où le développement économique passe par le développement des TPE-PME, la CGPME estime que cette nouvelle évolution de la CET par l’adaptation de la base porterait atteinte aux capacités de développement économique des entreprises. Or, à ce jour, rien ne permet d'affirmer que l’abattement de 1 000 € atténuera suffisamment l'impact financier de la réforme. Pour éviter que certaines entreprises soient lésées, il est demandé un réajustement de la mesure. La CGPME propose un rehaussement de l’abattement de 1 000 € à 1 500 €. • Le refus d'une augmentation sous couvert d’un meilleur système de péréquation La péréquation est un principe constitutionnel, inscrit au cinquième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, selon lequel « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Cet article implique que le législateur s’assure de l’existence de mécanismes de péréquation, à finalité redistributive, afin de réduire les écarts de richesse existants entre collectivités territoriales. Sur ce fondement et compte tenu du risque de nouvelle localisation des richesses en raison de la nouvelle CET, les députés ont soumis une proposition de loi le 13 avril 2011 tendant à taxer les actifs financiers des entreprises pour augmenter les ressources des collectivités territoriales et renforcer la péréquation. Arguant d’une meilleure répartition des ressources entre les collectivités riches et les plus pauvres, les députés à l’origine de la proposition de loi souhaitent imposer au taux de 0,5% « l’ensemble des titres de placement et les valeurs mobilières de placement, de participation, les titres de créances négociables, les prêts à court, moyen et long terme».

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Or, les TPE ou PME ne thésaurisent pas. Les placements, que certaines d’entre elles ont la possibilité de réaliser, sont des provisions pour dépenses futures, d’investissement ou encore une sécurité financière pour pallier les périodes de baisse d’activité. Même si la CET est récente, cette taxe ne cesse de se compliquer sous l’effet de modification annuelles de plus en plus importantes. Ainsi, au moment où le développement économique passe par le développement des petite et moyennes entreprises, il est à craindre que cette nouvelle évolution de la CET par l’adaptation de la base porterait atteinte aux capacités de développement économique des entreprises.

B - Taxe Locale sur la Publicité Extérieure (TLPE) Depuis 2008, la Taxe Locale sur la Publicité Extérieure (TLPE) a fait réagir de nombreux commerçants. Selon une réponse ministérielle du 8 février 2011, en 2009, 2022 communes ont perçu un produit de TLPE s’élevant à 54 528 777 €, soit une hausse de 28% par rapport à 2008. Le regroupement de plusieurs taxes (la taxe sur la publicité frappant les affiches, réclames et enseignes (TSA), la Taxe Sur les Emplacements publicitaires (TSE) et la taxe sur les véhicules publicitaires en une seule a été le prétexte d’un élargissement de l’assiette et du taux de ce nouvel impôt de Modernisation de l’Economie (LME), prévoit, pour sa mise en œuvre, que certaines dispositions doivent être complétées par un décret en Conseil d’Etat. A l’heure actuelle, le seul document de référence pour la mise en œuvre de cette taxe est une circulaire du 24 septembre 2008 qui renvoie également dans son développement au futur décret d’application. Or, le décret en Conseil d’Etat n’est toujours pas paru. La réponse du 26 août 2010 à une question ministérielle concernant les dispositions à prendre pour une application pleine de ce nouveau dispositif est que: « la TLPE, dès lors qu'une délibération régulière a été prise par la collectivité territoriale compétente, est due et peut être perçue dans les conditions de droit commun, dans la mesure où l'assujettissement d'un contribuable à la taxe résulte de conditions objectives qu'il appartient éventuellement à ce dernier de contester devant le juge judiciaire ». Cette situation n’est pas satisfaisante. De nombreuses entreprises ont donc été contraintes de supporter une augmentation significative du montant de cet impôt ; augmentation qui peut être significative. Entre 2008 et 2009, première année d’instauration de la taxe, on constate une augmentation de plus de 14,5% de la TLPE. Cette hausse est concomitante avec l’accroissement du nombre de communes qui choisissent de taxer la publicité. Les entrepreneurs peuvent également critiquer certaines dérives comme la délégation de la gestion de cette taxe à des entreprises privées alors que, selon l’article L.2333-14 du CGCT, le recouvrement de la taxe doit être opéré par les soins de l'administration de la commune.

