Revue de l'Orient Chrétien. Volume 25. 1925-1926

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    PER BR 140 .R42 v. 25-26Revue de l'Orient chr etien !

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    ^ MAY 22 1956

    REVUEDE

    L'ORIENT CHRTIENDIRIGEE

    Par R. GRAFfIN

    XROISIEIVIE SERIETome V (XXV)

    25'= volume. - 1925-1926

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    LA CONQUETE DES TATS NESTORIENSDE L'ASIE CENTRALE PAR LES SHITES.

    LES INFLUENCES CHRTIENNE ET UOUDDIIIyUE DANS LE DCKi.MEISLAMIQUE.

    Si l'on en croyait Tabari, dont le rcit a t copi par Ibn al-Alhir, les Musulmans se seraient empars de Kashgliar enl'anne 96 de l'hgire (715), et auraient ainsi annex le fonddu Tarini aux domaines du Kiialifat. Les Orientalistes en onttir cette conclusion que, du jour o les drapeaux de l'Islamflottrent sur les remparts de la cit chinoise, instantanment,sans aucun dlai, en quelques heures, toute l'Asie Centrale,du Pamir aux frontires de l'empire Thang, renona au Boud-dhisme et au Christianisme, pour embrasser la foi des conqu-rants (T). Il est inutile de s'attarder la discussion d'une sem-blable erreur, qui mconnat les lois de la routine humaine etles faits les plus connus de l'histoire de l'Extrme-Orient (2).

    (1) Les Chinois professent une opinion aussi errone, en affirmant que lespopulations du Turkestan, dans le principe, furent bouddhistes, qu'elles com-mencrent embrasser l'Islamisme sous les Thang, qu'elles taient devenuesentirement musulmanes l'poque desJIougols; cette doctrine est trop absolue;la conversion, sous le rgne de Dhannashri, fut loin d'tre totale et dfinitive ;mme dans l'Inde, o il fut prement combattu, et pourchass sans piti, par leBrahmanisme, ijui convenait beaucoup mieux que lui la mentalit des Hindous,ce fut seulement au xnr sicle que le Bouddhisme disparut devant la conqutemusulmane; encore serait-il plus exact, plus conforme la ralit historique,de dire que ses restes se syncrtisrent avec les doctrines et les dogmes duTantrisme. Le nom de l'empereur Dcius se lit en 250 dans une inscriptionhiroglyphique; le culte des hirophantes survcut durant des sicles laconversion de l'Egypte la religion chrtienne; il se rfugia dans le Sud de lavalle du Nil; au vi" sicle, il tait encore vivant Philae, avec ses prtres quin'avaient pas oubli la signification traditionnelle des livres de l'Egypte desPharaons; il ne disparut visiblement'qu'au commencement du vu' sicle, devantl'Islam ; mais la connaissance de la langue et du systme grapliique ne s'teignitpoint cette poque, comme on le voit par les notions lmentaires qu'on entrouve encore dans les livi-es araljos.

    r2) Les caractres chinois qui figurent dans ce travail ont t obligeammentprts par l'Imprimerie nationale.

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    HEVUE D l'orient CHRTIEN.

    En l'anne 96 (7i:.), dil Tabaii, d'aprs le rcit d'un certain'Ali il'n Mohammad, Kotaiba il.n Mouslim mit sa famille al'abri dans Samarkand qu'il avait conquise en 712 (1), parsuite de la crainte qu'il prouvait de la part de Solaiman, filsd-Abd al-Malik, frre du khalife al-Walid; il chargea ensuitel'un de ses affranchis, lequel portait le surnom d'al-Khwarizmi,de faire toutes les oprations ncessaires la traverse duFleuve d'Oxus), et il se rendit Farghana. Il s'y apprta amarcher sur Kashghar, qui est la ville la plus occidentale del'Asie Centrale ^^'5' ^r'^^ J'^ ,-> ^^ f"^ Farghana (-2)qu'il apprit la murt du khalife omayyade al-^\alId.

    (1) Tabari. dition du Caire, l. VIII, pp. 00-101 ; Ilm al-Athir, dition Tornberg,

    *\I; Falshana dit Yakout al-llamai, dans le Mo'djam al-boulda,,, t. III,nJsVS 4f es le nom d'une ville etd'un vaste pays dans la Transoxiane ; cet e

    vUle est sit'u sur la frontire du pays de Turkis.an, dans la part.e de laT i.soxii qui est voisine (du pays, des Ephtalites, vers l'Or.ent a la dro.el cl em in qu' conduit dans le pays turk, cinquante far.akhs ^'^,^^^^^^on V comptait quarante mosques, et Kbodjand dpendait du district dont cet eV 1 d Sghal tait la capitale. Farghana n'est autre que la cite ->^

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    LA CONQUETE DES ETATS NESTORIENS.Le rcit de la prtendue conqute le Kaslighar se prsente

    dans Tiibari sous les espces de deux narrations trsdiflfi'rentes,qu'il importe de disciimiiier, ce que le texte du Kmxil fil-ta'rihh d'Ibn al-Athir ne permet point de l'aire : 'Ali ibnMohammad, dit Taliari, dans le premier aspect de cette lgende,rapporte qu'Abou Mikhnaf a racont, le tenant de son pre,ceci : Kotaiba envoya Kathir, fds d'un tel, Kashghar: cepersonnage y lit quelques prisonniers, auxquels il mit descarcans, de ceux qu'Allah livra aux mains de Kotaiba; puis,Kotaba battit en retraite, et ce fut alors que ses troupesapprirent la mort d'al-Walid (1). Les choses se passrenttout autrement, si l'on en croit la seconde version, que "Ali ibnMohammad rapporte il'aprs le rcit de Yaliya ibn Zakarlaal-Hamdani, selon ce que lui racontrent plusieurs shakhsdu Khorasan, et al-Hakam ibn Osman : Yahya ibn Zakarlaal-Hamdani, dit spcialement 'Ali ilm Mohammad, a rapportceci : un shakh du Khorasan m'a racont que Kotalia s'avanatrs loin, jusqu' ce qu'il s'approcht de la Chine. Il a dit, leroi de la Chine lui crivit : Envoie vers nous un homme choisi parmi les nobles de votre nation, pour qu'il nous ap-

    au Syr-Daria, qui traverse le Soghci, l'ancienne Soghdiane. Sy r est la n'duction duperse Suguda, nom de la satrapie aclimnide de Soghdiane. lequel se retrouvedans lex-^iavd; (Ctsias, De Rbus persicis, i, 16i, qui est dans l'Avesta Sughdha; cette forme, qui est un nominatif masculin, correspondait un fminin "Sugud,de mme qu'au mot zend .Sughdha correspondait une forme fminine 'Sughdhi;ces noms fminins de la province de Soghdiane ne se sont pas conservs dansles textes; le premier se retrouve dans lex-j5ia/; (Ctsias, De Rehus persicis45, 40), qui est 'Suaudyna; 'Sughdhi est le thme du nom grec de la satrapie,Soytavi^, qui est 'Sughdhyn, ou "Sug'ujdyn, et dans IoyShvo;, doublet deSxuiavo;, qui est 'Sughdhyn, ou Sug{u)dy:\na. Suguda est devenu Syr parle changement de d en r, ce qui est un phnomne normal de la phontiquedu persan d'Asie Centrale, de g en y, dont il serait facile de citer de nom-breux exemples. Kotaba, ou le dtachement qu'il envoya sur Kashghar, marchadans la direction de cette ville par la rout-e Marghilan-Andidjan-Oush, qui estcelle que suivent les Musulmans, commands par les '.\lides, dans le rcit del'expdition de l'imam .Mohammad Ghazali: ce n'est donc pas en partant de Far-ghana-Khokand que Kotaba traversa le Grand Fleuve, puisque Farghana-Khokand est entre le lleuve et' Kashghar: il franchit l'Oxus avant d'arriver Farghana, venant probablement de Tashkant.

    U U^, page 100.

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    b REVUE DE L ORIENT CHRETIEN. prenne qui vous tes, pour que nous rinterrogions sur votre religion (1). Kotaba choisit dans les rangs de son arme

    (1) ^jr' V^/ _o^ '^-^ Sh J^ c.'''"''-'"^ '-'"*' C^ 4r~^^'--^v-VjJ) .^^ A.uLJj v^ Liv.^;', ^.W w;, page 100. Il est impossible dedterminei' d'une faon prcise et certaine ce que le shaUh du Khorasan,autorit dernire de Taljari, entend par Sin; Sin peut tre la Chine propre-ment dite, l'empire des Thang; ce mot peut galement di'signer le royaumedes Oughours, ou mme toute l'Asie Centrale, l'Ouest de l'Oughourie, jus-qu' Kashghar, les plaines dans lesquelles erraient les clans des Turks; il estcertain que les Musulmans, tout la fin du x sicle, en 989, avaient pleineconscience que Sin peut dsigner le pays qui s'tend des l'rontires du ClesteEmpire aux marclies de l'Iran, et que, comine dans l'Antiquit, Sin = lT,f esttantt la Cliine, tantt l'Asie Centrale {les Peintures des Manuscrits orientauxde lu Bibliiith'jue nationale. 1914-1920, page 191). En 713, d'ailleurs, il est horsde doute que la Chine, exactement comme aujourd'hui, commenait Kash-ghar, et que c'tait vritablement entrer en Chine que de passer les montsTliian-shan ; le Cleste Empire, sous le rgne des Tliang, avait bien d'autres prten-tion.?, et la Gliine considrait comme ses vassaux tous les souverains des villesde laTranso-^iane. Ce statut, cette conception de l'tendue de la souverainet duFils du Ciel, remontaient une date lointaine du i'' sicle avant J.-C, lorsquesous le rgne de Wou i des Han, le gnral Li Koang-li fit la conqute de laSoghdiane, et l'annexa aux possessions de son matre. Les chroniques chinoisesracontent qu'on 122 av. .J.-C, Wou Ti envoya le clbre Tchang Khien en ,ambassade chez les Yu-tchi, pour attirer ces clans dans son alliance: l'oniclercleste arriva dans le royaume de Soghdiane, laquelle, cette date, tournepar les Sakas, tait reste un domaine pui-ement grec, et portait encore le nomhellnique de ci vo) "Iov:; les Grecs de l'intrieur des terres, des hautesterres , dont le chinois J^^ Tai-yuan e.st, suivant l'habitude, une forme,moiti traduction, avec ^ tai = vu, moiti transcription avec ^ yuan, ren-dant 'Hv, qui est le nom des Grecs dans la littrature indienne, Yavana,celui des Ioniens dans les inscriptions des Achmnides, Yauna. Les gens de laSoghdiane fournirent Tchang Khien les moyei^ de parvenir Samarkand,d'o on le fit passer dans le Farghana, chez les Yu-tchi; son retour, au boutde treize annes d'absence, Tchang Khien parla longuement l'empereur desmer\-eilles que recelait le royaume grec de. Soghdiane, ce qui dtermina WouTi renvoyer son ambassadeur dans les contres lointaines de l'Occident, etcelui-ci lablit des relations officielles entre la Cour Cleste, les contres dela Transoxiane, Samarkand, et le fond du Tarim. C'est partir de cette poqueque date la continuit dos relations diplomatiques et des rapports officiels del'empire chinois avec les pays du couchant; mais il n'y a point douter qu'avantcette date, il y eut entre ces deux mondes des relations certaines, comme lemontrent l'histoire de Hsi-wang-mou, et le fait qu'zcliiel, au vi sicle, parledes V^i^D Sin-im, qui ne peuvent tre que les Chinois, les Sana de l'Avesta,"Sna on perse, ce qui est le pluriel de Sin, qui transcrit admirableinout lechinois Tlisin. En rduisant la lgende de Hsi-wang-mou, comme le fait le

