19
REGARDS SUR LE D]~VELOPPEMENT Ri~CENT DE THEORIE DU RISQUE Conf@rencesur le th@me no I P. THYRION Bruxelles LA Trois traits caract@risent, me semble-t-il, le d@veloppement r@cent de la th@orie du risque et influencent donc l'expos@ dont notre Pr@sident m'a charg@, avec une amabilit@ tellement pressante que je n'ai pu m'y d@rober. Le temps n'est plus oh l'on pouvait d@plorer un manque d'int@r~t des actuaires pour la th@orie du risque: tel est le trait le plus imm~diatement @vident. ASTIN y a certainement contribu@. Le cercle restreint d'adeptes -- dirais-je d'initi@s -- a @clat@. Les id@es traversent les fronti~res et m~me roc@an. Ce faisant, elles s'enrichis- sent au passage, se g@n@rMisent, ou bien encore rencontrent une id@e-soeur qui leur ressemble parfois comme une jumelle mais porte un autre nom. On voit les id@es ,,revues" se heurter ~ des conceptions rajeunissantes. On volt aussi les n~cessit@s pratiques infl@chir la th~orie. Bref il se produit un veritable bouillonnement de recherches et d'applications, des plus heureux pour la th~orie du risque, mais des plus p@nibles pour le conf~rencier qui voudrait en cerner convenablement l'@volution. Pour ce faire, l'ampleur et la diversit@ des publications exigeraient un professionnel en la marl@re, disposant du temps voulu pour s'informer compl@tement. Ce n'est pas mon cas et cela explique -- et excusera, je l'esp@re -- le cadre d@lib@r@ment restreint de mon expos@. Car je n'ai pas l'intention de suivre la th@orie dans ses multiples d@marches r~centes et dans tous ses perfectionnements les plus subtils. Je vous propose plut6t de jeter quelques regards sur le d@veloppement r@cent de la th@orie du risque et ain~i de tenter de d@gager et d'illustrer quelques id6es essentielles sur cette @volution et d'essayer d'entrevoir son d@roulement futur. Telles sont les limites de mon objectif. La th@orie du risque est n@e sous le signe ,,individuel". Puis la

regards sur le developpement recent de theorie du risque la

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

REGARDS SUR LE D]~VELOPPEMENT Ri~CENT DE TH EO RIE DU RISQUE Conf@rence sur le th@me no I

P. THYRION Bruxelles

LA

Trois traits caract@risent, me semble-t-il, le d@veloppement r@cent de la th@orie du risque et influencent donc l'expos@ dont notre Pr@sident m'a charg@, avec une amabilit@ tellement pressante que je n'ai pu m'y d@rober.

Le temps n'est plus oh l 'on pouvait d@plorer un manque d'int@r~t des actuaires pour la th@orie du risque: tel est le trait le plus imm~diatement @vident. ASTIN y a certainement contribu@. Le cercle restreint d'adeptes - - dirais-je d'initi@s - - a @clat@. Les id@es traversent les fronti~res et m~me roc@an. Ce faisant, elles s'enrichis- sent au passage, se g@n@rMisent, ou bien encore rencontrent une id@e-soeur qui leur ressemble parfois comme une jumelle mais porte un autre nom. On voit les id@es ,,revues" se heurter ~ des conceptions rajeunissantes. On volt aussi les n~cessit@s pratiques infl@chir la th~orie. Bref il se produit un veritable bouillonnement de recherches et d'applications, des plus heureux pour la th~orie du risque, mais des plus p@nibles pour le conf~rencier qui voudrait en cerner convenablement l'@volution. Pour ce faire, l 'ampleur et la diversit@ des publications exigeraient un professionnel en la marl@re, disposant du temps voulu pour s'informer compl@tement. Ce n'est pas mon cas et cela explique - - et excusera, je l'esp@re - - le cadre d@lib@r@ment restreint de mon expos@. Car je n'ai pas l ' intention de suivre la th@orie dans ses multiples d@marches r~centes et dans tous ses perfectionnements les plus subtils. Je vous propose plut6t de jeter quelques regards sur le d@veloppement r@cent de la th@orie du risque et ain~i de tenter de d@gager et d'illustrer quelques id6es essentielles sur cette @volution et d'essayer d'entrevoir son d@roulement futur. Telles sont les limites de mon objectif.

La th@orie du risque est n@e sous le signe ,,individuel". Puis la

Page 2: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

88 D1~VELOPPEMENT RECENT DE LA THEORIE DU RISQUE

conception ,,collective" vint la revigorer puissamment. Mais il faut objectivement reconnaltre que cela s'est fait, parfois et par- tiellement tout au moins, comme une sorte de traction contre la conception ,,individuelle". Cette esp~ce d'antagonisme entre les deux conceptions s'est effacE: tel est le deuxi~me trait caract~ris- tique de l'rvolution. Les divers concepts se sont fondus dans la throrie plus grn6rale des processus stochastiques et plus particu- li~rement des processus stochastiques discontinus. Les pionniers les plus 6clair6s de la throrie collective du risque avaient eux- m~mes annonc6 cette 6volution. Elle n'enl~ve d'ailleurs rien l'intrr~t des schemas mathrmatiques qui se sont ddifirs sous l'un ou l 'autre vocable; bien au contraire, elle les enrichit.

