Reperes Travail

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ANACT

INRS

Repres sur

le travail lusage des Ingnieurs, lves et dbutants

SOMMAIRE 1. INTRODUCTION(p.3) 2. REPERERETCOMPRENDRE(p.5) 2.1. Lasituationglobaledetravail(p.6) 2.1.1. Lesressources(p.6) 2.1.2. Lesmoyens(p.7) 2.2. Modlisationd'unesituationdetravail(p.9) 2.2.1. Lanotiondesystme(p.9) 2.2.1.1. Dfinitionsetproprits(p.9) 2.2.1.2. Choixd'unpointdevue(p.9) 2.3. Lesystmedetravailcentrsurl'activit(p.12) 2.4. L'activitdetravail(p.15) 2.4.1. Lacomposantephysiquedelactivit(p.15) 2.4.2. Lacomposantementaledelactivit(p.16) 2.4.3. Lacomposantepsychiquedelactivit(p.19) 3. C0MPRENDREPOURAGIR(p.21) 3.1. Lesdmarchesergonomiques(p.20) 3.2. Lastructurationdeladmarchedeprojet(p.23) 3.2.1. Lanalysedelademande(p.23) 3.2.1.1. Delanalysedelademandesareformulation(p.23) 3.2.1.2. Unprocessusitratif(p.24) 3.2.1.3. Laparticipationdespersonnels(p.25) 3.2.2. Prparationdelaction(p.25) 3.2.3. Constructiondeladmarcheparticipative(p.25) 3.3. Lanalysedutravail(p.27) 3.4. Outilsetmthodesdanalyse(p.29) 3.4.1. Outilsdanalysedelasituationglobaledetravail(p.29) 3.4.2. Lerecueildedonnesdocumentes(p.29) 3.4.3. Lestracesmatrielles(p.30) 3.4.4. Lequestionnaire(p.30) 3.4.5. Lesentretiens(p.31) 3.5. Mthodologiedanalysedesactivits(p.33) 3.5.1. Lecadredanalyse(p.33) 3.5.2. Lobservationdelactivit(p.34) 3.5.3. Ladescriptiondelactivit(p.35) 3.5.4. Linterprtation(p.37) 4. ANNEXES(p.41) 5. GLOSSAIRE(p.42)

Reprer et comprendre

1.

INTRODUCTION

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e mtier dingnieur volue. Auparavant, la dmarche logique dans laquelle lentreprise demandait lIngnieur de sinscrire tait du type : modle - confrontation la ralit ajustement . LIngnieur ne peut plus se contenter dadopter un regard dexpert. Il est de moins en moins quelquun qui traite seul, de bout en bout, un problme. Lheure est au travail en Ingnierie simultane, au Groupware, au travail en coopration et lanimation de groupes de travail. Pour tenir compte de la complexit du fonctionnement dune entreprise, lIngnieur doit aujourdhui savoir rencontrer plusieurs points de vue, grer des compromis, dnouer les enjeux complexes et souvent conflictuels qui se posent dans le domaine du travail. Pour chercher optimiser les conditions de russite dun projet, lIngnieur doit savoir en ajuster les objectifs en procdant sous forme dhypothses et en interrogeant les missions quon lui confie au regard de leur impact sur le travail humain. Parler du travail et apprendre le dcliner en terme dactivit de travail devient pour lui une ncessit. En se rfrant son aspect multidimensionnel, il percevra en quoi lactivit de travail est le maillon essentiel qui conditionne la russite dun projet et la performance de lentreprise.

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our les lves ingnieurs, le stage ouvrier est une dcouverte importante. Pour beaucoup, c'est un premier contact avec le monde de l'entreprise. C'est aussi un moyen dajuster les reprsentations quils se font du monde du travail. C'est encore l'occasion de faire un rapport o ils auront exprimer cette exprience. Les Repres sur le travail leur seront ainsi utiles lors du stage ouvrier, mais galement dans leur cursus, d'autres moments dtude de l'entreprise. objet du prsent fascicule est de prsenter les connaissances, les notions et concepts de base, sous la forme de repres et non sous celle dun guide mode demploi . Les situations dtude ou de statut des ingnieurs, les objectifs pdagogiques des coles, les rfrentiels individuels, apparaissent trop divers pour se satisfaire de recettes applicables toute problmatique se rfrant au travail humain et lentreprise. En adquation la formation scientifique et technique de lIngnieur qui le rend apte diriger des travaux et participer des recherches, il a ainsi sembl prfrable de le laisser surfer, de repres en repres, dans une logique de dcouverte de la complexit du travail humain et des notions et concepts qui sy rattachent. Les connaissances proposes nont aucun caractre encyclopdique. Elles ne recouvrent quen surface et que pour partie la complexit et ltendue du domaine. On peut nanmoins penser que, de cet apprentissage embryonnaire, natra un nouvel apptit pour tout ce qui ne pouvait trouver sa place dans ce fascicule. Sans vouloir prtendre lambition dun ouvrage ou dun trait, les enseignants en coles dIngnieurs y trouveront malgr tout, non moins des rudiments que des connaissances rigoureuses qui souligneront la richesse des sciences humaines et sociales et leur permettront dlaborer de vritables programmes pdagogiques.

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e fascicule se compose de deux parties : Reprer et Comprendre, Comprendre pour agir. Il distingue ainsi le processus dacquisition des connaissances de base, du processus de structuration intellectuelle engendr par le besoin de mise en uvre de laction.

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Reprer et comprendre

concernant la seulement Reprer et Comprendre ouvre sur un rappelLes distinctionsvocation (nonentre travail conomique, mais) sociale, de lentreprise. introduites et production, conditions de travail et situation de travail, amnent dessiner un cadre gnral dtude appel systme de travail centr sur lactivit . La prise en compte de lactivit est essentielle pour corriger, amnager ou concevoir des situations de travail. Elle conditionne la possibilit damliorer les conditions de travail et de scurit et la performance globale de lentreprise. Le systme de travail centr sur lactivit est dcrit sous langle des rsultats et des effets et de deux indicateurs de performance importants : les atteintes la sant et la fiabilit. Un prolongement montre la ncessit de se distraire dune vision par trop thorique, dune part, du fonctionnement de lorganisation et de certaines approches de management et, dautre part, des communications au travail, le formel laissant souvent place en ce domaine linformel pour permettre au systme de rellement fonctionner. titre dapplication, un aperu est donn des Nouvelles Technologies de lInformation et de la Communication (N.T.I.C.) pour souligner leurs implications humaines, sociales et organisationnelles potentielles. pour agir se donne pour perspective prsenter diffrentes Comprendre de projet enentreprise et de dcrire des outils de des mthodes qui sont dmarches et utiliss pour analyser les situations de travail. Les principes de lanalyse de la demande y sont exposs. Ils intresseront autant lingnieur dbutant que llve ingnieur en ce quils relvent dune logique gnrale dinvestigation qui vise voir au-del de la question pose la demande - les rels problmes prendre en compte et la stratgie adopter pour assurer la russite dun projet. Autre thme abord : la participation des personnels . Il est dabord dbattu sous langle des risques dinstrumentalisation possibles, puis sous celui de lintrt de fonder la rflexion des groupes sur le rsultat des analyses du travail afin de faciliter le processus dappropriation dun projet. Si ces repres nautorisent pas une mise en pratique, ils seront utiles pour clairer la prise de dcision et pour permettre l'ingnieur dbutant dlaborer les compromis les meilleurs visant amliorer les conditions du travail et de scurit des personnels et, en consquence, les performances de l'outil de production.

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2.

REPERER ET COMPRENDRE

OprateurLoprateur dsigne celle ou celui qui excute certaines tches dans certaines situations de travail et dont on peut analyser lactivit de travail : caissire de supermarch, contrleur arien, institutrice en cole maternelle, programmeur informatique, etc. Dautres termes quivalents seront utiliss dans le texte, tels acteur, personnel, agent,

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2.1. La situation globale de travailLaccs une bonne comprhension des possibilits damlioration des conditions de travail et de la performance requiert de ne plus considrer les facteurs pris sparment. Il est indispensable de mettre du lien entre facteurs. Le schma ci-aprs dcrit cet effet la situation globale de travail. Il prsente les conditions de travail et de scurit sous langle dun ensemble de ressources et de moyens mettre en adquation aux modalits de mise en uvre concrte du travail raliser (lactivit*). La situation de travail est par ailleurs globale et demande prendre en compte les liens entre ses diffrents constituants et lenvironnement.Dveloppement t echnologiqueSa la ir e

Sys tm e conomiqu eRESSOURCES march

Outilsusure, Rglages,Am biancesphysiques de t ra vail

MOYENS Flux m atires et produit s Out ils

Statut

Nivea u d e for ma tion, com p tencesVie hors travailfa tigu e, tra nspor ts

Postes e t esp aces de tr a vail

tat physiqueM orphologie, vieillissement, anciennet dans lentreprise et au poste, sex e, ry thmes biologiques, handicaps,

ACTIVIT DE TRAVAILSitu atio n globale de tr ava il

Br uit, vibrations, clairage, therm ique, toxiques, pou ssires, odeu rs,

profe ssionnelles

Relations

Scu rit, san tOrganis ation du travailProcdures, fiches de postes, consignes, format ion, qualifications, dure du trav ail, A .T.T, R .T.T., cadences,

Environnem ent cologique Lgislation Systme sociopolitique Environnem ent sociocu lturel

Les facteurs structurant la situation de travail regroupent ce que le management appelle habituellement les ressources et les moyens.

2.1.1.

Les ressources

Les ressources (encadr, partie gauche) correspondent aux caractristiques des oprateurs humains en situation de travail, caractristiques lies lge, au sexe, la morphologie, aux aptitudes* visuelles, motrices, la formation, aux comptences*, lanciennet dans lentreprise ou sur le poste*, des lments de vie hors travail (lorsquils influent sur la situation). Leur prsentation souligne comme primordiale la prise en compte des critres de variabilit qui existent entre oprateurs. De la mme faon et en relation lactivit de travail, il est noter que les oprateurs humains sont naturellement soumis dimportantes variations internes venant de la fatigue* accumule, de tensions rsultant dune difficult rencontre, de rythmes biologiques 6

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qui varient fortement et cycliquement en cours de journe, du sentiment prouv dun cart grandissant entre les dsirs et la ralit vcue au quotidien.

