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This article was downloaded by: [York University Libraries] On: 19 November 2014, At: 07:37 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Loisir et Société / Society and Leisure Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/rles20 Relations Nord-Sud, altérité et pratiques de loisir : l’exemple du canoë en Zambie Antoine Marsac a a Université de Bourgogne France Published online: 03 Jul 2013. To cite this article: Antoine Marsac (2010) Relations Nord-Sud, altérité et pratiques de loisir : l’exemple du canoë en Zambie, Loisir et Société / Society and Leisure, 33:1, 93-111, DOI: 10.1080/07053436.2010.10707803 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/07053436.2010.10707803 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan,

Relations Nord-Sud, altérité et pratiques de loisir : l’exemple du canoë en Zambie

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This article was downloaded by: [York University Libraries]On: 19 November 2014, At: 07:37Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH,UK

Loisir et Société / Society andLeisurePublication details, including instructions forauthors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/rles20

Relations Nord-Sud, altérité etpratiques de loisir : l’exempledu canoë en ZambieAntoine Marsaca

a Université de Bourgogne FrancePublished online: 03 Jul 2013.

To cite this article: Antoine Marsac (2010) Relations Nord-Sud, altérité et pratiquesde loisir : l’exemple du canoë en Zambie, Loisir et Société / Society and Leisure,33:1, 93-111, DOI: 10.1080/07053436.2010.10707803

To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/07053436.2010.10707803

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relatIOns nOrd-sud, altérIté et pratIques de lOIsIr : l’exemple du

canOë en ZambIe

Antoine Marsac

Université de Bourgogne France

Loisir sportif, différence culturelle, canoë, loisir sportif, altérité

En ce début de millénaire, malgré les crises économiques successives, le loisir tend à devenir l’un des secteurs d’activité les plus prospères. En Afrique, les professionnels de ce secteur cherchent à « capter » les fractions aisées des Occidentaux par des activités de loisirs sportifs. Il ne s’agit plus seulement d’allier vacances et dépaysement. Il faut que le « trip » devienne un moment d’émotions partagées et vécu sur un mode intense, au prisme de la différence culturelle. L’exploration en canoë s’inscrirait dans ces « trips », séjour intensif en communion avec l’Autre, où le contact avec la nature, les populations locales et la découverte de paysages des pays du Sud transcenderaient le voyage. À la fois sport de compétition, loisir sportif et moyen de déplace-ment utilitaire dans les zones défavorisées des pays du Sud, le canoë autorise désormais ce type de pratiques sur tous les continents. Mais quels sont les enjeux culturels du développement du canoë ? Comment ces relations se créent-elles dans ce sport entre les pays du Nord et ceux du Sud ?

En Afrique, des inondations aux aménagements liés aux activités de production ou de transport, en passant par l’offre de loisirs, les cours d’eau sont source de problèmes récurrents. La vallée du Zambèze, en Afrique australe, à la hauteur des chutes Victoria1 en est un exemple. Ce cours d’eau est le quatrième fleuve africain et sépare le Zimbabwe de la Zambie. Réputé pour ses crues, il accueille également en son sein des pratiques contempo-raines de loisir comme le canoë dans un territoire reconnu pour être l’une des sept merveilles du monde. Nous sommes donc partis de ce questionnement : Comment cette forme de loisir s’est-elle diffusée d’Europe en Afrique et quelle est son retentissement local en Zambie ?

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Amorcée en 2005, l’enquête montre comment des relations entre pays du Nord et du Sud ont progressivement pris leur essor dans le domaine des loisirs. Il s’agit de décrire les modes de diffusion des sports de rivière en analysant l’organisation contemporaine du canoë. Cette activité est destinée à faire découvrir la nature et à explorer des hauts lieux (Micoud, 1991). Les gorges du Zambèze en aval des chutes Victoria constituent en ce sens un lieu propice à ce type d’activité. Mais dans quel contexte ce loisir s’est-il diffusé d’Europe en Afrique ? Comment les relations d’altérité entre pratiquants se sont-elles construites lors des « trips » en Zambie ?

Il s’agit de tenter de saisir comment émerge, du point de vue des sportifs occidentaux, la relation à l’Autre, aux Tonga, population locale mobilisée dans le cadre des descentes du Zambèze en canoë. Si l’on s’intéresse aux change-ments induits par les apports assez récents des loisirs provenant du monde occidental, on s’aperçoit qu’une enquête ethnographique s’avère nécessaire pour décrire les relations entre groupes des pays du Nord et du Sud.

Après avoir défini le loisir sportif de manière à situer le cas particulier du canoë, nous présenterons les conditions de transmission du canoë de France en Zambie. Puis, un retour par une analyse des discours produits posera des jalons pour comprendre l’évolution des loisirs de rivière en Afrique.

Contexte et définitions préalables

Loisir de pleine nature et moyen de déplacement utilitaire dans certaines zones défavorisées, le canoë constitue une pratique qui, depuis le xxe siècle, est présente à l’échelle planétaire. Si la pratique du canoë est restée pen-dant longtemps l’apanage des sociétés occidentales, les espaces sur lesquels pratiquent les canoéistes se sont déplacés vers les pays d’Afrique australe. Cette activité s’est constituée autour du principe de libre circulation sur les cours d’eau et sur un imaginaire touristique de la nature. Malgré cette apparente liberté, dès l’après-guerre en France, des problèmes de pollution et d’endiguement des cours d’eau ont incité les pratiquants à s’adonner à ce loisir dans les pays du Sud. Ces destinations sont aussi recherchées comme des alternatives à la surfréquentation des vallées françaises (Ardèche, Tarn). Le Zambèze, en Afrique australe, fait partie de ces lieux qui jouissent d’une renommée mondiale. Des infrastructures y ont été aménagées par les Anglais pour accueillir les touristes qui contemplent les chutes Victoria, en leur proposant des descentes en eau vive. Pour le voyageur, il s’agit d’une activité permettant d’agrémenter son séjour. Ainsi des milliers de pratiquants sont partis vers ces contrées lointaines à la recherche d’une autre manière de pagayer. Sur place, ils ont trouvé les endroits propices à l’exploration en canoë tels que les gorges du Zambèze. Les groupes de pratiquants étudiés dans ce territoire se caractérisent par une forte interconnaissance.

