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Conférence Témoignages : L'enseignement bilingue public a 30 ans – 26 e colloque de la FLAREP Colloque de la FLAREP / 26è rencontre inter-régionale Conférence / témoignages L’enseignement bilingue public a 30 ans, un peu d’histoire… Quelle a été la genèse de l’enseignement bilingue du service public d’éducation en France ? Comment le bilinguisme français langues régionales est-il entré dans les usages ? Interventions et témoignages protagonistes de l’époque Jean-Yves Broudic Alors on va commencer la table ronde si vous voulez bien. Avec d'anciens parents, d'anciens présidents de l'association. Moi, on m'a invité à venir en tant qu'ancien président, mais aussi pour passer la parole aux uns et aux autres. Je vais commencer par lire le courrier qu'une conseillère pédagogique qui a bien travaillé pour l'enseignement du breton dans les Côtes-d'Armor a adressé pour s'excuser de son absence. Il s'agit donc de Klaoda an Du qui nous rappelait qu'elle a : « anvet e oan bet kentañ kuzulierez pedagogel yezh ha sevenadur Breizh evit Aodoù an Hanternoz e 1978. Bevet em eus al lañs bras degaset gant kelc'hlizher Savary, stummadur an danvez mistri-skol, stummadur dibaouez dre stajoù hir evit ar vistri-skol brezhonegerien a-vihanik, krouidigezh postoù mistri bale-bro war ar brezhoneg evit sikour ar re ne oant ket ampart a-walc'h evit kelenn ar yezh, sikour a-bouez- bras ar CDDP, ha da-c'houde, krouidigezh ar c'hlasoù divyezhek. » [ traduction : j'ai été nommée en tant que première conseillère pédagogique pour la langue et la culture bretonne pour les Côtes-du-Nord en 1978. J'ai vécu le grand élan apporté par la circulaire Savary, la formation des futurs maîtres d'école, la formation continue par des stages de longue durée pour les maîtres bretonnants de naissance, la création de poste de professeurs de breton itinérants afin d'aider ceux qui n'étaient pas assez qualifiés pour enseigner la langue, l'aide importante du CDDP, et ensuite, la création des classes bilingues.] Donc je vous lisais là un courrier de Claude Le Du, première conseillère pédagogique du breton dans les Côtes-d'Armor qui avait travaillé pour l'enseignement du breton et l'enseignement bilingue dans les Côtes-d'Armor. Je vais passer la parole assez vite parce qu'il se trouve qu'on a du retard, qu'il y a une table ronde où il y a une douzaine de personnes qui sont invitées à parler pendant une petite heure, donc en gros ça fait cinq minutes chacun. Je vais passer la parole aux uns et aux autres et il serait assez logique que je passe la parole à Jakez Cosquer qui avait créé l'association de parents d'élèves pour l'enseignement du breton avant la circulaire Savary. Et puisqu'on est là, je pense, non pas seulement pour réveiller le passé mais pour faire des liens entre le passé et aujourd'hui et également lier et délier et relier ce passé à du futur. Jakez, ma 'teus c'hoant da lavaret un dra bennak, mar kav dit out selaouet a-walc'h, n'ouzez 1

Rencontre témoignages l'enseignement bilingue a 30 ans

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Conférence Témoignages : L'enseignement bilingue public a 30 ans – 26e colloque de la FLAREP

Colloque de la FLAREP / 26è rencontre inter-régionaleConférence / témoignages

L’enseignement bilingue public a 30 ans, un peu d’histoire…

Quelle a été la genèse de l’enseignement bilingue du service public d’éducationen France ? Comment le bilinguisme français langues régionales est-il entré dans les usages ?Interventions et témoignages protagonistes de l’époque

Jean-Yves BroudicAlors on va commencer la table ronde si vous voulez bien. Avec d'anciens parents, d'anciensprésidents de l'association. Moi, on m'a invité à venir en tant qu'ancien président, mais aussipour passer la parole aux uns et aux autres.Je vais commencer par lire le courrier qu'une conseillère pédagogique qui a bien travaillé pourl'enseignement du breton dans les Côtes-d'Armor a adressé pour s'excuser de son absence. Ils'agit donc de Klaoda an Du qui nous rappelait qu'elle a : « anvet e oan bet kentañ kuzulierezpedagogel yezh ha sevenadur Breizh evit Aodoù an Hanternoz e 1978. Bevet em eus al lañsbras degaset gant kelc'hlizher Savary, stummadur an danvez mistri-skol, stummadur dibaouezdre stajoù hir evit ar vistri-skol brezhonegerien a-vihanik, krouidigezh postoù mistri bale-bro warar brezhoneg evit sikour ar re ne oant ket ampart a-walc'h evit kelenn ar yezh, sikour a-bouez-bras ar CDDP, ha da-c'houde, krouidigezh ar c'hlasoù divyezhek. » [traduction : j'ai été nomméeen tant que première conseillère pédagogique pour la langue et la culture bretonne pour lesCôtes-du-Nord en 1978. J'ai vécu le grand élan apporté par la circulaire Savary, la formationdes futurs maîtres d'école, la formation continue par des stages de longue durée pour lesmaîtres bretonnants de naissance, la création de poste de professeurs de breton itinérants afind'aider ceux qui n'étaient pas assez qualifiés pour enseigner la langue, l'aide importante duCDDP, et ensuite, la création des classes bilingues.]Donc je vous lisais là un courrier de Claude Le Du, première conseillère pédagogique du bretondans les Côtes-d'Armor qui avait travaillé pour l'enseignement du breton et l'enseignementbilingue dans les Côtes-d'Armor.Je vais passer la parole assez vite parce qu'il se trouve qu'on a du retard, qu'il y a une tableronde où il y a une douzaine de personnes qui sont invitées à parler pendant une petite heure,donc en gros ça fait cinq minutes chacun. Je vais passer la parole aux uns et aux autres et ilserait assez logique que je passe la parole à Jakez Cosquer qui avait créé l'association deparents d'élèves pour l'enseignement du breton avant la circulaire Savary. Et puisqu'on est là, jepense, non pas seulement pour réveiller le passé mais pour faire des liens entre le passé etaujourd'hui et également lier et délier et relier ce passé à du futur.Jakez, ma 'teus c'hoant da lavaret un dra bennak, mar kav dit out selaouet a-walc'h, n'ouzez

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ket ? Gortoz a rez un tamm. ? [Jakez, sit tu veux dire un mot, si tu penses qu'on t'écoutesuffisamment. Tu ne sais pas ? Tu attends un peu?]

Jakez CosquerPa vo ket mui trouz. [Lorsqu'il n'y aura plus de bruit]

Jean-Yves BroudicPa vo ket mui trouz. Marteze eo gwelloc'h, ya. Kemeret eo ar mikro. Adkemer unan all. Setuselaouet out. [Lorsqu'il n'y aura plus de bruit. Peut-être est-ce mieux, oui. Le micro est déjà pris.Prends-en un autre. Voilà, on t'écoute.] Donc, Jakez Cosquer était le premier président del'association des parents d'élèves pour l'enseignement du breton à Rennes. Créée avec d'autrescollègues qui sont d'ailleurs aussi dans la salle. Je pense à Rozenn Cornu qui était aussi l'unedes créatrices de l'association. Dit-te, Jakez [A toi, Jakez].