2.1.2.

Les moyens

Les moyens (encadr, partie droite) regroupent les donnes des conditions de travail qui permettent aux oprateurs de raliser leur tche : les caractristiques du processus de production, les outils, les machines, les postes de travail, les ambiances physiques de travail, les relations de travail* qui stablissent dans le collectif, les rgles de scurit et autres moyens de prvention, les procdures*, lorganisation du travail, etc.En lien avec lactivit, la notion de poste de travail prend en compte non seulement son dimensionnement, la nature des commandes et leur disposition, les supports dinformation et la prsentation de celle-ci, mais aussi les moyens de communication, les aides au travail et leur adquation la variabilit des caractristiques des oprateurs. La notion de poste de travail est apprhende dans son contexte, en tenant compte, par exemple, des contraintes* ventuellement poses par le travail effectu en amont simultanment aux contraintes que le soutien de la cadence pourra ventuellement poser sur les postes situs en aval. La notion de poste est alors proche de celle de situation. Lenvironnement physique constitu par lclairage, lambiance sonore, thermique, etc. constitue un facteur considrer en relation au travail accomplir et lactivit dployer. Le niveau de bruit prsente, par exemple, une contrainte de travail susceptible davoir un effet nocif sur les personnels. Mais, le bruit est aussi porteur dinformations utiles dont la suppression peut gnrer des risques* nouveaux pour la scurit. La comparaison des rsultats des mesures physiques des normes* ne suffit pas. Lorganisation du travail concerne la rpartition des tches entre personnes et par rapport au temps. La rpartition des tches entre personnes permet de dfinir les relations hirarchiques, fonctionnelles, et les moyens de communication inter individuels. La valorisation des possibilits de coopration* et de prises dinitiatives* permises par la mise en uvre de lactivit relle de travail, offre la possibilit de dfinir et de rpartir diffremment les tches avec une incidence gnralement trs positive sur la performance globale du systme.

Labord dune situation de travail met en vidence lenchevtrement parfois complexe qui existe entre les facteurs des conditions de travail , les caractristiques des personnels et les modalits de mise en uvre de lactivit de travail. La complexit saccrot en prenant en compte les facteurs environnants (cf. les bulles du graphique prcdent). Cette prise en compte est indispensable. Les oprateurs humains ne peuvent pas, par exemple, tre caractriss indpendamment du contexte socioculturel dans lequel ils vivent. Leur activit est dpendante aussi de lenvironnement conomique, notamment de la situation de march de lentreprise, des critres de satisfaction des besoins du client, des dveloppements technologiques qui requirent deux lacquisition de nouvelles comptences, de la politique sociale et de la lgislation sur le temps de travail, la scurit, lcologie.Ainsi, pour ne prendre quun exemple, pour satisfaire le besoin du client, lentreprise sappuie sur lapplication de procdures de mise sous assurance Qualit et de certification Qualit qui peuvent modifier de faon significative le contenu du travail. Lorsquelles se rvlent conflictuelles par rapport aux modes opratoires antrieurement acquis, elles constituent un cot supplmentaire pour les personnels comme pour lentreprise.

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Pour rsumerDe faon alternative, pour reprer les dterminants dune situation et mieux en comprendre la complexit, il est envisageable de considrer, non les conditions, mais la situation de travail et les facteurs qui la composent. Les facteurs de la situation, regroups en termes de moyens et de ressources, gagnent ainsi tre prsents sous langle des liens dinterdpendance quils entretiennent entre eux et avec lactivit de travail*. La notion de situation permet alors notamment de montrer que ce qui est attendu du travail est diffrent de ce que font concrtement les oprateurs pour le raliser (lactivit). La mise en relation croise des facteurs de la situation avec lactivit de travail et avec lenvironnement conomique, technologique, socioculturel, cologique, etc. permet dlaborer des hypothses* concernant diffrents types de difficults auxquels lentreprise se trouve expose. Lapproche globale propose rend alors possible denvisager des solutions adaptes pour amliorer les conditions de travail et de scurit et renforcer ainsi la performance de lentreprise.

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2.2. Modlisation dune situation de travailLexistence dun rseau dense de liens complexes entre composants permet de modliser la situation de travail sous forme dun systme que, pour le besoin, on nommera systme de travail centr sur lactivit . La notion de systme demande cependant tre prcise.

2.2.1.2.2.1.1.

La notion de systmeDfinition et proprits

En partant dune perspective analytique, un systme peut tre dcrit comme un tout organis possdant une structure qui ordonne et dcompose les diffrents niveaux pour en rendre ltude plus facile . Le tout renvoie aux parties, aux composants, aux diffrentes fonctions, et aux liaisons dinterdpendance qui les unissent. Il est noter que la structure du systme (le rseau de liens entre composants ou parties) nest pas fige. Elle possde des proprits volutives qui sont gnres par la formation dinteractions entre composants ou parties, cest--dire par laction rciproque des parties pour crer un lien de dpendance, appel lien dinterdpendance. Un systme peut ainsi tre caractris par linterdpendance de ses parties . Nanmoins, la rciprocit des actions nest pas forcment de mme nature ou de mme force selon les parties considres, et si interaction et interdpendance devraient aller de pair, ce nest pas toujours le cas.Ainsi, pour prendre lexemple de linteraction homme - machine, la raction de la machine nest pas toujours en adquation avec la logique daction de loprateur, le forant sadapter ou adopter un nouveau mode opratoire qui constitue une adaptation la contrainte* et qui contribue aussi, sa mesure, faire voluer le systme.

Lorganisation du systme est elle-mme dynamique et se rfre un systme ouvert sur lenvironnement. Un systme peut alors tre dfini comme un objet qui, dans un environnement, dot de finalits, voit sa structure interne voluer et dterminer au fil du temps le fonctionnement global de lentreprise . La dfinition peut sappliquer de nombreux objets : une entreprise, un atelier, un poste de travail, le flux des matires, etc. Par exemple, un atelier est un soussystme de lentreprise, donc un systme en soi, condition de recrer son environnement en modlisant ses liens.

2.2.1.2.

Choix dun point de vue

Llve ingnieur comprendra ainsi quidentifier un objet, cest dj rduire la complexit, cest modliser, cest choisir un point de vue. Le systme technique peut tre vu, par exemple, sous langle des flux matires, dnergies, dinformations, etc. Lentreprise peut tre vue comme un systme la fois humain et technique ouvert sur lenvironnement ou, encore, comme un systme de production.

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Les conditions de travail dans une entreprise peuvent elles-mmes tre reprsentes comme rsultant de linteraction entre les diverses contraintes conomique, technologique, organisationnelle, humaine (culturelle*) et sociale :Environnement conomique

Performance conomique Environnement technologique Moyens techniques Conditions de travail & de scurit Organisation du travail Environnement institutionnel

Activit individuelle Environnement culturel

Activit collective Environnement social

Le systme de production peut quant lui tre dcompos en un systme dapprovisionnement et en un systme de fabrication, par exemple :systme physique dapprovisionnementtenir stocks stockoutil

prparer fabric.

systme physique de fabrication

acheter

fournisseurs

contrle entre

stockamont

transformer

contrle sortie

stockaval

Dcomposition du systme physique de production. Exemple de 1 niveau (daprs C. Pourcel)

er

Si la notion de systme rend possible des types de lecture diffrents (systme dapprovisionnement, systme de fabrication, etc.), il est noter que le travail humain en constitue, en tant que facteur du processus de fonctionnement, une composante qui devrait se retrouver dans toutes les descriptions ou modlisations.En fait, lexemple prcdent montre que le travail correspond un mode de fonctionnement du systme. Il est apprhend en termes de fonctions gnrales souvent appeles activits* du systme (par exemple, prparer fabrication, tenir les

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stocks). Il relve de la production de la machine et non de lactivit* humaine intentionnelle et significative pour loprateur.

Reprer et comprendre invite aborder la question du travail sous ses diffrentes facettes pour tenter dexpliquer les difficults auxquelles se trouvent parfois confronts lentreprise et ses personnels. Selon le point de vue adopt, lapproche systmique du travail concernera, par exemple, les conditions de travail (ou du travail), la situation de travail, lactivit de travail, lorganisation du travail, la scurit au travail. Lapproche permet aussi dtudier certaines relations importantes qui existent entre parties, par exemple, la relation de communication hommes machines dont un aperu est donn en Annexe A7. Pour lheure, sera dcrit le systme de travail centr sur lactivit .

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2.3. Le systme de travail centr sur lactivit Une situation de travail dcoule des moyens techniques et dorganisation consentis (1 - Moyens). Elle se spcifie en fonction des caractristiques des personnes (2 Ressources). En considrant que, simultanment, elle permet datteindre un certain niveau de performance conomique (3 - Rsultats) et quelle a une incidence sur la satisfaction des personnes ou les atteintes la sant (4 - Effets), elle peut tre analyse en tant que systme. Un tel systme possde une certaine autonomie de fonctionnement. Il ny a pas, en effet, de lien dterministe entre les ressources, les moyens consentis et les sorties exprimes en termes de performance globale de lentreprise (Rsultats et Effets). En dautres termes, il est impossible de prvoir la consquence exacte des choix techniques et dorganisation sur la performance conomique et sur la sant des personnels. Lindtermination est invitable. Elle tient, pour une large part, la nature des comportements* rels des oprateurs, comportements physiques et mentaux qui dfinissent lactivit de travail (5).

