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2013 Repères Asbl Jean-Pierre PIRSON [DIX PISTES POUR ENRAYER LE DECROCHAGE FAMILIAL ET SCOLAIRE EN FAMILLE] Le décrochage n’est pas une fatalité

Repères Asbl Jean-Pierre PIRSON … · « Ma vie c’est la musique » déclare-t-il. Il pratique la guitare, il suit des cours de solfège, il fait partie d’un groupe rock alternatif

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2013

Repères Asbl Jean-Pierre PIRSON

[DIX PISTES POUR ENRAYER LE

DECROCHAGE FAMILIAL ET

SCOLAIRE EN FAMILLE] Le décrochage n’est pas une fatalité

© Jean-Pierre Pirson Eviter le décrochage scolaire en famille Page 2

Introduction On entend souvent dire c’est un manque de motivation. D’accord, mais pourquoi survient-elle au moment où elle se manifeste ! Plusieurs causes sont évoquées : sociales, personnelles, familiales, socio-économiques. Nous y reviendrons. Fondamentalement, je crois aux intelligences multiples telles que Gardner les a identifiées. L’école ne mesure que l’intelligence verbale (linguistique) et l’intelligence logicomathématique. L’hypothèse défendue dans cette réflexion est que chaque élève est intelligent mais ne connait pas le type d’intelligence qui lui correspond. S’installe alors l’ennui !

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1. Les causes du décrochage

1.1. Les origines liées à l’école

Selon les études PISA, 15% des élèves belges déclarent ne pas se

sentir à l’aise à l’école. C’est principalement des élèves de 16 à 18

ans qui présentent des absences à répétitions problématiques.

En région flamande, environ 15% des jeunes quittent le secondaire sans avoir obtenu de diplôme, tandis qu’en région wallonne, 20% quittent l’école avant la fin du cursus. Finalement, à Bruxelles capitale, 30% des jeunes quittent l’école.

1.2. Le rythme de l’école

A l’entrée du secondaire, les élèves découvrent sur le tas une école bien plus grande que l’école primaire qu’ils ont fréquentée, avec de nombreux locaux et une dizaine de profs au moins, chacun ayant ses propres principes et exigences. C’est déstabilisant pour la plupart d’entre eux. Il faut un temps d’adaptation plus ou moins long. Pour chaque famille, le choix de l’école secondaire est primordial, il se fera avec l’adolescent. Ils découvrent en outre des cours aux horizons multiples pour lesquels ils n’ont pas de mots à eux pour tenter de comprendre la matière, au sens étymologique du terme : cum prehendere, du latin prendre avec, c’est-à-

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dire s’approprier. Ils se contentent alors d’apprendre par cœur et surtout, ils n’osent pas demander aux professeurs s’ils n’ont pas compris.

1.3. Le jeune dont le parcours scolaire est problématique

Ce jeune ressent l’enseignement comme trop abstrait, l’approche

pédagogique est essentiellement théorique. Sans doute par manque

d’implication de sa part qui ne facilite pas une perception positive.

Pour lui, il n’y a pas concordance entre l’offre d’enseignement dans

lequel il est inscrit, il n’a pas le profil pour adhérer à cette forme

d’enseignement, sans remettre en question ses potentialités ni son

intelligence. Une relation négative se tisse avec le prof, il ressent la vie

de la classe comme une mauvaise ambiance …

L’importance, pour la famille, rappelons-le, est de bien choisir l’école où

l’adolescent pourra s’épanouir. La plupart des familles pensent que le

mieux pour leur fille ou leur fils est de poursuivre ses études dans

l’enseignement général. Il y a lieu de discuter avec l’ado et de lui donner

voix pour le choix de l’école.

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1.4. Les origines liées au marché de l’emploi

La force de l’attraction du marché joue un rôle déterminant surtout pour

les élèves qui ont du mal à intégrer l’enseignement général. Ils fondent

leur coup de cœur pour un métier sur des images qu’ils se construisent

au fil du temps et qui correspond rarement avec les réalités du métier. Il

est important de l’aider à s’informer. Il est essentiel d’écouter les rêves

des métiers qu’ils expriment avec respect pour les pousser à vivre plus

tard du métier dont ils ont rêvé dès l’enfance.

