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Responsabilité sociétale Développement durable Responsabilité sociale Environnement Sécurité Qualité Ethique ISSN 0767-9432 L L e e n n t t r r e e p p r r i i s s e e f f a a c c e e à à l l a a s s o o c c i i é é t t é é : : d d e e n n o o u u v v e e l l l l e e s s p p r r a a t t i i q q u u e e s s m m a a n n a a g g é é r r i i a a l l e e s s . . Entreprise et changements sociétaux. page 6 Vers une culture renouvelée du management. page 13 N°257 Décembre 2014 LA REVUE DES MANAGERS ET DES ORGANISATIONS RESPONSABLES

Responsabilité sociale - lyon-ethique.org · pratiques managériales. Entreprise et changements sociétaux. page 6 Vers une culture renouvelée du management. ... En quelques années,

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Responsabi l i té sociétaleDéveloppement durable

Responsabi l i té sociale

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Entreprise et changements sociétaux.

page 6

Vers une culturerenouvelée du management.

page 13

N°257 Décembre 2014LA REVUE DES MANAGERS ET DES ORGANISATIONS RESPONSABLES

L’entreprise face à la société : de nouvellespratiques managériales.

Stratégie et Management

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Dossier : L’entreprise face à la société : denouvelles pratiques managériales.

SOMMAIRE

N°257 • DECEMBRE 2014

Edito

L’entreprise de demain : une métamorphose annoncée...

Rencontre avec ...

Geneviève Brichet.Entreprise et changements sociétaux.

Actualités

Myriam Maestroni, élue « Femme en Or 2014 » dans la catégorie environnement.

2015, année de la lumière en France.

Saint-Pierre et Miquelon, un projet de grand portde transbordement.

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Sélection du mois

Tendances

Le développement du m-commerce.Le HomeChat.Le bar à vitamines, un nouveau concept.

Geneviève Brichet, Administratrice del’ALEES, Association lyonnaise d’éthiqueéconomique et sociale.

L’entreprise du futur.

Vers une culture renouvelée du management.

Un nouveau rôle de l’entreprise dans les sociétés développées : la citoyenneté.

L’entreprise face à la diversité.

L’équité, un enjeu managérial.

Le concept de responsabilité.

Le manager face à l’e-co-innovation.

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Rencontre avec...

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N° 257 - Décembre 2014

JEAN-LUC LAFFARGUE

Les crises économiques, sociales et politiques nous mènent vers l’abîme.L’évolution du monde vers un « tout profit » avec son marché, son capital, a entraîné unerupture humaine sans précédent avec la réalité du vivant, la nature et ses lois. L’humanitésouffre des effets destructeurs d’une logique économique prédatrice et anthropophage quimet en coupe réglée la terre et les êtres.L’entreprise, face aux défis sociaux et sociétaux, à l’accélération des échanges et à la tyranniede l’immédiat et de l’instantané, est aujourd’hui au coeur d’un paradoxe. Attendue avecforce pour développer l’emploi, créer des vraies richesses, participer au développementdes territoires, elle est perçue, dans le même temps, comme un facteur de risques écono-miques, sociaux et écologiques majeurs. La crise économique que nous traversons révèleles effets «toxiques» de l’entreprise, à côté de ses prétendues vertus de création...

De nombreuses voix, des associations, des institutions, des mouvements divers, promeu-vent aujourd’hui des modèles alternatifs exprimant et dénonçant un peu partout dans lemonde cet ordre marchand qui nous précipite dans des crises de plus en plus profondes,détruisant tout ce qui lui est étranger, avec pour seul objectif de faire de chaque minute dela vie une occasion de produire, d’échanger ou de consommer de la valeur marchande. Lesdifférents mouvements qui s’amorcent n’acceptent plus que quelques milliers de personnessoient capables d’appauvrir des centaines de millions d’autres.

Le développementmet le modèle occi-dental comme arché-type universel pourla planète. Il supposeque les sociétés occi-

dentales constituent la finalité de l’histoire humaine… l’idée de « supportabilité » ou dedurabilité ne saurait améliorer profondément l’idée même de développement. Elle ne faitque l’adoucir, que l’enrober de pommade. L’esprit humain est conditionné comme il ne l’a jamais été par une dictature médiatiquequi abrutit pour nous rendre réceptif à la publicité, ou pour noyer les enjeux sociaux et ré-duire la politique à des questions de rivalités de personnes. La liberté de choix disparaitderrière le modèle unique de la consommation.

Le développement économique, commercial ou financier d’une entreprise peut-il avoirun sens profond s’il ne contribue pas à l’accès aux droits des citoyens impactés par ses ac-tivités ? Nos organisations ne peuvent faire l’économie d’une réflexion et d’un engagementsur ces enjeux qui sont au cœur de leurs activités.

La société a changé et ce n’est que le commencement car nous sommes toujours dans lapréhistoire de l’humanité. Les citoyens ne veulent plus être exclus des choix qui engagentle présent et l’avenir. Les systèmes pyramidaux doivent faire place à des engagements col-lectifs, mobilisant l’ensemble des forces vives, salariés, organisations syndicales, action-naires, investisseurs, fournisseurs, clients, institutions internationales, Etat, collectivités,consommateurs, ONG … d’autant plus dans une période où nos économies, nos institu-tions sociales, nos systèmes politiques, nos systèmes monétaires, nos organisations inter-nationales… échappent à notre contrôle et deviennent ingouvernables. Nos conditions devie sont elles-mêmes menacées, que ce soit par les catastrophes naturelles et technologiques,la pollution sous toutes ses formes (la pire étant celle de l’esprit), le réchauffement clima-tique, la désertification, l’aggravation de la misère et de la faim dans le monde, la sécuritédes aliments, les déséquilibres démographiques, les tensions géopolitiques, …L’humanité est entrée dans une période prolongée de transition. Pour ce XXIème siècle,l’urgence est claire : il est impératif de changer de modèle de civilisation. Pour cela, il fautcommencer par dévoiler et démonter les mécanismes du modèle capitaliste dominant, ré-gime basé sur l’appropriation et le contrôle privé de la production et de la consommationorientée vers la maximisation du profit. En même temps, il faut mettre en route les alter-natives du changement. Mais quels seront les nouveaux modèles économiques du 21ème

L’entreprise de demain : une métamorphose annoncée…

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siècle ? Quels nouveaux systèmes financiers, de production, de distribution ? Reposant surquelles matrices énergétiques ? Parmi les principes de cette nouvelle vision se trouvent lesoin, la coopération, la solidarité, la participation, la satisfaction des besoins vitaux, l’échelledu territoire et de la proximité, une redistribution plus juste, la coresponsabilité, l’éthique,l’équité. Face à cela, il ne suffit pas de sauver des banques, de renflouer des dettes et de développerdes actions désespérées d’aides financières de la dernière heure. Cela ne sert qu’à retarderl’inévitable. Il est nécessaire de transformer radicalement les règles du système financierqui devra se nourrir des fondements éthiques d’une bio-civilisation pour la soutenabilitéde la vie sur la planète. Il serait temps que l’humanité s’interroge sur sa signification et surle rôle qu’elle joue dans le processus de la vie.C’est une crise humaine et de civilisation qu’il nous faut régler en procédant à une meilleurerépartition des ressources de par le monde. Car chacun doit retrouver son droit fondamentalà exister dignement. Pour cela nous devons nous reconnecter à nous-mêmes et à la nature.La transformation du monde passe d’abord par un changement profond en nous-mêmeset autour de nous.

Ajoutons le numérique qui est au cœur de tous les processus et en particulier celui de l’in-novation : Internet et les réseaux sociaux, la géo-localisation, les smart grids, les Moocs, lesobjets connectés et intelligents, les jeux, le design numérique, l’impression 3D, les robots…le numérique nous entraine dans un véritable « big bang ». Avec lui, l’ère du tout connectéest en route. En quelques années, l’économie numérique a explosé et va encore plus révo-lutionner notre façon de communiquer, de consommer, de travailler, de nous soigner, devivre et de penser. Parler de société numérique signifie que tous les aspects de la vie sociale,l’économie, l’organisation du travail, les relations interindividuelles, la culture, les loisirs…se trouvent concernés par cette transformation de nos modes de communication et d’infor-mation, créant un mouvement sociétal d’un autre type par la modification de notre rapportaux autres et au monde. Cette transformation va concerner également la structure cognitivede l’individu à la fois dans son fonctionnement et dans ses rapports avec la société.

Les crises actuelles sont des alertes, des opportunités à saisir pour accéder à un ordre plusnaturel ; elles nous conduisent vers une tâche urgente et nécessaire, celle d’effectuer deschoix fondamentaux où l’humanité est face au défi d’aller vers la construction des bases etdes relations entre les humains, de ces derniers avec la biosphère, qu’ils soient ainsi capablesde nourrir un processus vertueux, encore possible, de durabilité sociale, environnementaleet écologique. Il faut alors construire des collectifs, des liens, de la coopération et alimenterles pratiques réformatrices de l’économie vers un monde plus équitable et plus durable.

Les transitions emprunteront des voies plurielles, mais c’est dans ce contexte que l’huma-nité, et donc l’entreprise, est en train de construire un horizon commun comme jamais ellene l’avait fait auparavant, tout en ayant en même temps une conscience très vive de sa pro-pre diversité, de sa multiplicité, de ses différences et de ses complémentarités. Tous les ac-teurs économiques sont appelés à relever le défi de mettre les droits humains au cœur deleur politique et de leur stratégie de développement, et à exercer ainsi, effectivement, leurresponsabilité sociétale d’entreprise. Ce programme urgent est décisif et essentiel pour évi-ter à tout prix que l’uniformité et la désertification, l’extrême richesse et l’absolue pauvreté,l’inculture et la guerre, ne deviennent la lumière noire qui éteigne notre libre destinée.A coup sûr, l’accélération sociale et sociétale, ses conséquences, ses risques, et la manièredont nous saurons y faire face représentent un des grands défis de notre XXIème siècle.Nos priorités résident aujourd’hui dans la production de sens. D’autres modèles de développement existent. Tournons-nous comme certains chercheurs,agriculteurs, citoyens, vers ceux qui travaillent à remettre les sillons de nos champs dans lebon sens…

Toute l’équipe de Qualitique, la rédaction, les auteurs et personnalités qui ont contri-bué à enrichir la réflexion vous souhaitent une bonne année 2015.

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RENCONTRE AVEC...

... Geneviève Brichet.

Entreprise et changements sociétaux.

soit respecté. Il est bien entendu que l’on ne peut se réaliser dansson travail que si on lui donne du sens. Les mana-gers devraient s’en préoccuper pour que chaque col-laborateur ait sa place dans l’équipe, une placeconnue et reconnue garante de son autonomie et desa responsabilité vis-à-vis de lui même et de ses col-lègues. Quant à la confiance, elle est le corollaire du respect.Cela ne veut pas dire que le manager doive secontenter de laisser faire, ce qui s’apparenterait à del’indifférence. C’est peut être la bienveillance quipourrait le mieux définir la confiance.

Que représente aujourd'hui une entreprise éthiqueet quelles sont ses valeurs ?

Les entreprises sont des entités et non des per-sonnes. Elles n’ont donc pas de valeurs autres quecelles des hommeset des femmes qui la constituent.L’éthique étant prise au sens de questionnementpermanent sur les conséquences d’une décision, les

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Geneviève Brichet, Administratrice d’ALEES, Association lyonnaise d’éthique économique et sociale.

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Depuis quelques décennies, les anciens modesd'organisation de l'entreprise se trouvent remis enquestion. L'entreprise de demain est sans doute àréinventer. Selon vous, quels sont les principaux éléments àprendre en compte pour innover et anticiper lesmodes de management futurs ?

L’entreprise est à réinventer, tout comme la sociétéqui se réinvente tous les jours, et de plus en plusvite. Il faut d’ailleurs remarquer que l’entreprise estsouvent en avance sur les changements sociétaux,peut être en tant que société en miniature? Je vois trois éléments principaux à prendre encompte pour manager les entreprises de demain: lerespect de la valeur-travail, la nécessité de trouverdu sens à ce qu’on fait (et le partager) et la confianceen la capacité des collaborateur à effectuer leur mis-sion... Mais pour cela, encore faut-il que celle-ci soitcorrectement définie et comprise par tous !La valeur travail, c’est considérer que l’individu seréalise dans ce qu’il fait si tant est que son travail

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Geneviève Brichet

Geneviève Brichet

RENCONTRE AVEC...

valeurs de respect sont prédominantes. Mais unefois qu’on a dit ça, comment le met-on en pratiqueau quotidien ?Je propose deux exemples de situations qui pointentces valeurs de respect :- pouvoir résister à un objectif purement financier,pour remettre l’être humain au centre, comme va-leur prédominante. Le questionnement éthique in-tervient alors pour faire des choix (parfois difficiles)en faveur de l’émancipation, plutôt que de l’enfer-mement dans les oukases du système. Comme parexemple avoir le courage de choisir de réaliser uneperformance financière moins importante, de préfé-rence à entrer à tout prix dans des ratios imposés,en imposant un surcroit de travail sans contrepartieou un licenciement.- faire confiance en ceux qui sont les forces vives del’entreprise, pour prendre la bonne décision, trouverles bonnes idées, celles qui bénéficient à la fois auxsalariés et à l’entreprise. Bien sûr, les conflits d’inté-rêts existent, mais il est possible de les régler par ledissensus, c’est-à-dire que chacun puisse conserverses prérogatives, sans menacer la vie du groupe. In-viter à trouver un consentement mutuel (ce qui neveut pas dire un consensus, trop souvent mou et quicrée des insatisfactions). Parce qu’inciter à jouer col-lectif, ça passe par la confiance que les individuss’apportent mutuellement.

Comment favoriser une attitude éthique dans lemanagement ?

Développer une démarche RSE sincère est déjà unbon départ. Il semblerait que l’exemplarité du (des)manager(s) soit un préalable. Ne demandez pas àdes collaborateurs d’avoir un comportementéthique si la direction de l’entreprise fait tout lecontraire ! Pour l’Association Lyonnaise d’Éthique Écono-mique et Sociale, l’éthique est avant tout un ques-tionnement. Un manager qui s'interroge n’est pasun manager indécis qui doute en permanence et in-capable de décider ; c’est juste un individu conscientde l’impact de ses décisions sur la vie d’une équipe(plus ou moins importante) d’individus. En ce sens,le questionnement est un devoir et l’éthique suit.

Nous entendons de plus en plus parler de "mana-gement en mode chaotique horizontal" et de"bunsha". Pouvez-vous nous en dire quelquesmots ?

On parle beaucoup de sociocratie qui considère quel’entreprise se comporte comme un organisme vi-vant. C’est le cas du bunsha.Cette méthode consiste à favoriser la division del'entreprise selon le mode biologique de la divisioncellulaire. A partir d'une certaine taille, les struc-tures sont trop complexes pour être gérables. Il s'agitdonc pour le manager non plus de diriger, mais defaciliter la création de cellules autonomes et inter-connectées reposant sur des personnes-idée inno-vantes. Celles-ci sont en charge de développer leuractivité en toute liberté, tout en donnant à chacunede ces cellules la responsabilité collective de l'en-semble de l'entreprise (comme en biologie). Cetteméthode repose là aussi sur la confiance et l'autono-mie des personnes.Le management dit «en mode chaotique horizontal»s’applique avec succès aux entreprises innovantesou aux petites entreprises où le partage du pouvoirse fait au prorata de la reconnaissance par tous descompétences de chacun. La progression se fait na-turellement sur un process « échec/réussite ».Il s’agit là de simplifier la structure pour que chacunait un rôle déterminant, l’encadrement n’étantqu’une compétence, pas un instrument de pouvoir.A partir de là, l’implication des collaborateurs se faità travers des catalyseurs : écouter, célébrer, recon-naître; consacrer une importance primordiale au re-crutement à travers toutes les facettes de l’individu(et pas simplement son savoir-faire); reconnaître lespotentialités de chacun; accepter la remise en cause,l’échec, susciter l’évolution et former en perma-nence.Et ça marche!

Et en guise de conclusion…

Je vous propose une conclusion simple et exigenteà la fois : les Valeurs créent de la valeur.

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ACTUALITÉS

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Myriam Maestroni, Présidente de la société « Économie d’Énergie », élue « Femme en Or2014 » dans la catégorie Environnement.

Myriam Maestroni, fondatrice et Présidente dela Société Économie d’Énergie SAS, vient derecevoir le Trophée de « Femme en Or » dansla catégorie Environnement. La 22ème céré-monie de remise des prix récompensant desfemmes d’exception a eu lieu le samedi 13 dé-cembre à Avoriaz. Ce trophée, créé en 1993 parEstelle Barelier, a pour but de récompenser desfemmes qui contribuent, chacune dans son do-maine, à valoriser, le rôle et la place desfemmes dans le monde. Les lauréates sontchoisies pour l’exemplarité de leurs actions etde leurs parcours.Pour Myriam Maestroni, cette distinction re-présente la consécration d’une vie dédiée àl’énergie et notamment, ces trois dernières an-nées, aux économies d’énergie et à l’environ-nement.L’ex-dirigeante de Primagaz a, en effet, créé unnouveau métier spécialisée dans l’accompa-gnement en économie d’énergie en fondant laSociété Économie d’Énergie SAS en 2011. Lesrésultats de l’entreprise lui confèrent au-jourd’hui une réelle légitimité sur le marché.

Cette entreprise vise à promouvoir et à accom-pagner les travaux de rénovation énergétiquechez les particuliers et plus généralement lesactions d’optimisation d’efficacité énergétiquedes sociétés (B2B) qui souhaitent être partiesprenantes de la transition énergétique enFrance. En seulement 3 ans, elle a réussi à ga-gner la confiance des plus grands acteurs del’économie (Auchan, Mr. Bricolage, Total,Esso, Schneider, Rexel, Castorama, etc), en lesaccompagnants de façon très opérationnelle,qui ont déjà permis de financer 250 000 tra-vaux de rénovation énergétique dans notrepays. En créant des solutions digitales globalesinnovantes, la société qu’elle a fondée etqu’elle dirige a fortement contribué à faire en-trer le monde numérique dans le secteur del’énergie : les plateformes web dédiées auxéconomies d’énergie conçues par la sociétépour ses clients ont drainé un trafic représen-tant 5 millions de visiteurs. Une réussite por-teuse d’espoir pour le futur dans notre paysdans lequel on compte 15 millions de loge-ments consommant 6 à 9 fois plus qu’un loge-ment construit neuf, et dont la dirigeantedonne les clés dans un livre qui a marqué lesesprits : « Comprendre le nouveau monde del’énergie - Économie d’énergie et efficacitéénergétique : le monde de « l’Énergie 2.0 » ».

Myriam Maestroni a fondé et préside égale-ment un think tank opérationnel, « e5t » -www.e5t.fr»-, pour contribuer à la réflexionsur la transition énergétique et milite pour at-teindre le million de logements rénovéschaque année, soit le double des objectifs fixéspar l’État. Un signal fort que pourrait donnerla France, à un an de l’organisation à Paris dela 21ème conférence des Parties de la Conven-tion cadre des Nations unies sur les change-ments climatiques.

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2015, année de la lumière en France.

L’Organisation internationale des NationsUnies (ONU) a proclamé « 2015, Année Inter-nationale de la Lumière et des Techniques uti-lisant la Lumière » lors de la 68e session de saConférence générale.En proclamant une Année Internationale dé-diée à la lumière ainsi qu’à ses applications,l’ONU reconnaît l’importance de sensibiliserle public à la capacité des techniques utilisantla lumière de contribuer au développementdurable et d’apporter des solutions aux grandsdéfis contemporains tels que l’énergie, l’édu-cation, l’agriculture et la santé.Un Comité National élargi a été mis en placepour l’animation de « 2015, Année de la Lu-mière en France », comité constitué de toutesles forces vives qui gravitent autour de la lu-mière en France. Ce Comité rassemble et fé-dère, sous le patronage de ClaudeCohen-Tannoudji et Serge Haroche, prixNobel de Physique, les principales structuresqui travaillent dans le domaine de la lumière :ministères, académies, sociétés scientifiques,universités, grandes écoles, associations, clubs,centre de culture, musées, grands groupes in-dustriels, PME, grands organismes, maisonsd’édition, organismes et structures de forma-tion.

La lumière est un sujet qui unifie l’humanité,elle est essentielle à la vie. L’Année internatio-nale de la Lumière est un instrument idéal

pour une prise de conscience du rôle centralque la lumière occupe dans notre futur, dansson impact sociétal, économique, écologique,dans le développement durable.L’année de la lumière mettra en valeur les ca-pacités de la lumière à apporter des solutionsaux grands défis contemporains dans des sec-teurs vastes et variés: énergie, éducation,sciences et technologies, santé, industrie, notreunivers, vie quotidienne, culture, biologie,agriculture raisonnée, exploitation durable desressources naturelles.

Le Comité National organise la Cérémonie delancement de « 2015, Année de la Lumière enFrance » le 8 janvier 2015 à la Sorbonne quidonnera le signal de départ à des centaines demanifestations, d’évènements et de projets or-ganisés partout en France et tout au long del’année.L’éducation des jeunes est un enjeu importantde cet événement afin de promouvoir, dans lescollèges, lycées et universités, le rôle dessciences et technologies de la lumière (regrou-pées sous le terme couramment appelée Pho-tonique) vers des nouvelles carrièrespluridisciplinaires et transversales de grandavenir.La parité et l’égalité entre les hommes et lesfemmes sera naturellement un autre enjeu ma-jeur.Cette cérémonie sera l’occasion d’écouter desinterventions d’acteurs prestigieux des do-

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maines concernés par la lumière, ainsi que destémoignages très concrets des possibilitésqu’offre le domaine de la lumière pour stimu-ler l’innovation technologique, préserver l’en-vironnement, améliorer la santé et la viequotidienne.Au cours de l’après-midi, sera également remisle Prix Jean Jerphagnon. Ce prix récompenseun projet innovant à cœur optique-photoniqueavec un fort potentiel industriel ou une grandevaleur scientifique.

Partenaires : Ministère de l’Education natio-nale, de l’enseignement supérieur et de la re-cherche ; Essilor ; Hamamatsu ; CNRS ; AFOP;EDP Sciences ; CNOP France ; Optics Valley ;Thales ; SFO.Et avec le soutien de : ACE, AFE, Anciens deSupoptique, CEA, CIE-France, Cluster Lu-mière, CNAM, Élopsys, ENSSAT, ESPCI, Ins-titut d’Optique Graduate School, Observatoirede Paris, Optitec, Photonics Bretagne, Pôle Ora,Quantel, Route Des Lasers, SEDI ATI Fibres

Optiques, Société chimique de France, Sociétéfrançaise d’astronomie et d’astrophysique, So-ciété francophone des lasers médicaux, Sociétéfrançaise de physique, Supelec, Synchotron So-leilL,Techinnov, Télécom Paris Tech, Univer-sité Franche-Comté, Université Joseph Fourier.

Saint-Pierre et Miquelon, un projet de grand port de transbordement...

et soumis à des cultures syndicales pesantes".Selon les études, cofinancées par le Medef local (pré-sidé par Roger Hélène) et l'Etat à hauteur de 80.000euros, entre 100 et 180 emplois directs seraient géné-rés à l'horizon 2020 par le terminal dont le coût totalde réalisation (infrastructure et équipements) s'élève-rait à environ 300 millions d'euros. Reste que ce projetest adossé à une aide de l'Etat via la défiscalisation,au titre des investissements outre-mer, qui pourraitreprésenter "entre 50 et 100 millions d'euros de lasomme totale", selon les estimations du ministère desOutre-mer.A suivre…

L'archipel français de Saint-Pierre et Miquelon se rêveun avenir maritime en dehors de la pêche, avec unprojet de grand port de transbordement de contai-ners.Saint-Pierre et Miquelon, situé dans l'Atlantique norden face du Saint-Laurent, "a l'avantage d'être au croi-sement de plusieurs routes maritimes : de l'Europedu nord vers Montréal et la côte est des Etats-Unis,de l'Asie via Suez et la Méditerranée vers Montréal",explique à l'AFP Michel Darche, président de la NordAtlantic Container Terminal (NACT), société ad hoccréée il y a un mois par deux entreprises privées del'archipel (Hélène et Fils et la SPI).De plus, le port de Saint-Pierre atteint "rapidementles 25 mètres de tirant d'eau, ce qui permettrait d'ac-cueillir des gros navires, il bénéficie d'une protectionnaturelle, il y a de la place et pas de concurrence avecd'autres activités portuaires", détaille M. Darche, quifut le directeur d'exploitation du port du Havre. Ilavance aussi l'absence, en Amérique du nord, de hubde transbordement : "ce n'est pas dans la culture desEtats-Unis et du Canada dont les ports sont très chers

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L’entreprise du futur.

Vers une culture renouvelée du management.

Un nouveau rôle de l’entreprise dans les sociétés développées : la citoyenneté.

L’entreprise face à la diversité.

L’équité, un enjeu managérial.

Le concept de responsabilité.

Le manager face à l’é-co-innovation..

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L’entreprise du futur.

Nous sommes encore dans des modèles de management quigarde les empreintes du début du XXème siècle, alors que l’en-treprise de demain est collaborative créant de l’émulation etdes interactions entre toutes les parties prenantes, dans unmonde qui change à une vitesse effrénée. Ce changement im-plique de nouveaux défis managériaux : redéfinir les rôles dechacun, les modalités de communication internes et externes,les relations hiérarchiques, les codes, etc. Pour réussir cettetransition il faut avant tout reconnaitre la nécessité de modi-fier la culture organisationnelle, les styles d’encadrement et lesattitudes en matière de management. Le management serafondé sur la confiance, l’entraide, la coopération, dans un sys-tème de gouvernance holocratique, qui redistribue l’autoritéet les prises de décisions au travers d’équipes auto-organiséeset opérant en réseau. Dans ce contexte, l’organisation est consi-dérée comme un être vivant. Celui-ci a une raison d’être et estégalement sujet à des tensions. Ces dernières doivent être iden-tifiées et signalées par ses membres, pour être ensuite traitéesde façon systématique et rapide. Le pilotage de l’organisationest dynamique et connecté aux problématiques du quotidien,

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permettant à l’organisation de traiter rapidement les su-jets et être plus agile.