-1Moyens

-3Rsultatsa c

-5L'activit de travail

C uplage o 1- 2

b

d

-2Ressources

-4Effets

(Daprs le Schma cinq carrs de J. Christol & G. De Terssac)

Le travail prsente en effet un enjeu pour ceux qui lexcutent consistant utiliser tous les degrs de libert disponibles pour le raliser au meilleur cot pour eux compte tenu du niveau requis dexigence de qualit des produits ou des services. cet effet, les oprateurs humains mettent en jeu leur exprience, les comptences* accumules, leurs connaissances, pour optimiser* leur relation au travail et ses contraintes*. Les oprateurs humains optimisent ainsi les conditions de mise en uvre de leur activit de travail, en rgulant, en modifiant les lments des moyens consentis (1), notamment la tche* initialement prvue (flche a). Ils pourront, par exemple, utiliser toute la souplesse organisationnelle pour amliorer les espaces de travail, les moyens de rangement, voire crer des

Les comptencesLa notion de comptences (au pluriel) recouvre les connaissances, savoirs, "savoir-faire*", raisonnements et autres "habilets" mis en uvre, dans un contexte donn, pour accomplir une tche* spcifique. Elles comprennent aussi les savoirs sociaux permettant la matrise des interactions au sein dune quipe ou avec les clients. Les comptences ne rsultent donc pas uniquement de la seule formation, mais de savoirs capitaliss en situation. Les comptences se diffrencient des aptitudes* et des capacits*, notions souvent insuffisantes pour expliquer la russite ou l'chec d'un oprateur confront une tche prcise. Lanalyse de lactivit, en les abordant sous langle des raisonnements et des connaissances en actes mis en uvre, permet den comprendre la gense lors dun apprentissage sur le tas , comment elles se transforment loccasion dune modification technique, comment un expert en favorise lacquisition par un novice. La correspondance directe entre comptences et qualification professionnelle* apparat sujette caution.

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procdures* de travail nouvelles, plus efficientes que celles donnes par les consignes. Ce faisant, le niveau des ressources (2) se modifie (flche b), notamment par lacquisition de nouveaux savoir-faire* individuels ou collectifs, mais aussi par laltration ventuelle de fonctions sursollicites et par le vieillissement prmatur quelle peut engendrer. Selon le contexte de travail et les variations cycliques de la production, les oprateurs humains adaptent le niveau de contribution voulu aux rsultats (3) ou aux effets (4) en cherchant maintenir la performance (flche c), sans dpasser ce quils estiment tre leurs propres limites (flche d). Par exemple, ils intensifient ou densifient leur travail pour gagner du temps, mettent profit des temps dattente pour anticiper sur les prochaines oprations, mnent de front plusieurs tches, adoptent des postures inconfortables pour russir dpanner une machine. Il est noter que les rsultats (3) tels, le niveau quantitatif de la production, le respect des dlais, la satisfaction des clients, les dysfonctionnements*, sont gnralement prsents comme un ensemble dindicateurs du fonctionnement du systme de production. La non atteinte des objectifs de production relve en fait, de faon plus plausible, dune inadquation des diffrentes composantes du systme de travail mettre en lien aux contraintes de mise en uvre des activits de travail. Les dysfonctionnements, notamment, perturbent le droulement prvu du travail, obligent les oprateurs modifier leur mode opratoire sans pour autant quils puissent toujours les rcuprer temps du fait, par exemple, dun systme dinformation qui ne permet pas lanticipation*. On ne peut pas, non plus, parler derreur humaine pure mais plutt dune conjonction de faits et dvnements explicatifs mettre au compte, par exemple, dune ergonomie insuffisante de certains quipements, de limprcision de certaines procdures et missions, dun rseau de

Les connaissancesLes connaissances constituent lessentiel des structures organises permettant les activits dinterprtation. On distingue, gnralement : Les connaissances dclaratives mises en uvre pour dcrire les outils, machines, etc. Les connaissances procdurales, relatives aux rgles opratoires et lusage du systme ; Les savoir-faire, capitaliss par lexprience et la mise lpreuve de techniques personnelles ; Les mtaconnaissances, issues des savoirfaire et permettant de grer le retour dexprience .

Le vieillissement des personnelsLa baisse de natalit, lallongement de la dure de vie, les limitations prvisibles de lge de la retraite, rendent inluctable le vieillissement des travailleurs. En lan 2000, en France, un travailleur sur deux a ainsi plus de 40 ans. Sous le double effet de lapparition des nouvelles technologies et de la perte de capacits motrices et cognitives des travailleurs gs, la notion de vieillissement vhicule lide que lexprience acquise nest plus indispensable. En fait, de nombreuses tudes montrent que les travailleurs gs mettent en uvre des processus de compensation, notamment danticipation, qui leur permettent de maintenir une performance comparable celle de travailleurs plus jeunes. Plutt que de favoriser les mesures de mise en prretraite ce que lvolution dmographique ne permettra pas longtemps encore -, il apparat souhaitable de favoriser la conception dquipements adapts et de faire en sorte que les travailleurs vieillissants puissent eux-mmes organiser le transfert des savoir-faire quils ont capitaliss vers le personnel plus jeune et moins expriment.

1.Intensit et densit du travailLintensit du travail rsulte dune inadquation entre la tche assigne et les modalits de mise en uvre de lactivit. Elle est gnralement couple un travail monotone et des cadences imposes en continu ou lors de phases critiques de la production. Lintensit du travail peut engendrer un surcrot de pnibilit, une fatigue permanente, et augmenter les risques potentiels datteinte la sant. La densit du travail est un phnomne dintensification du travail qui se rencontre

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communication dfaillant, dune volution historique non matrise du systme dinformation. Ce point sera repris en abordant la question de la fiabilit humaine et la fiabilit du systme . Les effets (4) sont plus difficiles cerner que les rsultats. Les statistiques et analyses des accidents du travail* en donnent une premire image. Les statistiques produites lors de comptes rendus trimestriels ou annuels par le service de gestion des personnels permettent davoir des indications sur labsentisme*, le turn-over*, les demandes de mutation de poste ou datelier, qui sont des critres dvaluation de la satisfaction au travail. Le service de mdecine du travail produit lui-mme des donnes sur les handicaps visuels, auditifs et autres atteintes la sant. Mais, les effets peuvent aussi tre positifs lorsquils se traduisent, par exemple, par un accroissement de lexpertise, par un sentiment de motivation et de satisfaction au travail. Le sentiment de motivation et de satisfaction peut tre exprim par les personnels lors dun recueil dopinion ou denqutes. Un dfaut dinterprtation* est nanmoins toujours possible dans la mesure o lexpression est, par nature, subjective et contextuelle. On peut, par exemple, tre motiv sans tre satisfait si lon na pas obtenu, dans tel emploi, les rsultats esprs. Un dfaut dinterprtation peut aussi attribuer au comportement dun oprateur donn des conflits* ou des erreurs qui viennent en fait de linadquation des facteurs techniques ou organisationnels. De mme, lvaluation des effets en termes de charge de travail demande de la prudence. Pour un oprateur donn, lvaluation de la charge de travail ne peut tre que circonstancielle, momentane. Son intrt reste donc relatif du point de vue de lapprciation des performances globales compares du systme de production et du systme de travail. Ltude des conditions de travail, des rsultats et des effets, requiert ainsi de prendre en compte les variations introduites, selon le contexte, par la mise en uvre de lactivit de travail.

La notion de charge de travailLa charge de travail, pour un oprateur donn, peut tre considre comme le rapport entre les exigences de la tche et sa capacit* la raliser un moment donn, compte tenu des rgulations possibles. L'expression charge de travail n'a pas le mme sens pour tous dans l'entreprise. Elle renvoie parfois des contraintes physiques (poids soulever, longueur et frquence des dplacements), des astreintes* physiques (frquence cardiaque) des astreintes organisationnelles (astreinte de quart...), au programme de travail (nombre de pices raliser, de dossiers traiter), parfois la nature de la tche (rsolution de problme) ou un tat de dcompensation plus ou moins prononc (stress, anxit, isolement affectif). Quelles que soient les tentatives dlaboration de modles dvaluation de la charge de travail et quels que soient les termes utiliss pour en dfinir les composantes - on parle aussi de cot physique, mental, cognitif ou psychique -, seule la charge physique parat susceptible de faire lobjet dune approche quantifie.

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2.4. Lactivit de travailLactivit de travail* (5) est la manire de raliser la tche* au regard, soit des objectifs fixs par les procdures, soit des objectifs que les oprateurs laborent euxmmes et sassignent. Dans son activit de travail, tout oprateur trouve un compromis entre les contraintes du travail - lies la tche, au contexte et lenvironnement physique ou social dans lequel elle se droule - et ses possibilits physiques, mentales et psychiques. Il rgule. Ce compromis conduit ainsi loprateur des faons de faire qui lui sont Les rythmes biologiques propres, des modes opratoires Les rythmes biologiques se caractrisent par spcifiques selon le contexte et qui peuvent une alternance rgulire de moments de forte voluer dans le temps, en fonction de activit contrastant avec des moments de est exemple, de lacquisition de nouvelles connaissances faible activit. Il en du ainsi, par de lactivit la temprature corps, opratoires, voire du vieillissement. Lactivit cardiaque, des composants du sang, des de travail varie aussi de manire endogne scrtions hormonales, , mais aussi des en fonction des rythmes biologiques, selon capacits de mmorisation, de la vitesse dune rponse motrice, La description et quil sagit dun travail en journe, par lexplication de ces rythmes relvent dun domaine particulier, celui de la chronobiologie* exemple, ou dun travail de nuit. Les rgulations opratoires* et les compromis que les personnels doivent trouver pour faire face la variabilit conditionnent pour beaucoup la qualit des produits et services et la ralisation des objectifs quantitatifs de production. Ils situent lactivit de travail comme le maillon essentiel dans la chane de cration de valeur. Ladaptation aux exigences de la tche supporte nanmoins un cot, voire des risques datteinte la sant. Lactivit demande donc tre analyse pour optimiser les conditions de confort et de scurit et rendre le travail efficient. cet effet, elle doit tre considre comme un tout, sous langle de ses composantes physique, mentale et psychique.et de la chronopsychologie. Ces donnes permettent de comprendre les variations de modes opratoires en cours de journe et laltration de la performance par le travail post, le travail de nuit, les dplacements transmridiens. Le travail post, notamment, peut avoir des incidences sur la sant affectant la sphre digestive, lquilibre psychique, le sommeil, le systme cardiovasculaire, le rythme des scrtions hormonales. Il contrarie aussi la participation la vie familiale et sociale et accrot le cot humain du travail de nuit.

2.4.1.