1.5. Les origines sociales

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La scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans entraine une certaine végétation à

l’école pour bon nombre d’élèves. Cela entraîne un décrochage précoce

qui concerne les familles aisées autant que les familles modestes. Le

décrochage précoce est universel.

1.6. Les origines socio-familiales

Elles sont déterminantes d’autant que les enfants et les adolescents n’en

parlent pas. Cela fait partie des sujets tabous. Ils les subissent en

silence. Ainsi, un père ou une mère malade, la crise de confiance dans le

couple, la pression sur l’école installée en famille par souci du mieux …

Tout cela affecte nos enfants. Surtout s’ils ne l’expriment pas.

1.7. Les origines sociodémographiques

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Les enquêtes pointent que les garçons manquent davantage les cours

que les filles et que la part des élèves non belges en situation d’échec

est plus élevée que parmi les élèves autochtones. Le niveau de formation

des parents y apparait comme déterminant.

2. Les réactions familiales

Quel est l’impact des réactions familiales ? C’est le point que nous abordons maintenant en nous appuyant sur le ressenti des familles pour pointer les premiers signaux d’alerte. 2.1. Le ressenti des familles Souvent, une pression autour de l’école. Surtout au moment des bulletins. Les familles s’inquiètent : Il n’est plus le même à la maison. Je n’ose plus lui faire confiance ! Elle est taiseuse, elle ne dit plus rien !

Il est essentiel de maintenir un dialogue avec les enfants et les

adolescents, bien avant l’arrivée du bulletin.

Si le bulletin déçoit les parents, les enfants risquent de se murer dans

leur silence. De son côté, l’enfant vit dans la crainte de perdre l’affection

de ses parents. S’inquiéter sur le bulletin au moment où il arrive dans la

famille un phénomène courant mais trop tardif.

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2.2. Les premiers signaux d’alerte

Du côté des ados apparaissent des difficultés passagères dans certaines

matières. L’étape suivante confirme ces difficultés passagères qui sont à

présent lisibles dans les résultats.

Des pratiques de protection apparaissent chez l’élève qui signe ses

travaux lui-même. Certains se révèleront de géniaux petits faussaires en

trafiquant le bulletin.

Des négligences matérielles peuvent apparaître dans la tenue de leurs

classeurs, le journal de classe n’est plus complété si bien qu’il n’y a pas

de trace des travaux ou préparations à réaliser à la maison. Cela se

traduira à la maison par « Je n’ai pas de devoir ».

A l’école, les absences ou retards se répètent. Parmi les élèves certains

manifesteront leur dépit, d’autres se feront oublier.

En famille, dès qu’il y a absence de notes à signer, n’hésitons pas à

prendre contact avec l’école. Particulièrement, si nos enfants sont au

premier degré de l’enseignement secondaire.

A l’école, les mauvaises performances s’enchainent. Dans la cour de

récréation, ceux qui sont en voie de décrochage s’isoleront, ne

chercheront pas à aller vers les autres ou alors ils chercheront la

présence de ceux qui se sentent égarés, comme eux.

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En classe, ces ados en phase de décrochage somnolent et rêvent à un

ailleurs, se couchent sur le banc. Souvent, ce décrochage doux de

l’intérieur, se fait avec la complicité tacite des professeurs qui ne les

interpellent plus tant qu’ils ne dérangent pas la classe.

3. Des situations concrètes

Nathalie Anton est psychologue, elle affirme dans ses ouvrages cette formule : « Grandir signifie que l’on accepte que le principe de plaisir se plie au principe de réalité, et cette prise de conscience à l’adolescence ne se fait pas toujours sans heurts ! » Nathalie Anton, psychologue

Nous allons poursuivre avec la situation de trois adolescents que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans le cadre de l’asbl Repères, en compagnie de leurs parents.

3.1. Pierre est en troisième

Il a mené une scolarité correcte au 1er degré ; au second degré, il ne travaille plus du tout.

« Ma vie c’est la musique » déclare-t-il. Il pratique la guitare, il suit des cours de solfège, il fait partie d’un groupe rock alternatif. Pour tout ce qui concerne sa passion, il se montre très efficace et positif, c’est lui l’élément moteur du groupe. Il compose des morceaux qu’il arrange avec les autres membres du groupe. Que faire pour forcer l’intérêt aux études ? Telle était la demande de la maman. Menace ? Privation de musique ?