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Ils observent également que de nombreuses communes taxent les informations apposées à l’intérieur des points de vente (Ex : une concession de voiture : l’affichage à l’intérieur des voitures) ou les supports informatifs (Ex : « Ateliers » dans une concession de voiture ou encore « service après-vente »). Cette situation a pour conséquence de laisser les entreprises dans une certaine insécurité juridique. La Confédération a également pu constater dans sa consultation, qu’entre 2009 et 2010, le produit de la taxe sur la publicité avait diminué de -7,5%. Cet effet de correction peut s’expliquer par deux effets. D’une part, les communes ont recadré leur stratégie en matière de taxe sur la publicité en tenant compte des revendications des entreprises, ayant été fortement impactées par cet impôt, ou de leurs représentants. Et d’autre part, compte tenu de la forte augmentation de cette taxe en 2008, certaines entreprises ont décidé d’être « moins visibles » en supprimant une partie de leur dispositif publicitaire, au risque de voir diminuer leur chiffre d’affaires.

C - Taxe sur les Surfaces Commerciales (TASCOM) En 2009, la TASCOM, taxe anciennement dénommée Taxe d’Aide au Commerce et à l’Artisanat (TACA) instituée par la loi du 13 juillet 1972, représentait 595 millions d’euros. Cette taxe est due par les commerces de plus de 400m² réalisant un chiffre d’affaires (CA) annuel hors taxe supérieur à 460 000€, c’est-à-dire les supermarchés, les hypermarchés et les commerces non alimentaires. Il s’agit donc principalement des commerces qui pour exercer leurs activités doivent bénéficier d’une surface importante : garages, ameublement… En outre, lorsque la surface cumulée des établissements exploités sous une même enseigne commerciale est supérieure à 4000m², tous les magasins de l’enseigne, même ceux ayant une surface inférieure à 400m², sont assujettis à la TASCOM. Il n’est donc plus envisageable de faire une déclaration et un paiement unique. Néanmoins, une récente décision du Conseil Constitutionnel du 18 octobre 2010 a permis aux réseaux de franchises de ne pas être concernés par cette nouvelle disposition de la Loi de Modernisation de l’Economie (LME). Le montant de la cotisation est déterminé en fonction d’un tarif qui varie selon le CA annuel au m², la superficie et l’activité du commerce. Actuellement, les tarifs de cette taxe évoluent entre 5,74€/m² et 35,70€/m². Certains établissements bénéficient de réductions de taux allant de 20 à 30% notamment ceux dont l’activité requiert des superficies de vente anormalement importantes. A l’inverse, les entreprises dont la superficie est supérieure à 5 000m² et dont le CA annuel hors taxe est supérieur à 3 000€/m² subissent une majoration de taux de 30%. Son recouvrement était auparavant assuré par la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants (CNRSI). Depuis 2010, les Services des Impôts des Entreprises (SIE) de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) sont compétents en la matière.

