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Le Soir mai 2013 2 REPORTAGE D e plus en plus de concours de miss voient le jour en Belgique. Leurs particula- rités : être organisés par la diaspora africaine, pour la diaspora africai- ne. De Miss Ghana Belgium à Miss East Africa Belgium en passant par Miss Guinée Belgique, une seule et même idée : promouvoir la culture africaine en Belgique. Mais pourquoi ce genre de concours existent-ils ? Qu’est- ce qui motive les organisateurs à lancer ces projets ? Qu’est-ce qui pousse les candidates à s’inscrire ? Plongée dans un univers de strass et paillette…à l’africaine. « C’est mon amour pour l’Afri- que qui m’a emmené à participer à cette élection et ce serait un grand honneur de pouvoir être le visage qui représente la femme congolai- se de la diaspora ici en Belgique», explique Miss Congo Belgium 2013 alors encore prétendante au titre. Elue samedi 20 avril, Nancy Mokwami représentera, le temps d’une année, la beauté de la femme congolaise en Belgique.` Elle fait désormais parti du cer- cle fermé des miss de la dias- pora africaine du plat pays. Une nouvelle tendance en Belgique. Comment ça fonctionne ? C’est le même principe que tout autre concours de beauté. L’annonce est lancée sur internet, les filles posent leurs candidatures, pas- sent un casting et le tour est joué. Particularité : un accent porté sur la culture africaine. Trois concours ont attirés notre attention. A Miss RDC Belgium, on valo- rise la culture congolaise, à Miss West Africa, c’est celle de tou- te l’Afrique de l’ouest et à Miss Congo Belgium, on met en valeur le Congo Kinshasa ainsi que le Congo Brazzaville. Pendant la période de sélection, une confu- sion s’est emparée des candi- dates. Miss RDC Belgium et Miss Congo Belgium forment- ils un seul et même concours? Non. Il s’agit bien de deux concours différents. Le premier ne concernant que la République Démocratique du Congo, le second représentant le Congo Kinshasa et le Congo Brazzaville. Les soirs d’élection, le specta- cle se rapproche fortement des concours de miss « classiques » avec les habituels passages en maillot de bain et en robe de soi- rée. A l’exception près que les candidates défilent et dansent en tenues traditionnelles. Quant au prix, ils varient selon l’organi- sation. On promet souvent à la gagnante et ses dauphines des produits cosmétiques, parfois une voiture ou une somme d’argent. Mais qui se trouve à la tête de ses organisations ? Bien souvent des associations sans but lucratifs qui, dans le cadre de leurs activités, désirent promouvoir un pays, une région, une culture en particulier. « Je viens de France et là-bas il y a déjà beaucoup de concours de beauté comme Miss Sénégal France, Miss Mali France,… Je me suis dit que c’était l’occasion, sachant le lien qu’il y a entre la Belgique de pouvoir organiser l’élection de Miss Congo Belgium », explique Kossi Modeste, organisateur de la première édi- tion de Miss Congo Belgium et président de l’association « Be a star ». Elle a travaillé en collabora- tion avec une association qui veut promouvoir et diffuser la culture afro-caribéennes, « Roots Events » pour l’organisation du concours. « J’ai voulu mettre la culture congolaise en valeur car c’est une culture que je connais bien de par mes amis », explique Kossi Modeste qui n’est pas d’origine congolaise mais d’origine togolaise. Critères: une fille qui soit belle et intel- ligente à la fois. « Il faut qu’el- le soit calée en culture ». Pendant huit mois, les participantes ont eu droit à du coaching, à des cours de cuisine congolaise mais aussi à des visites de musées pour les sensibiliser à la culture du pays. « Je me suis rendue compte que je ne connais pas si bien mon pays. On a appris beaucoup de choses et c’est important de partager notre culture parce que si on ne fait pas ça maintenant, dans deux généra- tions, il n’y aura plus rien», explique Daisy Simonini, première dau- phine à Miss Congo Belgium, une semaine avant l’élection. L’aventure lui a permise de mieux connaître son pays d’origine et de mieux se connaître elle-même. A Miss RDC Belgium, l’am- biance est tout autre. Pendant la période de préparation, « on n’a pas été assez suivies », expli- que Jessy Kabamba, alors pré- tendante au titre. « Je sais que les f illes de Miss Congo Belgium sont mieux encadrées. » La candi- date motivée par l’idée de pou- voir représenter le Congo et en apprendre plus sur sa culture a été déçue par cet aspect de l’aventure. Pourtant du côté de l’organisa- tion, on