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Le coup de tête de Pierre pour la musique a peut-être la dimension d’une vocation. Les expériences qu’il vivra dans son groupe et dans l’apprentissage du solfège pour composer lui permettront d’en tirer des conclusions. Actuellement, il vit une passion et la maman est du côté de la raison. Donc, s’est installée une incompréhension entre eux. Le point positif est que Pierre a trouvé une activité qui le motive et développe ses qualités d’organisation, ses capacités d’apprentissage et son épanouissement personnel. Si seulement sa scolarité avait pu être aussi stimulante ! J’ai conseillé à la maman de Pierre de faire savoir à son fils qu’elle prend sa passion au sérieux et qu’elle est contente qu’il ait une passion qui donne du sens à son quotidien. D’autre part, j’ai travaillé avec Pierre un état de lieux pour tenter de démontrer que les capacités et les qualités d’organisation qu’il développe dans le cadre musical, ainsi que le sérieux des apprentissages qui y sont liés sont proches de la formation qu’il subit à l’école. Je l’ai invité à prendre rendez-vous avec le PMS de l’école pour l’aider à trouver une filière de formation correspondant à sa passion pour la musique. En retravaillant avec Pierre en présence de sa maman, je lui ai demandé d’expliquer le travail que nous avions fait ensemble. J’ai insisté auprès de sa maman en présence de Pierre qu’elle l’aide à mettre des repères pour qu’il puisse mettre en pratique le travail réalisé à Repères en organisant avec lui son temps.

3.2. Dany est en quatrième

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Dany n’a jamais été bon élève, selon sa mère. Il a doublé sa quatrième et, subitement, il a exprimé qu’il ne voulait plus aller à l’école. Il disait à sa mère : « L’école est pourrie, les profs sont nuls … » Depuis, il attend que le temps passe ; il tait ses résultats ; les cours de soutien payés par sa maman sont restés sans succès parce qu’il ne voulait pas y aller. La mère est seule face à son fils depuis le divorce avec le père. L’école sanctionne ses absences injustifiées. La mère est perdue, elle ne sait plus comment aborder Dany. Quand j’ai rencontré la maman, j’ai insisté sur l’urgence qu’il y a de travailler avec Dany sur son avenir professionnel. Ce n’est pas parce qu’il a subi l’école qu’il doit subir le métier qu’il fera plus tard. Ce garçon est en inertie par rapport à l’école et par rapport à sa vie. Il risque bien de refuser de s’investir dans la recherche d’une voie professionnelle. Il a perdu confiance en ce que proposait l’école et craint de s’enthousiasmer pour une situation qui pourrait encore le conduire à l’échec. Le médecin avait diagnostiqué un burnout scolaire. Il a donc été déscolarisé. Avec de la patience, le fait de sortir du cadre scolaire a constitué un levier de motivation à l’action en vue de la recherche pour son orientation. J’ai rencontré Dany avec sa mère et j’ai proposé de cibler avec lui ses domaines d’intérêt et ses talents. Je lui ai dit que s’il était intéressé par la proposition, il lui suffisait de me rappeler. Il a accepté et m’a appelé quinze jours plus tard. Les rencontres étaient régulières et il est allé au bout du programme, il a pu identifier les quatre cibles professionnelles qui correspondaient à ses potentialités : mécanicien, carrossier, grutier, ardoisier. Il a choisi la carrosserie.

Je lui ai conseillé de prendre rendez-vous avec le PMS de l’école où il était inscrit ou d’aller au SIEP à Libramont ou de contacter INFOR J avec son choix professionnel pour baliser les établissements où il pourrait se former. Il a choisi de s’inscrire à l’IFAPME pour poursuivre sa formation, il suit les cours à Libramont et est encadré par un patron carrossier à Arlon. La mère a lâché prise en établissant avec lui quelques règles pour vivre à la maison tant qu’il habitait avec elle.