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    L\ CONQUETE DES ETATS NESTORIENS. 7douze hommes, auxquels il donna comme chef Hobara ilmal-Mashmaradj al-Kilabi, qui possdait une faconde extraor-1{. V. Wiegcr, ce qui me semble notoirement insuffisant (.voir la Revue del'Orient Chrtien de If39 et 1910). une ambassade cnvoj'e la cour deJIou Wang par un prince turk du Tarim occidental, il n'en reste pas moinsiHabli qu'elle trahit, vers l'an mil avant notre re, des rapports vidents entreles princes cliinois et les peuples qui 'vivaient l'est de l'Iran. 11 n'est pasimpossible d'ailleurs que l'effroyable anarchie dans laquelle tomba la Chinedes Tchou, en 209 avant J.-C. n'ait intfrrompu les relations de l'empire avecl'Ouest, qu'elle n'en ait fait perdre jusqu'au souvenir, que Tchang Khien. la findu second sicle, n'ait fait renatre un statut dont personne, parmi ses contem-porains, n'avait plus connaissance, en grande partie parce qu'il reposait surtoutsur des rapports coranierciau.\ et des voyages de marchands, dont l'histoirepolitique du royaume de Thsin, qui est devenue l'histoire chinoise, ne tenaitpas, et n'avait pas tenir compte. Tchang Khien, entre autres mei-veilles,rapporta de Soghdiane la vigne, dont il apprit aux Chinois faire le vin, et ilfit Wou Ti un tel loge des chevaux soghdiens que ce prince envoya descaravanes avec la mission de lui en ramener; mais, en 104, ses ambassaj^leursretinrent, et lui apprirent que les gens de Eul-shi fou Ni-shi) = Ouratipaavaient bien des chevaux magniliques, mais qu'ils ne voulaient pas les vendre;piqu au jeu, Wou Ti tit partir un officier avec 1000 lingots d'or et un chevalen or, pour en acheter n'importe quel prix au roi du pajs; le roi grec, ditl'histoire chinoise, n'y voulut point consentir ^ T ^ "3" : l'officier de WouTi se f

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    8 REVUE DE l'orient CHRTIEN.dinaire. Il les rquipa magniliqueaient, et il les envoya ainsi auroi de la Chine. Tabari parle longuement de la conduite trangeiranienne, de se faire souverain occidental, de se dsintresser ainsi entire-ment du sort des cits de l'E-xtrme-Orient, siii' lesquelles avaient rgn les princesachmnides, alors (lue, par une contradiction flagrante, il rclamait la pos-session de la Soghdiane et des marches du Djamboudwipa.

    C'est un fait certain qu'en 635, les ambassadeurs de Kashgliar, de Gharlianda= Tasli-kourghan, de Koukiyar, s'en vinrent prsenter Tha soung les hom-mages de leur matre, et ces missions introduisirent le Nestorianisme dans leCleste Empire. En (JJO, l'empereur annexa Kao-lchhang = Gutchen, qui, sousle nom de Ilsi-tchou, devint la capitale des possessions chinoises de r.4sieCentrale, laquelle s'tendait jusqu' la ville de Karashahr. En 057, sous le rgnede Kao Tsoung, tout le territoire des Turks occidentaux, les valles des fleuveslli et Syr-Daria (Yaxartes), Tashkant, Khodjand, fut, pour un temps, annex auxdomaines du Cleste Empire, tandis que Sou Ting-fang allait capturer dans le-l'oyaume de Tashkant ^ ^ le khaghan des Turks, qui avait pris la fuite devantlui, et s'tait sauv(' de Toghmakh; l'anne suivante, la capitale de la terred'empire d'Asie Centrale fut ti-ansfre de Gutchen Kutch, six centskilomtres dans l'Occident, et en 661, tout le Tarim fut dfinitivement annexaux possessions du Fils du Ciel, sous les espces de huit fou et de soixante-seize-ichou, avec Khotan, Yarkand, Kashghar, que les Tibtains lui enlevrent en670, ainsi que Kutch, la capitale des gouvernements de l'Asie Centrale. En700, les Tibtains furent battus par les Chinois, et ils demandrent la paix, quifut signe deux annes plus tard.

    Il n'en reste pas moins certain qu'en 715, en cette mme anne de la pr-tendue conqute de Kashghar par les Musulmans, les Chinois avaient rtabli'leur autorit sur les districts occidentaux de l'Asie Centrale, puisque, cette date,Kouo Khien-koan tait rsident Kutch, et fit soumettre par Tchang Hiao-soung huit royaumes de l'Asie Centrale, qui refusaient de reconnatre l'autoritdu Fils du Ciel.Sur ces entrefaites, les Tibtains pntrrent dans le royaume de Farghana,

    qui avait marqu la limite extrme de la conqute arabe; le roi du pays,convaincu que les .Musulmans ne disposaient point de forces suffisantes pourarrter les envahisseurs, s'enfuit Kutch demander aide et secours au rsidentchinois; ce dignitaire lui envoya une arme de dix mille hommes originairesde r.Asie Centrale, encadrs par des ofliciers chinois, sous le commandement deTchang lliao-soung, qui pntra dans les valles du Yaxartes et de l'Oxus,s'empara de cent villes, et menaa les Musulmans sur leurs positions prcaires.Si bien, qu'en 719, Toghshada, roi de Boukhara, Narayana, roi de Koumiz,Ghourak, prince de Samarkand, tous les trois bouddhistes, envoyrent deman-der au Fils du Ciel une aide militaire, qui leur permit de se dbarrasser desconqurants venus de l'Ouest, tandis que Tisli, roi de Tcliaghanian, faisaitpartir pour la Cour impriale une ambassade conduite par un dignitaire duclerg nestorien; tous ces princes protestrent de l'anciennet de leur soumis-sion aux ordres et aux commandements des souverains de la terre de Han;Narayana, jiour mieux faire agrer sa requte, rappela que son arrire-grand-pre, cent vingt annes plus tut, la fin des Soe, servait dj fidlement laCour impriale. Le royaume des Oughours, sans nul doute, les principauts

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    LA CONQITE DES TATS NESTORIENS. 9que tinrent ces douze officiers, dans un style, avec des dtails,qui tiennent lieaucoup plus de la chanson de geste, du genreocciilentales de l'Asie Centrale, tolrrent toutes les formules religieuses, commetoutes les contres qui ont t converties aux dogmes d^; la foi de Sakyamouni :le Bouddhisme est une religion qui a des qualits uiincntes, de trs grandsmrites: elle incite ses sectateurs la plus grande humilit, l'humilitsuprme, pousser jusqu' ses limites dernires l'amour de tout tre vivant.Mais c'est un fait certain qu'elle a affadi les mes et nerv les esprits de sesdisciples, qu'elle les a amens, de renoncement en renoncement, l'inditrenceabsolue en matire religieuse, en matire politique. Les Bouildiiistes, commeles Soulls persans, comme Djalal ad-Din Roumi, dans une histoire cllire duMasnatri, tolrent toutes les formes religieuses, parce qu'ils y voient les aspects,divergents aux yeux du vulgaire, d'un culte unique rendu l'Ame du monde.Ce fait explique pourquoi et comment les Manichens, les Xestoriens, lesMusulmans, furent accueillis dans les cits bouddhiques de l'Asie Centrale,comment, jusqu' l'poque mongole, et bien plus tard, l'Islamisme, le Boud-dhisme, le Christianisme, sous ses deux aspects du Nestorianisme et du Mani-chisme, vcurent simultanment Tourfan, Ouroumtchi, dans les cits del'Asie Centrale, tout comme au xx sicle, les sectateurs de Sakyamouni, lesMusulmans, les Orthodoxes, se coudoient dans les rues de Kazan. * Sna-pati le roi du pajs de Sin, de l'Asie Centrale ou de la Chine . est devenu Sinbaden pei'san moderne, que la graphie arabe reprsente par -..>l. ; ce nom propreest essentiellement diffrent de ceux de Sindbad et Ilindbad, les .b-V et.ibj^^ des Mille et une Xuits: Sindbad est une forme .sanskrite Sindhu-pati" le roi du Sindh : Hindbad est la forme perse * llindu-pati le roi de l'Inde ".Sindhu et llindu sont les doublets d'une forme hindoue sindhu rivire , quidsigne l'Indus, le Fleuve par excellence. Sindh et Sind en sont la formemoderne; Hind, l'aspect persan; Sind, dans la littrature musulmane, dsigneles contres occidentales du Djamboudwipa, limitrophes de l'Iran ; Hind, parun avatar inattendu. l'Inde gangtique. Vilayat sJ^J J" dsignant tous lespays l'ouest de l'Indus, la Perse, l'Europe; le destour Djamasp Vilayali, quiest clbre dans les fastes du Parsisme, a t nomm ainsi par les Maz-dens de Bombay, parce qu'il est venu de Perse, d'une contre appartenant l'Europe d'au del do l'Indus. L''' des noms arabes Sindbad, llindbd, Sinbd.transcrit trs rgulirement, par suite du phnomne de Vimalc, les foj'mespersanes Sindbad, Hindbad, Sinbd; on comparera Bidpi, venant du sanskritVdapti, ,Lz^ mahliir. transcrivant le persan mahlih- ^j> ; 5U'.d,. h/nimirendant le persan khna ijlii.. V.a fait, Sinbad, Sindbad, Hindbad sont exacte-ment synonymes; il n'y a pas douter que les Persans, et mme les Arabes,n'aient eu pleinement conscience que Sindbad et Hindbad signifiaient le roi duSind, le roi de l'Inde -, puisque dans les Mille et une Xuits, ces noms nefigurent jamais sans l'articlej -bj-^', .>L)Ji-LjJ!; ce ne sont pas des nomspropres, comme Mohammad, Antar, arafa, mais des sortes d'adjectifs, desformes sens adjectival; c'est dans le mme sens que les Arabes donnent l'une des deux Marw le nom de .Isr^'-iJ' .,/,pour iL.s^LiJI .^ Marw.la reine du monde , en prenant shah-iljihan comme un seul mot, comme unadjectif qualificatif de Marw. De plus, les Iraniens comprenaient sous le nom de