semblait bien insister sur le fait que l’évènement visait à « mettre en avant la culture congo- laise en Europe et plus particulière- ment en Belgique », explique Netty Mayaka, à l’initiative de Miss RDC Belgique en partenariat avec Afrikavision. « Dès le premier casting, on vérifiait si les candidates connaissaient leur pays, les régions et la culture générale du Congo ». Une motivation qui ne s’est pas véri- fiée dans les faits, selon les can- didates, car aucune activité n’a été organisée à cet effet. « Elles ont eu un cours trois ou quatre fois sur le Congo mais ce n’était pas l’école non plus », rétorque Netty Mayaka. Les critères recherchés ici : avoir entre 18 et 25 ans, mesu- rer minimum 1m70 et peser 60 kg. C’est le seul concours qui impose des critères autres que le fait d’être majeure, de résider en Belgique et d’être originaire du pays représenté dans le concours. Le concours Miss West Africa Belgium était quelque peu diffé- rent car chaque candidate devait représenter son pays au sein des pays de l’Afrique de l’ouest. A l’initiative du projet, le président de l’asbl West African Culture and Art Belgium, El Hadj Sène en collaboration avec « Roots Events ». La motivation pre- mière, trouver une ambassadri- ce de charme qui représentera « une Afrique solidaire, humaniste et responsable », comme décris sur le site officiel du concours. Christina Meerts, élue Miss public à Miss West Africa Belgium représentait le Bénin.«Je suis métis- se et je suis f ière de mes origines afri- caines », explique-t-elle. « Une amie à moi m’a proposée de participer parce qu’ils cherchaient une jeune f ille ambitieuse qui voulait mener un projet humanitaire. Et comme j’étudie la Politique sociale dans le but de travailler dans l’humani- taire, je me suis dit ‘pourquoi pas’ ». La plupart des candidates ne s’inscrivent pas aux concours avec d’emblée le désir de porter l’étendard de leur pays d’origines. «Une amie à moi participait et on voulait juste s’amuser », explique Cécile Mbanga, deuxième dau- phine à Miss RDC Belgium. En général, une fois les deux pieds dans l’aventure, leurs avis sur la question change. « C’est seulement après que je me suis rendu comp- te que c’était plus important que ça», ajoute la deuxième dauphine. Mais il reste des candidates qui ne sont attirées que par les prix promis à la gagnante. « La plupart des candidates voulaient gagner les deux places d ’avions pour Kinshasa», explique Jessy Kabamba qui elle, voulait représenter les couleurs du Congo. Un voyage qui ne leur a été présenté comme un «aller-retour caritatif »que deux- trois semaines avant l’élection. Les concours de miss de la diaspora africaine en Belgique semble partir d’une cause noble ; celle de promouvoir la culture africaine sur le sol belge. Mais si l’organisation de Miss Congo Belgium séduit ses candidates et rend envieuse les candidates de Miss RDC Belgium par son sou- ci de mettre l’accent sur la culture du pays, les ambitions des orga- nisateurs ne se vérifient pas tou- jours dans les faits. Comme quand les prétendantes au titre de Miss RDC Belgium nous expliquent ne pas avoir été suivies durant la période de préparation à la fina- le. L’organisation de Miss West Africa Belgium semble balancer entre les deux car les candidates expliquent avoir été encouragées à se conscientiser elle-même aux réalités de leurs pays d’origine. Auprès des prétendantes aux titres, on découvre trois groupes. Celles qui s’inscrivent aux concours en désirant vraiment représenter leur culture dès le départ. Elles se comptent sur les doigts d’une main… Celles qui s’inscrivent en se disant « pourquoi pas » et qui sont ensuite fière de pouvoir être à la fois reine de beauté et flam- beau de leur culture. Et enfin celles intéressées uniquement par l’appât du gain qui, elles aussi, se comptent sur les doigts d’une main… JESSICA MUTAHARUGAMBA Les concours de miss d'ici...et d'ailleurs Miss Ghana Belgium 2012 et la 2è dauphine de Miss Guinée Bénélux 2012 conviées à l'élection de Miss Congo Belgium 2013 © MISS CONGO BELGIUM Nancy Mokwami, Miss Congo Belgium 2013: C' est son discours qui a fait pancher la balance © IBTICEM AZLEF Thioro Diop, Miss West Africa Belgium: la sénégalaise représentera l'Afrique de l'ouest pendant un an © MISS WEST AFRICA BELGIUM De gauche à droite: Cécilé Mbanga, 2è dauphine de Miss RDC 2013, Marlène Tshibassu, Miss RDC 2013, Milka Mendoza, 1ère dauphine de Miss RDC 2013© JESSICA MUTAHARUGAMBA Quand la diaspora africaine de Belgique élit les plus belles de ses filles

