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Cours Droit des relations collectives de travail Pr. Mohamed Bachir Niang [Tapez un texte] Page 1 RELATIONS SOCIALES DANS L’ENTREPRISE Introduction Le droit du travail est traditionnellement scindé en deux parties : le droit des relations individuelles de travail et celui des relations collectives de travail. le droit des relations collectives de travail regroupent les règles qui organisent la vie de la collectivité des travailleurs dans l’entreprises et au-delà. Le droit des relations de travail s’est particulièrement transformé par l’effet des relations collectives de travail. La notion d’entreprise elle-même s’est transformée car elle n’est plus considérée comme propriété du chef d’entreprise mais comme un lieu de rencontre d’intérêts différents et opposés (salariés, actionnaires, chef d’entreprise…). Le développement du droit des relations collectives de travail entretient sans doute un lien avec l’essor des droits de l’homme dans l’entreprise. Les droits fondamentaux reconnus à l’individu en matière d’expression, de participation, d’association s’adressent également au salarié en tant que personne humaine. La mise en œuvre de ses droits dans la sphère de l’entreprise a bouleversé les rapports que l’employeur avait traditionnellement avec les travailleurs. La collectivisation des relations professionnelles est née par le droit du travail avant de s’étendre à toutes les relations professionnelles Deux parties : les acteurs des relations collectives de travail et l’action collective menée par ces acteurs

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RELATIONS SOCIALES DANS L’ENTREPRISE

Introduction

Le droit du travail est traditionnellement scindé en deux parties : le droit des

relations individuelles de travail et celui des relations collectives de travail.

le droit des relations collectives de travail regroupent les règles qui organisent

la vie de la collectivité des travailleurs dans l’entreprises et au-delà. Le droit des

relations de travail s’est particulièrement transformé par l’effet des relations

collectives de travail. La notion d’entreprise elle-même s’est transformée car

elle n’est plus considérée comme propriété du chef d’entreprise mais comme

un lieu de rencontre d’intérêts différents et opposés (salariés, actionnaires,

chef d’entreprise…).

Le développement du droit des relations collectives de travail entretient sans

doute un lien avec l’essor des droits de l’homme dans l’entreprise. Les droits

fondamentaux reconnus à l’individu en matière d’expression, de participation,

d’association s’adressent également au salarié en tant que personne humaine.

La mise en œuvre de ses droits dans la sphère de l’entreprise a bouleversé les

rapports que l’employeur avait traditionnellement avec les travailleurs.

La collectivisation des relations professionnelles est née par le droit du travail

avant de s’étendre à toutes les relations professionnelles

Deux parties : les acteurs des relations collectives de travail et l’action

collective menée par ces acteurs

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Chapitre I – Les acteurs des relations collectives de travail

Nous étudieront successivement les syndicats professionnels, les délégués du

personnel, et enfin, l’employeur lui-même.

Section I – Les syndicats professionnels

L’article 7 du CT se contente de préciser que « les personnes exerçant la

même profession, des métiers similaires ou des professions connexes

concourant à l’établissement de produits déterminés, ou la même profession

libérale peuvent constituer librement un syndicat professionnel ».

le syndicat peut être composé d’employeurs (syndicat d’employeurs) ou de

travailleurs (syndicat de travailleurs) avec une extension aux professions

libérales. L’objet du syndicat est essentiellement professionnel c’est-à-dire

tourné vers la défense des intérêts professionnels de ses membres. Cela ne

manque pas de soulever des difficultés chaque fois que les revendications ont

une coloration politique.

L’organisation syndicale déborde très souvent les frontières de l’entreprise. Les

confédérations de syndicat sont les centrales composées des syndicats

différents. Elles interviennent dans la négociation des conventions et accords

collectifs nationaux et interprofessionnels ainsi que dans le dialogue tripartite

employeurs/travailleurs/Etat.

Les fédérations sont des groupements de syndicats dans la même profession

ou des professions connexes. A travers l’article 7 du CT, le législateur consacre,

à travers la réglemention des syndicats, l’institution d’un système privilégié

d’organisation ou de regroupement de salariés ou des employeurs. Deux

préoccupations : leur règle de constitution et leur rôle.

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- A- la constitution du syndicat

la constitution d’un syndicat professionnel doit, aux termes de la convention n

111 de l’OIT être libre. Au Sénégal, il existe une procédure administrative qui

n’aboutit pas toujours à une réponse positive.

Les fondateurs de tout syndicat doivent déposer les statuts et la liste des

personnes qui, à un titre quelconque, sont chargées de son administration et

de sa direction. Il s’ensuit une Transmission du dossier au ministre chargé du

travail, au ministre de l’intérieur et au procureur de la République par

l’inspecteur du travail. Un rapport d’enquête est établi par l’inspecteur du

travail et précise les circonstances et conditions de formation du syndicat.

Dans le même sens, une enquête du Procureur de la République est diligentée

sur la régularité des statuts et la situation de chacun des membres chargés de

l’administration et de la direction du syndicat.

Le Procureur de la République a un délai de 30 jours pour transmettre ses

conclusions au ministère de l’intérieur, à l’inspecteur du travail et aux

dirigeants du syndicat. Après avis du ministre du travail et les rapports et

conclusions de l’inspecteur du travail et du Procureur de la république, le

ministre de l’intérieur délivre ou non le récépissé (Les personnes que le

Procureur de la République désigne comme ne pouvant occuper les fonctions

d’administration et de direction sont exclues d’office sauf recours).