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Dans le cadre du transfert du recouvrement de la TASCOM, le dépôt d’une déclaration modèle n°3350, accompagnée éventuellement de l’annexe n°3350 A, par les redevables est prévue. Chaque établissement redevable doit déposer cette déclaration accompagnée obligatoirement du paiement avant le 15 juin 2011 auprès du Services des Impôts des Entreprises (SIE) dans le ressort duquel il est situé géographiquement. Suite de la réforme de la taxe professionnelle, la loi de finances pour 2010 attribue désormais le produit de cet impôt aux communes et aux Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI). Ces derniers auront la possibilité d'appliquer un coefficient multiplicateur à la TASCOM compris entre 0,8 et 1,2. En effet, le décret du 31 août 2010 précise que ces collectivités devront faire connaître leurs décisions relatives au coefficient multiplicateur avant le 1er octobre 2011, pour une application de la taxe en 2012. Enfin, l’article 15 de la Loi de Modernisation de l’Agriculture et de la Pêche (LMAP) du 27 juillet 2010 prévoit une taxe additionnelle à la TASCOM. Seront soumises à cette nouvelle taxe les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée qui satisfont aux conditions suivantes : - elles achètent et revendent en l'état ou après conditionnement à des personnes autres que des personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, agissant en tant que telles, des pommes de terre, des bananes et des fruits ou des légumes mentionnés à la partie IX de l'annexe I au règlement (CE) n° 1234 / 2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur ; - elles ne sont pas parties à des accords de modération des marges de distribution des fruits et légumes frais mentionnés à l'article L. 611-4-1 du code rural et de la pêche maritime. » A compter de 2011, l’imprimé 3350 permettra également de déclarer cette taxe additionnelle prévue à l’article 302bis ZA du Code Général des Impôts (CGI). Actuellement, seule une partie des fonds perçus de la TASCOM (15% dans la limite d’un plafond de 100 millions d’euros) sert au financement du Fonds d’Intervention pour les Services, l’Artisanat et le Commerce (FISAC).

III.2. Une fiscalité environnementale locale qui prend en compte les capacités contributives Plusieurs éléments de la fiscalité locale des entreprises ou de l’urbanisme viennent de faire l’objet de révision dont il est difficile de mesurer les conséquences, faute du recul suffisant.

A - Taxe d'Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) La TEOM a pour objectif de pourvoir aux dépenses des services d'enlèvement des ordures ménagères (collecte et traitement). Son mode de prélèvement et de calcul fait l’objet de quelques singularités : elle est calculée sur la même base que la taxe foncière sur les propriétés bâties et reste indépendante du volume des ordures présenté à la collecte.

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En masses financières, cette taxe constitue l’une des impositions directes locales les plus importantes. Parallèlement à son poids, le produit de la TEOM a augmenté de 63% entre 2001 et 2008. Sur la période la plus récente, cette augmentation est même de plus en plus importante (avec une moyenne de + 8,6% par an sur les 25 dernières années. En 2009, elle représente 5,39 Md€, 11 après 5,03 en 2008. Ces chiffres officiels sont confirmés par les résultats de l’enquête CGPME. La TEOM est devenue de plus en plus prégnante sur l’activité des PME. Entre 2008 et 2009, les entreprises ont vu le montant de TEOM fortement s’accroître (+23,6%). Malgré le retournement de tendance entre 2009 et 2010 (-7,3%), le montant de TEOM versé par les entreprises en 2010 est 1,15 plus élevé qu’en 2008. La Confédération attire l’attention sur le fait que la mise en place du dispositif expérimental a pu jouer un rôle dans cette diminution. Cela étant, 13% des entreprises interrogées considèrent que les taxes foncières font partie des impôts qui pèsent le plus sur leur activité. Les dispositions, qui pourraient renforcer le lien entre les coûts des entreprises et les services locaux rendus, sont peu utilisées ou insuffisantes. Il conviendrait notamment de prendre en compte l’importance du service rendu à l’usager ou la présence sur le territoire d’un système d’élimination des déchets. Pour renforcer le lien entre le coût du service rendu et le volume collecté et la rendre plus incitative, Il conviendrait de modifier l’assiette de la TEOM pour qu’elle prenne automatiquement en compte le volume des déchets collectés. L’article 1521 du CGI précise que les entreprises sont exonérées du paiement de la TEOM si le local est situé dans une zone où le service n'est pas assuré. Toutefois, l’article 1521 III-4 du CGI précise que les communes ou leurs groupements peuvent déroger, sur délibération, à l’exonération de la TEOM. Cette disposition n’est pas acceptable pour les entreprises où la taxe est perçue alors même que le service d'enlèvement des ordures ne fonctionne pas. Il serait souhaitable d’exonérer de plein droit, sans possibilité de remise en cause par une décision contraire, les locaux situés dans les zones où le service d'enlèvement des ordures ne fonctionne pas.