Le principal trait caract6ristique me paralt ~tre le troisi~me: c'est une extension - - ou tout au moins l 'amorce d'une extension - - de la I~otion m~me de throrie du risque et par consdquent des objectifs qu'elle poursuit. Je reviendrai plus amplement sur ce trait tout ~ l'heure car il me dicte mon plan. Je consacrerai la premiere pattie de mon expos6 ~ l'6volution rrcente de la th~orie du risque dans son acception classique. Dans une seconde pattie, i 'aborderai l'6volution de la notion m~me de throrie du risque.

I. EVOLUTION DE LA THI~ORIE CLASSIQUE DU RISQUE

I. I. Une formule d~jA ancienne drfinit l 'acception classique de la thdorie du risque par son objet qui est l 'analyse mathrmatique des fluctuations alratoires dans les oprrations d'assurance et r r t ude des moyens de parer aux inconvrnients qui en drcoulent. Sous cette acception, une bonne partie des travaux sur la throrie du risque se rangent d'une mani~re un peu simpliste en deux grandes classes: l ' r tude du probl~me de la ruine et l ' r tude de certaines fonctions de rrpartition n~cessaires pour analyser les fluctuations al6atoires d'une oprration d'assurance.

Quel que soit l 'intrr~t que suscite toujours le probl~me de la ruine, par exemple dans la question bien actuelle des marges de solvabilitr, on observe cependant que le centre de gravit6 des recherches rrcentes s'est d~plac6 du probl~me de la ruine vers l ' r tude des fonctions de rrpartition.

On observe aussi que ees recherches constituent un effort ininter-

Page 3: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

D~VELOPPEMENT R]~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE 89

rompu pour adapter les sch4mas th4oriques ~t la complexit4 des ph4nom~nes r4els, c'est-~-dire aux exigences pratiques.

Cet effort d 'adaptat ion rev~t trois aspects:

- - g4n4ralisation de sch4mas anciens et de leurs propri4t4s; - - i n f l u e n c e sur les recherches, des probl~mes soulev4s par la

r4assurance; - - recours ~t des outils nouveaux.

I. 2. On peut illustrer le premier aspect en consid4rant tout d 'abord la plus importante des fonctions de r4partition, celle du cofit total des sinistres frappant un risque ou un ensemble de risques pendant un intervalle de temps d4termin4. Cette variable d4pend de la variable ,,nombre de sinistres survenus pendant cet intervalle de temps" et de la variable ,,cofit d 'un sinistre si l'on sait qu'il est survenu".

L'4volution dans le temps de la variable X (t) ,,cofit total des sinistres" se repr4sente graphiquement par un escalier doublement

X (t)

Y~-

N (t)

Fig. x

Page 4: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

9 ° D~VELOPPEMENT R1~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE

al~atoire, par le nombre N (t) de ses marches et par la hauteur Y de chacune d'elles. Cela revient ~ consid~rer X (t) comme la somme d 'un nombre al~atoire de variables al~atoires. On a sugg~r6 ~gale- ment de traiter X (t) comme le produit de deux variables al~atoires, le nombre de sinistres et le coflt moyen de chacun cl'entre eux; mais il est clair que dans ce cas les deux variables de base ne sont j amais ind~pendantes.

Je me propose plut6t d'inscrire quelques recherches r~centes sur la fonction de r~partifion de X (t), dans le chapitre du calcul des probabiht~s qui traite de la transformation des fonctions de r~par- tition ou bien de la transformation des fonctions caract~ristiques.

On sait que la propri~t~ fondamentale de transformation s'~nonce comme suit:

si S (x; k) est une fonction mesurable de k, qui pour toute valeur de X est une fonction de r~partition en x, et si U (X) est une fonction de r~partition quelconque,

alorsF (x) = f S (x; X) dU IX) est aussi une fonction de r~partition. - a o + ~

Autrement dit, si z ( u ; k ) = f e*u*d,S(x;X) est la fonction - o 0

caract~ristique de la variable (x ] X) dont la fonction de r~partition est S (x; X)pour toute valeur de X, alors

z x (u) = ~= z (u;x) dU(x)

est aussi une fonction caract6ristique.

En la consid6rant sous cette forme, on dira que F est une loi S compos~e par la fonction de structure U: c'est, si l'on veut, une moyenne pond6r6e sur X de lois S (x; ;~). S peut, par exemple, ~tre la loi de probabilit6 d'une variable enti~re non n6gative; le cas le plus connu parmi les actuaires est certainement la loi de Poisson compos6e.

Un autre cas int6ressant est celui oh S (x; X) -~ SX(x), S (x) 6tant une loi de r~partition quelconque et ~ ~tant > o quelconque. On

obtient la loi F (x) = J" SX(x) dU(k) dont nous rencontrerons une 0

application tout ~ l'heure. Mais le cas qui nous int6resse parti- culi~rement est celui oh X est une variable enti~re non n6gative

Page 5: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

D~VELOPPEMENT RECENT DE LA THEORIE DU RISQUE 9 z

que nous noterons alors N et oh S (x; n) = S , * ( x ) , convolute d'ordre n de S (x) avec elle-m~me. D~finissons la loi de probabilit~

de N par prob ( N - ~ n ) - ~ P n avec ~ P n = I n - 0

On a alors F(x) -~ ~ P n • Sn*(x) n u 0

ou bien zx (u ) = ~ P n . z~(u) = gN[z(u)] ¢lmO

si glv(z) = X P n • zn ([zl ~ I) est la fonction g~n~ratrice de N. m - 0

Cette loi est pr6cis~ment celle de la variable X (t) d6finie ci-dessus dans l'hypoth~se oh les variables N et Y sont stochastiquement ind6pendantes et oh les variables Y successives sont elles-mSmes stochastiquement inddpendantes et identiques. Nous appellerons X (t) une variable N g6n6ralis6e par la g6n6ralisante Y dont la fonction caract6ristique est z (u); la g6n6ralisation signifie con- cr~tement que la hauteur des marches de l'escalier, au lieu d'etre uniform6ment unitaire, est r~gie par les valeurs prises successive- ment par la variable al~atoire Y.

