Revista L'hebdo Especial Charlie Hebdo

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  • 8/10/2019 Revista L'hebdo Especial Charlie Hebdo

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    Tous deboutPour la libert

    dexpression

    DITION SPCIALE NUMRIQUE50 pages dhommages et danalyses

    Numro spcial du 8 janvier 2015

    DESSIN ORIGIN

    DE HANI ABB

  • 8/10/2019 Revista L'hebdo Especial Charlie Hebdo

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    Chantal TauxeRdactrice en chef adjointe

    Tous debout!

    TRS VITE APRS LE SENTIMENT DINCRDULIT

    SCANDALISE ET CURE, nous avons prouv lin-tuition que, comme le 11 septembre 2001, ce 7 janvier2015 marquerait un tournant. Il y aura un avant et unaprs cette ligne de fracture, cette brutale prise deconscience, ce sursaut.

    La France, lEurope, lOccident, les dmocraties nesont pas aussi finies ou dpressives que certains le disentsi sept heures aprs un lche attentat contre la rdac-tion dun journal que pour la plupart ils ne lisaientpas des milliers de gens dans des dizaines de villessortent de chez eux, en plein mois de janvier, pour fairepart de leur motion et de leurdtermination. La dfense de ladmocratie nest pas aussi mori-bonde que le prtendent des ana-lystes las, si des milliers dinter-nautes-citoyens reprennent leur

    compte le slogan serti de noir: Jesuis Charlie.

    En fauchant lquipe de Charlie Hebdo, les terroristesont vis un symbole de la libert dopinion. Ils voulaientmettre une socit quils excrent genoux, mais celle-ci sest leve. Spontanment.

    POUR LES FANATIQUES ISLAMISTES(et, dans un autregenre, pour Poutine galement), les Occidentaux sontdcadents, avachis dans la socit de consommation,trop libertins, trop libertaires. Mous, prts tre cro-qus, soumis davance. Ce storytellingqui joue sur notreamour de la drision et de lautodrision est faux. Uneattaque au cur de Paris, une attaque contre les droitsde lhomme, une attaque contre les valeurs de lEurope,le plus grand espace de libert qui ait jamais exist danslhistoire, cette agression lche contre une rdaction,fait se dresser dmotion, de colre, dindignation desmillions de dmocrates, certes trs attachs leurconfort mais pas moins pris de liberts.

    Tant dhommages commencent par souligner quilsne gotaient gure lhumour bte et mchant des dsor-mais martyrs de Charlie Hebdo, mais tous regrettent dene pas avoir mieux dfendu cette joyeuse insolence, cesalutaire je-men-foutisme, cette irresponsabilit cri-tique, cette libert de tout dire, que lOccident a mis

    des sicles conqurir. Au milieu de la mare des ques-tions scuritaires, identitaires, politiques, thiques quinous submergent depuis mercredi, il faut se demanderpourquoi ce sursaut survient si naturellement quandlun de nous est attaqu. Jean-Franois Kahn a cit trs

    justement le Chant des partisans: Ami, si tu tombes,un ami sort de lombre ta place.

    FACE AUX IDOLOGIES CONQU

    RANTES ET BRUYANTES,Houel-lebecq et tant dautres dclinistesde salon nous font croire que

    nous sommes irrmdiablementmous, fatigus, dsarms. Erreur:

    si nous avons lair nonchalants et blass, cest parcequau fond de nous-mmes nous nous savons assez fortspour rsister.

    Face la tragdie, dcal par son rythme de paru-tion, LHebdoa choisi de concevoir une dition spcialenumrique, et a sollicit des caricaturistes et nos

    blogueurs associs (qui contribuent rgulirement notre plate-forme de dbat). Trs vite, textes et dessinsont afflu. Une manire de se sentir droit, debout, mal-gr les vents contraires. Un hommage lattitude fron-deuse de nos collgues assassins, qui nont jamaisflchi. Avec vous, nous leur rendons les honneurs etreprenons le f lambeau.

    [email protected]

    Ils voulaient mettreune socit quils excrent genoux, mais celle-ci

    sest leve.

    DITORIAL

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    SOMMAIRE

    Nos blogs

    HOMMAGESET ANALYSES

    Reportage

    A DEVAITARRIVER

    En couverture Un dessin du

    Syrien d originepalestinienneHani Abbas.

    DITORIALChantal TauxeTous debo uts!

    NOSBLOGS Hommages et analyses

    5 Guy SormanTous btes et mchants.

    7 Sylviane RocheLe 11 septembre de Mai 68...

    8 Vincent PellissierLinnocence assassine.

    8 Jacques NeirynckTuer au nom de Dieu?

    10 Olivier GuniatJe suis Charlie-polisse.

    11 Olivier MeuwlyLa libert est morte,

    vive sa re-nativit!

    12 Sandro ArcioniLe prix payer pour la libert.

    13 Frdric MaireBalles tragiques.

    14 Martine BrunschwigGrafIndignation slective.

    15 Gilbert CasasusResponsabilit, lacit

    et dignit.

    En images

    NOUS SOMMESTOUS CHARLIE

    LHEBDO, CEST TOUS LES JOURSSuivez lactualit en continu sur notre site internet, Twitter et Facebook ainsi

    que sur nos applications mobiles, iPhone et Android. Retrouvez les dernires

    infos, des complments sur nos articles, des galeries dimages, des dossiers

    thmatiques, des dessins de presse, nos meilleures adresses par rgion et les

    slections culturelles de la semaine, livres, cinma, DVD, musique, sorties.

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    Tous deboutPour la libertdexpression

    DITION SPCIALE NUMRIQUE50 pages dhommages et danalyses

    Numro spcial du 8 janvier 2015

    DESSINORIGINAL

    DEHANIABBAS

    16 Christophe VuilleumierLes nouveaux martyrs.

    17 Grgoire BarbeyLa libert dexpression ne sera

    pas assassine.

    18 Jean-Pierre GreffLa libert de pense

    et de cration, un impratif

    catgorique.

    19 Pierre NovelloAdieu, Oncle Bernard.

    20 Charles PoncetTerrorisme: Messieurs

    les assassins.

    DANSLEMONDE En images

    Nous sommes tous Charlie.

    27 En motsLes citations les plus

    marquantes.

    29 La revue de pressede Soual Hemmaet de Fatima SatorNotre lecture des journaux

    arabophones, francophones et

    anglophones du monde arabe.

    LARDACTION Le reportage dAntoine

    Menusiera devait arriver.

    34 La chronique deJean-Franois KahnAmi si tu tombes...

    35 Lanalyse dIsabelleFalconnierMichel Houellebecq contre

    Charlie Hebdo.

    36Lhommage de PhilippeLe BA Dieu, ami Bernard Maris.

    37 Le tmoignage dAlexpar Stphane GobboIl ne faut pas cder la peur.

    Le commentairedYves GenierVive la libert.

    38 La galerie photosMorts pour la libert

    dexpression.

    39 Le dessin dEtienneDelessert

    Un massacre? Cestune longue guerre...

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    N Spcial8 janvier 2015

    DITION SPCIALE NUMRIQUE50 pages dhommages et danalyses

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    DITIONSPCIALE

    DESSIN ORIGINALMATTHIAS RIHS

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    L attentat contreCharlie Hebdo Paris concide aveclouverture Boston du procsdu terroriste qui, en avril 2013,fit exploser une bombe larrive

    du marathon, tuant et blessant descentaines de coureurs.

    Dans les deux cas, les meurtriersse rclament de lislam: ils prtendentvenger lagression occidentale contre desnations musulmanes, contre leur civilisa-tion, contre leur religion. En France commeaux Etats-Unis, les auteurs sont des immi-grants, qui semblaient intgrs dans leursocit daccueil. A partir de ce simple et

    banal constat, chacun sera tent de ratio-naliser, de proposer quelque explicationlogique la folie meurtrire.

    Il se trouve des Occidentaux mauvaiseconscience qui feront porter par les vic-times la responsabilit de ces crimes: Ilnaurait pas fallu envahir lIrak, lAfgha-nistan ni conqurir lAlgrie en 1830.Les mmes diront que Charlie Hebdola

    bien cherch (le porte-parole de BarackObama, dans ce sens, a regrett les erreursde jugement de Charlie Hebdo). A suivreces dfaitistes de la pense, le journal nau-rait jamais d ironiser sur lislam, maissen tenir son fonds de commerce initial,par exemple caricaturer le pape: un anti-clricalisme sans risque! Cette autocritiquequi transfre la responsabilit de lassassin

    vers les victimes est une formede culpabilisation de soi bienconnue en psychanalyse: mais, si

    les Occidentaux cessaient de semler des affaires du monde, de

    vouloir exporter la raison et dironi-

    ser sur tout, seraient-ils encore desOccidentaux? Charlie Hebdoserait-il

    encore Charlie Hebdosil sautocensuraitet devenait politiquement correct? Cettetentation dexpliquer le crime par le com-portement de la victime me rappelle ceque les Franais demandaient mes parentsqui fuyaient les nazis: Vous avez bien dleur faire quelque chose, aux Allemands,pour quils vous en veuillent ce point?Mes parents navaient que le tort dtre

    juifs, de mme que Charlie Hebdoa le tortdtre bte et mchant, qui est la devise

    du journal, son devoir dtre, en somme.

    Aloppos des donneurs de leonsqui culpabiliseront les victimesse situent les pseudo-rationa-listes anti-islamiques. Euxnous disent: Puisque Bos-

    ton comme Paris les assassins se rcla-ment dAllah, lislam est donc la cause deleur acte. Sauf que se rclamer dAllahne veut pas dire quAllah ait arm les ter-roristes. Si Allah est Allah, on limagineoccup des tches plus hautes que degrer la folie de ses adeptes proclams. Sur

    Guy Sorman

    Tous btes

    et mchantsLAUTEUR

    GUY SORMAN

    Chroniqueur de lamondialisation etspcialiste de la Chine,il a enseign lconomie Sciences Po Paris etdans de nombreusesuniversits trangres(Chine, USA, Russie etArgentine). Il estnotamment lauteur deLe bonheur franais, Leprogrs et ses ennemis,Le gnie de lIndeetLanne du coq.

    DITIONSPCIALE

    DESSIN ORIGINALFRDRIC MICHAUD

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    un milliard de musulmans dans le monde,qui nobissent aucune autorit centrale,ni locale, je doute quil sen trouve beau-coup pour approuver les attentats de Parisou de Boston. Une des victimes de latten-tat de Paris est dailleurs un policier dori-

    gine arabe et de religion musulmane.Lislam, dans ces drames, nest que

    lalibi de la folie meurtrire: se rclamerdune cause qui vous dpasse une religionou une idologie confre lassassin uneraison dtre, une raison de vivre, une rai-son de tuer. Ds lors, il nest plus un banalmeurtrier, mais devient dans son propreregard un noble combattant.