Jakez CosquerYa. C'est avec beaucoup d'émotion que je vois plus de trente ans plus tard, une salle aussicomble, quoi qu'avec un certain vide maintenant suite aux discours. Mais ces discours aussisont impressionnant car c'est la première fois qu'on voit autant de députés, autant de maires,autant de conseillers généraux venir participer à un congrès d'une association de parentsd'élèves pour l'enseignement de langues comme le breton, le basque, etc.Alors je vais essayer d'être très bref parce qu'il faudra que tout le monde dise son sentiment.Alors je partirai d'une observation à mon égard, du député Paul Molac qui a dit que j'étais unutopiste. Je ne suis pas du tout un utopiste et je ne l'étais pas lorsque nous avons créé, avec uncertain nombre de parents d'élèves, l'association de parents d'élèves pour l'enseignement dubreton, en 1979. Je n'étais pas un utopiste, mais j'étais quelqu'un qui était dans une situationtendue, très dure, qui subissait la poussée des élèves qui sentaient qu'il y avait quelque chosequi n'était pas correcte dans l'éducation qui leur était donnée par l’État - en tous cas par l'écolelaïque – et qui réclamaient qu'on leur apprenne le breton. Donc c'était une obligation. Devantcette obligation, il y avait un choix. Ou bien on choisissait d'aller aux écoles Diwan, qui venaientd'être créées un an ou deux auparavant, ou bien on choisissait de se retourner vers l'écolepublique, dans laquelle ses parents avaient appris le français et conduits plus ou moins àoublier le breton. Alors là je me suis trouvé devant une autre attitude, c'est celle de l'indignation.Parce que les indignés, ce n'est pas seulement depuis quelques années qu'on en trouve sur lemarché. A l'époque déjà, on pouvait être indigné de voir que l’État continuait à enseigner lefrançais et uniquement le français en faisant fi des langues, en faisant fi de la réalité, et de laréalité en Bretagne qui faisait qu'il n'y avait pas que le français. Donc cette indignation nous aconduit à créer cette association de parents d'élèves. Et puis il y avait un troisième point, quiétait, je ne sais pas comment le dire, mais c'était aussi peut-être une obligation morale de salutpublic. A savoir, là il y avait une certaine utopie peut-être, à savoir qu'il n'était plus tolérablepour certains d'entre nous que l'école publique fasse fi, méprise le breton et les langues desautres régions. Et en choisissant un ancrage dans l'école publique, il y avait un objectif. Cetobjectif, c'était, je dirais, de prendre un peu de pouvoir en tant que parents d'élèves intéresséspar le breton, dans cette institution scolaire afin de l'amener progressivement à tenir compte de

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cette réalité qui est justement le bilinguisme en Bretagne. Voilà quelle était la situation lorsqueen 1979 nous avons créé cette association qui a scolarisé, si on peut dire, 800 élèves à Renneset qui a essaimé dans toute la Bretagne, à savoir à Lannion, au Faouët, dans d'autres villeségalement. Il n'y a qu'à Saint-Rivoal qu'on n'a pas essaimé. On n'a pas essaimé à Saint-Rivoalet donc, lorsqu'il s'est agi de créer... lorsque la circulaire Savary est arrivée, et bien nous avonschoisi dès le départ, de transformer une initiation au breton qui se faisait en dehors des heuresde classe, nous avons choisi de les transformer en classe bilingue mais en suivant la circulaire,c'est à dire en demandant aux parents s'ils étaient intéressés pour que leurs enfants suivent unenseignement bilingue. Nous étions sûrs de notre coup parce que, lorsque en 1979, nous avonsdemandé aux parents d'élèves de l'école de la liberté s'ils souhaitaient que leurs enfantsapprennent le breton, ils étaient 70 sur 200 élèves à dire « oui ». Et lorsque le recteur Rollin en1981 a fait une enquête auprès de tous les établissements de la région Bretagne, cette enquêtea été plus ou moins faite par les enseignants, mais cependant des résultats qui étaientintéressant, parce qu'on savait qu'il y avait au moins 30% des élèves en Bretagne quisouhaitaient suivre un enseignement du breton et dans certaines communes, pas loin d'ici, ducôté de Belle-Isle-en-Terre... Je ne sais plus si c'est Belle-Isle ou Bégard ou... Il y avait 90% pourne pas dire 99% des élèves qui souhaitaient apprendre le breton et donc en 2002, ah non,pardon en 1982, nous avons décidé d'ouvrir deux classes bilingues, une à Lannion et une àRennes. Ce qui fait qu'à la rentrée 1983, il y a eu deux ouvertures de classes bilingues, l'une àRennes, l'autre à Lannion. Ah oui ! Une dernière chose. A propos de l'espoir ou de l'utopie devoir l’État prendre en charge l'enseignement du breton dans le cadre de classes bilingues avec,pourquoi pas, une immersion comme dans d'autres écoles, on a parlé de lois, on attend deslois, mais il y a quelque chose que je n'ai pas entendu, alors je ne sais pas si on ne le sait pas,mais il existe actuellement en droit européen, un service d'intérêt général qui s'applique à tout,qui s'applique notamment à la culture et à la langue et qui est de la compétence de la Région.C'est-à-dire que la Région peut décider de déclarer un service « public » et, à ce moment-là,dégager des crédits pour assurer ce service public. Je suis spécialiste de la mise en place de cetype de service public dans diverses régions, sauf en Bretagne. Je pense qu'on pourrait aussis'orienter vers cette solution. C'est-à-dire passer outre la réglementation, la législation françaiseet prendre de plein pied le droit européen et l'appliquer en Bretagne.Dernière observation, ça ne me plaît pas beaucoup de faire partie d'un patrimoine, même s'ils'agit d'un patrimoine linguistique. Je crois que là il faut dépasser cette notion de patrimoine eteffectivement s'orienter vers l'avenir et se dire que le breton tel que l'enseignement est partimaintenant, devra permettre à nos enfants de vivre dans une situation de bilinguisme et dechoisir la langue qu'ils souhaitent à la fois dans la famille, mais également dans l'économie,dans la vie sociale. Ce ne seront plus des représentants d'un patrimoine, ce seront des acteursactifs de la vie sociale, politique, culturelle etc. Bon il y aurait bien des choses à dire, mais jepense que d'autres ont également...

Jean-Yves Broudic[applaudissements] Mersi dit, Jakez. Boñ, me 'gav din e vefe mat da Annaig Kere respontdiwar-benn Sant-Riwal peogwir Jakez en deus komzet un tamm eus Sant-Riwal, lâret petra zoc'hoarvezet e Sant-Riwal ivez. Ur mikro zo aze dirazoc'h.

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[Merci, Jakez. Bien, je pense qu'Anna Quéré voudra bien répondre à propos de Saint-Rivoalpuisque Jakez a parlé un peu de Saint-Rivoal également. Il y a un micro devant vous.]

Anna QuéréHennezh ? [Celui-ci?]

Jean-Yves BroudicYa 'gav din. [Oui, je pense.]

Anna QuéréPemp munut ? [Cinq minutes?]

Jean-Yves BroudicYa, pemp munut, ya. [Oui, cinq minutes, oui.]