B - Le versement transport Le Versement Transport (VT) est un impôt local obligatoire en Ile-de-France mais facultatif dans le reste du pays. Il s’applique sur tous les salaires versés par les entreprises employant plus de neuf salariés. Il est destiné au financement des transports en commun. Cette taxe est perçue par les communes, les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPIC) ou les syndicats mixtes compétents pour l’organisation des transports publics urbains. Le financement des transports publics repose en grande partie sur le versement transport acquitté par les entreprises. En 2008, le VT a rapporté 5,97 Md d’euros (en 2009 il a représenté 5,95 Md€).

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Les recettes fiscales liées au VT font l’objet de nombreuses critiques de la part des PME notamment quant au poids supporté par la masse salariale des entreprises, à sa répartition hétérogène sur le territoire et à un manque de transparence dans le service proposé. Ce point a été souligné lors des Assises de la simplification du 29 avril 2011: "les entreprises qui doivent d'elles-mêmes acquitter la contribution au taux en vigueur commettent souvent des erreurs, en raison de l'absence de coordination dans la mise à disposition des informations, ce qui conduit à des redressements en cas de contrôle ou à des modifications non prévues des versements et à des surcoûts non prévus". En conséquence, sur le plan de l’efficacité, ce prélèvement présente de nombreux inconvénients puisqu’il pèse sur le coût du travail et qu’il génère une forme d’inégalité.

Conclusion Les règles fiscales locales génèrent deux critiques majeures : soit elles sont fondées mais les entreprises n'en comprennent pas la finalité en raison de leur complexité, soit elles entraînent des abus et des disparités au détriment des entreprises. Ainsi, plutôt que d'empiler des réformes successives à un système déjà complexe, il conviendrait de réduire dans sa globalité le niveau des prélèvements obligatoires qui constituent de véritables freins au développement des entreprises. Il aurait été souhaitable que les pouvoirs publics aient l'opportunité d'engager une plus vaste réforme, non seulement de la taxe professionnelle, mais de la fiscalité locale dans son ensemble, notamment à travers une spécialisation des impôts par type de collectivité. Concernant la CET, s'il est trop tôt pour évaluer la portée de la réforme sur l'ensemble des entreprises, le cadre actuel révèle des difficultés auxquelles il est souhaitable de remédier dès à présent, sous l'angle d'une simplification accrue et d'une sécurité juridique renforcée. La révision des valeurs locatives des locaux commerciaux engagée depuis le 1er janvier 2011, risque, à terme, de limiter voire de supprimer les effets positifs annoncés par le gouvernement. La réforme de la fiscalité locale doit sans doute être poursuivie ; les pouvoirs publics devront certainement laisser produire leurs effets aux changements occasionnés par cette première vague de réforme. Ils devront surtout inscrire les projets futurs dans un mouvement plus profond de réforme du paysage administratif français ; les premières bases ont été jetées par la loi du 16 décembre 2010, dont l’application prochaine soulève déjà nombre de critiques de la part des élus notamment. Faute d’une ambition réelle assortie d’un volontarisme politique certain, ces réformes ne produiront pas les effets espérés.