La composante physique de lactivit

La composante physique () se rfre lactivit corporelle, cest--dire lactivit motrice, musculaire, gestuelle, posturale, ou physiologique. Cest par rapport elle que sexprime et se mesure la fatigue* physique rsultant dun travail pnible. En rponse des processus dactivation* de type perceptivo-moteurs ou sensitivomoteurs, la composante physique permet la mise en uvre dactions courantes directement observables en situation, telles, par exemple, la manipulation dun objet, les dplacements, le changement postural, lorientation du regard. La composante physique ne peut nanmoins tre dissocie des composantes mentale et psychique de lactivit. Tout geste, mme rput physique, rpond une activit mentale sous-jacente. Des actions inappropries peuvent renvoyer au retour

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de strotypes* anciens et la composante psychique. LHomme est une unit psychosomatique en interaction avec son environnement.Par exemple, un bruit dans lenvironnement (niveau physique) peut dtourner lattention, provoquer une erreur dinterprtation* (niveau mental) et se traduire par une action inapproprie qui dclenche une raction inattendue du systme, laquelle peut paniquer loprateur et provoquer lmergence de ractions archaques (niveau psychique). Planter un clou, autre exemple, nest pas simplement une activit physique. Cela rpond une intention, un choix doutils, la dfinition dune procdure (composante mentale) qui nvacuent pas la prise en compte du risque de se blesser et le sentiment de gne que le bruit peut reprsenter pour le voisinage (composante psychique).

Composante physique

Composante psychique

Composante mentale

2.4.2.

La composante mentale de lactivit

La composante mentale de lactivit () permet dengendrer laction, daccompagner et de contrler son accomplissement. Elle met en jeu des processus* complexes, appels processus cognitifs, qui donnent sens linformation disponible, qui permettent la prise de dcision et de rsoudre des problmes. De tels processus se dveloppent de manire autonome et ne se fondent quindirectement sur les fonctions dactivation* sensorielle et perceptive. Ainsi, lors de lanalyse de la composante mentale de lactivit, il convient de sabstraire de lide que le cerveau fonctionne de manire squentielle comme un ordinateur ou comme un mcanisme permettant le dcodage et linterprtation par lmetteur, puis le filtrage et le codage par le rcepteur.Par exemple, lors du prlvement visuel, les mesures neurophysiologiques montrent que lactivit intrinsque du cerveau est beaucoup plus importante (80 %) que linflux que le cerveau reoit de lil (20 %). En dautres termes, le traitement de linformation* que permet la composante mentale est autonome : on ne voit que ce que lon veut bien voir, on ncoute que ce que lon veut bien entendre, on ne lit que ce que lon peut comprendre. En dautres termes encore, les procdures formelles de ralisation dune tche, aussi dtailles soient-elles, laisseront toujours place des modalits dinterprtation et de

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mise en uvre autonomes expliquant les rgulations dactivit frquemment observes en situation.

Labord de la composante cognitive de lactivit et des processus cognitifs est explor dans un cadre gnral, celui de la cognition, qui vise comprendre pourquoi et comment un organisme acquiert la conscience des vnements et objets de son environnement. La mmoire Pour ce qui nous intresse, la cognition peut La mmoire concerne les mcanismes par tre dfinie, dans un contexte de travail lesquels un apprentissage* acquis reste donn, comme un ensemble de processus disponible pendant un certain temps. Il peut cependant y avoir mmorisation sans qui permet un oprateur humain apprentissage lorsque le sujet retient un fait, dinterprter les vnements qui se un vnement peru une seule fois. On produisent dans son environnement, ce qui distingue plusieurs registres : Mmoire sensorielle : lui est dit par un collgue, ce quil fait, et L'information est stocke dans sa modalit dengendrer laction. sensorielle (visuelle, auditive, etc.). La trace y La cognition est organise par la capacit mnsique (relative la mmoire) et est structure par le raisonnement. Elle merge dun rfrentiel (appel Rfrentiel opratoire) et se finalise sur une action (ou Objet intentionnel) :reste environ 0,5 sec. Elle disparat si elle n'est pas slectionne et transfre en M.C.T. Mmoire Court Terme (M.C.T.) : L'information est code selon une ou plusieurs modalits sensorielles, elle y sjourne de faon transitoire, s'affaiblit et disparat aprs quelques secondes si n'interviennent pas d'autres mcanismes, comme des rptitions. Mmoire Long Terme (M.L.T.) : L'information est relativement permanente. Elle est stocke dans toutes les modalits possibles qui facilitent ainsi son ancrage.

Rfrentiel

Opration mentale

Processus cognitif Raisonnement Processus mnsiques

Objet intentionnel

Rfrentiel Contexte / Environnement

Le rfrentiel se compose de connaissances thoriques gnrales acquises par la formation et de connaissances pratiques issues de lexprience du mtier. Li la mise en uvre de laction, le rfrentiel offre la possibilit dacqurir de nouvelles connaissances opratoires lorsque laction a abouti et, in fine, de nouvelles

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comptences*. La cognition fait ainsi intervenir la notion de passage de non-savoir savoir. Types doprations mentales La cognition utilise cet effet, en parallle, Abduction : Opration mentale concluant une varit de mcanismes, notamment des dune interprtation* plausible partir oprations mentales, telles la dduction, dhypothses* de dpart fausses. linduction, lanalogie, la neutralisation, la Analogie : Opration mentale concluant dune diffrentiation, labduction, qui sous- ressemblance partielle une autre ressemblance plus gnrale. Le terme est tendent diffrents types de raisonnements. proche de linduction. Il est noter que les sciences de lHomme dveloppent les recherches dans le domaine de la cognition depuis une vingtaine dannes. Pour accder la comprhension de la cognition, la psychologie cognitive* sappuie sur lanalyse des reprsentations* mentales des oprateurs. Elle dcrit alors puis explique les comportements* au travail appels conduites* - dans des conditions denvironnement technique et social particulier. Les connaissances produites par la linguistique* permettent danalyser la cognition en relation aux intentions et la signification* quexpriment les oprateurs par la verbalisation* de leur cours daction*.Dduction : Opration mentale permettant, partir dnoncs dmontrables, den construire de nouveaux. Le terme est proche de linfrence. Diffrentiation : Opration mentale concluant, en fonction de critres, de diffrences existant entre deux ou plusieurs objets. Induction : Opration mentale permettant de remonter de faits particuliers une interprtation* plus gnrale. Infrence : Opration logique par laquelle on admet une proposition en vertu de sa liaison avec dautres propositions dj tenues pour vraies Neutralisation : Opration mentale consistant abandonner lexamen dun objet par manque de pertinence ou comme ne relevant pas du champ dexploration privilgi.

Pour que llve ingnieur puisse affiner son regard sur la dimension cognitive de lactivit, thme dactualit sil en est, un aperu du thme de la rsolution de problme est donn ci-dessous.

La rsolution de problmeLa rsolution de problme est un type particulier dactivit qui mobilise la composante mentale. Elle concerne essentiellement les incidents* connus de loprateur ou exceptionnels, voire la difficult du meilleur choix parmi un ensemble de solutions alternatives. Lorsquil sagit dun incident connu, loprateur construit son action en procdant plutt par des interprtations au coup par coup (ce quon appelle une stratgie heuristique* ) lui permettant de gagner du temps, quen enchanant de manire ordonne les actions ncessaires la rcupration de lincident (ce quon appelle un raisonnement algorithmique* ). Avec une stratgie heuristique, loprateur ttonne, procde de manire empirique, nest pas sr tout coup de rsoudre le problme. Mais, ce type de mode opratoire est pour lui gnralement moins coteux que sil devait suivre un nombre fini dtapes dans un ordre donn par la procdure. Lorsquil sagit dun incident inconnu, il nexiste pas de procdures disponibles ou prcises. Loprateur est oblig de construire simultanment son diagnostic et la procdure de rsolution en appliquant des essais de solutions du type pour voir si . Dans ce cas, la situation de rsolution est volutive, car les essais de solutions modifient le problme de dpart. La stratgie heuristique trouve alors sa limite dans la complexit du problme rsoudre. Le recours des oprations logiques permettra alors de rendre cohrent le raisonnement, de lexprimer et de le faire partager aux partenaires de la situation. Le choix extrme de rsolution de problme concerne un choix faire parmi un ensemble de solutions possibles dans un contexte o il nexiste pas de donnes de dpart, si ce nest de manire insuffisante ou sous forme de contraintes, et que seul lobjectif gnral est fix, mme de manire imprcise. Cest le cas de certaines activits particulires, telles celles des oprateurs qui assurent la scurit et la sret dans les salles de commande des centrales nuclaires. Loprateur doit alors imaginer lui-mme le problme pour mieux envisager les consquences dune situation o, par exemple, plusieurs quipes de sous-traitants travaillent simultanment sur un mme ensemble lors dun arrt des installations (arrt de tranche).(Daprs Montmollin, M. (de), (1995). In Montmollin (Sous la direction de) Vocabulaire de l'ergonomie. Toulouse : ditions Octars)

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2.4.3.

La composante psychique de lactivit

La composante psychique de lactivit () est prendre en compte dans lmergence des processus cognitifs, notamment au niveau du rfrentiel. Mais elle relve dun registre spcifique. Elle traduit en effet, plus globalement, le rapport qui existe entre ce que vit chaque oprateur et ses dsirs, entre ses projets et la perception quil a de pouvoir les raliser, entre son mtier et lemploi occup. Elle permet dexprimer les sentiments de satisfaction au travail mais aussi, danxit*, dangoisse*, de stress, de ras-le-bol.Par exemple, dans certains mtiers hauts risques, tels les monteurs chafaudistes, les oprateurs sinterdisent de parler daccident mortel. Le refoulement partag de cette ide fonde ce que lon appelle une idologie dfensive de mtier . Il met lpreuve les nouveaux oprateurs et renforce alors les conduites risque*.

Lusure professionnelle lie un trop fort investissement professionnel peut elle-mme induire un sentiment de non-reconnaissance et dinutilit sociale, renforcer le dsintrt au travail, emmener un comportement de ras-le-bol et dincapacit agir. Le stress peut alors prendre une forme pathogne appele burnout par les anglo-saxons, voire une forme mortelle observe plus rcemment au Japon et appele karoshi. A contrario, dans un climat ressenti au niveau psychique comme favorable, le sentiment de russite personnelle et de reconnaissance sociale peut contribuer lpanouissement personnel et constituer le moteur dune vritable motivation au travail.