La dissolution judiciaire du syndicat peut être demandée par le Procureur de la

République lorsque les règles de constitution ou de fonctionnement ne sont

pas conformes à la loi

Les membres d’un syndicat doivent être âgés au moins de 16 ans et exercer

une activité professionnelle. Les dirigeants du syndicat doivent jouir de leurs

droits civiques et politiques et être de nationalité sénégalaise. Les étrangers

peuvent cependant diriger un syndicat au Sénégalais mais sous condition de

réciprocité.

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B – le rôle des syndicats professionnel

Les syndicats ne peuvent remplir efficacement leur mission qu’avec la

protection de la loi. Cette protection existe par la voie de la liberté syndicale

mais est limitée

1 – La liberté syndicale, gage de l’efficacité de l’action syndicale

Du coté du salarié, la liberté syndicale signifie

-la liberté de se syndiquer ou non

- la liberté de choisir son syndicat

- le droit de quitter le syndicat

Il s’y ajoute que l’employeur se voit interdire de prendre en considération

l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter

ses décisions en ce qui concerne l’embauchage, la conduite et la répartition du

travail, la formation professionnelle, l’avancement, la rémunération, et l’octroi

d’avantages sociaux (discrimination syndicale).

Egalement, toute mesure de pression à l’égard d’une organisation syndicale est

interdite. La discrimination syndicale peut également prendre la forme d’un

comportement de l’employeur qui tendrait à favoriser un syndicat au

détriment des autres (convocation en vue de la négociation d’une convention

collective, financement d’un syndicat…). Enfin, l’employeur ne doit en aucune

manière mettre des obstacles à l’action syndicale (délit d’entrave)

Aussi, la liberté syndicale est relative en droit sénégalais du fait que les

délégués syndicaux ne jouissent pas d’un véritable statut comme les délégués

du personnel. Le droit sénégalais n’identifie que l’organisation syndicale auquel

on reconnait des prérogatives. Les délégués syndicaux peuvent être licenciés

selon la même procédure que les autres salariés alors que la Convention n° 111

pose la nécessité de leur protection. Dans la pratique, les inconvénients liés au

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défaut de protection juridique des délégués syndicaux sont atténuée par le fait

que les délégués syndicaux sont très souvent délégués du personnel.

2 - Les prérogatives reconnues des syndicats professionnels

Il s’agit principalement de La représentation et de la défense des intérêts

matériels (salaires, accès, responsabilité civile…) et moraux (image,

honneur, réputation de la profession..) de la profession. Ainsi, s’établit la

différence entre l’action collective (intérêts de la profession) et l’action

individuelle (intérêts individuels)

Il existe un principe de spécialité qui veut que les syndicats ne puissent agir

que dans ce cadre (beaucoup de problèmes dans la pratiques car les

revendications peuvent avoir un caractère nationales et politiques…). Cette

défense des intérêts de la profession est parfois subordonnée à des

conditions de représentativité (négociation collective, commission mixte

paritaire…). Les critères de la représentativité sont de type quantitatifs

(nombre d’adhérents, cotisations effectivement perçues, résultats aux

élections du personnel), et de type qualitatifs (expérience, indépendance…).

L’action syndicale se fait par le biais de la négociation collective c’est-à-dire

celle en vue de la création de normes de droit du travail par les acteurs

professionnels eux-mêmes. Elle prend aussi la forme du conflit collectif,

notamment la grève. Si en ce domaine, les syndicats ne disposent pas d’un

monopole expressément reconnu par la loi, dans la pratique, ils sont

souvent les organisations qui déclenchent et soutiennent le mouvement de

grève.

Les syndicats peuvent être aussi amenés à organiser la défense des intérêts

individuels des salariés à condition de détenir un mandat syndical c’est-à-

dire une autorisation expresse du salarié concerné. Cependant, une

question individuelle peut présenter un intérêt collectif. Lorsque l’action du

syndicat est destinée à dénoncer la violation d’une norme conventionnelle,

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le syndicat peut agir même dans le cadre d’un litige individuel dès lors que

le salarié concerné ne s’y oppose pas expressément.

Section II – Les délégués du personnel

Contrairement aux syndicats et aux délégués syndicaux, les délégués du

personnel apparaissent comme les représentants « au quotidien » des salariés.

Leur action semble ainsi s’inscrire dans la quotidienneté de l’entreprise en tant

qu’ils sont institués par le législateur comme des intermédiaires permanents

entre le chef d’entreprise et les travailleurs.

Deux préoccupations : leur désignation et leur statut

A – la désignation des délégués du personnel

Il y’a application d’un principe démocratique puisque les délégués du

personnel, contrairement au délégué syndicaux, sont élus par les salariés.

Le cadre de l’élection est l’établissement qui est différent de

l’entreprise. Une entreprise pouvant comprendre un ou plusieurs

établissements (l’établissement est défini comme un groupe de

personnes travaillant en commun en un lieu déterminé , usine, local ou

chantier sous une autorité commune représentant l’entreprise ; situés

en des lieux différents par exemple).

Le choix de l’établissement comme cadre de référence de la

désignation des délégués du personnel s’explique pour des raisons

pratiques : faire en sorte que les représentants des salariés aient une

proximité géographique avec ces derniers et soient ainsi bien

imprégnés de leurs réalités. Cependant, seuls les établissements

comptabilisant plus de dix salariés sont visés par les textes relatifs à la

désignation des délégués du personnel. Il existe pourtant une

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possibilité de regrouper plusieurs établissements de moins de dix

salariés pour atteindre le seuil.

