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REPORTAGES LEROY MERLIN Source 2019 La 3D , révolution ergothérapique Un reportage de Christel Leca

Reportage Leca Ehretsmann / La 3D, révolution ergothérapique · sur la programmation il y a quelques années, il s’est intéressé dès 2013 à l’impression 3D en achetant sa

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REPORTAGESLEROY MERLIN Source 2019

La 3D, révolution ergothérapique

Un reportage de Christel Leca

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LES REPORTAGES LEROY MERLIN SOURCE MARS 2019

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REPORTAGES LEROY MERLIN Source

Avec la démocratisation des imprimantes 3D, des ergothérapeutes découvrent, redécouvrent ou approfondissent le faire soi-même, le faire avec, le faire ensemble et le faire-savoir. Une petite révolution dans le métier avec, parmi ses fers de lance, Guy Ehretsmann, correspondant LEROY MERLIN Source.

L’intervention de l’ergothérapeute est centrée sur l’amélioration des capacités physiques ou psychiques d’un patient, en situation de handicap quel que soit l’âge, dans le sens d’une meilleure autonomie. Pour cela, l’ergothérapeute agit, avec lui, sur son physique, son psychisme, son environnement, et peut préconiser l’utilisation d’aides techniques ou technologiques.

Dans les Instituts de formation à l’ergothérapie (IFE), la vannerie, la menuiserie, l’électronique, le modelage, etc. pouvaient tenir une bonne place, comme support de rééducation ou moyen de réaliser des aides techniques. Avec le développement des aides techniques manufacturées, les ergothérapeutes ont trouvé sur le marché de plus en plus d’objets tout faits, répondant généralement aux besoins identifiés par les professionnels médicaux et paramédicaux. Cependant, il existe en réadaptation, en rééducation, en accompagnement de la dépendance, des situations très particulières, mais aussi des habitudes de vie auxquelles ces objets, sécurisés mais standards, ne répondent pas.

La 3D, révolution ergothérapique

Guy Ehretsmann, ergothérapeute

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La profession des petits objets

« On est la profession des petits objets », s’amuse à dire Guy Ehretsmann. Cet ergothérapeute installé dans l’Ain partage sa pratique entre un centre médical et la formation d’étudiants en IFE. Féru de technologies – il a publié un livre sur la programmation il y a quelques années, il s’est intéressé dès 2013 à l’impression 3D en achetant sa première machine. Ce baptême du feu lui a permis de connaître sur le bout des doigts les possibilités de la technique pour son métier. « Voir apparaître le premier objet imprimé a été une expérience magique  », confie-t-il. « J’allais pouvoir imprimer moi-même mes aides techniques ! Ce fut un déclic. » La maîtrise de l’outil lui a demandé plusieurs années. Puis, il a proposé, via l’ANFE1, de former ses collègues qui répondent de plus en plus présent depuis 2016.

Simon Renier, ergothérapeute à l’Institut JB Thiery, un établissement pour enfants polyhandicapés de Maxeville (Meurthe-et-Moselle), fut l’un d’entre eux. « J’y suis allé par curiosité. Je voyais cela comme un outil de plus, avec le thermoplastique ou le bois. Et j’ai découvert tout le potentiel de l’outil. Aujourd’hui, l’imprimante 3D tourne tous les jours à l’Institut. On imprime, on teste les objets et on les adapte selon les besoins de chaque enfant. »

1. Association nationale française d’ergothérapie

Du plastique pas fantastique ?

La dépendance au pétrole a déjà fait naître des solutions alternatives, comme le PLA (acide polylactique), issu de ressources renouvelables (betterave, canne à sucre, maïs, cellulose, etc.). De plus, des machines équipées d’un petit broyeur qui génère un filament recyclé apparaissent sur le marché, à des coûts qui pourraient devenir accessibles dans un futur proche.