Dans le cas oh Y est elle-m~me enti~re non negative, il est clair que X l'est aussi et nous dirons alors que X ob6it ~t une loi N par grappes Y, le mot ,,grappes" concr6tisant le fait que la hauteur des marches est toujours un hombre entier. La transformation se traduit alors, ~t l'aide des fonctions g~n~ratrices respectives des 3 variables, par

gx(z ) = gN[gr(z)]

I. 3. L'~volution des recherches sur X (t) se traduit par la succession des hypotheses faites sur la nature des lois de probabilit~ des deux variables de base. En ce qui concerne la variable N on peut les rdsumer en disant qu'un tr~s grand nombre de lois com- posses ou par grappes ont ~t~ largement explor~es. Je ne compte pas m'engager - - pour ne pas risquer de m 'y perdre - - dans tous les m~andres de ces recherches, d 'autant plus qu'il m'a dt~ donne d'en ddcrire quelques-uns lors du precedent colloque A Trieste. Je pr~f~re illustrer par deux exemples les constatations suivantes:

Page 6: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

9 2 DI~VELOPPEMENT RECENT DE LA THEORIE DU RISQUE

- - en premier lieu, une bonne partie des travaux r6cents aboutit une large g6n6ralisation de propri6t6s d6montr6es tout

d'abord ~ l'occasion d'6tudes sur la th6orie collective du risque dans sa forme premiere, c'est-~-dire avec la variable N ob6issant ~t une loi de Poisson pure; les rdsultats ont, comme c'est souvent le cas, progress6 pas £ pas, de cas particulier en cas un peu plus g6n6ral pour atteindre finalement une forme que l'on qualifie- rait volontiers de d6finitive si ron n'avait appris ~ rester prudent en cette mati~re;

- - ell second lieu, ainsi qu'il est assez courant en math6matique, plus les propri6t6s consid6r~es prennent une forme g6n6rale, plus leur d6monstration apparait simple dans son id6e fonda- mentale et plus il semble 6vident, par des raisonnements heuristiques, qu'il devait bien en ~tre ainsi.

Voyons-en un exemple.

I. 4. Un des premiers am~nagements des hypotheses fondamen- tales a ~t6 de consid6rer le cas off la loi de probabilit6 de la variable Y, coflt d 'un sinistre, d6pend de l ' instant ~ oh survient le sinistre. Les diverses variables Y (,) successives ne sont donc plus identiques. Notons z (u; v) la f.c. de la variable Y (v), coflt d 'un sinistre surve- nant ~ l ' instant v. Le r6sultat d6finitif obtenu A cet 6gard est le suivant : si la loi de probabilit6 du nombre de sinistres intervenant dans la variable X (t) est une loi de Poisson compos6e au sens

f (xt)- . . . . . restreint, c'est-~-dire une loi de la forme P (n ; t) = e-Xt ~ atJ(^),

0

U(X) ~tant une loi de r6partition quelconque d'une variable non n6gative X et ne d6pendant pas du temps, alors on peut rem- placer les variables Y (v) successives par une variable moyenne

Yt ne d6pendant plus de z et dont la f.c. est donn~e par l

.f z(u; ~) d ~ (i) I (u; t) = 0

On est arriv6 finalement ~t cette propri~t6 fort g6n6rale par diverses extensions successives de la propri6t~ initiale qui avait ~t6 d~mon- tr6e dans la th~orie collective du risque pour le cas oCa N ob6issait

Page 7: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

DI~VELOPPEMENT RI~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE 93

une loi de Poisson pure. Si l'on r~fl~chit quelque peu sur la signification de la formule (I), on se convainc facilement que cette propfi~t~ devait s'appliquer ~ toute loi de Poisson composde. En

effet, il est conforme au bon sens de considdrer la variable Yt comme une variable Y(z) composde par le param~tre ~, car on ne voit pas bien ce qu'elle pourrait ~tre d 'autre; donc on peut ~crire en toute g~n~ralitd sa fonction caract~ristique par la transformation

(u; t ) = S z (u; d @

V (,) 6rant la fonction de r6partition de ~ dans l'intervalle (o; t). Toute la question revient ~ d6terminer V (,). Or, consid6rons pour ~tre bref le cas d 'un seul sinistre survenu pendant l'intervalle (o; t). Si le nombre de sinistres ob6it ~ n'importe quelle loi de Poisson compos6e au sens restreint et si l 'on sait qu'un sinistre est survenu dans l'intervalle (o, t), on voit ais6ment par les probabilit6s a posteriori que ce sinistre est survenu au hasard entre o e t t . Doric la variable • a comme fonction de fr6quence d V (,) = I/ t d ,:. D~s lors on retrouve ainsi par un raisonnement heuristique la formule d6montr6e rigoureusement par ailleurs.

