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Colloque CFBR-AFEID: «Sécurité des barrages et nouvelle réglementation française Partage des méthodes et expériences», 9 Novembre 2010,Lyon – Luc Deroo, Jérémy Savatier – Retour d'expérience de premières études de dangers RETOUR D’EXPERIENCE DE PREMIERES ETUDES DE DANGERS Feedback from first Dam and Levees Hazard studies Luc DEROO ISL Ingénierie [email protected] Jérémy SAVATIER ISL Ingénierie [email protected] MOTS CLES Etudes de dangers, probabilité, crue, barrages, digues, évacuateurs de crues, déversoirs, érosion interne RESUME Retour d'expérience de premières études de dangers Les études de dangers sont une nouveauté en matière d'ingénierie des barrages, et encore davantage en matière d'ingénierie des digues. Le cadre règlementaire impose une méthodologie d'étude au contenu vaste et diversifié, qui tend vers une caractérisation des Probabilités d'accident, de la Gravité de ces accidents, et des barrières de sécurité qui permettent de les éviter ou d'en réduire les conséquences. D'une manière générale, cette première expérience souligne les apports des études de dangers : pour de nombreux ouvrages, c'est un diagnostic d'ensemble qui n'existait pas et qui met en lumière leurs faiblesses ; c'est aussi un cadre utile pour évaluer les sécurités ultimes d'un ouvrage, au-delà des conditions de fonctionnement habituelles : crue supérieure à la crue de projet, amorce d'instabilité, … Cependant, la mise en pratique de cette méthodologie soulève des difficultés ; en particulier : comment quantifier la probabilité d'accident pour les barrages et pour les digues, en crue ou par érosion interne? Des esquisses de solutions sont proposées, qui ont commencé d'être testées. Par ailleurs, le retour d'expérience montre que des progrès sont souhaitables : certaines dispositions des circulaires "guide de lecture" pourraient être améliorées, et certains sujets techniques méritent réflexion : évaluation quantitative de la fiabilité des évacuateurs, amélioration des connaissances en matière d'érosion interne, intérêt des mesures de réduction de la gravité. ABSTRACT Feedback from first dam and levees hazard studies Hazard studies have recenlty been enforced by law in France ; they lead to fairly new approaches regarding dam safety, and the safety of levees. The regulatory framework requires a thorough methodology to be set up, that addresses the probability of failure, the consequences of failure and the safety barriers that may avoid or minimize the consequences. Our feedback from first studies is as follows. The risk assessment is a very useful tool when dealing with dams or levees that have not been recently re-assessed ; it highlights their possible weaknesses. It is also a framework that makes it possible to investigate the ultimate safety barriers of a hydraulic retaining structure when exposed to situations it was not designed to withstand : flood exceeding the design flood, initiation of a failure mode, ... Though, it is not deemed easy to proceed through the complete risk assessment methodology. How for instance evaluate the failure probability of a dam or levee in case of a flood ? or because of internal erosion ? Some cautious steps forward are proposed, that have started being investigated. The risk assessment studies also underlines how it would be useful to get a deeper understanding of at least two of the phenomenon that may directly or incidentally lead to failure : spillway blockage during floods (with special focus on the issue of floating debris) and a better understanding of internal erosion. Eventually, hazard studies could lead to a trend toward downstream consequences mitigation measures. These are not easy to implement.

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Colloque CFBR-AFEID: «Sécurité des barrages et nouvelle réglementation françaisePartage des méthodes et expériences», 9 Novembre 2010,Lyon – Luc Deroo, Jérémy Savatier – Retour d'expérience de premières

études de dangers

RETOUR D’EXPERIENCE DE PREMIERES ETUDES DE DANGERS

Feedback from first Dam and Levees Hazard studies

Luc DEROOISL Ingé[email protected]

Jérémy SAVATIERISL Ingé[email protected]

MOTS CLES

Etudes de dangers, probabilité, crue, barrages, digues, évacuateurs de crues, déversoirs, érosion interne

RESUME

Retour d'expérience de premières études de dangersLes études de dangers sont une nouveauté en matière d'ingénierie des barrages, et encore davantage en matièred'ingénierie des digues. Le cadre règlementaire impose une méthodologie d'étude au contenu vaste et diversifié, qui tendvers une caractérisation des Probabilités d'accident, de la Gravité de ces accidents, et des barrières de sécurité quipermettent de les éviter ou d'en réduire les conséquences. D'une manière générale, cette première expérience souligne lesapports des études de dangers : pour de nombreux ouvrages, c'est un diagnostic d'ensemble qui n'existait pas et qui meten lumière leurs faiblesses ; c'est aussi un cadre utile pour évaluer les sécurités ultimes d'un ouvrage, au-delà desconditions de fonctionnement habituelles : crue supérieure à la crue de projet, amorce d'instabilité, … Cependant, lamise en pratique de cette méthodologie soulève des difficultés ; en particulier : comment quantifier la probabilitéd'accident pour les barrages et pour les digues, en crue ou par érosion interne? Des esquisses de solutions sontproposées, qui ont commencé d'être testées. Par ailleurs, le retour d'expérience montre que des progrès sontsouhaitables : certaines dispositions des circulaires "guide de lecture" pourraient être améliorées, et certains sujetstechniques méritent réflexion : évaluation quantitative de la fiabilité des évacuateurs, amélioration des connaissances enmatière d'érosion interne, intérêt des mesures de réduction de la gravité.

ABSTRACT

Feedback from first dam and levees hazard studiesHazard studies have recenlty been enforced by law in France ; they lead to fairly new approaches regarding dam safety,and the safety of levees. The regulatory framework requires a thorough methodology to be set up, that addresses theprobability of failure, the consequences of failure and the safety barriers that may avoid or minimize the consequences.Our feedback from first studies is as follows. The risk assessment is a very useful tool when dealing with dams or leveesthat have not been recently re-assessed ; it highlights their possible weaknesses. It is also a framework that makes itpossible to investigate the ultimate safety barriers of a hydraulic retaining structure when exposed to situations it was notdesigned to withstand : flood exceeding the design flood, initiation of a failure mode, ...Though, it is not deemed easy to proceed through the complete risk assessment methodology. How for instance evaluatethe failure probability of a dam or levee in case of a flood ? or because of internal erosion ? Some cautious steps forwardare proposed, that have started being investigated.The risk assessment studies also underlines how it would be useful to get a deeper understanding of at least two of thephenomenon that may directly or incidentally lead to failure : spillway blockage during floods (with special focus on theissue of floating debris) and a better understanding of internal erosion.Eventually, hazard studies could lead to a trend toward downstream consequences mitigation measures. These are noteasy to implement.

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1 CONTENU DU RETOUR D’EXPERIENCE

Le retour d’expérience exposé dans cet article concerne des ouvrages variés :- 2 barrages-poids (un barrage concédé et un barrage autorisé),- 3 barrages en remblais (autorisés),- 1 digue en service,- 1 projet de système de protection contre les inondations (désormais en cours de construction),- 1 projet de barrage.

Ce retour d’expérience a pour objet de pointer les difficultés particulières auxquelles les rédacteurs desétudes ont été confrontés, et de montrer ce qui a été utilisé pour essayer d’y répondre.

Les études de dangers ont été conduites en référence aux textes règlementaires (décret n°2007-1735 du 11décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques et arrêté du 12 juin 2008 définissant le plan del’étude de dangers des barrages et des digues et en précisant le contenu), et également en tenant compte ducontenu exposé par les circulaires « Guide de lecture » (circulaire du 31 octobre 2008 relative aux études dedangers des barrages et circulaire du 16 avril 2010 relative aux études de dangers des digues de protectioncontre les inondations fluviales).