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Avant d’éclairer les conditions d’avènement de l’activité en Zambie, précisons d’abord ce que recouvre la notion d’eau vive. La descente de rivière, la réalisation de figures dans une vague constituent des manières de naviguer en canoë. Dans ce domaine, l’appellation « loisir sportif » se voit supplantée par celle de « loisir d’eau vive » désignant à la fois la décou-verte des lieux de villégiature à partir d’un support sportif de nature ou d’activités de détente dans une mise en tourisme des territoires. Au regard de ce qu’on va développer, le canoë relèverait-il de ce qu’on peut nommer les tendances globales du loisir entraînant l’homogénéisation des cultures ? Définir ce processus constitue alors un premier obstacle qui tend à inclure ou à exclure du champ des activités les sports pratiqués par les « indigènes »2. Ainsi, l’inclusion de l’excursionnisme ramène le vocable « loisir sportif » dans les limites des frontières nationales. Mais aujourd’hui, la définition du « loisir sportif » oscille entre particularismes et globalisation. Un second obstacle réside dans le fait que lorsqu’on étudie le loisir sportif, les catégo-ries sportives sont souvent projetées. Or, les frontières du loisir sportif sont d’abord bornées par les principes des économies globalisées. Le marché de l’outdoor récréation, terme recouvrant ces activités en milieu naturel, structure le sous-secteur du canoë. Cette catégorie d’usage est représentée par des opérateurs, compagnies détentrices d’un agrément pour vendre des voyages (« trips »), créant une attractivité locale dans le secteur des sports d’eau vive. En Zambie, huit sociétés proposent des week-ends durant les-quels les clients issus des pays occidentaux (d’Europe – les Anglais – ou d’Amérique du Nord) et d’Afrique du Sud s’adonnent au canoë selon une offre standardisée (Mounet et Chifflet, 1996).

Pour autant, le développement de ce nouveau secteur et les revendica-tions portées par les Zambiens amènent à nuancer l’expression d’un essor des loisirs dans les relations Nord-Sud. Dans ces territoires, le développement récent d’une civilisation des loisirs (Dumazedier, 1962) et l’augmentation du temps libre incitent les acteurs à promouvoir d’autres formes de pratique que le sport de compétition. Il s’agit de saisir comment émerge la relation à l’Autre, aux populations locales dans le cadre des descentes du Zambèze3 en canoë et comment elle évolue aujourd’hui. Pour ce faire, nous adopterons une définition non restrictive du loisir (Bull, 2003). Cette délimitation des termes employés éclaire la relation d’altérité dans un sens contemporain. Mais il faut d’abord préciser les notions, les méthodes et les sources de ce travail.

Méthode, cadre théorique et conceptuel

Les spécialistes des sciences sociales montrent que le loisir est un phéno-mène construit socialement (Bellefleur, 2002 ; Gershuny, 2002). En effet, on retiendra l’acception du loisir de Pronovost définie comme une valeur

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culturellement marquée (Pronovost, 1998). L’exemple du canoë peut être rapproché de l’attrait des citadins pour les loisirs pratiqués dans la nature au sein des sphères économique, sociale et politique de la société zambienne. La différence culturelle et l’altérité seront interrogées car le canoë s’est développé à travers la puissance des Empires coloniaux et la transmission des cultures y a joué un rôle central.

Ce travail s’appuie sur une méthodologie qualitative alliant l’observa-tion in situ et un corpus de neuf entretiens menés avec des pratiquants émer-geant dans l’activité. Les discours des acteurs ont été recueillis puis analysés à partir d’un traitement thématique du corpus. La récurrence des termes a permis de reconstituer la complexité des relations d’altérité entre acteurs. L’altérité en tant que catégorie de l’anthropologie désigne ici les relations qui accompagnent les interactions entre soi et les peuples dits « lointains » (Hannertz, 1983, p. 18).

L’enquête a été menée en territoire tonga, à Livingstone, « capitale » touristique du pays, située à cinq kilomètres des chutes Victoria. Les Tonga pratiquent le canoë depuis que des Européens (principalement des Anglais puis des Français) ont introduit cette activité dans les années 1950. Les relations sociales entre pratiquants de loisir deviennent alors un enjeu qui dépasse l’activité pour s’inscrire dans le souci de la cohabitation entre Zambiens et Français. En Zambie, les formes de loisir sportif se caracté-risent par leur inscription dans la culture « des acteurs impliqués de la même manière dans la même situation, c’est-à-dire partageant des plaisirs, goûts, valeurs autour d’une même passion » (Hannertz, 1983, p. 350).

À partir des années 1980, le vocable « outdoor recreation » apparaît à la faveur des produits offerts par les agences de voyage et de l’évolution du marketing et des services. L’activité canoë, importée en Zambie par des guides anglais et français exerçant au sein des compagnies, s’inscrit dans ce contexte de transmission d’une culture sportive occidentale. Dans la société tonga de tradition orale, encore marquée par le passé esclavagiste, le colonat a joué un rôle déterminant. Le canoë est toujours pratiqué par des sociétés et des clubs fondés par ces guides « expatriés » français et anglais. Cependant, cette situation se heurte à l’ouverture des marchés à la concurrence dans l’organisation des « trips » puisque des canoéistes zambiens s’adonnent à ce loisir et se forment pour devenir guides de rivière à leur tour. Ainsi, la créa-tion d’entreprises locales autorise une ouverture à des pratiques favorisant des interactions entre membres d’une compagnie centrée sur le loisir qui se professionnalise à mesure que l’activité se développe. Dans ce contexte, les relations entre pratiquants des pays du Nord et des pays du Sud ont pu se construire dans l’exploration des colons et la connaissance des territoires perçus par les premiers canoéistes comme de « grands espaces ». Les relations

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entre les pays du Nord et du Sud peuvent ainsi se lire comme l’influence du processus de diffusion des cultures (Amselle, 2005) des ressortissants de ces pays. Mais pour échapper à toute essentialisation, il s’agit de rester en retrait des formes de justification des acteurs et de privilégier le niveau des réseaux de relations dans le processus de différenciation culturelle. Pour saisir les enjeux des différences Nord-Sud, il faut d’abord s’appuyer sur la construction sociale ayant permis la formation de groupes occidentaux explorant le pays en canoë.