Reportage écrit: Les miss de la diaspora africaine

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Page 1: Reportage écrit: Les miss de la diaspora africaine

Le Soir mai 2013

2 reportage

De plus en plus de concours de miss voient le jour en Belgique. Leurs particula-

rités : être organisés par la diaspora africaine, pour la diaspora africai-ne. De Miss Ghana Belgium à Miss East Africa Belgium en passant par Miss Guinée Belgique, une seule et même idée : promouvoir la culture africaine en Belgique. Mais pourquoi ce genre de concours existent-ils ? Qu’est-ce qui motive les organisateurs à lancer ces projets ? Qu’est-ce qui pousse les candidates à s’inscrire ? Plongée dans un univers de strass et paillette…à l’africaine.

« C’est mon amour pour l ’Afri-que qui m’a emmené à participer à cette élection et ce serait un grand honneur de pouvoir être le visage qui représente la femme congolai-se de la diaspora ici en Belgique», explique Miss Congo Belgium 2013 alors encore prétendante au titre. Elue samedi 20 avril, Nancy Mokwami représentera, le temps d’une année, la beauté de la femme congolaise en Belgique.`

Elle fait désormais parti du cer-

cle fermé des miss de la dias-pora africaine du plat pays. Une nouvelle tendance en Belgique. Comment ça fonctionne ? C’est le même principe que tout autre concours de beauté. L’annonce est lancée sur internet, les filles posent leurs candidatures, pas-sent un casting et le tour est joué. Particularité : un accent porté sur la culture africaine. Trois concours ont attirés notre attention.

A Miss RDC Belgium, on valo-rise la culture congolaise, à Miss West Africa, c’est celle de tou-te l’Afrique de l’ouest et à Miss Congo Belgium, on met en valeur le Congo Kinshasa ainsi que le Congo Brazzaville. Pendant la période de sélection, une confu-sion s’est emparée des candi-dates. Miss RDC Belgium et Miss Congo Belgium forment-ils un seul et même concours? Non. Il s’agit bien de deux concours différents. Le premier ne concernant que la République Démocratique du Congo, le second représentant le Congo Kinshasa et le Congo Brazzaville.

Les soirs d’élection, le specta-cle se rapproche fortement des concours de miss « classiques » avec les habituels passages en maillot de bain et en robe de soi-rée. A l’exception près que les candidates défilent et dansent en tenues traditionnelles. Quant au prix, ils varient selon l’organi-sation. On promet souvent à la gagnante et ses dauphines des

produits cosmétiques, parfois une voiture ou une somme d’argent.

Mais qui se trouve à la tête de ses organisations ? Bien souvent des associations sans but lucratifs qui, dans le cadre de leurs activités, désirent promouvoir un pays, une région, une culture en particulier.

« Je viens de France et là-bas il y a déjà beaucoup de concours de beauté comme Miss Sénégal France, Miss Mali France,… Je me suis dit que c’était l ’occasion, sachant le lien qu’il y a entre la Belgique de pouvoir organiser l ’élection de Miss Congo Belgium », explique Kossi Modeste, organisateur de la première édi-tion de Miss Congo Belgium et président de l’association « Be a star ». Elle a travaillé en collabora-tion avec une association qui veut promouvoir et diffuser la culture afro-caribéennes, « Roots Events » pour l’organisation du concours.