Le plus grand défi sera de repenser l’organisation du tra-vail et de revenir à des entreprises à taille humaine pourque le management prenne en compte les êtres humains.La capacité de comprendre son environnement, d’êtrecomplètement connectée, de s’adapter voire de se réinven-ter, sera plus que jamais les atouts qui vont conditionnernon pas seulement le développement mais la survie del’entreprise. Le besoin de solutions collaboratives inté-grant le chat, la gestion de présence, la vidéo, le partagede connaissances et de documents va devenir de plus enplus fort. Parallèlement, on observe une intégration dessolutions « grand public » dites « communautaires »,comme par exemple Facebook, dans la sphère profession-nelle et dans la stratégie des entreprises.

Les « causes » de modification des conditions de l’exer-cice du management sont principalement : la mondiali-sation de l’économie, la déréglementation et l’avènementdes technologies de l’information et de la communication.Face à cela, les managers se retrouvent moins nombreuxpour exercer des activités élargies avec des services fonc-tionnels amaigris. Parmi les nouvelles attributions dumanager, les ressources humaines prennent une place pré-pondérante ; il se retrouve ainsi coresponsable avec lesservices des ressources humaines. D’acteur interne à l’en-treprise, il est devenu en quelques années agent d’inter-face entre l’organisation et l’environnement. Sa vocation,ou plus exactement celle de son entreprise, est de produirede la valeur qui n’est plus exclusivement axée vers les ac-tionnaires puisque la dimension éthique et de citoyennetéprend une place de plus en plus importante dans lespréoccupations des parties prenantes… cette valeur pro-duite doit bénéficier aussi bien aux clients qu’aux colla-borateurs et servir la société dans son ensemble. Lesdécisions devront émerger du groupe en toute transpa-rence. Les réseaux de création de valeur transcendentsouvent les limites de l’entreprise. Ils rendent, de la sorte,obsolètes les outils de management basés sur le pouvoiret l’autorité.

L’épanouissement personnel, la considération de l’être,l’expertise de chacun, au service de l’entreprise, de l’or-ganisation, conduisent à recentrer l’activité autour deshommes, qui font la réussite de l’entreprise.

Il devient nécessaire de créer au niveau mondial uncontexte moral, éthique, philosophique, voire spirituel qui,non seulement, nous permette de relever les défis actuels,mais nous pousse également individuellement à adopterune vision intégrale pour faire évoluer notre niveau glo-bal de conscience et transformer notre culture. Ce mêmechangement de perspective doit advenir aux entreprises.Combien de conflits, d’injustices, de suicides, de réorga-nisations « miracles » seront nécessaires pour comprendrequ’il faut ouvrir la porte à une nouvelle culture entre-preneuriale qui donne au collectif son véritable sens ? Ilest temps d’adopter une nouvelle gouvernance qui per-mette aux individus de transcender leurs peurs et leursambitions personnelles pour laisser la place aux valeurshumaines les plus fondamentales.

Jean-Luc Laffargue.

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STRATÉGIE ET MANAGEMENT

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Vers une culture renouvelée du management.

Les évolutions socioculturelles, les évolu-tions technologiques, constituent lesfoyers où s’esquissent les structures de

la société de demain et même si le « socle ma-nagérial » demeure le même celles-ci vont for-tement impacter le pilotage des activités et lemanagement des hommes. Ceci va demander desaptitudes aux entreprises et aux managers pours'adapter aux mutations de leur environnement.

DE PROFONDS CHANGEMENTS.

Qui dirige ? La dispersion du pouvoir dansl'économie mondiale est devenue flagrante.

Les frontières entre le privé et le public, le na-tional et l'international, le licite et l'illicite sonten fait très floues. La crise économique et fi-nancière n'a pas affaibli la domination desschémas de pensée qui orientent les politiqueséconomiques depuis plus de trente années. Le

pouvoir de la finance n'est toujours pas remisen cause. Cette grande crise doit provoquerune refondation de la pensée économique.

Une alliance entre la société civile, les organi-sations syndicales, les mouvements sociaux etles forces politiques progressistes est néces-saire pour sortir l’Europe de la crise engen-drée par le néolibéralisme et la finance. Lemodèle de développement actuel n’est pasviable, pas seulement pour l’environnement,mais aussi d’un point de vue économique, so-cial et de l’emploi. Cependant, le nouvel ordredu monde semble laisser les humains désar-més face à un ensemble de situations nou-velles qui appellent d’autres pratiques,d’autres valeurs. Nous en sommes à essayerde réinsuffler du sens en réhabilitant ou en ré-inventant des valeurs.

Le système mondialisé mis en place pour fairecirculer les richesses ne nous permet plus decroire qu’il fonctionne pour le bien de l’huma-nité, et l’impression de chaos se fait sentir

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dans tous les domaines : crise écologique, ali-mentaire, politique, sociale, financière, écono-mique, et enfin crise des valeurs.

La société a changé et ce n’est qu’un début.Les citoyens, confrontés à des risques techno-logiques, environnementaux, sanitaires, ali-mentaires, sociaux, économiques, … neveulent plus être exclu s des choix qui enga-gent notre avenir. Le modèle autoritariste etunilatéral, qui a prévalu depuis un demi-siè-cle, commence à produire des effets « boome-rang » qui ne seront désamorcés qu’avecl’implication de toutes les composantes de lasociété.

Les systèmes pyramidaux doivent faire placeà des engagements collectifs pour le dévelop-pement durable, mobilisant l’ensemble desforces vives : salariés, organisations syndi-cales, investisseurs, fournisseurs, clients, etdes partenaires de l’entreprise : institutions in-ternationales, Etats, pays et collectivités d’im-plantation, experts indépendants, ONG,consommateurs … L’entreprise doit passerd’une culture de la demande, de l’exploitationdes ressources (humaines, naturelles, finan-cières) à l’élaboration de contrats sociétaux,concertés et évalués.

Le développement durable conduit les entre-prises à une culture renouvelée du manage-ment, fondée sur la responsabilité, et sur uneréelle reconnaissance d’acteurs, de savoirs etde modes d’intervention complémentaires.Cette reconnaissance est une source d’innova-tion (sociale et technologique) et de richesses(économiques et culturelles), sous réservequ’elle s’appuie sur les partenariats. Les par-tenariats entre les ONG et les entreprises sontdes vecteurs indispensables à la mise enœuvre du développement durable. Les entre-prises doivent s’appuyer sur la capacité d’ex-pertise, de vigilance et d’observance despratiques des ONG. Les ONG doivent s’ap-puyer sur les contre-pouvoirs que constituentles quelques entreprises pionnières, pour leurscapacités à projeter à moyen et à long terme età faire évoluer, au sein de leurs secteurs d’ac-tivité, les pratiques des dirigeants.

Les entreprises doivent également tisser despartenariats avec les autorités locales. EnFrance, l’engagement croissant des Régionsdans des stratégies intégrées de développe-ment durable et des collectivités (villes, agglo-mérations, pays, départements) dans lesAgendas 21 locaux, devrait contribuer à créerdes espaces de concertation et de dialogue oùdéfinir à la fois les enjeux et les moyens à met-tre en œuvre pour l’ancrage territorial du dé-veloppement durable, à partir des besoins etdes attentes exprimés par les acteurs territo-riaux.

Pour Susan Strange, le pouvoir est la capacitéd'écrire les règles du jeu de la mondialisationdans les quatre domaines, à ses yeux fonda-mentaux, que sont la sécurité, la production,la finance et le savoir. Elle demande alors quien a la capacité : dans son ouvrage « Le retraitde l'Etat. La dispersion du pouvoir dans l'éco-nomie mondiale », elle aborde plusieurs ac-teurs comme les mafias, les compagniesd'assurances, les grands cabinets d'audit…plus qu'une grande théorie du monde, unechimère à laquelle elle ne croyait pas, elle pro-pose une méthode de diagnostic, valable pourn'importe quel secteur de l'économie mon-diale que l'on veut décrypter.

Cette méthode consiste à identifier le réseaucomplexe d'autorités entrecroisées à l'œuvre(pas seulement les décisions des Etats) ; à met-tre en évidence les accords qu'ont passés entreelles ces autorités et le résultat (outcome) pro-duit ; à mettre au jour les valeurs prioritairesretenues par ces autorités (prospérité et ri-chesse, justice et équité, sécurité, ordre et sta-bilité, liberté et autonomie de décision) etcomment elles se répartissent entre groupessociaux et individus (qui gagne quoi, qui perdquoi ?) ; à déterminer les points de fragilité desaccords en cours ; et, enfin, à mettre en évi-dence les accords alternatifs possibles. Le touten mobilisant l'économie, la science politiqueet l'histoire, éléments d'une nouvelle disci-pline créée par Strange et baptisée "économiepolitique internationale".

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REMETTRE L’HUMAIN AU CŒUR DEL’ÉCONOMIE

Notre modèle actuel se caractérise parla démesure et le mal de vivre.Il faut promouvoir une transition vers une so-ciété « du bien vivre ».

Cette situation est en grande partie le résultatde la mainmise du système financier sur lesentreprises industrielles. L’entreprise est de-venue l’un des instruments majeurs de lacourse au profit imposée par ce système bou-limique et irréductible qui la détourne ainsid’une grande partie de ses finalitésoriginelles ou potentielles ; en particu-lier, son rôle dans le développementsocial de la société à laquelle elle ap-partient. L’entreprise, sous la pressionde la financiarisation est devenue unoutil qui doit générer un rendement fi-nancier immédiat pour des actionnaires deplus en plus gourmands. L’entreprise créatriced’emplois, répartiteur de revenus entre le tra-vail et le capital… autant de responsabilitésaujourd’hui sacrifiées à la quête permanentedu profit à court terme. Une réorientation decette économie doit être effectuée de manièreà prendre en compte les enjeux du long termepour créer de vraies richesses et des emplois.La performance de demain repose sur un ma-

nagement porteur de sens qui passe par la res-ponsabilité et l’éthique.

Une coordination de l’ensemble du tissus éco-nomique est obligatoire afin d’atteindre l’ob-jectif et de créer ainsi les leviers nécessaires.C’est pour cela que nous devons nous tournervers des méthodes qui abordent l’entreprisedans toutes ses facettes : organisationnelle, hu-maine, sociale, managériale et qui prônent unevision interactive du changement, avec desdémarches qui allient vision stratégique, orga-nisation transverse et management opération-nel …

Après les slogans des années 80 : motivation,participation, implication, puis l'améliorationde la qualité des années 90, l'objectif des ap-proches de ce début de siècle sont : transver-saliser, dynamiser, décloisonner, fluidifier,alléger, responsabiliser, innover, donner dusens…

Leur quête pose la question fondamentale desmécanismes de survie de l'entreprise. Noussommes à un virage où probablement seul un

L’entreprise est devenu l’un desinstruments majeurs de la courseau profit imposée par ce systèmeboulimique... »

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changement de paradigme permettra de trou-ver dans l'arsenal des méthodes de manage-ment traditionnel une autre façon de voir, depenser le fonctionnement des organisationsindustrielles et de service, des administrationset des groupements d'hommes œuvrant pourune cause commune. Ce management permetde développer la richesse et la créativité indi-viduelles et collectives.

L’entreprise du futurne se conçoit plus uni-quement en termestechnologiques, maisde manière fondamen-tale via son approchemanagériale. La vérita-ble innovation n’est pascelle qui va unique-ment mettre à jour denouveaux outils de tra-vail, mais celle qui vapermettre leur intégra-tion dans les stratégiesd’entreprises et qui vaprendre en compteleurs impacts humainset sociétaux.

EVOLUTION ET SURVIE.

La survie des espèces passe par leur aptitudeà s'adapter aux mutations de leur environne-ment.

La bactérie est une championne de la survie.Elle est capable de vivre dans tous les milieuxde notre planète, sur et sous la terre, jusquedans l’interstice des roches profondes, en sur-face ou au fond des océans, dans les déserts etsur les glaces, en parasites ou en commensalesde tous les autres êtres vivants au point que,sans elles, la plupart des organismes dits su-périeurs ne pourraient pas vivre. Elles sont ca-pables d’utiliser comme source d’énergiepresque tout ce qui possède des liaisons chi-miques riches en énergie et comme source decarbone presque tout ce qui contient des

atomes de carbone. Pour y parvenir, elles dis-posent d’un fantastique pouvoir d’évolution,leur ayant permis de s’adapter à ces divers mi-lieux, de cohabiter, de coopérer avec les autresorganismes vivants au fur et à mesure del’évolution de ceux-ci, de biodégrader des mo-lécules créées par la civilisation humaine, derésister aux antibiotiques…

Pour cela, il leur faut apprendre à accompa-gner les évolutions, à trouver leur place dansun équilibre dynamique, à intégrer rapide-ment des comportements adaptés au contexte.L'adaptabilité nécessite aussi une capacité àdévelopper des relations harmonieuses avecles autres espèces, faute de quoi il y aura luttepour la survie de l'une au détriment de l'autre.Les espèces les plus prolifiques sont non seu-lement capables d'anticiper ces évolutionsmais aussi de les influencer, et enfin d'adapterprogressivement leurs relations avec l'exté-rieur.

Parfois, cela requiert une mutation profondede leur métabolisme et de leur structure in-terne.

La disparition des dinosaures est l'exemple de

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la difficulté d'une espèce à s'adapter. Plus quele résultat du changement lui-même, c'est lapropension au changement, c'est-à-dire l'apti-tude à réagir, puis à changer en fonction descontraintes externes, qui est la condition es-sentielle, le moteur de la survie des espèces.

Dans un autre ordre d'idée, la vitalité traduitla capacité des espèces à se développer, à sereproduire, à profiter des opportunités, deschangements d'environnement pour multi-plier leurs actions et interventions sur celui-ci.

La vitalité mesure l'aptitude à agir rapidement(action ou réaction), dans un jeu de relation,en fonction des opportunités et du contexte.

Elle se traduit par une capacité à se mouvoir,une aptitude à se déplacer qui nécessite uneconcentration d'énergie sur un objectif donné.

La vitalité est aussi une condition nécessairepour participer activement à l'évolution del'environnement, à créer des condi-tions externes favorables à l'évolutionde l'espèce ; de cette vitalité dépendparfois la capacité à influencer plutôtque d'être influencé par lui.

Adaptabilité et Vitalité sont doncdeux propriétés essentielles pour lasurvie et le développement des espèces. L'en-treprise est une espèce à part entière. C’est uneespèce vivante composée d'éléments spéci-fiques et dotée d'objectifs économiques et so-ciaux.

Entreprendre, c'est agir ensemble, c'est mettreen œuvre des moyens, prendre des risques,saisir des opportunités ; c'est réunir des com-pétences et des ressources pour créer des ri-chesses pour l’Homme et la société dans sonensemble.

L'entreprise est une structure particulière quisubit les mêmes influences, qui répond auxmêmes règles que les espèces animales et bio-logiques : en cela elle ne déroge pas aux loisde la nature.

Entreprendre, c'est agir ensemble: cela signifie

mettre des énergies en commun et accepter lesrisques de la confrontation avec d'autres dansun environnement donné. C'est associer desressources de nature particulièrement diffé-rente, ayant leurs caractéristiques propres etune autonomie de fonctionnement pour at-teindre un objectif donné.

L'entreprise est une structure complexe quidoit évoluer au moins au rythme de son envi-ronnement (adaptabilité passive) ou mourir.

Elle peut aussi influencer les données de sonenvironnement, être partie prenante de l'évo-lution du contexte en agissant sur les variablescaractéristiques de cet environnement (adap-tabilité active). Dans un environnementdonné, l'entreprise prend une place, joue unrôle, grandit, se développe à un certainrythme ..., cela dépend de sa vitalité.

Nous avons dit que l'entreprise était une es-pèce complexe compte tenu de la diversité des

ressources et composants mis en relation ;cette complexité est accrue du fait d'une carac-téristique qui lui est particulière. Une de sescomposantes, l'Homme en tant qu'individu ougroupe, est dotée d'une intelligence active etd'une capacité de réflexion interactive qui in-fluencent et déterminent son comportement etses réactions face à certaines situations.

Cette intelligence active et interactive se carac-térise par des comportements non standards,non typiquement réflexes (au sens biologiquedu terme), mais par des stratégies qui accrois-sent à l'infini les scénarii d'évolution possible.

Cette propriété est un atout formidable pourl'espèce. En effet, elle accroît les capacités créa-tives nécessaires à son évolution, son adapta-tion et son influence sur l'environnement.

L’entreprise est une struc-ture particulière qui ne dé-roge pas aux lois naturelles... »

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Mais cette propriété peut aussi être un handi-cap et entraîner des difficultés d'adaptation etde survie dans un environnement instable etimprévisible. En effet, nous constatons parfoisdes incohérences dans le comportement et lesattitudes de certaines composantes de la struc-ture.

Elles ne s'inscrivent pas toujours dans une lo-gique commune, leurs actions peuvent diver-ger et se contredire. C'est cette caractéristiquequi entraîne des dysfonctionnements, desconflits internes, des pertes de temps, des re-tards, des erreurs ... dont la conséquence estune déperdition importante d'énergie et ungaspillage de ses forces ; dans ce cas, la vitalitéest mise en œuvre de façon inopportune et dé-tournée de ses objectifs premiers, à savoir sasurvie et son développement.

Dans les situations les plus graves, lorsque lesconditions d'environnement sont particulière-

ment difficiles, une telle situation va progres-sivement ou rapidement entraîner sa mort. Sil'adaptabilité est la condition première de lasurvie de l'entreprise, la vitalité est le moyende sa pérennité.

L'analyse détaillée de ces deux propriétésnous donne un regard neuf et original sur lesmécanismes de développement de l'entre-prise.

L’Homme est un acteur qui véhicule du senset des valeurs qui vont influencer nos actes etnos comportements au quotidien. Le partage

des valeurs permet de définir une identitécommune, une cohérence collective et de don-ner du sens à nos actions.

ADAPTABILITÉ

L’adaptabilité c’est la capacité d’un système,d’une communauté, d’une entreprise, d’unerégion, à ajuster ses mécanismes et sa struc-ture pour tenir compte des changements deson environnement, qu’ils soient réels, poten-tiels ou supposés.

En raison de l’accélération et des changementsdes paradigmes dans tous les domaines,l’adaptabilité, la vitesse maîtrisée et l’agilitésont devenues des piliers déterminants de lacompétitivité de l’entreprise.

L'adaptabilité mesure la capacité de l'entre-prise à se mettre en relation harmonieuse avecson environnement, à réagir avec les évolu-tions voire à les anticiper ou à les influencercomme nous l'avons mentionné précédem-ment.

L'adaptabilité est une propriété de l'évolutionde l'espèce et de son influence. Elle repose surdes caractéristiques particulières ; pour êtreadaptable, il faut être :

- ouvert, c'est-à-dire être disponible auchangement, capable d'en percevoir le sens etde l'anticiper ;

- créatif, c'est-à-dire être apte à trouverdes réponses aux sollicitations de l'environne-ment, des solutions adaptées, originales, nou-velles et harmonieuses ;

- flexible, c'est-à-dire avoir la capacité àintégrer ces solutions, à se plier (ne pas être ri-gide), à prendre de nouvelles formes sans quel'évolution n'entraîne une rupture, une frac-ture ; la flexibilité permet de ne pas se bloquerface au changement de forme et de structurenécessaire.

De façon opérationnelle, l'adaptabilité est unerecherche permanente de toutes les entre-prises, inscrite dans leurs fonctions ou leurs

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missions de base. Cette fonction est encoreplus fondamentale que la vitesse de change-ment de l'environnement est rapide.

VITALITÉ

La vitalité fait référence à la capacité d'actionde l'entreprise. Elle détermine la faculté à mo-biliser de l'énergie sur un objectif donné. Ellerepose sur trois autres caractéristiques pro-pres :

- la réactivité est la capacité à réagir faceà un événement, à une situation, à mettre enœuvre et à mobiliser ses ressources pour unobjectif donné, à se mettre en mouvement, àse transformer ;

- la tonicité mesure la quantité d'énergiedisponible pour l'action que la structure estcapable de mobiliser en fonction de l'enjeu, etla rapidité avec laquelle cette énergie va pou-voir être mobilisée ;

- la synchronicité est la capacité à mettreen mouvement toutes les composantes de lastructure vers le but assigné, dans la bonne di-rection ou pour le bon objectif, dans un tempscourt.

Le développement de l'entreprise, dans un en-vironnement compétitif, repose sur cette vita-lité. Plus elle est grande, plus l'entreprise seracapable de saisir les opportunités qui se pré-sentent à elle, voire même à générer des op-portunités.

L'adaptabilité et la vitalité sont étroitementcomplémentaires, car adaptabilité sans vitaliténe permet pas d'agir assez rapidement dans lesens du changement nécessaire ou souhaité ;vitalité sans adaptabilité, c'est le risque dumouvement ou de l'action sans direction, sanssens.

C'est dans ces constats que le managementtransfonctionnel puise ses racines pour définirses bases conceptuelles et fournir des outilsd'analyse et d'intervention sur les structures.

Son but est de faciliter la compréhension des

mécanismes de fonctionnement des entre-prises afin d'accroître leurs capacités d'actionet de réaction, de développer leurs aptitudescréatives au service de leurs finalités. Il trouveson inspiration dans la réflexion sur la surviedes espèces et ses outils dans les approchesmanagériales traditionnelles. Son originalitéréside non pas dans la définition de tech-niques nouvelles mais dans la façon de penserl'entreprise et d'utiliser les outils existantsselon un agencement et une méthode qui luisont spécifiques.

RUPTURES

(mpm : Management PostModerne).

La société a changé. Le passage à la postmo-dernité émerge sous nos yeux et bouscule leparadigme d’hier. Visibilité réduite, hésita-tions, déstabilisation, démobilisation et satu-ration idéologique : tel est le lot commun desgens. Evidemment, ces changements pro-fonds, irréversibles et irrémédiables s’accom-pagnent d’une nouvelle façon de vivre sa vieet son travail. Six ruptures entre monde mo-derne et postmoderne expliquent la transfor-mation en cours de notre paradigmesocio-économique. Tentons de les nommer etde mieux les comprendre pour s’offrir unenouvelle grille de lecture sur la façon de vivresa vie et son activité professionnelle.

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La première rupture est le passage d’une pen-sée rationnelle à une pensée émotionnelle.

L’ère postmoderne sera incarnée par une in-filtration du sensible dans la raison. Le toutraisonnable ennuie ou agace. La demanded’émotion est en hausse. Aujourd’hui, on estplus « fan de » que « froidement pour » ou «froidement contre ». On a « plus envie de »que « besoin de ». On préfère « avoir le senti-ment que » plutôt que « d’avoir l’argumentpour ». Nous sommes passés d’une raison mo-derne métallique à une raison postmodernesensible qui fait coexister « des couples »jusqu’ici conflictuels : raison/sentiment, na-ture/culture, travail/loisir. La pensée mo-derne, essentiellement rationnelle etmécanique, évolue progressivement en unepensée plus organique, plus débridée et plusdécomplexée ce qui va ouvrir et offrir de nou-veaux modes de vie et de management dansles organisations et les entreprises postmo-dernes.

La deuxième grande rupture est le passage de« l’effort pour demain » à « la jouissance ici etmaintenant’ : le monde moderne comptaitdurer ; le futur et l’avenir y étaient synonymesde progrès et d’espoir. Dorénavant, ce quicompte le plus, c’est l’intensité de ce que je visici et maintenant. Ce rapport différent autemps est lié au sentiment naissant que lefutur et l’avenir ne sont plus forcément syno-nymes de jours meilleurs. Le futur et l’avenirsont même parfois synonymes de précarité etd’incertitude. C’est cette sensation de « poten-tielle précarité » qui donne envie aux gens devivre le moment présent avec intensité sanstout miser sur des lendemains très incertains.Comment vivre sans préparer l’avenir ? Misersur la durée et miser sur l’intensité requièrentdes leviers de vie tout à fait différents, voireopposés, et cette rupture du temps est parfoistrès déroutante pour les modernes que nousétions ! Et pourtant, cette envie d’intensité quiest en train de monter, devrait, si on arrive àla renifler, faire naître une nouvelle forme devitalité socioéconomique durant l’ère postmo-derne.

La troisième grande rupture est le passaged’un mode hiérarchique à un mode réseau.

Dans le monde moderne, les relations étaienthiérarchiques, construites sur des injonctions,base de toutes les relations. Aujourd’hui, cettelogique d’injonction devient stérile. Doréna-vant, les relations hiérarchiques sont déjà sou-vent remplacées par des fonctionnement enréseaux, construites sur des interactionsréelles qui transforment « le contrat social »(relation très mécanique entre un « employeur» et un « employé ») en « pacte sociétal » (re-lation beaucoup plus biologique entre per-sonnes). Le lien sociétal et managérial n’estplus sur le devoir être, il est sur le vivre en-semble. Un contrat est en phase avec desécrits. Un pacte est en phase avec des affectset des humeurs. L’explosion des réseaux so-ciaux est bien entendu le marqueur le plus fla-grant de cette évolution des liens. Seuls lesmanagers qui intègreront ces changementsparviendront à être en phase avec les profilspostmodernes.

La quatrième rupture est le passage de la no-tion d’ « enjeu » à la notion de « jeu ».

Dans le monde moderne, tout était une ques-tion d’enjeux. Il y avait les enjeux commer-ciaux, les enjeux stratégiques, les enjeuxprofessionnels, les enjeux personnels. Ces en-jeux répétés et multiples, tous flanqués duculte de la performance, ont fini par émousseret lasser les bons petits soldats. En réaction, lanotion de « jeu » pointe le bout de son nez.Malgré la crise ou à cause de la crise, l’indi-vidu n’a jamais autant joué aux jeux de hasardet jamais autant parié sur des sujets divers etvariés. La France et les salariés sont en crise,mais la France et les salariés s’amusent, jouentet parient. Le jeu, à travers les expériences etles émotions qu’il nous fait vivre, est-il unnouveau levier de motivation de vie ?

