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Retard de croissance intra-ute ´rin et cerveau en de ´veloppement § Intrauterine growth retardation and the developing brain A. Phan Duy a,b , F. El Khabbaz a , C. Renolleau a , J. Aberchich a , A. Heneau a , H. Pham a,b , O. Baud a, * ,b a Inserm U676, service de re ´animation et pe ´diatrie ne ´onatales, ho ˆpital Robert-Debre ´, AP–HP, universite ´ Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cite ´, 75019 Paris, France b PremUP fondation, 75014 Paris, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Summary Fetal growth restriction is the second leading cause of perinatal morbidity and mortality, behind prematurity, and is present in 5– 12% of all pregnancies in the general population. Often confused with children constitutionally small for gestational age, those who had not achieved their potential for fetal growth and therefore having true growth restriction can be identified using customized growth curves. The point is to accurately identify fetuses with slowing growth or cessation of growth reflecting a pathological process, because these are at risk of death in utero or chronic fetal hypoxia with a significant impact on brain development. The kinetics of growth and prenatal markers of fetal growth restriction will influence the deci- sion to extract the fetus and the gestational age at birth, as well as other factors involved in the neurodevelopmental outcome. Cognitive deficits and executive, motor, and behavioral dysfunctions described in the short term seem to persist together with greater risk of metabolic syndrome in adulthood. Decisions of fetal extraction by C-section continue to be debated until new epidemiological data will be available on large cohorts monitored over the long term using accurate neurocognitive tools. Understanding the effects of fetal growth restriction on the structure and function of the developing brain is essential for improving the relevance of fetal extraction decisions, perinatal care, and early evaluation of treatments for the prevention of neurodevelopmental disorders. ß 2013 Published by Elsevier Masson SAS. Re ´sume ´ La restriction de croissance fœtale est la deuxie `me cause de morbidite ´ et de mortalite ´ pe ´rinatale, juste derrie `re la pre ´maturite ´, et repre ´sente 5 a ` 12 % des grossesses dans la population ge ´ne ´rale. Souvent confondus avec les enfants constitutionnellement petits pour leur a ˆge gestationnel, ceux n’ayant pas atteints leur potentiel de croissance fœtale pre ´sentant donc une ve ´ritable restriction de croissance peuvent e ˆtre identifie ´s par l’utilisation des courbes de croissance personnalise ´es. L’important est d’identifier les fœtus pre ´sentant un ralentissement, voire un arre ˆt de croissance te ´moi- gnant d’un processus pathologique, car ce sont eux qui sont a ` risque de mort in utero ou d’hypoxie chronique avec un retentissement important sur le cerveau en de ´veloppement. La cine ´tique de la croissance fœtale et les marqueurs ante ´natals de restriction de croissance fœtale influencent la de ´cision d’extraction, le mode d’accouchement et l’a ˆge gestationnel a ` la naissance, autres facteurs implique ´s dans le pronostic neurode ´velopmental. Les de ´ficits des fonctions cognitives, exe ´cutives, motrices et comportementales de ´crites a ` court terme semblent persister au cours de la vie adulte avec de plus un risque de syndrome me ´tabolique surajoute ´. Les de ´cisions d’extraction fœtale resteront de ´battues tant qu’on ne disposera pas de donne ´es e ´pide ´miologiques e ´labore ´es sur de larges populations suivies a ` long terme avec des outils neurocognitifs adapte ´s. La compre ´hension des effets d’un retard de croissance intra-ute ´rin (RCIU) sur le de ´veloppement structurel et fonctionnel du cerveau est essentielle pour l’ame ´lioration des soins pe ´rinatals, pour prendre des de ´cisions d’extraction plus rationnelles et permet- tra ainsi l’e ´valuation de traitements de pre ´vention des troubles neurode ´veloppementaux. ß 2013 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. § Cet article a fait l’objet d’une pre ´sentation aux 43 e Journe ´es nationales de ne ´onatologie (JNN 2013). * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] Rec ¸u le : 14 mai 2013 Accepte ´ le : 17 juin 2013 Disponible en ligne 23 juillet 2013 Mise au point 1034 0929-693X/$ - see front matter ß 2013 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.06.008 Archives de Pe ´diatrie 2013;20:1034-1038

Retard de croissance intra-utérin et cerveau en développement

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Retard de croissance intra-uterin et cerveauen developpement§