Le stress Le stress est un tat transitoire de dsadaptation fonctionnelle, dont les symptmes, psychiques (expressions de souffrance au travail, plaintes, dpressions), physiologiques (cortisol salivaire, dpression du systme immunitaire) et comportementaux (tabagisme, surconsommation danxiolytiques, alcoolisme), manifestent une tentative dadaptation non encore russie et qui se produit court ou moyen terme . (Travail & Scurit. 05 - 1998) Le stress et ses variantes peuvent tre lis de nombreux facteurs. Les auteurs invoquent, notamment, lisolement des individus, le nombre de projets mens simultanment, lapplication de flux tendus au travail tertiaire, le dcloisonnement des espaces et des temps privs et publics par lutilisation des N.T.I.C. (cf. infra), lintensification du travail drivant dobjectifs de plus en plus levs fixs sans aucune ngociation avec les intresss, lvaluation individuelle des rsultats (dont dpend la rmunration), etc..

Lexamen sommaire des composantes de lactivit montre tout lintrt de leur prise en compte pour apprhender les modalits de mise en uvre et les contraintes relles du travail. Le rsultat des analyses dactivit est riche denseignements. Il est essentiel considrer pour amnager une situation de travail ou pour concevoir de nouveaux quipements. Llve ingnieur ou dbutant commence ainsi percevoir en quoi et comment les activits relles de travail peuvent tre dterminantes de la performance globale de lentreprise.

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Reprer et comprendre

Pour rsumerLes liens dinterdpendance qui unissent les composants de la situation de travail permettent de la modliser sous forme dun systme ouvert sur lenvironnement. Ce systme - appel systme de travail centr sur lactivit - met en lien ressources, moyens, rsultats et effets avec lactivit de travail* et les systmes environnants. Comme tout systme, le systme de travail centr sur lactivit se caractrise par une certaine autonomie de fonctionnement. Le point de vue adopt souligne alors quil est impossible de prvoir la consquence exacte des choix techniques et dorganisation sur la performance conomique et sur la sant des personnels sans considrer lactivit de travail. Lactivit est la manire de raliser, en situation, le travail demand (la tche). Elle offre des degrs de libert permettant aux oprateurs de rguler, cest--dire doptimiser* leur relation aux objectifs assigns, aux contraintes* lies aux variations cycliques de la production, aux moyens de travail mis leur disposition, et dadapter le niveau de contribution sans dpasser ce quils estiment tre leurs propres limites. la spcificit des modes opratoires mis en uvre selon le contexte, sajoutent les variations endognes naturelles de lactivit issues des rythmes biologiques et de lusure interne, de lacquisition de nouveaux savoir-faire. Les caractristiques et modalits de mise en uvre de lactivit de travail apparaissent alors dterminantes de la performance globale de lentreprise, cest--dire de la performance conomique, technique, sociale et humaine. La prise en compte de lactivit de travail est donc un enjeu pour lentreprise. Lactivit de travail constitue un objet danalyse part entire que, par facilit, on apprhende sous langle de ses composantes physique, mentale et psychique. La composante physique se rfre lactivit corporelle, cest--dire lactivit motrice, musculaire, gestuelle, posturale, ou physiologique. Cest par rapport elle que, par exemple, sexprime la fatigue* physique rsultant dun travail pnible. Mais, tout geste, mme rput physique, rpond une activit mentale sous-jacente. Lactivit mentale permet non seulement daccompagner laccomplissement des actions, mais de rsoudre des problmes et deffectuer un traitement autonome de linformation* . On parle ainsi dactivit cognitive comme dun ensemble de processus qui permet de donner du sens aux choses et dengendrer laction. Lanalyse peut se fonder sur les reprsentations* mentales des oprateurs ou sur la signification* quils donnent leurs actions. La composante psychique de lactivit permet quant elle dexprimer les sentiments de satisfaction au travail mais aussi, danxit* et de stress, lequel manifeste une tentative dadaptation non encore russie. La composante psychique permet daborder dautres questions qui concernent par exemple les conduites risque et le dsintrt au travail. Lexamen pralable des composantes de lactivit relle apparat indispensable pour comprendre le travail et le transformer.

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3. COMPRENDRE POUR AGIR3.1. Les dmarches ergonomiquesLes dmarches ergonomiques reposent sur des techniques danalyse de la situation et des activits de travail* et utilisent les connaissances produites, entre autres, par les Sciences Humaines et Sociales. Elles tentent de considrer lensemble des dimensions du systme. Malgr leur apport potentiel dans le domaine de la conception technique et organisationnelle, la perspective dans laquelle elles sinscrivent, concernent majoritairement les composantes sociale et humaine du travail. Le dveloppement de la dmarche se construit de manire participative - partir de lanalyse de la demande initiale -, sur la base des rsultats de lanalyse de la situation globale de travail et de lanalyse des activits de travail :

Lergonomie et les ergonomesLergonomie est la discipline scientifique qui vise la comprhension fondamentale des interactions entre les humains et les autres composantes dun systme, et lapplication de mthodes, de thories et de donnes pour amliorer le bien-tre des oprateurs humains et la performance globale des systmes. Les ergonomes contribuent la conception et lvaluation des tches, du travail, des produits, des environnements et des systmes en vue de les rendre compatibles avec les besoins, les comptences et les limites des gens.(Proposition de la Socit dErgonomie de Langue Franaise [SELF] lAssociation Internationale dErgonomie [IEA], 121999).

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Prparation de laction

Connaissances de base

Dcision

Analyse de la demande Analyse de la situation globale de W Analyse de lactivit

RsultatsValidation des connaissancesComit de Pilotage

Suivi de ralisation

Groupes de travail

Participation

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3.2. La structuration de la dmarche de projetPour ne rien laisser au hasard, la mise en uvre de la dmarche de projet gagne se structurer, partir dune analyse pralable de la demande et sa reformulation, sur la participation active des personnels concerns et sur les rsultats dune analyse du travail.

3.2.1.3.2.1.1.

Lanalyse de la demandeDe lanalyse de la demande sa reformulation

Tout projet se fonde sur une dcision pralable (soit individuelle, soit labore dans le cadre du schma directeur dentreprise ou dtablissement) qui traduit un besoin que linstance de management peut avoir anticip pour renforcer la performance du systme en lien aux contraintes dcrites prcdemment. La dcision se traduit alors par une demande formalise et par la dfinition de la mission correspondante qui sera confie un responsable interne, le plus souvent un ingnieur (fut-il un ingnieur dbutant) ou, dans certains cas, un intervenant extrieur. En toute chose, cest le dpart qui est le plus difficile. Un projet lanc sur une demande initiale floue ou insuffisamment fonde sur un besoin rel peut rapidement chouer. Il est donc indispensable de considrer le point de dpart du projet, la demande, comme un objet danalyse part entire. Cette faon de procder ne doit pas tre considre comme une quelconque rfutation a priori de la validit de l'action projete. Elle s'inscrit d'emble dans une perspective constructive centre sur le seul principe de ralit concernant les conditions de russite du projet. Un largissement du champ daction ou un dplacement de la problmatique de dpart est toujours possible et peut mme savrer judicieux sachant que, dans un contexte dincertitude et de complexit, les acteurs organisationnels (dont le demandeur) se comportent toujours selon des rationalits limites. Lanalyse de la demande consiste alors comprendre ce qui la motive exactement et la faon dont le demandeur - gnralement le chef dentreprise - envisage sa mise en uvre. Elle peut, en effet, tre dtermine par des solutions organisationnelles ou techniques standardises et ne viser que des aspects normatifs ou d'adaptation de l'homme au travail. La demande initiale est l'arbre qui cache la fort et qui masque trs souvent des non-dits et des problmes beaucoup plus urgents rgler pour renforcer la fiabilit oprationnelle du systme, c'est--dire son aptitude fonctionner sans incident et en adquation aux critres de confort, de scurit et defficience du travail. Il convient ce stade de confronter les termes de la demande et le raisonnement qui la sous-tend aux connaissances de base donnes par les sciences humaines et sociales, la prvention, lergonomie, etc. (cf. Partie 1). En lien la consultation de plans et autres documents disponibles, une visite des ateliers ou sur un site de rfrence, lavis des personnels concerns et de conseils techniques, lanalyse de la demande est alors susceptible de produire, sous forme dhypothses*, des

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connaissances nouvelles qui permettront de la reformuler, cest--dire de la rendre plus claire pour lensemble des acteurs concerns par le projet. Ainsi, la reformulation de la demande vise la dsenclaver dune expression initiale formule le plus souvent dans un langage de gestionnaire. Elle sattache reconstruire le projet daction avec le dcideur en termes de moyens et dobjectifs explicites, en considrant les enjeux que sa mise en uvre reprsente pour les acteurs. Sur la base de lanalyse prcdente, la demande sera reformule sous forme dhypothses de travail et en des termes qui intgrent bien les composantes humaines sociales et organisationnelles du projet envisag. Le projet peut ntre parfois considr, lui-mme, que comme une simple hypothse de travail. Sa validation renvoie alors une analyse pralable dopportunit sociale reposant sur le recueil de lavis des personnels concerns et sur un pr-traitement de donnes sur la situation de travail (accidents du travail, absentisme, caractristiques des personnels, etc.). La phase danalyse et de reformulation de la demande est le moment privilgi pour amnager des liberts de manuvre suffisantes permettant dlargir le champ des possibilits damlioration des conditions de travail. Elle se conduit dans le respect des rgles dontologiques (confidentialit des informations recueillies sur le site, notamment sur des modes opratoires que les oprateurs ne tiendraient pas voir divulguer) et peut donner lieu llaboration dune charte ou dune convention agre par le dcideur et soumise laval des partenaires sociaux (CE, CHSCT).

3.2.1.2.

Un processus itratif

Les hypothses de travail labores chacune des phases ultrieures danalyse de la situation et des activits de travail pourront parfois venir (r) interroger la demande. La demande reformule au dpart est ainsi susceptible dvoluer en cours de projet afin de le rorienter sur des objectifs qui apparatront prfrables pour mettre en adquation les solutions possibles et les conditions probables de mise en uvre des activits de travail futures. Le dveloppement de la dmarche, tel que prcdemment dcrit, nest donc pas dterministe ou finalis sur des objectifs fixs a priori. Il est pour partie de nature heuristique* et sinscrit dans une logique de la dcouverte. Il se distingue en cela des dmarches Productique ou Qualit, qui considrent la demande et lexpression du besoin des utilisateurs du seul point de vue des ressources et de lefficacit des moyens mettre en uvre pour atteindre de manire intangible des objectifs fixs au dpart. Il est noter, pour terminer, que le concept danalyse de la demande, initialement labor dans le domaine de lergonomie, est aujourdhui utilis dans les dmarches conduites par les psychologues du travail ou par les socio-techniciens. Il diffuse dans dautres disciplines, notamment auprs des spcialistes de la prvention et des sociologues des organisations. Il parat souhaitable que les ingnieurs lves ou dbutants en mesurent lintrt, en comprennent la porte, et cherchent en appliquer les enseignements dans le cadre de leurs travaux actuels ou futurs.