    On envisagera donc, aurebours de toute emphase,

    que les crimes de Paris etde Boston sont des crimesavant tout, quil est possible

    den dcrire les circonstances et les acteurs,quil est possible de tracer des parallles,de constater le dtournement de lislam,la difficult de certains immigrs sint-grer, le conflit latent entre les valeurs occi-dentales et une certaine humiliation dansle monde arabe qui peine entrer dans lamodernit et dans la mondialisation quilui est impose. Mais tous ces constats, defait indniables, dcrivent; ils nexpliquentrien, parce quau fond il ny a pas dexpli-

    cation.

    exprime sous une forme et avec le voca-bulaire de notre poque, de mme quil ya un sicle des assassins lanaient des

    bombes dans des enceintes politiques outuaient des chefs dEtat au nom de lanarchie,en hurlant Vive lanarchie!, quivalent

    aujourdhui surann dAllah est grand.Un sommet de cette folie meurtrire inh-rente toutes les socits humaines futsans doute atteint en Espagne quand, dansles annes 30, le militant fasciste Jos Milln-

    Astray imposa comme cri de ralliement ses troupes Vive la mort!. Cette pulsionde mort qui se drape dans lidologie dumoment, elle sera toujours avec nous: vou-loir lexpliquer revient la lgitimer, alorsquici, il ny a pas de pourquoi.

    La rponse juste aux assassins deCharlie Hebdosera de rester bteet mchant, en dautres termesironique, sans peur et sans illu-

    sion sur la nature humaine. Vouloir expli-quer par la terreur lislam, limmigration,la mondialisation, labus de jeux vido, etc.,cest faire lintelligent et prendre la pose.

    Aux manifestants partout dans le mondequi proclament leur solidarit avec CharlieHebdo, jadresse une invitation partagerla btise dlibre et la mchancet iro-nique de Charlie Hebdo, rien de moins.

    DITIONSPCIALE

    DESSIN ORIGINALFREDERIC PEETERS

    A Primo Levi, incarcr Auschwitz,qui voulait comprendre lexterminationdes juifs, un soldat nazi avait rpondu: Ici,il ny a pas de pourquoi. En dautres termes,le Mal existe en soi, de mme que la foliemeurtrire existe par elle-mme. Ce quavait

    crit Hannah Arendt sur Adolf Eichmannlors de son procs Tel-Aviv: sur lhorreurde la Shoah rgnaient des petits bureau-crates, ou la Banalit du Mal. Qualifier lescrimes de Boston ou de Paris dattentatsterroristes revient dj accorder unequasi-distinction honorifique aux assassins.Ce terme dattentat terroriste, auquel onpeut ajouter, en cas de besoin, ladjectifislamiste, ne sert qu nous rassurer, introduire de la rationalit historique, faire entrer linconcevable dans une petitecase tiquete lavance. Car il est plus

    rassurant de dire attentat islamiste quedadmettre la folie des hommes.A Boston ou Paris, cette folie sest

    Se rclamer dAllah ne veutpas dire quAllah ait arm lesterroristes. Si Allah est Allah,on limagine occup destches plus hautes que degrer la folie de ses adeptes

    proclams.

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    Qui aurait puimaginer que legrand Duduche,

    mon beauf, et mme lad-judant Kronenbourg, etaussi les jolies femmes au

    petit cul bien rond et lestypes au gros nez jaune, Cabu,

    Wolinski, Charb, qui auraitpu imaginer quils seraient assas-sins? Assassins, oui, abattus bout portant, lun aprs lautre. Mes20 ans, cette fois, cest sr, ils sont bienmorts. Tus par les pires reprsentants dela connerie humaine, les fanatiques religieux.

    Cest Cavanna qui va tre tonn de lesvoir tous arriver ensemble. La conf de rdac-tion de Charlie Hebdose fera dsormais surun nuage Quest-ce que jaimerais pouvoir

    y croire!Depuis midi, je tourne en rond. Jai peur.Pas pour moi, mais pour le monde, pour lavie, pour tout ce que nous avons eu la chancede connatre, la musique, lamour, la libert,lhumour Tout ce que ces monstres barbaresveulent tuer, supprimer dfinitivement. (Ace propos, allez voir Timbuktu,le film de Sis-sako. Cest un film magnifique.)

    Mais, au-del de lhorreur et de la rage,il faut se poser la bte question: Que faire?Dabord, sans relche, faire la diffrence entreun musulman et un islamiste, empcher lesamalgames mortifres. Car jai peur aussides pogroms (appels ratonnades au beau

    temps des colonies, cest lamme chose). Et puis luttercontre le communautarismequi spare les citoyens enidentits plus ou moins fan-

    tasmatiques et sert souvent de

    masque la haine de lautre. Etrpter et expliquer encore et

    encore ce quest la vritable lacitqui ninterdit aucune religion, qui

    ntablit entre elles aucune hirarchie(pas de religion dEtat), mais qui au

    contraire les considre toutes sur le mmeplan individuel et priv.

    Refuser les notions de blasphme et desacrilge au nom desquels on gorge encoreaujourdhui. Au nom desquels on assassinelhumour et la libert de penser, dcrire etmme de dessiner

    On ne peut pas regarder comme a ago-niser tout ce pourquoi nous nous sommesbattus toute notre vie. On ne peut pas laisser nos enfants le monde tel que le rvent cesbarbares.

    Je crois luniversalit des valeurs desdroits de lhomme (et fichez-moi la paix avecle politiquement correct des droits humains,je ne suis pas dhumeur entendre une conne-rie supplmentaire), mme si a horrifielanglisme mou dune certaine gauche.

    Et ce nest quavec ces valeurs-l que nouspourrons dfendre un monde que nous vou-lons libre, drle et heureux et le lguer nos

    enfants.

    Sylviane Roche

    Le 11 septembre

    de Mai 68PROFIL

    SYLVIANE

    ROCHECe professeur etcrivain sintressedepuis toujoursaux rgles qui grentla vie en socit.Pour les connatre,les comprendreet mme,ventuellement,les enfreindreen connaissancede cause...

    DITIONSPCIALE

    DESSIN ORIGINALKAZ

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    Je fais partie de cettegnration qui agrandi avec le ClubDorothe. Ces person-nages mont racont deshistoires, des histoires den-fants. Je me souviens deCorbier, Ariane ou encore

    Jacky faisant les andouilles. Ily avait aussi ce drle de dessi-nateur chevelu, qui ralisait desdessins. On voyait se construire lesgags, sous nos yeux, trait par trait. Delhumour avec des feutres, avec des crayons.Ctait un mode de communication magique,qui touchait par son immdiatet, sa forcevocatrice, son intensit: un message avecune image! Ces Cabu, Gotlib, Reiser ouencore Wolinski utilisaient lhumour. Pourtout dire, pour tout dnoncer, pour toutexpliquer ou simplement pour rire.

    Aujourdhui, cest cette innocence qui sen

    est alle, tragiquement.

    Vincent Pellissier

    Linnocenceassassine

    LAUTEUR

    VINCENTPELLISSIERElu PDC lexcutif dela ville de Sion, sesdomaines deprdilection sont ledveloppementdurable et laformation. Ilappartient labranche humaniste deson parti: centriste,progressiste,dmocrate.

    Ces Cabu, Gotlib, Reiserou encore Wolinskiutilisaient lhumour. Pour toutdire, pour tout dnoncer,

    pour tout expliquer...

    DITIONSPCIALE

    DESSIN ORIGINALHLNE BRULLER

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    L attentat deParis nest pasune affirma-tion de lislam, si on faitleffort dapprendre cettereligion et si on la prend

    ds lors au srieux. Enrevanche, cet acte de bar-barie reproduit un schmauniversel et ternel, le meurtreau nom de Dieu. A un momentou lautre de leur histoire, toutesles religions ont t impliques dansce dtournement spirituel. Et la guerredevient alors absolue, puisquelle ne selimite pas un conit dintrts, maisdevient une croisade, laque (le commu-nisme, le nazisme) ou religieuse (Saint-Barthlemy, guerre de Kappel, djihad, etc).

    Du XVI

    e

    au XVIII

    e

    sicle, lEurope a tle thtre de cette folie. Son ultime avataren Suisse est lodieux article constitution-nel interdisant la construction de minarets.La majorit du peuple suisse, qui ne pra-tique plus aucune religion, ne supportepas quune autre tradition surgisse en sonsein.

    Il est donc ncessaire de clarifier, de vri-fier et de purifier ce que les hommesappellent religion. Et cela vaut pour toutesles confessions, y compris le christianismeavec ses diffrentes chapelles. Le critre

    dune fausse religion est sa prtention

    tre unique. La marque desvraies religions est la tol-rance, lhumilit et le respectdes autres confessions. Il fautque chaque croyant recon-

    naisse que tout autre croyant

    lui est semblable, ni infrieurni suprieur, mais autre, inscrit

    dans une tradition diffrente. Ilnest donc pas ncessaire ou essen-

    tiel de le convertir. La personne quiprtend avoir une ligne directe avec le

    Ciel est au bord de la folie et peut devenirmeurtrire avec la meilleure conscience dumonde. Elle finit par croire quelle garan-tit son salut ternel en envoyant les infidlesdans lautre monde.

    Cela vaut aussi pour ce quil faut bien appe-

    ler des religions laques, qui nient la trans-cendance, et la remplacent par une idolo-gie: le racisme, le nationalisme, le marxisme,le productivisme, lcologisme. Les socitsvolues ngligent par trop leur hyginespirituelle. Par un paradoxe rvlateur, ellessont souvent crdules face des supersti-tions grossires comme lhoroscope, la num-rologie, la voyance, la tlpathie, la go-mancie, limposition des mains par unrebouteux. Frues de rationnel, elles suc-combent au draisonnable. Et elles suscitenten leur sein des jeunes affols par leur videspirituel. Ce sont eux qui se jettent dans ledjihad en dsespoir de cause.

    Jacques Neirynck

    Tuer au nom

    de Dieu?LAUTEUR

    JACQUES

    NEIRYNCKProfesseur honoraire lEcolepolytechniquefdrale de Lausanne,il est aussi crivain etconseiller national(PDC/VD).

    DITIONSPCIALE

    PHOTOGRAPHIE ORIGINALEDOMINIQUE DERISBOURG

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    Je dis toujours quilne faut jamaiscrire sous le coup

    de lmotion et de lacolre, mais je ne peux pasmen empcher aujourdhui,la quintessence de lhorreurayant t commise tellementprs de chez nous. Et apprendre

    quune partie de la rdaction deCharlie Hebdoa t dcime aussibrutalement, dont les caricaturistesCabu, Charb, Tignous et Wolinski quimont tellement nourri depuis plusieursdizaines dannes, ne peut pas me laissersans voix.

    Cette sauvagerie est inacceptable, abjecte,injuste, elle mattriste profondment, biensr, sur un plan humain, mais cet acte ter-roriste me rappelle tout de suite quil ne fautsurtout pas cder lappel des motions nise laisser submerger par la peur, par les dsirs

    de vengeance, ni par les sirnes des amal-games et des stigmatisations. Retenons plu-tt que nos hros dessinateurs et journalistesde Charlie Hebdosont ds aujourdhui desmartyrs de la libert dexpression, de la libertde la presse, dune valeur fondamentale denos dmocraties.

    Il faut donc constamment se rappelerque cet attentat na intrinsquement rien voir avec la religion musulmane. Il y a peut-tre quelques dizaines ou quelques centainesde fanatiques qui se rjouissent de cette atro-cit en Europe ou dans le monde, contre desdizaines de millions de musulmans qui ladsapprouvent totalement. Je sais pourtant

    dj que la sagesse ne sera pasrespecte et que bien peuattendront les rsultats delenqute avant de lancer desanalyses douteuses, des slogans

    nausabonds, des spculationsqui ne valent peut-tre rien.