Cet article utilise en particulier les notions suivantes, exposées dans les circulaires : le Risque (ou lacriticité) associé à un accident est le croisement de sa Probabilité d’occurrence et des Gravités desconséquences. Les circulaires écrivent d’ailleurs : Risque = Probabilité * Gravité.

Les sujets abordés par ce retour d’expérience sont les suivants :- Evaluation de la probabilité d’accident en crue pour les barrages- Risques en crue pour les digues- Prise en compte des phénomènes d’érosion interne- Apports des Etudes de dangers

2 PROBABILITE D’ACCIDENT EN CRUE POUR LES BARRAGES

Pour les barrages, les études de dangers amènent plusieurs nouveautés :- selon certaines interprétations, travailler à Risque constant, et donc ajuster la Probabilité d’accident

acceptable aux Enjeux aval : la Probabilité acceptable est inversement proportionnelle aux Enjeux ,- prendre en compte explicitement et, comprend-on, quantitativement les scénarios de défaillance des

dispositifs d’évacuation des crues : vannes non manœuvrables, accès impossibles, embâcles, …- évaluer la résistance ultime en crue « Cote de danger ».

Ces nouveautés sont à relier à un autre mouvement en matière de crues, avec une tendance à unrenforcement des exigences en matière d’études hydrologiques : croisement des méthodes, évaluation desincertitudes, crues successives, hydrogrammes variés.

2.1 Faut-il ajuster la Probabilité d’accident acceptable aux Enjeux aval ?

Les textes contiennent quelques indications pouvant être contradictoires sur l'ajustement de la Probabilitéacceptable à la Gravité. Ces contradictions ne portent que sur le Risque de rupture en crue.

De manière générale, l'arrêté de juin 2008 et la circulaire « Guide de lecture Barrages » demandentd'ajuster les probabilités et les enjeux.

Selon l'arrêté, « les différents scénarios d’accident sont positionnés les uns par rapport aux autres enfonction de leur probabilité d’occurrence et de la gravité des conséquences, évaluée en termes de victimeshumaines potentielles et de dégâts aux biens, en mettant en évidence les scénarios les plus critiques ».

La circulaire précise cet attendu, avec deux diagrammes :

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Le risque de rupture en crue peut sembler déroger à ce principe. Selon l'arrêté, au §6 (aléas), « Les cotesatteintes sont déterminées, dans le cas des barrages en remblais, pour les crues de période de retour 10 000ans et, dans le cas des autres barrages, pour les crues de période de retour 1 000 ans et 5 000 ans. ». Cetterédaction ne contredit pas formellement la nécessité d'ajuster la Probabilité à la Gravité : cette règle peut êtrecomprise comme une règle minimale, qui ne dispense pas d'évaluer le comportement pour d'autres crues.

La circulaire est plus explicite : « L’étude évaluera la cote de dangers […]. Pour un barrage en remblais,lorsque la probabilité d’occurrence annuelle de ce scénario sera significativement inférieure à 1/10 000, lebarrage, au regard de ce scénario, sera réputé dans la « zone verte ». Ce barrage sera réputé en « zoneorange » si la probabilité d’occurrence annuelle du scénario est de l’ordre de l/10 000. Enfin, ce barrage seraen « zone rouge » si la probabilité d’occurrence annuelle est sensiblement supérieure à 1/10 000. »

Dans ce cas, pour le risque de rupture en crue, celarevient à remplacer le diagramme précédent par undiagramme plus simple. Le risque de rupture en crue estpour beaucoup de barrages en service le risqueprincipal. Opter pour un diagramme sans proportionProbabilité – Gravité pour les crues peut faire perdre dusens à la démarche.

Si la circulaire est utilisée non pas en conception des études de dangers, mais en appui au jugement sur lerisque, uniquement comme un guide de lecture, le commentaire précédent est sans objet. Les règles de lacirculaire (ici la probabilité 1/10 000) auraient alors pour fonction d'assurer la continuité avec des pratiqueséprouvées.

Notre parti a été de combiner les deux démarches :- dans la suite de l’approche traditionnelle, vérifier le passage des crues pour une crue de période de retour

1000 à 10000 ans selon les cas ; approche complétée par une évaluation de la cote de danger,- conformément aux textes de l'arrêté, évaluer une probabilité de rupture en crue, et évaluer l’acceptabilité

du risque. Cela a nécessité dans certains cas (forts enjeux aval) d’examiner des scénarios de rupture deprobabilité annuelle très faible (moins de 10-4 par an).

Cette deuxième approche est plus complète et plus riche. Elle fait examiner tous les modes de rupture ensituation ultime, au-delà des PHE (ce qui est également vrai, dans le cas de la première approche, avec lecalcul de la Cote de danger). Elle permet de combiner les probabilités de crue et de dysfonctionnement desévacuateurs, et de les proportionner aux enjeux aval (Gravité). Elle permet également d’évaluer le gain apportépar les dispositions de réduction des risques.

2.2 Prise en compte des scénarios d'indisponibilité des évacuateurs de crues

Ce thème est un sujet central des études de dangers. Comme le mentionne la circulaire barrage : « Bienévidemment, cela ne préjuge pas de l’existence d'autres scénarios également critiques comme, par exemple, larupture du barrage suite à une crue d'intensité moins forte mais se combinant avec la panne partielle ou totaled'un organe de sécurité, ou l’obstruction d’une ou plusieurs passes de l’évacuateur. »

Le principe est simple à établir, mais difficile à mettre en pratique. Il y a au moins trois exigenesparticulières :1. évaluer la probabilité de défaillances des vannes placées sur les évacuateurs de crues2. évaluer le risque d’obstruction d’un évacuateur par des corps flottants3. mettre en place un outil d’analyse qui rende compte du caractère conjoint (et non indépendant) des

scénarios de crues et des risques de dysfonctionnement.

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2.2.1 Probabilité d'indisponibilité des vannes

En pratique, nous avons eu à considérer ce risque sur un seul ouvrage étudié. Dans les autres cas, tout oul’essentiel de la capacité d’évacuation était formé de seuils libres. Pour l’ouvrage étudié, les probabilités dedéfaillance des organes ont été évaluées avec l’exploitant, sur la base de son retour d’expérience sur l’ouvrage(ces vannes fonctionnent régulièrement). Un effort particulier a été placé dans l’évaluation d’un risque dedéfaillance simultanée de deux vannes (mode commun).

La bibliographie des risques industriels et des assureurs donne des indications sur les fréquences dedysfonctionnement de vannes ou de dispositifs d’alimentation électriques. Mais elle n’est d’aucune utilité pourmesurer les spécificités des ouvrages les plus sensibles : fiabilité des équipements anciens, fiabilité deséquipements rarement manœuvrés, … Les bases de données d'incidents pourraient, si elles étaient partagées,fournir à l'avenir des informations quantifiées.

2.2.2 Risques d’obstruction de l’évacuateur

La problématique du risque d’obstruction de l’évacuateur est posée sur la plupart des études que nous avonsmenées, soit parce que l’ouverture des passes ou le tirant d’air est inférieur à ce qui est recommandé par lesrares publications qui traitent du sujet, soit parce que la lame d’eau sur l’évacuateur est faible.