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3.2.1.3.

La participation des personnels

La participation des personnels la mise en uvre dun projet qui les concerne directement est aujourdhui quasi-unanimement reconnue comme utile. Les projets productiques ou Qualit se fondent ainsi sur des Groupes de progrs ou des Cercles de qualit . Dans les sciences humaines et sociales, en ergonomie, la participation revt des formes spcifiques que quelques indications sur la prparation de laction et la construction de la dmarche mettront en lumire.

3.2.2.

Prparation de laction

lissue de la phase danalyse de la demande, la prparation de laction consiste laborer avec le responsable de projet, lors dune premire runion de travail, les modalits concrtes de mise en uvre de lintervention. Un chancier de ralisation est dress tenant compte des donnes recueillir sur la situation et les activits, des runions de travail prvues avec les oprateurs, les concepteurs, les dcideurs, compte tenu aussi du temps ncessaire pour produire les rsultats, les formaliser et les prsenter. La conception dune nouvelle situation de travail est par ailleurs un processus social qui se construit sur des jeux complexes de stratgies de pouvoir* quil est ncessaire de bien mesurer. cet effet, il est ncessaire didentifier les diffrents acteurs de lentreprise pour chercher situer le projet et les hypothses* de travail relativement la connaissance et la reprsentation quils peuvent en avoir. Linformation des oprateurs directement concerns par le projet, vient ensuite officialiser lintervention. Elle est faite en prsence du responsable de projet et de lencadrement direct, pour prsenter lquipe projet, recueillir les points de vue ou autres interrogations qui seront formules cette occasion par les personnels, mettre en place la dmarche participative et convenir de lchancier.

3.2.3.

Construction de la dmarche participative

La participation des personnels au dveloppement du projet est une condition ncessaire sa russite, mais pas une condition suffisante. Il ne peut, en effet, tre envisag quune dmarche conduite en participation avec les personnels sur la base dun questionnement portant sur la seule description des tches et des contraintes techniques soit apte produire des rsultats fiables et complets. Pour tre ncessaire, la participation ne peut entirement faire valoir son apport que si elle permet de valider les connaissances produites par les analyses du travail et, sur cette base, de rechercher des solutions adaptes. En la considrant comme telle, dune part, elle contribue orienter le projet sur des objectifs qui relvent bien de lamlioration des conditions de travail et, dautre part, elle facilite lapprentissage* progressif des personnels concerns pour permettre au final de les situer comme des co-concepteurs de leur future situation de travail. Si la participation est, de fait, une action de renforcement potentiel de lobjectif dappropriation de la future situation de travail, elle ne doit offrir une quelconque possibilit dinstrumentaliser le rle des personnels en le rendant purement utilitaire. La rfrence constante aux connaissances produites sur les activits de travail est

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en cela une garantie que ne pourrait apporter un questionnement qui resterait focalis sur les seules dimensions techniques, conomiques et organisationnelles du projet. Cela dit, au plan pratique, la dmarche participative se structure gnralement par la mise en place de Groupes de travail et dun Comit de pilotage :La mission des Groupes de travail est donc de valider les rsultats produits par les analyses de la situation globale et des activits et de rechercher, sur cette base, des principes de solutions. Pour temprer la focalisation de lexpression du groupe sur le seul besoin technique et laisser une marge suffisante au thme de lamlioration des conditions de travail et de scurit, il est prfrable que la composition des Groupes de travail soit homogne. Il convient pour cela de distinguer les Groupes de travail composs par les opratrices, les oprateurs de lquipe, et les reprsentants du CHSCT, des Groupes de travail encadrement. Contrairement la formule lective des Cercles de Qualit ou des Groupes de Progrs, ce sont les opratrices et les oprateurs directement concerns par le projet qui participent aux Groupes de travail. Ils y sont tous convis sur la base du libre engagement personnel. Le Comit de pilotage de lintervention est gnralement conduit sous lautorit du chef dentreprise ou du responsable de projet. Le plus souvent, il runit les personnels de matrise, les reprsentants des personnels ayant pris part aux Groupes de travail, le responsable scurit, le mdecin du travail, les concepteurs et lquipe projet. La mission du Comit de pilotage est alors de rechercher les ncessaires compromis par rapport aux rsultats produits et valids par les Groupes de travail, de prendre les dcisions pour les suites donner et de renvoyer linformation auprs des quipes. Le rle de lquipe projet, tel que propos ici, est de raliser les analyses et de faciliter le processus dappropriation par les personnels de leur future situation de travail, considrant ainsi que la russite du projet devra beaucoup la prise en compte des savoir-faire capitaliss par les personnels dans leur situation initiale. Le rle de lquipe projet et des intervenants (internes et/ou externes) qui la composent ne se rsume cependant pas une simple fonction danimation de groupe. Les rsultats que les intervenants contribuent faire merger de leurs analyses permettent, en effet, daider au quotidien le responsable de projet dfinir les objectifs intermdiaires, grer la complexit et le guider au cur de lorganisation sociale.

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3.3. Lanalyse du travailLanalyse du travail se dfinit comme le recueil, le traitement et la mise en cohrence dun ensemble de donnes relatives une situation de travail, en vue dlaborer le modle* le plus pertinent possible de la situation tudie et de le projeter sur la situation concevoir. Lanalyse du travail, dont les dterminants ont t prsents dans la premire partie du fascicule, requiert ainsi de rassembler des donnes sur les divers lments composant la situation globale de travail, les activits, et les relations qui les unissent : (1) les caractristiques et les conditions de ralisation du travail accomplir, (2) les caractristiques des oprateurs et leurs attentes, (3) les rsultats du systme de production, (4) les effets reprables sur les oprateurs, (5) les comportements* observables au travail (activit relle). Ces donnes sont guides par des hypothses* de travail et sont interprtes grce aux connaissances disponibles sur le fonctionnement des hommes en activit : en termes de rgulations*, en termes de processus cognitifs, en prenant en compte la dimension collective du travail, en prenant en compte les comptences* et les savoir-faire* capitaliss. Il est noter que le concept danalyse (ergonomique) du travail est en passe de devenir transdisciplinaire. Guide par des hypothses spcifiques, lanalyse du travail est utilise par les psychologues du travail et par les socio-techniciens. Elle est frquemment propose comme une base la mise en uvre dactions de prvention. Les sociologues du travail, notamment les sociologues des organisations, la prsentent de plus en plus comme indispensable pour accder la comprhension des structures et de lorganisation. Tout comme dans le domaine de lingnierie ou de la qualit, o il existe une panoplie trs large doutils et mthodes dA.F. et dA.V., la conduite dune analyse du travail requiert des outils spcifiques et la rfrence des mthodes rigoureuses danalyse de lactivit.

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Pour rsumerLanalyse pralable de la demande, la participation des personnels et lanalyse du travail sont les trois points cls de toute dmarche de projet qui, partir des composantes humaines et sociales du travail, cherche prendre en compte lensemble des dimensions du systme concevoir ou amnager. La demande initiale, qui fonde la possibilit de mise en uvre dun projet, est souvent larbre qui cache la fort . Une analyse pralable est indispensable pour dnouer les enjeux que reprsente le projet pour les personnels concerns. Lanalyse de la demande procde cet effet sur la base dhypothses* qui permettent de la reformuler et de reconstruire le projet daction avec le dcideur en termes de moyens et dobjectifs explicites. Lanalyse et la reformulation de la demande sinscrivent dans une perspective constructive centre sur le seul principe de ralit concernant les conditions de renforcement de la fiabilit oprationnelle du futur systme concevoir ou amnager. En cours de projet, il est possible et il doit tre admis que des connaissances nouvelles produites par les analyses viennent r-interroger les hypothses de dpart. Sur la base dune information pralable et dun chancier de ralisation, la participation de lensemble des personnels directement concerns par le projet se structure gnralement par la mise en place de Groupes de travail placs sous lautorit dcisionnelle dun Comit de pilotage. Il est noter que la participation des personnels la mise en uvre et au dveloppement dun projet est aujourdhui quasi-unanimement reconnue comme utile (hors certains audits*). Nanmoins, son intrt se renforce lorsque la rflexion produite au sein des Groupes ou du Comit se fonde sur les donnes des analyses du travail rel et non sur un questionnement portant sur la seule description des objectifs atteindre, des tches thoriques* et des contraintes techniques. Cette rflexion contribue, dune part, faciliter lapprentissage* progressif - ou processus dappropriation - de la situation future et, dautre part, orienter le projet sur des objectifs qui intgrent bien, ds le dpart, le point de vue damlioration des conditions de travail et de scurit. Lanalyse du travail sappuie sur le modle du systme de travail centr sur lactivit . Elle consiste traiter les donnes recueillies sur la situation initiale (ou sur la situation de rfrence), puis sur les activits de travail, pour les mettre en lien avec la situation concevoir ou amnager. Elle procde sur la base dhypothses* - dites hypothses de travail - qui articulent les donnes issues de lanalyse des moyens, des ressources, des rsultats, des effets, de lactivit de travail, au corps de connaissances scientifiques ou techniques disponibles et la rflexion des personnels (soit individuellement, soit au sein des groupes de travail). Les connaissances produites, consignes dans un Cahier des Charges*, visent adapter les objectifs du projet, non seulement la stratgie de dveloppement de lentreprise, mais aux besoins rels des personnels.

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3.4. Outils et mthodes danalyseLa structuration de la dmarche de projet requiert de disposer doutils adquats pour analyser la situation globale et dune mthode rigoureuse danalyse des activits et de validation des rsultats. Ces outils et mthodes permettent de proposer des solutions adaptes.

3.4.1.