Ne sont éligibles que les salariés majeurs et de nationalité sénégalaise

sauf réciprocité invoquée par l’intéressé et avoir une ancienneté d’un

an au moins dans l’entreprise. Les candidats ne doivent être ni parent

ou allié du chef d’entreprise.

Deux catégories de salariés ont conduit à la reconnaissance de deux

collèges électoraux : celui des cadres et assimilés et celui des ouvriers

et autres salariés. L’identification de la catégorie des cadres requière

très souvent un examen de la convention collective de branche

d’activité.

Tous les salariés totalisant six mois d’ancienneté sont électeurs (CDD

comme CDI). Les listes de candidats sont présentées au chef

d’établissement ou d’entreprise. elles sont dressées et présentées par

les organisations syndicales représentées dans l’entreprise. à défaut

d’organisations syndicales présentes dans l’entreprise, les candidatures

libres sont admises. Il semble ainsi y avoir un monopole syndical de

présentation des listes.

Le nombre de délégués à élire varie selon la taille de l’entreprise (un

délégué lorsque l’effectif varie entre 11 et 25 salariés, deux délégués

pour un effectif entre 26 et 50 salariés…).

Les élections se tiennent tous les trois ans. Le chef d’entreprise a la

responsabilité de l’organisation des élections, le refus d’organisation ou

le retard constituant des délits d’entrave. Il établit, en accord avec les

salariés, les modalités du scrutin (date, lieu…)

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II – Le statut des délégués du personnel

Ils disposent d’un certain nombre de prérogatives et sont de ce fait,

protégés dans le cadre de l’exécution de ces dernières.

A – Les fonctions de délégué du personnel

C’est la représentation des salariés dans l’entreprise et même vis-à-vis

de l’autorité publique. Le délégué du personnel présente à l’employeur

toutes les réclamations individuelles et collectives. Le législateur

évoque la notion de réclamation, semblant ainsi réserver les

revendications à l’autorité syndicale.

Les délégués du personnel veillent à l’application stricte de la législation

sociale dans l’entreprise et peuvent signaler toute violation à

l’inspecteur du travail ou au Procureur de la République. Ils ont parfois

un rôle consultatif (licenciement pour motif économique, établissement

du règlement intérieur par l’employeur, mise en chômage technique,

lock-out…). Récemment, le Code du travail a adjoint à leurs attribution

la possibilité de négocier des accords d’établissement ou d’entreprise

au même titre que les syndicats mais les dispositions en ce sens ne sont

pas suffisamment claires

Dans le cadre de l’exécution de leurs nombreuses fonctions, les

délégués du personnel disposent d’un crédit horaire de 20 heures par

mois considéré comme temps de travail effectif et rémunéré. Des

tableaux d’affichage doivent être mis à leur disposition par l’employeur.

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B – La protection du délégué du personnel

Parce qu’il risque de subir les actes préjudiciables de l’employeur, le délégué du

personnel ne peut être licencié ou muté que par des procédures particulières.

1 - Le licenciement du délégué du personnel

Le licenciement est la rupture du contrat à durée déterminée sur initiative de

l’employeur. Il est soumis à une procédure particulière et exclusive de toute

autre lorsqu’il vise un délégué du personnel.

L’employeur doit formuler une demande d’autorisation préalable à l’inspecteur

du travail. Ce dernier dispose d’un délai de 15 jours pour répondre et le refus

ne peut être fondé que sur des motifs de légalité. Le silence de l’inspecteur plus

de 15 jours correspond à une autorisation sauf si une expertise est rendue

nécessaire par les circonstances. La décision de l’inspecteur du travail peut

faire l’objet d’un recours hiérarchique devant le ministre du travail qui dispose

d’un délai de un mois pour infirmer ou confirmer cette décision.

L’acte du ministre du travail peut faire l’objet d’un recours pour excès de

pouvoir devant la Cour suprême.

Lorsque le délégué a été licencié en méconnaissance du refus donné par

l’autorité administrative ou sans même solliciter une autorisation, ce

licenciement est nul et de nul effet. Le délégué doit alors être réintégré dans un

délai de 15 jours tout en recevant les salaires qu’il aurait du recevoir depuis la

rupture du contrat de travail.

Lorsque l’employeur refuse de réintégrer le délégué dans un délai de 15 jours,

la sanction de ce retard est le versement d’une indemnité égale à 12 mois de

salaire (délégué totalisant 1 à 5 ans d’expérience professionnelle), 20 mois de

salaire brut (délégué totalisant 5 à 10 ans d’expérience), jusqu’à 36 mois de

salaire brut à raison de deux mois de salaire par année d’expérience

supplémentaire au-delà de la dixième année.

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Cette procédure avantageuse bénéficie également aux candidats aux fonctions

de délégué du personnel pour la période comprise entre la date de remise des

listes et celle du scrutin. Elle s’applique aussi aux délégués pendant la période

comprise entre la fin de leur mandat et l’expiration des trois mois suivant le

nouveau scrutin.

2 - La mutation du délégué du personnel

La mutation est souvent l’alternative qui reste à l’employeur qui ne peut

licencier un délégué du personnel. La protection que le législateur tente de

mettre en place par le régime juridique du licenciement du délégué risque

d’être ineffective si la mutation de ce délégué n’est pas strictement organisée.