Exemples d’objets imprimables en 3D. Espace Pole_ergo de Guy Ehretsmann sur Thingiverse.com

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Dix fois moins cher

Une imprimante 3D est alimentée par des rouleaux de filaments de plastique qui coûtent en moyenne 30 euros/kg. Cela permet de réaliser de petites aides techniques pour quelques centimes ou quelques euros seulement. « C’est dix fois moins cher qu’une aide technique sur catalogue », calcule Julien Oudin, « mais il faut prendre en compte le temps passé à comprendre les outils, à concevoir et adapter, qui peut être important. » Salarié d’un foyer d’accueil médicalisé d’APF France Handicap à Imphy (Nièvre), il s’intéresse depuis 2015 à l’impression 3D, dans un cadre personnel puis professionnel. Il concevait des objets, puis les imprimait dans un fablab (laboratoire de fabrication).

« Mais les allers-retours entre le foyer et le fablab devenant contraignants », raconte-t-il, « j’ai proposé à ma structure d’acquérir une imprimante semi-professionnelle couplée avec un scanner ». Cet investissement de 4 000 euros, réalisé dans le cadre de crédits régionaux, a permis d’équiper deux sites de l’APF Bourgogne-Franche-Comté et a été l’occasion de former les 20 ergothérapeutes APF de la région avec Guy Ehretsmann. « Il n’existe pas d’aides techniques hyper personnalisées sur le marché », poursuit Julien Oudin. « Le prototypage est très intéressant : les tests et adaptations de l’objet se font en direct ou presque. On essaie, ça convient, ça ne convient pas, ce n’est pas grave, on recommence ! »

Charlotte et Marie-Pierre sont aides-soignantes au centre d’accueil Adapei de Montplaisant (Ain) où intervient Guy Ehretsmann. Elles ont conçu avec lui une fourchette adaptée pour Philippe, un résident. « S’il y a de plus en plus de choix dans les catalogues d’aides techniques, on ne trouve pas toujours ce qui convient. On fait des essais et on retourne la commande si elle n’est pas adaptée2. Cela peut prendre plusieurs semaines d’arriver à une solution satisfaisante. Pour le manche de fourchette conçu avec l’ergothérapeute, il a suffi de quelques allers-retours pour que Philippe puisse manger seul et gagner en autonomie. » Depuis qu’une imprimante 3D existe dans son service, Élodie Billoré, ergothérapeute au groupe hospitalier du Havre et formée par Guy Ehretsmann en 2018, « imprime des aides techniques trouvées sur le web. On fait des essais pour un coût modique. On a pu ainsi créer un enfile-gant adapté pour Monsieur M., un patient amputé des 4e et 5e doigts, ce qui est un handicap plutôt rare ».

Guy Ehretsmann et la fourchette conçue pour Philippe. Photo © C.Leca

2. Certains fournisseurs, comme Tousergo.com annoncent : « Vous avez 30 jours pour changer d’avis ».

Guy Ehretsmann : « Je télécharge un fichier d’ouvre-bouteille sur Thingiverse. Bien conçu, il permet de dévisser facilement un bouchon aux personnes qui ont des problèmes de préhension, mais il glisse dans la main de la dame à qui je le propose. En trois clics, je rajoute une boule au bout du manche et j’imprime ! »

« et si je veux un ouvre-bouteille utilisable à deux mains, je copie et colle une poignée de l’autre côté de la vis, en quelques secondes ».

Photo © C.Leca

Photo © C.Leca

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S’adapter ou adapter ?

Les avantages de l’impression 3D sont aussi esthétiques. Le résultat offre un bien meilleur aspect que le thermoplastique, qui conserve les traces des doigts qui l’ont modelé et ne propose que des couleurs claires très sensibles aux salissures. « Les objets imprimés ressemblent moins à des outils médicaux », constate Simon Renier. « C’est plus joli et on peut délirer sur les couleurs », se réjouit Isabelle Guillot, formée également par Guy ehretsmann. Retraitée récemment, elle accompagne des étudiantes qui ont conçu un porte-crayon. « Il s’adapte à la taille de la main, il est léger, lavable, les couleurs sont vives et gaies. L’esthétique, c’est important. Avec une aide technique manufacturée, c’est au patient de s’adapter. Là, on adapte, on rectifie, selon ses besoins et ses envies : les enfants peuvent choisir leur couleur préférée, ils acceptent beaucoup mieux l’outil. »