    Jai vu ces vidos

    extrmementchoquantes surl e s r se a u xsociaux et je nai

    rien vu dautre que deux inconnus, vrai-semblablement fanatiques tant donn cequils ont hurl, rompus au maniement desarmes, agissant avec un sang-froid incon-testable, de la mme manire que ceux quelon peut voir dans dautres vidos lors de

    braquages de fourgons blinds. Cest dail-leurs la premire ide analytique quimest venue lesprit. La seconde pense

    a t: Jespre que le policier abattu estarabophone ou musulman, comme si celapouvait tre une contre-onde de choc.Alors, al-Qaida ou pas? Seule lenqutenous apprendra cest mon vu le pluscher le profil de ces assassins.

    Je sais dj aussi que je vais rver, cettenuit, que toute la presse europenne, en actede contestation et de rsistance, publieramassivement toutes les caricatures de ChariaHebdode novembre 2011, pour que le terro-risme sache quil ne terrorisera pas la Libertet que nous ne cderons jamais.

    Et mes collgues policiers froidementexcuts, je dis: Honneur vous!

    Olivier Guniat

    Je suisCharlie-polisse

    LAUTEUR

    OLIVIERGUNIATChef de la policejudiciaireneuchteloise,criminologue, OlivierGuniat a 46 ans.Son grand dada:les stupfiants.Ses sphres decomptences: lesstatistiques de lacriminalit, lesviolences conjugales,les interrogatoires etles auditions depolice, la dlinquancedes jeunes...

    DITIONSPCIALE

    DESSIN ORIGINALHANI ABBAS

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    L motion est soncomble, un senti-ment de rvoltenous treint. Les hommagesse succdent, dans une unani-mit qui doit sans doute amuserles victimes du lche attentat dece mercredi 7 janvier.

    Une date assurment appele devenir un symbole: le symbole duneguerre qui ne veut pas dire son nom, lesymbole dun conit latent qui gangrne nosdmocraties occidentales depuis plusieursannes maintenant.

    Peut-tre pas le symbole dun ventuelchoc des civilisations, puisquil sembleraitquil est malvenu demployer lexpressionforge par Samuel Huntington. Il nempche,

    deux conceptions du monde sopposent.Le christianisme, en reconnaissant la

    sparation de lEglise et de lEtat, en distin-guant ce qui revient Dieu et ce qui ressortit la puissance de Csar, a ouvert la voie aupluralisme dmocratique, la libert de pen-se, lhumour qui risque parfois de heurternos semblables dans leurs convictions.

    Le romantisme allemand du XIXesiclehissera mme le witz, lironie, au rang decontribution la ralisation du Moi, la foisfortifi distance du monde et intgr dansle Un o il se rvle lui-mme.

    Lislam, de son ct, a connu une histoirecompltement diffrente et na pas eu locca-sion doprer ce clivage, ou na pas connu lecontexte philosophique et politique qui luiaurait permis de poser le rapport historique-ment ambigu ente la religion et lEtat sur denouvelles bases.

    Qui a raison, qui a tort? L nest pas laquestion. Mais tant que nous naurons pasaccept cette ralit, nous devons admettrequislam et christianisme continueront seregarder avec mfiance: leurs visions de lin-dividu et de lEtat sont incompatibles et ne

    peuvent cohabiter sur le mme territoire.Le rapport entre Eglise (au sens large) etEtat se trouve aux fondements de nos construc-tions juridico-institutionnelles. Nous avonstendance loublier dans notre univers scu-laris: le renouveau dun islam militant depuisdeux dcennies a au moins le mrite de nousrappeler ce donn de notre ordre tatique.

    La question nest pas non plus de savoirsi nos socits multiculturelles sont richesdun enrichissement rciproque ou contiennentles germes de notre futur dclin. Le multicul-turalisme est un fait, quon le veuille ou non.

    Reste se demander comment lorga-niser lorsque se rencontrent sous son gide

    attisera lislamophobie, ou ce quelon appelle telle, et ce nest guremieux

    Une autre voie souvre nous,cependant. On ne prnera jamais

    le respect entre les peuples et lescultures si chaque partenaire ne

    commence pas par se respecter lui-mme.Rcemment, un tribunal de Nantes

    a accept quune crche soit retire dunbtiment public. Quelques semaines avantle drame dhier Cette anecdote renvoie des vnements plus graves qui se sont pro-duits voici quelques annes, en France, enAllemagne, en Italie.

    Des juges de ces pays avaient envisagde renoncer au droit de la famille en vigueurdans leurs juridictions respectives au pro-

    fit du droit des plaignants, en loccurrencela charia. Les mdias se sont justementinsurgs contre cette drive de notre ordrejuridique, mais le problme nest pas rsolu.

    Ce genre de dmission fait le lit du mprisdans lequel les islamistes purs et durs tiennentles valeurs universelles, ou que nous prten-dons telles, qui balisent notre ordre juridique.

    Oser reconnatre que reprsenter la nais-sance du Christ ou dresser un sapin de Nol,comme ce fut le cas en Allemagne, constitueune atteinte la libert dautrui et que labou-tissement des droits de lhomme exige le

    reniement de ses propres traditions ne peutquenterrer et la libert, et les droits delhomme.

    Mon propos sera-t-il considr commeune injure aux musulmans qui nont rien voir avec les assassins de Charlie Hebdo? Aucontraire!

    La tolrance ne peut sadosser qu unrespect mutuel des valeurs de lautre. Desvaleurs qui, mme proclames universelles,ne seront jamais apprcies qu laune ducontexte dans lequel elles sont pratiques,ou non.

    La meilleure dfense contre la barbariereste le courage de pratiquer nos traditions,dans la paix et le respect, pas en affichantune pseudo-tolrance qui alimentera un res-sentiment, ce cancer de tout corps social. Unressentiment la source de mouvements aussimalsains que Pediga en Allemagne.

    La libert nest pas morte; pour les Occi-dentaux, elle passe par la Nativit avant quela Renaissance du XVIesicle ne laffermisseet quelle se parachve dans le retrait du reli-gieux en dehors de la sphre publique.

    Mais elle nest effective que dans laconscience de lhistoricit dans laquelle elle

    sinscrit!

    Olivier Meuwly

    La libert est

    morte, vive sare-nativit!

    LAUTEUR

    OLIVIERMEUWLYDocteur en droit et slettres, auteur deplusieurs ouvragesportant sur lhistoiresuisse, lhistoire despartis politiques etlhistoire des ides.Auteur notammentdune biographie duconseiller fdralLouis Ruchonnet(1824-1893).

    Organisateur deplusieurs colloques(notamment surFrdric-Csar de LaHarpe et les 75 ans dela Paix du travail).

    des approches du monde potentiellementen rivalit. Pire: comment en chanter lesvertus quand chaque partie concerne sesent agresse dans ce qui lui est le plus cher?La libert dexpression pour lOccident qui

    a expdi la religion la sphre prive, lafidlit au Livre sacr pour lOrient prisdislam.

    Alors, lorsque lOccident se voit ainsiagress dans ses valeurs et sa perceptionde la politique, comment doit-il ragir? Sin-venter des martyrs en se taisant au nom dela tolrance? Tout miser sur lappareil rpres-sif? Simmerger dans la croyance quil seraitpossible de dtourner certains individus deleur soif jihadiste?

    Cette dernire option est la plus vaine:la libert individuelle empchera toujourslEtat de barrer la route quiconque se sent

    sduit par une secte Pourtant, ne rien faire

    DITIONSPCIALE

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    La libert, CharlieHebdoen a payle prix fort.La libert, comme la

    libert de pense, est oudevrait tre LE droit fonda-mental dans une dmocratie.Cest une richesse de pouvoirsexprimer en toute scurit etcette libre expression doit tregarantie par un Etat de droit.

    Certes, pour garantir notre libert,il y a un prix payer. Pas celui de morts(il y en a assez eu lors de la dernire guerremondiale, ainsi que dans des conits qui ontsuivi, en Europe, comme en ex-Yougoslavieou, aujourdhui, en Ukraine), mais celuidune assurance scuritaire.

    Mais en amont, il faut oser se poserquelques questions:- Quels sont les rles des religions? Ont-elles encore un sens? Si Dieu existe, enexiste-il plusieurs? Des diffrents?- Les sectes et mouvements fondamenta-listes ont-ils une place dans notre socit?- Lappel la guerre sainte, la haine, etc.,est-ce un droit?- La sparation Etat et religion est-ellecomprise et respecte?- Hormis la police, larme et autres orga-nisations sous la responsabilit de lEtat,

    doit-on autoriser ou fermer les yeux surdes organismes de formation militaire oude commando?- La cration de films ou de jeux pour ordi-nateurs avec organisation et montage detueries ont-ils une raison dtre? Quel estleur public cible?- Quel rle joue linternet dans laccs linformation et la dsinformation? Quiest le rgulateur de linternet?- Le fichage de personnes risques (crimi-nels, malades, etc.) doit-il tre proscrit?

    Et bien dautres questions encore (mme

    si elles drangent)Par contre, il ne faut pas mlanger Etatscuritaire et Etat sr. En fait, cestlEtat de droit qui doit offrir les aspectssrs de la qualit de vie de ses citoyenssans pour autant tre un tat scuritaire,livr toutes sortes dactions dites de scu-rit mais sans contrle ni rgle.

    Pour toutes celles et ceux qui prtendentque la France na pas vu monter son isla-misation: sans polmiquer, il faut trevraiment aveugle pour le dire ou le croire!Quel est le rle jou par les politiques aupouvoir dans le domaine de la scurit,

    trop souvent entrav par desquerelles personnelles oupartisanes?

    Si la rdaction dun jour-nal est aujourdhui attaque,

    demain un kiosque vendantdes journaux pourrait ltre, mais

    galement une banque, une entre-prise, un commerce, etc., pour une

    seule raison: ils ne respectaient pasla simple philosophie de pense dun

    autre groupe! Idem entre deux personnesdavis contraire la sortie dun restaurantou dun dancing! Ouvre-t-on le feu sur laviscontraire?

    Et quen est-il en Suisse? Quels sont lesrisques?

    En fait, les mmes que partout en Europeet dans le monde, avec juste une questiondanalyse: Si acte il y a, quelle sera saporte mdiatique et quels seront les effetsfinaux de ce dernier? En fait, cest la ques-tion de dpart que la Suisse ne se pose pas!Cette dernire permettrait de mettre enexergue les menaces les plus dangereuseset les plus probables.

    Malheureusement, la question des effetsfinaux recherchs (domaine de linfluence)est souvent trop complexe pour les personnes

    cls telles que MM. Maurer, Blattmann (quiaime dailleurs peu les critiques) ou Schellen-

    berg (arme suisse) par manque de capacitde comprhension internationale, maisgalement pour les renseignements strat-giques de la Confdration concentrs surses problmes internes, les polices canto-nales ligotes par leurs autorits, etc.

    Dautre part, le systme suisse de scuritest trs compliqu grer, car il est rpartisur les trois sept dpartements fdraux(DDPS: arme, DFJP: police, DFF: douane

    et DFAE pour une partie de linformationextrieure, sans compter les trois autres encas dune catastrophe quelconque).

    Sans dpeindre le pire, mais cest en pr-voyant le pire que lon peut anticiper! Il sagitmaintenant darrter dtre naf en Suisse. Ilfaut raisonner de faon globale et repenserle systme de scurit dans son ensemble etladapter la vraie menace. Certaines rvi-sions de lois sont en cours, mais ce ne sontque quelques briques. Je reviendrai sous peuavec des propositions organisationnelles. Maiselles mriteront un certain courage pour leurmise en place.