Le risque d’obstruction a été évalué en considérant, dans les différents cas :- la taille de la retenue, comparée au volume de la crue ; il est probable qu’une retenue de grand volume par

rapport à celui de la crue (ce qui reste à caractériser en pratique) soit en pratique insensible à ce risque,- la disponibilité en corps flottants potentiels, souvent des arbres (bassin versant, rives) ; il y a probablement

une diminution du risque lorsque les rives de la retenue sont bien entretenues,- le retour d’expérience sur la retenue : le comportement des retenues lors de certaines circonstances

exceptionnelles (très fortes crues passées, tempête de 1999-2000) donne des indications utiles.

Dans les analyses, nous considérons deux situations d’obstruction : une situation d’obstruction partielle,et, lorsque cela paraît pouvoir se produire, une situation d’obstruction totale (telle que celle qui a obstruél’évacuateur du barrage de Palagnedra). Des probabilités sont affectées à ces deux situations ; elles sontévaluées à dire d’expert, en tenant compte des facteurs de risque cités ci-dessus.

La difficulté de l’exercice est d’autant plus grande que les solutions à un risque d’obstruction par lesflottants ne sont pas évidentes. Le dégagement d’un gabarit de passage suffisant n’est pas toujours possible.L’installation de grilles ou drômes présente des inconvénients : on ne peut pas toujours garantir que lasituation sera meilleure après qu’avant. Il y aurait un réel intérêt à mettre au point et diffuser des règlesgénérales de conception de dispositifs pare-embâcles.

2.3 Résistance ultime – cote de danger

Selon la circulaire barrage, « L’étude évaluera la cote de dangers, c’est-à-dire la cote de la retenue quipourrait être à l’origine d’un scénario de rupture du barrage lors d’une crue exceptionnelle ou tout au moinsla cote au dessus de laquelle la stabilité de l’ouvrage n’est plus garantie, ainsi que l’ordre de grandeur de laprobabilité d’occurrence de ce scénario » .

La notion de « cote de danger » n’est pas explicite dans la définition de la circulaire. S’agit-il de la coteau-delà de laquelle la probabilité de rupture est 1% (rupture peu probable mais stabilité non garantie) ?10% (rupture possible) ? 50 % (rupture probable) ? Il serait utile d’éclaircir cette notion, car les écartsintroduits peuvent être importants. La théorie voudrait qu’on regarde tout ces cas avec les probabilitésassociées ; la pratique montre qu'il est peut-être difficile de faire autrement.

En effet, à l’usage, il n’y a pas une définition qui apparaisse plus utile qu’une autre ; selon les cas, la cotede danger qui contribue le plus à la probabilité globale (et donc la cote la plus utile) est la cote 1%, 10%, 50%ou 90%. Un exemple est donné pour illustrer ce propos.

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Exemple : barrage en remblai équipé d’un seuil libre (grande longueur déversante ou petite longueur déversante).On examine, pour différentes cotes de retenue au-delà des PHE, la probabilité que la cote soit atteinte et la probabilité derupture à cette cote.Dans le premier cas (grande longueur déversante), la probabilité de rupture est constituée par les cotes basses (« cote1% ») ; la probabilité de rupture est pilotée par les incertitudes de fonctionnement aux cotes de retenue entre PHE et crête.Dans le second cas, la probabilité de rupture provient plutôt des cotes hautes (« cote 50% » et plus).

seuil large ; revanche modeste ;probabilité 1/1000 d’atteindre cotecrête – 0,50 m

Probabilitéd’atteindre la cote

Probabilité derupture à cette cote

Contribution à laprobabilité annuelle derupture

Cote crête – 0,30 10-4 0,001 10-6

Cote crête 3 10-6 0,01 3 10-7

Cote crête + 0,30 < 10-6 0,05 < 10-7

Cote crête + 0,70 < 10-6 0,9 < 10-7

Probabilité annuelle de rupture 10-6

seuil étroit ; revanche modeste ;probabilité 1/1000 d’atteindre cotecrête – 1 m

Probabilitéd’atteindre la cote

Probabilité derupture à cette cote

Contribution à laprobabilité annuelle derupture

Cote crête – 0,30 2 10-4 0,01 1 10-6

Cote crête 1 10-4 0,1 6 10-6

Cote crête + 0,30 6 10-5 0,5 2 10-5

Cote crête + 0,70 2 10-5 0,9 2 10-5

Probabilité annuelle de rupture 5 10-5

Tableau 1 : exemple de calcul de la probabilité de rupture pour des barrages en remblai. Mise en évidence de la difficulté àdéfinir une "cote de danger".

Difficulté supplémentaire : il est souvent difficile de déterminer une cote de danger.

Dans le cas des barrage-poids, la cote de danger dépend de mécanismes que l’on ne sait pas bien calculer(et pour lesquels on a peu de retour d’expérience …), et ce d’autant moins que les barrages sont de hauteurmodeste :- mécanismes provoqués par des écoulements significatifs qui surversent par-dessus la crête (érosion pied

aval, circulations d’eau sur les rives, …),- calculs de stabilité tenant compte de la cohésion et la résistance à la traction aux interfaces, deux

paramètres difficiles à estimer ; et calculs qui reposent sur des modèles simplifiés, qui ne sont pasnécessairement aptes à bien représenter les conditions d’une rupture.

Dans le cas des barrages en remblai, la cote de danger dépend beaucoup des arrangements faits en crête,qui contribuent à contenir l’eau de la retenue au-delà des PHE (étanchéité, parapet), et à ralentir l’érosion duremblai. Là encore, le retour d’expérience fait défaut ; il y a de surcroît les sollicitations spécifiques desvagues.

En définitive, la cote de danger est une notion qui ne paraît pas clairement établie, et qui ne paraît pas nonplus toujours utile. Il vaut peut être mieux poser la question dans l’autre sens ; à crue (ou cote) donnée, pense-t-on que le barrage résiste ?

2.4 Outils pour l'évaluation de la probabilité d'accident en crue

Approcher une probabilité de rupture en crue nécessite les étapes suivantes :

Etudehydrologique

classiqueCrue de projet

Crues de périodede retour T ;

crues« horsains »

Cote de périodede retour T ;

cote« horsains »

Vagues

Probabilité derupture

horsains ; incertitudes type évacuateur et débitance ;disponibilité ; laminage

revanche ; hydraulique évacuateur; résistance ultime

Tableau 2 : démarche de calcul Probabilité de rupture en crue

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Pour traiter ce problème, il nous a paru nécessaire de développer un outil adapté, qui permette d'intégrerla formulation des combinaisons de probabilité. La démarche est la suivante :

Etape 1 : définition (classique) des hydrogrammes et des organes d'évacuation des crues.

Etape 2 : définition de "configurations" ; chaque configuration correspond à un état de disponibilité desévacuateurs. Cet état de disponibilité est défini sous la forme d'un abattement sur le débit évacué. Il estpossible de calculer une loi de la cote (probabilité d'atteindre une cote donnée) pour chacune desconfigurations.

Etape 3 : définition du scénario : le scénario définit la probabilité de chacune des configurations ; cetteprobabilité peut dépendre du débit de crue considéré (risques de dysfonctionnements plus forts pour des cruesplus rares). Le scénario permet de déterminer la loi de probabilité de la cote, tenant compte de la disponibilitédes évacuateurs.

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Etape 4 : définition des modes de rupture, et des lois de probabilité associées. Pour chaque mode derupture, on définit non pas une cote de danger unique, mais une probabilité de rupture pour diverses cotes. Lelogiciel interpole entre les probabilités données.

