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Religion et société aux Etats-Unis depuis 1890 Philippe Gardey Académie de Bordeaux

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Religion et société aux Etats-Unis depuis 1890

Philippe GardeyAcadémie de Bordeaux

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• La question s’inscrit dans le thème 2 :• Idéologies, opinions, croyances en Europe et aux Etats-Unis

de la fin du XIXe siècle à nos jours (15-17 h).

• Les trois questions sont traitées à partir d’un exemple.• La question qui concerne religion et société est traitée à

partir du seul exemple américain.

• Il s’agit, à partir de cet exemple, d’étudier : • la place des croyances religieuses dans une des sociétés

occidentales les plus emblématiques • et d’expliquer • le processus de sécularisation commun à toutes ces sociétés.

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• Religion et société aux Etats-Unis depuis 1890

• Une question qui peut s’étudier en 4 ou 5 h :• Sans perdre de vue le fil directeur du programme, « un éclairage des enjeux majeurs du monde actuel »

• en insistant sur la notion de sécularisation.• en évoquant la diversité du protestantisme.• en montrant le lien entre immigration et pluralisme religieux.• sans négliger la profondeur historique de la question.• sans donner une vision caricaturale de la religiosité.• en reliant l’exemple américain à la problématique générale

de la question.

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Pour traiter la question

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RREELLIIGGIIOONN EETT SSOOCCIIÉÉTTÉÉ AAUUXX EETTAATTSS--UUNNIISS DDEEPPUUIISS LLEESS AANNNNÉÉEESS 11889900 ((44 àà 55 hh))

Introduction • La religiosité des Américains surprend l’observateur européen habitué à une religion plus discrète. Les milliers de croyants qui se rassemblent dans des stades de foot, le président qui prête serment sur la Bible, les billets qui proclament « in God we trust » suscitent, en particulier en France, l’incrédulité et souvent la réprobation. • Les clichés sont ainsi très nombreux : les EU seraient restés le pays de puritains intolérants ; les valeurs religieuses seraient à l’origine de l’indépendance américaine ; il n’y aurait pas de véritable séparation entre l’Eglise et l’État, donc pas de laïcité… • Or, pour étudier les EU, il faut se défaire des catégories françaises (une république qui s’est bâtie contre les valeurs d’un catholicisme dominant) et admettre le paradoxe d’une société à la fois profondément religieuse et profondément sécularisée. • Pour analyser les relations entre religion et société aux EU depuis la fin du XIXe siècle nous devrons comprendre comment : - la vivacité et la diversité grandissante des pratiques religieuses aux EU, (1ère partie) - sont une exception qui a obligé les Américains à bâtir un système politique qui puisse concilier, esprit de religion et esprit de liberté, (2ème partie) - ce qui explique pourquoi, le fait religieux s’est toujours maintenu au cœur des débats de société. (3ème partie).

I. L’exception américaine : du pays de Dieu au pays des dieux

A. La vivacité du fait religieux aux EU 1. Une piété grandissante Fiche élève n°1 Première approche Doc. 1 L’importance de la religion dans la vie quotidienne

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PLAN DU COURS• Pour analyser les relations entre religion et société aux EU

depuis la fin du XIXe siècle nous devons comprendre comment :

• La vivacité et la diversité grandissante des pratiques religieuses (1ère partie)

• sont une exception qui a obligé les Américains à bâtir un système politique conciliant esprit de religion et esprit de liberté (2ème partie)

• Ce qui explique pourquoi, le fait religieux s’est toujours maintenu au cœur des débats de société. (3ème partie)

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Fiche élève n°1 La vivacité du fait religieux aux Etats-Unis

1. Une piété grandissante

Question Pourquoi peut-on dire que les EU constituent une exception ?

Question Que constate-t-on depuis le milieu du XVIIIe siècle ? 2. Dieu omniprésent Prattville au cœur de l’Amérique religieuse 1. Exercice sur Google earth : Cherchez Montgomery, capitale de l’Alabama. Cliquez sur : « faire apparaître les lieux de culte ». Déplacez-vous vers la petite ville de Prattville dans la banlieue nord ouest. Délimitez un polygone de 10 km sur 6 km. Comptez les lieux de culte. 2.Travail sur le site officiel de Prattville (http://www.prattvilleal.gov/) Cherchez le nombre d’habitants de la ville dans la rubrique Government et calculez le nombre de lieux de culte par habitant. À partir de la page d’accueil allez dans Welcome. Dans les sponsors de la page visionnez les vidéos de la First Baptist Church et de la East MemorialBaptist Church. 3. Rédigez un paragraphe expliquant pourquoi on peut affirmer que Dieu est omniprésent dans la vie des habitants de Prattville.