    Sandro Arcioni

    Le prix payer

    pour la libertLAUTEUR

    SANDROARCIONIDrs sciences,

    lieutenant-colonel,expert en stratgie eten cyberdfense,directeur de MupexSrl et enseignant-chercheur dans ledomaine de lagouvernance.

    Il sagit maintenant darrterdtre naf en Suisse. Il fautraisonner de faon globaleet repenser le systme descurit dans son ensembleet ladapter la vraie

    menace.

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    Jemprunte unlve de lcoledarts appliqus

    dAngoulme centre mon-dial de la BD le titre de cetexte; il le brandissait sur unpanneau en hommage aux vic-

    times de lattentat contre CharlieHebdo. Ces deux mots voquent biensr le fameux Bal tragique Colombey 1 mort mis la une de Hara-Kiri la mortde Charles de Gaulle, titre qui avait valu aumagazine son interdiction par le gouverne-ment et donn naissance Charlie Hebdo.

    Etrange retournement des choses: cestaujourdhui le prsident Hollande et le pre-mier ministre Valls qui clbrent la libertde la presse devant les locaux meurtris deCharlie Hebdo Les anciens du journal bteet mchant doivent bien rigoler, l-haut!

    Les temps ont heureusement chang, croyait-on. On peut rire de (presque) tout, croyait-on. Mais il y en a certains qui ne pensenttoujours pas la mme chose. Et qui consi-drent que comme lEtat ninterdit plus lapresse satirique et irrvrencieuse, il est tempsque de nouvelles forces le fassent, les armes,la btise et la mchancet la main.

    Je suis triste, aujourdhui, car je me sen-tais doublement proche de Charlie Hebdo. Entant que journaliste plaant la libert de lapresse au-dessus de tout. Et en tant quama-teur dillustrations et de bande dessine, quejai chroniques pour plusieurs journaux et

    radios plusieurs annes durant Certains de

    ces auteurs brutalement ex-cuts, je les ai croiss dans lesfestivals de BD, Sierre ou

    Angoulme, justement; jai parlde leurs albums et je les ai mme,

    parfois, interviews. ImaginerWolinski ou Cabu terre, excuts

    par balles, me semble parfaitementirrel, absurde, comme une farce terrible

    imagine par le professeur Choron pour unde ses redoutables romans-photos.

    Charb, Tignous, Wolinski, Bernard Marisou Cabu taient en guerre contre une seulechose, la connerie humaine. Ils se battaientla plume la main pour que le droit de rire(donc de critiquer) continue dexister.Aujourdhui, cest comme si on avait trucidZola quand il dfendait Dreyfus. Donc il nefaut pas cder. Et continuer faire commeeux, continuer avec courage de dessiner,

    dcrire et de parler librement.Je suis en colre. Je suis Charlie.

    Frdric Maire

    Balles

    tragiquesLAUTEUR

    FRDRICMAIRE

    Avant dtre

    le directeur de laCinmathque suisse,il a t journalisteet ralisateur, il acofond le club decinma pour enfantsLa Lanterne magiqueen 1992 et dirig leFestival internationaldu film de Locarnode 2005 2009.

    DITIONSPCIALEHARAKIRI

    NOVEMBRE

    Charb, Tignous, Wolinski,Bernard Maris ou Cabutaient en guerre contreune seule chose, la conneriehumaine. Ils se battaientla plume la main pour quele droit de rire (donc de

    critiquer) continue dexister.

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    Douze personnesau moins ontperdu la vie

    Charlie Hebdo, tues en rai-son de leur opinion, de leurlibert de langage et de pen-

    se et de celle de lhebdo-madaire pour lequel elles tra-vaillaient. La nouvelle fait letour de la plante et lindignationest forte, de Moscou Paris enpassant par Londres et Washington.

    Nous ne pouvons qutre rvolts ethorrifis par lacte commis, par la violenceet la haine quil sous-tend, par la disparitionde personnes talentueuses et courageuses quinont jamais craint dexprimer, mme sousla menace, une forme de pense provocantemais indispensable dans notre dmocratie.

    Je ne peux mempcher pourtant depenser que lhorreur et lindignation res-senties sont un peu slectives. Ce qui sepasse Paris nous rvolte avec raison. Maiscela doit nous rappeler que dautres per-sonnes, militantes de la libert dopinionet de la dfense des droits et de la dignithumaine, sont emprisonnes, tortures ettues dans un silence assourdissant un peupartout sur notre plante. Parmi les indi-gns du drame qui se droule Paris figurentles hauts dignitaires de pays qui restent

    bien silencieux lorsque paraissent les sta-tistiques annuelles de Reporters sans fron-tires: 66 journalistes tus en 2014 dans

    lexercice de leur mtier, 79en 2013, 87 en 2012!

    La libert dexpression estun droit intangible, elle doittre protge, elle doit tre

    dfendue. Elle ne profite pas

    celles et ceux qui lexercent aupril de leur vie parfois mais vise

    garantir que, dans une socit, lesopinions puissent sexprimer, les pro-

    testations se manifester, lironie sexer-cer. Cest la pense unique que lon cherche

    imposer lorsque lon fait taire la libre opi-nion. Le grand danger, la suite du dramequi vient de survenir Paris, cest de voir lapense unique dominer. Ce nest pas celle desauteurs de lattentat quil faut craindre, maiscelle de ceux qui en tireront prtexte pourleurs propres vises politiques

    Martine Brunschwig Graf

    Indignation

    slectiveLAUTEURE

    MARTINEBRUNSCHWIGGRAF

    Economiste deformation, membredu Parti libral-radical, anciennedpute au GrandConseil genevois,conseillre dEtat etconseillre nationale,elle prside depuis2012 la Commissionfdrale contre leracisme.

    DITIONSPCIALE

    DESSIN ORIGINAL

    GRECK

    Le grand danger, la suite dudrame qui vient de survenir,cest de voir la pense uniquedominer. Ce nest pas celledes auteurs de lattentat quilfaut craindre, mais celle deceux qui en tireront prtextepour leurs propres

    vises politiques

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    Je mimagine unerponse de toute lapresse francophone

    ou pas. Dune presse libreet dmocratique. Que tousles quotidiens franais, suisses,europens et au-del imprimentsur leur une de demain les cari-catures de Mahomet. Car noussommes tous des Charlie Hebdoen ce jour.

    Que lon comprenne aussi que le terro-risme islamique a toujours eu pour dnomi-

    nateur commun latteinte la culture. Quelon se souvienne de la destruction des templesen Afghanistan par les talibans, du rapt deslycennes au Nigeria par la secte Boko Haramou de lattentat au muse juif de Bruxelles,perptr par le djihadiste franais MehdiNemmouche. Les cibles du terrorisme isla-mique sont connues: elles dnigrent toujoursle savoir, lducation et la pense. Commentaussi ne pas se souvenir de Mohammed Merahqui, le 19 mars 2012 devant les portes de lcoleet du lyce Otzar Hatorah de Toulouse, assas-sina des coliers juifs et leur professeur?

    La raison veut que lon ne fasse pas lemoindre amalgame. Cest l la voie de lasagesse et de la retenue. Chaque dirigeant yfera appel, car cest l aussi son rle et sondevoir. Mais rien ne sert de ddouaner cer-taines responsabilits. Certes, ce nest pas lareligion musulmane qui est en cause. Mais,que lon ne ladmette ou pas, nul ne pourracontredire les mots qui suivent: si limmensemajorit des musulmans ne sont pas des ter-roristes, tous les terroristes islamiques sontmusulmans. Ce nest pas une attaque, ce nestquune constatation.

    Dailleurs, pourquoi demander aux ins-

    tances musulmanes de sexpliquer, voire de

    sexcuser? Ce ne sont pas ellesqui sont en cause. Rien neserait plus inadquat que de

    semparer de cet attentat odieuxpour nourrir ou plus encore dve-

    lopper les communautarismes.Ils ne peuvent qualimenter les

    haines, favoriser les divisions et appau-vrir nos valeurs. Si les religions

    demeurent au centre de nos socits, ellesne doivent pas guider leur destine. Ellesdoivent demeurer ce quelles sont au plusprofond de lme de chacun dentre nous,

    soit une affaire prive.Ds que lon tue au nom de la religion, la

    guerre rde grands pas. Aujourdhui, elle asvi Paris. Et sil est question de la Franceen ce 7 janvier 2015, que celle-ci nous enseigneaussi ce quelle a peut-tre de meilleur: la la-cit. Non lanticlricalisme, souvent outrancieret affreusement rducteur. Mais une lacitdu respect, du respect de croire ou de ne pascroire, du respect de lautre et de soi-mme.Cest l quintervient ce mot si galvaud detolrance qui devrait peut-tre disparatrede nos tablettes. Peut-on tre tolrant avec les

    intolrants? Peut-on tre tolrant aujourdhuiavec les assassins de Charlie Hebdo?La force de nos socits dmocratiques

    rside dans leur volont de rsister aux excs.De ne pas rpondre il pour il, dent pourdent aux pires crimes de lhistoire. Il en seraaussi de mme aujourdhui. Et cest bien quilen soit ainsi. Par sa prsence dans un rassem-

    blement, par un geste simple, un dpt dunefleurou une larme, voire par quelques mots crits la va-vite, le citoyen sera digne. Car la dignitest, a t et restera toujours la meilleure desrponses quil pourra adresser aux assassins,aux assassins de la culture, aux assassins de la

    libert, aux assassins tout court.

    Gilbert Casasus

    Responsabilit,lacit et dignit

    LAUTEUR

    GILBERTCASASUS

    Professeur ordinaireen tudeseuropennes auprsde la Facult deslettres de lUniversitde Fribourg.Politologue, diplm

    de lIEP de Lyon etdocteur duGeschwister-Scholl-Institut de lUniversitde Munich, il estspcialiste desprocessus historiqueset politiques enEurope.

    DITIONSPCIALE

    DESSIN ORIGINAL

    MATTHIAS RIHS

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    Gamin, je regardaisCabu la TV.Ctait lpoque

    des polmiques chez Polacavec Franois Cavana etColuche. Et puis, il y a eule temps de Fluide glacialet

    duCanard enchanqui repre-naient dans lesprit feu Hara-Kiri, stopp en 1970. Une redurant laquelle les bouffons duroi taient accepts. Mieux! Ilstaient plbiscits, aims, ils faisaientpartie dun paysage plus politique queculturel o lironie faisait rire.

    Et il y a eu le 11 septembre, un attentatqui devait marquer le monde occidental et,sans doute, le monde tout court. Ds lors, lacivilisation entra en guerre contre la bar-barie. Ds lors, les contraintes pesrent pro-

    gressivement sur un nombre grandissant deliberts. Ds lors, linstrumentalisation desinformations, des religions, de nos valeursallait connatre une inflation difficilementmesurable, lironie et la satire devenant desrecours dangereux.

    Le 25 avril 2005, 19 historiens reconnus,dont Elisabeth Badinter, Alain Decaux etMarc Ferro dposaient lappel Libert pourlhistoire, sign par plus de 1000 intellectuelsfranais, demandant labrogation de toutesles lois historiques, soit la loi du 23 fvrier2005, la loi Gayssot, et la loi Taubira, affir-mant que ces lois ont, je cite, restreint lalibert de lhistorien, lui ont dit, sous peine

    de sanctions, ce quil doit cher-cher et ce quil doit trouveralors que lhistorien naccepteaucun dogme, ne respecteaucun interdit, ne connat pasde tabous.

    Aucun dogme, ni interdit,

    point de tabous lorsquil estquestion de dire, une dfinition

    qui sapplique tout autant aux cari-caturistes quaux journalistes.