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3.3. Lucile à 13 et demi :

C’était une bonne élève en primaire. Les tests qu’elle a passés sur le conseil de la pédopsychiatre n’ont pas révélé un haut potentiel précoce mais qu’elle était doté d’une extrême sensibilité. En première secondaire, elle a terminé avec 14 de moyenne. En seconde, elle cachait ses résultats, a commencé à brosser les cours. Elle se montrait irritable quand en famille on évoquait l’école. Dès lors, le père et la mère ont décidé de la laisser travailler seule pour éviter les conflits. Pour la stimuler, promesse lui a été faite qu’elle recevrait un IPOD si elle réussissait bien les examens du premier trimestre. Elle a tenu la distance jusqu’aux examens, puis les résultats ont recommencé à baisser. Elle a fait l’école buissonnière avec une copine. La mère est allée voir la direction, l’école a sanctionné, la mère également. Elle est en troisième, actuellement, sérieusement démotivée. C’est alors que je l’ai rencontrée avec sa maman et son père, je l’ai écoutée et j’ai écouté les parents, puis j’ai expliqué ce que nous pourrions faire ensemble. Elle m’a demandé si Repères était une sorte d’école, j’ai répondu négativement en précisant qu’il s’agissait d’une association qui travaillait avec les adolescents et les parents. Sa deuxième question concernait mon statut professionnel parce qu’elle ne voulait plus rencontrer de psychologue. Je lui ai dit que j’étais pédagogue et animateur et que si elle acceptait de me rencontrer nous travaillerions sur ses choix de vie.

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Elle m’a rappelé après la rencontre pour me dire qu’elle acceptait de me travailler avec moi parce qu’on travaillerait sur son projet de vie. A la première rencontre, je lui ai demandé si elle avait un projet. Elle m’a bluffé. Lucile avait le projet d’être journaliste de mode. J’ai ressenti rapidement ses peurs, elle évoquait sa mère qui ne voudrait sûrement pas. La mère et le père portaient en eux un affectif fort sur la réussite à l’école. Ils venaient de milieux modestes et n’avaient pu poursuivre des études. C’était donc important pour le couple que leur fille réussisse bien à l’école. J’ai donc demandé à Lucile d’informer ses parents de son projet. Elle a enchainé que la réussite à l’école est importante pour ses parents – surtout pour sa mère - et que si elle brossait encore les cours ils ne l’aimeraient plus. Je suis intervenu en insistant sur le fait que ses parents s’inquiétaient mais qu’il ne s’agissait pas pour eux de ne plus aimer leur Lucile. J’ai conclu : Ils sont tristes et inquiets, c’est tout. Lucile, il est important que tu racontes ton projet à tes parents. Et que tu le confies aussi à ton titulaire de classe. Peu après, avec la famille et en présence de Lucile, j’ai proposé qu’un rendez-vous soit fixé avec le PMS de l’école pour envisager les pistes d’orientation possible en vue de la réalisation du projet de Lucile. Après le rendez-vous avec le PMS, j’ai rencontré Lucile et sa maman pour débriefer ce que l’une et l’autre retenaient de la rencontre avec le PMS. Puis je les ai invitées à contacter le titulaire de classe pour déterminer avec lui les choix qui s’offraient à l’adolescente en fonction des résultats qui se profilaient sur le bulletin : soit un doublement de la troisième étant entendu que si Lucile voulait réussir la troisième elle devrait sans plus attendre se mettre au travail. J’ai insisté sur l’importance que Lucile choisisse les conditions de son doublement. Elle a choisi de doubler sa quatrième et s’est mise à travailler régulièrement pour sauver sa troisième. Je l’ai accompagnée en mettant en place les bases du travail minimum garanti pour réussir. Entretemps, l’école s’est montrée sensible au projet de Lucile et a organisé une aide individualisée avec renforcement en français et l’étude

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de documents qui évoquaient la mode pour préparer la réalisation de son projet. Elle a travaillé l’an dernier avec motivation pour réussir sa troisième. Elle a réussi avec 60%. Elle est en quatrième. Si elle poursuit avec la même énergie et la même motivation que l’an dernier, elle réussira sa quatrième et ne devra donc pas doubler. Le dialogue, à présent, est harmonieux en famille, la maman soutient le projet de sa fille.

4. Dix pistes pour enrayer le décrochage à l’école et en famille

4.1. Accompagner les adolescents à gérer leur temps

Le temps de concentration moyen d’un élève, à partir de 12-13 ans est

de 45 minutes. C’est un temps moyen, Repères reçoit des jeunes qui de

déconnectent après 30 minutes.