L’avènement du canoë en Zambie

Il convient de comprendre les jeux complexes entre acteurs à partir des études menées en Zambie par le Rhodes-Livingstone Institutes (Hannertz, 1983), centre de recherche en anthropologie urbaine. Ces sources appellent en complément des précisions sur les conditions socioculturelles d’émergence du loisir en Zambie et les relations entre les nations du Nord et du Sud. Dans ce cadre, on peut se demander quelles sont les conjonctures ayant permis de construire les relations entre les pays du Sud et les pays du Nord à travers la pratique en eau vive. Dans ses fondements, l’eau vive4 repose sur une classification construite par les élites à l’origine du développement du canoë (Robert et Shackleton, 1988, p. 33). Elle englobe des pratiques réunies autour des termes « courants », « rochers ». L’expression est surtout employée au sin-gulier. Elle désigne une construction qui rassemble les adeptes de la rivière, des pratiques originelles jusqu’à celles d’aujourd’hui5 avec le développement des expéditions. Dans le langage courant, l’eau vive recouvre cet ensemble de pratiques qui se déroulent dans des sites « sauvages » ou aménagés. En France, l’expression désigne autant le loisir sportif que les sites de compé-tition dans lequel naviguent les pagayeurs français depuis plus d’un siècle, alors qu’en Zambie, lorsqu’on évoque le canoë, on se réfère généralement aux descentes d’un fleuve. L’activité renvoie à l’imaginaire du loisir des fractions aisées des Européens et à la détente dans la nature. Les canoës6 sont des embarcations conçues pour explorer les rivières, à partir d’une organisation autonome. En descente de fleuve, les canoéistes naviguent en pagayant d’un point à un autre du cours d’eau, se démarquant en cela des usages utilitaires de l’embarcation (pêche, chasse). De plus, les loisirs de rivière en Zambie se sont considérablement diversifiés et recouvrent aujourd’hui différents usages. Dès son indépendance en 1964, l’État zambien manifeste son inté-rêt pour l’activité physique, d’abord en fonction de priorités sanitaires puis dans le cadre du développement des loisirs. Cette jeune nation présente des régions à fort contraste de développement. La Province du Sud, où sont situées Livingstone et les chutes Victoria, est l’une des moins pauvres avec

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Lusaka, la capitale administrative, plus prospère. Le rafting et la nage en eau vive, bien qu’anciens, sont apparus depuis plus de trente ans à la faveur de l’utilisation d’engins de loisir par les « expatriés ».

L’apparition de ces loisirs est liée à la batellerie et aux usages bour-geois des voies navigables ayant transformé le canoë, jadis utilitaire, en un loisir distinctif. Les prémisses du canoë de loisir amorcées par l’excursion des citadins a conduit la population issue des classes dominantes à créer des sociétés d’encouragement au tourisme, sur le modèle anglais. Les milieux de l’hôtellerie saisissent vite l’intérêt d’une collaboration avec ces sociétés. Un activisme permet ainsi d’étoffer l’offre pour leurs clients, tout en tissant des contacts et en remplissant un carnet d’adresses instituant la renommée de ce loisir à travers l’organisation élitiste du canoë. Ses adeptes du loisir se regroupent dans des clubs mondains spécialisés.

L’avènement du loisir coïncide avec un changement dans les formes de représentations de l’Autre. En effet, l’exemple du canoë illustre comment ont émergé les rapports d’altérité entre l’élite formée par les adeptes du canoë et les populations tonga de la vallée du Zambèze. L’embarcation constitue un moyen de se déplacer et de développer une propagande coloniale dans les pays du Sud. À cette démarche s’adjoint une forme de loisir de villégiature directement en prise avec « la tradition des habitants ». Mais comment les canoéistes vont-ils promouvoir l’activité dans ce pays du Sud ? Les élites britanniques cultivées ont encensé le loisir dans leur société d’accueil qu’est la Rhodésie du Nord. Si, en France, des notables (médecins, magistrats…) s’immergent dans les rivières à travers les croisières organisées par les sociétés nautiques auxquelles ils appartiennent (Rowing Club, Canoë Club), en Afrique australe, ce sont plutôt des compagnies privées qui organisent ce loisir. Au-delà de l’ambivalente diffusion de la pratique, ces cercles ont favorisé un développement adossé aux moyens d’expression de « l’ethos institutionnel » de ses membres. Des publications ont permis de transmettre « l’assimilation réciproque des élites » (Bayart, 1992). En Zambie, le loisir appelle des types de sociabilités sous forme de réseaux de relations élitistes entre Européens.

L’ambivalence des relations dans l’activité en Zambie

Les descentes du Zambèze en canoë possèdent une forte charge symbolique, puisqu’elles recouvrent les caractéristiques d’une aventure à connotation coloniale alliant le dépaysement au contact avec l’habitant. Cela se perçoit à travers l’embarquement sur le fleuve pendant lequel les membres du club vont à la rencontre des habitants de la vallée qui deviennent de véritables « porteurs » de matériel en échange de quelques kwachas, la monnaie locale. Lorsque la rivière est investie par des villageois Tonga, les interactions sont

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fréquentes. Les pratiques constituent un temps consacré à la rencontre avec l’Autre, même si celle-ci s’effectue aux détours des méandres du fleuve. Des informations sont glanées çà et là et le contact avec l’habitant devient utile, produisant une connaissance supplémentaire des dangers rencontrés sur le cours du Zambèze. On peut émettre l’hypothèse que « l’ethos institutionnel » constituerait un facteur décisif dans l’établissement du rapport d’altérité déséquilibré avec les canoéistes locaux. Ce déséquilibre entre les pratiquants européens et ceux des pays du Sud provient des représentations exotiques de l’Autre. En effet, le contact avec les populations locales est présenté à partir du modèle des expéditions lointaines et des « trips ». L’exploration par les membres des pays du Nord des rivières des pays d’Afrique engendre une « mission civilisatrice ». Dès lors, l’usage du cours d’eau s’avère différent de celui des riverains qui l’utilisent davantage à des fins ludiques, domestiques et commerciales.

La composition de la population canoéiste constitue un indicateur dans la manière d’appréhender l’altérité. Le caractère élitiste et l’hégémonie du citadin sur les riverains du Zambèze s’enracinent dans le processus de diffé-renciation sociale en Zambie, pays qui s’urbanise depuis plusieurs décennies.