    Las, Cabu, Charb, Tignous etWolinski sont morts. Wikipdia a dj

    t modifie! On peut lire en tapant le nomde Cabu: mort assassin le 7 janvier 2015lors de la fusillade au sige du journal Char-lie Hebdo, on comprend mort assassin lorsdu sige de la libert. De caricaturistes, lesvoil devenus martyrs.

    Cest la pense que lon assassine

    Christophe Vuilleumier

    Les nouveauxmartyrsLAUTEUR

    CHRISTOPHE

    VUILLEUMIER

    Sjours acadmiques etrecherches ont fait parcourir

    le monde cet historien suisse,de Genve Princeton, de Paris Heidelberg, du Caire Baalbek.Indpendant, il publie ses travauxen Suisse et ltranger. On luidoit plusieurs contributions surlhistoire helvtique du XVIIesicleet du XXesicle, dont certainessont devenues des rfrences.Docteur s lettres, il est prsidentde la Socit dhistoire de la Suisseromande, active dans le domaineditorial, et membre de plusieurscomits de socits savantes.

    DITIONSPCIALEDESSIN ORIGINAL

    HANI HABAS

    Aprs les attentatsdu 11 septembre 2001,linstrumentalisation desinformations, des religions,de nos valeurs allaitconnatre une inflationdifficilement mesurable,lironie et la satire devenant

    des recours dangereux.

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    Tous les matins,je suis aussi ens a n c e d e

    rdaction. Je ne tra-vaille pas dans un jour-nal satirique. Celuipour lequel jcris nestpas aussi visible. Jai faitmes premires armes chezVigousse, le petit journal sati-rique de Suisse romande, cequi fait que jai ctoy quelquessemaines le monde de la caricature.

    Aujourdhui, jai le cur lourd. Unedizaine de personnes ont t tues au sigedu journal Charlie Hebdo. On sen est pris la libert de pense et la libert dex-pression. Quimporte si ce sont des musul-mans fanatiques, des Franais perdus qui

    voulaient semer la confusion en faisantporter le chapeau aux islamistes. Tout celana pas dimportance. Nous ne pouvonsque compter les morts et affronter ce gchis,celui dune socit o lon abat celles etceux qui pensent diffremment, celles etceux qui luttent quotidiennement poursexprimer en toute libert. Je nai pu rete-nir ma colre et mes larmes en apprenantla nouvelle. En dcouvrant, comme desmillions dautres personnes, les images dumassacre dans les journaux tlviss. Jentais pas un lecteur de Charlie Hebdo. Je

    les trouvais parfois grossiers, souvent exces-sifs. Mais jamais je ne pourrais me rsoudre penser que ces journalistes lavaient cher-ch. Ils taient dcals, ils provoquaient.Ctait leur rle. Et dautres continuerontde le faire leur place.

    Nous dcouvrons avec effroique mme dans une rpu-

    blique libre, la libert nestjamais acquise. Nous devonslutter pour la conserver,

    pour asseoir sa lgitimit. La libert de la

    presse, la libert de pense, la libert dex-pression, ce sont des valeurs quun journa-liste doit tre fier de porter. Aujourdhuiplus que jamais, je me sens proche du mtier

    que jexerce, je me sensfier dtre dans cette nobleprofession. Je naurai pro-

    bablement jamais souf-frir ce quont vcu les jour-

    nalistes de Charlie Hebdo. Jene travaille pas sur le mme

    segment. Mais mme monniveau, on subit aussi des pres-

    sions, on reoit des menaces. Eton continue, persuad que lon doit

    se battre pour ce que lon pense. Plusque jamais, je crois lengagement en

    tant que journaliste. Je crois quil y a desvaleurs quil nous faut dfendre et, parmielles, celle de sexprimer. Le dialogue doittre la seule solution aux dsaccords. Laviolence est le fait des faibles et des lches.Jai mal aujourdhui, mal au cur pour

    Charb, pour Cabu, pour Wolinski et pourTignous, que je nai jamais connus. Ils seront,

    je lespre, le flambeau de la libert de sex-primer. Noublions pas quils sont morts enfaisant ce en quoi ils croyaient. On navilitpas la Rpublique en tuant ses membres,en tuant ceux qui la font vivre, mme indi-rectement. On la renforce.

    Je ne saurais dire toute la tristesse quisempare de moi. Je ne peux expliquerce sentiment. Mais jai limpression

    physique, profondment physique, quon

    est tous aujourdhui un peu Charlie. Sinon quoi bon se lever tous les matins lespritplein de valeurs et de convictions?Hommage et condolances ces personna-lits qui ont succomb face la terreur.

    PS: Vous tes un petit homme, M. FreysingerOskar Freysinger publie un article sur sapage Facebook en raction la tragdie deCharlie Hebdo. Il dnonce la barbarieimporte. Monsieur se prvaut des droitsde lhomme (que lui-mme et son partiattaquent depuis tant dannes) et ne res-

    pecte pas la procdure usuelle dun Etat dedroit: les auteurs de lattentat nont mmepas encore t arrts, semble-t-il, et leuridentit navait pas t rendue publique lheure o il a publi son article. Quen sait-il, quelle a t importe? Quest-ce qui estimport? Ces individus? La barbarie na

    jamais eu cours en Europe? Cette reprisepolitique ma fait vomir. Quel petit hommeil est de reprendre politiquement cet v-nement tragique pour rappeler de quel campil est. Ce manque de scrupule me ttanise.

    Cest ce mme Freysinger qui avait atta-qu Vigousseen justice, et qui dfend lalibert de la presse.

    Grgoire Barbey

    La libert dexpression

    ne sera pas assassineLAUTEUR

    GRGOIRE

    BARBEYAutodidacte, ayantdbut dans lejournalisme politiqueet conomique sansavoir emprunt uncursus universitairetraditionnel, GrgoireBarbey est journalisteet communitymanager LAgefi.Passionn par lapolitique, il est trsactif Genve et sur

    les rseaux sociaux.Grgoire tientgalement unechronique politiquehebdomadaire leslundis 12 h 50 sur LaTl Vaud-Fribourg.

    DITIONSPCIALE

    On navilit pasla Rpublique en tuantses membres,en tuant ceux qui la fontvivre, mme indirectement.

    On la renforce.

    DESSIN ORIGINAL

    NIC

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    Cest une foisencore un des-sin uvre de

    lillustrateur hollandaisRuben Oppenheimer quile dit avec le plus dacuit:deux crayons, verts, plan-ts droits comme les deux

    tours du World Trade Cen-ter, ont t la cible de ceuxqui assassinent au nom dAl-lah. Le dessin, celui-ci parmi

    bien dautres, parvient exprimer,alors que les mots bgaient, lhor-reur, labjection, labsurdit sans nomqui nous sidrent.

    On a ce mercredi 7 janvier perptr unmassacre dhumoristes et de dessinateurssatiriques. Oui, on peut, en 2015 et en Francemme, mourir pour des dessins! Parmi lesplus talentueux de deux gnrations succes-

    sives, plusieurs dessinateurs franais sontmorts aujourdhui. La stupeur toujours etencore. Mesure-t-on lescalade invraisem-blable de la terreur de cet assassinat collectifde journalistes-dessinateurs? Le projet dli-miner un organe de presse tout entier, enmitraillant sa confrence de rdaction, pro-cde dun niveau de violence inou, dans laprtention insense radiquer toute libertdexpression et de cration. Il revt une dimen-sion de type quasi gnocidaire et ce titremarque une csure.

    On a tu Charlie Hebdo, criaient lesassassins. NON, en dpit du massacre et de

    leffroi, ce projet-l, esprons-le, aura chou.

    Charlie Hebdorenatra unefois encore avec des journa-listes, dessinateurs orphelins,mais qui nauront rien perdude la verve ni de la salutairecapacit dinconvenance deleurs prdcesseurs.

    On a tu Charlie Hebdo, vive

    Charlie Hebdo! Il faut aujourdhui,plus que jamais, lireCharlie Hebdo

    et, collectivement, soutenir partous les moyens sa renaissance.

    Une telle tragdie, si elle frappela conscience publique la plus large,

    cre une motion toute particulire dansune cole dart et de design lieu emblma-tique de linstitution de la libert de penseet de cration en tant quimpratif catgo-rique. Et plus encore lorsque celle-ci forme,parmi des crateurs de toutes disciplines, desillustrateurs, des auteurs de BD et, parfois,

    des dessinateurs de presse dont lambitionultime et le rve seraient, pour certains, derejoindre un magazine tel que Charlie Hebdo.

    Mais insistons un instant:tout acte de culture,compris dans le sensfort du terme, est mi-nemment politique par

    nature. Ainsi, lcole dart elle-mme.Luvre dart dit: Jexiste, donc je suislibre! Le dessin de presse, comme lartcontemporain, comme le cinma, le design(extirp de sa rduction fonctionnaliste)tiennent tout entier leur capacit critique,

    Jean-Pierre Greff

    La libert de penseet de cration,

    un impratifcatgorique

    LAUTEUR

    JEAN-PIERREGREFF

    Ce professeurdhistoire de lart a tnomm directeur dela Haute cole dart etde design-Genve en2006

    DITIONSPCIALEDESSIN ORIGINAL

    RUBEN L.OPPENEIMER

    LHEBDODITION SPCIALE JANVIER

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    Cest avec hsi-tation quejcris ce billet,

    ne sachant trouver les motspour exprimer ma peine etma tristesse en cette journede deuil. Je tenais toutefois rendre hommage la cinquimevictime connue, mais moins que lesgants du dessin de presse assassins

    ce 7 janvier. Je veux parler de BernardMaris, qui ntait, entre guillemets, quechroniqueur conomique sous le sobriquetdOncle Bernard.

    Si javoue navoir jamais lu ses chro-niques dans Charlie Hebdo, qui ntait pasfranchement ma tasse de th, jai admirle brillant conomiste, frondeur et quelquepeu iconoclaste. Je lavais dcouvert dansun livre sur la Bourse il y a une quinzainedannes. Ouvrage qui mavait dailleursquelque peu agac par le ton premptoireutilis. Et sans doute aussi parce quil met-tait en question quelques-unes de mescertitudes en matire conomique et finan-

    cire. Javais tout de mmepersvr en lisant quelques

    annes plus tard son fameuxAntimanuel dconomie.Mmesi jtais loin dtre toujours

    daccord avec lui, je dois recon-natre quil avait non seulement

    des ides, mais aussi quil aidait sonlecteur changer de perspective. Jap-

    prciais dailleurs toujours ses interven-

    tions dans lmission C dans lair, o sontalent de communicateur faisait merveille.Oncle Bernard, tu nous manqueras!

    LAUTEUR

    PIERRE NOVELLO

    Journaliste conomique indpendantet auteur douvrages de vulgarisationdans le domaine de la prvoyance,de linvestissement sur les marchsfinanciers ou encore pour laccession la proprit de son logement.

    Mme si jtais loin dtretoujours daccord avecBernard Maris, je doisreconnatre quil avait nonseulement des ides, maisaussi quil aidait son lecteur

    changer de perspective.