Anna QuéréBon alors, je vais juste rappeler la genèse de l'école bilingue de Saint-Rivoal, c'est untémoignage en tant que parent. Donc à Saint-Rivoal, à la veille de la publication de la circulaireSavary, il y a à l'école, 10 enfants pour une commune de 207 habitants à l'époque. Déjà, avantmême la publication de la circulaire, grâce à... bien sûr aux parents, mais grâce à l'institutricequi était en poste à ce moment-là, les enfants bénéficiaient un tamm brezhonek kwa, un petitpeu de breton et donc la circulaire a été publiée et portée à notre connaissance, de parents, àl'automne 1982. Alors immédiatement, nous sommes totalement enthousiasmés par cettepossibilité de, enfin, plantañ brezhoneg ba'r skolioù publik, de vraiment mettre le breton aucœur de l'enseignement public et on y a vu vraiment une ouverture, une solution, etimmédiatement, plusieurs d'entre nous avons demandé que l'école de Saint-Rivoal devienneécole publique bilingue. Donc, cette année 1982-83 a été consacrée à ce travail et je doissouligner avant, bien sûr le rôle de l'institutrice directrice de la classe unique, des parents biensûr, mais le rôle essentiel de l'inspecteur... alors je ne sais pas si on dit inspecteur de l'éducationnationale ou inspecteur pédagogique, qui était monsieur Moricet à l'époque, qui est uninspecteur qui n'a rien pour le breton, ni contre, sans doute d'ailleurs, et qui a compris... Luic'était un militant de l'école rurale, donc voilà c'est une autre problématique. Militant de l'écolerurale et qui a compris l'enjeu que ça représentait le bilinguisme pour lui, dans son optique, lesauvetage de l'école. Il a beaucoup influencé nos élus, le conseil municipal qui devait donnerson accord. Et je tiens à rappeler absolument le rôle de cette personne-là qui n'a pas pu venir. Ila été invité, il est assez âgé et il est retourné maintenant dans sa région qui est le Poitou. Etdonc grâce à cela, à une conjonction de personnes, toute un dynamique qui a fait que, à larentrée 1983, l'école de Saint-Rivoal devient officiellement école publique bilingue et le résultatc'est évidemment pour nous, c'était très enthousiasmant car le breton avait toute la place qui luiconvenait et aussi du coup, un certain nombre d'enfant des écoles des paroisses, descommunes environnantes ce sont inscrits à l'école de Saint-Rivoal. Donc à la fin de 1983 il y adéjà une quinzaine d'enfants et le nombre d'élève ne va cessé de croître, pour aboutir àl'ouverture d'une seconde classe en 198... je ne sais plus exactement si c'est en 1984 ou 1985,

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mais enfin c'est l'une ou l'autre de ces années-là. Donc l'école bilingue a été évidemment un...comment dire... a permis également le développement du breton, sa visibilité aussi là où nousétions sur notre territoire et puis aussi a participé au dynamisme de la commune et a étévraiment tout à fait soutenu et admise par la population et aussi, je le souligne, le soutiencontinu de la municipalité qui a ensuite dû mettre en place la cantine, la garderie et bien sûrfinancer un poste d'ATSEM lorsqu'il y a eu les deux classes. Voilà donc ce que je peux dire.Alors les problèmes. Les problèmes qui se sont posés, ce sont ceux que nous avons déjàévoqué, c'est-à-dire, mais de façon extrêmement crucial, je pense que Jean-Yves Broudic s'ensouvient, nous nous en parlions beaucoup, c'était le problème des enseignants. Ça a étéextrêmement compliqué, parfois douloureux, je vous passe les courriers multiples, lesrencontres avec les inspecteurs que sais-je encore, les conseillers généraux, enfin bon tousceux qui voulaient bien nous recevoir, nous les avons harcelés pour avoir un financement pourceci pour cela parce qu'il y avait soit une seule, soit un seul enseignant bilingue, l'autremonolingue enfin bref c'était extrêmement compliqué. Il a fallu donc attendre 1993 pour que,enfin, il y ait deux instituteurs bilingues, bretonnant, à l'école. Voilà donc ce problème qu'on aévoqué tout à l'heure, monsieur l'inspecteur l'a évoqué tout à l'heure. Et le deuxième problème,c'est un problème qui est un petit peu plus spécifique à Saint-Rivoal donc je vais en parlerquand même très rapidement, c'est que c'est l'école de la commune, moi j'en suis très trèsfière, mais seulement ça a posé quand même un certain nombre de problèmes à savoir quel'école communale et bien les parents n'ont pas le choix. Ou ils mettent leurs enfants là et leursenfants apprennent le breton ou bien ils sont obligés d'aller ailleurs dans les communesavoisinantes et ça n'a pas toujours été facile à vivre ça. Ça a été un problème. Et je souligne ledernier problème et je vais m'arrêter, mais ça fait le lien je crois avec l'autre table ronde.Aujourd'hui, l'école est confrontée, c'est pas l'école en fait, c'est la municipalité qui estconfrontée à des problèmes financiers parce qu'elle doit prendre en charge le coût de l'écolequi représente aujourd'hui le quart de son budget. La municipalité a demandé bien entendu laparticipation des communes qui envoient leurs enfants chez nous, parce que de Saint-Rivoalpour le moment il n'y a que cinq enfants, c'est une toute petite commune qui a cent soixante-dix habitants aujourd'hui, donc il est normal qu'on demande le soutien des communesavoisinantes qui le refusent. Les dernières solutions, nous nous sommes tournés vers la solutioncommunautaire, mais pour le moment il y a un blocage aussi au niveau de la communauté decommunes. Alors, pour nous, je pense que maintenant c'est la contrainte par la loi pour qu'il yait une participation équitable pour le maintien de l'école et pour soulager les finances de lacommune, qui fait déjà, je le rajoute... Qu'il faudra bientôt... Il y aura trente-deux enfants auprintemps, deux classes, il faudra très certainement agrandir, en particulier la cantine. Ça meparaît être des problèmes bassement matériels, mais il s'agit de la survie de notre école.

Jean-Yves BroudicMerci. Annaig parlait aussi en tant que conseillère municipale de Saint-Rivoal. Mersi dit. Kementhag ober, marteze Michèle a zo bet unan eus ar re gentañ ivez oc'h ober skol e Lannuon.Marteze e vefe kenkoulz dit lavarout da soñj ivez. Michèle Kerrain était donc l'une des premièreenseignantes ou la première enseignante dans les classes bilingues de Lannion. Elle varappeler aussi comment ça s'est passé. Peut-être un petit point d'histoire également que Jakez

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n'a pas souligné, qui est en rapport. L'association a aussi été amenée à salarier du personnel,quand il n'y avait pas d'enseignant, déjà avant 1982 pour l'initiation, c'est comme ça que ças'est passé dans les écoles de Rennes, mais même également après 1982 quand il y avait desvacances de poste, il est arrivé que l'on salarie des professionnels à partir également d'aide, desubventions des collectivités locales, des communes. C'est juste une petite parenthèse, un petitpoint d'histoire. Michèle mar plij [s'il te plaît].