Cadeau utile ! Leur offrir un agenda-planning. La semaine en un coup

d’œil. Chaque jour, il y aura un temps régulier organisé idéalement à la

même heure pour le travail scolaire :

- 45 minutes ou 30 minutes si votre adolescent à une

concentration fragile : relecture des cours reçus pendant la

journée pour vérifier la compréhension. En cas de zones de

doutes dans la matière, noter un point d’interrogation au crayon

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dans la marge du cours pour demander au prof dès le cours

suivant.

- 15 minutes de pauses actives pour relancer la concentration.

Cette pause sera physique (courir, marcher, promener le chien,

aller faire une course pour les parents …)

- 45 minutes ou 30 minutes si votre adolescent à une

concentration fragile : réaliser les devoirs reçus le jour même

(même si le travail est pour la fin de la semaine ou la semaine

prochaine). Ainsi je suis toujours à temps.

Témoignage : sur la porte du frigo, une maman a affiché un planning de sa semaine, ses enfants s’en sont étonnés. Par exemple, elle avait mis à la date du lundi : 19h00, rechercher Guillaume à la guitare ; mardi, acheter deux cahiers pour Sofiane ; mercredi, 18h00, conduire Kevin à l’entraînement de foot ; 20h00, le reprendre … Tout ce qu’elle devait faire pour ses enfants et pour elle était affiché sur la porte du frigo à côté de la liste des courses pour la famille. Cela a provoqué un questionnement auprès de ses enfants : maman a son planning pour ne pas oublier de faire ce qu’elle doit ou veut faire ! Et si je faisais la même chose ? Progressivement, la planification du temps a fait tache d’huile.

4.2. Les cours de soutien

Au premier degré les cours de soutien sont organisés dans les écoles. Au

deuxième et troisième degré, rien de systématique, il faut s’informer à

l’école où est inscrit votre ado.

A propos des cours de soutien proposés par des opérateurs privés, tout

un marché s’est organisé. Je me permets de rappeler que 90% des

échecs scolaires n’a rien à voir avec la compréhension des matières des

élèves et que dans la plupart des cas, ils n’auront aucun effet concret sur

vos enfants puisque la cause de leurs difficultés ne réside pas dans

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l’incompréhension des matières. Les causes les plus fréquentes sont

l’absence de gestion du temps, la fragilité de la confiance en eux, les

difficultés vécues en famille … Il est indispensable de ne l’inscrire qu’avec

son accord.

4.3. Discuter autour du journal de classe

Particulièrement pour les élèves qui sont en première et deuxième secondaire ! Il est difficile pour eux de gérer le journal de classe d’autant qu’il n’est parfois pas inscrit au tableau, ou qu’il se fait oralement à la fin de l’heure de cours. Une habitude à prendre c’est de créer un dialogue détendu – pourquoi pas autour d’une collation ? – pour regarder avec lui son journal de classe. A la fin de la journée, il est capable de noter ce qui a été fait en classe aux heures de cours pour lesquelles il n’y a pas de libellé. Pour le travail qui n’a pas été noté (devoirs, préparations …), invitez-le à contacter un ou une copine de classe pour vérifier s’il n’y a vraiment pas de travail.

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Pour les plus grands, n’hésitez pas à s’intéresser à son travail et demandez-lui s’il accepte que vous consultiez son journal de classe. Il faut qu’il comprenne qu’au-delà du contrôle qu’il pourrait ressentir, vous vous intéressez à lui et à sa scolarité. Pas besoin que ce moment soit long, il est plus utile qu’il soit régulier. Je voudrais vous partager ce témoignage.

Une grand-mère quand son petit-fils Bruno était petit, un jour qu’il racontait ce qu’il

avait fait lui demande :

Bruno, est-ce que tu es content de toi ? Aujourd’hui, Bruno à 19 ans, dernièrement quand il était chez sa mamy, il lui dit : Tu te souviens, Mamy, quand j’étais petit, tu m’as dit : « Est-ce que tu es content de toi ? » Tu m’as expliqué que c’est cela qui est important. Pas ce que pensent les autres, mais moi. J’y pense encore souvent. C’est pour cette raison que je me suis mis à travailler à l’école et que j’ai obtenu mon certificat d’enseignement supérieur.

4.4. Des moments de dialogue réguliers en famille

Un autre témoignage en partage.

Une maman racontait une histoire quand ses deux garçons étaient petits. Au fur et à

mesure qu’ils ont grandi, les rencontres se sont raréfiées. Il ne s’agissait plus de leur

raconter des histoires. Elle a décidé, le soir de frapper à la porte de la chambre de Sam,

l’aîné de 16 ans ; puis de celle Lionel, 15 ans.

