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Réponse àJean-Pierre Chrétien Author(s): René Lemarchand Source: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol. 25, No. 3 (1991), pp. 468-470 Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African Studies Stable URL: http://www.jstor.org/stable/485980 . Accessed: 16/06/2014 22:30 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Taylor & Francis, Ltd. and Canadian Association of African Studies are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.78.81 on Mon, 16 Jun 2014 22:30:01 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Réponse à Jean-Pierre Chrétien

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Réponse àJean-Pierre ChrétienAuthor(s): René LemarchandSource: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol.25, No. 3 (1991), pp. 468-470Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African StudiesStable URL: http://www.jstor.org/stable/485980 .

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Reponse ia Jean-Pierre Chretien

Rene Lemarchand

En invoquant d'entr6e de jeu le proverbe Kirundi "Celui qui veut t'insulter ne fait pas de tri," Jean-Pierre Chretien annonce ses couleurs: la critique est assimilee a l'insulte, le d6saccord ~ un reglement de comptes. En me reprochant de ne pas faire de tri, et de m'en prendre "A l'ensemble de son travail de chercheur et

d'enseignant en histoire africaine," l'auteur fait preuve d'un degr6 de partialit6 suprenant pour un historien. Loin de moi l'idee de mettre en question son talent d'historien, bien au contraire. Je cite: "Nous voudrions d'emblee exclure de notre

critique ses excellents travaux d'historien ... (en tant qu'historien) Chr6tien est soucieux de rigueur methodologique, conscient de l'importance des donnees

empiriques, de la n6cessite de leur recoupement." Il est vrai, cependant, que je cite "seulement trois de la cinquantaine d'articles qu'il a publie sur le passe de la region des Grands Lacs," ce qui, ajoute-t-il est "malgr6 tout partiel pour la rectification

que j'entreprends." Il n'entre pas dans mes intentions de repondre en d6tail aux commentaires de

Chretien. Je voudrais n6anmoins souligner la nature des d6saccords qui nous

opposent.

I. Premier desaccord: le poids relatif a donner A l'Etat colonial dans l'interpr6ta- tion des conflits ethniques. Pour Chr6tien je "disculpe curieusement I'action coloniale de toute responsabilite dans l'evolution contemporaine du Burundi." C'est precis6ment le contraire que j'affirme dans mon article ("Faut-il pour autant mettre entre parentheses l'heritage de l'histoire coloniale? Aucunement. Etc."). Ce que j'affirme de faqon tout aussi cat6gorique c'est qu'il existe une difference essentielle entre le potentiel de conflit n6 de la colonisation, et les processus de mobilisation politique par lesquels le conflit est devenu r6alite dans les annees qui suivirent l'ind6pendence. Eliminer cette dimension et tout ramener a l'Etat colo- nial, comme si les tueries de 1965, I969, 1972 et 1988 6taient fatalement inscrites dans le perversite de la politique belge, c'est tomber dans le pi&ge du d6termin- isme.

2. Deuxibme d6saccord: l'impact des processus de modernisation sous la

Deuxiime Republique (1976-87). Pour Chretien la modernit6 est synonyme de progres social et politique ("Cette modernite s'est traduite par la fixation des

regles de fonctionnement de l'Etat ... par une laicisation qui s'imposait de toute

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Jean-Pierre Chretien

faqon ... par une politique d'investissement ..."). Cette faqon de voir les choses me semble traduire une certaine cecite intellectuelle, dans la mesure ou elle fait table rase des effets "dysfonctionnels" du phenomene analys& par l'auteur. Dans la mesure ou cette modernisation s'est oper6e de faqon tres selective, elle a eu pour effet d'accentuer le clivage Hutu-Tutsi. Comment pouvait-il en etre autrement alors que les tueries de 1972 avaient pratiquement l1imin rtoutes les elites Hutu, jusques et y compris bon nombre d'6tudiants du secondaire? Ceci nous renvoie A la probl6matique, d6sormais classique, de l'impact diffhrentiel de la modernit6 sur les soci6t6s africaines, ph6nomene mis au jour dans de multiples travaux de sci- ence politique.

3. Troisieme d6saccord: le sens a donner A la presence "tres majoritaire" d'l66ments Hutu dans les organes de base du parti Uprona. L'absence de donn6es statistiques fiables ne me permet pas de juger de l'importance numbrique Hutu dans les organes de base du parti. Mais si tel 6tait le cas sous la Deuxieme R6pub- lique, faut-il y voir un signe de la reintegration des elments Hutu et I'amorce d'une plus grande d6mocratisation? Rien n'est moins stir. Lorsqu'on songe aux multiples contraintes et pressions officielles orchestrees par le r6gime Bagaza on est en droit de se demander si, 1A encore, I'auteur ne fait pas preuve d'un refus de voir les choses du point de vue des masses Hutu. Le theme de "la politique par le bas" - auquel nombre de chercheurs franqais ont consacre d'excellents travaux, et qui se situe au centre de l'analyse de James Scott sur les phenomenes de r~sestance a la domination' - meritait, me semble-t-il, une attention plus soutenue de la part de Chretien.

4. Quatrieme desaccord: l'interpretation du conflit Eglise-Etat sous la Deuxieme Republique. Pour Chretien mon analyse est entachee par une "confusion systema- tique" entre le conflit Eglise-Etat et la question ethnique. Or, en tant qu'historien Chretien devrait savoir: (a) que ce sont les elites Tutsi qui, des l'independence, ont affiche les sentiments les plus anticlericaux, et ceci pour des raisons qui s'inscrivent dans l'histoire de la revolution rwandaise, I'Eglise catholique ayant joue un r61le determinant dans l'6veil politique des Hutu; (b) que cette attitude s'est perp6tude durant toute la Deuxibme R6publique; (c) que c'est en brisant le quasi-monopole de l'Eglise des communautes de base (shawaniya) a predomi- nance Hutu, et y substituer celle du parti. Autant de considerations qui me portent a croire que le conflit Eglise-Etat avait des le d6but une r6sonnance ethnique incontournable; vouloir assimiler ce conflit a un "Kulturkampf" bismarkien me semble une aberration.

5. En conclusion je me contenterai de souligner un cinquieme point de d6saccord, le plus grave puisque c'est celui dont d6coulent tous les autres: la place centrale occup6e par le conflit Hutu-Tutsi dans l'6volution du pays depuis les tueries de 1972. En nier la centralit6, comme le fit Chr6tien pendant toutes les ann6es de la

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Deuxieme Republique, depasse 1'entendement. Cette &tonnante mise entre

parentheses d'un phtnomene aussi lourd de consequences souleve bien des ques- tions quant a la "d&ontologie du metier d'historien" dont nous parle Chretien, et

qui, nous dit-il, a "ses regles propres."

Notes i L'ouvrage de Scott, Domination and the Arts of Resistance: Hidden Transcripts (Yale University

Press: New Haven, 1991) est d'une importance capitale a la face cach6e (ce que Scott appelle "hidden transcripts") de la r6sistance Hutu A la domination Tutsi pendant la Deuxibme R6publique, et aussi, dans une tris mesure, A l'6poque actuelle.

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