« J’ai voulu mettre la culture congolaise en valeur car c’est une culture que je connais bien de par mes amis », explique Kossi Modeste qui n’est pas d’origine congolaise

mais d’origine togolaise. Critères: une fille qui soit belle et intel-ligente à la fois. « Il faut qu’el-le soit calée en culture ». Pendant huit mois, les participantes ont eu droit à du coaching, à des cours de cuisine congolaise mais aussi à des visites de musées pour les sensibiliser à la culture du pays.

« Je me suis rendue compte que je ne connais pas si bien mon pays. On a appris beaucoup de choses et c’est important de partager notre culture parce que si on ne fait pas ça maintenant, dans deux généra-tions, il n’y aura plus rien», explique Daisy Simonini, première dau-phine à Miss Congo Belgium, une semaine avant l’élection. L’aventure lui a permise de mieux connaître son pays d’origine et de mieux se connaître elle-même.

A Miss RDC Belgium, l’am-biance est tout autre. Pendant la période de préparation, « on n’a pas été assez suivies », expli-que Jessy Kabamba, alors pré-tendante au titre. « Je sais que les f illes de Miss Congo Belgium sont mieux encadrées. » La candi-

date motivée par l’idée de pou-voir représenter le Congo et en apprendre plus sur sa culture a été déçue par cet aspect de l’aventure.

Pourtant du côté de l’organisa-tion, on semblait bien insister sur le fait que l’évènement visait à « mettre en avant la culture congo-laise en Europe et plus particulière-ment en Belgique », explique Netty Mayaka, à l’initiative de Miss RDC Belgique en partenariat avec Afrikavision. « Dès le premier casting, on vérif iait si les candidates connaissaient leur pays, les régions et la culture générale du Congo ». Une motivation qui ne s’est pas véri-fiée dans les faits, selon les can-didates, car aucune activité n’a été organisée à cet effet. « Elles ont eu un cours trois ou quatre fois sur le Congo mais ce n’était pas l ’école non plus », rétorque Netty Mayaka.

Les critères recherchés ici : avoir entre 18 et 25 ans, mesu-rer minimum 1m70 et peser 60 kg. C’est le seul concours qui impose des critères autres que le fait d’être majeure, de résider en

Belgique et d’être originaire du pays représenté dans le concours.

Le concours Miss West Africa Belgium était quelque peu diffé-rent car chaque candidate devait représenter son pays au sein des pays de l’Afrique de l’ouest. A l’initiative du projet, le président de l’asbl West African Culture and Art Belgium, El Hadj Sène en collaboration avec « Roots Events ». La motivation pre-mière, trouver une ambassadri-ce de charme qui représentera « une Afrique solidaire, humaniste et responsable », comme décris sur le site officiel du concours.

Christina Meerts, élue Miss public à Miss West Africa Belgium représentait le Bénin.«Je suis métis-se et je suis f ière de mes origines afri-caines », explique-t-elle. « Une amie à moi m’a proposée de participer parce qu’ils cherchaient une jeune f ille ambitieuse qui voulait mener un projet humanitaire. Et comme j’étudie la Politique sociale dans le but de travailler dans l ’humani-taire, je me suis dit ‘pourquoi pas’ ».

La plupart des candidates ne s’inscrivent pas aux concours

avec d’emblée le désir de porter l’étendard de leur pays d’origines. «Une amie à moi participait et on voulait juste s’amuser », explique Cécile Mbanga, deuxième dau-phine à Miss RDC Belgium. En général, une fois les deux pieds dans l’aventure, leurs avis sur la question change. « C’est seulement après que je me suis rendu comp-te que c’était plus important que ça», ajoute la deuxième dauphine.

Mais il reste des candidates qui ne sont attirées que par les prix promis à la gagnante. « La plupart des candidates voulaient gagner les deux places d ’avions pour Kinshasa», explique Jessy Kabamba qui elle, voulait représenter les couleurs du Congo. Un voyage qui ne leur a été présenté comme un «aller-retour caritatif »que deux-trois semaines avant l’élection.