« L’impression 3D offre un bien meilleur aspect et une meilleure qualité, plus durable », raconte Julien Oudin. « Le premier objet que j’ai réalisé au fablab du Foyer, c’était pour un patient, Jérôme, qui porte une trachéotomie. Quand il toussait, il expectorait par la canule de trachéo. C’était gênant, pour lui et son entourage. Nous avons conçu un petit tube qui se clipse sur la trachéo et dévie les crachats. Il a pu intervenir, choisir la couleur. Aujourd’hui, il en a plusieurs d’avance, qui correspondent aux vêtements qu’il porte. C’est une toute petite aide technique, pas très évoluée technologiquement, mais qui permet de répondre à un besoin bien particulier. Il participait à un baptême l’année dernière et m’en a demandé un noir pour aller avec son costume ».

Les étudiantes Maëva Dusaulcy et Solenne Laveix ont rédigé une fiche technique sur le porte-crayon réalisé en 3D par Isabelle Guillot et Léa Chekroun, ergothérapeutes. Photo © MDUSAULCY et SLAVEIX

La collection de déflecteurs réalisés pour Jérôme par Julien Oudin. Photo © J. OUDIN

L’impression 3D rend son autonomie au patient bien au-delà du soutien que l’aide technique lui apporte, puisqu’il peut obtenir le fichier numérique de l’objet et le réimprimer s’il le perd ou s’il le casse ”, complète Guy Ehretsmann. “Cela réduit la dépendance aux savoir-faire d’un thérapeute.”

« Nous avons travaillé avec le père d’un patient hospitalisé chez nous, qui avait des besoins spécifiques au niveau de son assise », se souvient Élodie Billoré. « Il fallait modifier la rotation de ses repose-jambes, or le fauteuil ne le permettait pas. Avant, on “bidouillait“ avec ce qu’on avait sous la main... Cette fois, on a pu créer une pièce parfaitement sur-mesure que le père du patient a lui-même modélisée ! Notre collaboration sur ce projet a permis une adaptation solide, esthétiquement discrète, techniquement aboutie. Le papa a conservé son objet sur une clé USB. » Patient et ergothérapeute peuvent ainsi le réimprimer ou l’adapter à de nouveaux besoins. Cette collaboration, qu’Élodie Billoré aimerait développer à l’avenir, est un gage d’acceptation des aides techniques et de durabilité de leur usage.

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Le patient devient référent technique

Au centre de rééducation de Kerpape (Morbihan), un labo unique en son genre en France met depuis les années 1980 à la disposition des patients et des soignants les dernières technologies, dont l’informatique et la domotique, avec l’appui d’ingénieurs. Le labo a acheté une imprimante 3D en 2016 et réalisé depuis, plus de 250 objets avec une centaine de patients, dans le cadre de trinômes patient-ergothérapeute-ingénieur. « L’impression 3D permet au patient de réaliser un objet physique, qui contribue à sa qualité de vie, même s’il ne peut pas physiquement le fabriquer », explique Willy Allegre, un des ingénieurs du Rehab-Lab.

Pierre, tétraplégique depuis un accident, réside au centre de Kerpape depuis trois ans. Il y a un an et demi, son ergothérapeute et lui ont conçu ensemble une manette pour son fauteuil électrique, adaptée à ses besoins. « Elle a modelé une manette à la taille de ma main, avec du thermoplastique, puis l’a scannée et imprimée en 3D. Le résultat est plus propre, moins salissant, les imperfections sont gommées, c’est bien plus joli. » Visiteur familier du Rehab-Lab de Kerpape, Pierre a aussi conçu, sur l’ordinateur du labo, un porte-cigarette dont il va s’inspirer pour réaliser prochainement une pince pour tenir sa brosse à dents électrique. « Je vais gagner en autonomie puisque je pourrai me brosser les dents tout seul. Ce labo est une solution formidable pour trouver soi-même des solutions aux petits tracas de la vie quotidienne. Et, en plus, j’apprends à me servir des logiciels 3D ! »

« La demande des patients de s’impliquer dans le processus de réadaptation via le Rehab-Lab est constante », selon Willy Allegre, et se traduit même par le montage de trinômes où un patient expérimenté devient référent technique. « Notre objectif est d’amener le patient au plus haut niveau possible de compétences. »