Michèle KerrainAlors je vais rectifier parce que je n'aie pas été, je ne suis pas la première enseignante àLannion. Par un malheureux concours de circonstances, j'ai cru ce qu'un collègue m'avait ditlorsque le projet de la classe a été lancé, on a donc lancé un appel à candidature et moi j'ai uncollègue qui m'a dit : « Ca ne sert à rien que tu demandes le poste. » J'étais enseignante depuisdeux trois ans, « De toute façon tu ne l'auras pas, il y aura tellement de gens plus âgés que toià le demander... » Et le collègue lui me dit que c'était pas lui qui m'a tenu ces propos-là, maisenfin, pour moi c'était lui et il a été le seul candidat et il a été embauché et puis au bout d'uneannée il a voulu changer et donc là on est venu me chercher, on m'a dit : « Tu y vas, tu connaisla maternelle, tu connais le breton, tu y vas. » Bon j'ai dit : « Oui, c'est vrai je connais lamaternelle et le breton, j'y vais. » Je regardais depuis quelques années avant nous les écolesDiwan qui s'étaient créées. Ça me paraissait formidable de pouvoir faire en même temps untravail que j'aimais et en plus de pouvoir y associer le breton qui pour moi était vraiment malangue, ma langue au niveau affectif et donc je trouvais ça... Donc j'y suis allé, ça acertainement cafouillé mais j'ai trouvé. Je suis arrivée à Lannion en 1984 et j'ai trouvé desparents d'élèves pour soutenir le projet et ça a été vraiment formidable. Par contre, le premiercontact que j'ai eu avec mon inspecteur de l'époque m'avait beaucoup refroidi. Il m'avait dit :« Euh c'est une expérimentation. L'année dernière il y a eu des moyens et des grands donc cetteannée on ne prendra pas de nouveaux élèves. Vous allez prendre les grandes sections et lesCP. L'année d'après vous continuerez avec les CP et les CE1 et comme ça jusqu'en CM2 etquand ça sera fini on fermera. » Ça m'a un peu épouvanté, parce que je me suis dit, s'il fautque je me forme à un nouveau niveau tous les ans... Et puis c'était pas ce qu'on m'avait fait unpeu entendre. C'était pas du tout l'avis des parents. Donc ça commençait à la rentrée par uneoccupation à l'école primaire. Les parents ont envoyé leurs enfants qui allaient au CP occuper leCP. Ils avaient trouvé une grand-mère, une retraitée, pour faire la classe en attendant... Ils m'ontimposé les moyennes sections, enfin imposé... Si, moi je refusais évidemment, en tant quefonctionnaire mais enfin bon, ils ont trouvé un instit' qui était dans une autre école, qui avait lescompétences... En fait tout ce qui s'est passé à Lannion et qui se passe encore, c'est toujours lesparents qui ont envie de quelque chose, qui ont envie que ça marche et qui sont attentifs à tousles problèmes, et qui mènent le combat. C'est ce qu'a dit Lena tout à l'heure, on ne peut pas... Ilfaut être militant et je crois que les parents ont su être militant et nous on a essayé d'êtremilitants dans notre travail, c'est-à-dire en le faisant le mieux possible avec l'appui des parents.Donc ça s'est passé comme ça, d'une année sur l'autre, à chaque fois qu'il y a eu besoin. Il y aeu quelques rentrées un peu difficiles. On a vécu des choses... Moi j'ai entendu plein de jeunesinstit' que j'ai rencontrés là cet été, qui disaient : « Moi j'ai une ouverture de classe bilingue dansune école, les autres enseignants sont pas très... » Alors moi j'ai vécu ça parce que j'étais seule

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enseignante à la maternelle, j'ai vécu l'expulsion de l'école, carrément. Parce que je l'ai vécucomme ça moi, ça n'a pas été vraiment... Mais il y a des parents qui sont là dans la salle quiont vécu avec moi, ça a été très dur. On ne voulait plus de nous dans l'école, alors lamunicipalité de Lannion nous a trouvé une école d'accueil mais c'était... ça a inauguré l'arrivéede monsieur Coadou comme inspecteur... Ben il n'en a pas voulu aux classes bilinguespourtant.Donc la première année où je suis arrivé il y avait maternelle CP. Il y a eu la création du CE1.Après il y a eu le CE1-CE2 avec le même instit'. Après il y a eu une autre... Enfin tous les ans outous les deux ans, il y a eu jusqu'à ce que le cycle soit complet. Après les parents se sontmobilisés pour créer à Lannion la filière au collège. Ça s'est à peu près bien passé si messouvenirs sont bons jusqu'au brevet. Après, je crois qu'ils se sont battus pour avoir desépreuves en breton en histoire-géo et après c'est reparti sur le lycée jusqu'à arriver à avoir ledroit – c'est toujours parti de Lannion – le droit de passer l'histoire-géo au bac en breton et puisvoilà jusqu'à remplir la filière. Et en fait l'histoire-géo au bac en breton a eu lieu à Lannion avantDiwan. Parce que moi j'ai souvent entendu dire que c'était Diwan qui avait gagné ça, mais non,je ne pense pas commettre d'erreur en disant que c'étaient les parents de Lannion, donc DivYezh Lannion qui avaient les premiers la première filière complète et qui s'est battu pour ça. Eton vit toujours sur ces acquis-là et qui nous semble maintenant d'une évidence telle, mais çan' a pas été si évident que ça à vivre, je pense surtout pour les parents. Moi, j'étais enmaternelle jusqu'à très récemment, donc c'était facile une fois que c'était lancé. Mais je revienssur ce que Lena disait tout à l'heure, c'est toujours du militantisme parce qu'on est confrontémaintenant, et peut-être sans doute aussi avant... Il n'y a aucun acquis, il faut toujours, toujours,se battre. Pour avoir des ATSEM qui parlent breton, pour avoir des compléments de mi-tempsou de trois-quarts temps qui parlent breton, donc soit avec les mairies, soit avec l'éducationnationale. Là on est confronté au manque d'enseignants, on est confronté aussi au problèmedes effectifs qui montent. On arrive à des 25 ou 30 élèves par classe, double niveau bilinguedans des conditions comme ça, moi je ne dis on ne peut pas, c'est un travail... Alors, on nousdit, il n'y a plus d'enseignants, moi je dis on nous demande beaucoup, beaucoup de travailpour le même salaire que les autres. Je pense que ça peu rebuter des gens. C'est un petit peuma conclusion.

Jean-Yves BroudicMerci Michèle. Avant de passer la parole à Jean Coadou à ma droite, on va annoncer qu'il y ad'autres conférences qui commencent là maintenant.

David RedoutéOui, donc il y a la conférence avec monsieur Dalgalian qui commence dans la salle LannionDevenir bilingue avec l'école. Et sinon, il y a aussi dans la salle Saint Michel, une autreconférence qui commence, Les langues régionales au travail et dans le monde économique. Sides gens sont intéressés, ils peuvent s'y rendre. Donc la salle Lannion c'est à l'extérieur et lasalle Saint Michel je ne sais pas.

Jean-Yves Broudic

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Bon je pense que dans la logique de ce qui vient d'être dit par Michèle, c'est logique que jepasse la parole à mon collègue de droite, Jean Coadou qui était du côté de l'éducationnationale dans ce montage de l'enseignement bilingue.

Michèle KerrainJe peux rajouter quelque chose ? Je tiens à dire mon sentiment sur, avant qu'il parle, ce qui aété l'action de Jean Coadou quand il a été nommé inspecteur, parce que ça été une boufféed'air. Enfin l'institution nous reconnaissait et l'institution nous formait, nous apportait, avec unetrès grande bienveillance et un souci de bien faire. Et ça a été pour nous bilingues, ça a été desannées formidables.

Jean-Yves BroudicDit-te neuze, Jean Coadou da zisplegañ da soñj. [C'est donc ton tour, Jean Coadou, de nousdonner ton avis.]