Intrauterine growth retardation and the developing brain

A. Phan Duya,b, F. El Khabbaza, C. Renolleaua, J. Aberchicha, A. Heneaua,H. Phama,b, O. Bauda,*,b

Disponible en ligne sur

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Recu le :14 mai 2013Accepte le :17 juin 2013Disponible en ligne23 juillet 2013

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a Inserm U676, service de reanimation et pediatrie neonatales, hopital Robert-Debre, AP–HP,

universite Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cite, 75019 Paris, Franceb PremUP fondation, 75014 Paris, Francewww.sciencedirect.com

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SummaryFetal growth restriction is the second leading cause of perinatal

morbidity and mortality, behind prematurity, and is present in 5–

12% of all pregnancies in the general population. Often confused

with children constitutionally small for gestational age, those who

had not achieved their potential for fetal growth and therefore having

true growth restriction can be identified using customized growth

curves. The point is to accurately identify fetuses with slowing growth

or cessation of growth reflecting a pathological process, because

these are at risk of death in utero or chronic fetal hypoxia with a

significant impact on brain development. The kinetics of growth and

prenatal markers of fetal growth restriction will influence the deci-

sion to extract the fetus and the gestational age at birth, as well as

other factors involved in the neurodevelopmental outcome. Cognitive

deficits and executive, motor, and behavioral dysfunctions described

in the short term seem to persist together with greater risk of

metabolic syndrome in adulthood. Decisions of fetal extraction by

C-section continue to be debated until new epidemiological data will

be available on large cohorts monitored over the long term using

accurate neurocognitive tools. Understanding the effects of fetal

growth restriction on the structure and function of the developing

brain is essential for improving the relevance of fetal extraction

decisions, perinatal care, and early evaluation of treatments for the

prevention of neurodevelopmental disorders.

� 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

ResumeLa restriction de croissance fœtale est la deuxieme cause de

morbidite et de mortalite perinatale, juste derriere la prematurite,

et represente 5 a 12 % des grossesses dans la population generale.

Souvent confondus avec les enfants constitutionnellement petits pour

leur age gestationnel, ceux n’ayant pas atteints leur potentiel de

croissance fœtale presentant donc une veritable restriction de

croissance peuvent etre identifies par l’utilisation des courbes de

croissance personnalisees. L’important est d’identifier les fœtus

presentant un ralentissement, voire un arret de croissance temoi-

gnant d’un processus pathologique, car ce sont eux qui sont a risque

de mort in utero ou d’hypoxie chronique avec un retentissement

important sur le cerveau en developpement. La cinetique de la

croissance fœtale et les marqueurs antenatals de restriction de

croissance fœtale influencent la decision d’extraction, le mode

d’accouchement et l’age gestationnel a la naissance, autres facteurs

impliques dans le pronostic neurodevelopmental. Les deficits des

fonctions cognitives, executives, motrices et comportementales

decrites a court terme semblent persister au cours de la vie adulte

avec de plus un risque de syndrome metabolique surajoute. Les

decisions d’extraction fœtale resteront debattues tant qu’on ne

disposera pas de donnees epidemiologiques elaborees sur de larges

populations suivies a long terme avec des outils neurocognitifs

adaptes. La comprehension des effets d’un retard de croissance

intra-uterin (RCIU) sur le developpement structurel et fonctionnel

du cerveau est essentielle pour l’amelioration des soins perinatals,

pour prendre des decisions d’extraction plus rationnelles et permet-

tra ainsi l’evaluation de traitements de prevention des troubles

neurodeveloppementaux.

� 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.

§ Cet article a fait l’objet d’une presentation aux 43e Journees nationales deneonatologie (JNN 2013).* Auteur correspondant.e-mail : [email protected]

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0929-693X/$ - see front matter � 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.06.008 Archives de Pediatrie 2013;20:1034-1038