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I. L’exception américaine : du pays de Dieu au pays des dieux

A. La vivacité du fait religieux aux EU 1. Une piété grandissante Fiche élève n°1 2. Dieu omniprésent Fiche élève suite : Prattville au cœur de l’Amérique religieuse

B. La périodicité des « réveils religieux » rythme l’histoire nationale

1. Une Amérique puritaine ? 2. Des valeurs religieuses, fruits des différents « réveils » protestants

C. L’immigration ne cesse de développer le pluralisme religieux Fiche élève n° 2. Tableau statistique du Pew Forum on religion & public life 1. La multiplication des dénominations protestantes 2. L’affirmation des catholiques 3. La deuxième terre promise des juifs 4. Toutes les croyances du monde

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I. L’exception américaine : du pays de Dieu au pays des dieux

A. La vivacité du fait religieux aux EU 1. Une piété grandissante Fiche élève n°1 2. Dieu omniprésent Fiche élève suite : Prattville au cœur de l’Amérique religieuse

B. La périodicité des « réveils religieux » rythme l’histoire nationale

1. Une Amérique puritaine ? 2. Des valeurs religieuses, fruits des différents « réveils » protestants

C. L’immigration ne cesse de développer le pluralisme religieux Fiche élève n° 2. Tableau statistique du Pew Forum on religion & public life 1. La multiplication des dénominations protestantes 2. L’affirmation des catholiques 3. La deuxième terre promise des juifs 4. Toutes les croyances du monde

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Fiche élève n° 3 Les textes fondateurs de la république des Etats-Unis d’Amérique

a) 1776. La déclaration d’indépendance rédigée par Thomas Jefferson et traduite, par lui même, en français (premier et dernier paragraphes)

« Lorsque dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l'ont attaché à un autre et de prendre, parmi les puissances de la Terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dû à l'opinion de l'humanité oblige à déclarer les causes qui le déterminent à la séparation.

Nous tenons ces vérités comme allant d'elles-mêmes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur.(…) En conséquence, nous, les représentants des États-Unis d'Amérique, assemblés en Congrès général, prenant à témoin le Juge suprême de l'univers de la droiture de nos intentions, publions et déclarons solennellement au nom et par l'autorité du bon peuple de ces Colonies, que ces Colonies unies sont et ont le droit d'être des États libres et indépendants ; (…) et pleins d'une ferme confiance dans la protection de la divine Providence, nous engageons mutuellement au soutien de cette Déclaration, nos vies, nos fortunes et notre bien le plus sacré, l'honneur. » b) 1787. La constitution des Etats-Unis d’Amérique Préambule « Nous, Peuple des États-Unis, en vue de former une Union plus parfaite, d'établir la justice, de faire régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer le bien-être général et d'assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette Constitution pour les États-Unis d'Amérique. » Article 6 « Les membres des diverses législatures des États et tous les fonctionnaires exécutifs et judiciaires, tant des États-Unis que des divers États, seront tenus par serment ou affirmation de défendre la présente Constitution ; mais aucune profession de foi religieuse ne sera exigée comme condition d'aptitude aux fonctions ou charges publiques sous l'autorité des États-Unis. » c) 1791. Déclaration des Droits rédigée sous la direction de James Madison Premier amendement « Le Congrès ne fera aucune loi accordant une préférence à une religion ou en interdisant le libre exercice, restreignant la liberté d'expression, la liberté de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et d'adresser à l'État des pétitions pour obtenir réparation de torts subis. »