La cinquième rupture est le passage du déter-minisme au relativisme.

L’individu moderne était un individu extrê-mement déterminé. La notion de progrès

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continu était la pierre angulaire de la sociétédite moderne et le moteur de ce déterminisme.Dans le monde moderne, tout était considérécomme urgent et prioritaire afin que les « ar-bres grimpent au ciel ». Dans les intersticesdes désillusions politiques et des crises écono-miques répétées et successives, le mythe duprogrès perpétuel a été écorné. Cette conta-mination des esprits, qui grignote du terrainjour après jour, change en profondeur notrelogique sociétale et managériale et est en trainde balayer tout le mythe et la puissance du dé-terminisme en installant, en creux, un certainrelativisme. Est-il possible de faire de ce repli,de ce lâcher-prise, un levier de vie pour la so-ciété ou un levier de management dans les or-ganisations postmodernes ?

La sixième et la dernière rupture est la trans-formation de l’individu moderne en personnepostmoderne.

Dans le monde moderne, on aimait modéliserles gens pour les classer par types ou profils.La démarche était assez aisée car l’individumoderne était assez univoque et principale-ment guidé par la domestication de la raison.Chez la personne postmoderne s’est creusédes interstices et des creusets qui ne deman-dent qu’à se remplir de libertés interstitielles(faille existante entre la réalité vécue et la doc-trine officielle) pour faire éclater au grand joursa pluralité et ses différences. Nous nesommes plus des individus homogènes auxréactions stéréotypées et parfaitement prévi-sibles. Nous sonnes devenus singulier-plurielen portant différents « masques » en fonctiondes situations et des circonstances. Nousavions plutôt appris à vivre avec des indivi-dus modernes qui mettaient des barrières trèsétanches entre leurs différentes vies, maisnous sommes de plus en plus confrontés à despersonnes plus insaisissables et plus imprévi-sibles car vivant plusieurs vies intriquées à lafois. Si nous voulons passer des pactes ga-gnants-gagnants avec les différentes vies decette personne, nous devons évoluer pours’ajuster aux différentes facettes de la per-sonne qui est en face de nous !

Ces six ruptures entre monde moderne etpostmoderne transforment en profondeur lepaysage de notre société et en creux le modede fonctionnement de nos entreprises. Ces sixruptures jettent les bases d’une nouvelle rai-son humaine. Une nouvelle raison aux arcanesparfois bien différents de la raison moderne.

EN QUÊTE DE LÉGITIMITÉ.

Pour être légi-time, l’entreprisedoit se conformeraux attentes deses parties pre-nantes, qui reflè-tent plusglobalement lesnormes, valeurset croyances pré-valant dans le contexte dans lequel elle évo-lue.

Les évolutions culturelles récentes prônent laresponsabilité de chacun, y compris des entre-prises, sur le long terme. Dans ce contexte,l’adoption de pratiques responsables favorisel’émergence et le maintien d’une forme de lé-gitimité qui assure la survie de l’organisation.

L’engagement des entreprises dans des dé-marches de management responsable sous-tend leur recherche d’une certaine légitimitésociétale. En effet, les entreprises dépendentdu consentement de la société dans laquelleelles évoluent. Ainsi, par l’introduction depratiques organisationnelles spécifiques, ont-elles la possibilité d’être, ou de paraître, « so-cialement responsable ».

Tout ceci conduit à une culture renouvelée dumanagement, fondée sur la responsabilité,l’éthique et sur une réelle reconnaissance desacteurs et des savoirs. Elle s’appuie sur laconnaissance et sur les nouvelles technologiesde l’information et de la communication, surl’innovation et la créativité.

Jean-Luc Laffargue.

Comité de rédaction.

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Un nouveau rôle de l’entreprise dans lessociétés développées : la citoyenneté.

La volonté d’adopter une attitude citoyenne apparaît aujourd’hui comme une nécessité faceà une demande plus responsable, plus éthique, plus respectueuse de l’environnement et desdroits de l’Homme des consommateurs.

INTRODUCTION.

Tout d’abord, notons qu’aucun consensusn’existe sur ce que recouvre théoriquement leconcept de citoyenneté d’entreprise. Dans lapratique, ce terme est utilisé pour dénommerdes activités multiples et diverses, allant parexemple du respect des lois sociales et environ-nementales aux investissements proactifs dansdes bonnes causes, l’éducation ou encore lesdroits de l’homme.Ensuite, les définitions données à la citoyen-neté d’entreprise sont presque uniquement ba-sées sur les perceptions qu’ont les managers dece qu’est une entreprise citoyenne ; rarementle point de vue d’autres stakeholders est prisen compte pour définir la citoyenneté d'entre-prise. Or, quand il s’agit d’étudier l’impact dela citoyenneté d'entreprise sur les attitudes et

les comportements des stakeholders, il est in-dispensable de savoir ce que ces derniersconsidèrent comme étant de la citoyennetéd'entreprise. Enfin, la plupart des écrits sur le sujetsont d’origine anglo-saxonne (Etats-Unis,Royaume-Uni) et trouvent leur source dans uncontexte politique, social et économique rela-tivement différent du nôtre. Dans nos pays(Europe continentale), où le bien-être de lacommunauté est traditionnellement l’apanagedu gouvernement, ce n’est que récemment queles entreprises commencent à jouer un rôle parrapport au bien-être des personnes et aux po-litiques sociales. Le rôle de l’entreprise dans les sociétés déve-loppées est devenu tellement important que denouvelles responsabilités sont apparues.La société attend des entreprises qu’elles of-

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frent des emplois, protègent l’environnementet participent au développement des pluspauvres. Ainsi, pour être pleinement acceptéepar la société, l’entreprise doit répondre à l’in-térêt général en acceptant une responsabilitésur le plan interne par le respect de son per-sonnel mais aussi au niveau externe par le res-pect de l’environnement local et social.La volonté d’adopter une attitude citoyenneapparaît donc maintenant comme une néces-sité.Nécessité, d’autant plus que le client d’au-jourd’hui n’est pas celui de 1938, ni celui de1970. Pourtant, des entreprises continuent en-core à envisager leur relation aux clients surune vision qui n’a plus lieu d’être.L'entreprise doit être « citoyenne ». Si l'onécoute les discours des dirigeants, l'affairesemble désormais entendue. Dans leurs rap-ports annuels ou leurs chartes de valeurs, laplupart des entreprises soulignent leurs enga-gements en matière de responsabilité sociale,de protection de l'environnement ou encored'éthique.Pourtant, la mise en œuvre est une autre his-toire. Par quoi commencer ? Quels objectifs s'assi-gner ? Comment concilier engagement citoyenet respect des impératifs de rentabilité ? Raressont les entreprises qui ont trouvé une ré-ponse satisfaisante à ces questions, pour troisprincipales raisons :- Le sujet est tentaculaire. La citoyennetéd'entreprise recouvre un très grand nombred'aspects : impact sur l'environnement, condi-tions de travail, actions philanthropiques, in-tégration des minorités, etc. Cela complique ladéfinition des priorités d'action et la cohérencede la mise en œuvre.- Beaucoup d'employés sont sceptiques.Ils n'y voient qu'une lubie de la direction ouun simple engagement de façade destiné à sedonner bonne conscience ou à faire taire les

critiques. Comment alors mobili-ser l'entreprise autour de la dé-marche ?- La pression pour l'immobilismeest forte. Agir en entreprise ci-

toyenne implique souvent de changer les fa-çons de faire. Mais comment opérer cettetransformation alors que les équipes sontavant tout préoccupées de répondre aux exi-gences de résultats économiques ? Deux caractéristiques distinguent les entre-prises qui sont parvenues le mieux à traduireleur engagement d'entreprise citoyenne dansles faits : elles ont clairement défini la naturede leur engagement citoyen et ont su ancrercet engagement dans les comportements auquotidien.

LE PATERNALISME ET SES NOUVEAUXHABITS.

La multiplication des grèves, l’intervention del’Etat ébranlent le pouvoir social du dirigeantet sonnent le glas d’un certain paternalisme.Le passage de l’entreprise providence à l’Etatprovidence symbolise la disparition d’une so-lidarité subjective où tout est dû à la bonne vo-lonté patronale, voire à la charité, à unesolidarité objective, fondée sur le travail et lesdroits des citoyens. Les trois ordonnances de1945 assoient définitivement le système desassurances sociales. Le paternalisme du 19èmesiècle a vécu.La terminologie elle-même se modifie pourgommer l'aspect péjoratif du paternalisme. :néo-paternalisme, maternalisme (image dupère remplacée par celle de la société ano-nyme), fraternalisme (les relations profession-nelles changent de niveau, le patron devientun « frère » avec qui l’on peut discuter sur unpied d'égalité), familialisme ...La crise de l’Etat-providence (crise financière,crise de légitimité) remet l’entreprise sur le de-vant de la scène ; elle devient citoyenne. L’en-treprise citoyenne laisse sa place à l’entrepriseéthique, concept plus large que l’on peut dé-finir à travers des mots-clés : « justice, respon-sabilité sociale, exemplarité, confiance

La volonté d’adopter une attitudecitoyenne apparaît maintenantcomme une nécessité...»«

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mutuelle, respect des autres. L’éthique ne peutexister que dans des organisations justes quisont ainsi socialement responsables à traversles membres qui la composent ; elle suscite laconfiance mutuelle à l’intérieur comme à l’ex-térieur de l’entreprise et assure le respect desautres ». (1).Ainsi, plus qu’un effet de mode, l’éthiquedans l’entreprise demeure un phénomène ré-current sous des vocables divers : l’éthique decette fin de siècle, c’est le paternalisme qui dé-bute dans les années 1850 ; c’est l’Etat-provi-dence à partir des années 36, renforcé depuis1945 ; c’est l’entreprise citoyenne des années80.

NAISSANCE DE L’ENTREPRISECITOYENNE.

La citoyenneté d’entreprise est un terme im-porté des Etats-Unis : « good citizen », né dansles années 1970, introduit en Europe 20 ansplus tard. Des firmes multinationales (« entre-prises sans cité ») tentent de faire oublier leurgigantisme par des actions dans la société.Elles participent notamment directement (enleur nom) ou indirectement (en incitant leurssalariés) aux « community services », ensem-ble d’actions sociales auquel participe la ma-jorité du personnel de l’entreprise.En France, le concept de citoyenneté dans l’en-treprise est consacré dès 1982 par les lois Au-roux. Légalement, la citoyenneté dansl’entreprise s’exerce encore à travers les orga-nisations représentatives des salariés : comitésd’entreprise, délégués du personnel, élus parle suffrage direct des salariés.

L’entreprise citoyenne, un concept patronal.Avant même la promulgation des lois Au-roux, le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) (2)à travers différents colloques et publicationss’intéresse au concept d’entreprise citoyenne :

- 1975 : il proclame que « l’entreprisedoit être sociale pour être économique ».- 1982 : il met en place la charte « Bienentreprendre ».- 1988 : il s’interroge dans un congrès sur

« l’éthique de la responsabilité ».- 1992 : son congrès de Nantes donne seslettres de noblesse à l’entreprise citoyenne àtravers « Ses neuf principes pour construireune entreprise citoyenne ».Dans ce dernier congrès, Alain Brunaud, pré-sident du CJD, affirme qu’« on ne gagne pasau détriment des autres, mais à long termeavec eux. » (3). La charte de l’entreprise ci-toyenne allie la performance économique (ho-

norer la confiance des actionnaires et desclients), la performance sociale (capacité del’entreprise à rendre les hommes acteurs et au-teurs) et la performance sociétale (contribu-tion de l’entreprise au développement de sonenvironnement).En 1938, à la création du Centre des Jeunes Pa-trons (ancêtre du CJD), les clients étaient desconsommateurs. La fin de la seconde guerremondiale annonçait la fameuse période desTrente Glorieuses, dans laquelle, si noussommes schématiques, les entreprises trou-vaient à peu près toujours preneurs pour leursproduits et leurs services. Il s’agissait pluspour les entreprises de parvenir à satisfaire lademande qu’à la susciter. Pour les dirigeants,l’organisation devait répondre à un besoin dequantité plus que de qualité.En 1968, le CJP change de nom et devient leCJD. D comme Dirigeants d’entreprise. Cechangement de nom n’est pas que symbo-lique, il correspond à une évolution significa-

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tive du monde économique. Désormais, de plus en plus, le client n’est plusseulement consommateur mais devient ci-toyen. Il attache une importance plus grandeau bien-être que procurent les produits et ser-vices des entreprises sur leur territoire et dansleur vie de tous les jours. Parce que ses besoinschangent, l’entreprise doit se réorganiser pourproposer plus de qualité et parvenir ainsi à ré-pondre à ses nouvelles attentes. C’est le débutde la fin du taylorisme et l’apparition de laprise en compte de l’humain dans l’entreprise.Pour le CJD, c’est le début de l’entreprise ci-toyenne, et bientôt, en 1992, de la Performanceglobale. Le début du troisième millénairemarque une nouvelle ère pour le client. Celui-ci devient acteur à part entière et veut peserpar ses choix de consommation sur le devenirde sa vie et de son territoire. La connexioncroissante fait qu’il compare systématique-ment, souvent à l’échelle planétaire, et choisitainsi l’offre qui correspond autant à ses va-leurs, ses convictions, qu’à ses besoins. C’estune révolution pour l’entreprise désormaisobligée de s’organiser en fonction de sesclients afin de parvenir à les enchanter en leurproposant une valeur ajoutée toujours meil-leure que celle de la concurrence. La visibilitén’existe plus ou presque, l’organisation doitrépondre à l’immédiateté en mettant l’intelli-gence humaine au cœur d’une entreprise or-ganisée en écosystème. C’est l’ère del’entreprise infinie.

Le CNPF s’intéressera plus tardivement auconcept d’entreprise citoyenne. Jean Gandois,candidat à la présidence du CNPF en 1994,fera campagne autour de ce thème.Après son élection, il charge J. Dermagne, chefd’entreprise, vice-président du CNPF, d’expli-citer cette notion.Un premier rapport est publié en novembre1995, complété en 1996 par une plaquette,éditée par le CNPF « Citoyenneté de l’entre-prise, pour jouer pleinement notre rôledans la cité » et la publication d’un ouvrageintitulé : « Révolution chez les patrons ? L’en-treprise citoyenne ».

Les moyens d’action.Pour impulser et développer ce modèle d’en-treprise citoyenne, le CJD ouvre de nouveauxchantiers : participation plus forte des salariésau pouvoir de décision et au partage de la va-leur ajoutée, création de nouvelles régulationsouvrant la voie à un développement durableau niveau de la planète pour répondre à laquestion : « Peut-on bâtir une économie auservice de l’homme sans contribuer à édifierdes régulations internationales assurant, defait, le respect de la préférence humaine ? »Si le CJD est à l’origine d’une véritable chartede l’entreprise citoyenne, des manifestions ontégalement montré l’intérêt des entreprisespour ce thème :- En juillet 1992, le Nouvel Observateurinitie un « Manifeste pour l’emploi », ratifiépar différentes entreprises françaises. Abondé,il deviendra le manifeste « Entreprises contrel’exclusion », ratifié par 150 chefs d’entre-prises.- Le 10 janvier 1995, ce manifeste modifiédevient européen avec 5 axes prioritaires : fa-voriser la réinsertion des chômeurs, améliorerla formation professionnelle, prévenir les li-cenciements, promouvoir la création de nou-veaux emplois, contribuer à la « solidarité enfaveur des zones et des groupes de personnesparticulièrement vulnérables ».

L’entreprise citoyenne, un concept critiquéIl définit la citoyenneté de l’entreprise sans ja-mais évoquer la citoyenneté dans l’entreprise.C’est un oubli important, car la démocratiedans l’entreprise semble une condition néces-saire de l’exercice des vertus civiques à l’exté-

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rieur de l’entreprise.La citoyenneté suppose également l’égalité, orelle n’existe pas dans l’entreprise puisqu’ellefonctionne de manière hiérarchique. Par ana-logie, l’entreprise est dite citoyenne en cequ’elle doit respecter la loi, traiter son person-nel comme des citoyens, tenir compte du mi-lieu social dans lequel elle évolue. « Disposerde conditions de vie convenables constitue unpréalable pour exercer les droits de la citoyen-neté … L’entreprise est l’instrument grâce au-

quel les citoyens acquièrent les conditionsconcrètes de l’exercice de la citoyenneté ».Il subsiste une ambiguïté majeure : « la coexis-tence irréductible de deux sources distinctesde légitimité, la propriété et l’emploi ». L’en-treprise a ainsi une double responsabilité : uneresponsabilité économique vis-à-vis de ses ac-tionnaires, propriétaires de la firme et une res-ponsabilité sociale vis-à-vis de son personnelauquel il doit « des comptes sur l’usage qu’ellefait du travail, des savoirs qu’ils mettent à sadisposition, notamment pour assurer leur ave-nir ».

Finalement, l’entreprise citoyenne relève d’unnéo-paternalisme ou encore d’un paterna-lisme démembré, même si ses partisans s’endéfendent. Les mots sont révélateurs à cetégard. Derrière le paternalisme, se glissel’image du père ; derrière l’entreprise ci-toyenne transparaissent la cité et la protectiondu non-citoyen.

LES DIFFÉRENTES ÉCOLESCONTEMPORAINES DE L’ÉTHIQUEDES AFFAIRES.

Les théories américaines.Dès 1875, l’économiste anglais A. Marshall dé-crit l’influence de la forme du développementindustriel aux Etats-Unis et en Europe del’Ouest sur l’éthique prédominante dans lesdeux régions. Mais c’est essentiellement à par-tir du milieu des années 1950 que la réflexionsur la responsabilité de l’entreprise semble sedévelopper rapidement. Ces analyses repo-sent alors sur un « contrat implicite » entre lasociété et l’entreprise. La première remet à laseconde le pouvoir de dégager des profits etde réaliser la production mais, en contrepartie,la firme doit se montrer responsable envers lasociété.

Le modèle CSR1.Le Committee for Economic Development(CED, 1971) cherche d’abord à synthétiserl'approche de l'entreprise en termes de res-ponsabilités. Cette première tentative corres-pond au modèle CSR1 (Corporate SocialResponsibility n°1). Elle s'appuie sur trois cer-cles concentriques.Le cercle interne correspond aux responsabi-lités économiques de base de l'entreprise : pro-duire, employer... Pour obtenir uneformulation morale et aller plus loin que l’ac-tion économique, le CED propose undeuxième cercle plus vaste qui tient comptedans l’exercice des responsabilités écono-miques de normes ou de valeurs socialescomme le respect de l’environnement ou lesrelations avec les employés, les conditions detravail… Le troisième cercle intègre des res-ponsabilités nouvelles que l’entreprise peut

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assumer, notamment l’amélioration desconditions sociales et environnementales danslesquelles évolue l’entreprise, au-delà de ceque les lois ou les valeurs exigent.Il existe donc une différence de nature entre lecercle intermédiaire des valeurs ou lois quiimposent une contrainte à l’entreprise et lecercle extérieur correspondant à une volonté.Le degré de responsabilité apparaît ainsi dansla distinction entre une attitude passive et uneattitude active de l'organisation.

L’opposition, le modèle CSR2.Le nouveau modèle CSR2 s’interroge sur lamanière dont la firme doit répondre à ces res-ponsabilités, sans que celles-ci soient préci-sées. Il est forgé à partir du concept de« Corporate Social Responsiveness » en oppo-sition avec celui de « Corporate Social Respon-sibility ». Il « se réfère à la capacité del’entreprise à répondre aux pressions sociales.Il s’agit de la mise en place de mécanismes,procédures, aménagements, et de modèles decomportement qui, pris collectivement, ferontque l’organisation sera plus ou moins capablede répondre aux pressions sociales ». (4). Dansle modèle CSR2, l’entreprisedoit internaliser de nouvellescontraintes dans le seul butd’assurer sa performance éco-nomique, voire simplement sasurvie sur le marché. Ce modèleconcerne seulement le proces-sus de management de la ré-ponse à donner àl’environnement socio-écono-mique.

Des tentatives de synthèse : lemodèle CSP (Corporate SocialGouvernance).Dans la synthèse de Caroll(1979), il s’agit d’abord de tenircompte des différentes catégo-ries de responsabilités : respon-sabilité économique, respon-sabilité juridique, responsabilitééthique, responsabilité discré-tionnaire.

Ensuite, il convient de centrer l’analyse sur lestypes d’actions ou les manières de répondre àces responsabilités. Enfin, ces actions s’exer-cent dans des domaines spécifiques qui évo-luent avec le temps et dans l’espace,notamment consumérisme, environnement,discrimination, sécurité des produits, sécuritédu travail, actionnaires.A partir de ces six domaines, un croisementest effectué avec les niveaux de responsabilité.Cette première grille permet de mesurer lesresponsabilités engagées par les firmes et deles positionner les unes par rapport aux au-tres. La grille de Carroll restera la référencependant 10 ans.Partant du modèle précédent, Wood soulèveune nouvelle définition du concept de CSP, ils’agit, « pour une organisation économique,d’une configuration de principes de responsa-bilité sociale, de processus de réponse sociale,et de politiques, programmes, et résultats ob-servables en tant qu’ils sont relatifs aux rap-ports sociétaux de la firme ». Cette nouvelledéfinition conduit l’auteur à croiser les quatreniveaux de responsabilité de Caroll avec lestrois niveaux qu’il définit : institutionnel, or-ganisationnel et individuel.

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La théorie des « Stakeholders » (parties pre-nantes).Cette théorie cherche à dépasser la théorie dela firme maximisatrice de profit et intègre lesintérêts et les demandes de personnes ougroupes sociaux en relation avec l’entreprise.Au-delà de l’identification des parties pre-nantes, elle tente d’étudier l’évolution despriorités données à leurs demandes.Freeman (5) donne une définition large desparties prenantes, s’appuyant sur une réalitéempirique : « une partie prenante dans une or-ganisation est (par définition) tout groupe ouindividu qui affecte ou est affecté par l’accom-plissement des objectifs de l’entreprise ».La confiance joue un rôle déterminant entreles parties prenantes et est dépendante de l’in-formation disponible et du risque associé aucomportement ou à la décision de l’entreprise.Elle peut être reliée à différents effets : effetd’intendance (dirigeant, actionnaires), effet deloyauté (consommateur, entreprise) et effet deréputation (entreprise, parties prenantes).

Les écoles européennes.En Europe, deux écoles ont influencé les pra-tiques et la réflexion dans le domaine del’éthique du management : l’école allemande,école philosophique ; l’école française qui s’estconstituée en réaction aux pratiques spéci-fiques de l’entreprise.

L’école allemande : l’éthique de la discus-sion.Elle se rattache à l’éthique de la discussion dé-veloppée par le philosophe allemand J. Haber-mas (6). Cette éthique n’est plus comme dansl’école américaine une éthique du manager.Elle concerne au contraire l’ensemble de la col-lectivité. Les salariés sont au premier chef par-ties prenantes de cette éthique. En effet,l’originalité de cette éthique de la discussionréside dans la constitution de normes moralesà partir d’un dialogue établissant un consen-sus sur ce qu’il convient de faire.Sur le plan pratique, cela n’implique que lesdécisions concernant les stratégies de l’entre-prise seront prises de manière discutée et ar-gumentée avec le personnel.

En toute logique, l’éthique de la discussionsuppose que toutes les personnes impliquéesparticipent à cette discussion.Cependant, l’environnement extérieur, àmoins qu’il n’ait des liens privilégiés avec lafirme (tel un fournisseur particulier) ne serapas impliqué dans la discussion. L’accent estgénéralement mis sur les salariés, de sorte queles décisions prises par les dirigeants ne sontpas en contradiction avec l’éthique du person-nel.Cette forme d’éthique ne considère pas que lesnormes soient établies une fois pour toutespour tous les cas envisageables. Au contraire,chaque situation nouvelle suppose un débatargumenté afin de faire émerger des normesmorales et des codes de conduite à tenir danscette nouvelle situation. Mais l’éthique de la

discussion ne peut être une éthique de« comptoir ».La discussion ne donnera naissance à unerègle morale qu’à la condition que s’établisseentre les participants une discussion impar-tiale, en dehors de toute manipulation réci-proque.La procédure d’argumentation se doit d’êtreexempte de manipulations et fondée sur unéquilibre des pouvoirs de négociations et d’ar-gumentation. Alors dans ce cas, les normesétablies deviendront valides et pourront êtresmises en pratique.Si l’éthique de la discussion paraît parfaite-ment utilisable et pratique dans le cadre de

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l’entreprise, plusieurs limites viennent contra-rier l’idéal communicatif :- La spécificité de chaque cas supposedes délibérations régulières et parfois longues.Or le manque de temps à consacrer à ce genrede débats dans l’entreprise (les décisions de-vant être parfois prises très rapidement), peutlimiter l’utilisation du cadre communication-nel.- Le fait qu’aucune norme ne soit donnéeà priori de manière universelle, ouavec une validité générale, peut in-duire un certain relativisme moral.Toute règle de conduite devientéthique à partir du moment où elleémerge de la discussion et où les par-ties se sont accordées sur sa validité.Or le fait qu’un consensus soit établi entre lesparties prenantes à la discussion n’impliquepas la moralité de la règle.- Il est difficile d’admettre qu’une normemorale émerge sans établir, au préalable, desnormes pour définir la discussion et régir lesdébats.