Jean CoadouTrugarez deoc'h memestra [Merci à vous, tout de même]. Bien ! Alors je suis arrivé, dans lecontexte qui vient de vous être décrit, en 1985 en tant qu'inspecteur à Lannion. J'étais inspecteurà Saint-Malo auparavant où je m'étais attelé à la création d'une ZEP et instituteur pendantquatorze ans au pays breton, puisque j'ai été pas mal d'années à Tregrom où les parentsétaient bretonnants à 80 %. Et le breton a été utilisé évidemment ne serait-ce que pourapprendre aux élèves à se défaire de certains bretonnismes dont on parle depuis quelquesannées. Alors je suis arrivé à Lannion et j'y suis resté jusqu'en 1995, c'est-à-dire pendant dixans, les dix années qui ont suivi la mise en place des classes bilingues suite aux circulairesSavary dont on a parlé tout à l'heure. Je distinguerais deux périodes dans ces dix années. Lapremière qui va de 1983 à 1988 et une seconde qui va de '88 à '95 où j'ai rendu mon tablierd'inspecteur à Lannion pour aller faire du développement en Afrique.Première période. Donc les classes bilingues, Michèle Kerrain était déjà à l'école maternelle et ily avait deux classes à l'école primaire. Logique, CP-CE1, après deux ans, l'ouverture en 1983,septembre 1985. Et là je dois dire que ça a été un moment, pour moi, privilégié dans monitinéraire professionnel. Pourquoi ? Parce que prenant la circonscription, il y avait 320instituteurs unilingues et donc 5 instituteurs bilingues. Et là j'ai trouvé des pionniers, ce n'étaientplus des instituteurs, c'étaient des pionniers qui, suite à la circulaire Savary, et en symbiose, jedois dire, avec les parents d'élèves, ont créé sans aucun outil pédagogique à leur disposition, ilsont créé leurs propres outils pédagogiques avec un travail acharné durant toute cette périodepour mettre en place cet enseignement bilingue. Je me suis contenté, je n'ai aucun mérite, jeme suis contenté de les accompagner dans leur démarche, de les réunir, de faciliter un certainnombre de séances de travail, mais sur une base qui soit claire et sur les prescriptions durecteur d'alors, qui a apporté tout son appui – c'était le recteur Legrand – qui a apporté tout sonappui à la mise en place de ces filières bilingues selon des principes simples : pas d'écoleprimaire bilingue dans l'enseignement public, mais des classes bilingues dans l'enseignementpublic. La nuance est forte. Et derrière cette idée, il y avait l'idée d'une symbiose entrel'enseignement dans les classes bilingues et l'enseignement des cultures et langues régionales

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dans les classes unilingues. Le contexte qu'on vous a décrit ne l'a pas permis et c'est mongrand regret, de faire en sorte qu'il n'y ait pas eu de symbiose entre les filières bilingues et,disons, entre les classes unilingues alors que c'était possible. C'était possible, c'est un constatd'échec, malheureusement.Deuxième principe, et on y a fait état tout à l'heure par le président, un maître unique. Pourquoiun maître unique et non un maître une langue comme cela s'est déroulé au Pays Basque, enAlsace et ailleurs dans le système éducatif français ? Le choix a été fait par les instituteurs etque j'ai acquiescé. A savoir que la règle c'était, selon les prescriptions du recteur Legrand, que :tout enfant sortant du cycle bilingue puisse, si les parents déménageaient par exemple,réintégré l'enseignement unilingue. Donc le choix c'était respect des horaires de la languefrançaise et enseignement de la langue bretonne, de la langue elle-même et enseignementd'autres disciplines en breton en tant que langue d'enseignement. Donc, une contrainte, huitheures en maternelle évidemment c'était beaucoup plus de l'immersion, selon le principe enbreton an abretañ, ar gwellañ [le plus tôt, le mieux] c'est-à-dire qu'il vaut mieux parler lalangue, être le plus à l'aise au plus jeune âge pour pouvoir aborder l'apprentissage de lalecture dans de bonnes conditions. Voilà c'était, à partir de ces deux principes-là, on construitdes outils pédagogiques. En français, bien sûr, on les avait, en breton on ne les avait pas et ça aété tout le travail des instituteurs disons de cette période-là, jusqu'en 1988, je dis bien un travailde pionnier et de militantisme au-delà du travail du simple instituteur. Et à partir de ce moment-là, quand certains outils étaient créés, à partir de ce moment-là, on a ressenti le besoin d'allervoir ailleurs, là où il y a un enseignement bilingue, ce qui se pratiquait. C'est ainsi qu'avec l'aidedu centre culturel breton de Lannion et avec Pierre Lavanant, qui en était le président, et lamunicipalité de Lannion, on a initié une mission au Pays de Galles pour voir comment étaitorganisé pendant une semaine l'enseignement du gallois au Pays de Galles qui était plusavancé que le nôtre dans le domaine du bilinguisme. Voilà et en '88, cela faisait cinq ans queles classes bilingues fonctionnaient. Fin de cette période, événement à mon avis important etcapital parce que, à l'initiative des parents d'élèves, s'est tenue une exposition, une grandeexposition sur les travaux effectués dans les classes, au centre Joseph Moran à Lannion oùMichèle Kerrain d'ailleurs était le pilote pour expliquer tout ce qui se faisait à l'époque avecJean-Dominique Robin qui avait le CM2 à cette période-là. Surprise, que voit-on arriver ?Monsieur le recteur Legrand avec monsieur De Keyser qui était inspecteur d'académie àl'époque dans les Côtes-d'Armor, où le Recteur a réaffirmé tous ces principes, et encouragé,disons, le développement de ces classes sur ce modèle en insistant sur un troisième principemais que nous avions déjà dans la tête, c'était le développement de ce qu'il appelait desfilières, qui sont devenues aujourd'hui des pôles. A savoir pas de création d'écoles bilinguesmaternelle-primaire partout mais scolarisation en bilingue en maternelle de proximité. C'est cequi a été fait à Cavan, et je dois dire de l'action de Pierre Yvon Trémel, qui nous a quitté vous lesavez, et qui, en tant que vice-président du Conseil Général des Côtes-d'Armor à l'époque, asoutenu la mise en place, et chez lui tout d'abord à l'école de Cavan, où il y avait effectivementune école maternelle, et la complicité des communes. Parce que pour le transport des enfantsc'est le Conseil Général qui prenait en charge le transport des enfants, et les communes ontparticipé, à ce que je sache, à la scolarisation des élèves à partir du moment où on lesregroupait dans des structures pédagogiques viables, pas moins de trois classes, nous disait

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monsieur l'inspecteur d'académie en introduction. Et c'est sur ce principe-là, que le pôle,aujourd'hui on dirait pôle, mais les filières de Lannion - et on appelait filière, voire bassin deformation bilingue – se sont développées, et ce n'est pas par hasard si le recteur Legrand estvenu en mai 1988 parce que c'était l'entrée en septembre de la première promotion des classesbilingues au collège Charles Le Goffic à Lannion où ça a été prolongé. Voilà en gros laconclusion de cette première période 1983-1988.Deuxième période, 1988-1995, approfondissement de ce dispositif, approfondissement desdémarches pédagogiques. Le recteur décide d'instituer deux semaines de formation continuedes maîtres bilingues, à tour de rôle, dans les IUFM qui allaient se créer à l'époque. C'était laréalisation du ministre Jospin qui était alors ministre de l'Education Nationale. Création des IUFMet formation continue deux semaines donc, ce qui était très important, parce que ça faisaitregrouper tous les instituteurs bilingues de Bretagne, à l'époque c'était une vingtaine pas plus,de vingt à trente, où ils s'échangeaient leurs outils pédagogiques. Et en même temps unapprofondissement disciplinaire avec les professeurs d'université, soit de Rennes soit de Brest,qui ont beaucoup apporté à cet approfondissement. Je ne dirais pas qu'il y a une pédagogiebilingue, je dirais que il y a des techniques qui permettent, notamment lorsque le breton estutilisé comme langue d'enseignement, de mettre en œuvre des pratiques pédagogiques trèsimportantes. Et en même temps, lorsque les IUFM se sont créés, on m'a désigné comme disonsle coordinateur de la mise en place de la formation initiale à l'IUFM, avec les professeursd'université de Brest, avec les professeurs d'université de Rennes, et Erwan Evenou quis'occupait du secondaire, inspecteur du secondaire pour les collèges et les lycées à l'époque. Etça avait été compliqué, très compliqué, parce que Rennes voulait le morceau, l'IUFM étant àRennes. Brest voulait le morceau de son côté parce que ça faisait loin, et on a coupé la poire endeux, ce sera Saint-Brieuc. Et donc c'est ainsi qu'a été créé ces formations initiales des maîtresbilingues à Saint-Brieuc avec un programme de formation qui a permis évidemment deconsolider la formation des enseignants de manière institutionnelle.Voilà donc, ça c'était 1990-1991 et mise en place 1992. Ensuite les stages de formation continuese poursuivant. Et connaissant la méthodologie mise en œuvre dans le Trégor, puisque c'étaitun développement, les classes se sont créées à Tregastel. Je ne reviens pas sur les difficultés, jemets au pluriel les difficultés, de ces classes puisque c'était perçu comme retirer des élèves auxfilières unilingues, parce qu'on ne pouvait pas les compter deux fois. C'est ce qu'on m'avaitdemandé : « Mais il faut les compter deux fois ? » Ah non, le budget de l'éducation nationale nepermet pas de... Et donc je passe là-dessus parce qu'on en a largement assez parlé, mais petità petit, les créations se faisaient sur les mêmes bases que les taux d'encadrement dans lepublic. Et ça se passait relativement bien à partir du moment où ces créations étaient admiseset, il faut bien le reconnaître, les associations de parents c'était l'APEEB à l'époque, c'était pasDiv Yezh, enfin ce sont les mêmes n'est-ce pas, qui appuyaient fort évidemment pour que cescréations aient lieu. Alors nous avons reçu, sachant comment était mis en place, nous avonsreçu une délégation alsacienne, une dizaine de personnes, dont l'inspecteur régional àl'époque Daniel Morgen auprès du recteur. Et je relève certaines conclusions, la principale, dansleur compte-rendu de visite, c'était le cohérence du système développé, au niveau de lacréation et des relations, disons, de l'enseignement primaire au lycée, puisque au lycéeégalement à Lannion ont suivi ces cohortes, avec de bons résultats, je le dis en passant puisque