Etape 5 : calcul de la probabilité de rupture pour chacun des modes ; puis sommation

La probabilité de rupture résulte de la combinaison entre d'une part la probabilité de la cote (crues,disponibilité des évacuateurs) et d'autre part les modes de rupture. Dans l'exemple ci-dessous, trois modes derupture sont calculés : surverse par dessus la crête, rupture d'un mur de rive, et surverse dans le coursier del'évacuateur. C'est ce dernier mode (débordement dans le coursier) qui domine.

Nota : chaque mode de rupture est associé à une cote de rupture et donc des conséquences différentes ; enthéorie il faudrait mener une sommation probabiliste des conséquences. En première approximation, nousavons considéré que la variété des conséquences était du second ordre. Ça n'est pas toujours vrai : parexemple, dans le cas du barrage Alain Cami ([4]), la gravité d'une rupture à RN est moins grande qu'unerupture à PHE. Il y a là une amélioration possible de la méthode.

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Deux difficultés particulières méritent d'approfondir la réflexion.

Sur certaines études, il est apparu qu'un enjeu particulier est constitué par les parapets en sommet debarrages en remblai. Les parapets peuvent constituer une défense ultime pour les très hautes cotes de retenue,mais leur stabilité doit être vérifiée en conséquence. Un parapet fragile peut d'ailleurs être plus dangereuxqu'utile (concentration des écoulements de surverse après rupture locale). L'étude des mécanismes de rupturedes parapets impose de considérer simultanément la problématique des vagues, avec la difficulté de définir laprobabilité conjointe d'une crue et d'un vent fort.

Les horsains (événements hydrologiques qui sortent des statistiques, et pour lesquels l'hydrologie nedonne pas toujours de probabilité associée) ne sont pas bien pris en charge, à ce stade, par la méthode.

3 RISQUE EN CRUES DES DIGUES FLUVIALES

3.1 Interprétation des textes

En matière de crues, l'arrêté distingue peu Barrages et Digues. Concernant les Potentiels de dangers, il estmentionné la nécessité d’évaluer la surverse pour les Digues. Concernant l’évaluation des aléas, des périodesde retour sont fixées pour les barrages, et pas pour les digues.

En revanche, la circulaire Digues diffère fortement de la circulaire Barrage. La grille de criticité proposéepour les digues, reproduite ci-dessous, prend en effet des partis :- contrairement au cas des Barrages (et, nous semble-t-il, en décalage avec le texte de l'arrêté), la Probabilité

de l’accident n’intervient pas et, si la Gravité intervient, c’est de manière marginale,- le point central de la sécurité des digues fluviales est la capacité à permettre les premiers débordements

avant la rupture proprement dite. Une digue est classée verte si la rupture survient après les premiersdébordements. De facto, une digue est classée verte si elle possède un déversoir, ou si elle résiste à unecertaine lame de surverse.

Tableau 3 : criticité des digues, circulaire d'avril 2010

On comprend donc que la circulaire recommande essentiellement la mise en œuvre de déversoirs, et faitreposer la sécurité uniquement sur un critère : les premiers débordements ne doivent pas être dangereux, ce quipermet d'alerter puis d'évacuer les populations.

A l’usage, cet unique point paraît donner une vision pertinente, mais incomplète, de la sécurité des diguesfluviales. Pertinente car, en effet, une digue qui s’effacerait au-delà de la crue de protection, sans mettre endanger les populations, remplit entièrement son rôle : il n’y a pas besoin (et il est peut être même néfaste) devouloir protéger la digue contre des crues très rare. Incomplète car (1) un déversoir ne peut pas toujoursremplir la fonction qui lui est dévolue, de remplissage contrôlé de la zone protégée et (2) la grille postule la

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possibilité de calculer une « cote de danger », ce qui est en réalité difficile. On note également que la sécuritérepose sur le mot "Après", qui reste à interpréter au cas par cas.

3.2 Nécessaire raffinement de la grille

3.2.1 Cinétique de l’inondation

Pour caricaturer, la conception du dessin ci-dessous serait faussement excellente à tous points de vue : ledéversoir permet le classement en « vert » ; sa petite dimension et son éloignement des zones habitéesgarantissent que sa mise en service n’inondera pas les riverains pour les débits compris entre la crue deprotection et la crue de surverse.

enjeux

crête de digueterrain naturel

ligne d'eau

déversoir

Figure 1 : une digue "verte" selon la circulaire, mais probablement peu sûre (déversoir de petite longueur déversante, malpositionné sur le profil en long, et cote de crête de digue qui ne suit pas la pente de la ligne d'eau)

Notre premier retour d’expérience sur les études de danger des digues nous conduit à examiner plus endétail la dangerosité des digues, en examinant la cinétique des crues de référence et en valorisant lesinformations produites par les calculs d’onde de rupture.

Par exemple, dans le cas d'un système de protection neuf, comportant plusieurs digues classe C, de classede gravité "2 à 3", l'examen de la sécurité de l'ouvrage a amené à prendre les dispositions suivantes :- les digues sont équipées de déversoirs, avec premiers déversements pour la crue décennale (ce qui est un

choix de niveau de protection, accepté par le Maître d'ouvrage et les riverains),- les premiers déversements sur la crête des digues se produisent pour des périodes de retour 30 à 100 ans,- le fonctionnement du système a été simulé pour plusieurs hydrogrammes caractérisant des crues de

période de retour 100 et 1000 ans ; au moment de la rupture éventuelle des digues, la zone protégée estdéjà entièrement inondée ; les déversements jouent effectivement le rôle d'alerte pour l'ensemble de lazone protégée,

- les digues sont conçues en argile enherbées avec une crête large et revêtue, elles devraient pouvoir résisterà la surverse y compris pour les crues centennales ou plus rares : avec le remplissage des casiers, lesvitesses et différences de hauteur amont-aval restent modestes.

Dans ce projet, selon la circulaire, il aurait été admis de laisser les digues se rompre pour des crues depériode de retour supérieures à 10 ans. Le parti du concepteur a été différent ; les digues sont conçues pour nepas se rompre y compris pour les crues centennales et plus rares, en les faisant résister à la surverse. Ce partivient à la fois de vieux réflexes (ne pas construire d'ouvrages trop fusibles), et de la confiance incomplèteaccordée à la modélisation hydraulique : les incertitudes sur la ligne d'eau ou les embâcles peuvent rendre lesdéversoirs moins efficaces.

Dans ce projet, la situation la plus dangereuse est causée par les déversements contrôlés : la nécessairedébitance des déversoirs amène à un remplissage relativement rapide des casiers (1,50 m d'eau en quelquesheures).

3.2.2 Probabilités d’accident

La sécurité visée par la circulaire est exprimée par cote (crue) de danger > cote (crue) des premiersdéversements. Or, la cote (crue) de danger n’est pas connue. Pour de nombreuses digues fluviales, l’incertitudeest même très forte.- vis-à-vis de l’érosion interne ou des autres instabilités mécaniques, la cote de danger peut être inférieure à

la cote de crête des digues ou à la cote de déversoirs ; il est généralement impossible de garantir que lastabilité à l’érosion interne est entièrement acquise pour les cotes sous la cote des déversoirs,

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- vis-à-vis de la surverse, la cote n’est pas une notion très claire, puisqu’elle dépend de la ligne d’eau et deses fluctuations ; la crue non plus, car il n’y a pas de relation univoque entre crue et cote (déversoir obstrué/ évolution morphodynamique pendant la crue / ou plus simplement : pente de la ligne d’eau réelledifférente de la pente de la ligne d’eau calculée).