L’école française : une école critique.L’école française n’est pas à proprement par-ler une école de pensée ni de mise en pratiquedans le sens où aucune référence communen’assoie le développement des différents au-teurs y appartenant. A ce titre, des influencesdiverses se font sentir, en particulier certainsauteurs attachés à un mouvement religieuxsont particulièrement présents dans cette« école ».Elle emprunte à l’école américaine de la Busi-ness ethics comme à l’école allemande del’éthique de la discussion.Selon Y. Pesqueux et B. Ramanantsoa (7) qua-tre spécificités du développement des auteursfrançais sur l’éthique des affaires peuvent êtrerelevées.- Tous partent d’une critique acerbe dudiscours des entreprises sur l’éthique. Ils met-tent en opposition le discours et le comporte-ment. A. Etchegoyen (8) va jusqu’à affirmerque « plus une entreprise parle d’éthiquemoins elle en fait ; plus une entreprise se taitsur l’éthique, plus elle en fait ». La non-confor-

mité du discours par rapport à la pratiquesemble refléter une véritable duperie de lapart des firmes qui par un effet d’annonce es-saient de « dorer ou redorer leur blason ». Cer-tains nient même l’existence d’une éthique desaffaires, tandis que d’autres plus optimistesplaident en faveur de sa reconstruction, d’unereformulation de l’éthique dans l’entreprise.Le tableau suivant décrit les différentes ten-dances sur ce point de vue.

- L’éthique des affaires est appréciée àl’aune du critère de justice, chaque auteur luiattribuant une signification différente.- Les différents auteurs insistent sur lesconflits qui peuvent se produire entre les di-verses obligations éthiques. En particulier, lesobligations en tant que personne et les obliga-tions liées à la fonction ne sont pas nécessai-rement compatibles.- Il s’agit enfin de distinguer l’éthique dela morale et de la déontologie. La déontologien’est qu’une formalisation de l’éthique par samatérialisation via les codes professionnels.La différence essentielle concerne plutôtl’éthique et la morale, les auteurs renvoyant leplus souvent à des définitions philosophiques.

UN CONCEPT ENVIRONNEMENTAL QUIDEVIENT UN OBJECTIF STRATÉGIQUE.

Né dans les années 60, le concept de dévelop-pement durable est popularisé par le rapportBruntland qui le définit comme « un dévelop-pement qui répond aux besoins du présentsans compromettre la capacité des générationsfutures à répondre aux leurs ». (9).Essentiellement écologique, il connaît rapide-ment un succès politique et médiatique dansun souci à la fois éthique et pragmatique d’as-surer la vie et la survie de l’humanité, dansl’immédiat et à plus long terme.

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Les entreprises elles-mêmes, dans les années90, prennent conscience que la croissance éco-nomique se heurtera rapidement, face à l’aug-mentation démographique, à l’épuisementdes ressources naturelles, à l’incapacité denotre planète à absorber tous les déchets, auxeffets des pollutions sur la santé et à la de-mande sociale.A partir de ces problèmes concrets, une défi-nition plus opérationnelle du développementdurable complète celle du rapport Bruntland.Il devient un contrat d’équilibre entre trois pi-liers : l’efficacité économique, la préservationde l’environnement et l’équité sociale avecdeux dimensions : mondiale et intergénéra-tionnelle.

Trois niveaux caractérisent la maturité de l’en-treprise au regard du développement durable:- Une approche de conformité : l’entre-prise respecte les lois, mais sa seule motiva-tion demeure le profit.- Une approche périphérique : l’entre-prise répond aux enjeux environnementaux et

sociaux, tout en assurant saperformance financière.- Une approche intégrée :le développement durableest intégré dans la stratégiede l’entreprise. Il devient unde ses objectifs, il donne unsens à son activité, il permetde partager avec les partiesprenantes de la firme.Si on considère que le déve-loppement durable fait par-

tie des objectifs de l’organisation, il ne peutêtre atteint que s’il s’appuie sur « une bonnegouvernance », elle-même résultat d’uneéthique de la responsabilité qui constitue lesocle du système.En conclusion, la fresque historique del’éthique du management tente de démontrerqu’il s’agit d’un phénomène récurrent dansl’histoire économique et sociale du monde.Les mots changent : éthique, morale, paterna-lisme, état-providence, entreprise citoyenne,développement durable, entreprise éthique,responsabilité sociale des entreprises, mais lesfondements demeurent. L’économie, puisl’entreprise, à travers les siècles, se sont tou-jours à des degrés divers préoccupées de leurenvironnement social et écologique.

DE MULTIPLES RESPONSABILITÉS.

L’entreprise citoyenne contribue à la sociétédans son ensemble au travers de ses activités,son investissement social et ses programmesphilanthropiques, ainsi que ses engagementssociopolitiques.L’entreprise citoyenne se développe tout enprotégeant son environnement et en produi-sant des biens recyclables, non nocifs pourl’environnement. Les questions relatives àl’écologie ont de plus en plus de poids dansles décisions politiques. En effet, les entre-prises citoyennes veillent dans leur mode deproduction à la qualité de l’eau, de l’air, dusol, et évitent toute dégradation des res-sources naturelles. L’entreprise citoyenne doitbien sûr s’intéresser à son environnement so-

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cial, « à l’intérêt général », mais elle doit avanttout s’assurer du respect de ses salariés. Lerespect des personnes est encouragé dans lesrapports entre les salariés. Ainsi lors des grands changements qui affec-tent la vie des entreprises, l’entreprise ci-toyenne doit veiller au respect de chacun dessalariés. Elle facilite l’insertion des jeunes, leréemploi des salariés plus âgés et l’intégrationdes handicapés.En effet, dans la vie quotidienne sur les lieuxde travail, le droit du travail et le droit socialimposent de nombreuses normes relatives àla vie dans l’entreprise. L’entreprise citoyenne s’efforce d’aller au-delà du simple respect de la réglementation,ceci peut d’ailleurs être rendu public par l’ins-tauration d’un code de bonne conduite.D’une façon générale, l’entreprise citoyenneaide le salarié à s’épanouir dans son travail,contribue à élever son niveau de formation,lui offre des perspectives de carrière et despostes conformes à sa formation, à ses apti-tudes. L’entreprise citoyenne agit aussi lors desgrands événements de la vie des entreprises :lors des opérations de fusion, regroupement,acquisition où le sort des salariés est souventnégligé. Ainsi, l’entreprise citoyenne évitetoutes les actions conduisant à des licencie-ments et propose des solutions de remplace-ment acceptables par les salariés (préretraite ;reclassement ...) Enfin, elle encourage ses salariés à la créationd’entreprise (pratique de l’essaimage) et aideà l’insertion et à la réinsertion. Favoriser l’in-sertion des jeunes est une priorité pour l’en-treprise citoyenne, elle favorise les contrats dequalification et d’apprentissage (contratsaidés) mais elle s’occupe aussi des salariés lesplus âgés ayant des difficultés à retrouver unemploi. L’entreprise citoyenne a aussi des res-

ponsabilités envers ses fournis-seurs. Bien que les phénomènes d’« entre-prises citoyennes », d’« entrepriseséthiques » et d’« entreprises socia-lement responsables » ne soient pasdes phénomènes récents, nous

constatons ces dernières années une volontécroissante des entreprises d’investir dans desactivités à caractère citoyen. La citoyennetédevient souvent un investissement à part en-tière, un élément intégré à la stratégie de l’en-treprise et dont l’usage se répand à différentssecteurs comme les secteurs pétrochimique,cosmétique et alimentaire. De plus en plusd’articles de presse managériale traitent de cesujet ; de nombreuses conférences sont vouéesà ce thème, des centres de recherche se créentet les sites Internet concernant la citoyennetéd’entreprise prolifèrent sur la toile…

(1) J. Ballet et F. de Bry, op. cit. p. 35.(2) Le CJD (1968) est né en 1938 sous l’appellation «Centre des Jeunes Patrons » (CJP).(3) Cité par Favilla, « Entreprise citoyenne », Les Echos,9 juin 1992.(4) W.C. Frederik, «From CSR1 to CSR2 : The maturingof Business-and-Society Thought », Working Paper, n°279, 1978, Graduate School of Business, University ofPittsburgh, p. 6.(5) R.E. Freeman, Strategic Management : A Stakehol-der Approach, Boston, Pittman-Ballinger, 1984, p. 46.(6) L’éthique de la discussion développée par J. Haber-mas a été influencée par H. Arendt pour ce quiconcerne la « théorie de l’action communicative », etpar K. Otto Appel concernant l’éthique du discours.(7) Y. Pesqueux et B. Ramanantsoa, « La situation del’éthique des affaires en France », Ethique des Affaires,n°1, janvier 1995, p.15-26.(8) A. Etchegoyen, La valse des éthiques, Bourin, 1991.(9) Commission mondiale sur l’environnement et le dé-veloppement, présidée par Mme Gro Harley Bruntland,1er Ministre de Norvège, Notre Avenir à tous, Editionsdu Fleuve, publications du Québec, 1989.

D’après :Françoise de Bry, Vice-présidente de l’Acadé-mie de l’éthique.Jean-Luc Laffargue, Directeur de la Publica-tion.

Nous constatons une volonté crois-sante des entreprises d’investirdans des activités à caractère ci-toyen...»

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L’entreprise face à la diversité.

Dans l’engagement social et sociétal desentreprises, la diversité est toujours unsujet d’actualité. Enjeux économique

pour les uns, démarche managériale pour élimi-ner tout comportement discriminatoire pour lesautres. Le management de la diversité permetd’instaurer une culture de la tolérance qui vapermettre l’inclusion de chacun avec ses apportset ses différences.

DISCRIMINATIONS ET DIVERSITÉ.

Alors que les discriminations ont toujoursexisté, elles occupent aujourd’hui une placeimportante dans les débats nationaux et inter-nationaux.La diversité a pour fondement l’égalité de trai-tement, qui figure à l’article 1er de la constitu-tion française : « la France est une Républiqueindivisible, laïque, démocratique et sociale.Elle assure l’égalité devant la loi de tous les ci-toyens sans distinction d’origine, de race ou dereligion. Elle respecte toutes les croyances. Laloi favorise l’égal accès des femmes et deshommes aux mandats électoraux et fonctionsélectives, ainsi qu’aux responsabilités profes-sionnelles et sociales ».La diversité vise à préserver ou restaurer cetteégalité entre individus, quelque soit leur sexe,âge, handicap, leur nationalité, leur origine «leur appartenance réelle ou supposée à uneethnie, race », leur orientation sexuelle, leur re-ligion, leur appartenance syndicale…, pour neretenir que les compétences ou talents, suivantdes critères objectifs.Sur le plan économique, la diversité fait partiedu volet social du développement durable etde la responsabilité sociale de l’entreprise.Bien qu’il n’existe pas de définition juridiquede la diversité, cette dernière peut être consi-dérée comme le résultat d’une approche glo-bale de la lutte contre l’ensemble des 18critères de discrimination définis par la loi etrepris dans le Code du travail.Les pratiques discriminatoires produites à

l’échelle de la société et dans l’emploi interro-gent la capacité des organisations, et en parti-culier des entreprises, à prévenir et à luttercontre toutes les formes de discrimination. Lamondialisation des marchés, l’intégration desdimensions culturelles dans les pratiques demanagement ainsi que l’intérêt que portent lesentreprises au développement durable et à laRSE, renforcent leur implication dans la pré-vention et la lutte contre les discriminations.

L’ALTÉRITÉ.

L'altérité est un concept philosophique (1) si-gnifiant « le caractère de ce qui est autre » (Dé-finition du Petit Robert), ou la reconnaissancede l’autre dans sa différence.Elle est un témoignage de compréhension dela particularité de chacun, hors normalisation,individuellement ou en groupe. Elle n'est pasla tolérance.Pourquoi ? La tolérance considère que ma li-

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berté s'arrête là où commence celle des autres,« justifiant le regard qui se détourne au nomde l'idée que je ne dois pas me mêler des af-faires des autres ». Avec l'altérité, ma liberté s'étend au travers decelle des autres, elle implique donc l'attentionaux autres, le respect des droits fondamentauxdes femmes et des hommes à être eux-mêmeset chacun différent.L'altérité combat donc toutes les discrimina-tions quelle que soit leur origine : minorités re-ligieuses, philosophiques, ethniques ouculturelles, étrangers, homosexuels, et « tousceux que nous n’avons que trop tendance àconfiner dans leur ghetto parce qu’ils ne sontpas dans la norme, ou encore ceux que leurâge, leur handicap ou leurs caractéristiquespropres placent à la marge ». La législationfrançaise demeure très restrictive sur ce pointdans la définition de la discrimination en droitdu travail.La discrimination consiste à traiter différem-ment une personne ou un groupe de per-sonnes.Elle n’est interdite par le Code du travail quesi elle est fondée sur un motif prohibé etqu’elle intervient dans l’un des domainesvisés par la loi.Ces deux conditions sont donc cumulatives.Les motifs de discrimination énumérés parl’article L122-45 du Code du travail sont : l’ori-gine, le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle,l’âge, la situation de famille, les caractéris-tiques génétiques, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à uneethnie, une nation ou une race, les opinionspolitiques, les activités syndicales ou mutua-listes, les convictions religieuses, l’apparencephysique, le patronyme ou, sauf inaptitudeconstatée par le médecin du travail […], l’état

de santé ou le handicap. Elle s'ap-plique à toutes les périodes ducycle de vie du salarié : depuis lerecrutement jusqu'au licenciementen passant par la formation et ledéroulement de carrière. Deux problèmes subsistent no-tamment : la liste n'est pas exhaus-tive et laisse une large place à

l'interprétation des tribunaux, les preuvesétant souvent difficiles à rapporter.La diversité, c'est donc le refus de la discrimi-nation directe ou indirecte, mais comment lagérer dans l'entreprise ? La fable suivante,certes caricaturale, explicite clairement la dé-finition de la diversité et la difficulté de sonmanagement.

LA GIRAFE ET L’ÉLÉPHANT.

Une fable à propose de la diversité : la girafeet l’éléphant ou comment construire une mai-son pour la diversité ?

Dans une petite ville de banlieue, une girafes’était fait construire une maison répondantaux besoins spécifiques de sa famille. C’étaitune maison merveilleuse pour les girafes avecdes plafonds très hauts et de grandes portes.De hautes fenêtres offraient une luminositémaximale et une jolie vue tout en protégeantl’intimité de la famille. D’étroits couloirs per-mettaient de gagner de l’espace sans pour au-tant nuire au confort. La maison était si bienconstruite qu’elle gagna le Prix National de la

La diversité, c’est le refus de la dis-crimination directe ou indirecte etl’altérité, c’est combattre toutesles discriminations...»

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Maison de Girafe de l’Année. Le propriétairede la maison était très fier.Un jour, alors qu’il travaillait dans son atelierde menuiserie « dernier cri » situé dans sonsous-sol, Monsieur Girafe aperçut, par la fenê-tre, un éléphant descendant la rue. « Je leconnais », pensa-t-il. « Nous avons travailléensemble au comité des parents d’élèves.Il est, lui aussi, un excellent menuisier.Je pense que je vais lui proposer de venirvisiter mon nouvel atelier. Nous pourrionspeut être même travailler ensemble sur cer-tains projets ».Monsieur Girafe passa donc la tête par la fe-nêtre et invita l’éléphant à entrer. L’éléphantfut enchanté, il avait apprécié travailler avecMonsieur Girafe et il se réjouissait d’appren-dre à mieux le connaître.De plus, il connaissait l’existence de l’atelier etsouhaitait le visiter. Il se dirigea donc vers laporte du sous-sol et attendit qu’on lui ouvre.« Entrez, entrez », dit Monsieur Girafe. Maisil fut immédiatement confronté à un pro-blème.Bien que l’éléphant pût passer sa tête par laporte, il ne put aller plus loin. « C’est unebonne chose que nous ayons construit cetteporte de façon à ce qu’elle puisse être agran-die pour faire rentrer mon matériel de menui-serie » dit Monsieur Girafe. « Donnez-moi uneminute pour que je résolve notre problème ».Il enleva quelques boulons et quelques pan-neaux afin que l’éléphant puisse entrer. Lesdeux amis échangeaient gaiement des his-toires de menuiserie quand Madame Girafepassa sa tête par les escaliers du sous-sol et ap-pela son mari : « Téléphone, chéri, c’est ton pa-tron ». « Je ferais mieux de le prendre enhaut » dit M. Girafe à l’éléphant. « Je vous enprie, faites comme chez vous, cela peut être unpeu long. »L’éléphant regarda autour de lui. Il vit unepièce à moitié finie sur le tour à bois dans lecoin de la pièce et il décida de l’examiner plusavant. Alors qu’il passait par la porte qui me-nait à l’atelier, il entendit un inquiétant cra-quement.Il recula en se grattant la tête. « Peut-être devrais-je rejoindre Monsieur Gi-

rafe à l’étage ? » pensa-t-il.Mais alors qu’il commençait à monter les es-caliers, il entendit ces derniers commencer àcraquer. Il sauta et tomba à la renverse contrele mur qui lui aussi commença à trembler.Alors qu’il était assis là, sous le choc etconsterné, Monsieur Girafe redescendit les es-caliers.« Que diable se passe-t-il ici ? » demandaMonsieur Girafe avec stupéfaction. « J’es-sayais de faire comme chez moi » réponditl’éléphant. Monsieur Girafe jeta un coup d’œilalentour. « Ok, je vois le problème, l’embra-sure de la porte est trop étroite. Il faut quenous fassions en sorte que vous maigrissiez. Ily a une salle de sport à proximité. Si vous sui-viez quelques cours d’aérobic, nous pourrionsréduire votre taille ». « Peut-être », dit l’élé-phant sans grande conviction. « Et les escalierssont trop fragiles pour supporter votrepoids » poursuivit Monsieur Girafe. « Si vouspreniez des cours de danse le soir, je suis sûrque vous pourriez être plus léger sur vospieds. J’espère vraiment que vous le ferez,j’aime bien vous avoir ici ». « Peut-être » ditl’éléphant. « Mais à dire vrai, je ne suis pas sûrqu’une maison conçue pour une girafe puisseconvenir à un éléphant, à moins de fairequelques aménagements majeurs. »(d’après R. Roosevelt Thomas, (1999) Buildinga House for Diversity (NDT : Construire unemaison pour la diversité), New York, Ameri-can Management Association (NDT : Associa-tion Américaine du Management), pages 3-5.Cette fable illustre parfaitement la question-clé du Management de la Diversité : « Com-ment construire ensemble une maison, notre

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entreprise, dans laquelle toute la diversité soitrespectée, où elle puisse trouver toute saplace, et où on y ait activement recours ? »

COMMENT DÉFINIR LE MANAGEMENTDE LA DIVERSITÉ ?

Qu’est-ce qu’on entend par diversité lorsquel’on manage une équipe ?La diversité, c’est la réunion de personnesdont les caractéristiques diffèrent sur le planculturel, social, professionnel, personnel.

Depuis les années 70, sa définition et surtoutson champ d'application ont profon-dément évolué. Si elle n'a longtempsconcerné que les femmes et les mino-rités ethniques, sous l'influence descinq avantages déclinés par les Com-munautés européennes :1- Le renforcement des valeurs cultu-relles au sein de l’organisation.2- L’amélioration de la réputation del’entreprise.3- Une plus grande facilité à attirer età conserver du personnel extrême-ment compétent.4- L’accroissement de la motivation et de l’ef-ficacité du personnel en poste.5- Le développement de l’innovation et de lacréativité parmi les employés.

La diversité concerne ainsi, non seulement lesressources humaines, mais tous les services del'entreprise et tous les niveaux hiérarchiques.L'Union Européenne définit ainsi la diversité:« Reconnaître la diversité, c’est comprendrecomment les individus peuvent contribuer àl’essor collectif et apporter des qualités quipeuvent être capitalisées et utilisées pour leplus grand bénéfice de tous, de l’entreprise etde la société en générale. Gérer notre diversitéen assurant la justice et l’égalité ne devientplus seulement une « bonne action », mais unefaçon de s’inscrire dans un monde complexeet en perpétuel mouvement. » Le Management de la Diversité n’est riend’autre que l’intégration des idées et de la pra-tique de la diversité dans les processus quoti-

diens de management et d’apprentissaged’une entreprise et de son environnement.« Ce nouveau modèle de management de ladiversité laisse l’organisation intérioriser lesdifférences parmi ses employés de telle sortequ’elle apprend et grandit grâce à elles. Noussommes tous dans la même équipe avec nosdifférences et non malgré elles. » La difficulté,en particulier pour une entreprise multinatio-nale, réside dans le fait d'exploiter les avan-tages de la diversité tout en préservant sacohésion. Il faut donc avant tout reconnaîtreque la diversité et la cohésion sont les deux vi-sages d'une même réalité.

Il ne s'agit pas de donner à penser que « toutesles différences sont positives ». L'objectif n'estpas non plus d'imposer des règles strictes etuniformes de comportement, ce qui auraitpour effet d'annuler les avantages de la diver-sité. Il s'agit plutôt d'identifier les facteurs-clésde cohésion qui sont nécessaires pour réussir,et de tirer le meilleur parti possible de la di-versité.

METTRE EN ŒUVRE LE MANAGEMENTDE LA DIVERSITÉ.

Les managers ont besoin de résultats. Leurpréoccupation n’est pas de se conformer es-thétiquement à de grandes théories. Afin d’at-teindre leurs objectifs et de prendre l’avantagesur leurs concurrents, les managers doiventcomprendre leur environnement extérieur, lemarché, ainsi que la mission, la vision, la stra-tégie et la culture de l’entreprise. La questionqui se pose est donc « Quelles formules de di-

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versité ont le potentiel de nous fournirun avantage stratégique, ou, au contraire,d’entraver notre capacité à atteindre nos ob-jectifs ? »Si l’entreprise se contente de recruter sanspenser comment fédérer, comment coordon-ner, comment motiver… dans un contexte dediversité, peut-être plus que dans un environ-nement homogène qui aura tendance à repro-duire des comportements connus voireprévisibles, non seulement elle ne produirarien de particulier, mais en plus elle prendrale risque de générer des conflits en interne. Ladiversité se manage donc, en anticipation déjà,en quotidien ensuite, en perspectives enfin.Le processus de mise en œuvre de la diversitéest donc crucial. Il peut être analysé commeun processus d’apprentissage organisationnel.Vous trouverez ci-dessous la description dessix principales étapes, développées par Synetzqui peuvent se résumer ainsi :

Première étape.Création d'un Comité de Pilotage de la Diver-sité, composé de membres engagés et issusd’origines diverses, nommés par la direction.

Deuxième étape.Scenarii pour le futur. Le Comité de Pilotagede la Diversité, en partenariat avec le top ma-nagement, les parties prenantes-clés et les re-présentants de différents services del’entreprise, doit organiser une sorte d’atelierd’élaboration de scenarii. Au final, on sélec-tionnera un scénario sur lequel on se concen-trera.

Troisième étape.Vision et stratégie. La prochaine étape consisteà formuler une visionet une mission pour l’entreprise, issues du scé-nario précédemment sélectionné. Cettevision et cette mission devront être axées surles forces, les faiblesses, les opportunités et lesmenaces identifiées par le scénario. (MéthodeSWOT). Au final, des énoncés de vision et demission devront être formulés, permettant àl'entreprise d'établir une stratégie claire.

Quatrième étape.Audit de la diversité. Un audit de la diversitépermet ensuite d'analyser la situation présentede l'entreprise. Il est conduit au moyen d’en-tretiens personnels avec tous les groupesconcernés et peut être accompagné d’un ques-tionnaire standardisé permettant d’étudier lesattitudes envers la diversité.Les résultats de l’audit de diversité seront exa-minés par le comité de pilotage de la diversitéqui présentera les éléments-clés de sa situationactuelle à un public plus large pour détermi-ner le point de départ des changements quiconduiront à l’adoption d’une approche sin-cère du management de la diversité.

Mise en œuvre du management de la diversité développé par

Synetz www.synetz.de

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Cinquième étape.Objectifs de l’entreprise. L’étape suivanteconsistera pour le management et le comité depilotage de la diversité à définir les objectifsgénéraux de l’entreprise pour la mise enœuvre du management de la diversité. Cesobjectifs devront être clairement en lien avecla stratégie globale précédemment formulée,et garantir la participation de tous. Chacund’entre eux devra être invité à ajuster ces ob-jectifs à son propre contexte et à définir descritères précis et mesurables pour leur réalisa-tion.

Sixième étape.Mise en œuvre du Management de la Diver-sité. Au cours du processus de mise en œuvre,le comité de pilotage de la diversité joue unrôle crucial. Il supervise, pilote et accompagneles différentes actions.Il est le carrefour central de la communication.

Les discussions autour du bien-fondé des dif-férentes politiques de management, sont nom-breuses et même si de plus en plus entreprisess’engagent conscientes d’un atout écono-mique, dans les faits les avis sont plus parta-gés et beaucoup de freins existent en interne.Selon une enquête de l’IFOP datant de janvier2013, pour 81% des actifs, la crise et la détério-ration de l’emploi ont une forte influence surla fréquence des discriminations. Autre motifd’inquiétude, la formation des managers dedemain. Ils sont aujourd’hui formés dans desécoles de commerce qui ne sont pas diversi-fiées.

Il est indispensable cependant pour les gérerau mieux de se poser la question en termed'approche éthique de la diversité. Quelleéthique pour la diversité ? La diversité est-elleéthique ? Deux écueils fondamentaux sont àéviter : le manque d'exemplarité du top mana-gement, la victimisation des personnes ou desgroupes de personnes concernés.

(1) L'un des pères contemporains de ce concept est :Emmanuel Lévinas, Altérité et transcendance, ÉditeurLGF, 2006.(2) Ce paragraphe s'inspire largement du Manuel deManagement pour la Formation de laDiversité (International Society for Diversity Manage-ment – idm), www.idm-diversity.org,Septembre 2007.

Françoise de Bry, Vice-présidente de l’Acadé-mie de l’éthique.Jean-Luc Laffargue, Directeur de la Publica-tion.

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L’équité, un enjeu managérial.

L’équité résulte d’un ensem-ble cohérent de politiques etde pratiques appropriées.