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les évaluations des systèmes unilingues le permettaient de voir que les enfants des classesbilingues avaient des résultats tout à fait - peut-être toutes les choses n'étant pas égales parailleurs – mais de très bons résultats.Troisième élément durant cette période, et c'était en 1993, la création de TES – Ti-embann arskolioù brezhonek [Maison d'édition des écoles en langue bretonne] – initiée par le recteur et leconseil régional. Où ont été regroupés au CDDP de Saint-Brieuc, donc sous l'autorité du CRDP etdu recteur bien entendu, cette unité de production d'outils pédagogiques à destination desenseignants de la maternelle à, je ne dirais pas à l'université, mais au baccalauréat au lycée. Etle premier ouvrage à être sorti, ça a été Enora, qui était un recueil de comptines avec desbandes magnétiques, dont Michèle était justement la maîtresse d’œuvre dans les stagesjustement de formation continue des enseignants que l'on faisait à tour de rôle dans les IUFMdu... Alors la création de TES évidemment, c'était Ronan Coadic qui en était le premier directeurah ! et je le souligne, en rassemblant toutes les potentialités de l'enseignement bilingue bretonà savoir l'enseignement public, Diwan bien sûr et les représentants des écoles catholiques quis'étaient lancées dans les enseignements bilingues en 1990.Dernier, il est temps que je termine, dernier point, un bilan de tout cela avait été effectué auxassises de Pontivy, à la fin du mois de Juin 1995. Certains d'entre-vous certainement y avaientassisté, où j'avais eu l'honneur de dresser le bilan de l'enseignement des langues et culturesrégionales, non seulement des classes bilingues, mais de l'ensemble de ces enseignements, enBretagne et bien sûr en Loire-Atlantique, la Bretagne historique. Le bilan c'était une courbe en Jdes effectifs. Sur les effectifs de l'année 1993, il y avait 1950, à quelques unités près, élèves,dans l'ensemble de l'enseignement bilingue de Bretagne. Diwan en avait un peu plus enprimaire, un peu plus à l'époque en 1993, et depuis, ça va être la transition tout à l'heure peut-être avec ce qui... Depuis, vous imaginez, la croissance elle est restée en J. Voilà et je dirai toutle plaisir que j'ai eu pendant ces dix années à participer et à accompagner et tout le mérite, jele dis, revient aussi bien aux parents qu'aux enseignants qui étaient dans les classes parce quece sont eux qui ont construit ces outils-là.

Jean-Yves BroudicMerci bien. Avant de passer la parole effectivement tout à l'heure aussi à la salle, d'autresparents anciens ou toujours aujourd'hui, et puis d'échanger et poser des questions à ceux quiont parlé ou entre-vous, c'est assez logique que je passe la parole à Aziliz Cornu qui enseigneles mathématiques dans la filière bilingue de Rennes et qui est une ancienne élève de la filièrebilingue de Rennes. Aziliz, dit-te da gaozeal [Aziliz, à toi de parler].

Aziliz CornuBonjour à tous. Donc effectivement, je suis ancienne élève de la filière bilingue. Les trente ans,eh bien j'en ai 27. Grâce aux parents d'élèves, aux enseignants qui se sont battus, j'ai fait partiedes premiers élèves qui ont pu bénéficier d'un enseignement bilingue. Alors, en maternelle,c'était pas aussi développé qu'aujourd'hui avec des intervenants, de temps en temps, pournous apprendre des comptines et ensuite en primaire, on a eu la chance d'avoir desenseignants bilingues et ensuite arrivé au collège, on n'était pas encore rendu à la parité,puisque il n'y avait que l'histoire-géo en breton, du collège jusqu'au baccalauréat. Au collège

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Emile Zola. Au niveau des effectifs, je crois qu'on a terminé à six élèves à peu près dans laclasse en terminale, donc très petits effectifs, et je suis devenu moi-même enseignante demathématiques en breton. Donc j'ai commencé d'abord dans la région de Lorient, à Lannesteret Quéven et les effectifs étaient toujours aussi petits, peut-être un peu plus développés, j'avaistoujours douze élèves au maximum, mais monsieur Guillou a parlé tout à l'heure d'une classeoù il n'ont été que cinq pendant une inspection, eh bien j'ai eu à un moment donné que deuxélèves dans la classe. Donc effectivement, ça arrive. Maintenant je suis passée à Rennes, aucollège Anne de Bretagne, et alors là c'est tout autre chose. Les choses ont beaucoup évolué.D'abord ce n'est plus seulement l'histoire-géo qui est enseignée en breton, mais lesmathématique, l'art plastique, la musique, l'EPS, donc pour moi c'est vraiment un changement.Quand je suis arrivée en tant qu'enseignante là-dedans, je me suis dit il y a vraiment une bonneévolution, et au niveau des effectifs, cette année on a vingt-huit élèves en sixième. Donc c'estcomplètement autre chose. Bon, vingt-six en cinquième, treize en quatrième et vingt-trois entroisième. Dont un élève présent dans la salle.Je ne m'étais pas destinée du tout au départ à enseigner dans la filière bilingue, mais je suisvraiment fière d'en avoir fait partie en tant qu'élève et de pouvoir maintenant transmettre à mesélèves le breton, l'enseignement d'autres disciplines en breton, pour pas seulement, justement,avoir juste un cours de breton trois heures par semaines, mais aussi l'entendre par différentespersonnes avec différents accents, avec différents vocabulaires, pour faire vivre la langue. Voilà,je trouve ça très intéressant et beaucoup plus vivant.

Jean-Yves BroudicPeut-être pourrais-tu dire quelques mots, un peu, sur ce qu'a évoqué Jean ? A savoir le travailavec les collègues sur l'enseignement des mathématiques en breton.