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Elle s’asseyait sur le lit et racontait des choses simples vécues dans son travail, ses petits soucis, ses joies … Spontanément, tant le plus jeune que l’aîné faisaient de même, une complicité s’est renouée progressivement entre elle et eux.

4.5. Etablir un dialogue avec les acteurs scolaires

Une fois par trimestre, l’école invite les parents à l’occasion du bulletin,

n’hésitez pas à participer à ces moments de rencontre, allez-y avec votre

jeune fille, votre jeune homme. Il est important qu’il ou elle entende ce

que les professeurs disent, invitez le/la à s’exprimer.

4.6. Stimuler

Après une journée de classe, votre ado est fatigué. Il a besoin de

détente. Un goûter pris à la table est le bienvenu. Avec la détente

régulière, il travaillera plus efficacement. Une pause toutes les quarante-

cinq minutes ou toutes les trente minutes selon le cas. La pause sera

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active. Pas d’ordinateur ou de console de jeux pour se détendre parce

que la respiration sera la même que pendant l’étude à la maison : une

respiration lente qui n’oxygène pas complètement le corps. Donc la

pause sera active.

Besoin de loisirs aussi. Quelques pistes en vrac : pourquoi pas un mouvement de jeunesse ou un club sportif ? Pour les accrocs de l’ordinateur, proposez-leur d’organiser des rencontres avec des copines et copains de l’école qui pratiquent le même jeu qu’eux-mêmes ? 4.7. Lutter contre l’ennui scolaire

Stéphanie Leloup a soutenu le 21 Mars 2003, une thèse de Doctorat à l'Université de Reims sous la direction de Gilles BAILLAT, professeur de sciences de l'éducation à L'I.U.F.M. de Reims. Le jury était composé des professeurs Philippe MEIRIEU (Université Lumière-Lyon 2), Danielle POTOCKI-MALICET (Université de Reims), Jean Yves ROCHEX (Université de Paris VIII), Jean Louis WOLFS (Université Libre de Bruxelles).

Je me suis fondé sur sa thèse pour vérifier et identifier mes propres constats d’accompagnateur d’élèves et d’étudiants.

En suivant ce lien, vous découvrirez la totalité de sa thèse :

http://www.pedagopsy.eu/ennui_des_lyceens.htm

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4.7.1. Les constats C’est le prof qui fait le bon élève, la relation pédagogique occupe la première place dans les résultats du travail de Stéphanie Leloup, en cela il est important que les professeurs croient en la réussite de leurs élèves et les encourage. Ils ont du mal à trouver un sens global au travail qui leur est demandé à l’école. Leur souhait est d’être reconnu comme interlocuteur à part entière. 4.7.2. Les attentes des élèves Les élèves souhaitent davantage de concret dans les cours, pour eux tout est théorique. Il a l’impression que sa participation à la vie de la classe consiste à répondre aux questions qui sont posées. Le bon prof sait bien expliquer, mais souvent il ne s’intéresse qu’aux meilleurs. Le bon prof s’intéresse à autre chose qu’à son cours, par exemple à ce que font ses élèves quand ils ne sont pas en classe. Ils sont en attente de repères posés par le professeur. Par ailleurs, ils méprisent les professeurs qui ne se font pas respecter. Les élèves sont désireux d’autres méthodes d’enseignement. Par exemple :

- l’école invite selon la thématique du cours des témoins avec lesquels ils pourraient dialoguer avec des personnes qui parlent de leur vécu. Il est important que ces personnes ne soient pas prof pour que les élèves puissent parler d’égal à égal. Le prof animerait l’échange ;

- les voyages scolaires dans le but de découvrir de nouvelles choses, les échanges linguistiques pour apprendre la langue en immersion.

Ils répondent à l’enquête auquel je fais référence : on ne fait que gratter pendant les cours. Cela signifie que pour la majorité des élèves, ils ne voient pas le rapport entre ce qui est expliqué et les notes à prendre. Ils ne veulent plus apprendre par cœur. Non par paresse mais parce que ça n’a pas de sens pour eux.