Si le Code du travail ne réglemente pas cette mutation du délégué du

personnel, la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle (CCNI) le

fait. Cette Convention exige de l’employeur d’aviser l’inspecteur du travail de

son projet de mutation mais l’avis donné par l’inspecteur du travail ne lie pas

l’employeur. Cependant, l’employeur ne devrait pouvoir muter le délégué du

personnel qu’avec son consentement sauf si le contrat de ce dernier

comportait une clause de mobilité géographique. La mutation géographique

est en effet une modification substantielle du contrat de travail qui nécessite

l’accord du salarié.

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III – L’employeur

C’est un acteur des relations collectives de travail.

Dans le cadre de la négociation collective au niveau de la branche d’activité,

l’employeur est souvent représenté par un syndicat d’employeurs.

Dans le cadre de l’entreprise, l’employeur est le vis-à-vis des salariés, souvent

représentés par les délégués du personnel et les délégués syndicaux.

Dans l’entreprise individuelle, l’employeur est le chef d’entreprise. Dans une

entreprise constituée sous forme de personne morale, l’employeur est la

personne morale elle-même même si cette dernière agit alors par

représentation (directeur, gérant…).

L’employeur est un acteur des relations collectives car, à l’égard de la masse

des salariés, il dispose d’un pouvoir d’organisation et de direction, d’un pouvoir

réglementaire, et d’un pouvoir disciplinaire.

I – Le pouvoir d’organisation et de direction

C’est un attribut de l’employeur et qui s’explique largement par l’état de

subordination juridique du salarié. Cet état de subordination autorise

l’employeur à prendre les mesures concernant l’organisation du travail et qui

se manifestent par des ordres et instructions auxquels le salarié est tenu de

déférer.

Plusieurs attributions sont reconnues à l’employeur et qui illustrent ce que l’on

appelle couramment le pouvoir patronal:

- Libre choix du personnel sous réserve du respect des dispositions prohibant

la discrimination à l’embauche

- Fixation des conditions de travail dans le cadre des dispositions légales

(tenue vestimentaire, horaires…)

- Contrôle de l’exécution, par les salariés, de leurs prestations de travail

- Choix des salariés à licencier en cas de licenciement collectif pour motif

économique même si la loi établit des critères à respecter une fois que les

postes à supprimer sont définies par l’employeur

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- Cessation de l’activité pour convenance personnelle

II – Le pouvoir réglementaire de l’employeur

Il permet à l’employeur d’élaborer des règles applicables dans l’entreprise

comme un « législateur ». Le pouvoir réglementaire constitue un aspect du

pouvoir d’organisation et permet à l’employeur d’adapter la législation à son

entreprise. Le pouvoir réglementaire s’illustre à travers l’établissement du

règlement intérieur.

Son établissement est obligatoire pour toutes les entreprises de 11 salariés et

plus. Le règlement intérieur est établi unilatéralement par l’employeur. Il est

tenu cependant de le transmettre à l’inspecteur du travail et aux délégués du

personnel. L’inspecteur du travail vérifie notamment s’il ne contient pas de

dispositions contraires à l’ordre public.

Le contenu du règlement intérieur est limitativement fixé par les dispositions

législatives: la discipline, l’hygiène et la sécurité au sein de l’entreprise. Toute

autre clause est nulle.

L’employeur, par le règlement intérieur, ne peut apporter de restrictions aux

libertés individuelles et collectives qui ne seraient pas justifiées par la nature de

la tâche à accomplir ni comporter des dispositions discriminatoires.

II – Le pouvoir disciplinaire de l’employeur

Il a pour vocation à sanctionner le ou les salariés qui contreviennent aux

dispositions contractuelles et légales et celles du règlement intérieur. Le

pouvoir disciplinaire permet à l’employeur de prononcer une sanction en cas

d’insubordination, d’exécution défectueuse de la prestation de travail…

la palette des sanctions va du simple avertissement au licenciement en passant

par la mise à pied, la rétrogradation, le blâme, la mutation... l’employeur peut

appliquer la sanction de son choix car il n’existe pas de contrôle de la

proportionnalité entre la faute et la sanction (contrairement au droit français

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ou le juge peut annuler les sanctions disproportionnées). L’employeur est aussi

autorisé à appliquer des sanctions différentes à des salariés fautifs des mêmes

faits.

Un certain nombre de limites sont cependant apportées par la loi. Ainsi : le

principe de l’interdiction de la double sanction qui signifie que le salarié ne

peut être sanctionné plusieurs fois pour les mêmes faits ; aussi, les sanctions

pécuniaires sont interdites : ce sont celles qui permettent à l’employeur de

diminuer directement le salaire du travailleur. Cependant les sanctions ayant

une incidence financière indirecte sont permises.

La mise en œuvre des pouvoirs reconnus au chef d’entreprise ne manque pas

de conduire à la responsabilité civile ou pénale de ce dernier lorsqu’il

contrevient à la loi.