Aziliz CornuAlors oui c'est vrai que le travail avec d'autres collègues de mathématiques, moi ça a été plutôtbien accueilli parce que j'ai... Enfin des fois on entend qu'on vole, enfin je ne sais pas commentje peux dire ça, des postes d'enseignants non-bilingues, mais au collège Anne de Bretagne, ças'est très bien passé. On échange beaucoup nos données entre collègues de mathématiques,et entre collègues de breton aussi. On discute souvent entre-nous, on s'entraide pour avoir plusde matière aussi bien au niveau de la langue, parce qu'il est vrai que pendant mes études,pendant cinq ans ou six ans, j'ai quand même arrêté le breton, donc j'ai dû reprendre des coursde breton pour adultes. Et grâce à ça j'ai pu revenir dans la filière.

Jean-Yves BroudicEst-ce que vous travaillez ensemble les enseignants de mathématiques en breton surl'académie ? Est-ce que vous travaillez ensemble un petit peu ?

Aziliz CornuJ'ai pas vraiment eu l'occasion, non, je ne connais pas vraiment mes collègues demathématiques en breton. Non, malheureusement, parce que c'est vrai que ça pourrait êtrebien d'échanger des informations, parce que comme disait madame Kerrain, c'est quand

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même beaucoup de travail même si, grâce à TES, on a des manuels en breton. On a quandmême une part de traduction en plus que les autres professeurs n'ont pas forcément parcequ'on se base aussi sur des manuels en français. Les programmes sont exactement lesmêmes, parce que ça aussi c'est souvent la question des parents. Les programmes sontexactement les mêmes, c'est pas parce que c'est en breton qu'on va parler par exemple enhistoire, que de l'histoire de la Bretagne. Non, c'est le même programme que les autres. Et c'estvrai qu'on a une part de traduction à faire et c'est vrai que des fois j'ai peut-être l'impression demanquer d'outils pour construire mon cours, d'outils en breton pour m'aider. Je serais tout à faitheureuse d'avoir une formation continue là-dessus, si c'était possible.

Jean-Yves BroudicBien, merci. On va continuer la table ronde, effectivement, le micro tourne et je vous présenteMichel Sohier qui a été... On ne te voit pas donc il faut que tu te déplaces. Juste un mot pourdire, je pense que, si je me rappelle bien, Jakez a été le premier président de l'association,ensuite ça été moi, ensuite ça a été Michel, voilà le flambeau.

Michel SohierOui donc voilà ancien... mais ce n'est pas ce dont je voulais parler rapidement, c'est que on està l'origine à plusieurs de la mise en place de la filière bilingue à Rostrenen en 1986. Donc ça n'apas été forcément simple parce que... Ça n'a pas été forcément simple politiquement. Je nevais pas détailler, mais quand on arrive sur une commune, c'est pas innocent que Callacn'ouvre que cette année alors qu'on en parle depuis quinze ans, c'est un problème politique, ilfaut dire clairement les choses, on n'est pas là pour parler la langue de bois. Donc nous, onétait comme ça au départ à Rostrenen, comment va-t-on concilier des choses aussi différentesque des visions politiques. Ça s'est fait, bon ça s'est fait, avec des parents comme nous quifaisions quinze et quinze, trente kilomètres par jour parce que j'habite Saint-Nicolas-du-Pélem.Donc on démarre. Bon ça se passe bien, on va pas refaire tout l'historique. Et puis je prends maretraite de président. La fille est partie, je l'emmenais à Lannion après. A Lannion toutes lessemaines seulement parce qu'elle était interne, c'était un peu loin. Donc on a eu cette volonté-làqu'elle suive une filière complète et puis du coup on a levé le pied un petit peu, il faut laisser laplace aux jeunes parents. Et puis tout d'un coup on se dit tient on a une filière en place mais ellemarche bien. On a une certaine fierté. Elle marche tellement bien à Rostrenen que ma foi ils ontdes effectifs pléthoriques en maternelle, ils sont quarante-deux avec un poste et demi quoi.Vous l'avez peut-être lu dans la presse, on en parle un petit peu. Ça fonctionne, ils vont être auxalentours d'une quarantaine de plus de trois ans, si mes informations sont bonnes. Donc voilà,nous sommes assez fières de la chose, mais on ne peut pas débrayer. On ne peut pasdébrayer complètement, on a toujours un pied en double pédalage. On se dit qu'il va falloirremettre un peu notre costume de militant et remonter au créneau, on a encore des filières etdes possibilités de le faire. Moi j'ai maçonné les porte de l'IUFM, je peux vous envoyer lesarticles de presse. Je suis un militant assez ancien et assez vindicatif. Donc c'est pour ça que jene veux pas parler trop longtemps parce que quand je parle trop longtemps, c'est pas toujoursbon. Et je vois les copains qui rigolent là-bas.Je voulais dire quand même, c'était très clair, il faut régler ce problème de Rostrenen, parce que

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Rostrenen va arriver en classes maternelles bilingues, il va y avoir autant qu'en classesmaternelles monolingues d'ici la fin de l'année je pense. Bon il va falloir aussi régler le nombrede postes entre les deux filières. Pour l'instant c'est la filière monolingue qui à mon avis seraitlégèrement privilégiée, bon ben on a été privilégiés dans d'autres domaines, on va pas crier auscandale, mais quand même il va falloir y penser sérieusement, sinon il va falloir qu'on rappelleles anciens pour monter au créneau un peu. J'ai pas, j'ai plus trop envie non plus. Enfin voilà, jecrois que le message est passé aux instances. Je pense qu'il faut régler ce problème-là parceque les jeunes parents d'élèves qui sont derrière, ils sont très actifs. Vous les avez tous vus. Lesélus ils les ont tous vus. Mais il ne faut pas qu'ils aient besoin de nous, il faut leur laisser menerce combat, mais faut qu'ils gagnent parce que c'est l'avenir de la filière derrière. Donc il fautqu'ils gagnent ce combat. Voilà, sinon on va y aller quoi.

Jean-Yves BroudicBien parmi la liste des personnes qui pourraient avoir envie de dire quelque chose, je vais lireles noms. Ça ne veut pas dire que les autres ne peuvent pas parler. Donc on m'avait indiquéque peut-être Marie-Claude Lagain serait susceptible de dire un mot. Maryvonne Guyader, jesais pas Maryvonne si tu veux dire quelque chose. Mireille Rubin. Également Gael Herbert. GaelHerbert elle est également inspectrice de l'éducation nationale je crois, je sais pas si elle estdans la salle. Rozenn Cornu. Gérard Coupier ancien administrateur aussi de l'association. Doncje vous laisse, je vais prendre le micro baladeur, je vais vous le passer. Et puis qui c'est qui veutdire quelque chose ? Gérard ? Gérard Coupier là-bas.