Les valeurs organisationnelles qui sefondent sur le respect de valeurséthiques, constituent les ingrédientsessentiels pour le maintien et le déve-loppement d’une bonne qualité de vieau travail.

UNE DEMANDE D’ÉQUITÉ

Aujourd’hui, où l’image de l’entreprise est unfacteur-clé pour recruter des « hauts poten-tiels», l’équité au sein de l’organisation est de-venue un élément de différenciation pour lefutur embauché. Pour eux il apparaît évidentqu’une entreprise doit offrir un certain bien-être au travail, avec de bonnes conditionsd’exercice de leur métier et des possibilitésd’évolution. Ils sont aussi plus attentifs auxperspectives offertes par un grand groupe :l’innovation sur son marché ou face à sesconcurrents et, à un niveau plus proche, deleur travail, une bonne transmission des com-pétences professionnelles, par exemple parune politique de formation active. Quant auxcritères d’excellence qui vont rendre une entre-prise nationale plus attractive que les autres,ils se concentrent autour de l’équité RH : l’éga-lité hommes-femmes, l’ouverture aux jeunes,etc. C’est sur cet engagement sociétal, le rôlede l’employeur dans la cité, que les entreprisessont les plus attendues.

La gestion des personnes est sans aucun doutele domaine du management où la RSE, dans sadimension de responsabilité sociale, apparaîtcomme incontournable. L'équité socialeconcerne tant les rapports entre l'entreprise etle salarié que les rapports entre les salariéseux-mêmes, et également, les rapports de l'or-ganisation et de ses membres avec leur envi-ronnement et les autres parties prenantes,notamment les sous-traitants, les fournisseurs,les clients.Elle est au centre des contradictions entre leslogiques économiques et les logiques sociales,mais elle est en même temps la cheville de lapolitique de motivation et d'implication dupersonnel. Les dirigeants eux-mêmes ont despratiques contradictoires, considérant les sala-riés tantôt comme une variable d'ajustement,tantôt comme un avantage compétitif, ou en-core comme un enjeu idéologique.Le respect des droits de l'homme, en tout pre-mier lieu le respect de la dignité humaine,constitue le fondement même des relations so-ciales dans l'entreprise. Leur violation, sousdes formes diverses (harcèlement moral et

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sexuel, non-respect de la vie privée des indi-vidus ...), est à l'origine des principaux conflitséthiques. « Tous DRH », tel est le titre d'un ou-vrage collectif sous la direction du ProfesseurJean-Marie Peretti, qui nous démontre que lagestion des ressources humaines n'est pasl'apanage de la fonction correspondante dansl'entreprise. Si l'équité sociale est l'un des ob-jectifs de la RSE, elle ne peut se construire qu'àpartir de l'exemplarité et de la justice.

EXEMPLARITÉ ET JUSTICE NE DOIVENTPAS ÊTRE UTILISÉES POUR MANIPULERLES SALARIÉS.

« Le poisson pourrit par la tête » dit le pro-verbe chinois. « La femme de César ne doitpas être soupçonnée », mots par lesquelsCésar, d'après Plutarque (Vie de César, XI),aurait répudié sa femme Pompeia. Ces cita-tions expriment la nécessité pour le dirigeant,mais aussi pour tous les responsables àquelque niveau que ce soit, d'être exemplaire.Cette exemplarité doit être au cœur de l'équitésociale, elle constitue le fondement de laconfiance des salariés dans leurs supérieurshiérarchiques. Comment le chef d'entreprisepayant un bakchich pour obtenir un marchépeut-il interdire à ses salariés d'accepter descadeaux des fournisseurs ? Comment prônerla rigueur salariale lorsqu'on s'octroie uneaugmentation conséquente ou des stock-op-tions ? Le dirigeant, par sa fonction moraledans l'entreprise, joue un rôle fondamental encréant la confiance indispensable à sa survie.La performance de l'organisation à long termedépendra de la valeur personnelle de ce diri-geant, notamment de ses principes éthiques etde sa faculté à donner l'exemple.

Si l'entreprise affirme son rôle éthique, leschefs doivent certes montrer l'exemple, maisil ne leur appartient pas de s'ériger en direc-

teur de conscience, détenteur desvaleurs universelles, ce qui met-trait l'exemplarité au service de lamanipulation. Quels sont les cri-tères d'un comportement exem-

plaire ? L'honnêteté, la franchise, le sens del'intérêt général, le charisme, la cohérence per-sonnelle ... Il peut se définir de manière posi-tive : « Je fais ce que je dis, je dis ce que je fais»,de manière négative : « Faites ce que je dis, nefaites pas ce que je fais ». Il tend à légitimerl'autorité du chef, corollaire du pouvoir qui luiest donné par sa place dans la hiérarchie del'entreprise.

Théorie du processus, l'équité est l'une des ex-plications de la satisfaction, de la motivationet de l'implication du salarié. Elle repose surl'idée que les salariés attendent que leurs ap-ports dans le travail (compétence, expérience,temps, obéissance ...) soient récompenséséquitablement. Symétriquement, l'employeurattend qu'en échange l'employé fournisse uneffort qui lui paraisse équitable. Le salarié ef-fectue des comparaisons avec les autres em-ployés dans l'entreprise, qui fournissent soitle même travail, soit un travail hiérarchique-ment inférieur ou supérieur, et égalementavec les salariés d'autres entreprises. Ces com-paraisons le conduisent à déterminer son com-portement au travail. Qualifiée de« dissonance cognitive » au sens de Festinger(1957), cette situation différenciée se définitcomme « un état de malaise psychique dû aufait que l'on est partagé entre deux ou plu-

Le poisson pourrit par la tête dit leproverbe chinois...»«

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sieurs idées contradictoires ». Dans un soucide cohérence logique et d'harmonie affective,l'individu tente de réduire, voire de faire dis-paraître cette dissonance.

L'équité sociale tente ainsi d'établir un équili-bre entre les attentes du salarié, ses perfor-mances et la rentabilité de l'entreprise. Denombreux exemples apparaissent ainsi dansle cycle de vie du salarié.

LA RSE ET LE CYCLE DE VIE DUSALARIÉ DANS L'ORGANISATION.

Du recrutement au départ du salarié, la RSEconcerne tous les aspects de son cycle de viedans l'entreprise, notamment : intégration, ré-munération, formation, climat social, harcèle-ment, discrimination, stress, alerte éthique,organisation du travail, licenciement, démis-sion ou départ à la retraite.

L'institutionnalisation de la RSE : de la hardlaw à la soft law.Si la liberté de l'entreprise doit s'exercer dansun cadre, on peut ainsi distinguer les pays desoft law (normes douces) des pays de hardlaw (obligations légales).Les « normes douces » comprennent toutes lesnormes à l'exception des lois, des règlementset des contrats qui constituent les obligationslégales. Les premières peuvent être classées endeux catégories :- l'autorégulation : normes juridiques élabo-rées par et pour l'entreprise, par exemple lescodes éthiques,- la réglementation volontaire : normes encou-ragées par les décideurs et élaborées avec lesacteurs concernés, par exemple la normeSA8000.

La France oscille ainsi entre la softlaw avec la mise en place spontanéede chartes éthiques et le respect vo-lontaire de normes facultatives(SA8000, ISO9000,ISO 14000, GRI...)et la hard law (cf. notamment lecode du travail) caractérisée par desobligations légales telles que :- le bilan social, rendu obligatoire

par la loi de 1977,- ensuite le Rapport sur l'égalité profession-nelle, instauré par la loi Roudy en1983 et com-plété récemment par la loi Génisson en 2001,- enfin la loi sur les Nouvelles RégulationsÉconomiques en 2002 qui impose notammentaux entreprises cotées d'établir annuellementun rapport social et environnemental.L'émergence du développement durable, dela RSE et de l'éthique crée dans les organisa-tions un nouveau métier aux dénominationsvariées : déontologue, éthicien, compliance of-ficer.

LE DÉONTOLOGUE.

À la croisée des fonctions dans l'organisation,le déontologue, pour sauvegarder son indé-pendance, dépend généralement directementde la direction, que son poste soit une fonctionà temps plein ou qu'il fasse partie de la DRH,de la direction juridique, voire du service fi-nancier.

Du recrutement au départ du sala-rié, la RSE concerne tous les as-pects de son cycle de vie dansl’entreprise : intégration, rémuné-ration, formation, discrimination,stress, départ à la retraite...»

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La fonction de déontologue dans l'entrepriseremonte aux années 1970 aux USA ; elleconnaît un essor remarquable en France dansla décennie 1990. À partir de 1997, une régle-mentation a imposé aux entreprises du secteurfinancier de mettre en place une fonctiondéontologique.Les principales raisons invoquées par l'entre-prise pour promouvoir une fonction éthiquesont les suivantes :- en interne, affirmer l'identité de l'entrepriseet sa différence, rechercher une cohérenceéthique autour de principes communs, fédéreret mobiliser le personnel, développer la cul-ture de responsabilité des managers ;- en externe, concrétiser la responsabilité so-ciale de l'entreprise et se donner un avantageconcurrentiel ;- en interne comme en externe, protéger l'en-treprise contre les agissements d'agents sus-ceptibles de nuire à ses intérêts.

Les missions du déontologue varient, notam-ment avec le secteur d'activité et la taille del'entreprise. Les plus souvent repérées dansl'organisation sont les suivantes:- aider l'entreprise à expliciter sa politique enmatière d'éthique,- mettre en œuvre la politique éthique,- organiser et déployer la fonction éthique,- sensibiliser et former le personnel à l'éthique,- mettre l'entreprise à l'abri de toute malver-sation et la protéger contre les risqueséthiques,- promouvoir la politique éthique dans l'entre-prise,- assurer le reporting global et mettre en évi-dence les réalisations de l'entreprise en ma-tière de RSE.

LES RÉMUNÉRATIONS.

Garantir à chaque salarié une rémunérationéquitable : cet engagement est affiché dans denombreuses politiques de rémunération.Pour les entreprises, être un employeur équi-table permet d’être classé parmi les em-ployeurs de référence, d’être reconnue commeune entreprise où il fait bon travailler. Avoir

une bonne image employeur, dans le contexteactuel de guerre des talents, est un atout pourattirer et fidéliser les compétences nécessairesau développement de l’entreprise. Des re-cherches ont fait ressortir le lien entre « entre-prise équitable » et « salariés fidèles ». Lebesoin d’équité est externe – être aussi bientraité que dans les autres entreprises – et in-terne – chacun dans l’entreprise est convena-blement traité. L’équité externe favorise lerecrutement et la rétention des talents.L’équité interne développe l’engagement etl’implication des salariés.Pour être perçues comme équitables, les entre-prises se doivent d’identifier les attentesd’équité des salariés. Elles réduisent ainsi lesrisques induits par des sentiments de sous-équité, individuelle ou collective. Elles veillentà définir des règles et à mettre en oeuvre desprocédures pour parvenir à un niveaud’équité élevé. Réaliser des audits de l’équitédans l’entreprise permet de garantir l’équité.Chaque salarié souhaite et recherche un trai-tement équitable. Les enquêtes montrent uneexigence accrue de justice et d’équité et lepoids croissant des comparaisons. Mieux in-formé, bien que de façon parcellaire, le salariéutilise un nombre croissant de référentiels. Ils’interroge sur les écarts et attend des justifi-cations ou des actions correctives.La préoccupation d’équité s’élargit depuisquelques années dans le cadre du refus detoute discrimination.L’entreprise doit garantir non seulementl’équité entre les personnes, mais aussi entredes groupes d’appartenance. L’équité entre lesfonctions, les établissements, les filiales, estimportante.

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Lors de fusions et d’acquisitions, la diversitédes situations génère souvent des sentimentsd’iniquité qu’il faut faire disparaître pourréussir l’opération. Le toilettage des statuts etl’harmonisation des pratiques sont des préa-lables pour dégager les synergies attendues.L’équité entre générations, selon le genre,selon l’origine et en fonction de tous les autrescritères de discrimination interdits doit égale-ment être recherchée.Les parties prenantes sont sensibles à la nondiscrimination. Les entreprises doivent justi-fier toute différence susceptible de refléter unediscrimination même indirecte.La loi 2006 sur l’égalité salarialefemme/homme illustre cette pression crois-sante sur les entreprises pour qu’elles contrô-lent toutes les pratiques pouvant réduirel’équité.Les salariés sont sensibles à la relation entre lacontribution qu’ils apportent à l’entreprise etla rétribution qu’ils en reçoivent. Dans leuréchange avec l’entreprise, ils évaluent ce qu’ilsdonnent et ce qu’ils reçoivent. Chaque salariéconstruit son ratio d’équité, rapport entre sarétribution et sa contribution.Ce rapport sert de base aux comparaisons in-ternes et externes. Lorsque le salarié se com-pare à ses collègues, ses collaborateurs, sahiérarchie dans son entreprise, il appréciel’équité interne. Lorsqu’il prend comme basede comparaison des salariés d’autres entre-prises, il se situe sur le plan de l’équité ex-terne.Dans les deux cas, le sentiment d’équité ou denon équité a des incidences fortes sur les com-portements des salariés.

L’INIQUITÉ.

L’hyper-rationalisation des organisationsconduit à un éloignement des salariés entreeux et vis-à-vis du management. Il est indis-pensable de renforcer le lien social, ciment desorganisations, d’autant plus qu’il est néces-saire de travailler de manière collaborative :du top talent qui devra mener une carrière in-ternationale et tisser un réseau très large etmulticulturel à l’intérieur de l’entreprise, aux

techniciens experts qui seront centre de sup-port auprès de commerciaux à l’autre bout dela planète… les entreprises ont besoin de fa-voriser l’initiative et la coopération.Dans l’entreprise de demain, on sera amené àtravailler avec tout le monde en réseau. Il nesuffira plus de recruter des talents, il faudrales faire travailler ensemble et donc pour celacréer de la confiance réciproque. Tout celas’inscrit dans le cadre d’une responsabilité so-ciale toujours plus large de l’entreprise, à l’in-térieur comme à l’extérieur. Or l’iniquitéconduit à un appauvrissement, aux discrimi-nations, au mécontentement et à la démobili-sation. Le salarié qui a un sentiment d’équité interneet externe satisfaisant, témoigne d’un haut ni-veau de fidélité organisationnelle. La fidélitéorganisationnelle est caractérisée par :- une faible propension à rechercher untravail ailleurs ;- un attachement affectif ;- une efficacité dans l’exécution des acti-vités qui contribuent au noyau technique del’organisation (performance dans la tâche) ;- une contribution à l’entretien et à l’en-richissement du contexte social et psycholo-gique de l’organisation (performancecontextuelle) (Swalhi, 2007).

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La perception par les salariés d’un haut ni-veau d’équité développe cette fidélité organi-sationnelle. Au contraire, un sentiment de nonéquité est source de risque.Selon la théorie de l’équité (Adams, 1963), toutsalarié en situation perçue de non équité agitpour rétablir la justice. Les comportementsqu’il adopte sont des sources de risques pourl’entreprise.Les principaux risques proviennent de lasous- équité interne. Selon la théorie del’équité formulée par J.S.Adams, le constat d’une situation de souséquité entraîne une action pour modifier leratio en faisant varier la contribution ou la ré-tribution En situation de sous-équité, le salariéessaie d’accroître sa rétribution en réclamant(ou en « trichant » : détournement de fourni-tures, utilisation personnelle d’équipement,remboursements abusifs de frais, …) ou, plusgénéralement, réduit discrètement sa contri-bution (moindre qualité, absentéisme, ralen-tissement, non-coopération,…).Le salarié peut également s’efforcer d’agir surle ratio du référent. En sous- équité à l’égardd’un collègue il cherche à réduire son ratio enaccroissant le dénominateur (sa contribution)ou en réduisant son numérateur (sa rétribu-tion).Ainsi par une faible coopération avec son col-lègue, en conservant certaines « astuces de tra-vail » ou en bloquant des informations, ilaccroît la charge de travail de son collègue. Enle dénigrant, il met en péril l’accroissement desa rétribution.Ces comportements entre collègues contri-buent à la sous-performance de l’organisation.L’équité peut être interne ou externe. Quatrecas peuvent être distingués :- un double sentiment de sous-équité in-terne et externe conduit à un départ rapide. Lesalarié qui estime que sa contribution n’est passuffisamment reconnue en interne et qu’il se-

rait mieux traité ailleurs, re-cherche activement un em-ploi à l’extérieur del’entreprise. De plus, sacontribution dans son emploisera en deçà de ses possibili-

tés.- un sentiment d’équité interne associé àcelui d’une sous équité externe présente unrisque de départ lorsqu’une opportunité ex-terne se présente. Cependant, le salarié quiconsidère être convenablement traité par l’en-treprise a une contribution élevée et necherche pas activement à quitter l’entreprise.Pour réduire le risque de départ, les organisa-tions qui payent en dessous du marché doi-vent offrir un travail intéressant, permettre unfort développement des compétences et un cli-mat de travail de qualité. La qualité de lagrappe de pratiques RH dont bénéficie le sa-larié devient un atout essentiel pour le fidéli-ser ;- un sentiment de sous-équité interneassocié à une sur-équité externe est unesituation particulièrement dangereuse pourl’entreprise. Ne pouvant conserver ailleursles mêmes avantages, le salarié reste ; s’esti-mant mal traité en interne, il réduit sa contri-bution ;- Lorsque le salarié ressent un sentimentde sur-équité interne et externe, sa fidélité or-ganisationnelle est forte. Le coût de cette sur-équité peut être cependant élevé si l’entreprisesupporte des coûts salariaux excessifs.

RÉUSSIR L’ÉQUITÉ.

L’équité résulte d’un ensemble cohérent depolitiques et de pratiques appropriées. Garan-tir au salarié un traitement équitable impliqueque :- sa contribution soit effectivement éva-luée et appréciée. La contribution correspondau poste occupé et à la performance dans ceposte. La qualité de la grille des salaires d’unepart et du système d’appréciation d’autre partsont essentielles ;- la possibilité d’accroître sa contributionlui soit offerte. L’entreprise peut aider le sala-

La perception d’un haut niveaud’équité développe la fidélité organi-sationnelle. Un sentiment de non-équité est source de risque...»

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rié à accroître sa contribution à travers des po-litiques d’affectation équitable, de développe-ment des compétences, d’amélioration desconditions de travail et la qualité de la hiérar-chie de proximité ;- le lien entre contribution et rétributionsoit explicite. Les règles des décisions d’aug-mentation de calcul des bonus, d’octroid’avantages non monétaires et de toute me-sure modifiant la rétribution d’un salarié doi-vent être précisées et communiquées. Enparticulier que le lien entre accroissement dela contribution et accroissement de la rétribu-tion soit précisé et respecté ;- les règles soient respectées, garantis-sant au salarié la rétribution qu’il a mérité ;- sa rétribution soit connue et évaluéedans toutes ses composantes et que l’informa-tion sur toutes les composantes, monétaires etnon monétaires, de sa rétribution lui soit com-muniquée.

Le dernier point est devenu plus complexe de-puis une vingtaine d’années. Les composantesde la rétribution se sont multipliées et lesgrands arbitrages ont évolué. Cette complexitécroissante rend délicate l’évaluation par le sa-larié de sa rétribution globale. Il doit prendreen compte simultanément des éléments fixeset d’autres variables, des éléments collectifs etd’autres individualisés, des éléments immé-diats et des éléments différés, des compo-santes monétaires et d’autres non monétaires,des rémunérations et du temps libre.La reconnaissance peut être considéréecomme un critère pour évaluer les différentesmodalités de rémunération.Ainsi le salaire au mois des « mensuels » était-il perçu comme un véritable signe de recon-naissance de l’importance de la qualificationpar rapport aux « horaires ». La loi de 1979 surla mensualisation a accordé à tous cette recon-naissance.Aujourd’hui, avoir droit à des stock-optionsest généralement considéré comme un signefort de reconnaissance et d’appartenance au «noyau dur » des compétences stratégiques del’entreprise, qu’il faut fidéliser et récompenserpleinement.

Chez les commerciaux, la part de salaire fixedans la rémunération totale est souvent per-çue comme un élément de reconnaissance. «Si l’entreprise ne me rémunère que lorsque jeramène des commandes, c’est qu’elle meconsidère comme un vendeur jetable. »Dans la mise en œuvre d’une politique de ré-munération globale, l’entreprise doit veiller àprendre en compte la dimension « reconnais-sance » de chaque composante. Dans un arbi-trage entre deux composantes qui présententdes similitudes pour la plupart des critères, ilest opportun de choisir celle qui apporte unplus en matière de reconnaissance. Il fautdonc connaître les perceptions des salariés surce point.Une phrase est souvent recueillie dans les en-tretiens d’audit de rémunération : « Si on mejuge capable d’avoir une augmentation indi-vidualisée, qu’on me considère aussi capablede comprendre comment elle a été détermi-née. » Il y a là un réel besoin de reconnais-sance.Il apparaît clairement que le choix d’une mo-dalité de rémunération, d’une part, la procé-dure de mise en application, d’autre part et,en particulier, la communication sur l’ensem-ble du dispositif, ont un impact fort sur le ni-veau de reconnaissance.Or la rétribution est la somme de la rémuné-ration et de la reconnaissance dans la détermi-nation par chaque salarié de son ratiod’équité. Un bon choix de rémunération ac-compagné d’une communication pertinenteaméliore la perception de l’équité.Inversement, une communication maladroitepeut réduire l’impact d’une composante, ce-pendant coûteuse, de la rémunération.L’audit d’une rémunération globale fait sou-vent ressortir combien certaines dépenses sontmal perçues par les bénéficiaires.Parce qu’ils sont obligatoires du fait de la loiou parce que l’usage leur a confié un caractèred’avantages acquis, l’entreprise néglige par-fois de communiquer sur ces éléments. Ils nesont alors perçus ni comme un élément de ré-munération, ni comme un signe de reconnais-sance.

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AUDITER L’ÉQUITÉ.

L’entreprise respecte-t-elle ses engagementsen matière d’équité ?Les missions portent sur les engagementsconventionnels, discrétionnaires ou contrac-tuels et les obligations légales et règlemen-taires. L’auditeur évalue les risques de lanon-équité interne ou externe et les coûtsqu’elle engendre.Il identifie les principales zones de risqueséventuellement grâce à une enquête auprès dupersonnel. L’audit porte essentiellement sur lerespect des quatre règles procédurales de lajustice :- L’entreprise garantit-elle à chaque salariéune évaluation fiable de sa contribution ?- L’entreprise favorise-t-elle l’accroissementde la contribution mesurable du salarié ?- Les règles reliant contribution et rétributionsont-elles explicitées, connues, transparentes?- Les managers respectent-ils ces règles etchaque salarié reçoit-il la rétribution méritée ?

L’audit de chacune de ces règles permetd’évaluer le niveau de justice organisation-nelle et d’identifier les points faibles sur les-quels agir et communiquer pour renforcer lesentiment d’équité.Ces dernières années, l’explosion des rémuné-rations des dirigeants en Europe, les niveauxde bonus de certains financiers et la publica-tion des revenus de certains sportifs, artistesou acteurs ont provoqué un sentiment desous-équité.Les conflits actuels sur les salaires et le pou-voir témoignent de l’actualité du thème del’équité.L’entreprise qui accroît son « capital équité »par un effort constant pour améliorer la qua-lité de ses pratiques et de ses décisions RH as-sure la pérennité de son capital humain etl’implication durable de ses collaborateurs.

EN CONCLUSION.

Phénomène très subjectif, la justice organisa-tionnelle se définit globalement par la concep-tion qu’un employé a de la façon dont le traite

son entreprise. La théorie de la justice organi-sationnelle prend racine dans la théorie del’équité d’Adams : la perception d’équité etcelle d’iniquité se basent sur la rétributiond’un employé ( ce qu’il reçoit de son organi-sation ) et sur sa contribution ( ce qu’il apporteà l’organisation), qu’il compare à un point deréférence. Ce point de référence peut être uncollègue de la même entreprise dont le posteest équivalent au sien, ou dans une autre en-treprise, ou encore, son expérience profession-nelle passée.Les valeurs organisationnelles qui se fondentsur le respect de valeurs éthiques, constituentles ingrédients essentiels pour le maintien etle développement d’une bonne qualité de vieau travail. Elles témoignent ainsi d’une orga-nisation mature et ouverte aux préoccupationsdes salariés et de l’ensemble de la société.

BIBLIOGRAPHIE.

Adams J.-S. (1963), « Toward an Undestanding of Inequity »,JASP, n° 65. Colle, R. (2006), « L’influence de la GRH à la cartesur fidélité des salariés : le rôle du sentiment d’autodétermi-nation » Thèse de Doctorat en sciences de gestion, IAE d’Aix-Marseille.Igalens J. & Péretti J.M. (2008), Audit Social, Eyrolles, ParisPéretti J.M. (2004),Les clés de l’équité dans l’entreprise, les Editions d’organisa-tion, Paris.Swalhi A. (2007), « Déterminants de la fidélité organisation-nelle », Thèse de doctorat en sciences de gestion, IAE deCorse.D’après :Françoise de Bry, Vice-présidente de l’Acadé-mie de l’éthique.Jean-Luc Laffargue, Directeur de la Publica-tion.

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Le concept de responsabilité.

De quoi est-on responsable ? Qui est responsable ? Devant qui est-on responsable ? Mêmesi le concept général de responsabilité est aisément perceptible, en réalité il est de plus enplus question de son élargissement au-delà de son acception traditionnelle.

LES FONDEMENTS DE LARESPONSABILITÉ.