Une étude très détaillée sur une digue du Rhône a conduit à une prise en considération différente de laCriticité :- évaluation des différents modes de rupture (érosion interne, instabilités, surverse) et probabilisation de

chacun ; calcul d’une probabilité de rupture de la digue dans l’état actuel,- évaluation des moyens qui permettraient d’améliorer la sécurité en crue de la digue : projet d'équipement

en section résistant à la surverse (période de retour 50 – 100 ans) ; le reste de la digue (non résistant à lasurverse) est calé au niveau crue millénale + 50 cm ; mise en sécurité des parties d’ouvrages où lasensibilité à l’érosion interne amène à une probabilité de rupture excessive,

- vérification que cette conception permet d'atteindre des niveaux de probabilité de rupture acceptable (enl'espèce 10-5 par an, tous modes de rupture confondus).

Dans ce dernier cas, l’équipement par déversoir n’est qu’un aspect du problème. La fonction première dudéversoir n’est pas d’alerter les populations, mais de contrôler l’élévation de la ligne d’eau. Le concept desécurité ressemble à celui adopté pour les barrages, avec un évacuateur de crues et une crête calée au-delà dela crue de projet.

3.2.3 Conclusion sur les digues

L’équipement systématique des digues en déversoirs est certainement un progrès important confirmé par lesétudes de dangers. Cependant, ce premier retour d’expérience nous laisse penser que la seule application de lacirculaire peut ne pas suffire. En particulier dans le cas où les premiers débordements ne constituent pas unealerte efficace : premiers débordement qui ne concernent qu'une partie de la zone protégée, et donc n'alertentpas ailleurs, chronologie de la crue qui ne laisse pas suffisamment de temps entre premiers débordements etrupture éventuelle des digues.

La sécurité de l'ouvrage repose selon nous sur les aspects suivants :- les premiers débordements ne doivent pas être dangereux, ce qui donne une opportunité d'alerter puis

d'évacuer les populations ;- les calculs de cinétique du déroulement des crues, les calculs d’onde de rupture et l’examen des conditions

d’inondation de la zone protégée permettent de porter un jugement sur la réalité de l’alerte et lespossibilités d’évacuation ; tenir compte ici des incertitudes de modélisation (pente de la ligne d’eau) et dela variété des hydrogrammes de crue ;

- la rupture par d’autres mécanismes que la surverse doit être suffisamment peu probable pour que lacriticité soit acceptable ;

- les débordements "dangereux" (susceptibles de rompre la digue) doivent se produire pour une fréquencesuffisamment faible, proportionnée aux enjeux aval ; en effet, malgré les premiers déversements, le risquerésiduel causé par une rupture n’est certainement pas nul (évacuation pas toujours aisée, surtout la nuit), etles effets sur les infrastructures et la vie économique (importance de l’inondation + durée de ressuyage)pas toujours négligeable.

4 PRISE EN COMPTE DE L'EROSION INTERNE

L'érosion interne est apparue comme étant un des aspects déterminants dans l'évaluation de la sécurité (horscrues) des ouvrages en remblai : les digues, les barrages en remblai de conception ancienne, siègesd'écoulements non filtrés, les "petites" parties d'ouvrages qui assurent les fermetures hydrauliques : parapets,murs anti-crue, voile de fermeture en rive, …

Il est difficile, en la matière, d'aboutir à des résultats quantifiés. En pratique, un diagnostic peut résulterd'un croisement de plusieurs méthodes.

4.1 Utilisation de démarches formalisées

Les différents travaux publiés dans le cadre des recherches récemment menées sur l'érosion interne (France,Australie, Etats-Unis, Pays-Bas, Royaume-Uni, …) apparaissent tout à fait utiles pour un examen des

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mécanismes et une identification des phénomènes en jeu, et une première quantification. On pourra parexemple se référer à [3].

Ces travaux proposent une approche analytique, en identifiant les chemins d'érosion interne, et pourchacun d'eux en évaluant les différentes étapes d'un mécanisme d'érosion (défaut initial, initiation,continuation, progression, rupture). Pour chacune des étapes, on peut alors tenter une expertise sur lesphénomènes possibles et leur degré de probabilité. L'expertise s'appuie, autant que possible, sur des élémentsde quantification.

Chemin de percolation "3" : Retenue → Remblai initial → Géotextile d’interface → Recharge avalProcessusd’érosion

Description des éléments du processus Probabilité choisie et commentaires

Inititiation P1 : Probabilité qu’un chemin depercolation « 3 » existe

1 (venue d'eau visible)

P2 : Probabilité que ce chemin génère desgradients et vitesses suffisants pour éroderl’arène du corps du barrage

0,1 (peu probable : pas de symptôme d’érosion interneavant 1986, date de mise en service du géotextile ;cependant, pas de certitude, car incident sur perré amontpeut changer les gradients)

Continuation P3 : Géotextile déchiré 0,1 (déchirure à la mise en service peu probable – maispas de certitude)

P4 : Le matériau de remblai est entraîné àtravers la déchirure du géotextile

1 si P2 est vraie

Progression P5 : une érosion régressive se forme 0,01 très peu probablele gradient moyen est de l’ordre de 0,25 ; matériau :sables très silteux et à granulométrie étalée (Cu = d60/d10 >50 : selon Schmertmann, il faut des gradients moyensnettement supérieurs à 1 pour éroder ce type de matériau)l'auscultation ne décèle pas d'augmentation du débit nid'arrivée de particules.donc 0,1 si P2 est vraie (P2*P5 = 0,01)

P6 : le conduit d’érosion régressiveprogresse vers l’amont

1 (pas d’obstacle à la progression vers l’amont : l’arènepossède suffisamment de cohésion pour tenir le conduit)

Rupture P7 : pas d’intervention humaine avantrupture

0,1 (le phénomène génère, dans ses phases initiales, desaugmentations de débit, puis des désordres, visibles ; uneintervention est possible, par ouverture des vannes.

Tableau 4 : exemple d'une application simple de l'examen par étapes des mécanismes d'érosion interne.

4.2 Valorisation de l'accidentologie

Il est apparu utile d'utiliser une échelle des symptômes observés, notamment pour les digues en raison de leursgrands linéaires, mais aussi pour les barrages en remblai. L'échelle est ensuite valorisée en examinant ce quipourrait, à l'avenir, réactiver ou aggraver les phénomènes : cotes maximales atteintes en crue qui pourraientêtre dépassées, vieillissement ou modification des ouvrages, ...

Une première version, ci-dessous, a été utilisée dans certaines de nos études de dangers.

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Echelle Intitulé Quantité érodéeTerminologie

selon Fell&FrySymptômes

0 Pas d'écoulement 0

1 Ecoulement diffus 0 Auscultation, humidité

2 Ecoulement concentré < 1 kg Ecoulement localisé visible

3 Ecoulement évolutif 1 - 10 kg Piézométrie ou débits de fuites non stabilisés

4 Preuve d'érosion 10 - 100 kgFontis, cavités, affaissements.

Recueil de matériaux dans la zone des fuitesColmatage de drains

5 Erosion significative 100 - 1000 kg idem, volume de l'ordre de 1 dm3

6 Erosion métrique 1 t - 10 t idem, volume de l'ordre de 1 m3

7Rupture évitée par action

volontaire10 t - 100 t

Abaissement de la retenue ou travaux de confortements provoqués par l'incident

8 Rupture > 100 t Rupture avec diagnostic d'érosion interne avéré

Echelle ISL des symptômes d'érosion (version provisoire)

Initiation avérée

Continuation avérée

Progression avérée

Tableau 5 : échelle des symptômes d'érosion

4.3 Approfondissement par reconnaissances adaptées

Dans certains cas, nous avons été conduit à approfondir le diagnostic par la mise en œuvre d'un programme dereconnaissances adapté, faisant appel aux technologiques classiques d'identification des sols (avec focus surgranulométrie, densité en place, caractérisation des sols fins), à la géophysique, et dans un cas, aux essaisdéveloppés récemment pour évaluer la résistance des sols (HET, JET).