Outils danalyse de la situation globale de travail

Lanalyse de la situation globale de travail vise veiller sous forme dhypothses* de travail les premiers besoins satisfaire pour amliorer les conditions de travail, de scurit et de fiabilit du systme et sinscrit comme une approche indispensable la comprhension ultrieure des activits de travail. Elle repose non seulement sur le recueil de donnes documentes sur la situation de travail, mais aussi sur des traces matrielles de lactivit. Elle peut donner lieu llaboration pralable de questionnaires ou se fonder sur des entretiens individuels.

3.4.2.

Le recueil de donnes documentes

Labord dune situation de travail repose sur la recherche dindices* pertinents et sur leur traduction en indicateurs. Le croisement de ces indicateurs entre eux et avec lactivit de travail permet dveiller des hypothses de travail spcifiques la situation considre. Ainsi, par exemple, les statistiques du service de mdecine du travail, les dfauts de qualit recenss par le service de production constituent des indicateurs qui peuvent tre croiss avec le contenu de la tche et son volution rcente (donnes organisationnelles concernant les moyens), lclairage (donne technique concernant les moyens) ou au vieillissement des personnels (donne sur les ressources). cet effet, les informations concernant les tches prescrites et les cadences de production devront tre collectes, les ambiances lumineuses mesures, pour soumettre ces donnes un traitement statistique oprant aussi par la recherche de co-relations avec les caractristiques des oprateurs humains. Lanalyse de lactivit permettra ultrieurement de fonder ces hypothses en relation, par exemple, lvolution de la distance il tche et de la stratgie posturale. Les rsultats produits constitueront alors des repres traduire en premiers principes de solutions.

Les donnes documentes sont dailleurs souvent prsentes dans les diffrents services, ou se rfrent des tudes dj ralises dont il convient de sinformer. Mais, cest leur exploitation croise qui savre la plupart du temps insuffisante.Ainsi en est-il, par exemple, des statistiques sur les accidents du travail qui donnent des informations, certes trs utiles, sur la nature de latteinte, le sige de la lsion, lheure, le lieu et les conditions de laccident. Mais elles nintgrent gnralement pas en corelation les autres causes explicatives relevant ventuellement de la prise en compte des critres de variabilit intra et interindividuelles (amnagement du temps de travail et chronobiologie*, pics de production selon les gammes, incidents* de production, absentisme*, lments de vie hors travail) et des lments de comprhension de lactivit relle de travail.

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Comprendre pour agir

Le recueil des donnes documentes peut encore sinstruire des reprsentations offertes par des modlisations fonctionnelles du processus de production existant, concevoir ou amnager. En retour, la restitution des principes de solutions pourra gagner complter ces modlisations pour fournir ainsi aux Bureaux dtudes et aux dcideurs un cadre de lecture plus exhaustif du systme de production concevoir ou amnager.

3.4.3.

Les traces matrielles

Dautres donnes quil est souvent possible de recueillir concernent les traces matrielles de lactivit, savoir, par exemple, les notes, affiches, annotations sur les documents et les machines, produits rebuts, traces dusures laisses au sol, sur le pupitre, dgradations ou bidouillages de dispositifs. Elles indiquent souvent des modifications volontairement faites par les oprateurs ou ncessaires la mise en uvre de lactivit de travail. Elles peuvent alors constituer des indices* de difficults rencontres mettre en relation avec dautres donnes, telles les rsultats de la production, les dysfonctionnements*, les accidents du travail*, les soins infirmiers, etc.

3.4.4.

Le questionnaire

Le questionnaire savre tre parfois un outil indispensable pour rendre compte des caractristiques de la situation, notamment lorsque lchantillon de la population directement concerne par le projet est large. Son laboration requiert, en pralable, de :

-

dfinir lobjectif en relation des hypothses de travail (exemples : recueil des types de difficults opratoires prouves sur diffrents matriels par diffrentes quipes ; description des connaissances mises en uvre par diffrents oprateurs dans un diagnostic de panne) ; faire linventaire des moyens utiles (moyens de codage, moyens de communication et daccompagnement de laction, engagement dontologique, moyens dadressage et de diffusion) ; construire lchantillon (ciblage selon les lieux de travail et les mtiers, par exemple).

-

-

Aprs avoir rdig et mis en forme le questionnaire, il est nanmoins prfrable de le tester sur un chantillon rduit et, sur cette base, de le complter avant que de le soumettre lensemble des oprateurs. Lexploitation du questionnaire est faite selon des techniques statistiques courantes ou permettant une approche croise (Analyse par Composantes Principales, par exemple). Elle peut permettre danalyser les stratgies dacteurs.

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Comprendre pour agir

3.4.5.

Les entretiens

La mthodologie ergonomique utilise deux types dentretiens (ouverts ou semidirectifs) qui peuvent tre mens, soit individuellement , soit en groupe : Les entretiens individuels ouverts sont utiliss en dbut dintervention pour permettre aux responsables hirarchiques et fonctionnels de prciser leur positionnement relativement au projet, ou encore, lors de rencontres avec les oprateurs sur leurs postes de travail* pour recueillir, par exemple, les Verbalisations premires donnes sur lambiance relationnelle* et leur sentiment par rapport Les verbalisations appartiennent au registre des entretiens. On distingue : au projet. Les entretiens individuels semi-directifs sont guids par le recueil de donnes sur les tches et sur les difficults prouves par les oprateurs ; les verbalisations* individuelles en auto confrontation la description de lactivit relvent de ce type dentretien et seront dtailles plus loin. Les entretiens collectifs ouverts correspondent, soit des changes informels avec plusieurs oprateurs, lors de la pause, la cantine, par exemple, soit des changes formels organiss dans le cadre des runions des Groupes de travail et du Comit de pilotage lors de la restitution des connaissances sur la situation et sur les activits.Les verbalisations spontanes : Lobservateur recueille ce que lui dit loprateur au cours du travail. Les verbalisations interruptives : Lobservateur questionne loprateur sur ce quil est en train de faire. Les verbalisations contraintes : Lobservateur demande loprateur de penser et de raisonner haute voix. Lauto confrontation : Lobservateur consigne les verbalisations dun oprateur confront des donnes recueillies lors de son travail. La technique des Incidents critiques : Lobservateur demande loprateur dvoquer des souvenirs concernant des difficults auxquelles il a t exposes (Flanagan,1954).

Les entretiens collectifs semi-directifs ont quant eux pour objet de valider les connaissances acquises sur la situation et sur les activits et de les traduire en repres ou en premires hypothses* de travail.

Plusieurs remarques doivent tre faites sur la conduite des entretiens : Les entretiens ne donnent accs qu des reprsentations* et non la ralit (moins encore la vrit !). Il convient donc, autant que faire se peut, dtablir un change empathique en relation la signification* que peut avoir tel ou tel sujet de discussion du point de vue de linterlocuteur et disposer cet effet dun modle* de rfrence : le modle de la signification pour laction prsent plus loin rpond ce souci. Lors de lchange, linterlocuteur occulte les faits plus ou moins consciemment. Cette occultation est dautant plus invitable lorsque lentretien se situe en salle, loin du poste de travail. La mmoire des faits et les mots pour le dire montrent rapidement leurs limites. Par ailleurs, les faits observs nont pas la mme importance pour loprateur et pour lanalyste. Cest tout lintrt dune restitution des donnes grce un film et un graphe danalyse, par exemple, que de remettre lacteur en situation, face des donnes manifestes sur son activit. Lors de lchange, linterlocuteur peut croire que le poseur de question sait et quil na pas rpondre. Il peut aussi chercher utiliser la situation pour faire passer des messages . On est l au cur des stratgies*, de lidentit et de la culture* des acteurs.

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Il est donc indispensable de crer un climat de confiance rel demandant lintervenant de bien expliciter les enjeux de sa mission, de rappeler si besoin est les rgles dontologiques et de se mettre galit (ce qui est dautant plus naturel quil est l pour apprendre et non pour enseigner). Il rappellera, notamment, que les donnes sensibles recueillies sur la situation et les activits ne seront diffuses quavec laccord des oprateurs concerns. Le mode de questionnement de lanalyse se doit naturellement daccepter les rponses discursives touchant au domaine technique, mais de savoir aussi que cette tentation est une qute de reconnaissance et quelle est dautant plus frquente que lentretien avec les oprateurs se fait en prsence de personnels de lencadrement. En toute occasion, lanalyse ne doit pas hsiter recadrer lentretien sur les composantes humaines et sociales du travail. Face des difficults locutrices et pour rendre un change possible, lanalyste peut utiliser linduction, cest--dire essayer de poser des questions ouvrant sur des rponses oui ou non (par exemple, face une image vido de restitution, l, vous tes bien en train de rgler la machine, non ? ). Mais, il doit savoir aussi les limites de ce type de questionnement. En toute occasion, il est prfrable quil reformule sans interprter directement la place de loprateur. En fin dentretien, lanalyste doit imprativement faire une synthse de manire ce que les personnels puissent valider ce qui a t dit.

Les entretiens, selon le type, permettent la validation des connaissances et des hypothses de solutions. Ils ne sauraient cependant remplir compltement ce rle sans la base fournie par la mthodologie danalyse du travail et, notamment, par la mthodologie danalyse des activits.

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3.5. Mthodologie danalyse des activitsLanalyse de lactivit de travail* devrait (doit) tre considre comme le maillon central fondant le dveloppement dun projet. Les connaissances produites et leur traduction en principes de solutions contribuent en effet mettre en meilleure adquation les fonctionnalits de loutil de production aux critres de confort, de scurit et defficacit. Les solutions proposes permettent par ailleurs descompter une rduction des cots lis aux dysfonctionnements et la non-qualit. Elles conditionnent ainsi directement la possibilit daccrotre la valeur ajoute des produits. On comprend ds lors tout lintrt accorder lanalyse de lactivit relle de travail en lien aux facteurs de la situation qui en dlimitent les conditions dexercice.

3.5.1.