Les compagnies se composent d’une « chaîne » d’acteurs de dévelop-pement des loisirs (Tiyambe Zeleza et Veney, 2003, p. 51) dans laquelle la relation avec les pays du Nord est présentée comme utile à l’exploration de fleuves ou des sites inexplorés en Afrique. L’importation d’un style de navigation d’origine étrangère entraîne une modification dans les valeurs transmises au sein de l’activité. La relation avec les habitants des pays tra-versés s’en trouve profondément modifiée car les populations locales sont interrogées par les pratiquants qui cherchent des renseignements sur les cours d’eau. Comme dans toute exploration, le rapport qu’il est possible d’établir avec l’habitant fait partie du voyage, il s’agit à la fois de lui porter la « bonne parole », de lui transmettre son savoir mais aussi de découvrir sa manière de vivre « loin de la civilisation ». Cet héritage se fonde sur un imaginaire des grands espaces hérité de la culture anglaise, des épopées canadiennes et des explorations. En Zambie, cette diffusion du loisir nous montre quelles ont été les bases sur lesquelles se sont constituées les pratiques ainsi que l’ensemble des représentations qui y sont liées : l’importance accordée à la rencontre avec l’Autre se révèle être une composante à part entière du loisir proposé par les compagnies.

Les élites et les marqueurs sociaux du loisir

Depuis le début du xxe siècle, la France assiste au plein essor du loisir en canoë grâce aux représentations liées à l’exotisme et aux films colo-niaux. Cette représentation du contact avec « l’indigène » justifie le caractère

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d’exploration de ce loisir. Hervé Madoré, spécialiste français du canoë, envi-sage la descente en eau vive comme une tradition du Canoë Club relayée par une propagande au travers des films. En effet, les canoéistes désignent la découverte de nouveaux sites comme un leitmotiv : « Les pratiques d’eau vive à l’époque du Canoë Club, c’étaient les classes dominantes qui se sont regrou-pées dans les années 50 au Grand-Rex avec des photos, des premières du Zambèze. Ils s’étaient regroupés en sociétés savantes et fédéraient le loisir7. »

Pour les colons anglais, tous les pays africains situés au sud du lac Victoria se révèlent propices à la pratique du canoë. La volonté d’étendre le modèle d’exploration aux populations africaines s’avère prégnant. L’impact du loisir des citadins dans la nature tend à diffuser les visées conquérantes des membres des clubs britanniques en Afrique. Des sections du club se créent aussi dans le but de renseigner ses membres sur les fleuves d’Afrique et développer ce loisir. Ces élites investissent le canoë au moment où ce sport tend à s’institutionnaliser dans le monde. Cette activité inspirée des fondements coloniaux se distancie des pratiques « indigènes » par la visée d’« exploration des contrées isolées » pour s’inscrire aujourd’hui dans le modèle du « trip ». Cette « conquête » des territoires est une propriété de l’ethos bourgeois. L’exploration apparaît comme un marché traditionnel pour les compagnies dirigées par des guides occidentaux. L’un des signes tangibles consiste à extraire temporairement leurs clients de la ville dans laquelle s’établissent pourtant les valeurs. À côté de l’encadrement, d’autres services sont offerts par les compagnies comme les safaris.

Il s’agit maintenant de rapprocher la genèse du canoë des renvois à la culture en émergence à travers cet « ethos institutionnel » caractéristique des promoteurs du loisir. La transmission de valeurs comporte une visée inculcatrice dans la relation Européens – locaux. Jusqu’aux années 1950, les promoteurs du canoë restent marqués par le paternalisme colonial. Ce marquage de l’activité s’enracine dans une sensibilité à la différence de l’Autre. L’urbaphobie comme rejet de la ville constitue un marqueur de l’appartenance des canoéistes et est, par conséquent, un élément à prendre en compte dans l’altérité. Les canoéistes zambiens s’expriment à travers les notions de dangers dans l’interaction avec les populations de la vallée du Zambèze. L’emploi du pronom « nous » pour désigner les promoteurs des pratiques étant l’occasion d’une affirmation de ces rapports de subordi-nation, ainsi que la prise de conscience du citadin de sa supériorité sur les populations de la vallée, définit le rapport d’altérité. Les rapports sociaux basés sur une hiérarchie urbain – rural perdurent. Le terme « vallée » est utilisé par eux dans un sens péjoratif car indiquant un rapport particulier au loisir qui se veut « loin de la civilisation dans des endroits reculés et encore vierges ». Cette fuite de la ville influe sur les catégories d’altérité en instaurant une distance supplémentaire. Les canoéistes africains sont marqués par le

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principe d’autorité face à l’Autre valorisant les codes hérités de la société tonga, fondés sur la tradition orale de l’énonciation des lieux. Au contraire, le terme « civilisation » s’inscrit dans cette opposition à l’isolement et la relation distanciée avec l’Autre.

Les catégories d’altérité comme héritage postcolonial

Quelles sont les formes d’altérité marquées dans le cas de ce loisir sportif ? L’aventure pour ces canoéistes consiste à ne pas rompre avec l’image de l’Autre comme faisant partie intégrante des lieux. Les publicitaires font la part belle aux paysages ; la figure de « l’indigène » étant constamment présente et considérée comme une dimension incontournable du « trip ». Ce dernier est associé à l’hospitalité dans le village tonga. Le loisir en Afrique soulève la question du marquage territorial des populations. Dans l’évocation des populations locales, l’attachement identitaire à la vallée tend à disparaître par rapport au siècle précédent (Scudder, 1962, p. 12) même s’il se perpétue encore et est défendu comme une tradition des citadins passant du temps avec les guides locaux. Les populations zambiennes ont pu attribuer à leur tour l’étiquette d’explorateur aux canoéistes locaux. Ils ne font que poursuivre un mouvement amorcé au cours des grandes expéditions coloniales par ces renvois aux cultures occidentales.