Ce type d'approfondissement est difficilement évitable dans le cas d'ouvrages pour lesquels le risqueexiste et pour lesquels il y a eu peu de mises en charge. C'est généralement le cas des digues fluviales.

4.4 Commentaires

Notre expérience est que cette approche de l'érosion interne est intéressante à plusieurs égards.

La définition des chemins d'érosion et des mécanismes associés impose explicitement de rechercher leszones de faiblesse eu égard à ces phénomènes ; cette recherche est intéressante, et est utilement complétée parla synthèse de l'accidentologie et de l'auscultation dans ces zones de faiblesse,

L'exercice impose de décrire la succession des phases d'érosion (défaut initial, initiation, continuation,progression, rupture) ; il est possible, pour chaque phase, d'évaluer, au moins à dire d'expert, les phénomènesen jeu. Même si l'exercice est un peu théorique cela permet de classer les probabilités des mécanismes, et detester l'efficacité d'éventuelles mesures de limitation des risques.

Même si l'exercice est criticable, faute d'une connaissance suffisante des mécanismes d'érosion, il a lemérite de s'attaquer au risque principal de rupture hors surverse (pour les remblais). Il conduit à rechercher unecaractérisation des matériaux de construction (densité, granulométrie, propriétés des sols fins), qui est toujoursutile. La part de jugement reste forte, car ni les méthodes standards de mécanique des sols, ni les essais encours de développement pour quantifier l'érosion interne ne peuvent aujourd'hui apporter de caractérisationquantitative de la résistance d'un sol à l'érosion interne.

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5 APPORTS DE LA DEMARCHE ETUDES DE DANGERS

5.1 Echelle des risques (probabilités et gravités)

5.1.1 Généralités

L'arrêté demande que l'étude conclue sur les "scénarios critiques", et présente la démarche de réduction desrisques. La criticité est présentée comme un croisement entre probabilité des accidents et gravité desconséquences. Les circulaires écrivent : R(isque) = P(robabilité) * G(ravité). Il est classique de considérer desclasses de Probabilités et de Gravité. On passe d’une classe à la classe supérieure lorsque la Probabilité ou laGravité est multipliée par 10 (échelle exponentielle).

En termes de classes, on peut alors écrire : Classe de Risque = Classe de Probabilité + Classe de Gravité.L'article [4] décrit la démarche adoptée.

5.1.2 Quel niveau de risque acceptable ?

Les circulaires donnent des indications sur la Gravité. On peut également fixer des classes de Probabilité.

Classe de Gravité Nombre de personnes exposées(cinétique rapide / lente)

Négligeable 0

Modéré 1 / 1 à 10

Sérieux 2 1 à 10 / 10 à 100

Important 3 10 à 100 / 100 à 1000

Catastrophique 4 100 à 1000 / plus de 1000

Désastreux 5 plus de 1000 / plus de 10 000Tableau 6 : classes de Gravité

Classe de probabilitéProbabilité annuelle d’occurrenceassociée

-1 Inférieure à 10-6Evénement possible maisextrêmement peu probable

0 10-5 à 10-6

Evènement très improbable 1 Entre 1/100 000 et 1/10 000

Evénement improbable 2 Entre 1/10 000 et 1/1000

Evènement probable 3 Entre 1/1000 et 1/100

Evènement courant 4 Entre 1/100 et 1/10

Evènement fréquent 5 Entre 1/10 et 1Tableau 7 : classes de Probabilités

Une classe de risque correspond alors à une probabilité annuelle du nombre de personnes exposées, enzones à cinétiques rapide ou lente. Par exemple, une classe de Risque 5 correspond, en valeur centrale, àexposer, en "moyenne annuelle", 10-2 personnes en cinétique rapide et 10-1 personnes en cinétique lente.

La question qui subsiste alors est : quel est le niveau de Risque acceptable ? La définition du niveau deRisque acceptable revient au Maître d’Ouvrage et à l’Etat. L’ingénierie ne peut que donner des conseils. Maisla réalisation d’études de dangers l’oblige à formuler ces conseils.

Les références existantes sont rares. Deux sources sont discutées ci-dessous.

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En matière de barrages, les publications du Comité International des Grands Barrages font référence à descritères utilisés dans certains pays anglo-saxons (Australie notamment). Ces critères proposent : Risqueacceptable (zone verte) = 10-4 victimes par an et Risque tolérable (zone rouge) = 10-3 victimes par an.

F-N Chart (ANCOLD, USBR)

1.E-08

1.E-07

1.E-06

1.E-05

1.E-04

1.E-03

1.E-02

0.1 1 10 100 1000 10000

Potential Number of Fatalities

An

nu

al E

xce

ed

an

ce P

rob

ab

ility

of N

um

be

r o

f Fa

talit

ies

ANCOLD 1998 : LimitUSBR 2009 : Risk Guideline for Existing Dams

ANCOLD 1998 : ObjectiveUSBR 2009 : Risk Guideline for New Dams and Major Modifications

Figure 2 : Risque Tolérable, selon ANCOLD et USBR

Les Eurocodes fournissent, dans les annexes du tome « 0 » [2], des indications sur les probabilités derupture acceptables pour les ouvrages de génie-civil et de bâtiments. La probabilité annuelle de ruptureacceptable est 10-6 pour un ouvrage standard (pont ou bâtiment par exemple), et 10-7 pour un ouvrage à« Classe de conséquence élevée » (stade, hôpital, caserne, …).

Classe Description Exemples de bâtimentset de travaux de génie civil

Classe deFiabilité

Proba annuelle dedéfaillance visée

CC3Conséquence élevée en termes de pertede vie humaine, ou conséquenceséconomiques, sociales oud'environnement très importantes

Tribunes, bâtiments publics oùles conséquences de ladéfaillance seraient élevées (parexemple salle de concert)

RC3 10-7

CC2Conséquence moyenne en termes deperte de vie humaine, conséquenceséconomiques, sociales oud'environnement considérables

Bâtiments résidentiels et debureaux, bâtiments publics oùles conséquences de ladéfaillance seraient moyennes

RC2 10-6

CC1Conséquence faible en termes de pertede vie humaine, et conséquenceséconomiques, sociales oud'environnement faibles ounégligeables

Bâtiments agricolesnormalement inoccupés, serres RC1 10-5

Tableau 8 : Extraits Eurocode 0

Le tableau ci-dessous propose une interprétation de ces deux sources.

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Source Zone Critère Référencebibliographique

Méthode pour le calcul du critèreselon références EDD

Calcul du Risque acceptable

USBR,ANCOLD

Verte 10-4 victime par an etpar ouvrage

Principe : passer du "Potential Numberof Fatalities" aux Classes de Gravité .Méthode : DEFRA [1]) donne unerelation, basée sur les accidents réels,entre LLOL ("Likely Loss of Life") etPAR ("Persons at Risk") : en cinétiquerapide ("no warning", "near field") :LLOL ~10% PAR ;en cinétique lente ("60 minuteswarning" ou "far field") : LLOL ~1%PAR.