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Fiche élève n° 4 Un socle de valeurs spirituelles commun à tous les Américains : Clinton et l’affaire Lewinsky Texte intégral de la déclaration télévisée du président Clinton, 17 août 1998 Bonsoir. Cet après-midi, dans cette pièce, de cette chaise, j'ai témoigné devant le bureau du procureur indépendant et le grand jury. J'ai répondu à leurs questions sincèrement, y compris à des questions sur ma vie privée, des questions auxquelles aucun citoyen américain ne voudrait jamais répondre. Cependant, je dois assumer l'entière responsabilité de tous mes actes, qu'ils soient publics ou privés. C'est pourquoi je m'adresse à vous ce soir. Comme vous le savez, lors d'une déposition en janvier, l'on m'a posé des questions sur ma relation avec Monica Lewinsky. Même si mes réponses étaient juridiquement correctes, je n'ai pas volontairement fourni d'informations. En effet, j'ai bien eu une relation avec Mlle Lewinsky qui n'était pas convenable. En fait, c'était une erreur. Cela constitue une très grave erreur de jugement et un manquement personnel de ma part, dont je suis le seul et l'entier responsable. Mais j'ai dit au grand jury, et je vous le dis ce soir, je n'ai jamais demandé à qui que ce soit de mentir, de cacher ou de détruire des preuves ou de commettre aucun acte illégal. Je sais que mes déclarations publiques et mon silence sur cette affaire ont donné une impression fausse. J'ai trompé le public, y compris ma femme. Je le regrette profondément. Je peux simplement vous dire que je l'ai fait pour de nombreuses raisons. D'abord, pour me protéger de la honte de ma propre conduite. J'étais également très soucieux de protéger ma famille. Le fait que ces questions aient été soulevées dans le cadre d'un procès d'inspiration politique, qui a depuis été classé, est également entré en ligne de compte. De surcroît, j'avais de réelles et sérieuses préoccupations concernant l'enquête d'un procureur indépendant déclenchée à propos de transactions privées remontant à vingt ans et sur lesquelles une agence fédérale indépendante n'a pu trouver, il y a deux ans, aucune preuve d'une action inappropriée par moi ou mon épouse. L'enquête indépendante s'est ensuite étendue à mes collaborateurs et amis, puis à ma vie privée. Et, désormais, l'enquête elle-même fait l'objet d'une enquête. Ceci a duré trop longtemps, coûté trop cher et blessé trop de personnes innocentes. Maintenant, cette affaire ne relève que de moi, des deux personnes que j'aime le plus, ma femme et notre fille, et notre Dieu. Je dois réparer cela et je suis prêt à faire tout ce qui sera nécessaire pour y parvenir. Rien n'est plus important pour moi personnellement, mais c'est une question privée, et j'ai l'intention que ma vie de famille revienne à ma famille. Cela ne regarde personne d'autre que nous. Même les présidents ont une vie privée. Il est temps de cesser l'acharnement personnel et l'ingérence dans les vies privées, et de s'occuper de la vie de notre pays. Notre pays a été trop longtemps distrait par cette affaire, et j'assume ma part de responsabilité dans tout cela. C'est tout ce que je peux faire. Maintenant, il est plus que temps de tourner la page. Nous avons d'importantes questions à résoudre, de réelles opportunités à saisir, de réels problèmes de sécurité à affronter. C'est pourquoi, ce soir, je vous demande de délaisser le spectacle de ces derniers mois, de rendre sa dignité à notre débat national et de recentrer notre attention sur les défis et toutes les promesses du prochain siècle américain. Merci pour votre attention et bonne nuit.» Source : http://www.liberation.fr/evenement/0101253196-meme-les-presidents-ont-une-vie-privee

Vidéo intégrale de 4 min 30 : http://www.youtube.com/watch?v=9Q3U48jgOp8 Questions 1. Renseignez-vous sur l’affaire Lewinsky. Expliquez précisément ce qui était reproché au président Clinton. 2. Quels principes de la morale américaine le texte met-il en évidence ?Comment peut-on caractériser l’exercice auquel Clinton se livre dans cette allocution ?

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Fiche élève n° 5 DIEU DANS LES EMBLÈMES DE LA NATION AMÉRICAINE

« Notre forme de gouvernement n’a de sens que si elle se fonde sur une foi religieuse profonde. Ce que peut être cette foi m’importe peu du moment qu’elle existe. »

Propos prêtés au président Eisenhower en 1954

1. Dieu et le drapeau américain

Pledge of allegiance

« I Pledge Allegiance to the flag of the United States of America and to the Republic for whichit stands, one Nation underGod, indivisible, with liberty and justice for all. »

Le serment d’allégeance au drapeau (traduction)

« Je jure allégeance au drapeau des États-Unis d'Amérique et à la République qu'il représente, une nation unie sous la protection de Dieu, indivisible, et garantissant liberté et justice pour tous. »

La première forme a été rédigée en 1892 par le pasteur baptiste Francis Bellamy pour le jour de Christophe Colomb (Colombus Day) dans les écoles et a été modifiée en 1923 (« my flag »). Il a été approuvé par un acte du Congrès en 1942 et la référence à Dieu a été ajoutée en 1954. On le prononce en général un jour par semaine dans les écoles publiques, au garde-à-vous, tourné vers le drapeau et la main sur le cœur (depuis Roosevelt). Les Témoins de Jéhovah, qui ne peuvent prêter serment qu’à Dieu en sont dispensés depuis 1943. Pour les partisans d’une stricte séparation, c’est au contraire la référence à Dieu pose problème. Dans 26 États, il n’y a pas d’obligation et les parents peuvent toujours dispenser leurs enfants de prononcer le serment.Mais 90 % des Américains estiment qu’il faut maintenir la référence à Dieu. Un site internet entier est consacré à la question : http://undergod.procon.org/view.resource.php?resourceID=000074 2. Dieu et la monnaie amér icaine