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    10 REVUE DE l'orient CHRTIE.V.de VOrlando Furioso, que de la manire historique. Le roide la Chine s'enquit auprs de Hobara du sens de ces bizar-reries, et se dclara satisfait dos explications que lui fournitce hbleur; puis il lui demanda ce que voulait son matre : Kotalia, dit-il, a jur de ne pas vacuer Kashghar avant d'avoir foul votre terre aux pieds, avant d'avoir euciiain vos rois, avant que vous ne lui ayez pay un tribut. Qu' cela ne tienne, rpondit le roi de la Chine; nous lui donnerons la manire de se relever de son serment. Nous lui ferons porter une certaine quantit de la terre de notre empire, et il la fou-it lera aux pieds ; nous lui enverrons plusieurs de nos hls. et il les chargera de liens ; nous lui adresserons un tribut dont il se montrera satisfait. Le souverain de la Chine se fil apporterun plat creux en or dans lequel se trouvait de la terre, et il lelui fit porter, avec de la soie et de l'or, en mme temps qu'il luifaisait conduire quatre jeunes hommes choisis parmi les filsde rois: aprs quoi, il accorda aux ambassadeurs musulmansleur audience de cong, et il leur fit des prsents splendides.lis se mirent en roule, portrent Kotaba les ol.jets dontils taient ciiargs, et ils lui conduisirent les personnes que leroi de la Chine lui envoyait. Le gnral musulman agra lesprsents; il chargea de fers les jeunes hommes, puis il lesrenvoya leurs parents; enfin, il foula aux pieds la terre quise trouvait dans le plat d'or (1).

    Sana = Thsiii = .r-^, tous les pays qui s'tendaiont l'est de leurs domaines,tout comme les gens de l'Inde dsignent par vUi/at la Perse, l'Italie, r.\ngleterre.Sana signifiait notamment les provinces occidentales de Tlnde, et mme despays iraniens, le Gandlira, le pays de Kaboul, qiii, sous le nom d'Indeblanche, taient des foyers de Vishnousme et de Bouddhisme, pai-tieulire-iiient has dos Mages. L'e.xistence de ces douillets, llabil-Kabil, Jlousa-Isa,Djoudj-Madjoudj. Djabalasa-Djabalaka, est un phnomne onomastique connu:sur le sens de .Sin. voir \oles adcUlionnelles, pajre 111.

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    LA CONQUTE DES TATS XESTORIENS. 11Ce rcit plat comme un conte des Mille et une Xits; il ne

    serait point dplac dans VAucar-iSolia'ili, ou dans l'un dcosromans persans, o la Cliine, dont les sujets du Roi des Rois neconnaissent rien, pas plus que les Arabes d'ailleurs, est peintesous les couleurs fallacieuses d'un pays chariuant, aux fron-tires vagues et mal dlimites, peupl de beauts aux apptssduisants, o tout revt un aspect de ferie, de dcor de tlitre.de paradis artificiel. Il est douteux que le rcit du prince deshistoriens arabes ait beaucoup plus de ralit que ces inventionsdlicates o se reconnaissent le talent et la posie des artistesiraniens. La Chine, cette poque lointaine, jouait dans l'Islamle mme rle que r Orient Londres, Rome, Paris,!' Orient que l'on regarde toujours, et que Ton ne cesse devoir, travers le prisme magique de la version par Galland desMille et une Nuits, sans laquelle il n'y aurait pas eu d'ijrien-talisme, dont la lecture fallacieuse, duranWdes sicles, feracroire au vulgaire queles terres arides de l'Islam voient coulerla source intarissable de jouissances infinies, de richessesincalculables et fantastiques.

    Il est visible que ce rcit est une galjade destine masquerun chec grave des Musulmans, qui n'taient pas capables deprononcer une olensive contre l'Asie Centrale, encore bienmoins d'aller convertir l'empire des Tliang la foi de 1 Islam, dissimuler le dpit que les gnrau.x des Omayyades prou-vrent de ne pouvoir fouler au.x pieds ces terres d'Extrme-Orient, qui avaient t soumises au sceptre de Darius.Lapremire version de cette prtendue conqute de Kashghar,que proclame Ibn al-.\tliii', au commencement de la quatrevingt-seizime anne de l'hgire (1), se rduit, dans le rcitd'Abou .Alikhnaf, rapport par Tabari, un raid de cavalerie,que Kotaiba ibn Mouslim lanad'Andidjan, ou de la ville d'Oush,contre Khotan, lequel fit quelques prisonniers au long de lafrontire chinoise: le gnral musulman se donna le plaisir

    U' I^JJiJ L,'.^ '^i'^^v ,.,~=^'i ,;'.=>.! li' ^/^' '-^.^ ,.rJJs\ Jr. .-i,. XjljiJ' V^. L Vsr" U^ iJ, p. 101.(1) dition Tornberg, t. V, p. 1.

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    12 REVUE DE l'orient CHRTIEN.sans danger de les cliargei' de l'ers, et l'attaque contre le Tarimen demeura ce point. Il n'est point prouv que les troupes deKotaba occuprent Kaslighar; il est certain, si elles y ont pn-tr, qu'elles n'y restrent pas longtemps, comme le montrentassez la narration d'Abou Miklmaf, et ce fait que ni Baladhori,dans son histoire des conqutes de l'Islamisme, ni Yakout al-llamawi, dans son dictionnaire gograpliique, ne font la moindreallusion cette prise de Kaslighar, qu'ils n'eussent point manqude mentionner, et de clbrer, si cette ville lointaine, en cetteanne quatre-vingt-seize de l'hgire, tait tombe au pouvoirde l'arme de Kotaba ibn Mouslim.La seconde version de la prise de Kaslighar, dans l'histoire

    de Tabari, est des plus suspectes; elle porte dans sa rdactiondes preuves multiples et tangibles du mensonge de ceux quil'ont invente, soit pour dissimuler l'chec des armes de l'Islam,soit pour satisfaire une fantaisie toujours prte aux exagrationsles plus extravagantes, quand il s'agit du Cleste Empire.L'autorit du shaikh khorasanien, sur laquelle se fonde Yahyaibn Zakaria al-Hamdani, pour raconter la grande mortilicationdu roi du pays de Sin, est assez contingente ; on s'tonne presqueque Tabari, qui a choisi ses sources et ses rfrences avec unsoin si jaloux, ait fait tat de l'affirmation romantique d'un per-sonnage inconnu, qui vivait dans le Khorasan, quelque troiscents lieues de Farghana, dans un pays trs loign de cescontres orientales de la Transoxiane, qui s'tendaient auxconfins des domaines du Fils du Ciel.Je ne m'tendrai point sur les invraisemblances, sur lesimpossibilits, sur les inconvenances des faits et gestes desambassadeurs de Kotaba la cour du roi de Sin, que Tabari apris le soin de relater dans leurs moindres dtails ( I) . Des envoysofficiels, choisis pour leur discrtion et leur tact, ne se con-duisent pas d'une telle faon la cour d'un puissant monarque;ils ne lui parlent pas en rbus et en charades; sans doute, ils

    (1) Il n'est point question cottc~[lato d'une ambassade des Arabes lacapitale cleste, dans les annales chinoises; la premire qu'elles signalent, et dontelles l'assenl mention, se place en l'anne liii; elle l'ut eai'actcrlse par ce faitque les envoys de Kotaba se prosternrent suivant les rites devant la majestde l'empereur Tliang.

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    LA CONQUTE DES TATS NESTORIENS. 13peuvent se draper dans la dignit dont la confiance de leurmatre les a investis, lui parler a\ec rserve, avec hauteurmme, mais l'inconvenance, en diplomatie surtout, connat desbornes. Si pleutre que ft l'empereur Tliang. il n'y a gure douter qu'il n'aurait fort mal pris, ]Isi-ngan-lou,les inadmissi-Mes prtentions du 1 larbare qui, au pied des monts qui encei-cK-ntle Takla Makan, prs de mille lieues de Tchliang-gan, la tted'un dtachement de cavalerie, se serait dcid d'iiumilier lapuissance imprriale par un geste puril, sans porte militaire,sans consquences politiques, par une insolence gratuite etahsui"de. Kao Tsoung, sans nul doute, protg par l'immensitde l'Asie Centrale, et fait dcapiter les audacieux qui auraienteu l'impudence, en son palais, de lui venir parler un semblalilelangage, sans compter que le rcit du shakh du Khorasan porte,tisse dans sa trame grossire, la preuve flagrante de son inven-tion et de son mensonge. A l'poque des Thang, au commen-cement du VIII- sicle, il y avait beau temps qu'il n'existait plusde rois wang la Chine (1), mais uniquement un empereur ti,qui rgnait sur une noblesse de feudataires dont les sinologuestraduisent appruxiinativement les titres par ceu.^ de ducs, demarquis, de comtes, sans qu'il faille voir dans cette terminologiechoquante autre chose qu'une approximation, destine fairecomprendre au public le sens d'une hirarchie nolliaire qui n'arien de commun avec celle de l'Occident, pas plus que le tcliinde la maison de Holstein-Gottorp.

    Et l'on avouera que le farouche Kotaba ibn Mouslim auraitfait preuve d'un caractre accommodant, d'une longanimitdont les cliefs musulmans n'taient gure habitus donnerl'exemple, qu'il se serait inspir des principes d'une casuistiqueplus que facile, s'il s'tait batement content des apparencesde satisfaction que lui donnait le roi de la Chine, du tour depasse-passe par lequel le Fils du Ciel, en lui envoyant des pages

    (1) Il est visible que l'historien arabe entend bien parler du souverain chinois,non des petits princes de l'Asie Centrale, ses vassaux, il s'agit d'un monarquetrs puissant, et non d'un principiculo de Rhbtan ou de Karashahr; il ne fautdonc pas comprendre que Kotaba avait jur par le Prophte d'humilier les roisdu Ilsi-yu, mais bien l'empereur chinois, et les princes de la famille impriale,qui portaient le titre de wainj, si tant est que les Musulmans connussent ce statut.