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Les cours magistraux sont méprisés parce qu’ils sont théoriques et qu’ils sont dépourvus de faits en lien avec la vie quotidienne. Les élèves ont besoin que leur expérience personnelle converge avec le discours scolaire. Ils sont intéressés par les supports multimédias, par les mises en situation et les stages.

4.7.3. En famille, on peut avancer dans et avec ces blocages : Il est utile d’accompagner nos enfants à réfléchir sur les matières scolaires dont ils disent que ça ne sert à rien. Pour cela les moteurs de recherche peuvent permettre d’éclairer le sens des matières et de vérifier si ça ne sert à rien. C’est une bonne façon d’exercer leur esprit critique et de lancer avec le professeur concerné un dialogue bien utile. Les témoignages vécus des parents peuvent aussi permettre de relativiser ce que pense l’adolescent. 4.8. Le rôle de l’école Les adolescents comprennent bien que l’école secondaire est une institution qui est aussi l’agent de leur apprentissage. Ce n'est pas une relation personnelle qui s'établit, mais un rapport fondé sur le statut de chacun des acteurs : les élèves d'un côté, les enseignants, fonctionnaires de l'Éducation Nationale de l'autre.

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Le reproche majeur que ces étudiants adressent à l’école, c'est de leur fournir des connaissances dans un grand nombre de disciplines, mais de ne pas finalement les rendre capables de maîtriser parfaitement une matière. L'idée est la suivante : dans la voie technologique, on est censé apprendre un métier, or l'enseignement reste très théorique, même dans les matières technologiques. Quant aux sections d'enseignement général, c'est pire parce qu'il n'est pas du tout orienté vers la pratique.

4.9. Motivations intellectuelles et motivations affectives

Françoise Dolto rappelle :

Les motivations intellectuelles de l’apprentissage sont grevées de motivations affectives (…) nécessairement imbriquées à la loi de l’impossible pour le petit de prendre la place de l’adulte. (Françoise Dolto,

L’Echec Scolaire, 1987).

La problématique de l’apprentissage et du savoir renvoie toujours aux questions de dépendance à l’adulte.

4.10. Les liens unissant le savoir au sentiment de culpabilité

Lorsque l’enfant, l’adolescent entame une démarche d’émancipation il a conscience que le savoir est un attribut parental et qu’il faut le voler aux parents.

Françoise Hatchuel s’interroge ainsi sur les liens unissant le savoir au sentiment de culpabilité, qui empêchent certains enfants d’accéder sereinement à la connaissance. Elle écrit : Si apprendre c’est introduire du nouveau dans de l’ancien qu’il faut réorganiser, et que ce lien ne se construit pas suffisamment, l’apprentissage peut mettre en danger l’identité même de l’individu. Le risque peut alors exister de refuser le nouveau et de se raccrocher à l’ancien. (…)

La pulsion de savoir s’enracine dans un désir d’autonomie, désir de remplacer l’adulte, de se passer de lui, mais au risque de le voir nous prendre au mot alors qu’on n’est pas si certain ou certaine de pouvoir le faire. Pour s’engager de façon relativement sereine dans une démarche d’appropriation du savoir, il faudra donc laisser place à ces angoisses. (Françoise Hatchuel, Savoir, apprendre, transmettre, 2005, La Découverte).

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Elle conclut : Accepter d’apprendre, c’est prendre le risque de sortir de la dépendance, ce qui n’est possible que si l’on se sent à l’abri d’une éventuelle vengeance et suffisamment confiant en soi-même pour assumer cette indépendance.