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RCIU et cerveau

1. Introduction

Le retard de croissance intra-uterin (RCIU) temoigne d’unealteration de la nutrition fœtale d’origine fœtale, maternelle,placentaire, ou extrinseque. Les causes maternelles sontl’hypertension, les pathologies renales chroniques, des mala-dies de systeme, la thrombophilie, mais certains facteurs derisque ont ete clairement identifies, notamment les facteurssocio-economiques (tabagisme, malnutrition, usages dedrogues. . .). Les causes fœtales (anomalies fœtales et chro-mosomiques) ou les anomalies de developpement placentairesont moins frequentes. La physiopathologie des echangesplacentaires et l’alteration de ces echanges sont mieuxconnues et ont permis de comprendre une grande partiedes mecanismes vasculaires a l’origine de l’exces de morbiditeet de mortalite constate chez ces enfants [1].Le RCIU est la deuxieme cause de morbidite et de mortaliteperinatale, juste derriere la prematurite [2,3], et represente 5 a12 % des grossesses dans la population generale [4]. Pardefinition, un fœtus qui presente un RCIU est un fœtus pourlequel la croissance observee est inferieure a celle qui etaitattendue. Le terme de RCIU est communement utilise pourdecrire des fœtus petits dont le poids est inferieur au 3e ou au10e percentile. Or, dans la litterature pediatrique, de nom-breuses etudes confondent les enfants constitutionnellementpetits pour leur age gestationnel avec ceux nes apres uneveritable restriction de croissance antenatale. Le terme deRCIU regroupe donc un ensemble heterogene de fœtuscomprenant des « petits fœtus constitutionnels » ayantrepondu a leur programmation genetique de croissance etdes fœtus presentant une veritable restriction de croissance(avec une croissance inferieure a leur programmation gene-tique) le plus souvent liee a une insuffisance vasculoplacen-taire. Contrairement aux « petits fœtus constitutionnels », cedernier groupe de fœtus est expose a un risque accru demorbi-mortalite perinatale. Souvent secondaire a des influen-ces genetiques maternelles, ethniques ou en rapport avec laparite, les enfants presentant un veritable RCIU peuvent etreidentifies par l’utilisation des courbes de croissance person-nalisees, ce qui est crucial pour identifier les enfants n’ayantpas atteints leur potentiel de croissance fœtale [5,6]. Le RCIUest considere comme « symetrique » quand la restriction decroissance touche a la fois l’estimation de poids, de taille et deperimetre cranien et « asymetrique » quand seul le poids estatteint. Cette distinction est surtout utile a visee pronostiquecar elle tient compte de l’impact cerebral de la restriction decroissance fœtale [7–10].

2. RCIU et developpement cerebral

Les nouveau-nes prematures et avec RCIU presentent unemorbidite neurocognitive et neuropsychiatrique accrue [11,12].Le stress maternel, l’insuffisance uteroplacentaire et la prise

en charge post-natale des complications liees a une prema-turite induite exposent le fœtus puis le nouveau-ne a un excesde corticosteroıdes circulants pouvant induire des retardsneurodeveloppementaux [13,14]. Des troubles de l’hemodyna-mique placentaire peuvent etre responsables d’episodesd’hypoxemie repetes [15]. De plus, le placenta est un organeendocrine important dont le dysfonctionnement a des reper-cussions sur l’etat nutritionnel, la croissance et la fonctionendocrinienne du fœtus avec notamment une dysregulationde l’axe corticotrope [16,17]. Il existe ainsi de nombreusesdonnees dans la litterature prouvant que le RCIU predisposeau developpement de pathologies metaboliques et cardiovas-culaires a l’age adulte [17].Les nouvelles techniques avancees de neuro-imagerie parimagerie par resonance magnetique (IRM) (diffusion, tracto-graphie et spectroscopie) ont permis de mieux caracteriser lesmodifications du developpement cerebral resultant d’unealteration du milieu fœtal ou post-natal [18,19]. Chez lesprematures avec RCIU, il existe :� une diminution de volume de l’hippocampe, structureimpliquee dans les fonctions de memoire et d’apprentissagetres vulnerable a l’hypoxie, au deficit de nutriments et auxhormones du stress [20] ;� un retard de maturation des faisceaux de substanceblanche habituellement en cours de myelinisation entre34 et 40 semaines d’amenorrhee (SA) ;� un retard de developpement de la connectivite interhe-mispherique [21] ;� des modifications de la creatine et du lactate, 2 metabolitesimpliques dans les mecanismes energetiques cerebraux [22].Ainsi, l’exposition fœtale a une restriction calorique entraınedes modifications de nombreux mecanismes impliques dansle metabolisme energetique, la structure cellulaire, la neuro-transmission et donc sur le developpement cerebral global. Leconcept de plasticite developpementale ou de rupture duprogramme de developpement peut interferer dans la sur-venue de handicaps ulterieurs multiples et de modificationscomportementales. Ainsi, les troubles de la regulation de laprise alimentaire (quantitative et qualitative) au niveau desnoyaux hypothalamiques sont notamment suspectes etreimpliques dans l’emergence des pathologies metaboliques.La plasticite cerebrale represente la capacite du cerveau a sereorganiser et a recuperer d’une situation defavorable grace ades mecanismes d’adaptation [23]. Une modification de laplasticite structurelle neuronale et non neuronale est de plusen plus reconnue comme un determinant majeur de troublesdeveloppementaux avec des consequences a long terme [24].