    Pierre Novello

    Adieu,Oncle Bernard

    au seul fait que leurs existences mmesrelancent sans cesse la confrontation et ledbat serait-ce sur le mode de la provo-cation, de la satire, du blasphme (mot quihier encore nous paraissait si dsuet) etqu ce titre ils affirment la pluralit depense et de croyance et lchange commeindispensables au maintien et la vie dela dmocratie. En ralit, cette actualittragique interroge au plus vif la conceptionque nous formons de la culture et de lacration artistique. Nous pensons tous, jecrois, la HEADGenve, que la culture,loin dune fonction dcorative, voire dunvague supplment dme, promeut unmode de vie qui rinterroge sans cesse lemonde, en rinventant sans cesse ses propresformes, que lart a une fonction non seu-lement symbolique mais encore opratoire,

    quil informe le monde au sens propre delui donner forme, quand bien mme cesformes sont celles de la drision, de la pro-vocation

    Une culture, une cration de plein exer-cice, est demble essentiellement et intem-pestivement un dni absolu de lautorit, delordre et des cltures et interdits de toutesnatures qui fondent lidologie fasciste dontprocdent, en particulier, les fondamenta-listes religieux et toute tentative dun pouvoirpolitique thocratique dont larchasme dhierest devenu lactualit daujourdhui.

    Toute religion, cest une vidence sansprovocation, procde de lidologie (quandelle nest pas linstrument des plus vils des-seins politiques); la critique des religions, detoutes les religions, est indispensable comme

    la critique de toute idologie.La satire est lun des moyens lgitimes,

    efficaces, indispensables, de cette critique.Il nous faut raffirmer avec force, face toutemenace, quelle quelle soit, proche ou loin-taine, notre droit irrvocable la satire etnotre droit au blasphme. Son ventuelleimpertinence, face telle situation politiqueou gopolitique ou telle menace, sesoutrances mmes ne peuvent justifier dautresrponses que celles qui appartiennent auxchamps de la critique esthtique et du dbatintellectuel. Ou encore, tout au plus, au

    champ du droit, si prcieux, que dfendentles tats dmocratiques lacs. Mais nous dfen-drons toujours, sans concession, quel quensoit le prix, avec Ruwen Ogien (quil faut lire),le droit et la libert doffenser lordre et lamorale comme la religion qui ont partie lie.

    Nous pleurons tous aujourdhui la mortbte et mchante (Zep) qui frappe Cabu,Charb, Honor, Tignous, Wolinski leurscollgues et ami-e-s, parmi lesquel-le-s ZinebEl Rhazoui, militante pour un Maroc libre,dmocratique et lac.

    Dans cette guerre aujourdhui dcla-re simultanment aux valeurs de libertet de dmocratie de la Rpublique fran-aise et la cration, lart et la culturesous toutes ses formes authentiques, Cabu,Charb, Honor, Tignous, Wolinski sontdevenus des martyrs et des hros. Morts

    pour notre libert. On imagine leurs riresirrpressibles, tonitruants et ironiques, entendre pareille pitaphe. Ces riresnous sauvent. Ils conjurent notre infinietristesse, notre angoisse, notre dsarroi.Ils font un doigt dhonneur souverain auxassassins de nos liberts les plus pr-cieuses.

    Salut Cabu, Charb, Honor, Tignous,Wolinski, nous ne vous oublierons jamais; siaujourdhui votre mort nous fait pleurer, vousnous ferez marrer pour lternit!

    InchAllah!

    DITIONSPCIALE

    La critique des religions,de toutes les religions,est indispensable comme

    la critique de toute idologie.La satire est lundes moyens lgitimes,efficaces, indispensables,de cette critique.

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    Librale etsoc ia le ,lEurope

    de la secondem o i t i d uXXe sicle amodernis lar p r e s s i o npnale. Diminu-tion des homi-cides, baissegnrale de laviolence et consi-drations humani-taires ont induitlabolition de la peinede mort, la suppressiondes bagnes, etc. Des troisobjectifs traditionnels de

    la peine prvention gn-rale, punition du coupable etson amendement , cest le troi-sime qui lemporte: psychiatres, du-cateurs et travailleurs sociaux se relaientau chevet de criminels tenus pour desmalades que la socit doit soigner, parfoisavec des rsultats louables.

    Jacques Pilet soulignait rcemmentdans ces colonnes quel point lapparitiondune mouvance islamique adoptant descomportements de sauvages chamboulenos schmas de pense, au point quon

    voit un prsident amricain poursuivre lachimre de battre les terroristes en Syriesans pour autant soutenir le rgime Assad!Le mme paradoxe sapplique la conjonc-tion nouvelle issue de formes nouvellesdune criminalit atroce, bestiale et exhi-bitionniste: il y faut une rponse nouvelle,dont les lments essentiels nont rien duncatalogue la Prvert:

    Rtablir la peine de mort.Les auteursde ces assassinats, leurs complices et leursinstigateurs sont sans aucun espoir derdemption: ils mritent douze balles dans

    la peau. Cela suppose que des Etats commela Suisse qui ont aboli la peine de mortet se sont engags ne pas la rintroduire adaptent la Convention europenne desdroits de lhomme la ralit nouvelle. Lapeine de mort ne dissuade pas les criminelsmais elle rassure une opinion publique quidoute aujourdhui de la fermet de sesgouvernants.

    Couper les sources de revenus. Pour lapremire fois dans lhistoire, des groupesterroristes disposent de moyens financiersillimits: ils capturent des puits de ptroleet en vendent lor noir. Lachat, le courtageou le transport de leur ptrole doivent

    devenir un crimepuni svrement, demanire dissua-der les oprateursamoraux.

    P u n i r l asimple participa-tion ces mou-vances crimi-ne l le s . Il estt o t a l e m e n tabsurde quunSuisse senrlant

    dans la Lgiontrangre commette

    un dlit, mais pas ledboussol qui part en

    Syrie, en Irak ou en Soma-lie.

    Dchoir de la nationalit.Quiconque prend du service

    chez les assassins sera dchu de lanationalit suisse et expuls vie. Rduit

    au statut dapatride, quil aille tester laqualit des systmes sociaux au Ymen ouau Pakistan.

    Adapter les textes.Modifier la dfinitionpnale de lorganisation criminelle pourquelle inclue sans hsitation possible lesmouvances terroristes et punisse plus svre-ment quaujourdhui le financement duterrorisme, renforcer les conventions inter-

    nationales en la matire, etc.Punir le recrutement et la propagande.

    Qui sy livre risquera prison, expulsion,confiscation et liquidation des associa-tions impliques.

    Sinformer.Les services de renseigne-ment suisses sont, au mieux, mdiocres.Les travaux parlementaires en cours doiventchanger de cap. Il faut admettre que descitoyens suisses seront tt ou tard pris dansces mouvances et la Confdration doitpouvoir compter sur des oprateurs com-ptents et disposant des pouvoirs nces-

    saires.Renforcer le Ministre public fdral, quiest aujourdhui trs moyen.Il y faut desforces nouvelles, jeunes et polyglottes,capables de poursuivre et de dmolir lesthurifraires de la terreur, dans une unitspcialement forme cet effet.

    Utiliser la justice militaire.La Suisse ades tribunaux militaires, miliciens, ind-pendants et sous-employs. Leur donnerla comptence de juger ce genre de terro-ristes serait sans doute mieux avis quedexposer des magistrats aux attentats.

    Faut-il pour autant voter Le Pen oulire des bataillons dUDC chaque occa-

    Cette chronique a t publie le 2 0ctobredernier aprs la dcapitation de plusieurs

    otages de lEtat islamique. A la suite delattentat qui a vis Charlie Hebdo, lavocat

    genevois persiste et signe demander la peinede mort pour les terroristes assassins.

    Charles Poncet

    Terrorisme: Messieurs

    les assassins

    DITIONSPCIALE

    LAUTEUR

    CHARLESPONCET

    Avocat, docteur en

    droit, diplm deluniversit deGeorgetown(Washington D.C),dput au GrandConseil genevois, puisConseiller national,il est aussi auteur denombreusespublications.

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    DITIONSPCIALE

    sion propice? Sil est vrai que comptersur le PDC pour prendre des mesurescourageuses relverait de laveuglement le centre est incapable de choix clairs,il fait du marketing politique, flotte augr des impressions du moment et lagirouette lui tient lieu de boussole ,mettre la droite muscle aux affairesserait tout aussi illusoire: une fois lus,ses sectateurs exhibent en gnral leurimpritie. Ils sagitent sur lavortementou le contenu des bibliothques munici-pales, mais ngligent les questions com-

    plexes, qui ne sont gure leur porte.Lorsquune dmocratie est en danger etla ntre court aujourdhui un vrai risque, le salut vient de lalliance traditionnelleentre la droite librale et les sociaux-dmocrates dans les moments difficiles:ils savent sentendre quand les principesfondateurs de lEtat sont remis en ques-tion. Ils sauront faire face aux dvoysde ce dbut de sicle, qui assassinent,violent et torturent au nom dune identitreligieuse dont ils trahissent et lessenceet le message sculaire.

    Les auteursde ces assassinats,leurs compliceset leurs instigateurssont sans aucunespoir de rdemption:ils mritent douze balles

    dans la peau.

    DESSIN ORIGINAL

    ALAIN AUDERSET

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    DESSIN ORIGINAL

    ZEP

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    TUNISManifestation

    de soutien prsde lambassade

    franaise, dans lacapitale tunisienne,

    le 7 janvier 2015.

    REU

    TERS

    Nous sommestous Charlie

    Rsistance.Des rassemblements ont eu lieu dans le monde entier par solidarit avec les victimesde lodieux attentat et pour affirmer que la barbarie ne vaincra pas.

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    PARIS Des milliers de personnes se sont rassembles place de la Rpublique mercredi soir, et une nouvelle manifestation est prvue ce soir.

    LAUSANNE Sur la place de la Riponne, desbougies ont t allumes.

    BRUXELLES Rassemblement devant le

    Parlement europen.

    GENVE Environ 500 personnes ont rendu unhommage silencieux devant Uni Mail.

    BERLIN Les Berlinois ont manifest leur soutien

    devant la porte de Brandebourg.

    MILAN Lancien ministre italien de la Dfense,Ignazio La Russia, devant le consulat de France.

    LONDRES Je suis Charlie, en franais,

    Trafalgar Square.

    KEYSTONE

    KEYSTONE

    DUKAS

    KEYSTONE

    DUKAS

    DUKAS

    AFP

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    NEW YORK Mercredi soir, des drapeaux tricolores flottaient sur Union Square, une des places principales de Manhattan. Il y avait l des expatris franaischantant La Marseillaise, mais aussi des Amricains venus tmoigner leur solidarit.

    RIO DE JANEIRO Somos todos Charlie: mmele Brsil est sous le choc.

    MONTRAL Les manifestants se sont rassembls

    devant lhtel de ville.

    PAPEETE La Polynsie rend hommage auxvictimes: un millier de personnes au centre-ville.

    CALGARY La communaut franaise sest donn

    rendez-vous devant la mairie.

    WASHINGTON Une dizaine de personnes runiesdans le froid, devant le muse de la presse.

    NOUMA Ils taient un millier brandir des

    affichettes dans la capitale de la Nouvelle-Caldonie.

    AFP

    AFP

    DUKAS

    AFP

    AFP

    AFP

    AFP

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    DITIONSPCIALE

    PARIS Les journalistes et le personnel de lAgence France-Presse, aux fentres du btiment avec dans les mains la pancarte Je suis Charlie, ont observ une

    minute de silence ce jeudi 8 janvier midi. Un moment de recueillement qui a t observ dans de nombreuses entreprises et dans tous les services publics.