Billet de un dollar de 1935, http://almanumis.com/product.php?id_product=26

Billet de un dollar de 2001, collection personnelle

Un cent en bronze, 1915 coll. personnelle

Cinq cents en nickel, 1917 coll. personnelle

Un quart de dollar, cuivre-nickel, 1965 coll. personnelle

Relevez les allusions à Dieu sur les différents documents.

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III. Le fait religieux au cœur de la démocratie américaine

A. La religion et le débat politique depuis 1890 1. Modernisme contre fondamentalisme 2. 1890-1930 : le protestantisme entend encore imposer ses valeurs Le protestantisme social libéral au tournant du siècle Le protestantisme et la défense de « l’américanisme » 3. 1930-1960 : l’acceptation progressive du pluralisme par les protestants Le tournant du New deal et la fin de l’hypothèque protestante sur la nation Kennedy et la fin du problème catholique 4. Durant les années 1950, Eisenhower mobilise le religieux dans la lutte anticommuniste Fiche élève n° 5 Dieu dans les emblèmes de la nation américaine 5. Depuis le milieu des années 1970 : l’influence de la droite chrétienne Fiche élève n° 6 Religion et opinion politique aux États-Unis en 2007

B. La démocratisation et la naissance d’une « nouvelle religion américaine »

1. Au delà des différences une seule religion ? Fiche élève n° 7 Texte de Guy Sorman 2. Les Églises comme entreprises 3. Le phénomène des « méga-églises »

Conclusion

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Fiche élève n° 6 Religion et opinion politique aux Etats-Unis Question : Existe-t-il un lien entre appartenance religieuse et opinion politique aux EU ?