**Responsabilité civile : en cas de licenciement abusif ou de sanction

abusive, dommages corporels subis par les salariés du fait d »’une

faute intentionnelle de l’employeur

**Responsabilité pénale : permet de sanctionner pénalement certains

comportement de l’employeur constitutifs d’infractions : violation des

règles d’hygiène et sécurité, entrave à la désignation des délégations

du personnel et à l’exercice de leurs fonctions ; travail forcé,

embauche en deçà de l’âge minimum

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CHAPITRE II – L’ACTION COLLECTIVE

Ces rapports concernent principalement la négociation collective et les conflits

collectifs de travail. Dans une moindre mesure, les règles d’hygiène et de

sécurité participent à ces rapports ainsi que le contrôle par l’inspection du

travail de l’application de la législation du travail.

Section I - La négociation collective

L’autonomie collective des partenaires sociaux est sans doute l’une des

originalités du droit du travail. Dans ce droit, l’idée est avancée que les acteurs

professionnels sont appelés à négocier eux-mêmes certaines règles applicables

dans l’entreprise.

Le législateur règle dores et déjà la question de la hiérarchie entre normes

négociées et celle émanant des organes de l’Etat (exécutif et législatif). Aux

termes de l’article L. 80 al. 2 du CT, « la convention peut mentionner des

dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en

vigueur. Elle ne peut déroger aux dispositions d’ordre public définies par ces

lois et règlements ». À travers ces dispositions, le législateur sénégalais

manifeste un bouleversement des mécanismes traditionnels de la hiérarchie

des sources de la règle de droit. D’abord par l’institution de sources

professionnelles et ensuite par la prévision que de telles sources puissent

contrevenir aux sources supérieures (lois et règlements) lorsqu’une telle

démarche est favorable aux salariés. Ainsi, sont sauvegardées, en droit

sénégalais, le principe de l’ordre public social et le principe de faveur.

Trois préoccupations peuvent animer l’analyste qui réfléchit sur le régime

juridique applicable à la négociation collective: les fondements du droit à la

négociation collective, les différentes sortes d’accords négociés et enfin, la

mise en œuvre des instruments négociés

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A – les fondements du droit à la négociation collective

Ils sont d’abord constitutionnels. Aux termes de l’article 25 de la Constitution,

« tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la

détermination des conditions de travail dans l’entreprise ». Le texte vise les

délégués mais recèle certainement une inadvertance. Ce que le constituant a

voulu dire, c’est que tout travailleur participe à la détermination des conditions

de travail dans l’entreprise par l’intermédiaire de ses représentants.

En matière de négociation collective, une certaine discrimination est introduite

par le législateur car toutes les organisations représentants les salariés ne sont

pas appelées à négocier. D’abord, l’article L. 80 CT vise « les syndicats et

groupements professionnels de travailleurs » mais, dans la pratique, l’autorité

publique ne valide que les conventions négociées par des syndicats (exclusions

des associations de travailleurs, groupements : secteur spectacle).

Il existe par ailleurs un certain monopole syndical de la négociation. Ce sont

surtout les syndicats qui sont appelés à la négociation par la loi. Encore qu’il

existe une sélection des syndicats : seuls les plus représentatifs au niveau de la

négociation sont appelés à y participer (représentativité dans l’entreprise, dans

la branche d’activité, au niveau national…). Critère de la représentativité :

critères quantitatifs (suffrages, cotisations syndicales…) et qualitatifs

(indépendance, action du syndicat…)

La loi du 31 décembre 1997 portant Code du travail tempère cependant le

monopole syndical de la négociation en accordant aux délégués du personnel la

possibilité de négocier certains instruments conventionnels qui seront étudiés

plus loin.

L’effectivité et l’efficience du droit de la négociation collective semble par

ailleurs être liés à deux réalités. D’abord, le respect du principe majoritaire qui

voudrait que les instruments conventionnels ne puissent entrer en vigueur que

lorsque les syndicats qui les ont signés sont les plus représentatifs des

travailleurs. Ensuite, l’émergence, en droit sénégalais, d’un véritable droit à la

négociation collective qui amènerait les salariés à contraindre l’employeur à la

négociation.

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La négociation collective reste cependant en droit sénégalais un simple droit et

non une obligation. On ne peut en effet contraindre l’employeur à négocier en

droit sénégalais certains instruments conventionnel comme la convention

collective d’entreprise. Pourtant, même lorsque l’employeur refuse de négocier

dans le cadre de son entreprise, le ministre du travail a la possibilité de lui

imposer une convention collective de branche par la voie de l’extension.

B – Les différentes sortes d’instruments négociés

Différents types d’instrument correspondent à divers niveaux de négociation :

l’établissement, l’entreprise, la branche, l’interprofessionnel.

En matière conventionnelle, le principe de faveur bien connu reçoit

application : il signifie que les dispositions des instruments conventionnels

inférieurs ne peuvent contenir de dispositions moins favorables aux salariés

que celles des instruments supérieurs. Ainsi, les dispositions des accords

d’établissement sont inférieures à celles des conventions collectives ordinaires

qui elles mêmes sont inférieures à celles des conventions collectives de

branche. Au sommet, on trouve les normes issues de la Convention Collective

Nationale et Interprofessionnelle (CCNI) et des accords interprofessionnels.

1 – la convention collective d’entreprise

C’est la convention collective de « droit commun » mais son régime juridique

soulève quelques critiques

La finalité de la convention collective d’entreprise est d’adapter, aux réalités

de l’entreprise, les dispositions du Code du travail, de la CCNI, des conventions

collectives de branche d’activité.