En analysant les relations avec les habitants des vallées, on perçoit le poids des réseaux d’interdépendance avec l’élite urbaine et bourgeoise. En effet, les liens avec ces cercles élitistes apparaissent incontournables (Sirost, 2008, p. 28). Lorsqu’on considère les pratiques de loisirs des villégiateurs, le mythe des rivières vierges de toute exploration et des « sauvages » reste présent. De fait, les habitants des vallées traversées éprouvent une méfiance envers tout ce qui pourrait évoquer ou reproduire le processus de domination coloniale. Cette ambivalence dans la perception que les populations rurales ont des activités importées par les citadins a été rappelée à l’égard du canoë et de la production d’une certaine forme de « colonisation » des régions rurales induites par le loisir. Ce problème se situe à mi-chemin entre une vision du loisir sur laquelle des projections coloniales peuvent être opérées et un ima-ginaire dans lequel s’agrègent des représentations négatives et des jugements de valeurs. En bricolant l’exotisme, les promoteurs du canoë construisent la relation d’altérité à partir de leurs propres schèmes de pensée. Mais pour les citadins, il s’agit de renouer avec la nature, validant en cela l’hypothèse d’un « ethos de conquête » de l’espace rural constitutif du sens de l’altérité entre pratiquants du Nord et ceux du Sud.

On peut donc formuler une seconde hypothèse. La descente de rivières en canoë engloberait une propension à la fuite de la ville propre aux idéolo-gies urbaphobiques, héritées de la colonisation (Morissoneau, 1978, p. 34).

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L’emprise de ces valeurs et le maintien de rapports sociaux ambivalents sont l’occasion d’autant de discours chez les acteurs de ces milieux. Tantôt déprécié par les habitants des vallées, le fleuve apparaît comme un espace de jeu pour les canoéistes. Cet élément introduit une fracture dans les relations ville – campagne. Le rapport au cours d’eau est inversé selon qu’on s’inscrit dans l’exploration d’une « vallée » ou des usages domestiques. L’examen des fondements de la culture sportive du canoë en Zambie révèle des rapports conflictuels entre le colonat et la population locale. En Afrique, l’explorateur est alors perçu par les populations visitées comme un Autre que l’on regarde avec stupéfaction. Le modèle anglais imprime sa marque sur la diffusion de ce sport dans cette aire culturelle. Il montre sa force de diffusion à travers l’impérialisme britannique et la ségrégation sociale. Une discrimination, basée sur les classes sociales se crée. Par distinction, des liens sont tissés entre les populations de touristes britanniques en villégiature et ceux qui sont installés à demeure (« expatriés »). Cela se répercute sur l’homogénéi-sation des pratiques au nom des fonctions « civilisatrices » du loisir sportif. Ces idéologies coloniales réaffirment le lien entre les vertus de la nature et les modèles du citadin (Sirost, 2008). Ce rapport se présenterait comme un héritage de la colonisation. Le plein air occupe une fonction inculcatrice des idées de conquête du monde et de défi des colons anglais entrés en Zambie (alors Rhodésie) dès 18738. Ces derniers fixent des règles régissant la colonie. Ils y importent leurs loisirs. La décadence de l’empire n’a pas estompé le renvoi à l’idéologie de la conquête véhiculé par les canoéistes anglais9. On valide la seconde hypothèse en insistant sur le fait que le loisir en canoë ne saurait être dissocié des idéologies urbaines.

Le loisir, instrument d’homogénéisation culturelle

Dans la mesure où l’activité de loisir est organisée par des guides locaux10, des interactions plus poussées se créent. Qu’en est-il de ces relations entre représentants des pays du Nord et du Sud dans le cadre de la pratique du canoë ? Qu’est-ce qui caractérise l’altérité dans la démarche des presta-taires de loisirs sportifs ? Le canoë, activité perçue comme ludique par ses promoteurs, comporte une teneur utile à l’arrière-plan. En même temps que les Zambiens font du canoë, un message idéologique est passé à ceux qui ne peuvent s’affranchir du code de conduite anglais. Le canoë dans les régions enclavées de Zambie autorise un rappel des idéologies de la conquête urbaine par les colons anglais, parachevant l’homogénéisation des pratiques. Les Occidentaux construiraient la figure de l’Autre à travers cette mainmise sur les lieux de villégiature, stigmatisant les populations africaines qui n’y participent pas. L’élite anglo-zambienne joue un rôle structurant, en pérennisant le projet colonial d’hygiénisme par le loisir et de différen-ciation ethnique. On peut donc émettre l’hypothèse que le loisir servirait

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l’occidentalisation des modes de vie (Latouche, 1989) et d’homogénéisation culturelle. La Zambie est un État indépendant depuis 1964 mais l’influence des résidents britanniques a joué un rôle dans l’avènement des loisirs dans cet État enclavé d’Afrique australe. La jeune nation souveraine a encouragé cette diffusion du sport.

Cette question du rapport à l’Autre émerge de conceptions multiples dans les pratiques importées par les colons anglais. En étudiant les orga-nisations et la dimension éducative que procure le contact entre colons et Zambiens, on s’aperçoit que le loisir est pensé comme une parenthèse dans la vie des Anglais expatriés en Zambie. S’appuyant sur les idéologies du rejet de la ville identifiées précédemment, ces démarches visent à extraire les citadins d’un milieu qu’ils jugent « physiquement et moralement malsain ». Les récits apportent un éclairage sur les rapports au loisir. La nature serait le lieu permettant de renouer avec un rythme dénaturé par la ville. La rela-tion à la nature trouve là une portée éthique, celle de la morale du corps du citadin fortifiée par les éléments. L’activité physique en plein air consacre le besoin de liberté des urbains. La quête d’authenticité repose sur le contact avec l’Autre lors du loisir et de l’exploration des territoires. Le canoë s’est imposé en Zambie à travers l’influence anglaise héritée de l’urbaphobie, peu avant la décolonisation dans les années 1960 à partir du modèle anglais.