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    14 REVUE DE l'orient CHRTIEN'.du palais au lieu de rois, pour se tirer d'une situation quin'offrait gure de dangers pour lui (1). Kotaba, au del deKashghar, aurait t bien empch de poursuivre son olYensive travers les sables du Takla-Makan, parKhotcho, ou par Lob, s'ilavait plu Kao'Tsoung de se dbarrasser de ces parlementairesinsolents, ou de les faire tranquillement reconduire KouoKhien-l>;oan,qui commandait Kutch, ou au roi de Khotan,quiles auraient remis leur gnral. On sait d'ailleurs, par l'histoirechinoise, qu'en l'anne 720, un ambassadeur arabe arriva Tchhans-gan, et se prosterna devant la majest du Fils du Ciel,ce qu'il n'aurait videmment point fait, si Kashghar et lapartie occidentale du Takla Makan eussent t une conqute ,au sens musulman, du khalife omayyade de Damas.La ralit est tout autre, et l'on s'tonne que Tabari aitenregistr cette purilit, ce conte de nourrice, dans ses annales,alors qu'il n'y avait, au point de vue militaire, aucune honte avouer, reconnaiti-e, qu'il ne pouvait tre question pour lesMusulmans d'attaquer le Cleste Empire et de le convertir auxvrits de l'Islamisme, en faisant occuper Kashghar par undtachement de cavalerie, qui poussa un raid audacieux dansla steppe, au pied des monts Thian-shan, et qui se replia surses bases, aprs avoir occup durant quelques heures la villela plus occidentale de l'empire chinois, sans avoir jamais comptque cette vaine tentative d'intimidation aurait le moindre effetsur l'esprit du monarque qui rgnait Hsi-ngan-lbu.

    Ce furent .les Turks Karlouks du clbre Satok Boghra Khan,qui vivaient dans l'Ili (2), dans l'ancienne patrie des Turksoccidentaux, qui, aux environs de Tanne 9(30, introduisirentl'Islam Kashghar, et ce fut galement vers la fin de ce x" sicleque les Oughours commencrent professer la religion musul-mane, car c'est en l'anne 1121 que la transcription de leur nom

    (1) Un gnral musulman, arrivant victorieux devant une ville qui ne peut sedfendre, n'a que deux solutions lui proposer, pour lui viter le massacre desa population : ou de se convertir l'Islam, ou de payer le tribut annuel ; il nesaurait se contenter de cette monnaie de singe, qui rappelle les offrandes detrsors en papier dor, que les Chinois, et tous les peuples qui ont adopt leurcivilisation, font aux esprits de leurs morts.

    (2) L'Ili avait t converti par Boukhara et Samarkand qui, elles, avaient tconquises.

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    LA CONQLTE DES TATS XESTORIXS. 15Khoughour, parat dans les annales du Cleste Empirecomme qualificatif gnrique des sectateurs du Prophte.

    Jamais les Sunnites, partir du commencement du viii" sicle,n'essayrent d'imposer par la force l'Islam au Cleste Empire:ils savaient pertinemment que c'tait l une tclie impossiljle,au-dessus des forces humaines: la conqute de la Chine, enpartant des provinces orientales de l'Iran, est une oprationirralisable, ce dont les Clestes ont toujours t convaincus.Tamerlan, tout au commencement du xv" sicle, conut ledessein de conduire une arme la Chine, pour renverser lesMing. qui avaient dtrn les Yuan, dont il tait l'hritier, aumoins au point de vue politique, si tant est qu'il n'avait pointde sang mongol dans les veines: la mort l'arrta l'heure o ilvenait de traverser le Syr-Daria, et ce fut l un vnementfcheux, car Thistoire militaire du monde perdit en l'occurrenceune occasion, qu'elle ne retrouvera jamais, de savoir si lesprovinces de l'Ouest du Cleste Empire sont accessibles, travers l'Asie Centrale, une arme venant du plateau del'Iran.Les conqurants arabes, qui n'taient cependant point habi-

    tus tourner bride devant les obstacles, qui ne manquaientpas d'audace, en jugrent tout autrement, et ils rpondirent la question par la ngative ; tout porte croire qu'ils le firenten pleine connaissance de cause, et qu'ils se rendirent comptequ'une pareille expdition tait l'impossibilit mme; ils secontentrent de s'infiltrer lentement, par voie d'migration, ouplutt d'immigration pacifique, travers l'immensit du Tarimet du Takla Makan, dont la conqute tait possii'le, mais auraitcot plus cher qu'elle ne valait; l'on ne connatra jamais lesmodalits de cette -pntration qui se prolongea durant dessicles, sans arriver un rsultat liien tangible, sans produired'autre effet que des conversions isoles, qui n'ont jamaischang le statut politique de l'Asie Centrale, encore bienmoins celui des provinces de l'empire chinois.

    Il n'en alla pas de mme avec les Shites, et le fait se com-prend sans difficult; les Shites, aprs la mort d"Ali, sous leKhalifat des Omayvades de Damas, des Aliliassides de Baghdad,se trouvaient exactement dans la mme situation que les

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    16 REVUE DE l'ORIEXT CIIUI'tIEN.Manichens en Perse, sous le rgne des Sassanides, ou sousla domination des successeurs de Maliomot; cette sifuation futintolrable: la vie leur fut matriellement impossible dans lesdeux Irak, dans les provinces de l'Iran. Comme l'avaient faitles Manichens, ils durent se rsigner aller chercher lascurit tutlaire d'une tolrance relative dans ces contres del'Extrme-Orient, o les disciples du Chrtien zoroastrienavaient trouv un asile assez sr contre les perscutions qu'ilsavaient subies dans l'Asie antrieure et en Perse.. Mais ce statut, qui tait suffisant, dont on pouvait se con-tenter, ne satislit pas les Shites; ils voulurent plus; ils rcla-mrent ce que les Manichens n'avaient jamais song deman-der; ils firent preuve d'un manque de tact et de psychologieradical et absolu : les sectateurs de Mani ne s'taient pasimposs par la violence; ils n'avaieni point cherch supplanterle Bouddhisme et le Christianisme, qui rgnaient tranquille-ment, avec im peu de Zoroastrisme, ayec mme quelquessouvenirs confus des cultes hellniques du royaume grco-bactrien (I), dans les espaces indfinis qui sparaient lesmarches du Cleste Empire des frontires de la terre d'Iran.

    Ils avaient tout fait, au contraire, pour que les pouvoirspublics, en Perse, comme dans les provinces soumises l'olidience de la Chine, ne les pussent discriminer des sectesautorises vivre dans les contres o ils cherchaient . pro-pager leurs singulires doctrines de nihilisme et de bouleverse-ment de l'ordre social. Ils s'inquitaient peu d'tre tolrs,moins encore d'tre reconnus officiellement, pourvu qu'enempruntant l'aspect et la tenue des confessions trangres auxroyaumes dans lesquels ils voulaient introduire et faire vivreleurs thories insanes et insenses, trangres mais autorises,

    (1) Vers Tchisak, entre Samarkand et Tashkant (Wieger, Tcxles hislori'/ucs,1569), dans l'ishtikhan, se trouvait une cit nomme Ourkand (en prononcia-tion moderne U-kan-ti), qui est une Ouzkaud = Ghouzkand - fonde par les(Turcs) Gotz , par rhotacisrae; on y faisait tous les jours un sacrifice unesprit cleste, nomm Ttsil (en prononciation moderne -si) = Ttsir =Tctsis, par rliotacisme =Tzis, ce qui, manifestement, transcrit Zec, discriminen D-s-eu-s, comme le sanskrit Gandlira a t discrimin eu Kandalir par lepersan moderne, le nom de Ja province indienne de Blira, on Bahr, parl'iiindoustani.

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    LA CONQUTE DES TATS NESTORIENS. 17on les laisst libres de raliser le plan de dmolition qu'ilsavaient conu. Ce fut ainsi, en se dissimulant sous des appa-rences fallacieuses, empruntes aux Nestoriens, qu'ils parvin-rent se rfugier dans une ombre propice, lorsque leursimprudences et leurs excs leur eurent alin la confiance desmonarques que leurs doctrines avaient sduits.

    Vers 280, le roi sassanide de Perse, Bahram II, fils deBahram I''', fils de Sapor, qui, au dbut de sa souverainet,avait prouv un secret penchant pour le Christianisme, s'aper-ut que les Manichens, qui se disaient Chrtiens, qui s'habil-laient la mode des sectateurs du Messie, mprisaient lemariage et honnissaient la vie conjugale, tout comme le faisaientle Mtropolite et les vques. Chez les Nestoriens, commechez les Orthodoxes, le Mtropolite et les vques taient duclerg noir, et ne pouvaient convoler en justes noces; les prtresordinaires et les fidles n'en taient nullement empchs; ilsne s'en privaient point; les prtres sculiers y taient mmecontraints, comme en Russie. Les pratiques malthusianistesdes Manichens taient monstrueuses aux yeux d'un princeauquel sa Loi, l'Avesta, imposait comme devoirs essentiels lemariage et d'avoir autant d'enfants qu'il plairait Ormazd delui en envoyer pour lutter contre la cration dmoniaque d'Ah-riman. 11 ne faut point oublier, dans 'ce passage, que c'est unauteur nestorien qui parle, et son tmoignage est extrmementcurieux et important. Le roi s'imagina, tromp par ces apparencesmensongres, que les deux religions, Manichisme et Christia-nisme, n'en faisaient qu'une seule, et qu'elles s'accordaientsur le dogme. 11 ordonna de tuer les Manichens, et de dtruireleurs glises. Les Zoroastriens se mirent alors massacrer lesChrtiens, sans les distinguer des fidles de .Mani. Les Chr-tiens se plaignirent au roi Bahram de la perscution qu'ilsenduraient, et le roi dsira connatre les diffrences d'tat quidiscriminaient les deux sectes. Les Chrtiens rpondirent queles .Manichens s'habillaient exactement comme eux, pour sedissimuler. Bahram agra leur rponse, et il donna l'ordre qu'onne les perscutt pas plus longtemps (1).0) Histoire neslorienne, publie par Ms'. Adda Scher, iHvquc^ de Sert auKurdis^n, dans la PatnAofjia Orientalis, IV, 37-i39.

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    18 REVUE DE l'orient CHRTIEN.Quatre sicles et demi plus tard, en 73"2, la Cliine, sous le

    rgne de Houan Tsoung des Thang, les Bouddliistes se plai-gnirent au Fils du Ciel que les Manichens cliercliaient sefaire passer pour des sectateurs de Sakyamouni ; les Manichenstaient trs mal vus dans toute l'tendue de l'empire ; aussiHouan Tsoung pulilia-t-il un dit condamnant cette secte deperversion, tout en ordonnant qu'on laisst libres ses disciples,sous le prtexte spcieux que leur croyance tait celle des souve-rains des Barbares de l'Occident, c'est--dire des contres del'Asie Centrale, que le souverain cleste tenait mnager.