Les concours de miss de la diaspora africaine en Belgique semble partir d’une cause noble ; celle de promouvoir la culture africaine sur le sol belge. Mais si l’organisation de Miss Congo Belgium séduit ses candidates et rend envieuse les candidates de Miss RDC Belgium par son sou-ci de mettre l’accent sur la culture du pays, les ambitions des orga-nisateurs ne se vérifient pas tou-jours dans les faits. Comme quand les prétendantes au titre de Miss RDC Belgium nous expliquent ne pas avoir été suivies durant la période de préparation à la fina-le. L’organisation de Miss West Africa Belgium semble balancer entre les deux car les candidates expliquent avoir été encouragées à se conscientiser elle-même aux réalités de leurs pays d’origine.

Auprès des prétendantes aux titres, on découvre trois groupes. Celles qui s’inscrivent aux concours en désirant vraiment représenter leur culture dès le départ. Elles se comptent sur les doigts d’une main… Celles qui s’inscrivent en se disant « pourquoi pas » et qui sont ensuite fière de pouvoir être à la fois reine de beauté et flam-beau de leur culture. Et enfin celles intéressées uniquement par l’appât du gain qui, elles aussi, se comptent sur les doigts d’une main… ■ jessica mutaharugamba

Les concours de miss d'ici...et d'ailleurs

Miss Ghana Belgium 2012 et la 2è dauphine de Miss Guinée Bénélux 2012 conviées à l'élection de Miss Congo Belgium 2013 © MISS CONGO BELGIUM

Nancy Mokwami, Miss Congo Belgium 2013: C' est son discours qui a fait pancher la balance © IBTICEM AZLEF

Thioro Diop, Miss West Africa Belgium: la sénégalaise représentera l'Afrique de l'ouest pendant un an © MISS WEST AFRICA BELGIUM

De gauche à droite: Cécilé Mbanga, 2è dauphine de Miss RDC 2013, Marlène Tshibassu, Miss RDC 2013, Milka Mendoza, 1ère dauphine de Miss RDC 2013© JESSICA MUTAHARUGAMBA

Quand la diaspora africaine de Belgique élit les plus belles de ses fil les

Page 2: Reportage écrit: Les miss de la diaspora africaine

Le Soir mai 2013

reportage 2

Cette année a vu naître plu-sieurs concours de miss de

la diaspora africaine en Belgique. Miss Congo Belgium, Miss West Africa Belgium, Miss RDC Belgium et bien d’autres encore… Est-ce là un nouveau business pour les organisateurs ? Un moyen de promouvoir une culture par-ticulière en dehors de ses terres ? Un besoin de reconnaissance ? Ou le signe d’une crise iden-titaire pour les belges d’origines africaines ? Eléments de réponse avec Abraham Franssen, socio-logue et professeur à l’Université Saint-Louis ainsi qu’à l’Université Catholique de Louvain. Qu’est-ce qui se cache derriè-

re le simple fait d’organiser un concours de miss ?

Le fait d’organiser un concours de miss a toujours été une forme de symbolisation d’une commu-nauté. Par exemple, Miss Brabant Wallon, Miss Hainaut… C’est chaque communauté qui choisit et met en scène la plus belle de ses filles. Souvent ça s’est fait sur base d’appartenance locale comme les Miss Charleroi ou Miss Bruxelles, etc. Aujourd’hui, on observe que la base sur laquelle on définit la miss est en partie une base com-munautaire, culturelle ou d’ori-gine nationale. Dans les concours de miss il y a une logique cultu-relle ou de reconnaissance mais il y a aussi, et ce n’est pas forcément contradictoire, une logique com-merciale ou star système.Une particularité pour les miss de la diaspora ?

Les concours de miss de la dias-pora sont un des lieux où se cris-tallisent une tension entre assi-milation et affirmation. La miss d’une diaspora est au point de tension entre une sorte d’idéal stéréotypé ; être la plus belle dans une société donnée. Une société qui joue sur le registre de la séduc-tion et de la compétition indivi-

duelle. De ce point de vue là, c’est une démarche d’assimilation, de conformisme pour être reconnu. De l’autre côté, il y a l’affirmation d’une appartenance ou d’une réfé-rence communautaire, nationale.