La connivence entre canoéistes occidentaux et zambiens devient alors un mot d’ordre : « on peut dire qu’on a vécu avec eux », rappelle Philippe, guide français. L’ambiguïté liée à la proximité fait presque oublier les différences entre groupes. Une hiérarchie s’articule entre elles, selon des phénomènes de centralité et de marges, et de manière relativement semblable entre les pays du Nord et du Sud. La descente de fleuves a émergé, en revanche, à travers la fréquentation par les citadins et, en particulier, au sein des pratiques du canoë qui ont servi de point de référence pour naturaliser cette « conquête » symbolique des torrents. La navigation en rivière n’en est pas moins l’occa-sion d’une mise à distance physique et mentale avec la « vallée, avec le village et ses habitants ». Le regard sur les « autochtones » est construit de cette manière, dans cette distanciation soulignée. Une telle mise à distance reste toutefois intrinsèque à la démarche de diffusion de l’activité. Puis, le terme d’« indigènes » a été condamné dans les représentations collectives par les anthropologues (Amselle, 2005, p. 44). La cohabitation avec l’Autre a permis de reléguer les identités au jeu de l’altérité. Un vocabulaire produit par les catégories classiques de l’anthropologie a été écarté comme l’expression « indigénat » employée par les canoéistes anglais pour désigner le groupe de pratiquants locaux. Le développement du canoë en Zambie peut être lu à partir de la socialisation des Tonga dans un contexte d’activités importées dans une nation qui s’ouvre au commerce. Ce processus marque cette société de tradition orale au passé esclavagiste encore présent.

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Le canoë en Zambie renvoie à la demande d’authenticité des lieux et des populations revendiquée par les citadins occidentaux. Pour beaucoup de citadins, l’Afrique comme territoire rural demeure souvent associée à « une vie soumise aux rythmes naturels, l’asile d’une civilisation tradition-nelle ». Pour construire l’altérité, les codes de conduite pendant un siècle incluaient les modes en usage dans les fractions distinguées de la société anglaise. Cela prend la forme d’une authenticité alors que seuls les codes et les conventions de la société bourgeoise restent comme les marqueurs d’une différence culturelle. Les frontières de l’altérité sont encore associées à de telles représentations.

Le cas de la Zambie illustre l’acculturation et l’impact du loisir par la différence culturelle entre pays du Nord et du Sud. Ce renvoi à l’ailleurs doit maintenant être questionné.

« L’ailleurs » des pratiquants de loisir occidentaux

Les interactions au départ de l’étude d’une culture proche de celle de l’an-cienne métropole anglaise contiennent des référents propres. Partant de là, on peut se demander comment s’opère la transmission d’une culture sportive dans le contexte africain contemporain et quels effets elle peut produire dans cette société encore dominée par les Anglais. La quête de « l’ailleurs » se fonde ici sur l’altérité. Sur le Zambèze, ce n’est donc pas la découverte de nouvelles cultures (celles des ethnies vivant près de la frontière entre Zambie et Zimbabwe à la hauteur du parc naturel des Chutes Victoria) qui est en jeu mais plutôt la manière dont la passion du canoë va cristalliser les relations entre Français et Africains. Les deux groupes Français et Zambiens se retrouvent propulsés dans des interactions qui favorisent des débats sur les façons d’organiser l’activité, les manières de naviguer.

« Le Zambèze est fabuleux, impressionnant la première fois, pour nous pauvres kayakistes européens peu habitués au volume d’un fleuve africain », dit Éric, un guide français. Les effets dominants de la transmission d’une culture sportive viennent exacerber ces relations sociales. Cette destination dans un pays du Sud revient à de nombreuses reprises dans les entretiens comme la référence en matière de « trip » pour les canoéistes français. Mais, au final, c’est toujours la culture occidentale qui domine. C’est elle qui fixe ses cadres, y compris lorsque les locaux se sont approprié la pratique. Le canoë demeure une activité importée par des Occidentaux et relativement peu diffusée dans les pays du Sud. Certes, elle renvoie à l’imaginaire des grands espaces mais elle provient de la naissance de populations dominées par la culture occidentale (on peut la qualifier d’américaine en certains points) et en autosuffisance chez les Tonga de Zambie. Le vocabulaire utilisé par les tour-opérateurs en Zambie présente des similitudes avec les termes employés par

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les explorateurs lors des croisières (« indigènes », « Autochtones »). La mise en scène des coutumes locales est vécue comme une marque d’authenticité. Les Tonga ont adopté les symboles globaux même s’ils étaient jusque-là rétifs à l’emploi de termes anglais dans l’interaction (Scudder, 1962, p. 45). Ce partage d’un ordre local avec les canoéistes locaux se heurte à des réti-cences dans la mesure où les règles du canoë sont celles des promoteurs qui appartiennent aux classes dominantes anglaises ou zimbabwéennes. Comme les guides de rivière sont soit des Occidentaux, soit des expatriés après les émeutes de 200011, les structures du loisir zambien reproduisent le modèle dominant. La relation d’altérité demeure déséquilibrée et s’incarne dans un rapport de différences liées à la globalisation. Dès lors, la dimension interculturelle peut se lire comme un référent local lié à l’acculturation des Tonga appréhendée à travers l’interaction avec l’ex-colon.

Ordre et réactions face au loisir occidental

La diffusion d’une culture sportive ne renvoie-t-elle pas à la capacité des loisirs à se recomposer par des référents pluriels ? Le détour par la langue anglaise atteste du « recours à un élément tiers pour fonder sa propre iden-tité » (Amselle, 2005, p. 7). La notion polymorphe de culture renvoie ici à une fragmentation des modes de transmission et brise l’uniformité du modèle anglais. On peut aussi l’interpréter comme un rapport distant qui rompt avec une vision homogénéisante de la globalisation. Les codes perçus comme universels par les Anglais ne le sont pas pour certains Zambiens. Cette situation pèse sur la transmission d’une culture sportive. Le canoë révèle une homogénéisation des loisirs au prix de tensions identitaires liées aux effets de domination liée à la mobilité. On pourrait en conclure à une relation utilitariste entre l’Occident et les pays du Sud. Or, on se rend compte que l’opposition utilité/ inutilité structure les discours autour de l’hégémonie occidentale caractérisée par la mobilité conférant d’importants profits sym-boliques aux Anglais. À la mobilité subie s’opposerait la mobilité choisie dans des « espaces sauvages ». C’est dans ces derniers que s’inscrivent les canoéistes en partance pour un « trip » à Livingstone. Ce terme « sauvage » est issu d’un ensemble de représentations autour du mythe des rivières « vierges » et du wilderness. La figure de l’indigène est revivifiée par les nécessités commer-ciales du loisir. Les lignes directrices du loisir correspondent aux évolutions traitées dans cette transformation des représentations, puisqu’elles émanent de la périodisation adoptée par le Canoë Club pour construire la genèse des catégories d’altérité. Ce loisir apparaît paternaliste et dominateur car il émane des conceptions de la bourgeoisie cultivée et d’une idéologie du développement reposant sur le modèle des villes occidentales. Les fractions de classes dominantes iront jusqu’à parler de « conquête des torrents » à l’instar des exploits des alpinistes. Parmi ces citadins, nombre d’entre eux