Réaliser ensemble au Rehab Lab de Kerpape ne concerne pas que les patients, soignants et ingénieurs du centre. « Il faut que cela profite à un maximum de structures », ajoute Willy Allegre. Après avoir formé douze ergothérapeutes pour qu’ils montent leur propre labo collaboratif dans leur service, le Rehab-Lab anime une communauté qui concerne aujourd’hui une dizaine de structures partout en France, de Roscoff à Bordeaux en passant par la Corse, la Picardie ou l’Isère. Mise en commun de prototypes en open source, retours d’expériences, échanges, etc. : une plateforme collaborative sera lancée en 2020 pour formaliser le réseau.

Manette pour fauteuil électrique conçue par Pierre aidé de son ergothérapeute.

Support de verre reproductible en dehors du centre de Kerpape (support qui exploite une ouverture globale de main et un contre-appui au niveau du pouce). Photo © REHAB-LAB

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Des millions de prototypes à télécharger

Partager les prototypes 3D, c’est tout l’objet de Thingiverse.com, où chacun peut télécharger les fichiers numériques de plus d’un million d’objets. C’est ici que Guy Ehretsmann partage 47 objets que ses étudiants ou lui-même ont réalisés, tout comme le Rehab-Lab Kerpape (34 designs). On y côtoie des designers de nombreux pays qui proposent des aides techniques en ergothérapie. « L’offre est conséquente, alors qu’elle n’a que quelques années seulement », s’enthousiasme Guy Ehretsmann. Julien Oudin a partagé sur la plateforme l’outil créé pour Jérôme : « il a été téléchargé 49 fois : beaucoup de porteurs de trachéotomie peuvent être concernés ».

On trouve également sur Thingiverse 52 objets créés par Sonoko Hayashi, une ergothérapeute japonaise qui dialogue régulièrement via skype avec Guy Ehretsmann. « Nous échangeons nos trucs, astuces et techniques et discutons des problématiques que nous rencontrons, comme la question de la toxicité de l’impression et des matières utilisées et leur traçabilité. » Confirmant l’importance du codesign rendu possible via l’impression 3D, elle achève actuellement, avec un collègue architecte, un livre sur le sujet, auquel contribue également le Rehab-Lab de Kerpape.

© J.OUDIN

Copie d’écran de la page d’accueil de Guy Ehretsmann sur Thingiverse.com

Collaborer avec d’autres professions que la sienne

La pratique du design et du codesign est l’occasion de collaborer avec d’autres professions, comme Simon Renier l’a fait avec une infirmière, un orthopédiste ou un éducateur. Julien Oudin a participé à un marathon de l’innovation en santé au mois d’octobre 2018 : « avoir fréquenté l’univers des fablabs m’a fait connaître cet événement. Il a fait naître un projet collaboratif de bras robotisé d’aide à la prise des repas, à base d’impression 3D et de matériel électronique open source. Ce sont des portes que je n’aurais pas poussées sans cela ». La formation d’une équipe de 17 personnes (étudiants ingénieurs en mécanique, génie biomédical, électronique et un autre ergothérapeute) a permis de passer d’une idée à un projet récompensé par la région Bourgogne Franche Comté : le MecEat et le RobEat.

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L’envie de partager, la mise à disposition de prototypes en open source semblent aller de pair avec ces nouvelles technologies qui demandent un temps certain de familiarisation et de formation. « Ça prend du temps, mais j’en ai », avoue Isabelle Guillot, retraitée et prompte à offrir son temps à des étudiants en IFE. Simon Renier forme ses collègues de l’Institut JB Thiery depuis six mois, tout comme Élodie Billoré au groupe hospitalier du Havre.

Dès 2016, le catalogue de formations de l’ANFE incluait l’impression 3D. C’est encore le cas en 2019 : une session intitulée « Évaluer et répondre aux besoins de la personne en situation de handicap par la personnalisation d’aides techniques avec l’imprimante 3D : adaptation, conception, dessin, impression » sera assurée par Guy Ehretsmann du 7 au 11 octobre 2019 à Paris. L’association propose également des formations sur site à la carte pour des équipes pluridisciplinaires, mentionnant la possibilité d’acquérir une imprimante 3D prête à l’emploi pour le compte des établissements n’en possédant pas.