10-4 victimes par an et parouvrage

Donc 10-3 personnes exposées encinétique rapide par an / ou 10-2

personnes exposées en cinétiquelente par an.

Classe de Risque correspon-dante : 4

Orange 10-3 victime par an etpar ouvrage

Classe de Risque correspon-dante : 5

Eurocode Verte Ouvrage : Classe deConséquences faible/ moyenne / élevée :Proba annuelle dedéfaillance : 10-5 – 10-6 – 10-7

Principe : faire une correspondanceentre classe de conséquence Eurocode etclasses de gravité EDD.La correspondance retenue est lasuivante :- conséquence élevée (CC3) : classe

de gravité 4 et plus- conséquence moyenne (CC2) :

classe de gravité : 3- conséquences faibles (CC1) : classe

de gravité 2

CC3 : classe de proba : -1CC2 : classe de proba : 0/-1CC1 : classe de proba : 0/1

Synthèse : classe de risqueacceptable selon Eurocode : 2 à 3

Tableau 9 : Evaluation Risque acceptable selon ANCOLD, USBR et Eurocode

On constate un écart significatif entre l'interprétation des pratiques internationales en matière de barrageset les Eurocode. Les Eurocode sont nettement plus sévères.

Dans nos études, nous avons retenu, pour les Barrages et les Digues, Classe de Risque acceptable (zoneverte) = 4 ; Classe de risque tolérable (zone orange) = 5. Lorsque cela a été possible, nous avons raffinél’analyse en essayant d’évaluer le nombre de victimes (et pas seulement le nombre de personnes exposées).

Il y aurait probablement lieu de mieux calibrer ce niveau de risque acceptable, notamment en distinguantbarrages et digues. En effet, à population exposée équivalente (notamment en cinétique rapide) , la ruptured'une digue est probablement moins dangereuse.

Cette approche différencie nettement entre les ouvrages, y compris d’une même classe administrative (parexemple A). Nous avons eu à considérer des barrages de classe administrative A caractérisés par une classe degravité « Désastreuse » et des barrages caractérisés par une classe de gravité « Sérieuse ». Cet écart de 3classes impose un facteur 1000 dans la Probabilité de rupture acceptable.

On note que cette approche conduit dans certains cas à devoir examiner des probabilités très faibles (parexemple 10-6 par an). Ce n'est pas incongru, si on considère que cette probabilité peut-être le produit deplusieurs probabilités faibles (par exemple : crue décamillénale + vanne obturée), ou une estimation majoréedes incertitudes (crue décamillénale + borne supérieure de l'estimation), ou si l'on travaille sur des probabilitésà l'échelle de la vie de l'ouvrage plutôt que sur une base annuelle (probabilité 10-4 pendant la vie de l'ouvrage).

A l'usage, nous avons le sentiment de pouvoir faire l'estimation du Risque à ± 1 classe.

5.2 Onde de rupture aval

Dans nos études, le calcul de l’onde de rupture a eu pour vocation essentielle le dénombrement des personnesexposées.

Les cartographies obtenues sont lues différemment par les Maîtres d’Ouvrages, qui y voient la figuration(précise puisqu’on peut identifier chaque élément de bâti) de l’ensemble des zones exposées. Dans le cas desbarrages, cette utilisation se heurte aux incertitudes fortes associées à ces calculs, même lorsqu’ils utilisent desoutils de calcul pointus. Dans le cas des digues, c’est encore plus incertain : taille de la brêche estimée sans

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beaucoup de retour d’expérience, zone inondée et cinétique qui dépendent de l'hydrogramme de crue et de lalocalisation de la brêche. Il faut donc insister sur le caractère approximatif et illustratif de cette cartographiedes zones potentiellement inondées.

Nous avons été confrontés à quelques autres difficultés de principe avec le calcul des zones exposées.

La circulaire « Barrages » propose d’arrêter le calcul lorsque l’on descend sous la crue décennale. Nousn'avons pas bien compris si cela correspondait à un critère d'arrêt des calculs (au-delà, l'extension des zonesexposée peut être appréciée par les PPRI ou le jugement) ou à critère de risque résiduel jugé acceptable au-delà (en deça de la décennale, pas de risques). Nous avons plutôt utilisé la seconde interprétation. Dans ce cas,le critère décennalparaît à la fois un peu sévère pour le cas d’une rupture complète du barrage (l’onde va trèsloin, dans des zones qui sont en cinétique lente), et au contraire peut-être pas assez pour les scénariosd’ouverture accidentelle de vannes.

Cela nous a sans doute conduit à ne pas assez prendre en compte les risques liés aux opérations courantes(ouverture intempestive des vannes de vidange par exemple).

Dans le cas des digues, il serait utile de disposer d’un critère d’arrêt des calculs d’onde de rupture ; celapourrait être 50 cm pour se rapprocher de pratiques éprouvées dans d’autres pays (« 2 feet »).

Dans les deux cas (barrages et digues), les biens exposés (infrastructures de transport, infrastructuresénergétiques, zones d'activités économiques) sont évalués, mais pas intégrés dans la grille de gravité. Il seraitutile de les y ajouter. Une difficulté est que cela peut incidemment conduire à donner une valeur à la viehumaine (ne serait-ce que par équivalence entre les critères vie humaine et biens exposés).

5.3 Apport des études

5.3.1 Les ouvrages sont ils plus sûrs après ?

Pour la quasi-totalité des ouvrages que nous avons eu l'occasion d'étudier, l'étude de dangers constitue lapremière étude aboutissant à un diagnostic d'ensemble de la sécurité de l'ouvrage. En ce sens, l'étude dedangers est un progès majeur.

Les études de dangers apportent beaucoup dans le cas d'ouvrages pour lesquels elles amènent desnouveautés :- identification des scénarios de plus grande criticité, qui ne sont pas forcément ceux liés aux évènements

les plus rares, et proposition de barrières de sécurité afin de réduire la criticité de l’ouvrage,- gravités des accidents significativement plus forts ou significativement moins forts que les autres ouvrages

de la même classe (permet de moduler les recommandations selon la gravité aval),- types d'accidents mal pris en compte par les études classiques : défauts de fiabilité évacuateurs, ouvertures

intempestives de vannes,- examen de la sûreté du barrage dans des conditions qui n'étaient pas étudiées auparavant : comportement

au-delà de la cote des Plus Hautes Eaux, comportement après initiation d'un mécanisme de rupture (parexemple, érosion interne), ruptures en cascade,

- ouvrages pour lesquels il n'y a pas eu d'examen détaillé des risques : digues notamment.

5.3.2 Des solutions de confortement mieux adaptées ?

Notre première expérience met en évidence un fait intéressant : la méthodologie des études de dangers nousconduit naturellement à considérer différemment le dimensionnement des ouvrages, notamment pour lasécurité en crue, qui se prête bien à la probabilisation.

Le dimensionnement d'un évacuateur de secours ou l'augmentation de la capacité d'un évacuateur existantsont, selon la méthodologie EDD, pilotés par la classe de Gravité aval. Il y a deux conséquences notables :- d'abord, la notion de Cote des Plus Hautes Eaux perd de son importance, au profit de la (ou des) cote(s) de

danger ; le dimensionnement de la crête des ouvrages devient un élément central de la sécurité,- ensuite, il y a prise en compte des conséquences aval dans la sélection du niveau de dimensionnement.