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    AFP

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    Je suis sr queCharb sest levpour les traiter

    de cons. () Il fautquon sorteun journal encoremeilleur, je ne saispas comment,mais on va le faire,on va lcrire

    avec nos larmes.PATRICK PELLOUX,LExpress(iTl), 8 janvier 2015Ils sont morts parce que

    ctaient des soldatsde la libert. ()Et la libert, cest la ntre.

    ROBERT BADINTER, Journalde 20 h, France 2, 7 janvier 2015

    On est tous Franais, parce quenous pensons que la libert, cestla seule raison dtre de lEuropeet des citoyens europens.

    MATTEO RENZI, prsident du Conseil italien, en franais, Il corriere della sera

    Sil y a une chosequi ne sera jamais

    enleve CharlieHebdo, cest son

    courage.NATALIE NOUGAYRDE, TheGuardian, 7 janvier 2015

    a fait dix ansquon sy prpareet on sait qutre

    journaliste, cest a.CAROLINE FOUREST,Journalde 20 h, France 2, 7 janvier 2015

    Je pense que cest un nouveau 11 septembrede la pense libre. La libert, ce nest pasun problme de dessinateurs, ce nest pasun problme de journalistes, mais de citoyensdu monde.

    PLANTU,Journalde 20 h, France 2, 7 janvier 2015

    Ils sont morts comme des martyrs, mais ilsntaient pas des saints. Ces emmerdeurs par

    vocation auraient dailleurs dtest a. Je naijamais aim Charlie Hebdo: trop vulgaire, trop crade,trop too much. Mme lanarchisme assumet finalement assez quitable (jemmerde tout lemonde) de ses journalistes et dessinateurs ou leurmauvaise foi jubilatoire nont jamais russi susciter mon adhsion comme lecteur ou abonn.

    Au lendemain de ces assassinats dune lchetindicible, je me rends compte que ma nonchalancetait un luxe de beau temps dmocratique. () Jenaime pas Charlie Hebdo, mais je vais mabonner.

    TIBRE ADLER, Avenir Suisse, 8 janvier 2015

    12 morts,66 millionsde blesss.

    PHOTO DE LA PLACE DE LA RPUBLIQUEpublie sur Facebook sur la page Soutien Charlie Hebdo

    et la libert dexpression, 8 janvier 2015

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    Cest lencrequi doit couler.

    Pas le sang.IMAGE DUN TWEET PAR REPORTERS SANS FRONTIRES

    (@RSF_RWB), 8 janvier 2015

    Ils ont voulu faireplier la France

    genoux et ils lontmise debout!

    PHOTO SUR LA PAGE DE SOUTIEN CHARLIE HEBDO Soutien Charlie Hebdo et la libert dexpression, 8 janvier 2015

    Ils taient des symbolesde la gnration 68, donton dit tant de mal, mais dont

    on oublie quelle a ferraillsans cesse pour plusde libert.

    LAURENT JOFFRIN,dito de Libration, 8 janvier 2015

    Chers terroristes,nous sommes des milliers

    de gros lourds lhumourdplorable dans une sallede rdaction appeleInternet. Bonne chance

    TWEET DE LIONEL DRICOT (@PLOUM),7 janvier 2015

    Ami, si tu tombes,un ami sort de lombre ta place. LE CHANT DES PARTISANS, cit par Jean-Franois Kahn

    Les terroristesnous confirmentquil ny a pas de libertsans journalistes.

    EZIO MAURO, La Repubblica, 8 janvier 2015

    Jai perdu tous mes amisaujourdhui. () La terreurne doit pas empcher la

    joie de vivre (). Lesidaux la con, ladmocratie, cest quandmme a qui est en jeu.() Ctaient des gens qui

    voulaient juste quon viveheureux. () Il fautcontinuer rire, cestlarme absolue.

    PHILIPPE VAL, vido YouTube, France Inter,

    7 janvier 2015

    La rponse lhorreur

    de Paris est plus dcritureet de rire sceptique, mmesi cest difficile en ce moment.Des journalistes ont t tus,mais le journalisme estvivant et nous allons honorerleur mmoire au mieuxen continuant de fairenotre travail.

    JOAN SMITH, TheGuardian,7 janvier 2015

    DITIONSPCIALE

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    ALGRIE

    Le quotidienEl Watancraint une remon-te de lislamophobie. Comme lors desattaques du World Trade Center, en sep-tembre 2001, les regards vont de nouveautre braqus sur la communaut musulmanede France et de la majorit des pays dOcci-dent, annonce Ali Boukhlef. Le journalistecite notamment le cas de la Suisse o lacontroverse a t pousse jusqu donnerlieu une initiative populaire lance contrela construction de minarets dans le pays.www.elwatan.comLe Soir dAlgriecompatit avec les familles

    des victimes, rappelant quen Algrie lesang a aussi coul. Solidaires des familleset du peuple franais, nous sommes lesmieux placs pour comprendre la colre quimonte. Mais les amalgames ne servent nila vrit, ni la justice, crit le fondateur etchroniqueur du quotidien Mamar Farah.www.lesoirdalgerie.com

    Alors que les journaux du pays se sontmontrs compatissants, le quotidien ara-bophoneAl Khabarsest quant lui dmar-qu en titrant: Charlie Hebdo paie leprix de Charia Hebdo. Et dargumenter

    SOUAL HEMMA ET FATIMA SATOR

    La presse du monde arabe, quelle soitarabophone, francophone ou anglophone, aragi de manire trs factuelle. Ainsi, raressont les prises de position des ditorialistes,quand elles ne sont pas inexistantes, dans lesjournaux du Qatar, de lEgypte, du Ymenou encore de la Libye. Seuls le Liban et lesEtats du Maghreb ont rellement commentle massacre. A croire que la libert de lapresse est trop rcente dans ces pays pourquils sexpriment avec la mme vigueurque les mdias occidentaux.

    Les angoisses du monde arabe

    KHALID ALBAIHTrs engag politiquement, cet artiste soudanais est aussi caricaturiste, illustrateur, designer et crivain. Son dessin met en lumirela situation ambigu des musulmans, considrs comme tant des terroristes par les uns ou des infidles par les autres.

    DITIONSPCIALE

    Revue de presse.Lattentat contre Charlie Hebdo aura-t-il pour les musulmans les mmesconsquences que le 11 septembre 2001? Cest la crainte de la majorit des journaux du mondearabe, quils soient arabophones, francophones ou anglophones, qui prviennent contre les risquesdamalgame.

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    en numrant les dessins chocs de CharlieHebdoet en rappelant louvrage La vie deMahomet. Ds lors que le journal a publiles caricatures du prophte Mahomet, lesrelations avec le monde musulman se sontdtriores.www.elkhabar.com/ar/

    ARABI E SAOUDITE

    Lattentat contre Charlie Hebdomet lesmusulmans dans lembarras car les groupesextrmistes europens vont exploiter linci-dent pour attiser lislamophobie, redoute lequotidienAl-Charq. Il souligne par ailleursque les extrmistes de tout bord portentatteinte aux communauts musulmanesen Occident.

    MAROC

    Ahmed Benchemsi, fondateur de lheb-domadaire TelQuel et directeur du maga-zine en lignefreearabs.com, est galement

    lun des seuls journalistes marocains avoir pris position aprs lattentat: Jai ttrs touch. Dabord, parce que cest une

    journe noire pour la libert dexpression,pour la libert tout court. Ensuite, en tantque professionnel et journaliste. Charb,Cabu, Wolinski, Tignous Savoir que cesmonuments de lhumour, de la culture etde lintelligence sont morts, cause dune

    balle tire par un crtin, est totalementinsupportable.http://freearabs.com

    La barbarie frappe en plein Paris. Char-lie Hebdopleure Charb, Cabu, Wolinski et

    Tignous, morts pour la libert dexpres-sion, titre le quotidien Libration. Sanspour autant prendre davantage position.www.libe.ma

    TUNISIE

    Les tireurs auraient ainsi perptr ce car-nage au nom de lislam, salissant encoreplus notre sublime religion et aggravant les

    confusions et les amalgames son sujet,regrette GlobalNetsous la plume dun ano-nyme, H.J. Qui appelle les musulmans dumonde entier se rveiller avant quil nesoit trop tard et montrer la religion sousson vrai jour.www.gnet.tn/temps-fort/

    LIBANLes ractions au Moyen-Orient tantrares, les journalistes du quotidien libanaisLOrient-Le Jourfont alors figure dexcep-tion. Sidentifiant la presse occidentale,

    ils sunissent contre la culture de la violenceet sinterrogent sur les moyens de rsisterau terrorisme. Le sang qui a coul hier Paris a t accueilli par des tirs de joie An el-Hlou, camp de rfugis situ dansle sud du Liban, rappellent-ils toutefois.

    Avant de temporiser: Si elle est le faitde la prsence de groupuscules islamistesradicaux dans le camp, cette raction nesttoutefois pas reprsentative de la rue sun-nite libanaise qui a largement condamncet acte de barbarie, exprimant nanmoinsdes rserves sur la sacro-sainte libert dela presse.

    www.lorientlejour.com

    MAZEN KERBAJDessinateur, cet artiste libanais est galement peintre et trompettiste. Une allusion Ren Descartes, triste mais criante de vrit dans le cas de lattaque perptre contre Charlie Hebdo.

    Cabu, Wolinski,Charb, Tignous,Honor Parmiles victimes delattentat dhiercontre CharlieHebdofigurent plu-sieurs de nos hros.Ils avaient fait de

    nous des adultes,nous revoil desenfants.

    Les politiquesmesurent la catas-trophe lchelledune nation et deson pass rcent: laCinquime Rpu-

    blique. Nous crai-gnons que la Rpu-blique qui saigneaujourdhui ne la

    dpasse jusqu contenir toutes les autres.Dans la Rpublique des arts, le Dessin estsrement la forme la plus libre, la plusorganique et la plus universelle. Les troisqualits qui drangent le plus.

    Le deuiluniversel deBD-FIL

    PROFIL

    DOMINIQUERADRIZZANI

    Aprs avoir fond leCentre national dudessin et dirig leMuse Jenisch de2004 2012, il a tnomm en marsdernier la tte dufestival lausannoisBD-FIL.

    DR

    Cest, dans lhistoirede lhomme et surla carte du monde,le plus effroyable

    attentat contre laRpublique du Dessin.Elle possde dsormaisson triste Ground

    Zero. Nous sommestous Charlie et BD-FILdclare un deuiluniversel.

    DOMINIQUE RADRIZZANI

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    auraient t tus par les assaillants, trois indi-vidus encagouls vtus de noir et arms defusils automatiques. Quatre autres personnes,blesses, taient dans un tat grave en milieudaprs-midi.

    Des images tournes par des voisinsmontrent lun des terroristes en train dache-ver un policier bless. Allah akbar, le Pro-phte est veng, on a tu Charlie Hebdo,entend-on aussi, en guise dauto-satisfecit,dans une vido. Les assassins ont pu prendre

    la fuite en voiture. En dbut daprs-midi,

    Boulevard Richard-Lenoir, proximit dulieu de lattentat, un membre des forces delordre en civil, parlant dans un talkie-walkie,sentretenait avec lun de ses collgues de lapossibilit que le plan Vigipirate soit lev auniveau carlate, le plus lev.