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.Table des matières

PROPOS INTRODUCTIFS ......................................................................................... p. 4 Alain LE POMMELEC, Maître de conférences de droit privé, Université d'Auvergne Responsable du Master 2 Droit et fiscalité de l’entreprise

FAUT-IL SUPPRIMER LES NICHES FISCALES ET LES NICHES SOCIALES ? ................................................................................... p. 7 Jean-Luc ALBERT, Professeur de droit public à l'Université d'Auvergne Clermont 1

I - UNE REMISE EN CAUSE PARTIELLE A - Une contestation juridique limitée B - Une interrogation générale

II - UNE CORRECTION INDISPENSABLE A - Les instruments d’adaptation B - Le retour de certaines politiques ciblées Conclusion

FRAUDE, EVASION ET POLITIQUE FISCALE INTERNATIONALES ............ p. 18 Lukasz STANKIEWICZ, Maître de conférences de droit public à Université Jean Moulin Lyon 3 Centre d’Etudes et de Recherches Financières et Fiscales (CERFF)

I - REPENSER NOS STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L’EVASION FISCALES INTERNATIONALES ?

A - Une frontière floue entre les notions de fraude et d’évasion fiscales internationales B - Un activisme normatif récent dont l’efficacité reste à démontrer

II - REPENSER NOTRE POLITIQUE FISCALE INTERNATIONALE ? A - Repenser la territorialité de l’imposition des bénéfices ? B - Repenser les prix de transfert ?

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FISCALITE DE L’IMMOBILIER PROFESSIONNEL ET DEMEMBREMENT ........................................................................................... p. 27 Me Marc AMBLARD, Avocat au barreau de Clermont-Ferrand, Cabinet Amblard - Chamalières & Paris - www.amblard-avocats.fr Maître de conférences à l’Université de Provence (Aix en Provence)

I - L’UNICITE PATRIMONIALE II - LA DISSOCIATION CONVENTIONNELLE ET SES LIMITES III - LA SOLUTION DU DEMEMBREMENT Conclusion

FINANCES LOCALES, DECENTRALISATION, FISCALITE LOCALE DES ENTREPRISES ............................................................ p. 31 Gérard VERRIER, Maître de conférences associé de droit public, Université d'Auvergne Clermont 1 Directeur Général des Services

Introduction I – LE SYSTEME DE FINANCEMENT DES COLLECTIVITES LOCALES I.1. Un système complexe

A - Les ressources fiscales B - Les concours de l’Etat C - Les concours d’autres collectivités D - Les recettes tarifaires ou patrimoniales E - L’emprunt

I.2. Un système qui se dégrade A - L’effet des transferts B - L’attitude réservée du système bancaire C - L’incertitude sur les réformes

II – LA FISCALITE LOCALE II.1. Un système complexe

A - Une évolution à la hausse de la fiscalité locale qui impacte les entreprises B - Un lien entre les dépenses et les recettes mal compris par les PME C - Un cas concret : la réforme de la cotisation économique territoriale

II.2. Une pression fiscale allemande moins marquée qu'en France A - Une compétitivité allemande qui a su passer le cap de la crise B - Une meilleure gestion des prélèvements obligatoires allemands C - Analyse comparative des impositions foncières (points communs/différences)

II. 3. Les principaux enseignements

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III – LA REVISION DE LA FISCALITE LOCALE III.1. Les réformes en cours

A - Contribution Economique Territoriale (CET) B - Taxe Locale sur la Publicité Extérieure (TLPE) C - Taxe sur les Surfaces Commerciales (TASCOM)

III.2. Une fiscalité environnementale locale qui prend en compte les capacités contributives A - Taxe d'Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) B - Le versement transport

Conclusion

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MENTIONS LEGALES

La Revue (Centre Michel de l'Hospital) ISSN 2273-872X

éditeur Centre Michel de l'Hospital CMH EA 4232

Ecole de Droit-Univ. d'Auvergne 41 boulevard F. Mitterrand

CS 20054 63002 CLERMONT-FERRAND Cedex 1

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directeur de la publication Ch-André DUBREUIL, Professeur de droit public, Directeur du Centre Michel de l'Hospital CMH EA 4232

rédacteur Alain LE POMMELEC, Maître de conférences de droit privé, Centre Michel de l'Hospital CMH EA 4232

parution n°4, avril 2013