3. Impact du RCIU sur le developpementneurocognitif

Chez les enfants nes a terme ou avec une prematurite mode-ree, la restriction de croissance multiplie par 3 a 5 le risque de

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paralysie cerebrale (PC) [25]. Cette relation est inconstammentretrouvee chez le grand premature. Les consequences destroubles de la croissance sur le developpement cognitif etscolaire ont fait l’objet de peu d’etudes. Strauss et al. ontrapporte des resultats scolaires moins bons a 10 et 16 ans encas de restriction de croissance [26]. Des resultats identiquesont ete observes dans une population d’adolescents et dejeunes adultes nes a Haguenau et ages de 16–24 ans [27].Enfin, dans une etude menee sur plus de 350 000 jeuneshommes suedois, le risque de retard intellectuel a l’age adulteetait augmente en cas de faible poids de naissance (OddsRatio [OR] compris entre 1,1 et 1,6) [28]. Les autres complica-tions associees a la restriction de croissance sont les troublesdu comportement et certaines affections psychiatriques [29].Dans une meta-analyse, Cannon et al. ont montre que lesenfants de faible poids de naissance presentaient une aug-mentation significative du risque de schizophrenie (OR = 1,67,IC95 % [1,22–2,29]) [30].

3.1. RCIU et « paralysie cerebrale »Depuis assez longtemps, il est etabli que les nouveau-nes aterme hypotrophiques sont plus a risque de PC que les bebesd’un poids correspondant a l’age gestationnel : dans unecohorte nationale historique nee entre 1959 et 1966, les tauxde PC etaient de 3,3/1000 hypotrophiques et 0,6/1000 enfantseutrophiques [31]. Des donnees les plus recentes corroborentces chiffres [25,32]. La relation entre prematurite, restrictionde croissance et PC est beaucoup moins claire. Dans une etudeaustralienne, le risque de PC associee a un RCIU semblaitdependre de l’age gestationnel, le risque etant plus eleve encas de naissance entre 34 et 37 SA avec un poids de naissanceinferieur au 3e percentile (OR [IC95 %] : 19,6 [8,1–47]). En cas denaissance avant 34 SA, aucune association entre RCIU et PC n’aete observee dans ces etudes epidemiologiques. D’autresauteurs ont egalement rapporte que l’hypotrophie n’aggra-vait pas significativement le risque de PC en cas de naissanceavant 32 SA [33–35]. Cependant, les etudes reposant unique-ment sur le poids de naissance et non pas sur l’age gesta-tionnel induisent une grande heterogeneite de la maturite dunouveau-ne. Ainsi, on considere que, chez les grands prema-tures, l’impact de l’immaturite sur le cerveau en developpe-ment peut masquer largement un effet du RCIU surl’incidence de la PC.Une analyse plus detaillee des cohortes de surveillance de laPC en Europe suggere que l’utilisation de courbes de crois-sance fœtale normatives revele une association similaireentre poids de naissance et risque de PC quel que soit l’agegestationnel [33]. Maintenant que l’incidence des PC spasti-ques bilaterales observees chez les nouveau-nes de poids a lanaissance compris entre 1000 et 1499 g est devenue plusfaible, il est possible qu’un impact plus marque du RCIUsur le handicap neurocognitif apparaisse dans cette sous-population. Par ailleurs, la dichotomie d’association entre

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RCIU et PC observee entre les nouveau-nes a terme et lesprematures pourrait etre le resultat :� d’une difference entre ces 2 populations dans l’etiologie duRCIU en fonction de l’age gestationnel de decouverte ;� d’un effet protecteur du RCIU sur d’autres causes de PC chezles prematures ;� de l’impact majeur de la prematurite elle-meme surl’apparition d’une PC en raison des lesions cerebralessurvenant chez les nouveau-nes les plus immatures ;� d’un processus antenatal dysmaturatif associe au RCIU etperturbant le programme de developpement cerebral aucours du 3e trimestre de grossesse.