I. 5. Le sch6ma fondamental de la th6orie collective du risque suppose que la loi Pn est une loi de Poisson dont la fonction g6n6- ratrice est g ( z ) = e xt(~-l) si Xt est le param~tre de la loi de Poisson. D~s lors, la fonction caract6ristique z x (u) prend la forme z x (u)-~ eXt [z (U)--I] (2). La fonction de r6partition qui corres- pond A (2) a ~t6 largement 6tudi6e dans la th60rie collective du risque, au regard notamment de la probabilit~ de ruine et des expressions approch6es ou asymptotiques.

Lorsque le sch6ma initial s'est transform6, par l'utilisation de lois plus ad6quates aux r6sultats d'exp6rience que la loi de Poisson, il a naturellement paru intdressant de rechercher les sch6mas qui pouvaient se ramener ~ la fonction caract6ristique du type simple (2) et b6n6ficier ainsi des nombreuses ~tudes dont elle a 6t6 l'objet. En cette matibre ~galement, on a obtenu des r6sultats g6n6raux qui se d6montrent sans plus de difficult6 que les cas particuliers qui y ont finalement conduit et qui s'expliquent ais6ment par des raisonnements heuristiques.

Page 8: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

94 D~VELOPPEMENT RI~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE

I1 a 6t6 rappel~ plus hau t que la variable N (t) qui ob6irait une dis t r ibut ion de Poisson par grappes, con juguan t

- - u n e loi de probabil i t6 de Poisson de param~tre ~ t pour le nombre de grappes ou lots de sinistres;

- - u n e loi P t ( k = x, 2 . . . . ; ~ Pk = I) quelconque pour le ] k - I

nombre de sinistres dans une grappe,

aurai t comme fonct ion g~n~ratrice

gN(Z) = e~e tg~ (*)-x] . c o

avec gK(z) = Z p~ . z ~, fonct ion g~n~ratrice de K.

La fonct ion caract~ris t ique de la variable X (t) qui y correspondrai t s 'ob t iendra i t en y rempla~ant z par z (u), fonct ion caract~ris t ique de la variable Y e t s '~crirait donc

z x ( u ) = exp. {Xt[gK(z(u)) - - I]} ou encore

z x ( u ) = e xt [z, (u)-x]

en posant zl ( u ) = gK[z (u)], car zl (u) est toujours la fonct ion caract~rist ique d 'une var iable Yt, en ve r tu de la propri~t~ de t rans format ion rappel~e plus haut .

I1 est doric clair que ce cas se ram~ne ~galement ~ la fonct ion caract~rist ique canonique de la th~orie col lect ive du risque darts sa version premiere.

Cette propri~t~ appara l t tout-k-fai t intui t ive, dans tou te sa g~n~ralit6, si l 'on consid~re l 'escalier al~atoire concr~tisant X (t). Si la loi du nombre de sinistres est une loi de Poisson par grappes, cet escalier a un hombre de marches r6gi par une loi de Poisson pure, tandis que la hau teu r de chacune d ' en t re elles est un nombre al6atoire k de variables al~atoires Y.

I1 est clair que cela doit revenir au mSme de consid6rer que la hau teu r de chacune des marches est d6finie par une seule var iable al6atoire Yx, r6sul tante des k variables Y. D6pouill6e de tou t son appareil ma th6mat ique et r6duite A son axe principal, ce t te pro- pri6t6 se ram~ne A cet te cons ta ta t ion for t simple. Or elle est l 'abou- t issement de nombreux t r a v a u x dans lesquels on a montr6 succes-

Page 9: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

DI~VELOPPEMENT Ri~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE 95

sivement que diverses lois de Poisson compos6es, al lant de la loi binomiale n6gative tt d 'autres de plus en plus compliqu6es, per- met ta ien t de ramener la fonction caract6ristique de la variable X (t) tt la forme simple donn6e en (2). An fond c'est paree que ces diverses lois pouvaient ~tre interpr~t6es comme des lois de Poisson par grappes que la dite t ransformat ion 6tait possible et non paree que ces lois 6taient des lois de Poisson compos6es. Mais en fait on a constat6 6galement que l 'on pouvait in te rpr t te r comme lois de

x (t)

Yll t Y ---~/

Y1 Y---> k

Y

Y

' 0 "

(Loi de Poisson) Fig. 2

Poisson par grappes une tr~s vaste famille de lois de Poisson compos~es dont la forme canonique est la suivante:

P (o; t) = e0¢t)

t n P (n; t) = (-- ~)" ~ pc-) (o; t)

avee 0(o) = o 0 (t) inddfiniment d6rivable et telle que (--I)nO¢ n) ( t ) > o

pour tout n > I.

Page 10: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

9 6 D~VELOPPEMENT RI~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE

Je n'ai d61ib6rement pas choisi ces deux exemples parmi les plus compliqu6s. Mais on en trouverait ais6ment d 'autres plus complexes qui confirmeraient combien il est utile de d6pouiller les r6sultats de leur gangue math6matique parfois bien lourde, pour en extraire les id6es fondamentales qui sont assez souvent simples.