    Rebuts et dus par les Bouddhistes, perscuts pour lesavoir voulu singer, les Manichens ne se tinrent pas pour battus,et ils se dguisrent en Nestoriens; mais treize annes nes'taient pas coules, sous le rgne de Houan Tsoung (745),qu' leur tour, indigns, les Nestoriens, les mmes qui s'taientplaints Bahrani II, adressrent au tn'me une requte, parlaquelle ils demandaient instamment qu'on les distingut desManichens et des Zoroastriens, dont ils avaient une horreurgale, qui cherchaient les uns et les autres se faire passerpour des Chrtiens aux yeux des sujets du Fils du Ciel.

    Les Shites, moins prudents, plus ardents dans leur pros-lytisme, voulurent tenter la grande aventure, et imposer l'Islampar la force et la violence : ils furent crass; des checs rptsn'affaiblirent point leur tnacit; ils ne purent venir bout deleur obstination; mais, durant des sicles, leurs effortschourent l o le Sunnisme, plus cauteleux et plus diplomate,russit s'infiltrer lentement, par endosmose, sans grandsuccs d'ailleurs, ces poques lointaines.

    Contrairement aux thories oflicielles, ce n'tait point leBouddhisme, mais bien le Nestorianisme, et non le Mani-chisme (1), qui rgnait d'une faon presque absolue dans les

    (1) Sous le rgne de Tha Tsoung des Thang (Wieger, Tsxics historiques,p. 1718), en 806, . la nation des Oughours tait devenue officiellement mani-chenne . Cette affirmation ne se trouve dans aucun texte chinois; les histo-riens du Cleste Empire n'ont jamais parl, comme je m'en suis assur, aprsdes recherches trs longues et trs pnibles dans la savane touffue deschroniques impriales, de l'adoption, par la nation des Oughours, du Mani-chisme comme religion d'tat; elle rsulte, elle est le rsum des conclusionsauxquelles sont arrivs, par une srie de dductions ingnieuses, m^is arbi-

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    LA CONQUTE DES TATS NESTORIENS. 19cits de l'Asie Centrale, du viii" sicle au milieu du xii^; ce fut des Chrtiens nestoriens que se heurtrent les Shiites dans

    traires, les archolog-ues qui ont essay d'interprter l'inscription de Kara-balghasoun. Cette interprtation ne tient pas devant la ralit des faite histo-riques: il est certain qu'en 768 et 771 l'empereur Ta Tscunir permit auxOughours d'lever dans son empire des temples manichens sous le vocable dela " Lumire qui brille dans le Grand Nuage > (ibid., p. 1707 du texte); mais ceManichisme des Ouigliours lut une mode passagre; elle durajpeu, puisqu'en965, leur souverain professait ofliciellement le Bouddhisme, comme je l'ai montrdans rintroduction aux Peintures des Manuxcrils orientavx de la Bibliothquenationale, 1914-1920, p. 205. Le khaghan des Oughours tait tantt bouddhiste,tantt manichen, tantt nestorien, suivant les temps. 11 convient de ne pasoublier qu'au xm sicle, trois confessions vivaient simultanment dans les citsoughoures : le Bouddhisme, l'Islamisme, le Christianisme, dans lequel 'Ata Malikal-Djou\vani, qui nous fournit cette prcieuse indication, dans son histoire desMongols, confond videmment les deux formules ennemies du Nestorianismeet du Manichisme. 11 est clair qu'avant que l'Islam ne ft arriv compterdans les cits ouglioures, les sujets du khaglian de Khotcho et de Besh-balighavaient le libre choix entre les deux aspects du Christianisme, le Nestorianismeet la formule du Christianisme 'iranis, mazdis, qui fleurit sous le nom deManichisme, et le Bouddhisme. 11 est certain que les textes qui relatent lesvaines tentatives des Shiites pour convertir l'Islam les steppes du TaklaMakan parlent des Chrtiens '>y et non des .Manichens j_3jU ou JL)U3|.On sait qu'en 719 (Wieger, Textes Idstoriqw.s, 1014), Tisli, souverain du paysde Tchaghanian ( ,Ljj dans le recueil des dits des empereurs de la dynastie uan, aupluriel, en caractres hphags-pa, crkgliod, dont un singulier erke'ghon, iden-tique la forme mongole, dans l'inscription d'un di* imprial de la Cour deDa-dou, en 1314. Cette forme erkf/ho est pour ^arkhegon; elle prsente lasingularit inusuelle de la transposition intgrale du consonnantisme et du

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    20 ^ HEVUE DE l'oRIEXT CHRTtEN.leur tentative d'imposer la foi musulmane aux peuples anHsi-yu, aux habitants de Kashghar, de Kliotan, d'Aksou, de

    chang'ement de registro du vocalisme; ces phnomnes ont t produits par laprsence dans ce mot du g d'p^iy, qui, en mongol, ne peut porter un a ou un0, et ne peut se prononcer qu'avec ou u; les Mongols tinrent maniuer leson de urklia;/i'iii, ce qui les conduisit changer y en gh, qui seul pouvait lesupporter; par diminution compensalive, le passage de drapeau , qui est le perse 'mu(t)ch-a, avec la dissimilation de tcli en/i, et l'volution de sh en kh,, qui se retrouve couramment en afghan, littra-lement ce qui marque la place o se trouve le chef . Tai-moush signifiedonc " l'instructeur suprme, le chef de la loi , d'o ce titre, par diminution,s'est rduit au sens de .celui qui enseigne les vrits de la religion, prtre ,puis Chrtien nestorien . Les drivs du verbe yeiv, dans le .sens de con-duire un but, d'enseigner, sont nombreux en grec : Ywy;, ytoYs-, dtzrwp,YSnsvo, yTiT^^o, es-aywYi, taiSayyo;, (iTpaTiYo;. 11 faut donc comprendre que leroi du paj-s de Tchaghanian envoya un prtre en ambassade la Chine,et, de l'ensemble des textes dans lesquels se rencontre le mot erkghon, sous sesdivers aspects, il rsulte, d'une faon certaine, qu'il faut voir dans ce person-nage un prtre nestorien, et non un membre de la clricature manichenne,dans la hirarchie de laquelle erkghon ne parat pas. "\py_K-i se trouve dans lalangue liturgique des Syriens, sous les espces de la graphie y?^'il, qui estllibreu talmiidique 7i31N, et il reprsente un titre qui *fut port la foischez les Nestoriens et chez les Jacobites monophysites; il parait, sous la formede la transcription j.i.,1, au pluriel ii ', dans la continuation de l'Histoiredes Patriarches d'Alexandrie (voir Palrologia Orientalis, XIV, 4 18), pour dsignerles hauts dignitaires du clerg copte jacobite, en mme temps que le participe^Yo(i,vo;, ii!o)t5oa.^(, fijUai)!, qul se rattache la mme racine que yeiv.'Apx'*'' pxYw. riYoii-Ev; sont dos termes essentiels de la liirarchie nesto-rienne et jacobite, de mme que le mot, au sens plus vague, U'^'O, l'arabe^.,^9, y^i " celui qui fait paitre son troupeau , tandis que U-'s .. dosser-

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    LA CONQUTE DES TATS NESTORIENS. 21Yarkand. jusqu' Kliotcho (Tourfan), Khamoul, P-ting (Besh-baligh = Ouroumtclii). Le fait est cerlain, et il est facile d'enadministrer des preuves dcisives.

    La lgende de la conqute de l'Asie Centrale par les imamsshiites se trouve narre dans plusieurs tezkr, lesquels ontt crits en turk-oriental, en une langue dure et barbare, versle milieu du xvi"= sicle, dans le pays de Kashghar et deKhotau, l'poque o rgnait dans ces contres lointaines undescendant de Tchinkldz Kliaglian, "Abd Allah, qu'il importede ne pas confondre avec le sultan shabanide de la Trans-oxiane "Abd Allah H, le plus clbre des princes de la ligned'Aboul-Khar, descendant de Dsoutchi , fils de TchinkldzKhaghau (1 583- 1598).

    Ces tezkr forment une geste trange ; elle rappelle de loinles pomes dans lesquels sont racontes les aventures merveil-leuses des hros secondaires de l'pope iranienne, le Sanirnanut, \eBarzoa-nama, \eGarsliasp-naina , \& Bahman-nama^le Faramourz-nama , le Sousan - nama; leurs auteurs ontaccumul dans leur trame toutes les invraisemblances, et ils nese sont laiss arrter par aucune impossibilit (1). Ces livres sont

    vant d'un culte -, l'"" U''i* adorateur du Feu, gabre ., iJ^^ ' diacre ,en arabe, littralement, celui qui adore le Soleil , est un terme de la hirar-chie manichenne, d'origine mazdenno, qui a t introduit dans la termino-logie nestorienne et jacobite.

    (1) Khotan, dans ces livres, est nomme Tchin (et) Matcliin ^^r? -^ ^t^ 'Matchin, le sanskrit Mahtchina, pour dsigner la partie mridionale de l'em-pire du Grand Khan de Dai-dou, Tchin dsignant le Khita, la Chine du Xord(man. supplment persan 1361, folios 186-187;, ne se trouve qu' partir del'poque des Mongols; ce nom de Chine, apphqu Khotan par ses habitants,montre, d'une faon premptoire, que, par Sin = Tchin, il faut, comme l'areconnu l'auteur du Kilab al-Fihrist, entendre souvent, non le Cleste Em-pire, mais bien les contres de l'Asie Centrale jusqu' Kaslighar, qui, d'aprsTabari, est la ville la plus occidentale du pays que les Musulmans connais-saient sous le nom de Sin (voir p. 4). L'histoire de Dja'far as-Sadik, dans sespremires lignes, est attribue un personnage, auquel est donn le surnom de.,.i , A.'! j-iJ' Sultan ai-'arifm prince des Mystiquas qui sont parvenus laconnaissance divine -, Sultan al-'arifin, dans la littrature classique, dsigne