Gérard CoupierJ'ai rien préparé donc j'improvise un petit peu. Donc, je suis ancien parent d'élève, pas de lapremière génération, mais de la deuxième génération donc militant dans les années '90,pendant une dizaine d'années. Je voulais rappeler, ce qui a bien été évoqué, c'était un combatcontinu pour ouvrir des classes pour faire avancer la reconnaissance du breton par rapport auxinstances. Cela a été évoqué à Lannion. C'est nous la première génération qui avons fait ensorte que le breton soit reconnu au brevet des collèges via l'épreuve d'histoire-géographie.Donc ça a été reconnu en 1993, de mémoire. Et rebelote avec le bac, ce sont donc les premiersélèves qui ont rédigé en langue régionale, donc en breton. C'était six Lanionnais en 1996. Doncon a participé activement au niveau du bassin de Lannion à cette avancée. Donc je voudraisdire que visiblement le combat c'est toujours présent par rapport aux instances de l'éducationnationale. Je remarque aussi, quand même, que les constantes c'est le combat, les réticencesqui sont toujours présentes. Je lis un petit peu la presse, je suis un petit peu en retraite, en tantque parent. Je vois que par rapport aux élus, ils sont beaucoup plus réceptifs. Les collègues,enfin, vos collègues enseignants sont un peu plus réceptifs aux classes bilingues, donc c'estmoins difficile qu'avant, parce qu'avant... On a toujours défendu l'école laïque et on voulait unenseignement bilingue dans l'école laïque et il fallait expliquer aux collègues parents et auxcollègues enseignants unilingues, que nos enfants étaient les mêmes élèves que les autres,qu'ils n'étaient ni plus ni moins importants, que le breton était un devoir important pour nous etun devoir de l'éducation nationale d'assurer cet enseignement. Je sens donc qu'il y a deschoses qui ont évolué, au niveau des élus, au niveau des enseignants unilingues, ils acceptent

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un peu plus, mais on voit toujours, enfin j'ai l'impression – je n'ai pas l'actualité – j'ail'impression qu'il est toujours difficile. Bon tu parlais de créer un nouveau poste bilingue, alors ily a le problème des enseignants bilingues effectivement, mais j'ai toujours l'impression quec'est difficile d'ouvrir des classes bilingues. Ça paraît plus facile, mais c'est encore quand mêmedifficile. C'est pas un droit acquis. Rien n'est acquis, je sais pas, quelqu'un l'a dit, voilà. Voilà jevoulais juste ma petite intervention modeste pour voir la continuité des choses et en mêmetemps l'évolution positive. Quand j'étais parent d'élève dans les années 1990, il y avait unefilière à Tregastel-Cavan qui se poursuivait sur Lannion. Il y avait, de mémoire, Pabu, Rostrenen.Il n'y avait pas Plestin-les-Grèves, ça commençait tout juste. Il n'y avait pas... Enfin je ne connaisplus tous les sites maintenant... Bégard, etc. Enfin ça prend quand même de l'importance, maisj'ai l'impression que c'est pas encore un droit acquis. Je peux me tromper, je sais pas.

Jean-Yves BroudicOkay, merci Gérard. Gwelet 'm eus ur biz o sevel aze [J'ai vu un doigts se lever là]. Le micro àmadame, devant là.

Marie-Jeanne VernyMerci. Merci de l'historique.

Jean-Yves BroudicPrésentez-vous...

Marie-Jeanne VernyMoi c'est Marie-Jeanne Verny, FELCO, Fédération des Enseignants de Langue et CultureOccitane. Moi c'est une demande que je voudrais faire aux collègues bretons ici. C'est que laFLAREP est la seule association qui rassemble toutes les personnes qui, en France, s'intéressentaux langues et cultures régionales dans l'enseignement public. Or, comme associationd'enseignants, nous souffrons vraiment de ne pas avoir dans la FLAREP d'autres associationsd'enseignants des autres langues. Et moi quand j'entends les collègues parler des difficultés dumétier, parler d'outils pédagogiques, je me sens en phase, je suis enseignante. Et que je penseque le point de vue des parents et des profs comme le montre la table ronde qui est excellenteparce qu'il y a les deux complémentaires ce point de vues de parents et de profs, impossible deles séparer. Enfin comme profs, on se sent vraiment, vraiment, en manque de vous les Bretons.Il y a des années que je dis à Div Yezh : « Demandez à vos profs de venir à la FLAREP. » Or il neviennent pas à la FLAREP. Donc je profite de ce que nous en sommes en Bretagne pour vousdemander chers collègues, de bien vouloir vous associer, je ne sais pas comment, et de fairepartie, de façon institutionnelle, de la FLAREP. On a vraiment besoin, quand on va ailleurs on abesoin du point de vue des enseignants des différentes langues, complémentaire de celui desparents.

Jean-Yves BroudicMerci de votre demande. Je vois un bras se lever. Deux bras ! Allez-y, allez-y. Peut-être lesdernières interventions quand même puisqu'on m'a dit de faire en sorte que ça se termine, je

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sais pas pour une histoire de salle ou d'autres tables rondes qui doivent commencer.

Jean-Marc CléryDonc une intervention de professeur militant, non pas enseignant de breton ni en breton, maisd'un professeur militant à la FSU.

Jean-Yves BroudicVotre nom...

Jean-Marc CléryJean-Marc Cléry et depuis de nombreuses années nous travaillons sur le dossier du breton etnous sommes une fédération syndicale majoritaire. Nous représentons aussi les collègues quienseignent le breton et qui enseignent en breton. Un petit mot pour dire quand même, je diraisces quelques points positifs qu'on a noté dans le développement de l'enseignement bilingue, vudu second degré en tous cas, que je connais un petit peu mieux que le premier degré, on voitbien que les difficultés sont encore très très fortes. On parlait de la nécessité de se battre et desrésistances, résistances internes au milieu enseignant, oui peut-être, résistances idéologiques jecrois beaucoup moins, mais résistances institutionnelles toujours très fortes. Toute l'annéedernière nous avons pesé beaucoup, autant que possible, dans les instances. Il y a denombreuses instances dans lesquelles on parle de l'enseignement du et en breton, les CLR, desgroupes de travail qui se sont mis en place l'année dernière à l'initiative du rectorat dans lesillage du rapport Broudic de façon à réfléchir sur l'avenir de l'enseignement du et en breton. Etaussi dans les instances régionales, le CESER où la FSU est présente. Nous n'avons cessé deporter la parole des parents et des enseignants pour dire que la question du breton elle doits'inscrire dans la durée. Un des obstacles majeurs, c'est le temps, pour les familles le tempspour porter des demandes, un temps qui parfois leur est objecté pour ouvrir des filières. Untemps qui parfois est difficile aussi à faire comprendre dans les inspections académiques où ilpeut y avoir une parole différente entre ce qui va se dire à l'échelon du rectorat et ce qui va sedire dans les départements. Il y a aussi la question de la continuité, continuité entre le premieret le second degré ; continuité territoriale, tout à l'heure monsieur Guillou lorsqu'il a parlé de lapolitique des pôles a parlé des points positifs de la politique des pôles, mais il a noté aussi qu'ilpouvait y avoir quelques limites à cette politique, dont la question des transports, dont laquestion des dérogations nécessaires pour arriver dans des établissements qui vont être pôlessont des éléments de frein. Donc nous on a cessé de se battre sur cet aspect-là, de soulignerque l'engagement de l’État, que l'engagement de la politique en matière de langues estinsuffisant, qu'il n'est pas suffisamment résolu pour permettre un véritable soutien, un véritabledéveloppement, mais il est clair aussi que la question de l'enseignement du breton ne suffit pasà elle seule, je dirais à développer et à permettre la lutte pour le maintien et le développementde la langue en Bretagne. C'est l'engagement de l'ensemble de la collectivité qui doit être fait.

Jean-Yves BroudicMerci. Alors dernier mot à droite, là, peut-être ? Dernière intervention.

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Conférence Témoignages : L'enseignement bilingue public a 30 ans – 26e colloque de la FLAREP

Joan Jaume ProstMerci, je serai très bref. Lorsque l'on parle qu'un enseignant bilingue prendrait éventuellementla place d'un enseignant monolingue, je pense que ce n'est qu'une forme de sectarisme. Jevous rappelle qu'il y a soixante ans environ, certains hommes se plaignaient que les femmesallaient prendre leur place dans la fonction publique. C'était du même acabit. Donc les femmesont acquis leur place, je pense que les enseignants bilingues bretonnants n'ont droit qu'à leurplace. C'est tout.

Jean-Yves BroudicMerci, mais ça va être le mot de la conclusion. Merci à toutes les personnes qui ont accepté deparler. Et donc le colloque se continue.

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