Les fondements philosophiques de la respon-sabilité sont extrêmement nombreux et contro-versés. Nous ne donnerons pas ici une vueexhaustive de ces fondements, ni même desdifficultés et débats qu’ils soulèvent. Nous ten-terons plutôt de réunir ceux qui nous parais-sent pertinents au regard des problèmes seposant à l’entreprise, dès lors que la responsa-bilité de cette entité est envisagée.La liberté d’agir constitue la genèse de la res-ponsabilité. Elle seule peut exprimer la respon-sabilité de l’homme. Sans liberté il n’est pointde responsabilité. Liberté et responsabilité sont

donc étroitement liées. Mais on ne peut pas af-firmer que tout acte libre est un acte responsa-ble. Au contraire, la responsabilité impliquedes règles de conduite qui doivent être gouver-nées par la prudence. Dès lors, l’application àl’entreprise devient évidente. Le marché doitlaisser à l’entreprise la possibilité d’agir libre-ment, mais de manière prudente. Le compor-tement prudent définit alors une entrepriseresponsable.Il ne s’agit pas d’une prudence généralisée, pa-ralysante, mais bien d’une prudence par rap-port à autrui, c’est-à-dire par rapport àl’environnement interne et externe de l’entre-prise, que celui-ci soit humain, social, écono-mique, environnemental ou écologique.Cependant, la responsabilité envers autrui

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peut vite devenir excessive. L’application àl’entreprise devient alors extrêmement diffi-cile : l’entreprise ne peut pas et ne doit pas êtretenue responsable de tous les maux de la so-ciété.

Pour voir émerger le concept de responsabi-lité, il est nécessaire de rejeter la doctrine so-cratique selon laquelle « Nul n’est méchantvolontairement ». Elle a en effet pour consé-quence de permettre aux individus d’échap-per à toute forme de responsabilité à l’égardde leurs actes. Le mal ne pouvant être voulu,il est exclu qu’il soit le choix délibéré de l’in-dividu. Ainsi, le drame de l’homme vient deson impuissance à connaître le bien ; le maln’est alors que l’expression de l’ignorance dubien.Platon ne suit pas son maître quand il affirmeque la responsabilité appartient à celui quichoisit. En reconnaissant qu’il existe un choix,il admet déjà une forme de liberté et pose unepremière pierre à l’édifice sur lequel seconstruit la notion de responsabilité. Si cer-taines actions sont inéluctables comme man-ger ou boire, rien ne saurait nous persuaderd’y renoncer.En revanche, beaucoup d’autres actions dé-pendent de nous et sont de ce fait volontaires.Mais ce choix et la liberté qui s’exerce à traverslui ne correspondent pas seulement à un acteque je décide de faire ou non, c’est aussi unacte que je choisis avec toutes ses consé-quences. Dès lors, une première difficulté sepose : la responsabilité doit-elle se mesurer àl’aune des actes ou de leurs conséquences ?La question est particulièrement importantepour l’entreprise dans la mesure où les consé-quences sont parfois difficilement prévisibles.Aristote précise que les mauvaises actionspeuvent être évitées. Il dépend en effet del’homme de les commettre ou non. Cela im-plique que nous sommes capables de délibé-

rer sur l’opportunité de ses ac-tions, que nous pouvons en éva-luer les conséquences et pouvonsen conséquence nous montrerprudents. Aristote définit la pru-

dence comme une « disposition accompagnéede règle vraie, capable d’agir dans la sphèrede ce qui est bon ou mauvais pour un être hu-main » (Éthique à Nicomaque : 285, 1140b).Ainsi le prudent se préoccupe des consé-quences prévisibles de ses actes. La prudenceest une vertu qui nous permet de prendre labonne décision, de décider de la bonne action.Elle semble à ce titre inséparable de la respon-sabilité ; elle reste cependant chez Aristote uneprudence sur les moyens d’atteindre une finet non sur les fins elles-mêmes. Autrement dit,la délibération porte sur les moyens et non lesfins de l’action.Les stoïciens voient dans la prudence éclairéela forme fondamentale de la vertu, « la sciencedes choses à faire et à ne pas faire ». Mais ilsajoutent une pièce maîtresse au puzzle de laconstruction de la responsabilité : la raison. Eneffet, la vertu donne un rôle de premier planà la volonté, définie comme « la tendance oùle souhait s’accompagne de raison ». Sil’homme est bien sûr en proie aux passions, lesage stoïcien s’en rend maître puisqu’ildomine et maîtrise tous ses jugements. « Toutvient de toi, tout est en toi, tout rentre entoi », écrit le stoïcien Marc Aurèle.Il ne reste plus qu’un pas à franchir pour relierla liberté à la responsabilité par la raison. C’estsaint Thomas d’Aquin qui le saute en définis-sant le « libre arbitre » dans La Somme théo-logique : « L’homme possède le libre arbitre,ou alors les conseils, les exhortations, les pré-ceptes, les défenses, les récompenses et châti-ments seraient vains ». Le libre arbitres’explique, selon saint Thomas, à partir de lapropriété spécifique de la raison qui se donnedes possibles entre lesquels elle doit choisirsans que l’issue soit nécessaire. « … L’hommeagit par un jugement libre qui le rend capablede diversifier son action (…) ; il est nécessaireque l’homme soit doué du libre arbitre, du faitmême qu’il est doué de raison ».

L’entreprise ne peut pas et ne doitpas être tenue responsable de tousles maux de la société...»«

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La liberté semble une condition essentielle dela responsabilité. Mais la liberté dont il s’agitn’est pas tant la liberté d’agir ou de ne pasagir, elle est plutôt la liberté de la volontéd’agir ou non. Autrement dit, aucune force ex-terne ne doit contraindre l’action. Ce point devue sera défendu par Descartes, suivi en celapar Rousseau dans « Du contrat social », quin’hésite pas à affirmer que la liberté constituela nature inaliénable de l’homme, et à écrire «c’est ôter toute moralité à ses actions qued’ôter toute liberté à sa volonté ».Descartes développe une conception plus ra-dicale de la liberté dans le sens où elle libèrela volonté de toute soumission, aussi bien en-vers la raison et ses lois qu’envers la sensibilitéet sa « force d’attraction ». Il la nomme : libertéd’indifférence, c’est-à-dire le pouvoir de com-mencer un acte sans aucune raison. La libertéest la nature de la volonté en tant qu’elle main-tient son pouvoir d’indifférence à l’égard detout ce qui n’est pas volonté.Nous n’agissons cependant pas sans motifs(première définition de la liberté d’indiffé-rence), mais nous avons le pouvoir absolu dene pas en tenir compte (deuxième définitionde la liberté d’indifférence).Cependant, précise Descartes, cette libertéd’indifférence reste le plus bas degré de la li-berté, puisque choisir sans raison, c’est s’en re-mettre au hasard. Par contre choisir enconnaissance de cause est la plus haute expé-rience de la liberté. Paradoxalement, l’hommeest d’autant plus libre qu’il est moins indiffé-rent, qu’il agit avec raison, qu’il maîtrise lescauses de son choix. Seule cette maîtrise per-met d’échapper au hasard et de se soustraireaux contraintes extérieures.Ainsi, la volonté raisonnable apparaît commele plus haut degré de la liberté, ce que Des-cartes nomme la générosité, c’est-à-dire la vo-lonté de ne jamais manquer de volonté. Si lagénérosité est bien cette exigence de fermeté àl’égard de sa propre liberté, cela signifie donc,

a contrario, que ma liberté pourraitdécider (et elle le peut puisqu’elleest liberté) de ne pas bien userd’elle-même, voire de s’anéantircomme liberté.

Kant mène l’analyse à son terme, en affirmantque la volonté de l’homme est entièrementlibre. La liberté du vouloir constitue un pos-tulat de la loi morale, une évidence. La per-sonne est donc responsable dans la mesure où

elle se définit a priori comme « libre cause »de ce qu’elle fait. Sa responsabilité prend deuxformes : sa responsabilité morale, sa respon-sabilité juridique.En agissant moralement ou par devoir, elleagit en connaissance de cause et en sachant cequ’elle fait. La responsabilité morale, notionsubjective, se réfère au principe du vouloir «ce qui est bon en soi », la responsabilité juri-dique implique que l’acte est juste ou injusteselon qu’il est ou non conforme à ce qui doitêtre, mais ne renvoie pas à la libre intention-nalité de la personne.Le concept de responsabilité chez Kant est in-dissociable de celui de personne : « Une per-sonne est un sujet dont les actions sontsusceptibles d’imputation (…). Elle ne peutêtre soumise à d’autres lois que celles qu’ellese donne elle-même ». C’est l’imputation quifait la différence entre la personne et la chose.La personne est en même temps l’auteur del’acte et l’auteur des conséquences de cet acte.

La liberté semble une condition essentielle de la responsabilité...»«

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Ainsi, l’accent mis sur la liberté de la volonté,l’autonomie, a une implication radicale. Si laliberté ou la volonté est remise en cause, la res-ponsabilité elle-même disparaît. Plusieurs cri-tiques se sont appuyées sur cette relation afinde démontrer l’absence de responsabilité.

LES CRITIQUES DE LARESPONSABILITÉ FONDÉESSUR LA LIBERTÉ.

Deux catégories de critiques ont été adresséesà cette conception de la responsabilité : les pre-mières remettent en cause l’existence de la li-berté des individus, les secondes, tout enadmettant la liberté, la délimitent en insistantsur la dépendance vis-à-vis de l’environne-ment social.

Une absence de liberté.Spinoza critique sévèrement le concept de li-berté infinie posé par Descartes. Selon lui, af-firmer que l’homme est toujours libre derésister au mal, mais qu’en même temps il estresponsable de céder à la tentation, est contra-dictoire.Si l’homme n’a pas pu résister à la tentation,c’est qu’il n’était pas en son pouvoir de lefaire. Il a succombé parce qu’il n’était pas librede vouloir ou de ne pas vouloir le mal ; sespenchants naturels l’entraînaient irrésistible-ment à vouloir ce qu’il a voulu.En fait, les actions les plus quotidiennes et lesplus concrètes obéissent à des déterminations(sociales, économiques, psychologiques) surlesquelles nous n’avons que peu de prise.Ainsi, la moralité de nos actes demeure incer-taine. La liberté devient alors chez Spinozaune «illusion psychologique de la liberté».Comme il le souligne dans la proposition 35du livre II de son ouvrage Éthique : « Leshommes se trompent en ce qu’ils se croient li-bres ; et cette opinion consiste en cela seulqu’ils ont conscience de leurs actions et sontignorants des causes par où ils sont détermi-nés ; ce qui constitue donc leur idée de liberté,c’est qu’ils ne connaissent aucune cause à leuraction ». Spinoza ruine toute idée de faute, enconsidérant comme libre une chose qui est et

agit par la seule nécessité de sa nature,et contrainte une chose qui est déterminéedans son action par une autre chose externeà la première. Mais dès lors qu’il est dansla nature des hommes de faire le mal, « car ilspèchent à cause de leur nature propre etne peuvent faire autrement », il n’est pasresponsable même s’il est puni comme « unchien enragé ».Freud critique également la liberté d’indiffé-rence de Descartes, sans pour autant commeSpinoza rejeter l’existence du libre arbitre.Dans les actes même sans importance où nouscroyons être libre de choisir cette indifférence,l’homme peut jouir de motivations incons-cientes. « Il résulte que le déterminisme psy-chologique apparaît sans solution decontinuité. »

Une liberté limitée.Une autre série de critiques concerne, non pasla liberté elle-même, mais les conditions danslesquelles elle s’exerce. Marx, dans La SainteFamille, écrit ainsi que « si l’homme n’est paslibre au sens matérialiste, c’est-à-dire s’il estlibre non pas par la force négative d’évitertelle ou telle chose, mais par la force positivede faire valoir sa vraie individualité, il ne fautpas châtier le crime dans l’individu, mais dé-truire les foyers antisociaux de crime et don-ner à chacun l’espace nécessaire à lamanifestation essentielle de son être. Sil’homme est formé par les circonstances, ilfaut former les circonstances humainement ».

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Ainsi, au lieu de tenir les individus pour res-ponsables des maux de l’humanité, quoi qu’ilsaient pu faire de mal, on portera remède auxcauses sociales du malheur humain dont ilssont victimes avant d’en être les agents. « À lavérité, le règne de la liberté commence seule-ment à partir du moment où cesse le travaildicté par la nécessité et les fins extérieures : ilse situe donc, par sa nature même, au-delà dela sphère de la production matérielle propre-ment dite. » (Marx, Le Capital). Tant quel’homme est aliéné dans son travail par le sys-tème capitaliste, il ne peut être libre, il ne sau-rait donc être responsable, mais seulementvictime d’un système qu’il ne maîtrise pas.Seul le communisme pourra le délivrer decette aliénation et le rendre libre.Althusser reprenant la problématique deMarx et de Nietzsche, qui voit dans le libre ar-bitre « le tour de force le plus mal famé qu’il yait », défend un antihumanisme théoriquepour nier l’existence du sujet. « C’est l’idéolo-gie qui interpelle l’individu comme sujet », cesont donc les autres, la société, les appareilsd’État, les prêtres, les juges, qui imposent àl’individu le point de vue du libre arbitre parlequel il devient sujet responsable.L’analyse d’Althusser permet l’introductiond’un nouvel élément central dans la problé-matique de la responsabilité.Il s’agit des autres, ou d’Autrui, concept quipermettra un renouvellement du débat no-tamment avec Lévinas et Jonas.Ainsi, comme le note Ricoeur (1994) dans unarticle sur l’évolution du concept de respon-sabilité, « on devient responsable du dom-mage parce que, d’abord, on est responsabled’autrui ». Ainsi, le débat sur la responsabilitéva se renouveler autour de la personne, d’Au-trui.Cependant, on peut appréhender la prise encompte de l’autre de deux manières. La pre-mière consiste à établir les relations que lespersonnes seraient prêtes à définir lors d’uncontrat social, par exemple le degré de justiceou de redistribution. Cette première modalitérépond aux critiques du libre arbitre en por-tant sur les conditions sociales dans lesquellesse trouve l’individu. Mais elle conduit plutôt

à la notion de solidarité qu’à celle d’une refor-mulation de la responsabilité. La secondeconsiste au contraire à donner à la responsa-bilité toute sa dimension personnelle en axantl’argumentation sur autrui en tant qu’il im-pose des contraintes à chacun pris dans sonindividualité.

Responsabilité et autrui.La philosophie contemporaine a largementréactualisé le débat sur la responsabilité enprenant appui sur Autrui et la responsabilitéà l’égard d’autrui. Dans ce cadre, la responsa-bilité devient omniprésente et surtout devientune charge considérable pour chacun. Troisauteurs ont particulièrement contribué à ce re-nouvellement : Sartre, Lévinas et Jonas.

Autrui, angoisse pour soi.Sartre développe une philosophie, un huma-nisme existentialiste entièrement centré sur laliberté et la responsabilité de l’homme.L’homme est « condamné » à être libre dèslors que le sens de ce qu’il doit faire ne lui estplus indiqué par une nécessité inscrite dansl’Histoire, la Nature, Dieu ou même la Raison.L’expérience de la responsabilité commencelorsque l’on doit prendre une décision sanspouvoir se référer à une norme puisque, « au-cune morale générale ne vous indique ce qu’ily a à faire, il n’y a pas de signe dans le monde» (Sartre, 1995 : p. 47).Sartre précise que ce choix ne peut se faire queseul et qu’il est toujours sans excuses. Ainsi laresponsabilité qui repose sur l’homme estexorbitante puisqu’il est responsable de sonexistence, de sa manière d’être et par ce fait

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des autres, du monde qui l’entoure et qu’ilmodèle.« Et quand nous disons que l’homme est res-ponsable de lui-même, nous ne voulons pasdire que l’homme est responsable de sa stricteindividualité, mais qu’il est responsable detous les hommes » (Sartre, 1995 : p. 31).

Le philosophe évoque donc une responsabilitéabsolue du sujet face à ses actes, mais aussiface à ce qu’il laisse faire, ce qui indique clai-rement la dimension morale de la responsabi-lité. Il affirme, par exemple, qu’il est du devoirde l’homme de combattre le gouvernementaméricain lors de son intervention armée auViêt-Nam. En laissant faire, il se fait le com-plice de cette guerre. La responsabilité devientune charge considérable et illimitéepuisqu’elle porte à la fois sur ce que chacundoit faire et sur ce qu’il ne doit pas laisserfaire.« L’homme, étant condamné à être libre, portele poids du monde entier sur ses épaules. Il estresponsable du monde et de lui-même en tantque manière d’être. » Cette responsabilitéécrasante reste cependant source d’angoissepour soi et non pas une crainte pour Autrui ;nous sommes constamment sous la menacequi naît de la présence d’Autrui dans lemonde, selon sa phrase célèbre : « L’enfer,c’est les autres ». Pour échapper à cette an-goisse, l’homme se réfugie dans la mauvaisefoi, soit celle du « lâche » qui se trouve tou-jours des excuses, soit celle du « salaud » quise croit justifié pour toujours.La responsabilité n’existe que lorsqu’il existedes incertitudes ; nos actes doivent y mettreun terme. Sartre reprend à son compte l’expé-rience grecque de la prudence, au sens aristo-télicien du terme, c’est-à-dire la prudencecomme vertu qui permet à l’homme de don-ner, par son action, un sens à un monde in-complet, toujours équivoque.C’est sur cette double thématique d’Autrui et

de la prudence que se développe la philoso-phie de Lévinas et de Jonas. Mais, dans lesdeux cas, c’est par un renversement de pers-pectives que leur analyse s’effectue.Chez l’un comme chez l’autre, l’angoisse poursoi est reléguée à une place secondaire parrapport au souci d’autrui qui prend tout son

sens et fonde la responsabi-lité.

Autrui comme générationsfutures.

Si Descartes est à la fois un défenseur acharnédu libre arbitre et le philosophe qui participade manière radicale au développement de lacivilisation scientifique et technique, Jonass’appuie largement sur le pouvoir de cette ci-vilisation technique pour développer saconception de la responsabilité.Les sciences et techniques nous ont dotés depouvoirs directement et indirectement des-tructeurs, du simple fait de nos consomma-tions quotidiennes. Nous sommes aujourd’huiinvestis d’une responsabilité inconnue des gé-nérations antérieures : laisser aux générationsfutures une terre habitable, et celle de ne pasaltérer nos conditions biologiques et géné-tiques d’existence. Faute de quoi nos descen-dants ne pourraient ni progresser, ni exercerleur propre responsabilité. D’où la reformula-tion suivante de l’impératif catégorique kan-tien par Jonas :« Agis de façon que les effets de ton actionsoient compatibles avec la permanence d’unevie authentiquement humaine sur terre » et «de façon que les effets de ton action ne soientpas destructeurs pour la possibilité futured’une telle vie ».Nous agissons donc, écrit Jonas, au sein d’unebiosphère en évolution, régie par la loi d’en-

Jonas fait de la responsabilité le fondement même de l’éthique...»«

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tropie, ne fournissant qu’un milieu fragile etpérissable à nos existences. La fragilité dumonde et notre puissance modifient ainsi ra-dicalement l’ordre de grandeur de nos obliga-tions morales. Nous sommes désormaisdevenus responsables de l’existence mêmedes générations futures et, dans une certainemesure, de la perpétuation de la nature,condition de toute vie humaine future. «L’homme est le garant de l’être » (Frogneux,1996).De cette situation nouvelle découlent deschangements majeurs touchant la notion deresponsabilité. Jonas fait de la responsabilitéle fondement même de l’éthique, maispuisque l’avenir de l’humanité est menacé,l’éthique de la responsabilité devient uneéthique de l’avenir qui repose sur la prudence,sur la crainte.« L’heuristique de la peur » est le thème cen-tral de l’œuvre de Jonas. Il s’agit de « consulternos craintes préalablement à nos désirs, afinde déterminer ce qui nous tient réellement àcœur » ou encore « la prescription, pour l’ex-primer en termes primitifs, qu’il faut davan-tage prêter l’oreille à la prophétie de malheurqu’à la prophétie de bonheur » (1995 : p. 49 et54).De Descartes à Spinoza, la peur apparaît tou-jours comme inhibante, empêchant de réflé-chir, d’agir ou de réagir.Jonas souhaite cependant établir un rapportpositif entre la peur et la responsabilité. Il nes’agit pas d’une peur pathologique, maisd’une peur qui incite à l’action et à la ré-flexion. Dans le monde actuel, on ne peut dissocier lapeur de l’espérance. « La peur qui fait essen-tiellement partie de la responsabilité n’est pascelle qui déconseille d’agir, mais celle qui in-vite à agir ; cette peur que nous visons est lapeur pour l’objet de la responsabilité » (Jonas,1995 : p. 300). La peur devient une force aulieu d’une faiblesse. Elle est la condition de lapossibilité de la responsabilité.Compte tenu de la gravité et de l’irréversibi-lité des conséquences éventuelles de nos ac-tions, compte tenu de l’impossibilité où noussommes de les connaître réellement, il

convient d’imaginer les suites les plus effroya-bles susceptibles de résulter de nos décisions.Si elles peuvent mettre en danger l’existencemême de notre espèce, il faut alors renoncer àprendre de telles décisions, en dépit des avan-tages immédiats qui pourraient en résulter.On ne saurait en effet parier sur la surviemême de l’humanité (Dupuy, 2002). Le res-pect de l’environnement (de ce que Jonas ap-pelle les conditions d’une vie «authentiquement humaine ») illustre cette res-ponsabilité sur le long terme.Même si la responsabilité reste celle de chacunde nous, elle est profondément attachée au ca-ractère collectif de nos actions : notre niveaude vie peut compromettre celui des généra-tions futures.L’obligation morale va au-delà du souci d’au-trui chez Jonas, puisque c’est l’ensemble dumonde vivant qui est à préserver. Ceci ex-plique peut-être l’excès de la charge qui pèsesur la génération contemporaine. Un recen-trage sur autrui serait peut-être susceptible denuancer cette charge et d’alléger la responsa-bilité. Pourtant, même centrée sur autrui, laresponsabilité peut devenir exorbitante,comme c’est le cas chez Lévinas.

Autrui et la responsabilité, condition de la li-berté.La notion de responsabilité est omniprésentedans toute l’œuvre de Lévinas. Il postule quel’éthique précède la raison et échappe à ses li-mites. Ainsi, la responsabilité naît lorsquel’autre m’affecte, et cette affectation me rendresponsable malgré moi.La responsabilité précède l’action et la déci-sion autonome qui définissent moralement laliberté.Lévinas fait ainsi de la responsabilité, non pasle contraire de la liberté, mais sa condition : «je suis libre si je suis responsable » et il ajoutel’idée que, étant infiniment responsable, cha-cun est condamné à une infinie liberté. Il dé-passe ainsi le dilemme classique de laresponsabilité morale en y introduisant l’Au-tre et dénonce l’excès d’être pour soi à lasource du mal ou de l’irresponsabilité.L’homme est le gardien de son frère. Le choix

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de ne pas être affecté par l’altérité est un refusd’être libre (« liberté pour rien »).La responsabilité, avant de se prendre, estmystérieusement donnée comme charge, ellen’est pas issue d’un contrat social. « Ainsi, ellen’est pas une vertu qui s’imposerait au sujetde bonne volonté, mais un événement quivous saisit et vous obsède jusqu’à l’insomnie,provoquant une scission de l’identité. Il n’estpas question des responsables, mais de répon-dre ».La responsabilité est donnée a priori à maconscience « un être libre n’est déjà plus onto-logiquement libre, car il est déjà responsablede lui-même».

Cette responsabilité est infinie, elle ne peutêtre en attente de la réciproque, ce qui la feraitretomber dans le commerce du donnant-don-nant. La responsabilité éthique est irrécusable,je ne peux donc y échapper, je ne peux mefaire remplacer. En tant que créature, je ne suispas créateur, mais responsable de la création.Le sujet doit répondre non seulement de sesactes, mais également de ceux d’autrui. Per-sonne ne peut donc répondre à ma place, maresponsabilité est non assimilable par une li-berté finie. Ainsi, l’angoisse s’est installée aucœur de l’être, soulignant l’impossibilitéd’échapper à la version totale de la responsa-bilité.La responsabilité est une responsabilité soli-daire où l’on ne serait pas tenté, pour se dé-responsabiliser, de dire « ce n’est pas moi »,où la culpabilité ne serait pas le contraire del’innocence, mais le sens aigu du retard quel’on prend sur le futur à faire lorsque l’on secontente de jouir de son présent. La solitudene serait plus alors qu’un effet du refus de laresponsabilité, car il est impossible d’être res-ponsable et seul. Je suis affecté à une placedans le monde, je n’en suis pas propriétaire,mais responsable.

Lévinas, dans son ouvrage Entre nous, déve-loppe une critique de la non-responsabilité dusystème libéral : « Personne ne peut plus trou-ver la loi de son action au fond de son cœur.L’impasse du libéralisme réside dans cetteextériorité de ma conscience à moi-même »(1991 : p. 33).L’apport essentiel de sa pensée sur la respon-sabilité réside dans son irréductibilité. Seuleune approche de la responsabilité commecharge et non comme projet peut nous per-mettre de dépasser le pluralisme ambiant quiconfond liberté et égoïsme. En effet, une res-ponsabilité irréductible est ontologiquementdifférente d’une responsabilité collective.

Ainsi, toute l’œuvre de Lévi-nas repose sur l’idée que laresponsabilité, c’est-à-dire laresponsabilité pour Autrui,est la structure fondatrice dusujet. Sa pensée est une ten-tative de renouer un lien so-

cial qui semble bien s’être dissous. Enconsidérant que nous sommes responsablespour Autrui, quoi que fasse Autrui, au pointmême que sa responsabilité m’incombe etqu’il n’est pas besoin d’attendre un retour, lasubjectivité apparaît comme l’essence de la so-lidarité. Être responsable, c’est donner une ré-ponse qui s’appelle « générosité, elleressemble à cette petite bonté, vertu enfantine».

Une conception excessive de la responsabi-lité.Avec Jonas et Lévinas, la responsabilité de-vient infinie.

L’impasse du libéralisme réside danscette extériorité de ma conscience àmoi-même...»