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se sont exilés vers une vie en contact avec le milieu naturel et sont devenus guides à leur tour. Leur démarche consistait à créer des liens avec d’autres guides de rivière fréquentés dans les vallées, et cet apprentissage de l’alté-rité envers des guides en raison de leur expérience, tout en étant dominés socialement, permet aujourd’hui d’apprendre à situer des positions sociales dont les fondements se retrouveraient dans les rapports hégémoniques de la vie citadine. Pour Amselle (2005), les rapports de domination postcoloniale et leur extension dans des sociétés locales posent le problème de branche-ments culturels, c’est-à-dire de cohabitation de groupes avec les valeurs des classes dominantes. Ces dynamiques se dégagent de la mise en scène des rapports entre guides zambiens et clients. Cela se répercute sur la construc-tion de l’altérité dans la mesure où la domination imprime sa marque sur la conception légitime des pratiques. Les étrangers de passage se distinguent du loisir sportif des canoéistes zambiens. Leurs usages se manifestent, voire se théâtralisent, lors de manifestations publiques comme la promotion des pro-duits touristiques par les Zambiens, rejetant les marques de la colonisation.

La réinvention d’une culture canoéiste s’adosse au mythe des Inuits, population vivant en perpétuelle survivance grâce aux techniques de pagaie. Ce renvoi à l’ailleurs perdure dans la « modernité réflexive » (Martin, 2005, p. 175). Le retour de modes traditionnels de pirogues, sous des formes écla-tées et réinventées interroge la validité d’un tel modèle pour penser le loisir dans les pays d’Afrique. Cette frontière entre exotisme et urbanité pousse les citadins à réappréhender ce qu’ils perçoivent comme « modernes » (Tshikala et Bibeau, 1998). Une dimension « ethnique » de l’activité attribue aux carac-téristiques des pratiques des composantes leur permettant de distinguer et de se distinguer des canoéistes tonga de Zambie. L’altérité devient alors une dimension à part entière de toute démarche d’organisation de loisir. Cette « modernité réflexive » peut être maintenant réappréhendée à partir des renvois au potentiel économique du canoë.

Du loisir en Zambie à l’exploitation d’un potentiel économique

On peut maintenant se demander dans quelle mesure la globalisation impacte le secteur du canoë en Zambie. Les Français qui se rendent en Zambie perpétuent la pratique d’un loisir sportif tandis que l’exploration des qua-lités naturelles du parcours demeure l’objectif premier. Le cas de Philippe, guide de rivière illustre cette relation des citadins à la nature héritée de la société coloniale. Ce guide promeut les loisirs en les adaptant au pays du Sud. En Zambie, le loisir se développe autour de deux pôles : la visite des parcs naturels et le sport. Le second pôle constitue une entité plus citadine autour de l’Adventure Centre et de la Copperbelt, vaste zone commerciale alors liée à l’extraction minière.

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Lors des « trips » en Afrique, on retrouve la même relation de condes-cendance de la part des guides européens tous citadins qui imposent leur manière de pratiquer l’activité comme étant la seule légitime. En suivant quatre canoéistes et des safety kayakers ayant participé à des « trips » sur le Zambèze, nous nous sommes imprégnés de la mise en scène de la pratique conduisant les promoteurs de l’activité à adopter une position ethnocentrique.

L’effort pour un Zambien de s’inscrire comme sujet est constant et ce que nous avons pu observer à travers le développement des descentes commerciales en canoë en Zambie n’est pas nouveau mais constitue un mouvement global des sociétés contemporaines. Les canoéistes, se rendant en Zambie, se munissent de cartes géographiques de la région traversée mais un certain localisme12 prévaut. En menant des observations in situ dans les communautés zambiennes, on peut constater que l’acculturation au loisir s’inscrit dans les relations sociales des pratiquants. Pour eux, l’assujettis-sement à des choix collectifs est connoté négativement. Ils reprochent aux touristes de polluer les sites naturels, de les détériorer ou encore d’exclure les pêcheurs des rivières et de favoriser la spéculation immobilière. Le canoë en Zambie, à travers le loisir, se développe dans le cadre de l’introduction d’activités nautiques liées à la domination postcoloniale. Les canoéistes sont considérés par les populations locales comme des symboles du colon anglais, ce qui implique une influence importante sur la construction des normes et conduites dans le domaine du loisir.

Depuis l’indépendance en 1964, le loisir est devenu une « industrie » pour le pays au même titre que le minerai. Les produits sportifs se diffuse sous la forme d’un loisir élitiste consommé par les Britanniques en villégia-ture ou installés quasiment à demeure dans les deux principales villes du pays (Livingstone et Lusaka). Depuis la décolonisation, les communautés cèdent la place à la société globale, au développement économique et à la tradition de la rationalité stratégique déterminée par les contraintes et les objectifs d’un système capitaliste. Cependant, ce développement profite partiellement à la population zambienne. D’une manière générale, que ce soit dans les secteurs miniers et forestiers, l’expérience du travail salarié au lieu d’intégrer consacre les discriminations et la marginalisation. Ce mou-vement n’existe qu’en relation avec l’expérience des inégalités et la profonde domination qu’exercent encore les Anglais sur le loisir des Zambiens. Les canoéistes africains sont montrés dans une posture accueillante, confinés dans le discrédit de la différence culturelle. Or ce sont de fins pagayeurs qui naviguent depuis plus de vingt ans. Cette dimension du loisir, ou de l’exploration, possède aussi bien des résonances postcolonialistes qu’une appréhension biaisée de l’altérité. Elle s’est constituée autour des pratiques et dans l’imaginaire collectif des canoéistes. Cet héritage du colonialisme va de pair avec une certaine fascination de la frontière Nord-Sud. À ce titre,

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l’élargissement des lieux de loisir est inséparable des transformations de l’es-pace. La complémentarité de l’offre de visites des chutes Victoria et de sports d’eau vive y contribue. On peut valider l’hypothèse que la transmission de la culture sportive du canoë se traduit par une domination des Occidentaux sur les Zambiens, entraînant une déculturation de ces derniers, bricolant les référents culturels anglais. Le canoë constitue un révélateur des modes de structuration des loisirs en Zambie. Il n’est pas un outil d’acculturation mais un élément de positionnement dominant.