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    22 REVUE DE l'orient CHRTIEN.trs populaires dans ces contres lointaines; ils sont aussiprcieux et chers aux Turks du Takla Makan que le Livjv destoujours Bayazid al-Bistami, mais il est vident que ce n'est pas de Baya/.id al-Bistami qu'il est question dans le lezkr de l'imam Dja'far as-Sadik; ce titrene dsigne point non jikis Farid ad-Din 'Attar, qui le reoit couramment (man.suppl. persan SU); 'Attar, dans son Tazkiral al-aidia, a crit la vie de Dja'faras-Sadik, ou plutt, il a runi les sentences et les maximes qui sont altriljues ,ce Saint; il est inutile de dire qu'il n'y est nullement question des histoires fan-tastiques et fantaisistes qui se trouvent racontes dans le tczker de Dja'faras-sadiU; il n'en est pas davantage parl dans le Madjalis al-'oushshak, quicontient un recueil de biographies de Soufis et de personnages clbres dans lesannales de l'Islam, et qui, au grand scandale de Baber, fut attribu sonparent, le prince timouritle du Khorasan, Sultan llosan Mirza. 11 est dit, aucours du lezkr de l'imam Dja'far as-SadiU, que son histoire tait inconnueavant qu'un personnage, nomm Khadja-i djihan ne fut venu en Asie Centrale,au temps d"Al)d Allah Khan, qui fit crire la vie de Dja'far as-Sadik, d'aprsles recherches opres par Khadja-i djihan, par un certain Soubhan Koul. Il estinutile ddire qu'il ne faut point voir dans ce passage le sultan shabanide 'AbdAllah 1', fils de Keutchkuntchi, qui rgna en 1539 et 1540, ni le souverain decette mme dynastie, qui gouverna de 1583 1598 ; il s'agit ici de Kashghar, et nonde la Transoxiane. Cet 'Abd Allah n'est autre que celui .qui est nomm iXM j-^-~-,fils de Mansour ,,-. >^CjU, dans la liste des souverains du Mogholistan orien-tal, descendants de Tcliinkkiz Khaghan .Li. yJ\Lj^, qui se ti'ouve dans lespremires pages du onzime chapitre du Itsi-yK-thoung-weii-tc/ti. St-l'on en croitcet ouvrage curieux, mais dont la rdaction trop rapide est souvent inexacte, lesderniers personnages de la ligne de Tcliinkkiz Khaghan, partir de SultanYounous , r'S'^.i *'0'^'' Sultan Ahmad ->,n^1 : Sultan Sa'id J-~p ; "Abd ar-RashidJ-^, jJ-^; "Abd ar-Rahim .-:. j-^^; Baba Khan; Akbash; Sultan Ahmadw^,Ni.l; Iskandar. fils d'Akbash; Mansour, fils de Sultan Ahmad; Kasim, filsd'Iskandar: 'Abd Allah, fils de Mansour. Les sept premiers personnages, d'aprsle Hsi-yu-lhoung-wen-lchi, sont tous les fils les uns des autres, les quatre derniersne reprsentant au contraire que deux gnrations; cette affirmation est certai-nement errone, et l'auteur chinois a manifestement compt, suivaht l'hiibitudede ses confrres en histoire, comme fils les uns des autres, des personnages qui,notoirement, sont des frres; c'est l une faon commode qu'ont adopte leschroniqueurs du Cleste Empire pour tablir sans grande peine leurs tableauxgnalogiques, quand ils se trouvent embarrasss; le fait est vident : dix-septannes seulement se sont coules entre la mort de Sultan Younous, en 1 186, etl'avnement de Mansour (1503-1542), de telle sorte qu'il est manifestement impos-sible de placer neuf gnrations dans ce laps de temps; en fait. Sultan Younousest le pre de Sultan Ahmad, qui est le pre de Jlansour, qui eut pour fils "AbdAllah, et le Hsi-yu-lhoung-wen-lchi a ignor la filiation exacte des descendants deSultan Alimad.Tout ce qu'il convient de garder des affirmations errones du Hsi-yu-thoiing-

    tven-lchi, c'est qu'un prince de la ligne de Tcliinkkiz Khaghan, nomm 'AbdAllah, vcut dans les contres occidentales du Turkestan chinois, une date

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    LA CONQUTE DES TATS NESTORIENS. 23Rois l'est aux Persans ; leur fantaisie a t brode, rimitationde l'pope iranienne, sur le canevas grossier de textes anciensc'its en oughour, du viir' au xiT sicle, sur des rcits lgen-daires contemporains des vnements dont ils narrent lespripties; le prince de Khotan, qui dfendit la grande cit dessables, en l'anne 765, contre l'arme musulmane, le turkTokouz, dans le tezkr de l'imam Dja'far as-Sadik, porte letitre de khaglian ; dans le tezkr de .Alahmoud Karam Kabouli(550 de riigire = 1155), le prince de Khwarizm = Djourdja-niyya est un 'Alide, nomm Ilf Ata, le Kara-khaglian o: lesouverain noir , qui reoit Tordre de s'emparer des villes duTurkestan oriental, Khamoul, Tourfan, Karashahr, et de lesconvertir l'Islam; le Kara-kliagiian, le roi noir , enlveTourfan, tandis que son lieutenant, Asl Ata, s'empare de Kara-shahr et de Kizil; l'arme musulmane comptait dans ses rangsun gnral nomm Siioungar Ata Khaghan.Le titre de khaghan disparait de la langue des Turks vers la

    fia du x" sicle; le souverain de Kashghar, avant 993, porte letitre d'Ilik-khan, et se nomme Haroun Boghra Khan; le motkhaghan resta en usage chez les Mongols, dont l'idiome estbeaucoup plus archaque que les dialectes des Turks, jusqu'la fin du xiu' sicle; c'est par une imitation prtentieuse etarchaisante de la titulature des successeurs de TchinkkizKhaghan, dont ils descendaient, ou tout au moins, pour lesTimourides, se prtendaient la postrit, dont ils se pro-clamaient les hritiers politiques, qu'on rencontre le titre dekhaghan dans le protocole des princes de la maison de Tmourpostrieure l'anne 15-12, sans qu'il soit possible de prciser davantage, et,suivant toutes les vraisemblances, c'est de ce personnage qu'il est questiondans le tezkr de Dja'far as-Sadik. Plusieurs officiers, gouverneurs de villesde r.Asie Centrale, nomms 'KhA Allah, se trouvent cits dans le Hsi-yu-thou;/-wcti-lc/ii, en ses chapitres xi, xii, xiii, Khamoul. Pitchan, Kutch,Ouslii, Kashghar, sans aucune indication de date; ils n'ont rien faire aveccelui qui inspira la rdaction du tezkr. Khadja-i djihan, dans les textes d'AsieCentrale et de la Transoxiane. comme Sadr-i djihan, est un terme vague; ildsigne un lettr, un savant, et ce titre convient parfaitement ici; des termesde ce rcit, il rsulte que le personnage nomm Sultan al-'arifin n'est autreque Soubhan Koul; ce Soubhan Koul n'a rien avoir avec le Koushbgui,Kiptchak Khan Imam Kouli Soubhan Kouli Khan, qui fut le gnralissime desarmes du sultan shaibanide 'Abd Allah II.

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    24 REVUE DE l'oRIEiNT CHRTIEN.Keurguen et des Shabanides de la Transoxiane. ^^, parlesquels caractres les Chinois reprsentent le titre du sou-verain des Huns, transcrit trs exactement le titre tchabghoudu protocole royal des Turks, et non le mot khan.Khaghan est parfaitement sa place au viii" sicle, dans letezkr de l'imam Dja'far as-Sadik; dans celui de MahmoudKaram de Kaboul, il est une imitation archasante de la titu-lature du premier de ces ouvrages, moins, ce qui est possible,que les Turks d'Asie Centrale n'aient continu, dans leurs livres,au xii' sicle, crire t'^i^ khaghan, ce qu'on lisait A({ Sogourmnos, puis, par suite del'quivalence g = k ^^ kli = h, Sohourmnos, Zohourmnos;enfin, par une interversion bizarre, Zouhourmuunis. Les formesZouhourkyanos et Zouhouryanos ont t produites par uneanalogie avec le nom du prince de Kashghar, Sherkianos, oupeut-tre par une fausse lecture d'une forme graphique danslaquelle la boucle de Vm s'tait ferme et traversait la ligne del'criture; ces erreurs remontent au texte ouighour qui racontel'pope du petit-fils d"Ali. Zouhourkyanos ^^^-^^jjioiySMf a t lu

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    LA CONQUETE DES ETATS NESTORIE.N'S. 2^au \yf sicle, suivant riiabitude de la graphie mongole,(^'"'''^-'H)^ Zouliouriyanos.

    11 est racont, dans le tezkcrc de Mahmoud kai'am Kabouli,qu'en 1155, Aksou tait gouverne par un prince chrtien taisaLy, Kakakoul, \assal de Noudoum Khan, souverain deMatchin, qui rgnait Khotan; l'arme musulmane, aprs s'treempare de karashahr et de Kizil, prit la route de Yarkand, passapar Karatal, traversa le Takla Makan, et arriva au Mazardagh,qui spare les forts de Maralbashi et d'Aksou du dsert de sablequi tend ses solitudes au nord de Khotan; elle y rencontra uneavant-garde khotanienne de cinq mille juifs et chrtiens qu'elledispersa; puis, les Musulmans marchrent sur Kria, mais unetempte de sable leur fit perdre le droit chemin ; ils atteignirentla rivire de Khotan, et arrivrent sur les bords du Yshil-gueul, le lac vert i>. au nord de Kria. Ils poursuivirent leur marcheet parvinrent Kanhan, dont la population tait juive; le princede cette ville, Turk Tarkhan, vassal du roijle Kliotan, NoudoumKhan, tait juif, et il pratiquait d'tranges incantation* avec letexte de l'vangile.Turk Tarkhan rendit sa capitale invisible par ses sorti-

    lges (1), et Allah, pour l'en punir, condamna la ville restercache aux yeux des mortels jusqu' la consommation dessicles; les Musulmans, dans l'impossibilit de s'emparer d'unecit qui avait disparu, prirent Tchira; puis, ayant ainsicoup les communications de Noudoum Khan avec l'Orient,c'est--dire avec la Chine, ils piirent la route de l'Occident, etmarchrent sur Khotan. Noudoum Khan tait un descendantd'Afrasyab, roi des Turks; il tait de la race des Francs et desHindous ; comme ses anctres, il tait un Chrtien tte rougeL_j wL; Jj;3 Kizilbasli tarsa ; son arme tait forme devingt-cinq mille Kirguiz Kalrnaks, et de trente mille Russes etFrancs, adonns aux pratiques de la magie (-2). Tarsa, dans la

    (l'j Sur ces sorcelleries de l'Inde Blanche, de l'Iran Oriental, et du pays turk,voir le Zend-A esta de Darinesteter, t. II, p. 19, et Babylone dayis les historienschinois, dans la Hevuc de l'Orient Chrlicn, 1910, p. 297.