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On peut alors se demander avec Ricoeur(1995: p. 45) « jusqu’où s’étend dans l’espaceet le temps la responsabilité de nos actes ».Si on peut être tenté de répondre qu’elle dé-pend de l’étendue de notre pouvoir, il faudraitque les nuisances attachées à l’exercice de cepouvoir s’étendent aussi loin que notre pou-voir lui-même. Or, la chaîne des effets de nosactes est potentiellement infinie. On peutcertes prendre en compte les effets échus, maisque deviennent alors les nuisances qui appa-raîtront plus tard, voire des siècles plus tard ?Il est certes possible d’évoquer encore la vertude prudence, c’est-à-dire le jugement circons-tancié au sens aristotélicien, mais l’incertituderadicale sur certains événements futurs risquefort de conduire à un immobilisme, négationd’une autre forme de responsabilité si l’on suitSartre, celle de ne pas laisser faire.Par ailleurs, l’action, même fondée sur unerègle de prudence, ne garantit aucunement lerésultat. Dans la mesure où les effets sont to-talement méconnus, il est toujours possibleque l’action entreprise se montre plus néfasteà long terme que celle que l’on essaye de cor-riger.Les effets pervers l’emporteraient alors sur leseffets positifs. Le débat sur le nucléaire ne res-sort-il pas de cette logique ? Dépollution decourt terme, mais qu’adviendra-t-il à longterme ? Dans certaines circonstances, il estclair que, une fois l’action mise en œuvre, ildevient très difficile, voire impossible, destopper l’enchaînement de causes à effets.Pour devenir maîtrisable, et éviter de sombrerdans la fatalité, la responsabilité doit pouvoirfaire l’objet d’un calcul, ce qui exclurait les ef-fets inconnus.Une autre difficulté provient de l’incompati-bilité des formes de responsabilités.En se référant aux conceptions de Jonas et Lé-vinas, deux formes de responsabilités appa-raissent :- une responsabilité extrêmement forte àl’égard des générations futures (t+n) ;- une responsabilité omniprésente en-vers la génération contemporaine (t).Les ensembles possibles d’actions relatifs à ces

deux responsabilités ne sont pas nécessaire-ment totalement compatibles :- le point X1 n’est pas compatible avec lepoint X2. Ceci revient à supposer qu’un sacri-fice envers une génération doit être consentiau détriment de l’autre ;- une solution telle que X3 satisfait auxdeux conceptions, mais avec un relâchementsur les deux formes de responsabilités. Ellen’est alors pas nécessairement préférée parl’une ou l’autre des conceptions (les frontièresdes ensembles représentent l’ensemble des ac-tions réalisables, le choix d’une action, cellequi est préférée, implique un classement desactions réalisables, autrement dit le choix d’unpoint de la frontière).

Le problème de cohérence entre les deuxconceptions excessives de Jonas et Lévinasplaide en faveur d’une responsabilité moinsprononcée sur chaque axe, c’est-à-dire quipuisse être justifiée par un calcul raisonnable.Cela n’enlève rien à l’objectif de responsabi-lité, mais incite à déterminer des configura-tions acceptables, raisonnables.Une conception raisonnable de la responsabi-lité est probablement plus proche d’un calculpersonnel, qui certes impose un sacrifice, maisn’implique pas l’abnégation en faveur del’une ou l’autre des générations.Ce dilemme est encore accentué dans le cas del’entreprise puisqu’elle doit choisir entre la sa-tisfaction des clients d’aujourd’hui sans am-puter le potentiel de ceux de demain. Elle setrouve également obligée d’assurer à courtterme la rémunération de ses actionnaires etde ses salariés, tout en assurant à long termesa pérennité. La performance sociale reposesur un management responsable au servicedes Hommes.

D’après :Françoise de Bry, Vice-Présidente de l’Acadé-mie de l’éthique, Jérôme Ballet Maître de Conférences Univer-sité de Versailles,Jean-Luc Laffargue, Directeur de la Publica-tion.

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Le manager, face à l’e-co-innovation.

L’éco-activité nous concerne tous, quel que soit notre âge ou notre métier. L’éco-innovationa besoin de connaissances multidisciplinaires et d’une collaboration entre tous les do-maines. Eco-innover doit devenir un réflexe et l’éco-attitude une « culture ». Le futur

proche s’appuiera sur l’e-co-innovation, avec un e comme écologique, économique, éducative, élec-tronique et éthique ; co comme connaissances et expériences, intégrant également celles du passé ;comme collaborative et facilitant une convergence d’intelligences ; éco comme écosystèmes, une in-novation plus inspirée par la nature, plus centrée sur l’humain.

COMPRENDRE L’IMPACT DE NOS DÉCISIONSET DE NOS ACTIVITÉS.

Je prendrais simplement l’exemple de mon enfanceen Pologne.

Il y a 50 ans, la Pologne avait 50 ans d’avance sur laFrance dans le domaine de l’écologie.

Les guerres avec les tartares et les turques, suivies dedeux siècles d’occupation par les russes, prussiens etautrichiens ainsi que le changement fréquent desfrontières ont favorisé l’apprentissage des langues,des cultures et des façons de penser.

La pénurie des moyens a déclenché l’utilisation in-tense des connaissances pour survivre. Les denrées

alimentaires se vendaient en vrac ou dans des em-ballages minimum et étaient réutilisables, comme lespots en verre ou les boites métalliques.

Les sachets en papier étaient réutilisés au maximum.Ils servaient alors à allumer un feu de bois ou decharbon dans une cuisinière ou dans un poêle en cé-ramique qui gardait longtemps la chaleur.

Ma mère avait des astuces de cuisine pour préparerle déjeuner avant de partir travailler, comme parexemple faire cuire du riz sous la couette. Ainsi il res-tait chaud jusqu’à son retour et l’intérieur du litaussi. Ces trucs et astuces partagés visaient non seu-lement l’économie d’énergie et de temps, mais réu-nissaient les aspects gourmand, diététique etéquilibré dans le même repas élaboré avec très peude moyens. La collecte de papier se faisait dans les

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écoles. Nous lavions des bouteilles en verre, toutesconsignées, pour avoir de l’argent de poche que nousdépensions pour acheter des livres, des disquettespour apprendre des langues étrangères, ou acheterdes friandises.

Le système éducatif, très exigeant, ciblait entre autrela capacité de résolution des problèmes dans unlarge contexte. Mes parents et l’école m’ont appris lerespect de la nature et de ses richesses, le respect desautres, à céder la place assise dans les transports encommun aux personnes âgées, à les aider à porterleur filet de courses, l’esprit de famille, à apprendreà apprendre. Ils m’ont également appris dès monplus jeune âge le fonctionnement de mon corps, com-ment prévenir la transmission des microbes par l’hy-giène et comment renforcer l’immunité. Lesconnaissances et l’amitié avaient une grande valeur.On réparait tout ; les casseroles, les chaussures, leschaussettes, les vêtements. On défaisait des pulls enlaine et des vêtements usés pour en fabriquer d’au-tres.

Les métiers de service étaient très appréciés et ser-vaient parfois de travail d’appoint.

Dans le bloc soviétique le chômage n’existait pas,mais un seul salaire ne suffisait pas pour les besoinsvitaux d’une petite famille.

Le commerce extérieur individuel fleurissait et endehors du fait qu’il apportait des revenus supplé-mentaires aux personnes qui le pratiquaient, en gé-néral pendant les congés, il régulait les flux desbesoins et des marchandises.

Les années 60 ont été marquées par une forte ten-dance écologique née avec l’industrialisation. Le pro-fesseur Antonina Lenkowa dans son livre «Oskalpowana ziemia » (La terre scalpée) en 1961, re-trace l’histoire de l’humanité et raconte comment lesterriens ont progressivement contribué à la défores-tation, à la pollution du sol, de l’eau et de l’air à tra-vers les sociétés agricole et industrielle, au nom duprogrès et du business acharné. Elle cite de nom-breux exemples de la destruction inconsciente denotre environnement, due au désir de posséder, demontrer sa richesse et sa supériorité ou tout simple-ment pour se nourrir. Ainsi les forêts qui jadis nour-rissaient nos aïeux ont été décimées, le cèdre duLiban a presque disparu pour se transformer en pa-

lais, la multiplication incontrôlée des chè-vres a contribué à la destruction de la vé-gétation dans de nombreux pays dubassin méditerranéen, les bisons ont faillidisparaître. Par conséquent les déserts secréent ou s’étendent, les vents font plusde dégâts.

Les actions de reboisement ne respectentpas, pour la plupart, la diversité d’espèces qui exis-taient avant, ce qui a des conséquences sur l’équilibrede la faune et de la flore. Le terrien chasse et tue pourse nourrir mais aussi sans raison.

Ainsi plusieurs espèces d’animaux terrestres et ma-rins ont disparu ou sont en train de disparaitre. Lesoiseaux prédateurs, des insectes « nuisibles » dispa-raissent avec les forêts.

Quand le chimiste allemand Othmar Ziedler a dé-couvert le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) en1874, il ne soupçonnait pas ses propriétés insecti-cides. C’est le suisse Paul Müler en 1939 qui les a dé-couvertes, mais sa production de masse a étéinitialisée aux Etats-Unis, et le produit vendu et uti-lisé à l’échelle mondiale. Ne cherchant pas à connaî-tre les conséquences du DDT sur d’autres espèces,dont l’homme, on en mettait partout : dans les pein-tures, les textiles, en agriculture.

Après quelques années on a constaté que le produitétait moins efficace, alors on a augmenté les doses eton a inventé d’autres produits encore plus puissants,sans penser une seconde que les insectes puissents’immuniser contre ce poison.

Le Professeur Lenkowa s’étonne de l’erreur straté-gique de Francisco Pizarro à son arrivé chez les Incas; les espagnols aveuglés par l’or, n’ont pas su voirune bien plus grande richesse : la façon de cultiverla terre à l’aide de guano, assurant ainsi des récoltesabondantes.

Ces exemples et bien d’autres prouvent que les mo-tivations peuvent souvent être plus fortes que la vo-lonté de comprendre les conséquences d’une actionavant de l’entreprendre. Les connaissances et la pen-sée systémique et globale sont indispensables pourcomprendre l’impact de nos décisions et de nos acti-vités sur l’ensemble des écosystèmes.

Cette compréhension implique la prise en compted’expériences, la mise en commun des connaissancespluridisciplinaires et une collaboration des différentsspécialistes ainsi qu’une capacité à utiliser plusieursschémas mentaux ; ce n’est pas chose facile, étantdonné notre éducation plutôt cartésienne. L’éduca-tion a donc un rôle essentiel à jouer dans la connais-sance et la préservation de notre planète.

Les motivations peuvent souventêtre plus fortes que la volonté decomprendre les conséquencesd’une action...»

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Après plusieurs révolutions et la chute du systèmesoviétique, la Pologne a très vite rattrapé le retard enconsommation, à sa façon. Elle a même dépassé laFrance dans le paraître et les Etats-Unis dans le cultede l’argent, qui joue maintenant un rôle bien plus im-portant que les connaissances.

Le progrès, mono-domaine en général, et le dévelop-pement dirigé par le business rapide a fait passer lesdeux pays (et bien d’autres) dans la logique du « fas-ter, cheaper, better », dans la course au moins cheret dans le monde du jetable. On jette tout ou presque,les sacs en plastique, les emballages du « fast food »,les chaussures et sacs à main en plastique, les appa-reils ménagers, les ordinateurs, les voitures, … Onjette même des compétences (seniors), sans chercherà les recycler.

UNE ÉCONOMIE QUI GÉNÈRE DESMONTAGNES DE DÉCHETS.

Notre société de surconsommation génère des mon-tagnes de déchets qui n’en finissent pas de grandir.Les déchets de toute nature ont donnés naissance àune vraie industrie avec une gestion de ces déchetsqui coûte de plus en plus cher (en gros, 10 milliardsd’euros aujourd’hui, contre 3,5 en 1990).

Les satellites périmés et hors service tournent autourde la terre, créant une orbite poubelle. Les appareilsde toutes sortes sont souvent jetés alors qu’ils fonc-tionnent encore, car la technologie progresse très viteet ils sont devenus technologiquement périmés. Bienque cela ne soit pas justifié, cette même règle s’ap-plique aux appareils ménagers comme les cuisinièresou les machines à laver dont la durée de vie est pas-sée de vingt ans à cinq ans en moyenne (businessoblige…).

Le progrès technologique nous offre le confort etcontribue au développement économique. Mais géréavec une approche économique seulement il crée desmilliers de tonnes de déchets, pas toujours recycla-bles et en partie toxiques.

Pendant que l’on perd une énergie considérable à in-citer les consommateurs à déposer leurs appareils età recycler ce qui est recyclable, les déchets continuentà s’accumuler… et pourtant une partie de cette éner-gie pourrait être consacrée à réfléchir à la façon d’in-tégrer dans la partie conception une minimisation del’impact passant par une minimisation des déchetset par conséquent du recyclage. L’approche HQSE lefait partiellement.

Ainsi les méthodes de l’éco-conception proposentune intégration des aspects environnementaux dansle cycle de vie des produits.

Les TIC et l’intelligence artificielle peuvent apporterune aide considérable dans cette réflexion par la si-

mulation, la programmation par contraintes, la capi-talisation des connaissances et des expériences oupar la création de bases des connaissances mon-diales, accessibles aux personnes intéressées.

L’ordinateur connecté est capable de bien mieuxgérer la complexité que l’homme.

Les avions et Internet ont contribué à la mondialisa-tion, à la réduction des distances et ont permis laconnexion instantanée de personnes autour duglobe. Ces deux principaux déclencheurs de mondia-lisation ont favorisé les changements profonds dansl’industrie et dans l’économie. Le business rapide etl’envie de devenir riche très vite ont été le principalmoteur de ce développement. A la course au moinscher, l’Europe est devenue un hypermarché géantavec des fournisseurs comme la Chine, la Corée etl’Inde.

Le commerce électronique a ouvert le marché mon-dial pour tous types d’entreprises.

Par conséquent, en plus des avions, des milliers debateaux transportant des marchandises dont onpourrait fort bien se passer, traversent tous les joursle détroit de Malacca. Le réchauffement climatiquepourrait ouvrir une autre route maritime par l'océanArctique, pour le transport de marchandises del'Asie de l'Est vers la côte Est de l'Amérique du Nord,et de la côte Ouest de l'Amérique du Nord vers l'Eu-rope de l'Ouest. Un pays réputé écologique commele Canada ne se pose même pas la question desconséquences d’un tel trafic. Des milliers de camionssillonnent l’Europe en passant par les autoroutessans s’arrêter, ni pour goûter aux produits locaux, nipour admirer les paysages. Ils transportent des fruitset légumes boostés par les engrais chimiques et em-bellis par les insecticides pour permettre aux super-marchés de vendre des produits hors saison toutel’année.

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La nourriture traditionnelle et saisonnièrea été remplacée, sous prétexte de ne pasêtre rentable, par des denrées venues d’ail-leurs. Le manque de temps, devenu chro-nique, nous pousse à acheter des platspréparés, bourrés de conservateurs,exhausteurs du goût, parfums artificiels etdivers colorants ; le look fait vendre. On lesréchauffe dans les fours à micro-ondes sansse demander une seconde comment celafonctionne. La plupart de ces plats sont sur-emballés, trop salés et donnent envie deboire des boissons trop sucrées, pour en re-boire encore. Et pourtant il est facile et ra-pide de préparer un plat gourmand enmoins d’une demi-heure, il suffit justed’apprendre à le faire, de s’organiser etd’utiliser plus intensément nos connais-sances et expériences collectives.

Le formidable progrès technologique a permis devoyager rapidement, de voir la télévision des quatrecoins du monde, de communiquer instantanément àtravers la planète, d’établir des contacts avec des per-sonnes que nous n’aurions jamais connues sans In-ternet, de créer son réseau social, de trouver desopportunités. Il a également plongé nos corps dansles champs électromagnétiques omniprésents.

Cet environnement contribue probablement à l’ac-croissement des allergies et des maladies gravescomme les cancers, le diabète, Alzheimer, la scléroseen plaques … Cette dernière est présente surtoutdans les pays industrialisés. Les progrès en médecinepermettent de soigner ces effets mais se préoccupentpeu d’en découvrir les causes multiples et inter-in-fluentes.

Depuis quelques années, la Pologne a reprisconscience de ses problèmes, tout comme la Franceet bien après les pays scandinaves ; elle essaye de serappeler comment on faisait avant. Les sacs en plas-tique commencent à disparaître au profit des filetsd’autrefois, on pense à recycler et à transformer (1).Une brique en sciure de bois met une heure à seconsumer et permet de garder la chaleur d’un poêleen céramique pendant plusieurs heures.

Certaines entreprises ont gardé de bonnes habitudes,comme d’utiliser un emballage minimum pour leursproduits.

En France, côté emballage, il y a deux filières : « ré-paration » et « prévention ». Pendant que la premièretravaille sur les moyens de tri et sur la sensibilisationdes citoyens, la seconde sensibilise et forme les en-treprises à alléger les emballages. Trier les orduresc’est bien, en produire moins ou pas du tout, c’estmieux.

Dans ce contexte et sous la pression de voyageurs

planétaires découvrant les dégâts, la mouvance del’écologie est devenue politique. Elle pourrait aussisoutenir les anciens écologistes qui ont toujourspensé et agi pour protéger leur santé et celle de laplanète.

La démocratisation des moyens de transport et lesconditions de travail nous ont fait prendre l’habitudede nous déplacer régulièrement. Mais les véhiculescontribuent au réchauffement planétaire. Face à lamontée des prix du pétrole et à l’épuisement irréver-sible des ressources fossiles, il nous faut trouverd’autres carburants ou d’autres façons de nous dé-placer.

Les TIC permettent de réduire les déplacements enoffrant toute une gamme de possibilités pour travail-ler à distance.

Dans le marasme économique provoqué par la mon-dialisation et la course effrénée au faster, cheaper,better, les pays développés misent sur l’innovationbio-info-nano (2) et bien sûr éco- : elle doit sauver lemonde, créer des emplois, rebooster l’économie etrevitaliser les territoires de plus en plus désertés auprofit des villes. Ces dernières, de plus en plus éten-dues, se préoccupent de la bio-construction et de labiodiversité, entre autres. Le processus de l’innova-tion (3), particulièrement dans les domaines cités, abesoin de connaissances de haut niveau et d’uneévolution dans la façon de penser et de travailler.

Des exemples au niveau mondial démontrent que lacrise économique et le manque de ressources peu-vent devenir de vrais déclencheurs de l’imaginationà partir de connaissances, et donc d’une inventivitéqui peut se transformer en innovation.

Mais trop souvent encore nous avons tendance à ou-blier que l’innovation ne doit pas se limiter à ses as-pects technologiques (4) et qu’elle ne doit pas être

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réservée uniquement aux personnes qui ont fait degrandes études. Elle doit être considérée dans sa glo-balité, avec ses liens et ses impacts.

On espère que l’écologie va créer de nouveaux mé-tiers correspondant aux nouveaux besoins des ter-riens soucieux de l’avenir de leur planète. Lesinstitutions nationales et européennes offrent des fi-nancements pour des projets innovants ayant un im-pact écologique, les programmes communs ANR /ADEME financent des recherches en éco-technolo-gies et éco-industries. La Commission européenne aégalement son programme.

Les principaux domaines abordés sont le recyclage,les biomatériaux de construction, l’agroalimentaire,la protection de l’eau, l’éco-industrie et les écolabels,l’énergie et le transport.

L’éco-innovation ou plutôt e-co-innovation(5) concerne tous les terriens quel que soitleur âge ou leur métier. Eco-innover, ças’apprend jusqu’à devenir un reflexe. Leprocessus de l’éco-innovation a besoin desconnaissances, multidisciplinaires pour laplupart, et d’une collaboration entre tousles domaines. Dans la Société de la Connaissance,dont beaucoup parlent sans vraiment la pratiquerencore, les connaissances et les expériences, l’imagi-nation, la capacité à penser autrement, à écouter et àdécouvrir des complémentarités font partie des va-leurs permettant de construire ensemble un futurprospère. L’é-co-attitude fait partie de la « culture »des jardiniers de la connaissance (Qualitique Décem-bre 2007). D’autres pré-requis pour la Société de laConnaissance prospère sont une prise en compte desexpériences du passé, l’innovation dans les modèleséconomiques, le passage de businessdriven auhuman-driven et du paraitre à l’être.

ECO-TIC (6).

La plupart des activités « éco », même celles qui seconsidèrent comme étant globales, utilisent les TICau niveau basique ; pourtant l’ordinateur sous toutesses formes, doté de l’intelligence artificielle, est ca-pable d’apporter une contribution considérable dansla protection de la planète.

Au commencement était une machine à calculer.

Mais depuis le célèbre ENIAC, construit en 1943 àpartir des idées de John Atanassoff et occupant 1500m2, l’ordinateur a bien changé. L’invention du tran-sistor en 1947, puis du circuit intégré en 1957, ontpermis de diminuer considérablement sa taille.

Le dernier en date est l’E2 de GreenNet ; il a la tailled’un PDA et ne consomme que 8 Watts alors que laconsommation moyenne d’un PC est de 200 W, et il

peut fonctionner des heures sur la prise allume ci-gare d’un véhicule. Les nanotechnologies ne ferontqu’accélérer cette miniaturisation. Reste à espérerque leurs concepteurs et programmeurs vont adop-ter les principes de l’e-co-innovation (7).

Depuis ses débuts l’ordinateur a fait rêver des inven-teurs qui voulaient le construire à l’image del’homme, capable de penser, de résoudre des pro-blèmes et de jouer aux dames puis aux échecs mieuxque les champions.

Ainsi l’intelligence artificielle est née officiellementen 1956 de la convergence de plusieurs domaines,comme l’informatique, la mathématique, les théoriesde jeux, la cybernétique, les sciences cognitives, lapsychologie, la philosophie. Après une jeunessepleine de promesses et une adolescence turbulente,riche en succès et en échecs, l’intelligence artificiellea fait ses preuves. Elle est aujourd’hui intégrée dansbeaucoup d’applications industrielles comme les sys-tèmes de simulation, d’aide à la décision, à la concep-tion, au diagnostic, dans des robots, des systèmes deréalité virtuelle, ceux d’e-learning et dans les jeux sé-rieux. Elle est également présente dans des applica-tions « grand public », comme les jeux électroniques,second life, des jouets, le cinéma et la musique, dansdes tondeuses à gazon et dans des machines à laver.Les traducteurs automatiques restent encore à per-fectionner.

On compte aujourd’hui plusieurs milliards d’ordi-nateurs dans le monde avec 410 millions de ventepar an, soit plus de 13 chaque seconde. Il faut y ajou-

L’éco-innovation ou e-co-innova-tion concerne tous les terriensquel que soit leur âge ou leur mé-tier... »

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ter les milliards de téléphones mobiles (8) qui sontmaintenant de vrais ordinateurs personnels. Pour2016, on comptera près de deux milliards d’ordina-teurs connectés.Et comme la technologie évolue ra-pidement, la durée de vie d’un PC dépasse rarement3 ans ; elle est bien moindre pour un téléphone. Bienque diabolisés par les écologistes (9) et utilisés seu-lement à 10% de leur capacité, les ordinateurs soustoutes les formes nous rendent bien des services etapportent une contribution considérable à la protec-tion de la planète.

Les approches et les techniques de l’intelligence ar-tificielle permettent de dépasser largement les 10%,grâce à une autre façon de penser et de programmer.

Les célèbres TIC ont apporté une innovation de rup-ture dans la façon de travailler, d’apprendre, de ven-dre, d’acheter et de se distraire. Elles facilitent laconnexion et la communication instantanée et sansfrontière.

Ainsi les professionnels peuvent échanger des expé-riences et des connaissances sans se déplacer, fairedes réunions sur Skype, Go To Meeting, ou autressystèmes de web conférences, travailler ensemble età distance sur un document ou un projet sur le wiki,trouver des experts ou des partenaires via les ré-seaux sociaux professionnels.

Les entreprises peuvent élargir leurs marchés à laplanète entière par des systèmes d’e-commerce, lesartistes se faire connaitre sur daillymotion ou parleurs blogs personnels.

Les TIC connectent des offreurs et demandeursd’emploi, ils permettent d’apprendre des langues,d’acheter un billet de train ou de régler des pro-

blèmes administratifs sans se déplacer. Le e-learningouvre l’accès à la formation aux personnes éloignéeset aux activités professionnelles, 24h sur 24. Un chas-seur de têtes peut utiliser un système basé sur la re-cherche des analogies pour trouver très rapidementla personne qui correspond au mieux au profil àpourvoir. Il peut également faire des entretiens pré-liminaires en utilisant un système de web confé-rence.

Certaines techniques de l’intelligence artificielle sontintégrées dans le web 2.0 le sont davantage dans leweb 3.0. Ainsi le web sémantique facilite et rend plusefficaces les moteurs de recherches sur Internet. Lesmêmes techniques permettent l’indexation automa-tique et la recherche dans des bases documentairesmultimédia.

Les techniques de découverte de connaissances nousaident à trouver des connaissances dissimulées dansles bases de données, dans le texte et dans les imagesafin de nous aider à les exploiter mieux et beaucoupplus rapidement.

Les systèmes d’aide à la décision ouvrent l’accès auxconnaissances expertes, collectives pour la plupart etpermettent de construire une expérience collective.

Par exemple, pour réparer un moteur d’avion, untechnicien dispose d’une expérience collective com-prenant tous les cas qui se sont produits pendantl’exploitation dans les différents pays et les solutionscorrespondantes, ainsi que l’accès aux documents etaux schémas. Une clé USB permet de stocker 17 ar-moires de documents-papiers et de trouver le bon enun « click souris ». Les systèmes de gestion de pro-cessus sont capables de prendre en compte un grandnombre de paramètres pour suggérer une action etéviter bien des catastrophes.

On les utilise aussi bien pour le processus de fabri-cation de l’acier, qu’en chimie, ou encore pour lescompétitions sportives.