A son égard, le législateur ne respecte pas le principe majoritaire car elle peut

être négociée par n’importe quel syndicat représenté dans l’entreprise

puisqu’il n’existe pas d’exigence de représentativité comme pour la convention

collective de branche et l’accord interprofessionel. Cette situation est

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paradoxale et permet à l’employeur de signer une telle CC avec un syndicat

minoritaire et même sur opposition des syndicats majoritaires. Une protection

moindre vient du fait que du fait du principe de l’ordre public social, elle ne

peut comporter de clauses moins favorables que celles des conventions

supérieures. Il n’en demeure pas moins que la négociation de la convention par

des syndicats forts et bien structurés offre plus de garantie aux salariés en

termes d’amélioration de leur statut.

Pour que les dispositions de la convention collective s’appliquent aux relations

de travail, seule importe l’adhésion de l’employeur. Aux termes de l’article L.

84 du Code du travail, « lorsque l’employeur est lié par les clauses de la CC,

ces clauses s’appliquent aux contrat de travail conclus par lui ». On en tire

comme conséquence que c’est la signature de la convention par l’employeur,

son adhésion ultérieure à cette convention qui détermine l’application de la CC

dans l’entreprise

Le Contenu de la convention collective est librement déterminé par les parties

et peut concerner toutes les questions de relation individuelle et collective de

travail. La durée de la convention doit être fixée et si elle est déterminée, ne

peut excéder 5 ans.

Les conditions de dénonciation, de révision et de renouvellement doivent

impérativement être fixées, notamment la durée du préavis qui doit précéder

la dénonciation. On en tire comme conséquence que les acquis conventionnels

ne sont pas eternels et peuvent être remis en cause par l’employeur qui

dénonce la convention collective.

Lorsque la convention collective est dénoncée, la question des avantages

acquis à travers cette convention collective devient délicate. Permettre la

disparition de l’intégralité de la convention collective suite à sa dénonciation

pourrait apparaitre comme un recul social car la convention consacre des

avancées en termes d’avantages (treizième mois de salaire, primes,

indemnités..). Le législateur tente de régler la question en remettant encore

une fois les partenaires professionnels devant leurs responsabilités. Le

maintien des avantages individuels acquis sous l’empire de l’ancienne

convention collective n’est garant que lorsqu’une clause de cette convention

collective a pu prévoir le maintien de tels avantages. En l’absence d’une telle

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clause, ces avantages devraient disparaitre même si certains auteurs

soutiennent la thèse du maintien automatique de tels avantages du fait de leur

contractualisation (insertion au contrat de travail).

Il n’existe pas en droit sénégalais de véritable droit à la négociation collective

d’entreprise du fait que les salariés ne peuvent contraindre l’employeur à

négocier un tel instrument et encore moins, lorsqu’une telle négociation est

amorcée, atteindre l’objectif d’une signature. La convention collective

d’entreprise n’existe réellement que lorsque l’employeur trouve un véritable

intérêt à sa négociation (modulation des horaires de travail, travail de nuit,

organisation des heures de travail supplémentaires…).

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2 – La convention collective susceptible d’extension

On l’appelle aussi Convention collective de branche connue en droit français.

Elle ne peut être conclue que dans le cadre d’une commission mixte paritaire

convoquée par le ministre du travail. Cette convocation fait suite à la demande

de l’une des organisations syndicales les plus représentatives mais peut

découler de l’initiative propre du ministre. A cette commission, siègent un

nombre égal de représentants des organisations syndicales les +

représentatives des travailleurs et des représentants des organisations

syndicales les + représentatives d’employeurs ou d’employeurs (critères

représentativité mis en œuvre par ministre du travail + pouvoirs d’enquête: V.

infra mais décision du ministre susceptibles de recours devant CS).

= ce régime juridique manifeste un véritable respect du principe démocratique

et majoritaire car les normes applicables au niveau de la branche d’activité

doivent nécessairement être négociées par les syndicats les plus représentatifs

à ce niveau. Le CT est cependant muet sur la question savoir si s’il est

nécessaire que les syndicats les plus représentatifs doivent signer la CC pour

qu’elle entre en vigueur ou si elle peut entrer en vigueur avec la signature de

n’importe quels syndicat présent à la négociation (mais au moins un syndicat

représentatif l’a signé).

Certaines clauses sont obligatoires dans cette convention : droit syndical et

liberté d’opinion des travailleurs, salaires minima correspondants aux diverses

qualifications, les heures supplémentaires, les modalités d’application du

principe « à travail égal, salaire égal » pour les jeunes et les femmes, les congés

payés…

La convention collective susceptible d’extension peut faire l’objet d’un arrêté

d’extension afin de le rendre obligatoire pour tous les employeurs et

travailleurs compris dans le champs d’application professionnel et territorial de

la convention à la demande de l’une des organisations syndicales les +

représentatives ou sur initiative du ministre du travail lui-même. Il semble ainsi

exister un droit à la négociation collective de branche du fait des prérogatives

reconnues aux syndicats de travailleurs dans le déclenchement de la

négociation ou dans la procédure d’extension. En tout état de cause, l’arrêté

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d’extension semble aussi constituer un acte de souveraineté par lequel le MT

impose les dispositions conventionnelles à des employeurs et travailleurs dont

les représentant ne les ont pas négociés ou signés. Le ministre du travail n’est

tenu à cet égard que d’une obligation de consultation des organisations

syndicales et des personnes intéressées. Les dispositions du CT ne prévoient

pas de recours contre cet arrêté mais prévoient la possibilité de retrait par le

ministre lui-même. Dans cette dernière hypothèse, la convention de branche

retrouve son champ d’application originel. Le législateur atténue les rigueurs

de l’extension en permettant au ministre, sur la demande d’organisations

syndicales, d’exclure certaines dispositions.