    (2) Les Kirghiz KalmaUs taient bouddhistes; quelques-uns pratiquaient l'Is-lamisme; les Russes et les Francs taient chrtiens; les Russes et les Francs, parFrancs O-Ci!, ^5', il faut entendre Vargues, comme je le montrerai au

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    26 REVCE DE l'orient CHRTIEN.terminologie du Cleste Empire, et des cits du Hsi-yu, qui, auxii" sicle, taient les vassales de la Cliine, sous la formeancienne tersek (mod. ti-si), qui est le pehlvi tarsak et lepersan moderne tarsa, dsigne toujours les Nesloriens, paropposition formelle aux Mnavi ^y^' (1), qui sont les Mani-chens. Il y a dans ce tez-krr une confusion entre les Juifset les Chrtiens, qui s'explique |:iarfailement par l'ignorancedes Bouddhistes, ou des Musulmans, qui crivirent ces his-toires, des Musulmans plutt, car les Bouddhistes, commecours d'un autre travail, sont le nom d'une mme entit ethnique; la prsencede Vargues dans l'arme de Khotan, sous les rgnes de Youri Wladimirowitchet d'Isiaslaf Jlstislawitcb, est l'invraisemblance mme; cette mention des Russesreporte la lin du xvi* sicle, date laquelle ces le:kcri'- lurent rdigs sousleur forme actuelle; elle reprsente une interpolation dont l'origine et lesraisons sont videntes : en 1581, le kosak Yermak Timolewitch, au service desStrogonof, conquiert la Sibrie, bat le khan Kutchum, et s'empare de sacapitale Sibir, qui a donn son nom cette immense contre; ce glorieuxpisode des armes russes eut un retentissement norme dans tout le pays turk,jusqu'aux 'marelles de la Chine; le nom de Chrtien devint synonyme de celuide Russe, et de sa forme ancienne et traditionnelle au temps des Rourikiwitch,qui taient les descendants des Vargues.

    (1) Le nom des Jlanichens se trouve dans les historiens du Cleste Empire,sous les espces de deux transcriptions dilrentes : Mar-ni 5^ J^ , quiest de beaucoup la plus frquente ; ^ J^ Ma-ni, laquelle est infinimentplus rare, et se retrouve dans le nom 5^ /^ /h Mar Ma-ni - Mani le Saint > duBouddha syncrtique des sectaires manichens des Trois Montagnes, auxn sicle (Wieger, Tejlcs hislriiiiics, 1712); la premire de ces formes Mar-ni,avec l'quivalence constante r = n, est pour Mn-ni, comme les mots palisnibbna, dhaaima, sippa sont l'aboutissement prakrit des mots sanskritsnirvana, dharma, silpa ; man- transcrit m- dans Mni J>-^ ; l'quivalence tin,ar = est un phnomne connu; c'est ainsi que les Arabes ont transcritKroubi, le nom du marchal Canrobert, pour Ka(n)i'oulii(r); Mozart, dans lestranscriptions chinoises contemporaines, est transcrit Mos;i; il faut , en cam-bodgien, s'crit indiffremment kiw ou kuor; c'est par suite d'un phnomneidentique que le nom du Xaharmalk le lleuve du roi ", nom d'un des bras del'Euphrate, se trouve dans les historiens latins sous les formes Narmalcha, ouArmalclia, avec la chute, trs rare l'initiale, de l'n-, et Narmalchar, avecl'addition de ce mme r, que l'on retrouve dans la forme de sabir turkestanaisKutchar, transcrivant le nom de la ville de Kutch (Journal oflhe loyal AsiaticSociety of Great Brilain and Ireland, 1914, p. 167 ). Mnawi, al-JInattiyyaijyU!, dans Shahristani, correspond la forme Mni, transcrite M-ni parles Clestes; l'auteur du Kitab al-fihrisl donne aux Jlanichens le nom deMnniyya, iL-jL,", qui est le pluriel rgulier d'une forme Mnni = Jlni,laquelle est rigoureusement identique cellequeles Chinois ont transcrite Mar-ni.

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    LA CONQUTE DES KTATS NESTORIEXS. 27tous les peuples qui sont ns . la civilisation sous rinfluencede l'Inde, ont une horreur native et instinctive de tout ce quiressemble une prcision historique. Il est certain qu'il yavait, au xu-^ sicle, des Juifs dans les villes de l'Asie Centrale;leur prsence y est signale au cours du prenaier tiers du xix*sicle (1), et ils n'ont pas disparu de ces contres lointaines;mais le fait que Noudoum Khan, a Khotan, pratiquait sesenchantements par la rcitation de versets des \-angilesmontre suffisamment qu'il tait chrtien, comme Sergianos etSodzomnos, de Kashghar, et non juif (2).

    Le tezkr de l'imam Mohammad Ghazali (3), fils de (Moham-madi Hanifa, fils d"Ali, raconte que ce personnage rgnait Tabrizamin. Il avait deux gnraux, nomms Poulad Derkanet Derkan Poulad, qu'il avait chargs de gouverner ses tats.Quant lui, il s'occupait uniquement d'uvres pies. Un jour,il partit pour se rendre la chasse: il manda auprs-de luiPoulad Derkan, et lui ordonna de rassembler les troupes deTabrizamin pour qu'elles partissent avec lui. II marcha pen-dant quarante jours travers le dsert, et, quand il eut fini dechasser, il se proposa de rentrer chez lui. Pendant qu'il taitcouch, il eut un rve durant lequel il aperut Mahomet, lesquatre khalifes orthodoxes, Abou Bakr, 'Omar, 'Othman, 'Ali,et Fatima la vierge. " Mon fils, dit le Prophte, ne savez-vousdonc pas que liniam Hosan, la chair de ma chair, a t mar-

    (1) Voir sur ce point les Peinlures des Manuscrits orientam- de ta Bibliothquenationale, 1914-1920, p. 213.

    (2) Le terme de Chrtien tte rouge indique que ce personnage appai--tenait au Nestorianisme, lequel tait venu de l'erse en Asie Centrale, apport parles Persans, et tait considr, mme par les Chinois, comme une formule essen-tiellement persane; les Persans de l'poque safavie, la date qui vit la rdactionde ces lgendes des imams "alides, taient couramment, comme l'on sait, traitsde Ttes rouges Kizilbash par les peuples trangers.

    (3) Ce prtendu imam Mohammad Ghazali n'est autre que le clbre philo-sophe des .xi'-.xu" sicles, dont le nom, pour Dieu sait quelles raisons, a tintroduit dans cette byline; il est inutile de dire que Mohammad ibn al-Hana-fiyya, que les Turks nomment en effet .Mohammad llanila, n'a jamais eu defils qui s'appelt .Mohammad Ghazali, ni '.\sim: Djamal ad-Din al-Halabi, dansson 'Oindal at-talib (man. arabe 2021, folio 208 recto et verso), dit en effet quece personnage eut quatre fds, et vingt fdles, et que ses seuls fils dont on con-naisse des descendants se nommaient '.VU et Dja'far.

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    28 REVUE DE l'ORIEXT CHRTIEN.tyi'is par les hrtiques (l)dans la plaine de Karbala? Ah! sivotre pre, Ilanifa, tait de ce monde! Mohammad Ghazali se rveilla; il monta achevai sur l'heure,et rentra immdiatement chez lui; il confia Poulad Derkan le

    gou\'erneraent de Tabrizamin, prit avec lui Derkan Pouladavec douze mille hommes, et se mit en chemin. Il se rendit laKa'ba, accomplit les rites du plerinage, en en faisant le tour,puis il partit pour Mdine l'illumine. Au bout de dix joursde marche, il arriva prs de Mdine; les habitants, qui avaientt avertis de sa \'enue, sortirent en foule pour aller le recevoir.Mohammad Ghazali s'acquitta des crmonies rituelles; puis,aprs avoir vu tlans un rve le Prophte, qui lui ordonna d'aller Nadjaf pour recevoir les ordres de son grand-pre 'Ali, il semit en route pour cette ville, dans laquelle il alla se prosternerdevant le tombeau de son aeul. Au cours d'un songe qu'il eut,tandis qu'il dormait prs de ce mausole, "Ali lui tint cediscours : Mon fds! va convertir le peuple de Khotan (Tchinet Matchin) la foi musulmane; n'pargne aucun infidle; necrains rien, et sois vaillant; la coupe du martyre est apprtepour vous dans le pays de Khotan.

    Le souverain de Nadjaf tait alors Mahmoud Khan, qui donnal'hospitalit Mohammad Ghazali durant quarante jours.Mohammad Ghazali lui apprit l'avis qu'il avait reu de son aeul,et il en informa galement Derkan Poulad : .Te pars immdia-tement, leur dit-il, pour Khotan. Mahmoud Khan partit aveclui, emmenant toute son arme.La population de Baghdad, ayant appris que l'imam arrivait,sortit tout entire de la ville pour aller lui prsenter ses hom-mages. A cette poque, vivait dans Baghdad un grand person-nage, nomm Shakh Hasan; il vil en rve 'Ali, qui lui com-manda d'aller recevoir Mohammad Ghazali ; en mme temps,l'imam Mohammad Ghazali eut un songe au cours duquel il vitShakh Hasan. Les deux personnages se rencontrrent en dehorsde Baghdad; ils se racontrent leurs visions, et Shakh Hasanreut l'imam avec les plus grands huimeurs. A cette poque,rgnait Baghdad un prince, nomm Faridoun; son fils,

    (1) Kharidj, e'est--cUre par les Sunnites.[26]

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    LA CONQUTE DES TATS NESTORIEXS. 29Sarmast-i Baghdadi, se joignit Mohammad Ghazali avec dixmille hommes, tandis que Shakli Hasan partait avec lui latte d'un corps de mille hommes.La nouvelle de l'expdition de Mohammad Ghazali arriva

    Kharizm, o rgnait Yolbars Khan, qui avait deux fils, SultanZouk Ata et Sultan Shouk Ata. Il envoya Sultan Zouk Ata l'imam, avec une lettre dont celui-ci fut trs satisfait. L'imampartit pour Kharizm, o Yolbars Khan le reut avec le plusgrand enthousiasme. Yolbars Klian avait une fille, nommeHanifa, laquelle, un jour qu'elle pleurait en pensant au martyred'Hosan, s'endormit, et vit en songe Fatima, la fille du Pro-phte, qui lui dit : Hanifa, j'ai une heureuse nouvelle fannoncer; mon fils, l'imam Mohammad Ghazali, va venir dansce pays; je te destine lui; j'intercderai en ta faveur au jourde la rsurrection. La princesse fut remplie d'une grande joie,t attendit avec impatience l'arrive de Ghazali. Un jour quel'imam s'tait retir dans un lieu dsert pour procder auxablutions lgales, Hanifa lui prsenta ses hommages, et se tintdebout devant lui. Il la salua, et lui demanda qui elle tait : roi du monde ! Je suis, lui dit-elle, la fille de Yolbars Khan.J'ai vu en songe Fatima la Vierge, laquelle m'a appris que jevous suis destine. Depuis ce jour, votre iiumble servante aattendu votre arrive, et, grce Allah! voici enfin que voustes venu. Yolbars Khan donna sa fille Hanifa en mariage Mohammad Ghazali. et l'imam resta plusieurs jours dansKharizm.Un jour, Yolljars Khan apprit Mohammad Ghazali qu'unprince mcrant, nomm Sherkianos, rgnait Kashghar, etque tout le pays de Khotan tait aux mains des infidles. L'imamordonna Sarmast-i Baghdadi et Shakh Hasan de partir avecleurs armes, leur promettant de les suivre bref dlai.