Les systèmes de propagation de contraintes nous ai-dent à résoudre des problèmes complexes, commepar exemple faire un emploi du temps en 2 minutes,optimiser une chaine de fabrication, la logistique,planifier la production ou simuler les propagationsd’une action donnée. Par exemple, en conception, onpeut simuler l’impact d’un produit sur les écosys-tèmes tout au long de son cycle de vie pour prendredes décisions sur les types de matériaux à utiliser,sur la façon de le produire ou sur les énergies à uti-liser.

Les techniques de traitement d’image, de simulation3D, de réalité virtuelle, et les jeux sérieux jouent unrôle, majeur dans la protection de la planète. Elles

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permettent de simuler des projets industriels, d’ef-fectuer des tests-crashs sans la moindre casse, de tes-ter des solutions architecturales et urbanistiques, oudes hypothèses des chercheurs en archéologie, voirla propagation de nuages chimiques ou même de si-muler l’élevage du bétail. Les techniques de réalitévirtuelle et serious games rendent la formation en si-tuation « réelle » possible et à moindres frais. Cestechniques permettent de recréer l’environnementglobal de l’apprenant, le décor, les personnages, lesévénements auxquels l’apprenant doit réagir.

Les TIC peuvent apporter une aide aux personnesâgées ou handicapées et contribuer au développe-ment de nouvelles activités comme l’optimisationdes énergies et des transports, et de contribuer ainsiau développement territorial.

Elles peuvent intervenir à tous les stades du proces-sus global de l’innovation, comme simuler son im-pact sur les écosystèmes, simuler les résultats d’unprocessus, d’une action, d’une décision, planifier etoptimiser la fabrication, aider à prendre des déci-sions en situations complexes, innover collective-ment et même à distance, faire de la veille efficace,chercher des compétences complémentaires, conce-voir, vérifier les contraintes, vendre, etc.

Les ordinateurs sous toutes leurs formes et les TICont donc de nombreux avantages et contribuent lar-gement à la protection de la planète.

Il reste à innover dans la façon de programmer, afind’éviter les programmes inutiles et consommateursd’énergie. D’un côté, l’utilisateur devrait pouvoircomposer son environnement en fonction de ses be-soins. De l’autre côté, l’ordinateur, doté de l’intelli-gence, devrait apprendre à devenir un assistant utileà son utilisateur.

L’INNOVATION.

L’homme a une tendance à perpétuer les mêmesschémas mentaux, à s’accrocher aux repères connus.C’est l’un des principaux freins à l’innovation derupture.

Pendant que l’on perd une énergie considérable à in-citer les consommateurs à déposer leurs appareils età recycler ce qui est recyclable, les déchets continuentà s’accumuler... une partie de cette énergie pourraitêtre consacrée à réfléchir comment minimiser l’im-pact écologique du produit dès sa conception, afinde diminuer les déchets et par conséquent le recy-clage.

Le « penser autrement » s’applique également àl’économie de l’énergie, au déploiement des énergiesalternatives et aux usages de transports.

Le contexte économique actuel, la mondialisation etle mélange des cultures et des talents qui s’en suit,l’hyper-compétition, la délocalisation à la recherchedu moins cher, la crise, le déclin de certaines indus-tries provoqué par une absence d’innovation et leslicenciements qui suivent, ont produit un environne-ment qui impose un changement radical de straté-gies, de méthodes et de comportements poursurvivre et réussir. Il est également propice à l’inno-vation.

Aujourd’hui, tous les rapports décrivent un contextepréoccupant, imposant la transition vers un autremodèle : « La crise nous a appauvris. Le vieillisse-ment va freiner la population active et la croissance.La compétition internationale s’étend à de nouveauxdomaines, comme l’enseignement supérieur et la re-cherche. Dans l’industrie, de nouveaux acteurs émer-gent, y compris dans les secteurs où l’Europe détientdes positions d’excellence, comme l’aéronautique.Notre modèle de développement va buter sur lestensions d’approvisionnement en ressources fossileset est menacé par les conséquences du changementclimatique. Il faut aujourd’hui engager la transitionvers ce nouveau modèle moins dépendant desénergies fossiles et davantage tourné vers la connais-sance ».

L’innovation qui associait la recherche avec l’indus-trie a perdu ses repères habituels. La tendance à pro-téger l’environnement et à réduire l’impact desactivités humaines inspire d’autres voies et d’autresactivités, mais ce ne sont pas les seules opportunités.

La puissance des machines, l’évolution du téléphonemobile et l’impact de l’internet, des réseaux et desondes omniprésents impose d’autres méthodes deréflexion et de travail. En même temps, la connais-sance des possibilités technologiques et l’imagina-tion permettent d’amplifier nos capacités et à nousaider à mieux capter et exploiter les opportunités.

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Les effets mode et tendances produisent des vaguesqui, non maîtrisées et mal exploitées suite à une in-compréhension de l’ensemble des phénomènes ycompris l’impact, peuvent parfois s’avérer dévasta-teurs du point de vue économique, social et environ-nemental.

Dans ce contexte, il n’y a pas d’autre choix qu’inno-ver en connaissance de ces écosystèmes et de leursinter-influences. Les autorités européennes souhai-tent une Europe innovante, forte et prospère. Lesmêmes ambitions sont affichées au niveau national.

La nouvelle stratégie de la Commission européenne,publiée en mars 2010 repose sur trois priorités inter-dépendantes: une croissance intelligente en dévelop-pant une économie fondée sur la connaissance etl’innovation ; une croissance durable, en promou-vant une économie sobre en carbone, économe enressources et compétitive ; une croissance inclusive,en encourageant une économie à fort taux d’emploifavorisant la cohésion sociale et territoriale. Le pro-grès sera mesuré par rapport aux objectifs suivants :emploi de 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans; investissement de 3 % du PIB dans la R&D ; «20/20/20 » en matière de climat et d’énergie ; moinsde 10 % d’abandon scolaire, un titre ou un diplômepour 40 % de jeunes, réduction de vingt millions dunombre de personnes menacées par la pauvreté. Ilappartient à chaque état membre de traduire cettestratégie en actions.

Pour réaliser ces objectifs, la Commission euro-péenne propose une série d’initiatives phares à réa-liser à tous les niveaux :

- une union de l’innovation : remettre l’accentde la politique en matière de R&D et d’innovationsur les grands défis, tout en réduisant le fossé quiexiste entre la science et le marché, afin de transfor-mer en produits les inventions. Le brevet commu-nautaire pourrait ainsi faire économiser 289 millionsd’euros à nos entreprises chaque année ;

- jeunesse en mouvement : renforcer la qua-lité et l’attractivité internationale du système d’en-seignement supérieur européen en promouvant lamobilité des étudiants et des jeunes en début de car-rière. Exemple d’action concrète : les offres d’emploisde tous les Etats membres devraient être plus acces-sibles dans toute l’Europe, tandis que les qualifica-tions et l’expérience professionnelles gagneraient àêtre reconnues à leur juste valeur ;

- une stratégie numérique pour l’Europe : ga-rantir des bénéfices économiques et sociaux durablesgrâce à un marché numérique unique basé sur l’in-ternet à très haut débit. Tous les Européens devraientavoir accès à l’internet à haut débit d’ici 2013 ;

- une Europe économe en ressources : soute-

nir le passage à une économie sobre en carbone etéconome en ressources. L’Europe devrait tenir sesobjectifs de 2020 en matière de production et deconsommation d’énergie, ainsi que d’efficacité éner-gétique. La facture de nos importations de pétrole etde gaz devrait ainsi diminuer de soixante milliardsd’euros d’ici 2020 ;

- une politique industrielle pour une crois-sance verte : favoriser la compétitivité de l’assise in-dustrielle de l’UE après la crise mondiale,promouvoir l’entrepreneuriat et développer de nou-velles compétences. Des millions de nouveaux em-plois pourraient ainsi être créés ;

- une stratégie pour les nouvelles compé-tences et les nouveaux emplois : créer les conditionspropices à la modernisation des marchés du travaildans le but d’améliorer les taux d’emploi et de ga-rantir la viabilité de nos modèles sociaux, à l’heureoù les enfants du baby-boom prennent leur retraite ;

- une plate-forme européenne contre la pau-vreté : garantir une cohésion économique, sociale etterritoriale en aidant les personnes en situation depauvreté et d’exclusion sociale et en leur permettantde participer activement à la société.

Ces orientations visent à sortir l’Europe de la crise.Les initiatives phares sont toutes l’objet de l’innova-tion. Les éléments comme l’aspect systémique del’innovation, la nécessité d’organiser l’ensemble deconnaissances et d’innover dans les mesures d’effi-cacité et d’impact de l’innovation sur l’économie etsur le leadership européen font leur apparition.

QUELQUES PROPOSITIONS DECHANGEMENT DE LOGIQUE.

Le développement équilibré grâce à l’innovation de-mande une autre logique que celle de l’époque in-dustrielle et d’abondance. C’est ainsi, par exempleque le fast food devient le slow food.

Voici quelques exemples d’alternatives possibles :

- pacte Oséo à l’envers : ce sont les PME quiinvitent les grands groupes et présentent régulière-ment les retombées de ces actions ;

- transport propre - optimisation des déplace-ments ;

- transport de marchandises – production lo-cale ;

- salon de l’agriculture dans son environne-ment naturel : à la campagne ;

- plats préparés – cours de gastronomie pourtous ;

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- grande distribution– direct du producteur ;

- vendre – s’adapteraux clients ;

- trier les ordures –ne pas en faire ;

- consommer –consommer intelligent ;

- délocaliser – relo-caliser ;

- travailler plus –travailler mieux ;

- changer de géogra-phie – déserter les méga-poles ;

- éducation, forma-tion efficace aux métiers in-dispensables dans lanouvelle économie ;

- d é v e l o p p e m e n tdurable – avenir prospèregrâce au développementéquilibré ;

- innover astucieux et à finalité humaine.

EN CONCLUSION.

A part des connaissances en management de projet,le management du processus de l’innovation, et par-ticulièrement celui de l’é-co-innovation, demandedes connaissances en psychologie, en communica-tion, la connaissance des humains, de leurs talents,de leurs motivations et, de plus en plus, de leur cul-ture. Les connaissances environnementales du pointde vue de ce qui est exigé par la démarche QSE res-tent indispensables, car les entreprises n’ont toujourspas changé de logique. Aux précédentes s’ajoutentdes connaissances du « holon » c’est-à-dire du ci-toyen responsable. La connaissance de méthodesmanagériales et en particulier celles pour l’économiede la connaissance sont à privilégier.

Eckholm Erik P. Losing ground. Environmental Stress and WorldFood Prospects, W.W. Norton and Company Inc NY, 1976.Eckholm Erik P. La Terre sans arbre - La destruction des sols àl'échelle mondiale, 1979, traduction de l’américain, Robert Lafont,collection Questions d’écologie.Eckholm Erik P. Bilan de santé les Maladies de l'environnement :Sous-alimentation, suralimentation, pollution, tabac, nouveaux ho-rizons 1979.(1) Innowacje ekologiczne w rozwoju spoleczno-gospodarczym L.Wozniak, J.Krupa, J. Grzesik, WSIZ, 2006.(2) Alain Costes : La convergence Bio-Info-Nano – Technologies aucœur de la société du XXIème siècle, Géopolitique n° 87.

(3) Qualitique Décembre 2007.(4) Zhouying Jin Global Technological Change, Intellect 2006.(5) e, comme éducation, écologie, économie, éthique ; co, commecollaborative avec une convergence des intelligences, eco, commeécosystèmes.(6) Technologies de l’Information et de la Communication, maisaussi Technologies de l’Imagination et de la Créativité (EunikaMercier-Laurent) ou Technologies de l'Interaction et de la Compré-hension (Georges Dhers).(7) écologique, économique, éducative, éthique, collaborative,…(Eunika Mercier-Laurent).(8) Selon Informa Telecoms & Media.(9) Les éditeurs d’ekwo.org nous informent que « les TIC produi-sent plusieurs types de pollution : champs électromagnétiques gé-nérés, déchets toxiques à la destruction ». Ils nous alertent sur lafaçon de les recycler - les ordinateurs avec leurs périphériquesconstituent « le cocktail explosif, un ramassis de composants trèsnocifs pour l’environnement et pour la santé. Et plus ils sont petits,plus la dangerosité est accrue et concentrée … Un monde virtuelqui vit au travers des échanges informatiques produit un tas monu-mental de déchets extrêmement polluants, complexes, dangereux,en pleine explosion http://www.ekwo.org/coktailinfor.php3. Le seul avantage cité: les TIC nous permettent derester mobile lorsque nous communiquons avec des gens des qua-tre coins du monde.

Eunika Mercier-Laurent, Chercheur en mana-gement des connaissances et de l’innovation,IAE Lyon.

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SÉLECTION DU MOIS

LIVRESCoopétition.

L'entreprise de demain ne survivra pas sans s’allier à ses concurrents !La coopétition est une stratégie innovante qui consiste à collaborer avec certains de ses compétiteursafin de capter durablement un avantage commun. Elle s’appuie donc à la fois sur la compétition etla coopération. Pourquoi des concurrents que tout oppose a priori décident-ils de collaborer ? Com-ment parviennent-ils à dépasser les risques liés à leur association et quelles sont les opportunitésd’une alliance ? Comment mettre en place une stratégie de coopétition ? Véritable boîte à outils pourles managers, cet ouvrage se fonde sur des cas concrets issus de secteurs divers (immobilier, phar-maceutique, vin, textile, football professionnel…). Il expose les principales étapes de la constructiond’une relation de coopétition et identifie les bonnes pratiques et les facteurs clés de succès.En ces temps de crise, dirigeants, managers et consultants trouveront ici des enseignements utilespour aider les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs à se repositionner et accroître leursperformances.

Julien Granata, Pierre Marquès - Editions Pearson – www.pear-son.fr224 pages – 26 euros. Microéconomie - Les défaillances de

marché.

Livre + plateforme interactiveeText - Licence 12 mois.

Novateur, ce livre traite un desgrands thèmes de la microéco-nomie, les défaillances de mar-ché, en mettant plusparticulièrement l'accent sur leseffets externes, les biens collec-tifs purs, les monopoles et lesduopoles.��Il propose plu-sieurs portes d'entrée afin d'êtreaccessible à tous. Ainsi, les étu-diants bons en mathématiques peuvent approfondirle raisonnement économique tandis que les plus lit-téraires disposent d’outils pour se familiariser avec laformalisation. De plus, les concepts seront plus rapi-dement assimilés grâce à d’abondantes illustrations.Conçu pour faciliter aussi bien l’apprentissage que larévision, l’ouvrage s’appuie sur : des explications pé-dagogiques très fournies ; le raisonnement margina-liste, au cœur des développements ; une centained’applications économiques ; des exercices de fin dechapitre.Le livre donne également accès à de nombreusesressources numériques : la version en ligne des cha-pitres (eText) ; des compléments pour approfondir ;un chapitre inédit sur l’économie industrielle ; les cor-rigés de toutes les applications ; les corrigés d’unepartie des exercices ; des applications et des exer-cices supplémentaires.Grâce à cet ouvrage, Franck Bien et Sophie Méritetmontrent que l’on peut utiliser la microéconomie pourexpliquer des faits économiques réels et actuels.

Franck Bien, Sophie Meritet – Editions Pearson –www.pearson.fr288 pages – 29,90 euros.

Leadership et intelligence desconflits.

Adopter des comportements efficacesgrâce au Dynamic Conflit Model (DCM)

À partir d’un modèle réputé internatio-nalement, le Dynamic Conflict Model,

ce manuel offre à chacun – et plus encore aux managers,responsables d’équipe et dirigeants d’organisation – l’ex-pertise nécessaire pour anticiper ou résoudre les situa-tions conflictuelles.�Déclaré ou larvé, un conflit est uncatalyseur ; bien géré, il constitue autant un gisement deressources nouvelles et d’innovation qu’il se révèle coû-teux, mal géré. De nombreux exemples et dialogues per-mettent de bien comprendre les points sensibles desacteurs du conflit et l’impact de chaque type de compor-tement (passif constructif, destructif actif, etc.) sur la si-tuation rencontrée. L’ouvrage montre aussi commenttransmettre ce savoir-être à ses équipes.�Les leaders lesplus efficaces – les personnes les plus écoutées – sontceux et celles qui savent gérer les conflits et en percevoirles opportunités. Avec l’approche DCM, vous aurez lesclés pour les transformer en facteurs d’adhésion, de créa-tivité et de dynamisme.

Craig E. Runde, Tim A. Flanagan - Editions Dunod-www.dunod.com272 pages – 27 euros.

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La révolution de la proximité.

Voyage au pays de l'utopie locale.

Se fondant sur un diagnostic sans concession quant à l’état de notre société, l’auteurétaye une conviction : l’urgence aujourd’hui, c’est de favoriser l’autonomie des com-munautés. À ses yeux, une révolution de la proximité est nécessaire pour contrecarrerla déshumanisation de notre monde moderne et faire face aux périls climatiques.�Labonne nouvelle, c’est que cette révolution a déjà commencé ! Des milliers d’initiativesfleurissent sur les territoires, en France et à l’étranger, dans des domaines aussi diversque l’alimentation, la production d’énergie, la gouvernance politique, la création cultu-relle, etc. Autant de solutions innovantes qui participent d’une véritable alternative struc-turée.�En décrivant ces solutions avec précision, Bernard Farinelli démontre que leconsommateur, le citoyen, l’élu et l’entrepreneur peuvent agir avec efficacité, en s’ap-puyant sur des valeurs telles que la sobriété, les relations équitables ou l’altruisme.

Bernard Farinelli - Editions Rue de l’Echiquier www.ruedelechiquier.net192 pages – 15 euros.

SÉLECTION DU MOIS

Ensemble.Pour une éthique de la coopé-ration.

Inscrit dans les gènes de tousles animaux sociaux, le soutienmutuel est reconnaissableaussi bien chez les chimpan-zés qui s’épouillent les uns lesautres que chez les enfants quiconstruisent un château desable ou les hommes et lesfemmes qui amassent des

sacs de terre pour parer à une inondation soudaine :tous coopèrent pour accomplir ce qu’ils ne peuventfaire seuls.Cette tendance naturelle, innée, est pourtant moinsun trait génétique qu’un art, une capacité sociale, quirequiert un rituel pour se développer. Dans un mondestructuré par la concurrence, où la compétition primetoujours sur l’entente, savons-nous encore ce quec’est qu’être ensemble, par-delà le repli tribal du «nous-contre-eux » ?Dans ce deuxième volet de la trilogie qu’il consacreà l’Homo faber, Richard Sennett, se fait tour à tourhistorien, sociologue, philosophe ou anthropologuepour étudier cet atout social particulier qu’est la coo-pération dans le travail pratique. De la coordinationdes tâches dans l’atelier de l’imprimeur aux répéti-tions d’un orchestre, il nous fait découvrir de nom-breuses expériences de communauté et d’actioncollective qui permettent de proposer une vision cri-tique des sociétés capitalistes contemporaines. La ri-chesse des références, l’originalité des points de vue,la liberté du style et la volonté de rester toujours auniveau de l’expérience quotidienne font la force de celivre singulier et engagé. Et si, pour sortir de la crise,il suffisait de réapprendre à coopérer ?

Richard Sennett - Albin-Michel - www.albin-michel.fr384 pages – 24 euros.

La biodiversité en crise.

Chaque jour, des espèces, animaux etplantes, disparaissent de la surface de laterre. La biodiversité actuelle est en péril.Faut-il s’en inquiéter ? En réalité, l’extinctionen cours n’est pas une nouveauté ! C’est lasixième qui frappe notre planète. La plus cé-lèbre, à la fin du secondaire, a provoqué ladisparition des dinosaures, dont il ne subsisteaujourd’hui que les oiseaux. Pourtant, cellequi marqua la fin de l’ère primaire, bien plusméconnue, fut largement plus catastrophiquepuisque par exemple 95% de la faune mariney a disparu.Changements climatiques, volcanisme, ca-

tastrophes naturelles, lutte entre espèces… En quatre milliards d’an-nées, la biodiversité terrestre a ainsi alterné crises destructrices etapparition explosive de nouvelles espèces. Mais l’extinction que nousconnaissons n’a-t-elle pas l’espèce humaine pour principal élément dé-clencheur ?Comprendre l’histoire de la biodiversité, c’est comprendre la nécessitéqu’il y a, de nos jours, à la protéger ; c’est aussi se prémunir contre lesdangers de l’émotion et revenir à une approche scientifique fondamen-tale. Comme l’écrit dans sa préface Allain Bougrain-Dubourg, « c’estdans ce climat, plus empreint d’inquiétude que de curiosité que lesscientifiques doivent sortir de leur laboratoire… Patrick De Wever etBruno David en font la preuve dans cet ouvrage qui nous invite à ex-plorer la fantastique épopée du vivant... soit quelques 3 500 millionsd’années ! »

Bruno David, Patrick de Wever- Albin-Michel - www.albin-michel.fr304 pages – 22 euros.

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TENDANCES

Le développement du m-commerce.

Avec plus de 185 millions de

smartphones en Europe, le

marché naissant du m-com-

merce ressemble aujourd’hui

à celui du e-commerce au

début des années 2000. Alors

que les smartphones devien-

nent de plus en plus sophisti-

qués, les consommateurs

s’en servent davantage pour

leur shopping. Si les mobiles

sont souvent utilisés pour rechercher des informations sur

les produits, les prix et des offres promotionnelles, un

nombre croissant de transactions est désormais finalisé

via le mobile. En 2012 en France, le poids du m-com-

merce représentait 2%

des achats en ligne avec

2 milliards d’euros de

chiffre d’affaires. Les pré-

visions pour 2015 sont

très positives pour les e-

marchands : on passerait

à 7% des ventes en ligne

globales avec 5 milliards

d’euros de ventes via les

supports mobiles.

Le Bar à vitamines, un nouveau concept.

Nous assistons à l’émergence d’un nouveau

créneau : les bars à jus de fruit.

Portés par l’attrait pour la diététique et les pro-

duits sains les bars à vitamines se développent

un peu partout.

Ils vous proposent des jus de fruits et de lé-

gumes fraîchement pressés ainsi que des cock-

tails de santé ou encore des smoothies (jus à

base d’ingrédients naturels, mélangés à de la

glace pilée ou du yaourt frais) à emporter ou

servis dans une atmosphère confortable et

conviviale. Il ne vous reste plus qu’à adopter la

Zen attitude.

Le HomeChat.

LG introduit le Natural Langage Processing

(NLP) dans ses nouvelles gammes de produits.

Ceci pour assurer une communication, un par-

fait contrôle, un monitoring et un échange d’in-

formations entre les matériels électroménagers

LG et leurs utilisateurs, et ce, via la messagerie

LINE (Messenger) et le service LG HomeChat.

Ainsi, les acquéreurs des nouveaux produits

électroménagers (réfrigérateurs, aspirateurs ro-

bots, machines à laver, fours intelligents,...)

pourront piloter à distance les produits compa-

tibles en utilisant simplement LG HomeChat de-

puis leur smartphone, tablette ou ordinateur.

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QUALITIQUE

9 bis, Bd Mendès FranceBoite A - Immeuble Le Millenium

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TRADUCTION :A. GreenlandS. Uplawski

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ÉDITÉ PAR LE GROUPE QUALITIQUESAS AU CAPITAL DE 2000 EUROS

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N°commission paritaire0311 T 87821

N°ISSN 0767‐9432Dépôt légal : 4ème trimestre 2014

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les pays. La reproduction totale ou partielle desarticles, photos et plans, sans accord écrit de laRevue Qualitique est interdite, conformément àla loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire etartistique. Les articles sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et ne peuvent ap‐paraître comme une prise de position de la revuesur le sujet traité. La direction se réserve le droitde refuser toute insertion sans avoir à justifier sa décision.

QUALITIQUE EST UNE MARQUE DÉPOSÉE

N°257 • Décembre 2014

PRINCIPAUX ORGANISMES CITÉS DANS CE NUMÉRO

EDP Sciences ................10Elopsys ..........................10ENSSAT ........................10ESPCI ............................10Essilor ............................10Esso ................................8Eyrolles ..........................45GreenNet........................59Hamamatsu....................10Hélène et Fils ................10IAE Aix-Marseille ............45IAE Corse ......................45IAE Lyon ........................63IFOP ..............................37Institut d'optique Graduate School ............10International Society for Diversity Management ..................37LG ..................................66Medef ............................10Ministère de l'éducation nationale, de l'enseigne-ment supérieur et de larecherche ......................10Monsieur Bricolage ..........8NACT ............................10Nations Unies ..................8NDT................................34Nord Atlantic ContainerTerminal..........................10Observatoire de Paris ....10ONU ................................9Optics Valley ..................10Optitec............................10

ACE................................10AFE ................................10AFOP ............................10AFP ................................10Albin Michel ....................65American management association ....................34Association américaine du management ............34ATI fibres optiques..........10Auchan ............................8Castorama........................8CEA................................10CED................................26Centre des jeunes patrons ..........................24CIE France ....................10CJD ................................24CJP ................................24Cluster Lumière..............10CNAM ............................10CNOP France ................10CNPF ............................25CNRS ............................10Commission européenne ....................62Committee for EconomicDevelopment ..................26Dunod ............................64e5t ....................................8Economie d'Energie ........8Editeur LGF....................37Editions du Fleuve..........31Editions Pearson ............64Editions Rue de l'Echiquier ......................65

Organisation internationaledes Nations Unies ............9Oséo ..............................62Photonics Bretagne........10Pôle Ora ........................10Port du Havre ................10Primagaz ..........................8Quantel ..........................10Rexel ................................8Route des Lasers ..........10Schneider ........................8SEDI ..............................10SFO................................10Société chimique deFrance ............................10Société française d'astro-nomie et d'astrophysique ..............10Société française de physique....................10Société francophone des lasers médicaux ......10SPI ................................10Supelec ..........................10Supoptique ....................10Synchotron Soleil ..........10Techinnov ......................10Telecom Paris Tech ........10Thales ............................10Total..................................8Union européenne..........35Université Franche-Comté ..............10Université Joseph Fourier ..............10Université of Pittsburgh ..31