    SOUS SURVEILLANCE JOUR ET NUIT

    Dcime, la rdaction deCharlie Hebdo paiedonc, aux yeux de ses assassins, pour descaricatures de Mahomet parues dans sescolonnes: une premire fois en 2006, par soli-

    ANTOINE MENUSIERPARIS

    Un acte dune barbarie exceptionnelle.Ce sont les mots du prsident de la Rpu-blique, Franois Hollande. Les dessinateursCharb, Cabu, Wolinski et Tignous sont mortsmercredi dans lattaque terroriste perptreen fin de matine au sige de la rdaction delhebdomadaire satirique Charlie Hebdo, dansle XIearrondissement de Paris. Au total, douzepersonnes, dont lconomiste et chroniqueur

    Bernard Maris, ainsi que deux policiers,

    a devait arriver

    MOT CL LGENDE.Lgende In pelit et verumquiandi que nihicab orempori oditem quiam Solores moluptaquam facepudi ario te illandae voloreiumquame culpa vellaccum que si

    Reportage.Lattentat perptr contre Charlie Hebdo, le plus grave commis en France depuis

    40 ans, a dcim la rdaction. Cette attaque a fait en tout douze morts, onze blesss, dont quatregrivement. Et horrifi la France.

    PARIS, RUE NICOLAS-APPERT Des gens rendent hommage aux victimes devant le btiment de lhebdomadaire Charlie Hebdo.CHRISTOPHE PETIT TESSON/MAXP

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    ce ne sont que des dsquilibrs, chose laquelle elle ne croit manifestement pas beau-coup.

    Quatre ou cinq jeunes femmes, les yeuxmouills de larmes, forment un petit cercle.

    Ce sont des Femen, dont Inna Shevchenko,leur leader. Ceux de Charlie, ctaient nosamis, raconte lune delles. Pour mon anni-versaire, il y a deux ou trois mois, Charbmavait fait un dessin. Il mavait dit que cedessin prendrait de la valeur aprs sa mort

    Deux ouvriers du btiment ont rejoint laquarantaine de journalistes maintenus par uncordon de police distance des lieux de lat-tentat. Ils viennent dun chantier voisin, cesont des Tunisiens, originaires de Sousse. Onnaime pas a, on est contre a, en France eten Tunisie, dit lun, commentant la tuerie.

    Lundi, El Fahs, prs de Kasserine (danslouest de la Tunisie), 4 heures du matin,rapporte-t-il, un policier qui revenait de son

    travail vlo a t tu coups de couteau partrois personnes. Franchement, a nousdgote.

    LA CRAINTE DES AMALGAMES

    Une femme, la soixantaine, est en pleurs. arecommence! Aprs les attentats de la rueCopernic, de la rue de Rennes, du mtroSaint-Michel, a recommence! Ils sen prennent nous! A la presse! intervient une passante.Oui, la presse et nous, reprend la dame.

    Dominique Sopo, dirigeant de SOSRacime, craint les amalgames. Les amal-games, cest prcisment ce que recherchentceux qui commettent de tels actes.

    Dans une rue proche de la place des Vosges,on aperoit Alain Genestar, lex-directeur dela rdaction de Paris Match et fondateur du

    magazine photoPolka. Il connaissait GeorgesWolinski, un collaborateur de longue date deMatch. Ctait un ami qui suivait laventurede Polka. Il venait nos vernissages. En 2006,pour les cinq ans de la chute des talibans Kaboul, on stait rendus avec une quipe deMatch dans la capitale afghane. Il en faisaitpartie. avait t lun des moments les plusforts de sa vie, disait-il. Jusqu cet autremoment, mercredi, le plus moche, celui desa mort et de celle de ses camarades. UnFranco-Algrien se remmorait la guerre civileen Algrie des annes 90, et redoutait un telscnario pour la France. Dans limmdiat,cest lunit nationale qui prvaut.

    darit avec un journal danois qui les avaitpublies en premier, une deuxime fois en2011 aprs laccession du parti islamiste Enna-hda au pouvoir en Tunisie et enfin en 2012 lorsde la polmique autour du film pasticheLin-

    nocence des musulmans. On se souvient notam-ment du dessin de Cabu, en 2006, illustrantle Prophte, dbord par les intgristes etse dsolant dtre aim par des cons; decelui de Luz, six ans plus tard, inspir duMprisde Godard: Et mes fesses? Tu les aimes, mesfesses?

    La rdaction du satirique avait dmnag plusieurs reprises, quittant le centre de Parispour lest de la capitale, boulevard Davout,puis sinstallant, aprs que ses locaux eurentt viss par un ou plusieurs cocktails Molo-tov, rue Serpollet, dans le XXearrondissement

    toujours, en quasi-bordure de priphrique,dans un quartier de type HLM, o elle taitplace sous protection policire. Apparem-ment, peu de gens savaient que la bande deCharlie avait ensuite lu domicile dans le XIe.Cette femme dune cinquantaine dannes,voisine de la rdaction de lhebdomadaire,lignorait, bien quelle et remarqu dans lesparages une voiture de police, prsente jouret nuit. a devait arriver, dit-elle, alorsque Franois Hollande est prsent sur les lieuxdu drame. Lui, je prfre ne pas le voir,ajoute-t-elle propos du prsident de la Rpu-blique. A les entendre, enchane-t-elle, sar-

    rtant sur le profil des auteurs de lattentat,

    a recommence!Aprs les attentats de larue Copernic, de la ruede Rennes, du mtroSaint-Michel,a recommence!

    Ils sen prennent nous!

    CHARB EN 2012Le directeur de la publication Stphane Charbonnier avec un numro contenant des caricatures de Mahomet qui fait rfrence au film Intouchables.KEYT

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    CARICATURES DE MAHOMETCettesrie de douze dessins publie dans lejournal danois Jyllands-Posten le30 septembre 2005 illustrait un articleconsacr lautocensure et la libert dela presse. Elles rpondaient lcrivain

    Kre Bluitgen, qui se plaignait quepersonne naccepte dillustrer son livre surMahomet aprs lassassinat du ralisateurhollandais Theo van Gogh. Ces caricaturesont t republies par Charlie Hebdoen 2006 par solidarit et par principe,accompagnes dune couverture signeCabu montrant Mahomet la tte entre lesmains et clamant Cest dur dtre aimpar des cons.... Le dbut des menaces lencontre de Charlie Hebdo.

    DR

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    CTAIT UN GIMMICK ENTRE NOUS.

    Depuis que javais engag Tignous,le caricaturiste le plus dou peut-tre de la nouvelle gnration, LEvnement du Jeudi, puis Marianne,chaque fois que nous nous rencon-trions, je lui lanais, ironiquement:Alors, Tignous, toujours degauche? Il ltait, en effet, profon-dment, de gauche. Lui. Assez pour

    que les oreilles du prsident FranoisHollande sifflent. Il le restera donc.De gauche. Pour lternit.

    Car il est tomb. Au front. Aucombat. Je serais presque tent dem-ployer cette expression, que jai long-temps trouve ridicule: au champdhonneur!. Crayon la main. Sonarme lui. Prt dmasquer duntrait (car il avait cette suprioritsur beaucoup dentre nous quequelques traits lui suffisaient) ce queVoltaire appelait linfme: lobs-

    curantisme front de taureau. Lal-liance incestueuse de la conneriesans rivage et de la saloperie sansfrontires.

    ILS LONT TU. LUI ET TOUS CEUX

    L DONT JE ME SENTAIS SI PROCHE,Cabu en compagnie duquel javaisft si on avait su ! le passage la nouvelle anne. Cabu dont levisage ternellement enfantin rayon-nait dune telle gentillesse, dunetelle bont quon comprenait, alors,

    quil puisse devenir si talentueuse-ment froce quand passait la por-te de sa plume la mchancet aubras de la btise. Wolinski, ce monu-ment. Et Bernard Maris. Est-onconscients de ce quon perd avecBernard Maris: un conomiste, unvrai, mais qui car, oui, a existe,oui, cest possible ne moulinaitpas inlassablement la mme doxaprmche que la plupart de sesconfrres qui ne pourraient pas, eux,sans honte, republier un seul des

    commentaires quils nous infligeaientil y a dix ans.

    Tous fauchs par les mmesrafales. Et aussi Philippe Lanon,grivement bless, ce chroniqueurlittraire de Libration, extrmementdou, qui javais mis le pied ltrier, il y a vingt ans, LEvnementdu Jeudi. Mais dautresaussi, moins clbres

    peut-tre, dont des poli-ciers, martyrs de lamme cause, commeencore, faut-il le rappe-ler, ces centaines de mil-liers dAlgriens, deSyriens, dIrakiens, deSomaliens, de Nig-riens, dAfghans, deRusses, de toutes lescroyances, musulmansdans leur immense majorit, quisont tombs sous les coups de ces

    minables sataniques que lon appelle,par euphmisme, comble de la dif-famation impie, des fous de Dieu.

    Nous avons pleur intrieure-ment. Beaucoup. Nous avons eudroit une cataracte de dplorationsolidaire. Tant mieux! Mais, derrireles mots, fussent-ils dgoulinant denos larmes, tartins de toute la com-passion du monde, quoi?

    Il y a, dans ce qui fut un chantde rsistance, cette strophe magni-fique: Ami si tu tombes, un ami

    sort de lombre ta place. La seulerponse est celle-l, prcisment:ils sont tombs, nous devons prendreleur place. Cest--dire, soyons pr-cis et clairs, accepter les risquesquils ont pris. Tous les risques.

    Je naime pas le blasphme, quinest, mes yeux, quun enfantillage.Mais contre cette monstruosit men-tale qui consiste transformer toutecritique dune croyance en blas-phme, eh bien, je suis prt assu-mer le blasphme.

    Un certain chevalier de La Barrefut brl vif pour cela. Aujourdhui,les inquisiteurs, incultes ceux-l,sont arms de kalachnikovs. Au nomde ceux qui bravrent le bcher,bravons leurs kalachnikovs.CAR IL SAGIT DE REL EVER LE DFI

    DE LA BARBARIE.Les tueurs veulentterroriser. La moindrehsitation de notre part,

    la moindre prudence, lamoindre esquisse decompromission intel-lectuelle reviendraientdonc intgrer leur stra-tgie. Cest pourquoi jaiprconis de republier, la une de tous les jour-naux, certains des des-sins pour lesquels lescaricaturistes de Charlie

    Hebdoont t excuts.Gardons-nous, cependant, de

    deux drives: le dni et lamalgame.Le dni dcoule de la peur de

    nommer ladversaire, qui est aussile coupable. Quitte ce quoi ona assist mercredi laisser au Frontnational le monopole de cette dsi-gnation; quitte inciter les crtins profrer le pire, parce quon sin-terdit de dire le vrai. Folie!

    LAMALGAME CONSISTE TENDRE LISLA MISME EN GNR ALet, parextension, lislam, le champ de la

    culpabilit. Or, le combat quil nousfaut, et quil nous faudra hlas mener,est, rptons-le, celui au nom duqueldes centaines de milliers de musul-mans, en Algrie et en Syrie en par-ticulier, sont dj morts. Ils se sontbattus pour nous, sans tomber aunom de nos valeurs. On les a tropsouvent abandonns, quand on neles a pas poignards dans le dos. Cesont nos allis. Il serait suicidairede les rejeter dans le camp de len-nemi.

    La chronique de Jean-Franois KahnAmi si tu tombes

    Ils sont tombs,nous devonsprendre leurplace. Cest--dire accepterles risquesquils ont pris.Tous les risques.

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    Analyse.Alors que le livre Soumission qui aborde la relation de lOccident lislam sort de presse, lhorreur est commise au nom dAllah.

    Michel Houellebecq contre Charlie HebdoISABELLE FALCONNIER

    Mercredi 7 janvier.Soumission, le nouveau livre de MichelHouellebe