I. 6. A c6t~ de recherches sur la forme analytique de la loi de r6partition de X (t), les n6cessit~s pratiques ont stimul6 l '6tude des m6thodes approch6es de calcul num6rique de cette fonction de rdpartition. A cet ~gard, on constate 6galement une g6n6rali- sation de r6sultats ant6rieurs. La th6orie collective du risque avait propos6, il y a longtemps d6j&, une m~thode de calcul approch6 de F (x; t) pour le cas oh le nombre de sinistres ob6issait ~ une loi de Poisson. Cette m6thode faisait appel A la fonction de r6partition

auxiliaire/7 (x; t) d6finie par

e ax dF(x ;t) dF(x ;t) -- ®

e ax dF(x ;t) Q

l'int6grale au d6nominateur 6rant convergente pour toute valeur r6elle de h darts l'intervalle - - H 1 < h < H2.

L'id6e fondamentale de la m6thode 6tait que le d6veloppement en s6rie de Edgeworth s'appliquait mieux ~t la fonction auxiliaire

/Y qu'~ la distribution de Poisson gdn6ralis6e initiale F. Cette m6thode avait 6t6 dtendue au cas oh le nombre de sinistres

ob6issait ~ la loi binomiale n6gative. En fair il a 6t6 montr6 r6cemment que sous des conditions trbs g6n6rales cette m6thode est applicable & des fonctions de r6partition quelconques dont on connait la fonction caract6ristique.

Les estimations num~riques de F (x; t) se basent sur une appro-

ximation ad6quate de F (x, t), fondde sur ses propri6t6s asympto- tiques et tenant compte notamment de la r6gion oh il est spdciale- ment important d'obtenir la meilleure pr6cision pour F.

Une autre m~thode d'estimation num6rique consiste /~ encadrer la fonetion F (x, t) par 2 autres fonctions telles que l'on ait pour tout x

F1 (x, t) ~_ F (x, t) ~ F~ ix, t)

Page 11: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

D1~VELOPPEMENT RECENT DE LA THEORIE DU RISQUE 97

les fonctions auxiliaires F1 et F2 6tant d6finies par des transforma- tions de la fonction caract6ristique de F et 6tant calcul6es par la formule d'inversion k partir de ces fonctions caract6ristiques modifi6es.

La validit6 pratique de ces mgthodes approch6es a gt$ test6e tout r~cemment sur une large 6chelle par utilisation d'une calcu- lattice 61ectronique.

I. 7- I1 est clair que, parall~lement ~ ces gtudes sur la loi F (x, t) les ndcessit6s pratiques devaient provoquer 6galement des recher- ches sur la loi de r6partition S (x) du cofit d 'un sinistre si l 'on salt qu'il est survenu. La loi exponentielle

S (x; ~) = I - - e-Xz, (X constante > o) qui est une premiere approximation agr6able dans les calculs ne convient g6n6ralement pas en pratique. De multiples formes de lois ont 6t6 propos6es; ici 6galement on constate que beaucoup d'entre elles s'obtiennent en appliquant ~ la loi exponentielle pure la formule g6n6rale de transformation que nous avons vue plus haut :

ao

soit, S (x) = J" S(x; X)dU(X) 0

oh U (X) est la fonction de r6partition d'une variable X non n6gative.

Tous comptes faits, il semble bien qu'une des meiUeures lois au point de vue pratique soit encore celle oh ~, est une variable discrete prenant les valeurs ;~ avec des probabilit~s p,, c'est-~-dire un polyn6me d'exponentielles.

Mais il faut reconnaltre que ce sujet laisse encore mati~re r6flexion et nous aurions peut-~tre int6r~t A nous inspirer de recherches faites dans des domaines en apparence assez diff6rents, mais off les schgmas mathgmatiques fondamentaux sont nganmoins identiques, comme darts les files d 'at tente par exemple.

I. 8. Quoi qu'il en soit, nous avons souvent affaire A des distri- butions fort asym~triques et ceci nous conduit A un exemple d'influence des besoins de la r6assurance sur les recherches. En effet, pour la rgassurance, la pattie importante de la loi est la queue de la distribution, sur laquelle pr~cis~ment les donn6es n6cessaires pour effectuer les compensations sont le plus souvent fort insuffi- santes. D~s lots il est naturel que des recherches rgcentes aient

Page 12: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

9 8 D~VELOPPEMENT RECENT DE LA THEORIE DU RISQUE

tent6 de d~finir et de d6terminer le type de courbe le plus dangereux (du point de vue du souscripteur) c'est-&-dire celui qui donne une limite sup6rieure de la prime dans un trait6 d'excess-loss.

La mesure de l 'asym6trie par l'ancienne m6thode du 3 e moment normalis6 ne paraissant pas suffisamment fine, divers crit~res nouveaux ont 6t6 propos6s. On s'est, par exemple, inspir6 du taux instantan6 de mortalit6 en assurance sur la vie: on a ainsi propos6 de classer les lois de distribution du coflt d 'un sinistre selon la probabilit6 ~(x).dx qu'un sinistre dont on sait qu'il est au moins 6gal & x, n'exc~de pas (x + dx). Plus ~ (x) est petit, plus la distri- bution serait ,,dangereuse".

Dans cette optique, il a 6t6 sugg6r6 que la loi de Pareto serait la courbe la plus dangereuse. Mais ce r6sultat, & premiere vue surprenant au regard de la th6orie des s6ries, ne paralt pas d~finitif. I1 a d'ailleurs 6t6 signal6 tout r6cemment que la fonction de fr6- quence

A f ( x ) - - x2( logx) l÷~ o < ~ < I ,X ~ c , A constant, peut ~tre

plus dangereuse qu'une courbe de Pareto ~ valeur moyerme finie. Ce sujet reste donc ouvert pour de futures recherches.