4.11. Pourquoi as-tu raté ? Parce que je suis nul !

Je voudrais vous partager l’expérience que j’ai vécue avec Alexandre. Il a doublé sa seconde, a peiné pour la réussir . Arrivé en troisième, la réussite s’est avérée difficile. A tel point qu’il a été exclu de l’école où il se trouvait, en cours d’année et la famille a dû trouver une école qui l’accepterait. Il m’a dit : Maintenant, il faut que j’arrête de déconner. Il a tenu bon le premier mois puis a repris les anciennes habitudes qui l’avaient précipité en dehors de l’ancienne école. Quand j’abordais le sujet avec lui, il disait : C’est pas de ma faute, c’est tel prof qui ou c’est les copains qui. Je vais m’y remettre tu sais !, A l’approche des vacances de Pâques, j’ai refait un état des lieux pour chaque matière et lui demandais pour chaque cours : Que constates-tu ? Il répondait étonné : Mais je comprends ! Alors, lui disais-je, pourquoi ça ne marche pas ? Il m’expliquait alors qu’il n’appliquait pas les outils et techniques que je lui faisais découvrir. Ensemble, nous avons pour chaque cours appliqué les techniques et il concluait à la fin des rencontres : C’est plus facile d’étudier comme ça. Je croyais que cela allait prendre trop de temps. A force de rater coup sur coup à l’école, il avait perdu la confiance dans ses capacités. Je suis nul, je sais répétait-il jusque-là. Les examens sont arrivés et les vacances avec. Je l’ai retrouvé après les vacances. Ma première question était de savoir si ça avait marché. Il m’a tendu le bulletin. Il faisait la moue. Les mêmes cotes d’échec qu’au bulletin précédent. Tu es content de toi ? Lui demandai-je. Il me répond : Je savais que je raterais de toute façon. J’intervins :

- Tu as travaillé en appliquant la démarche que nous avons testée ensemble ?

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- Non, j’ai pas osé. - Mais tu as bien vu que ça marchait ? - Oui, mais, tu comprends si je ratais quand même après avoir

changé ma manière d’étudier ? J’ai préféré ne rien faire, comme avant.

- Je ne comprends pas, Alexandre. Tu connaissais les techniques et méthodes qui t’aurais permis de réussir, et tu ne les as pas appliquées. Cela n’a pas de sens, tu sais.

- Ecoute, maintenant je peux dire que j’ai raté, parce que je n’ai rien foutu. Si j’avais appliqué les techniques que j’ai apprises et que je ratais quand même, je n’te raconte pas le moral dans mes chaussettes.

Il était persuadé que le fait de travailler davantage risquait de révéler son incompétence. C’est pour éviter cela (…) que l’élève hésitant, préférant paraître fainéant plutôt que stupide, choisira finalement de travailler peu pour sauver son image et (…) sa valeur propre”. (Collectif : Est-il possible de prédire l’évolution de la motivation pour le travail scolaire de l’enfance à l’adolescence ? J.L. Gurtner, A. Gulfi, I. Monnard, J. Schumacher -Revue Française de Pédagogie n°155, avril-mai-juin 2006) Aujourd’hui, il a changé d’école et a le statut d’interne. Ce que je retiens de cela c’est qu’en famille sans être niais, il faut en permanence rassurer les adolescents et les enfants, les encourager dans leurs réussites dans la vie quotidienne, même s’il s’agit de petites victoires.

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Cette pirouette du SAVANT FOU, Albert EINSTEIN qui a su lire et écrire quand il allait avoir 8 ans ; ses parents l’ont placé dans une école spécialisée.

A 5 ans, cadeau de son père : une boussole (très impressionné par le mystère qui fait rester l’aiguille immobile). Prend conscience de l’action à distance.

A 6 ans, poussé par ses parents, il prend des cours de violon. Au début, il manifeste assez peu d’intérêt pour cette musique, jusqu’au jour où il découvre les sonates de Mozart. Il gardera cette passion pour le violon jusqu’à la fin de sa vie.

Il entre au même âge à l’école élémentaire de sa paroisse. Einstein n’est pas un modèle de réussite scolaire … Très fort en mathématiques, il est mauvais dans les autres matières, notamment en langues vivantes. S’il apprend les mathématiques par goût pour ceux-ci, il se force tant bien que mal à apprendre les autres matières par obligation pour l’obtention de l’examen. Einstein souffre même d’un retard de langage, il avait mis très longtemps à apprendre à parler et est encore la cible de difficultés d’élocutions, qui le gêneront jusqu’à l’âge de 9 ans.

A 10 ans, il quitte son école primaire pour le Luitpold gymnasium de Munich. Einstein vit alors assez mal la rudesse de la discipline qui y est appliquée. Ces gymnases (entendre lycée) allemands sont d’une sévérité militaire en cette fin de XIXème siècle. Einstein dira : « Les professeurs m’ont fait à l’école primaire l’effet de serpents, et au gymnase de lieutenants ». A 13 ans, il lit la « petite bible » de la géométrie. Cet ouvrage le marque profondément, il lui inculque la rigueur du raisonnement logique et lui fait abandonner toute croyance religieuse dogmatique. La vie passionnante d’Albert EINSTEIN n’a pas fini de vous étonner : voir

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