L’extension se fait par arrêté du ministre. Elle peut être totale ou partielle et

doit viser la branche d’activité concernée.

3 – l’accord collectif d’entreprise ou d’établissement : son domaine est limité

à une ou plusieurs établissements.

Objet : enrichissement et adaptation des instruments conventionnels

supérieurs

L’article L. 92 du CT dispose que « des accords concernant une entreprise, un

ou plusieurs établissements déterminés peuvent être conclus entre, d’une

part, un employeur ou un groupement d’employeurs et, d’autre part, les

délégués du personnel et les représentants des syndicats les plus

représentatifs du personnel de l’entreprise, du ou des établissements

intéressés ». Contrairement à la convention collective, l’accord collectif ne peut

porter que sur une question déterminée.

La loi confine expressément le rôle des accords d’établissement à une

adaptation aux conditions particulières de l’entreprise ou de l’établissement,

des dispositions des instruments conventionnels supérieures. La loi donne des

indications sur leur contenu : calcul de la rémunération au rendement, prime à

la production individuelle et collective, application de la majoration salariale

décidée par les instruments conv. Supérieurs, participation aux fruits de

l’entreprise ou de l’établissement...

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Un débat existe sur la question de savoir si l’accord d’établissement peut être

négocié par les délégués du personnel alors que l’entreprise est pourvue d’une

représentation syndicale.

4 – La CCNI (Convention collective nationale interprofessionnelle)

Elle date du 27 ami 1982. Elle présente la particularité de dépasser les clivages

entre branches et secteurs d’activité. En effet, elle s’applique à toutes branches

d’activités, à toutes sortes d’entreprises. La CCNI apporte déjà une avancée

significative en matière de protection des droits des salariés. Ses dispositions

sont en effet plus avantageuses que celles du CT ; elle constitue une véritable

charte professionnelle tendant à uniformiser les conditions de travail dans

toutes les entreprises Installées au Sénégal

5 - Au-delà de la CCNI, la négociation interprofessionnelle continue avec la

négociation d’accord interprofessionnel. Exp : Accord interprofessionnel

national sur la retraite à 60 ans dans le secteur privé ; entrée en vigueur

en 2013, possibilité d’aménager au niveau des branches d’activité les

modalités et formes de mise en œuvre de la mesure (lien avec CC

branche). Mais principe de l’ordre public social non rappelé !!!

Possibilité de dénonciation par une partie = moins sécurisant que CC

branche étendue !!!

Tous les emplois du secteur privé ne sont pas éligibles : 293 emplois

non éligibles (emplois non intellectuels)

Dans un sens plus large, la négociation collective se poursuit par l’idée de

dialogue social. Celle-ci s’entend d’une concertation permanente entre Etat/

employeurs/ travailleurs sur toutes question concernant le droit du travail et

même au delà

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Section II - Les conflits collectifs

Il s’agir principalement de la grève. La conception qu’en a le public est souvent

différente de celle retenue par le droit. Il faut d’abord identifier juridiquement

la grève avant de voir ses implications ;

Section I – L’identification de la grève

Deux choses : sa définition et ses conditions de licéité

A - Définition : paradoxalement, la loi sénégalaise proclame le droit de grève

sans pour autant la définir. La constitution en son article 25 se contente de

préciser que « le droit de grève est reconnu. Il s’exerce dans le cadre des lois

qui le régissent. Il ne peut en aucun cas ni porter atteinte à la liberté de travail

ni mettre l’entreprise en péril ». Si le code du travail ne renseigne pas sur ce

qu’est une grève, c’est donc la jurisprudence et la doctrine qui ont tenté

d’apporter une réponse. Selon ces sources, la grève est « une cessation

collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications

professionnelles ». Cette définition permet de dégager les conditions de fond

de la grève mais non de forme

B - La licéité de la grève

La grève n’est licite que si elle obéit à un certain nombre de conditions de fond

mais aussi de forme

1- Les conditions de fond : elles découlent de la définition même de la

grève.

Elle est une cessation concertée du travail.

Une cessation du travail : elle doit être complète. La jurisprudence parle

d’arrêt pur et simple de travail. Par conséquent, sont exclues de la

qualification de grève le fait d’exécuter le travail au ralenti (grève de

zèle) ou les arrêts de travail de courtes durées multiples et répétés

(débrayages)

Une cessation collective et concertée : Il faut une volonté commune

d’agir ensemble. Elle ne peut donc être exercée par un seul salarié sauf

le cas d’entreprise employant un seul salarié (+ jurisprudence

française : grève sur un mot d’ordre national). Le droit de grève

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s’exerce donc collectivement sans cependant qu’un pourcentage

minimum ne soit fixé

L’existence de revendications professionnelles : en l’absence de

revendications professionnelles antérieurement communiquées à

l’employeur par les salariés grévistes, il n’ya pas grève mais juste une

exécution défectueuse du travail. Les revendications dont s’agit doivent

par ailleurs avoir un caractère professionnel ce qui exclut les

revendications politiques par exemple (difficulté à distinguer les deux

dans certains cas : grève contre baisse du pouvoir d’achat…).

2 - Les conditions de forme

Elles tournent autour de l’obligation de conciliation et de préavis.