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Fiche élève n° 7 Au-delà des différences, une seule « religion américaine » Après avoir assisté à bien des offices dans les cultes aux dénominations les plus variées et en avoir suivi beaucoup sur les chaînes religieuses de la télévision, la ressemblance s’impose ; toutes ces confessions théoriquement distinctes convergent. Leur convergence me semble plus significative que la distinction opérée classiquement entre deux versants de la religiosité américaine, l’un qui serait modéré, l’autre, fondamentaliste. Il est vrai que des baptistes fondamentalistes sont en guerre contre les baptistes modérés, ou des juifs ultra-orthodoxes contre les juifs réformés. Mais ces conflits, essentiels pour les disciples de chaque culte singulier, le paraissent bien moins à l’observateur extérieur. L’opposition entre fondamentalistes et modérés ne saurait occulter la convergence de toutes ces religions, tournées vers un oméga de la spiritualité, le « Dieu en moi » d’un culte aussi personnalisé qu’efficace : ce qu’avec le critique Harold Bloom nous appellerons la « nouvelle religion américaine ». Nous constatons aussi que plus les diverses dénominations approchent de cet idéal américain, plus elle recrutent : quand elles gardent leurs distances – cas de l’Église catholique romaine et des épiscopaliens -, leurs communautés finissent par se disperser. Comment définir ce point oméga de la religion américaine vers lequel convergeraient tous les cultes ? Si Dieu en est le centre, un Dieu créateur, biblique, plus proche de l’Ancien testament que du Nouveau, il se situe moins au-dessus des fidèles qu’en eux-mêmes. Les pasteurs, prêtres, rabbins, chamans de la religion américaine invitent à trouver Dieu en soi, à regarder vers l’intérieur plutôt que vers le haut. La majorité des Américains déclarent volontiers que Dieu les aime, qu’il leur parle, et qu’eux aussi lui parlent, alors que les chrétiens d’Europe dialoguent plutôt avec Jésus-Christ. Trois quarts d’entre eux déclarent avoir connu au moins une fois l’illumination intérieure, une épiphanie qui a changé le cours de leur vie, dorénavant guidée par Dieu. Un Dieu aimant, peu exigeant sur les mœurs, si l’on en juge par le nombre des divorces : un mariage sur deux, quoique célébré religieusement, s’achève par une rupture. Le pasteur est donc un médiateur entre Dieu et Moi plus qu’il ne détient la vraie parole de Dieu : il est très rare qu’un pasteur, un prêtre, un rabbin (sauf s’il est orthodoxe), porte un jugement sur le comportement de ses ouailles. La morale est devenue une affaire personnelle qui ne regarde plus Dieu. Les pasteurs rallient les fidèles par leurs qualités charismatiques bien plus que par leurs connaissances théologiques. Dans la nouvelle religion américaine, les autodidactes, les clercs autoproclamés, prospèrent ; toutes leurs improvisations théologico-culturelles sont les bienvenues pourvu qu’elles abrègent le chemin entre Dieu et Moi. En renfort de cette communication, toute technique est bonne : le chant, la transe, l’hypnose et la pop chrétienne ; en 2003, le groupe Passion Experience, qui se produit dans les églises, a vendu douze millions de disques dont le refrain était : « Dieu je t’aime ». Commentaire d’un théologien : « la pop chrétienne félicite Dieu d’être Dieu ». De ce Dieu en moi, qu’attend-on ? Les fidèles de la nouvelle religion américaine préfèrent des résultats concrets ici-bas et maintenant, sans avoir à patienter jusqu’à l’au-delà. La vie éternelle ? La mort est peu présente dans les offices, comme si tout Américain était censé vivre éternellement ; les fidèles ne veulent pas d’une religion tragique. En dehors des églises catholiques, la mort du Christ est peu représentée ; chez les protestants, le Christ est vivant, la croix, vide. Chez les mormons, des fresques représentent Jésus et ses apôtres musclés, bronzés, aussi en forme que des surfeurs californiens. Chez les pentecôtistes, la croix est remplacée par une colombe, représentation du Saint-Esprit ; le Saint-Esprit, qui est la plus immanente des trois figures de la Trinité, a l’avantage sur Dieu et le Christ d’intervenir immédiatement dans l’existence des fidèles. Comme l’a écrit il y a soixante ans le théologien Richard Nieburh : « Le christianisme américain vénère un Dieu sans colère qui conduit des hommes sans péché vers un Royaume sans jugement avec l’aide d’un Christ sans croix ». Lorsque, en 2004, Mel Gibson réalisa son film intitulé La Passion du Christ, mettant en scène une crucifixion sanguinolente, les Américains, nullement habitués à contempler le Christ souffrant, furent stupéfiés ; on cria au scandale. De fait, le Dieu quotidien de la nouvelle religion américaine est celui qui améliore l’existence matérielle, amoureuse, physique. Souvent, c’est un Dieu qui guérit. La santé est une promesse constante des Églises américaines.(…) Dans bien des Églises baptistes – dénomination centrale du protestantisme américain – avec Jésus on combat l’obésité, cette maladie nationale. « Jésus, fais moi perdre des kilos ! » ou « Merci, Jésus, de m’avoir fait perdre du poids ! » : l’invocation est fréquente au cours des offices baptistes que le pasteur s’empresse de conclure avec saint Paul : « Le corps est le temple de l’esprit ». Ces pratiques suscitent les sarcasmes des Européens, mais les Américains se montrent en général plus tolérants ; ils admettent même que ces pasteurs puissent disposer de certains pouvoirs ou de connaissances, et au moins leur reconnaît-on une certaine efficacité. Guy Sorman, Made in USA, regards sur la civilisation américaine, Fayard, 2004, p. 111-113. Question : Quels sont, d’après l’auteur, les grandes caractéristiques de la nouvelle religion américaine ?

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III. Le fait religieux au cœur de la démocratie américaine

A. La religion et le débat politique depuis 1890 1. Modernisme contre fondamentalisme 2. 1890-1930 : le protestantisme entend encore imposer ses valeurs Le protestantisme social libéral au tournant du siècle Le protestantisme et la défense de « l’américanisme » 3. 1930-1960 : l’acceptation progressive du pluralisme par les protestants Le tournant du New deal et la fin de l’hypothèque protestante sur la nation Kennedy et la fin du problème catholique 4. Durant les années 1950, Eisenhower mobilise le religieux dans la lutte anticommuniste Fiche élève n° 5 Dieu dans les emblèmes de la nation américaine 5. Depuis le milieu des années 1970 : l’influence de la droite chrétienne Fiche élève n° 6 Religion et opinion politique aux États-Unis en 2007

B. La démocratisation et la naissance d’une « nouvelle religion américaine »

1. Au delà des différences une seule religion ? Fiche élève n° 7 Texte de Guy Sorman 2. Les Églises comme entreprises 3. Le phénomène des « méga-églises »

Conclusion