I. 9. Les besoins de la r6assurance ont encore influenc6 d'une autre mani~re l'6volution r6cente de la th6orie du risque: il s'agit de la couverture du plus grand ou des k plus grands sinistres.

Les actuaires dans leurs recherches r6centes ont vu leur attention attir6e sur l'outil important que peut constituer la th6orie des extremes, d~j~ utilis~e dans d'autres sciences appliqu6es, mais peu exploit6e jusqu'ici en assurance.

Un premier r~sultat a 6t6 d'obtenir la loi de r6partition du sinistre le plus 61ev6 qui s'6crit simplement

. a o

F (x) = X; P . . = IS(K)] s - - O

si S (x) est la loi de rdpartition du cofit d'un sinistre et gn(z) est la fonction g6ndratrice du nombre de sinistres N.

On retrouve donc ici une application, dans le discontinu, d'une transformation de fonction de r6partition indiqu6e plus haut.

On s'est pench6 alors sur la loi de r~partition du coflt total des sinistres lorsque l'on en exclut les k plus 61ev6s, c'est-~-dire sur

Page 13: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

D~VELOPPEMENT R~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE 99

la loi de r~partition du coflt total des sinistres pour un c~dant qui au ra r r~assur@ en totalit~ les k plus gros sinistres. On en a tir@ 6galement la loi de r@partition du coflt du k e plus grand sinistre, d'oh l'on a d~duit par exemple la valeur moyenne du cofit de la somme des k plus grands sinistres quand le cofit d 'un sinistre se distribue suivant une loi de Pareto. On est alors arms pour exprimer la prime - - tout au moins la prime pure - - d 'un type de trait@ de r~assurance propos6 il y a une quinzaine d'ann~es d~jA et consistant

couvrir la somme des montants dont chacun des k plus grands sinistres d~passe le k e.

D'autres recherches ont utilis@ la th~orie des extremes pour tenter de d~terminer la queue de la loi de distribution du cofit d 'un sinistre. Mais ici @galement la question reste ouverte. Peut-on raisonnablement escompter que la th~orie des extremes permette de supplier ~ une insuffisance de renseignements statistiques P On remarque d'ailleurs que certaines formules approch6es aux- quelles conduit la th~orie des extremes pour l '~valuation de la prime de r@assurance en excess-loss sont identiques A celles que donnerait l'une ou l 'autre hypoth~se sur la forme analytique de la loi de r~partition du cofit d'un sinistre. Cette question offre donc un champ ~ explorer.

I1 reste certes pas mal d'autres t ravaux r~cents sur la th@orie du risque dans sa version classique. Je ne puis, sans risquer d'allonger exag~r~ment cet expose les d~tailler tous. On ne m'en voudra pas, je l'esp@re, de m'~tre born@ ~ choisir quelques exemples qui illustrent assez bien 3 aspects de reffort d 'adaptat ion aux exigences pratiques que j'ai rappel~s plus haut:

- - g~n~ralisation de schemas et de propri~t@s prEcEdents, - - influence des besoins de la reassurance. - - appel ~ des outils nouveaux.

II. EVOLUTION DU CONCEPT ,,THEORIE DU RISQUE"

II. I. Ce dernier aspect se marque surtout dans l'@volution de la notion m~me de th~orie du risque que je vous propose d'aborder maintenant.

Les math@matiques ont trouv~ ces derni@res ann@es de larges applications dans les probl@mes de gestion et d'administration des

Page 14: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

IOO DEVELOPPEMENT RI~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE

entreprises. I1 est fatal que ce mouvement d'id6es gagne les sciences actuarielles et y introduise les outils les plus appropri6s pour r6soudre les probl~mes de gestion qui se posent aux entreprises d'assurance. Ces probl~mes incluent notamment les m6thodes de tarification, le niveau des r6serves techniques et des r6serves de sdcurit~, les divers aspects de la r6assurance, la distribution de dividendes, les crit~res de choix, etc. Sans en arriver ~ la d6nomi- nation un peu prdsomptueuse de th6orie de la ddcision dans les opdrations d'assurance, il est incontestable que la thdorie du risque tend progressivement & couvrir des probl~mes plus larges ou bien ~t traiter des probl~mes anciens darts une optique plus large.

N'est-il pas heureux pour les actuaires qu'il en soit ainsi ? Pour qu'ils ne se voient pas rdduits au r61e de calculateurs plus ou moins pris au sdrieux, les actuaires doivent non seulement maitriser le hasard, mais aussi adapter leurs schdmas ~t la rdalitd des phdnom~nes de la vie dconomique, c'est-~t-dire aux besoins les plus fondamen- taux de la pratique.

Cette dvolution s'est amorc6e, ainsi que nous allons le voir bri~vement.

II. 2. Parmi les facteurs qui conditionnent Faction et ~t c6td de l'aldatoire dont la thdorie classique du risque s'est largement occupde, on doit relever d'une part la rdaction des adversaires et, d 'autre part, les crit~res de ddcision ou de choix que se fixe, im- plicitement ou explicitement, celui qui doit ddcider.

Dans notre sphere, la rfaction des adversaires n'est pas seulement celle des concurrents, c'est aussi celle des clients, celle des rdassu- reurs, ou bien celle des cfdants si l'on est rdassureur.