Le cadre danalyse

Le terme de tche* par rapport auquel se dfinit lactivit est trop imprcis pour constituer un objet danalyse rellement fructueux. La mesure dun cart entre la tche thorique et lactivit relle savrant elle-mme illusoire, il est ainsi prfrable de considrer plus simplement lactivit, soit par ses contraintes* et par le comportement* directement observable, soit, plus finement, comme le support dactions et de communications significatives pour loprateur selon les diffrents contextes o le travail est effectu. Ces deux options peuvent se combiner et dfinir ainsi deux types dapproches : une approche dominante extrinsque, une approche dominante intrinsque. Lapproche dominante extrinsque est une approche classique en ergonomie ou en psychologie du travail, entre autres. Selon le choix des hypothses* de travail, elle concerne diffrents indicateurs, par exemple, lactivit gestuelle, posturale, les dplacements, les actions et leur enchanement, les modes opratoires, les rgulations* dactivit, les prises dinformations (direction des regards, volution de la distance il - tche), les communications formelles et informelles entre oprateurs. Elle tente de mettre en vidence les contraintes dactivit et les risques* datteinte la sant et relve dun point de vue hyginiste. Le fait que ce type dapproche soit dit dominante extrinsque tient ce que les modalits de mise en uvre du comportement peuvent tre, au moins pour partie, significatives pour loprateur et analyses en tant que telles. Lapproche dominante intrinsque concerne le cours daction*. Elle permet danalyser - parce quelles sont commentables - les actions (y compris les communications) qui sont significatives pour loprateur. Elle se rfre, non la connaissance en dire que loprateur peut produire sur son travail en rponse un questionnement orient par lobservation du comportement, mais la connaissance en actes, savoir celle quil fait merger de lexplication directe des actions en termes de raisons (ou de causes) et dintentions sous-jacentes. Le fait que ce type dapproche soit dit dominante intrinsque tient ce que certains dterminants de lactivit relvent, au moins pour partie, dindicateurs globaux et dvaluations gnrales.

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Dans ce cadre, lanalyse correspond en fait trois niveaux imbriqus : lobservation, la description et linterprtation*. Chacun de ces niveaux danalyse est guid par des hypothses de travail spcifiques.

3.5.2.

Lobservation de lactivit

Lobservation de lactivit est le premier niveau de lanalyse. Elle ne peut se satisfaire dun regard rapide ou de la tentation de se mettre la place de loprateur . Elle demande tre prpare longuement par des observations prliminaires et fournir en pralable toutes les garanties et explications mthodologiques voulues aux oprateurs quant lexploitation des donnes qui seront recueillies. Sur cette base, lanalyste cherchera valider avec les oprateurs concerns le choix des situations analyser : travail de nuit, du matin, de laprs-midi, du week-end, production habituelle ou gammes particulires, phases de fonctionnement normal et dgrad du dispositif, etc. Le choix de ces situations dcoule pour partie des hypothses formes lors de lanalyse de la demande initiale et lors de lanalyse de la situation globale. Il permet ensuite de cibler lobservation sur des contextes dactivit particuliers constitus, par exemple, par le changement de production, larrt ou la remise en route du dispositif, le suivi, le contrle et lajustement des paramtres de fabrication, le remplissage des feuilles de postes, la rcupration dun incident* par un oprateur donn ou par lquipe. Du choix des situations et des contextes dcoule celui des moyens et des lieux dobservation. Les moyens se rfrent, par exemple, la retranscription manuelle des observables sur des grilles permettant de coder les items* de comportement (dun oprateur donn) ou lenregistrement audio vido du cours daction* (dun ou de plusieurs oprateurs) laide dun camscope. En fonction de lexigut des lieux ou de leur encombrement, lanalyste doit prter toute lattention voulue ne pas gner par sa prsence le droulement de lactivit. Sil utilise une camra, il doit bien rflchir langle de prise de vue et filmer en continu sur une priode de temps suffisante pour banaliser (autant que faire se peut) sa prsence et celle de la camra. Les contraintes diffrent sensiblement selon le point de vue mthodologique adopt. La prsence de lanalyste (et dune camra) constitue un effet perturbateur relativement plus important avec une approche dominante extrinsque (o lon observe des items de comportements fragiles aux conditions environnantes, tels les postures, les dplacements, les actions, etc.) quavec une approche dominante intrinsque qui vise lanalyse des intentions (par dfinition, non observables mais relevant de savoir-faire identifiables). De plus, avec une approche dominante extrinsque, le temps est une base indispensable lanalyse statistique des items de comportement, alors quavec une approche dominante intrinsque, il nest quun repre permettant dordonner la logique de lenchanement des actions.

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3.5.3.

La description de lactivit

Il sagit dun travail de prparation de la phase dinterprtation des rsultats qui consiste mettre plat, sur des chroniques ou des graphes danalyse, les donnes retranscrites sur des grilles ou enregistrs. La description dominante extrinsque consiste reporter sur une chronique (par tymologie, relative au temps) les donnes recueillies. Des logiciels, tel KRONOS, facilitent la retranscription et lanalyse statistique ultrieure.

Position de l'pareuseContexte/TopographieSur pareuse Devant pareuse Derr. pareuse Devant tracteur Derr. tracteur i bi En biais En biais, pench En torsion Torsion, pench Normal P h

Taillis (reprise)

Taillis (partie basse)

REGARDS REGARDSCOMMANDE

PAREUSE(Joystick)

Rotation G. D. MAIN DROITE Rotation D. G. Relve rotor Abaisse rotor Eloigne rotor Rapproch. rotor Leviers MAIN GAUCHE bras/arr. Met Met bras/av. Tourne gauche

VOLANT

Tourne droite

2m30s

2m40s

2m50s

3m OP1 C hsite deux ou trois fois corriger la position du bras, mais, au final, ne fait rien

Marche avant

Dbrayage

Lexemple ci-dessus est extrait de la description dune squence de fauchage et de dbroussaillage mcaniques des bords de routes. Sont reports sur la chronique la direction des regards de loprateur, les postures adoptes, les actions de commande de loutil de coupe (pareuse), du tracteur (volant), et dautres donnes concernant le contexte : taillis en reprise ou en partie haute, opration effectue en marche avant ou larrt (en dbrayant), position du bras de lpareuse.

Avec une description dominante intrinsque, le point de vue de loprateur sur sa propre activit constitue lobjet de la description faite par lanalyste. Dans un premier temps, la description consiste prparer un graphe danalyse permettant de reporter dans des colonnes distinctes les vnements qui se produisent (bruit, entre dun autre oprateur dans le bureau, appel tlphonique, etc.), les actions (ce que fait concrtement loprateur) et les communications (changes parls, communications tlphoniques, etc). Des logiciels informatiques, tel OUTIDEX, facilitent la retranscription et lexploitation ultrieure.

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Squences continues OP1N Sq.

Activits-typesRelev Suivi Gestion Cherche Range Surveill . donnes Planif. intervent Suivi Point de classe Renseign . fortuit Gestion info. Actions globale activits manuvr sret situation tlphon. ActionsPosedoc.

Squences continues OP2Communications vnements Timing9N Sq.

Timing vnements9

CommunicationsCE : non, mais on va demander, l Tu dis que a ne va pas On n a pas compris a, quoi a servait, a OP1 : Je sais pas. Cest dire que heu y a pas de gamme de lignage RCP 140

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3:56:1011 12 13 14 15 16 17 18 19

3:56:10Se tourne vers CE CE : ce n est pas cohrent et on le sait bien ! Reprend doc. Note valeur CE : La consigne E1 devrait recouvrir tout ce quon est en train de faire Repose doc . S assoit 11 12 13 14 15 16 17 18 19

3:56:2021 22 23 24 25 Sonnerie tl. 26 27 28 Sonnerie tl. 29

3:56:20OP1 : J ai un dossier de lignage dconnect de tout fil OP1 : Je n arrive pas faire le lien avec ce qu on est en train de faire. Ca peut avoir des rpercussions sur la sret de Fonctionnement Pivote, se lve Consultedoc. en bout de bureau 21 22 23 24 25 26 27 28 29 48

3:56:3046 31 Sonnerie tl. 32 33 34 . 35 Sonnerie tl 36 37 . 38 Sonnerie tl 39

a suit a, mais on sait pas quoi a sert, a. Est-ce que a suit effectivement E1 ? Y a des trucs qui sont en contradiction, alors CE : oui, alors !

Se remet au bureau

OP1 : La nuit suivante, je vais repasser 3 heures sur le mme doc . Je suis trop en avance

3:56:3031 32 33 34 35 36 37 38 49 39

Se lve, dcroche OP1 : m, cest pas le bon, celui-la ! Repose combin Dcroche autre combin OP1 : Cest implicite. Jai reconnu qui ctait et pour qui lappel tait destin Tend combin OP2 Sassoit Consulte doc .

3:56:4041 42 43 44 45 46 47 48 49

OP1 : All, oui ? Tranche 3 I :oui, sil te plat OP1 : Je te le passe

Fait geste dattraper tl. Se remet face au bureau OP2 : Prend combin tendu par OP1 Tranche 3 Se dplace avec I : oui doc la main, contourne bureau, Il n a pas march va vers pupitre le SAPHO avant OP2 : si Pivote, revient Moi, je te parle et toi, tu vers bureau ne m entends pas. Et moi, je ne t entends pas, alors I : Ah, bon, alors Se penche, appuie OP2 : Regardes, je sur touche tappelleOn est trois, SAPHO hein Et ben voil Se redresse I : Oui, mais il ne marche pas Appuie sur touche OP2 : Tu m as appel, SAPHO j ai essay de rentrer en communication avec toi, mais

3:56:4041 42 50 43 44 45 51 46 47 48 49

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3:56:5051 52 53 54 55 56 57 58 59

3:56:5051 52 53 54 55 56 57 58 59

3:57:001 2 3 4 5 6 7 8 9

3:57:001 2 3 4 5 6 7 8 9

3:57:10

Pivote

3:57:10

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Comprendre pour agir

Lexemple ci-dessus est extrait dun graphe danalyse de lactivit doprateurs en poste dans une salle de commande dun racteur nuclaire. Il met en prsence OP1, oprateur responsable du secteur primaire, OP2 oprateur responsable du secteur secondaire et le C.E. (Chef dExploitation). Les diffrents vnements, communication et actions, sont regroups dans des squences continues ayant une signification intentionnelle propre. Les squences continues sont ensuite classes dans les diffrentes activits-types* dfinies prcisment avec les oprateurs. Les activits-types permettent de dessiner la Deux cas sont nanmoins considrer qui structure du cours daction* et dorganiser la fixent les limites de la mthode de validation : phase dinterprtation grce des Avec une analyse dominante extrinsque, la verbalisations (cf. bulles).

3.5.4.

Linterprtation

validation des connaissances est parfois, au moins pour partie, dj contenue dans les hypothses de dpart. C