La place du standard

Dans ce concert d’enthousiasme, il reste quelques points à traiter : la sécurité, la responsabilité, les enjeux de propriété intellectuelle, commerciale et industrielle et le lien avec les industriels et le marché des aides techniques. « Ce dernier est un marché de niche », explique Julien Oudin, « qui pourrait être bousculé par le développement de l’impression 3D. Cela peut être bénéfique, car certains fournisseurs sont en situation quasi monopolistique, et pousser les fabricants à plus de personnalisation. » Cependant, « il y aura toujours de la place pour des aides techniques standardisées qui comblent de nombreux besoins », pour Simon Renier. Le Rehab-Lab de Kerpape a restreint dans un premier temps l’accès à son fablab aux patients du centre de rééducation, créant uniquement des aides techniques préconisées en ergothérapie. « Nous avons éliminé tous les autres objets courants ou déjà commercialisés », précise Willy Allegre, « afin de respecter la propriété intellectuelle et le travail de conception des entreprises commercialisant les aides techniques. »

« Dans certains cas, l’avis d’un professionnel n’est pas demandé : une personne en situation de handicap ou de dépendance peut trouver sur le marché des aides adaptées. Mais dans beaucoup de situations, cette auto-prescription peut être problématique. Il est plus sûr d’avoir de l’expérience, d’être capable d’analyser professionnellement une situation et concevoir – ou commander – l’outil adapté », ajoute Guy Ehretsmann.

Une responsabilité

Ce professionnalisme est adossé à une responsabilité. Guy Ehretsmann, comme le Rehab-Lab de Kerpape, utilise des filaments de plastique fabriqués en France, normalisés CE, dont la traçabilité est assurée. Garantir la qualité des produits qu’il utilise fait partie du quotidien de l’ergothérapeute, qu’il fabrique une aide technique en thermoplastique, en bois ou via l’impression 3D. Mais cette dernière en est à ses balbutiements : « il existe un vide juridique à combler quant à la responsabilité légale du concepteur », selon Willy Allegre. « Je travaille dans un lieu de vie médicalisé », ajoute Julien Oudin. « Nous pouvons nous permettre de fabriquer nous-mêmes des aides techniques car il y a un suivi de la part des équipes sur leur bonne utilisation, et les aides-soignants nous font remonter les éventuels dysfonctionnements. À domicile, ce suivi est moins évident. »

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Ouverture du champ des possibles

Levés temporairement ces quelques points d’interrogation, les ergothérapeutes voient, avec l’impression 3D, s’ouvrir leur champ des possibles avec une jubilation certaine. « Notre métier consiste à comprendre, écouter, rechercher. Nous avons aujourd’hui la possibilité de faire réaliser par l’imprimante une solution adaptée qui n’existe pas dans un catalogue », se félicite Guy Ehretsmann. « Cela peut constituer un support pour travailler la résilience avec un patient prêt à aller sur ce terrain. Cela nous demande, à nous thérapeutes, de rentrer dans un processus de coconstruction de la solution et non pas d’arriver, dans notre blouse blanche virtuelle ou réelle, en disant : “moi je sais, je vais te dire ce qu’il te faut“. C’est passionnant d’être collaborant et non plus “sachant“ ».

« Je pense que c’est une révolution », confie Julien Oudin. « Lors de la formation avec Guy Ehretsmann, j’ai rencontré un cadre rééducateur bientôt à la retraite qui avait participé aux premières utilisations du thermoplastique à la place du plâtre, très lourd et contraignant, pour faire des attelles. Cela avait été une révolution comparable à l’apparition aujourd’hui de l’impression 3D. »

« Nous sortons d’un modèle consumériste », se réjouit Willy Allegre. Au profit, au moins pour une partie des aides techniques, d’un sur-mesure adapté et collaboratif à la fois entre l’ergothérapeute et son patient, l’ergothérapeute et les autres professions médicales et socioéducatives, mais aussi les ergothérapeutes entre eux et les patients entre eux, à l’échelle mondiale, puisque les fichiers numériques sont partageables dans toutes les langues et sur tous les continents, sur le web.

Christel Leca – Mars 2019

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