Les candidates aux élections de miss sont pour la plupart issues de la deuxième, voire troisième géné-ration d’immigrés africains. Qu’est-ce qui caractérisent ces générations ?

Le parcours des immigrés se joue sur plusieurs générations. La première génération arrive en bas de l’échelle. Elle se fait toute petite, n’exprime pas son identité sur l’espace public. Elle cherche à travailler dur pour accumuler du capital économique afin d’assu-rer leur place et leur survie dans la société.

La deuxième génération est souvent la plus tiraillée. Ils sont à la fois nés ici mais on leur rappel-le régulièrement qu’ils ne sont pas d’ici. Ils s’entendent parfois dire « Retournes chez toi ! ». Mais cette seconde génération veut trouver sa place et exister dans la société.

La troisième génération, elle, n’a plus de doute sur le fait qu’el-le est pleinement d’ici. Souvent, le capital économique et la fami-

liarisation au code accumulés par les générations précédentes lui permettent d’avoir des trajec-toires plus positives. D’une cer-taine manière on peut dire que cette génération est totalement intégrée, maîtrise les codes de la société. Mais c’est aussi à ce moment-là que cette troisième génération éprouve le besoin d’af-firmer ou de réaffirmer une iden-tité qui a en partie été refoulée par elle-même ou par les générations précédentes.Comment cette troisième généra-tion parvient-elle à réaffirmer son identité ?

Par exemple dans les codes ves-timentaires. Plutôt que d’être dans une logique de gommer tous les signes qui renvoient à l’identité d’origine, on va les réaffirmer mais de manière postmoderne ; par petites touches. On va porter des pièces d’habillement, qui rappelle, qui évoque. Peut-on alors parler d’une « crise identitaire » ?

Une crise identitaire c’est quand on ne parvient pas à articuler les différentes facettes de son iden-tité et que du coup on est perdu. Comme dirait Bourdieu, « On est mal dans sa peau parce que mal

dans sa position ». Donc il peut y avoir crise. Mais on est dans un contexte où il y a une forte valori-sation de la diversité, de la multi-culturalité tant que ça reste « soft » et dans le modèle « Benetton ».

Les concours de miss de la dias-pora signalent-ils une crise iden-titaire de la communauté afri-caine ?

Au-delà du tiraillement, on est dans l’affirmation de soi. On affir-me qu’on est là, qu’on est fière et belle. Donc ça peut être une logi-que d’affirmation, de reconnais-sance. Etre reconnu dans l’espace public est aujourd’hui la deman-de de tous les groupes sociaux. Organiser un concours de miss participe à ce qu’on appelle la lut-te pour la reconnaissance. De nos jours, les gens cherchent à être reconnus sur base de leurs spécifi-cités plutôt que d’être reconnus en niant leurs spécificités. Ca c’était l’ancien modèle. On a eu le point de vue des orga-nisateurs, mais que peut-on dire des jeunes candidates à ces concours ?

L’expérience du jeune, la maniè-re dont il construit son identité se fait au croisement de plusieurs logiques. La logique d’apparte-

nance, appartenance à un groupe social, à une communauté,… La logique de stratégie, de compéti-tion pour s’intégrer dans le mar-ché. Réussir, accumuler, faire des choix pour construire ma carrière. Troisième logique, plus person-nelle : la subjectivation. C’est se construire comme personne, trou-ver du sens à sa vie. Quand tout va bien, les trois sont réunis : je sais qui je suis en terme d’appar-tenance, je suis épanoui et en plus tout marche bien pour moi. Les concours de miss pourraient être une manière pour les candidates de tenter d’articuler ces logiques, de trouver un équilibre. On affir-me d’où on vient mais en même temps c’est une stratégie de pro-motion individuelle qui corres-pond peut-être pour certaines à un idéal d’elle-même. ■ jessica mutaharugamba

Jessy Kabamba, miss malgré elle

Prétendante au titre de Miss RDC Belgium 2013, Jessy Kabamba a toujours voulu

représenter son pays. Que ce soit à Miss RDC Belgium ou à Miss Belgique. Elle se lance tête première dans cette aventure même si elle avoue qu’elle n’a pas été inscrite de son plein gré.