Conclusion

Interroger les formes de loisir à la lumière des relations Nord – Sud, nous a amené à opérer un retour sur les interactions à l’œuvre dans l’organisation du canoë en Afrique. L’altérité se construit dans des relations faites de tensions entre espaces urbains et ruraux, pays du Nord et du Sud. À partir d’un chan-gement de représentations, l’utilisation du loisir a permis de montrer que le canoë récupère des symboles coloniaux. Si ce sport s’enracine dans la rupture momentanée avec la ville, il réaffirme les liens de subordination entre vie urbaine et ruralité, Occident et Afrique. La France et la Zambie présentent de forts contrastes de développement. En prônant les idéologies héritées de l’urbaphobie, des pratiquants cherchent à rompre momentanément avec leurs conditions de vie quotidienne. L’imposition de la culture occidentale homogénéise les emprunts à des codes, des symboles que les acteurs se représentent comme « universels ». Ces symboles globaux influencent les modes de transmission de la culture sportive du canoë dans ce contexte postcolonial. En effet, les canoéistes partagent un engouement qui dépasse la simple promenade pour s’inscrire dans la conquête des territoires du Sud.

Si la construction de l’altérité apparaît comme un processus com-plexe, en canoë, les « expatriés » ont construit leurs propres manières de se représenter les populations. En Afrique, le loisir est perçu tantôt comme un « miracle » tantôt comme une « menace pour l’intégrité sociale et l’économie ». Les catégories classiques de l’anthropologie doivent donc être reconsidérées à la lumière des évolutions du loisir, de son homogénéisation et des impacts sur les économies globalisées (tensions entre « l’ici urbain » et « l’ailleurs naturel »).

Le canoë offre une illustration de l’impact des loisirs parmi les habi-tants des villes du Sud. Au-delà des difficultés auxquelles se heurtent les sociologues lorsqu’il s’agit d’en proposer une analyse, force est de constater que nombreux sont les éléments constitutifs de ce pan de la culture encore ignorés à ce jour qui peuvent aboutir à de nouvelles coopérations. De l’eau nourricière permettant le développement économique à la société des loisirs,

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les dimensions des cours d’eau se sont multipliées. L’Occident s’est créé des besoins que seule l’Afrique peut assouvir. Un loisir comme le canoë dans le haut lieu des chutes Victoria en constitue l’exemple actuel.

nOtes

1. L’un des sites les plus visités du monde avec un million de touristes par an. 2. De la fin du xixe siècle à la première moitié du xxe, les Empires coloniaux ont

qualifié les peuples d’Afrique d’« indigènes ». Cette dénomination a été reprise par les premiers touristes et étendue à toutes les populations ne présentant pas le caractère « civilisé » lié aux représentations du travail et du loisir des citadins.

3. Ce fleuve africain est considéré comme le « haut lieu » du canoë dans le Monde. Ses difficultés en attestent (vagues de trois mètres, chutes).

4. Il s’agit ici de l’élément physique qui peut être défini comme une portion d’eau mise en mouvement. L’eau vive désigne à la fois les sites et une forme de navi-gation en kayak.

5. Les appellations « White water » en Américain, « Wild water » en anglais ou « wild-wasser » en allemand désignent l’eau vive comme eaux blanches ou « sauvages ».

6. Le terme de canoë recouvre les pratiques des sports de la pagaie qui est le levier de propulsion de bateaux « flotteurs ». Le canoë et le kayak sont deux pratiques distinctes : elles diffèrent par la pagaie et par la position dans le bateau. On dis-tingue l’emploi respectif d’une pagaie simple et d’une position à genoux pour le canoë, d’une pagaie double et position assise pour le kayak.

7. Entretien avec Hervé Madoré, Inspecteur au ministère des Sports en France, Paris, 15 février 2005.

8. Explorations de David Livingstone en 1851. 9. Il faut mentionner que l’Angleterre représente le plus grand territoire de prati-

quants en Europe, les États-Unis et le Canada restant les principaux pays regrou-pant des adeptes du canoë.

10. Ce terme est employé en référence aux notions retenues par les acteurs. Il signifie ici « populations locales ».

11. Des incidents politiques opposants les fermiers anglais au régime de Robert Mugabe, ex-président de la république du Zimbabwe.

12. Expression employée par Philippe, ancien gérant d’une entreprise spécialisée dans les descentes en canoë en Zambie.

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Relations Nord-Sud, altérité et pratiques de loisir : l’exemple du canoë en Zambie

résumé

À partir d’une enquête sur les usages sociaux du canoë en Afrique australe, cet article entend souligner les traits problématiques caractérisant les relations sociales qui se nouent entre pratiquants européens et « populations locales ». Si l’organisation de l’activité a été importée par des Anglais dans les pays

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du Sud, canoéistes et habitants entrent peu en interaction en dehors de la pratique des loisirs. En étudiant l’altérité, il s’agit de caractériser le canoë afin de saisir l’émergence de modes d’appréhension de l’Autre dans le cadre de ce loisir en France et en Zambie. La singularité des relations sociales qui se nouent entre populations occidentales et africaines durant l’activité pose la question de la différence culturelle. Les modes de structuration du canoë constituent ainsi un révélateur des rapports toujours ambivalents entre pays du Nord et pays du Sud.

Antoine Marsac

North-South relations, otherness and leisure practices : The example of canoe in Zambia

abstract

This paper is based on an investigation of the social use of canoes in Southern Africa in order to highlight the issues that characterize the social relations existing between the Europeans and the “local populations” who practice the sport. The organization of the activity has been imported by the English in the countries of the South. As a result canoeists and local residents do not interact much outside of the practice of that leisure. By focussing on the concept of otherness, the paper looks at canoeing in a way that helps grasp the emergence of modes of apprehension of the Other within this leisure context in France and Zambia. The singular social relations between Western and African populations during the activity raise the question of the cultural difference. The structuring modes of canoeing activities constitute a revea-ling element of the ambivalent relations that have always existed between countries of the North and the South.

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