3.2. RCIU et developpement neurocognitifL’hypotrophie a la naissance est associee a une cognition et desperformances scolaires plus faibles, une moindre sociabilite etdes problemes comportementaux [36–38]. L’etude longitudi-nale d’une premiere cohorte d’enfants a terme presentant unRCIU suivie par Harvey et al. avait montre une correlation entrela croissance cerebrale et le devenir neurocognitif [7]. En cas deRCIU, les enfants dont l’alteration de croissance cerebralesurvient avant 26 SA sont plus susceptibles de presenter demultiples deficits moteurs ou cognitifs, des troubles de l’atten-tion et un echec scolaire que ceux dont la croissance cerebraleest preservee [39]. Des resultats similaires sur la reduction desscores de developpement cognitif et moteur ont ete rapportesdans les etudes longitudinales citees par Leitner et al. [40]. Dansces etudes, par rapport aux temoins apparies pour la prema-turite et les facteurs d’environnement familial et socio-econo-miques, le RCIU a ete associe a des deficits de la memoire a courtterme, mais avec preservation de la memoire de reconnais-sance et a long terme [37], suggerant une alteration desfonctions executives et d’attention [41].Un marqueur associe au RCIU et au bien-etre fœtal est leDoppler de l’artere ombilicale. Une reduction du flux sanguindiastolique, impliquant une augmentation des resistancesvasculaires placentaires aboutissant a une diastole nulle ouun reverse flow, est un critere de souffrance fœtale et unepotentielle indication d’extraction fœtale. Plusieurs etudesont correle ce critere avec le devenir neurocognitif a longterme des nouveau-nes. Chez des enfants suivis en Suede, unediastole ombilicale anormale etait associee a l’age de 6 a 7 ansa des scores cognitifs et moteurs alteres et a une augmenta-tion de la pression arterielle [42,43]. Dans la sous-populationde jeunes adultes suivis jusqu’a l’age de 19 ans, une reductionde la fonction cognitive persistait [44,45]. Une autre etudeconcernant des enfants ages de 5 a 12 ans rapportait que seulle reverse flow en fin de diastole (et non la diastole nulle) etaitcorrele a la reduction des scores cognitifs et des anomaliesneurologiques en cas de RCIU [46].Plus recemment, plusieurs auteurs ont etudie l’interet dudebit sanguin regional du fœtus comme marqueur de laperfusion placentaire et l’apport en substrats energetiques

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RCIU et cerveau

au fœtus. En effet, en cas de restriction de la vascularisationplacentaire, le fœtus redistribue le debit sanguin vers lesorganes essentiels comme le cerveau ou le cœur [47,48].Scherjon et al. ont evalue l’impact des changements de lavitesse du flux sanguin cerebral sur le devenir a long termemontrant que, malgre des processus adaptatifs precoces, lesanomalies Doppler en periode antenatale etaient associees aun mauvais pronostic neurocognitif a long terme [49].De nouvelles etudes randomisees devraient aider a determinerle meilleur moment d’extraction fœtale en cas de RCIU, afin dene pas induire de handicap a long terme : ni trop tot avecl’impact majeur de la prematurite induite, ni trop tard avecl’impact cerebral de la redistribution vasculaire. A ce jour, seulel’etude Growth Restriction Intervention Trial (GRIT) a etudiespecifiquement ce parametre en cas d’indecision fœtale oumaternelle. A l’evaluation neurocognitive realisee a 2 ans,aucune difference n’a ete notee entre prise en charge activeimmediate (extraction medicalement decidee) et prise encharge retardee (expectative) [50]. De meme, a l’age scolaire(6–13 ans), aucune difference n’a pu etre demontree entre les2 types de prise en charge, sur les scores moteur, cognitif et decomportement [51]. Ainsi, une attitude interventionniste en casde doute sur le bien-etre fœtal ne semble pas apporter debenefice en l’absence de toute indication formelle d’extraction.Une autre etude en fin de recrutement (Truffle Study) devraitrapidement apporter de nouvelles donnees a ce sujet [52].

4. Conclusion

Le RCIU a un retentissement important sur le developpementcerebral et le devenir neurocognitif a long terme. Les deficitsdes fonctions cognitives, executives, motrices et comporte-mentales decrites a court terme semblent persister au coursde la vie adulte avec de plus un risque de syndrome metabo-lique. Les decisions d’extraction fœtale restent encore debat-tues tant que de nouvelles donnees epidemiologiques neseront pas disponibles sur de larges populations. La compre-hension des effets d’un RCIU sur le developpement structurel etfonctionnel du cerveau est essentielle pour l’amelioration dessoins perinatals, pour prendre des decisions d’extraction plusrationnelles et permettra ainsi l’evaluation de traitements deprevention des troubles neurodeveloppementaux.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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