La conciliation est d’abord celle prévue par la convention collective. Lorsque

cette première conciliation n’est pas prévue conventionnellement ou a

échoué, La autre conciliation est faite par l’administration du travail. Selon

le cas, il s’agit de l’inspection du travail lorsque le conflit est limité au

ressort d’une inspection régionale ou du directeur général du travail et de la

sécurité sociale dans le cas où le conflit déborde les ressorts d’une

inspection. La procédure peut déboucher sur une conciliation (mission de

bons offices : rappels des règles légales…). Dans cas, un procès verbal

tenant acte de cette conciliation est dressé par l’autorité administrative et

signé par les parties auxquelles il est délivré copie.

En cas de non conciliation, la grève ne peut être valablement déclenchée

qu’après un préavis de trente jours déposé au niveau des syndicats

d’employeurs. Deux critiques : le texte vise les syndicats d’employeurs sans

préciser ce qu’il en est lorsque l’employeur n’est pas syndiqué. Par ailleurs,

la loi ne dit pas qui doit déposer le préavis (syndicats ? délégué du

personnel ? tout salarié ?) en l’absence de toute référence sur ce point, il

semble que le prévis puisse être déposé par tout groupe de salariés.

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Section II – Les implications juridiques de la grève

Ces implications sont à étudier d’une part sur l’employeur et d’autre part

sur les salariés et les syndicats

A - La grève et l’employeur :

Depuis le Code du travail de 1997, l’employeur dispose de certaines initiatives

en cas de grève.

En vue de prévenir ou de protéger ses intérêts en cas de grève, ce dernier peut

procéder à la fermeture de l’entreprise. Il s’agit certainement d’une mise en

œuvre des dispositions de l’article 25 de la Constitution. Selon cet article,

l’exercice du droit de grève ne peut mettre en péril l’entreprise.

En cas de lock out, l’employeur est tenu à des conditions de forme car il ne

peut déclencher la procédure qu’après l’observance d’un préavis d’un mois

adressé aux syndicats de salariés. Aussi, en cas de lock out préventif, le Code du

travail semble dire que la procédure de conciliation décrite précédemment est

obligatoire. L’obligation au préavis semble subsister même lorsque la grève est

dèjà déclenchée par les salariés c'est-à-dire en cas de lock out préventif. Le lock

out entraine une suspension des contrats de travail et non leur rupture.

L’exercice du lock out sans le respect de conditions précitées fait encourir à

l’employeur des sanctions. La plus importante demeure le versement aux

salariés des journées de salaire perdu du fait de la suspension du contrat de

travail.

B - La grève et les contrats de travail

Historiquement, la grève autorisait l’employeur à rompre immédiatement les

contrats de travail des grévistes. Cette solution est écartée par le droit

contemporain du travail qui considère que la grève, lorsqu’elle est exercée

licitement ne fait que suspendre le contrat de travail (art. L. 70, 6°). Il s’agit

d’une suspension accompagnée d’un blocage de la rémunération. Le salarié

peut exercer le droit de grève mais l’employeur a la droit de retenir les heures

et jours de salaires correspondant au temps de grève.

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La grève peut cependant aboutir à une rupture du contrat de travail. C’est le

cas lorsqu’elle est exercée de manière illicite. Il s’agit de la grève déclenchée en

méconnaissance des conditions de forme, en l’absence de revendications

professionnelles, ou lorsque la grève s’accompagne d’occupation des lieux de

travail ou de leurs abords immédiats. L’employeur qui licencie les grévistes

dans les hypothèses précitées conserve le droit de refuser de verser toute

indemnité ou dommages-intérêts aux travailleurs concernés.

La nature de l’emploi occupé par le salarié peut modifier la physionomie du

droit de grève dont il dispose. L’autorité administrative peut en effet et à tout

moment, procéder à la réquisition des travailleurs des entreprises privées et

des services et établissements publics qui occupent des emplois indispensables

à la sécurité des personnes (agents de sécurité ?) et des biens, au maintien de

l’ordre public, à la continuité des services publics ou à la satisfaction des

besoins essentiels de la nation. (V. Décret n° 72-017 du 11 janvier 1972 fixant

en application de l’article 246 bis du Code du travail la liste des postes, emplois

et fonctions dont les occupants peuvent faire l’objet de réquisition, JOS n° 4209

du 19 février 1972 , p. 278 complété par le décret 72-710 du 16 juin 1972, JOS n

° 4235 du 8 juillet 1972, p. 1125).

C - La grève et les syndicats

Le droit sénégalais ne retient pas expressément la responsabilité des syndicats

en cas de grève illicite déclenchés par ces derniers ni celle des dirigeants

syndicaux. Il ne fait cependant pas de doute que les responsables syndicaux

peuvent toujours être atteints par des mesures individuelles de sanction de

l’employeur en tant que participant) à une grève illicite. Ne bénéficiant pas

d’une protection particulière de la loi pour leur procédure de licenciement,

l’employeur prononcera seul ce licenciement. Il n’en va autrement que lorsque

le délégué syndical est en même temps délégué du personnel. Cependant, la

question de la réparation des dommages matériels subis par l’employeur reste

entière (casse de matériel, occupation des lieux de travail…). L’employeur

pourra sanctionner la responsabilité civile des salariés participant mais la

responsabilité du syndicat n’est pas réglée de façon précise en droit sénégalais.

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