L’étudiante en kinésithérapie, Jessy Kabamba, s’est retrouvée parmi les 10 finalistes à l’élection du 9 mars de Miss RDC Belgium 2013. Mais elle ne s’est pas ins-crite au concours. « J’ai appris que quelqu’un m’avais inscrite au concours mais je ne sais toujours pas qui c’est », explique-t-elle. Après avoir lu l’annonce de l’évènement elle accepte son « sort » et se lance dans l’aventure.

La jeune étudiante a tout de suite vu que ce n’était pas un concours de beauté comme les autres. « Au départ ça m’intéressait de promouvoir la culture africaine et quand j’ai été sélectionnée je me suis dis on va quand même tenter, on va voir ce que ça va donner », racon-te-elle.

Jessy explique que seuls six ou sept des candidates étaient réelle-ment motivées par l’aspect cultu-rel du concours. « La plupart des candidates voulaient gagner les deux

places d ’avions pour Kinshasa », révèle-t-elle. C’est lors d’un dîner entre elles que les langues se sont déliées. Ce n’est qu’à quelques semaines avant l’élection qu’on annonce aux filles que le billet d’avion n’était pas pour leur loisir mais bien pour un voyage caritatif à Kinshasa.

Mais ce qui a le plus déçu la finaliste, c’est le sentiment de ne pas avoir été assez suivie par les

organisateurs du projet. « Pendant trois mois, on n’a plus eu de nouvel-les de l ’organisation, juste après les présélections. Plus de nouvelles, plus d’activités, on n’avait plus rien », déplore-t-elle. Il y a aussi eu des problèmes d’organisation comme des retards, des essayages de robes en dernière minute. Bref, « Moi je ne trouvais pas ça normal», expli-que-t-elle.

L’année dernière, Jessy Kabamba

s’est présentée à Miss Bruxelles pour Miss Belgique. « Pas que je comparais avec Miss Bruxelles mais bon… Je me disais quand j’ai fais Miss Bruxelles c’était comme-ci, comme-ça et pourquoi est-ce que là ce n’est pas comme ça ? ».

La finaliste de Miss RDC Belgium considère que « ce n’est pas compliqué d’être sélectionnée pour Miss Belgique en tant que noi-re », contrairement à l’idée com-

mune que ce fait la communauté noire de Belgique. « J’ai l ’impres-sion que nous les noirs on se met des bâtons dans les roues en se disant qu’ils ne prendront jamais de noi-res », explique-t-elle. Une Miss Belgique noire ? « Oui, pourquoi pas, il y a bien eu une turque. Il faudrait juste la motiver et que les gens soient derrière elle et ça ira.» ■ jessica mutaharugamba

Les concours de miss de la diaspora africaine: un besoin de reconnaissance ?l' INTERVIEW « Organiser un concours de miss a toujours été une forme de symbolisation d’une communauté »

ABRAHAM FRANSSEN Sociologue ©www.fusl.ac.be.

lE PoRTRAIT « J'ai appris que quelqu'un m'avais inscrite au concours mais je ne sais toujours pas qui c'est »

ELECTION MISS RDC BELGIUM 2013 : Jessy Kabamba (2è à gauche) apprend qu'elle fait partie des dix finalistes. © JESSICA MUTAHARUGAMBA

Jessy Kabamba pose sa candidatu-re pour Miss Bruxelles 2012 © MISS BELGIQUE

EN BREF

9 mars: Election Miss RDC 2013`

La première édition du concours élit la plus belle congolaise de la République Démocratique du Congo en Belgique.Gagnante: Marlène Tshibassu, 21 ans, étudiante en comptabilité.Organisateur: Netty Mayaka en collaboration avec Afrikavision

16 mars: Election de Miss West Africa 2013

Le concours cherche, pour la première fois, celle qui repré-sentera toute l'Afrique de l'ouest en Belgique;Gagnante: Thioro Diop, 20 ans, étudiante en destion des transports et logistique d'en-treprise.

20 avril: Election de Miss Congo BelgiumL'organisation veut trouver la fille qui représentera au mieux la culture conglaise ( Congo Kinshasa et Congo Brazzaville) en Belgique.Gagnante: Nancy Mokwami, 24 ans, étudiante en droit. J.M