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Cet état de fait donne matière à réflexion : il apparaît en effet que le dimensionnement piloté par la classede Risque (notamment avec les classes 4 et 5) est parfois moins prudent que le dimensionnement classique. Ledimensionnement classique reste une référence indispensable.

5.3.3 Des progrès à faire ?

Nous ressentons le besoin de progresser dans plusieurs domaines de ces études de dangers.

L'estimation des scénarios de défaillance reste difficile, en ce qu'elle conduit à étudier et essayer dequantifier les probabilités d'accidents par des mécanismes que l'on ne sait pas bien quantifier : comportementdes ouvrages pour des cotes de retenues plus hautes que les PHE, résistance à l'érosion interne, problématiquesdes corps flottants et dysfonctionnements de vannes, …

Nous n'avons sans doute pas encore tiré tout le parti des apports méthodologiques des études de dangersindustrielles. Les notions de scénarios de défaillance (AMDEC), et les notions de barrières de sécurité sont trèsfructueuses, mais il nous reste à trouver les bons moyens de les mettre plus complètement en œuvre. Jusqu'àprésent, nous avons plutôt utilisé des approches simplifées, type "Analyse Préliminaire des Risques".

5.3.4 Faut-il tenter de diminuer la gravité ?

En dehors des barrages soumis à PPI, la diminution du Risque passe par la diminution de la probabilité derupture ou d’accident. Dans le cas des barrages soumis à PPI, il y a également des mesures prises pourdiminuer la gravité des accidents (dispositifs d'alerte aux populations).

Les études de dangers pourraient conduire à préconiser des mesures de réduction de la gravité,notamment dans le cas de barrages de classe A, non soumis à PPI, mais avec forts enjeux aval. En effet, pources barrages, il est difficile, compte-tenu de la classe de gravité, de réussir à garantir une Probabilité d'accidentsuffisamment basse.

Par ailleurs, l'expérience internationale rapportée par [1] semble montrer qu'une alerte donnéerespectivement 1h et 2h avant l'arrivée de la vague permet de diviser par 10 et 100 le nombre de victimes (ils'agit d'ordres de grandeur). L'alerte est donc, en théorie, efficace.

Cependant, la mise en œuvre d'un dispositif d'alerte est une opération difficile à plusieurs égards Il seraitintéressant de disposer d'un retour d'expérience de la mise en oeuvre des PPI, pour évaluer dans quelle mesuredes dispositions, éventuellement allégées (et peut-être moins largement communiquées au grand public)permettraient de bénéficier des avantages de l'alerte.

La diminution de la gravité est sans doute également à considérer pour les risques liés à l'exploitationcourante (ouvertures de vannes). Nous n'avons pas eu l'occasion d'engager une telle réflexion dans les étudesque nous avons menées. .

Il serait utile de connaître (via les circulaires ?) la position de l'Administration vis-à-vis des mesures dediminution de la gravité. Doit-on faire reposer la sécurité sur une maîtrise des probabilités d'accident, ou faut-ilégalement faire porter l'effort sur la réduction des conséquences en cas de rupture ? Dans nos premièresétudes, c'est surtout la diminution de la probabilité qui a été recherchée.

5.4 Ouvrages non soumis aux études de dangers

Les barrages écrêteurs de crue sont des ouvrages à classe de risque élevée, qui échappent généralement auxétudes de dangers, car ils sont souvent de classe C.

La classe de risque de ces barrages est particulièrement élevée pour deux raisons. D'une part, laprobabilité d'accident est en moyenne plus forte que pour les autres barrages : ces ouvrages sont parfois deconception et de réalisation plus sommaires, ne sont peu ou pas auscultés, n'ont souvent pas fait l'objet d'unepremière mise en eau contrôlée (beaucoup n'ont jamais été mis en eau), et sont à forte tranche de laminage.D'autre part, la gravité est en moyenne plus forte que pour les autres barrages, car ils sont justement construitspour protéger des zones habitées. Le surclassement peut être une réponse appropriée.

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études de dangers

CONCLUSION

Les études de dangers sont l'occasion de réflexions nouvelles sur la sécurité des barrages et des digues. Laconduite de premières études de dangers, sur des barrages et des digues fournit un premier retour d'expérience,qu'il est apparu intéressant de partager.

Dans les études que nous avons mené, nous avons cherché à nous conformer à l’arrêté du 12 juin 2008 etaux circulaires « guide de lecture » barrages et digues, et donc à caractériser la probabilité d'occurrence et lagravité des conséquences des scénarios d'accident. Cette caractérisation quantitative est toujours entâchéed'incertitude, mais la démarche nous a semblé fructueuse.

Concernant les barrages, il y a deux nouveautés.

La première est que l'étude amène à considérer des scénarios de rupture variés, dont certains étaient peuexaminés auparavant : on s'intéresse aux dysfonctionnements, aux conséquences d'incidents, à la gestiond'anomalies, … Pour le risque premier qui est la rupture en crue, l'étude de dangers amène à évaluer laprobabilité de la cote de retenue, tenant compte de la fiabilité des évacuateurs, et la probabilité de défaillancedu barrage pour des cotes de retenue qui dépassent les Plus Hautes Eaux. Pour un autre risque majeur, qui estl'érosion interne, l'étude de dangers est l'occasion de mettre en pratique les méthodes récemment mises aupoint, et qui apparaissent fructueuses ; la quantification reste délicate, mais l'examen des mécanismes d'érosioncadre bien avec la démarche d'analyse des risques et donne des indications utiles pour éventuellement définirdes mesures de réduction des risques.

L'autre nouveauté est l'ajustement de la Probabilité acceptable d'accident aux enjeux aval. La prise encompte des enjeux aval dans le calcul du Risque conduit parfois à fortement modifier le jugement sur lasécurité des barrages.

Concernant les digues, la complexité est la plus grande. La notion même de critère de sécurité des diguesreste, selon nous, à affiner : dans des études récentes, la conception ou les mesures de réduction des risquesque nous avons proposées au Maître d'ouvrage sont allés plus loin que les strictes demandes de la circulaire.La seule installation d'un déversoir de crues (qui constitue certes l'élément clé de la sécurité) ne constitue peutêtre pas un niveau de sécurité suffisant. La démarche générale de l'étude de dangers nous paraîtparticulièrement bien adaptée au cas des digues ; la grille de criticité proposée dans la circulaire ne rendcependant pas compte de l'ensemble des résultats de l'étude.

La rédaction du chapitre 9 de l'étude pose la question du niveau de risque acceptable. Le choix de ceniveau de risque incombe au Maître d'ouvrage et à l'Etat. Nous avons cependant été conduit à proposer unniveau de risque acceptable, en référence à des standards internationaux. L'exercice de calibrage reste à mener,probablement en distinguant barrages et digues.

RÉFÉRENCES ET CITATIONS

[1] DEFRA, Research contract, “Reservoir safety – floods and reservoir safety integration”, Août 2002

[2] Eurocode 0, Base de calcul des structures

[3] Fry J.J., Fell R., Worshop on Internal Erosion », 2005

[4] Lino M., Un petit barrage…des risques sérieux, colloque CFBR-AFEID: «Sécurité des barrages etnouvelle réglementation française », 2010

[5] USBR, Interim Tolerable Risk Guidelines for US Army Corps of Engineers Dams, April 2009USSD Conference