L'analyse mathdmatique de la rdaction des adversaires a suscitd l'6tude des jeux strat6giques, dont il faut bien reconnaltre que l'utilisation pratique reste encore loin ert arri~re de la th6orie. Ndanmoins cet outil a ddj~ influenc6 certains de nos travaux, notamment par le sch6ma de raisonnement et par les divers con- cepts qu'il introduit (stratdgies pure et mixte, relations entre les joueurs, repr6sentation des rdsultats par une matrice).

Mais sur un plan moins thdorique, on peut remarquer que c'est essentiellement pour rencontrer au mieux les rdactions des clients et des concurrents que s'est d~velopp~e toute une sdrie d'dtudes s u r la correction a posteriori de la tarification. Je me garderai

Page 15: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

DI~VELOPPEMENT R]~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE IOI

d'empi6ter sur le deuxi~me sujet de ce colloque, mais il est permis de consid6rer qu'il appartient ~ une version large de la th6orie du risque.

Laissons donc ce point pour nous concentrer sur une orientation r6cente qui consiste au fond, comme je viens de le dire, ~ consid6rer les op6rations d'assurance non seulement comme des processus al6atoires mais aussi comme des ph~nom~nes 6conomiques. I1 est clair que l'on ne peut se borner ~ r~soudre des probl~mes de gestion par le crit~re de la maximisation de la grandeur moyerme du b6n6fice. Appliqu6 par nos assures, ce crit~re signifierait d'ailleurs la fin de notre activitY. On ne peut traiter de mard~re r6aliste les problbmes 6conomiques, donc en particulier les probl~mes de gestion en assurance, sans introduire certains ~16ments plus ou moins subjectifs. I1 n 'y a pas n6cessairement une r6ponse incontestable- ment correcte ~ tout probl~me de gestion; des 61~ments subjectifs doivent jouer un r61e dans la th~orie du risque. Un de ces 616ments est l 'at t i tude vis-a-vis du risque qui, moyennant quelques axiomes, peut ~tre d6finie par une fonction d'utilit6 u (S) mesurant l'utilit6 d'une certaine somme d'argent S. Si S est une al6atoire X de fonction de r~partition F (x), il a ~t6 propos6 d 'at tacher ~ cette situation de risque la valeur moyenne de l'utilit6, soit

+ o o

E [u(x)] = J~ u(x) d F(x)

Ce principe ou hypoth~se de D. Bernouilli est discutr. I1 se transforme en thror~me grace ~ quelques axiomes simples et intuitivement tr~s acceptables. I1 s'rclaire concr~tement quand on analyse la liaison entre une fonction d'utilit6 et le concept d'aversion du risque, teUe qu'elle a 6t~ proposre tout rrcemment de la mani~re suivante.

II. 3. Pour isoler le concept ,,aversion du risque", on compare deux situations de risque oh les valeurs moyennes sont ~gales; soit par exemple:

- - la situation I oh l 'on dispose avec certitude d'une somme x - - la situation II oh ron a i chance sur 2 de disposer d'une somme

(x + h) I chance sur 2 de disposer d'une somme

(x - - h).

Page 16: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

I02 DI~VELOPPEMENT RI~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE

Supposons qu'A la situation I corresponde une utilitd Ui et k la situation II une utilitd Uii. L'aversion du risque se mesure alors naturellement par Ui - - Uii.

Si nous admettons une fonction d'utflitd u (x) et l 'hypoth~se de Bernoulli, nous obtiendrons

U1 = u (x) Ui~ = ½ [u (x + h) + u (x - - h) ]

u (x)

x~h x x- h

Fig. 3

d'o/a raversion du risque

A (x,h) = u ( x ) - - ½ [ u ( x + h) + u ( x - - h ) ]

La ddfinition m~me de A (x, h) montre qu'elle jouit des proprid- tds suivantes

Page 17: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

DI~VELOPPEMENT RECENT DE LA THEORIE DU RISQUE 103

A (x, o) = o pour tou t x A (x, h) = A (x, - - h) pour tous x et h

I I _ ~x 2 / (~, h) \ ~h 2 / Iz, h) \ ~h 2 / ix, o~

(la fonction A 6tant suppos6e ~tre diff6rentiable deux lois). Cela 6tant, on a montr6

que toute fonction A (x, h) qui poss~de les 3 propri6t6s indiqu6es f (x + h) + f (x ~ h)

est n6cessairement de la forme f ( x ) - 2

que si deux fonctions d 'uti l i t6 u (x) et v (x) engendrent la m6me aversion du risque A (x, h) elles sont identiques ~ une expression lin~aire pros, laquelle ne joue aucun r61e dans l 'expression de l 'aversion.

Ainsi s '6tablit une certaine correspondance entre la fonction d'uti l i t6 et l 'aversion du risque; il est amusan t de remarquer que l ' au teur de ce t ravai l a trouv6 une source d ' inspirat ion dans la th6orie des cordes vibrantes dont l '6quation diff6rentielle indiqu6e ci-dessus est le sch6ma math6mat ique de base.

I1 est 6vident que si u (x) est lin6aire, A (x, h) = o pour tous x et h: il y a indiff6rence au risque et le crit~re de choix est unique- ment celui de la valeur moyenne du b6n6fice. Si u (x) est de la forme parabolique ( - - ax ~ + bx + c) (a et b > o), A (x, h) = a h~; l 'aversion au risque ne d~pend que de h et le crit~re de choix ne fait intervenir que les 2 premiers moments de la variable al6atoire. Une version plus plausible serait celle oh l 'aversion au risque varierait avec x et h: par exemple si u (x) = - e - ax (a > o), une fonction lin~aire pros, ce qui est le cas le plus simple d 'une fonction d'util i t6 d~finie par les fonctions tr igonom6triques hyper- boliques de x, A (x, h) est une fonction croissante de h et d6crois- sante de x, ce qui r6pond ~ un compor tement assez courant.

La fonction d 'ut i l i t6 ~tant choisie, l 'objectif d 'une entreprise op6rant rat ionnel lement dans l ' incertain est de rendre E Iu (x)] m a x i m u m entre toutes les distr ibutions possibles de x. Cette conception permet de reformuler certains probl~mes qui se posent aux entreprises d 'assurance: c'est ce t ravai l qui const i tue une extension de la version classique de la th~orie du risque.

Page 18: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

IO 4 DI~VELOPPEMENT RI~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE

II. 4. Je ne d~taillerai pas toutes les questions qui ont ainsi ~t~ r~6tudi~es, depuis les probl~mes de ruine jusqu'aux distributions de dividende en passant par les probl~mes d 'optimum en mati~re de reassurance: on les trouve dans d'excellents articles r~cents.

I1 me suffit d 'observer en bref et pour en revenir au point de vue probabilitaire qui reste tout de m~me fondamental, que la fonetion d'utilit6 n'est autre chose qu'un op~rateur qui, appliqu~

des fonctions de r~partition que l'on veut comparer, les classe sur la base d'une sorte d'amalgame de divers moments et non plus simplement sur l'un ou l 'autre moment consid~r~ isol~ment. Le classement ainsi ~tabli dicte la conduite rationnelle, si la fonction d'utilit~ choisie traduit bien l 'att i tude de l'entreprise consid6r~e vis-a-vis du risque.

Tout le probl~me pratique reside ~videlnment dans le choix ad~quat de cette fonction d'utilit~. Et l'on peut dire qu'ici aussi, comme pour les jeux strat~giques, la th~orie devance la pratique.

La th~orie ne se borne d'ailleurs pas ~ ce que je viens de rappeler. Elle a abord~ l'analyse des probl~mes de cooperation entre parties qui ont des int~r~ts divergents, dans le but de permettre d'arbitrer les conflits sur des bases objectives. Elle a ~galement ~tudi~ les jeux oh tousles joueurs ne se conduisent pas rationneUement, c'est-~-dire les jeux contre la nature qui int~ressent ~videmment au tout premier chef les assureurs.

On voit ainsi une s~rie d'outils non utilis~s dans la th6orie classique du risque s 'y introduire progressivement. Leur mise en oeuvre n'enl~ve rien ~ l'int~r~t de toutes les ~tudes classiques essentiellement probabilitaires. Au contraire, ces 6tudes demeurent la base indispensable. Mais les nouveaux outils permettent d'appro- cher certains probl~mes d'une mani~re plus r~aliste et ainsi d'utiliser

meilleur escient tous les t ravaux prEcEdents. Bref au-del~ de tous les concepts qui se sont rencontres - - sinon affront6s - - dans la th~orie du risque, mais grace A eux tous, on entrevoit la possi- bilit6 d'une fiche synth~se.

II. 5. Ceci me servira ~ la lois de supputation quant A l'6volution future de la th6orie du risque dans son sens large et de conclusion finale.

Je pourrais dire aussi que le d6veloppement r6cent de la th6orie du risque se conforme au d~veloppement scientifique actuel dans

Page 19: regards sur le developpement recent de theorie du risque la

DEVELOPPEMENT RI~CENT DE LA THEORIE DU RISQUE 10 5

quelque branche que ce soit. On y observe l'influence de l'inter- p~n6tration de diverses disciplines scientifiques; nous venons de le voir tt l 'instant. On y exploite la similitude de ph~nomtnes en apparence fort diff6rents mais dont la structure logique est commu- ne: ne trouve-t-on pas des expressions de probabilit6 de ruine tout tL fait semblables ~ des expressions de fonction de distribution darts la th~orie des files d 'at tente ?

Au terme de cet expos6, je tiens A r6p6ter que je n'ai pas voulu en faire une histoire des d~veloppements r6cents de la th6orie du risque; j 'ai simplement essay6 de d~gager quelques id6es g6n~rales sur cette 6volution. Ceci explique que je n'ai pas 6voqu6 tous le s t ravaux r6cents dignes d'int~r~t. Dois-je pr6ciser que j 'en ai choisi certains non pas parce que je les jugeais sup6rieurs ~ d'autres, mais parce qu'ils servaient peut-~tre mieux mon propos.

L'objectif que j'ai vis6 explique aussi pourquoi je n'ai pas 6maill6 mon expos6 des noms des auteurs des divers t ravaux auxquels je me suis r6f6r6; d'ailleurs j 'aurais dfi darts certains cas entreprendre des actions en recherche de paternit6 aussi d61icates qu'elles le sont parfois en droit civil. En outre, la construction de l'6difice est une oeuvre commune. C'est pourquoi, les auteurs ne m'en voudront pas, je l'esp~re, si j 'adopte r6solument la m~thode collective pour rendre l 'hommage qu'ils m6ritent bien ~ tous ceux qui y ont particip6, des pionniers dont certains t ravaux se prolon- gent encore maintenant aux novateurs dont les id6es approfon- dissent ou rajeunissent les conceptions premieres.