    Sarmast-i Baghdadi et Shakii Hasan se mirent en route pourKashghar, et Mohammad Gliazali demanda Yolbars Khan delui fournir des troupes pour aller conqurir cette ville. YolbarsKhan lui donna une arme de quatre-vingt mille hommes, sousle commandement de Sultan Zouk Ata et de Sultan Shouk Ata.L'imam partit de Kharizm, marchant sur Samarkand, o il futreu par le prince de cette \'ille, qui se nommait Ardashir;

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    30 REVUE DE l'orient CHRTIEN.aprs quelques jours passs Samarkand, Moliammad Ghazalise mit en route avec Ardashir, qui emmenait avec lui quarantemille hommes. Il parvint ainsi Khodjand, o le prince decette ville, KliadjaKasim Khodjandi. se joignit lui avec quatremille soldats. Moliammad Gliazali, partant de khodjand, sedirigea sur Andidjan, et s'arrta Marguilan. Tout le paysd'Andidjan obissait alors aux ordres de deux princes, nommsSolaman Shah Oushi et Sarbouland Khan Oushi ; ils s'en vinrentprsenter l'hommage de leur respect l'imam, la tte d'unearme de quatre-vingt mille hommes, et ils l'invitrent serendre avec eux dans la ville d'Oush, o se trouvait conservle trne du prophte Salomon. Moliammad Ghazali fut reuavec le plus grand enthousiasme par les gens de la ville deOush, et Solaman Shah Oushi fit don l'imam du tambour quiavait appartenu Alexandre; puis, il parti! aveclui, accompagnde quatre-vingt mille hommes. En mme temps, il apprit l'imam qu'un prince trs puissant, Ya'koub Khadja, rgnait Tashkand, et il lui conseilla de lui adresser une lettre.Moliammad Ghazali fit crire la lettre par Mansour 'Allam, etil chargea Sarbouland Khan Oushi de la porter Tashkand.Ya'koub Khadja la reut, la mit sur ses yeux, et. se tournantvers le cot par lequel devait arriver l'imam, il se prosterna,puis lut ce qu'elle contenait. Quand il en eut pris connaissance,il partit la tte de soixante mille hommes, et vint se joindre Oush l'imam qui le reut avec beaucoup d'honneurs.

    L'arme musulmane se reposa durant quelques jours Oush ;un vendredi, aprs la prire, Mohammad Ghazali dit sescompagnons d'armes : Mes amis, il nous a t confi la missionde conqurir l'Islam des terres nouvelles. Le pays de Kasli-ghar est peupl d'infidles. Partons pour la guerre sainte! L'imam rcita la prire, pronona la formule : Allah est la plusgrande divinit! et l'arme se mit en route pour Kashghar.Il s'arrta au bout de plusieurs tapes, et, aprs la prire, ildonna Ya'koub Khadja l'ordre de marcher vers la contrede Kashghar. Ya'koub Khadja se mit en marche avec soixantemille soldats, et se heurta, son arrive dans le pays, uneanne de quatre mille hommes qui couvrait la route de lacapitale. A ce moment, .Vrdashir de Samarkand survint, et les

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    LA CONQUTE DES TATS NESTORIENS. 31Musulmans crasrent l'avant-garde kashgharienne, dont ilne resta que deux liommes; ils coururent annoncer au princeSherkianos qu'une arme considrable venait du ct d'An-didjan, qu'elle avait massacr ses quatre mille soldats, qu'ilsavaient chapp grand'peine au dsastre, et que les Musul-mans arrivaient en trombe derrire eux. Sur ces entrefaites,l'armt' de l'imam survint; Sherkianos rassembla les habitantsde Kashghar, et leur dit : Si tous, grands et petits, vousobissez mes ordres, gardez la ville, et empchez l'ennemid'y pntrer. Les gens de Kashghar s'apprtrent la rsis-tance, et ils n'vacurent pas leur cit, si bien que l'arme musul-mane s'arrta Besli Krem. Ardashir de Samarkand investitla ville qui rsista. Au matin, un nuage de poussire apparutsur la route d'Andidjan. C'taient Solaman Shah (Jushi et Sar-bouland Khan Oushi qui survenaient, avec quarante millehommes rangs autour de quarante drapeaux blancs. Ils cam-prent sur l'un des cts de la ville, au grand effroi desinfidles. A la prire de midi, un nouveau nuage de poussireapparut, cachant quarante mille hommes sous quarante ten-dards; les nouveaux venus tablirent leur campement du ctdroit de la cit, et, pendant sept jours, les troupes musulmanesarrivrent sans interruption. Le huitime jour, Solaman ShahOushi crivit Sherkianos une lettre conue en ces termes : .apprends que le roi des deux mondes, l'imam MohammadGhazali, est arriv afin de te convertir l'Islamisme. Allaht'ordonne, si lu acceptes l'Islam, de sortir, ton arc suspenduau col, et de faire la iirofession de foi musulmane, auquelcas tu iras au paradis; si tu refuses, d'un coup de sabre,j'enverrai ton me impure en enfer. Je lutterai contre toi detoute ma force, et, si je succiimbe, ce sera en savourant la coupedu martyre. Quand il reut cette lettre, Sherkianos se mit dans une

    violente colre, et prfra lutter contre les Musulmans. Leneuvime jour, un nouveau tourbillon de poussire apparut,venant d'Andidjan: c'taient Sarmast etShakh Hasan de Bagh-dad, Derkan Poulad, Sultan Zouk Ata et Sultan Shouk Ata deKharizm, qui arrivaient avec Mohammad Ghazali. L'imamurdonna Sarmast d'tablir sa tente tout prs de la ville, et il se

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    32 REVUE DE l'orient CHRTIEN.prpara l'attaque, tandis que l'arme musulmane campait dechaque ct de la ville.

    Sherkianos avait un fils nomm Zohourmounis, qui setrouvait alors Aksou. Sherkianos lui envoya un courrier,pour lui apprendre qu'une nomltreuse arme tait venue duct d'Andidjan, dans l'intention de dtruire Kashghar qu'elleassigeait, et il lui manda de venir son secours. Zohour-mounis rassembla les troupes des villes voisines, et arrivaauprs de son pre, avec une arme de cent mille hommes.

    Trois jours aprs, Sherkianos sortit de la ville, et rangeason arme en iDataiile, tandis que les Musulmans en faisaientautant; l'imam fit battre le tambour d'Alexandre, et Zohour-mounis dfia au combat les guerriers de l'Islam. Poulad Derkanreleva le dfi, poussa son cheval contre Zuhouryanos (1), etlui Ijarra le chemin. Zohouryanos le frappa d'un coup d'pe,et le fit prisonnier; puis, se prcipitant dans les rangs desMusulmans, il leur blessa soixante-di\ hommes, et en tuaquatre. Les infidles frapprent le tambour de la victoire,tandis que les Musulmans faisaient retentir celui de la retraite.L'imam pria les Saints de venir son secours, et il s'endormitaprs avoir reu leurs encouragements. A l'aube, MohammadGhazali fit battre le tambour d'Alexandre, et les deux armesse rangrent en ligne. Sarbouland Khan Oushi entra dansl'arne, fut liless par Zohouryanos, et s'en retourna auamp. Sarmast-i Baghdadi se lana l'attaque de Zijhour-yanos, et brisa sa lance d'un coup de sa masse d'armes. Leprince infidle voulut lutter avec l'pe, mais Sarmast luiassna violemment sa masse sur la tte. Zohouryanos le para,mais il fracassa la tte de son cheval, et il roula terre.Sarmast-i Baghdadi sauta bas de sa monture, lui mit le piedsur la poitrine, lui lia les mains, et le trana devant MohammadGhazali.Quand Sherkianos vit son fils tomber aux mains des Musul-

    mans, il en ressentit une violente douleur; il lana son cheval,suivi de la foule des infidles, qui resseml)Iait un nuage de

    (1) A partir de cet endroit, le le:.kr donne Zoliourmounis le nom deZohouryanos, puis Zolioiirkianos.130]

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    LA CONQUTE DES TATS XESTORIENS. 33sable et do poussire. L'ardeur de Sarmast tait telle qu'il seprcipita dans la mle avec cent hommes. Mohammad Ghazalidonna Tordre que Ton court sou aide, et l'arme musul-mane, s'tant concentre, refoula les infidles dans Kashghar.

    Zoliouryanos fut conduit en la prsence de MohammadGhazali, qui le somma de se convertir l'Islam; le prince deKashghar refusa ; l'imam ordonna qu'on le plat devant lefront de l'arme, et qu'on le couvrt de flches. .Shakh Hasanse leva, et demanda l'imam la permission de garder Zohour-kianos durant trois jours, pendant lesquels il lui ferait accepterl'Islamisme, sinon il serait excut. Zohourkianos cda auxexhortations de Shakh Hasan: celui-ci le conduisit devantMohammad Ghazali, qui lui demanda de rciter la profession defoi musulmane: le jeune prince le fit d'un cur sincre, et.Shakh Hasan l'adopta comme son fils spirituel. Zohourkianosdemanda l'imam la permission de combattre les infidles;Miihammad Ghazali lui accorda l'objet de sa requte en luisouhaitant bonne chance. Le prince se tourna vers ses sujets,et leur cria : Mcrants ! coutez mes paroles : acceptez la foimusulmane, pour viter les supplices qui vous attendent aujour du jugement. Si vous ne m'obissez pas, je vous traiteraide la lielle faon, Sherkianos, mon pre, tout le premier.

    Le roi de Kashghar fut constern en entendant le discoursde son fils : Mieux et valu, dit-il, qu'il succoml>t dans labataille. Le tue qui voudrai Zohourkianos se i>rcipita surles infidles, et une lutte terrible s'eng^agea; il combattitdurant trois jours et trois nuits, aprs lesquels il mit dansune droute complte Sherkianos avec toute son arme. Lesinfidles vacurent Kashghar, et Zohourkianos se mit leurpoursuite, sans pouvoir les atteindre, tellement ils fuyaient \ite.H prsenta ses hommages Mohammad Ghazali, qui le remer-cia. Pendant ce temps, toute la population de Kashghar sortitde la ville, et vint demander g-rce l'imam, qui la somma dese convertir l'Islam. Ces gens le firent avec empressement,et .Mohammad Ghazali nomma Zohourkianos souverain deKashghar; mais le prince refusa en pleurant, disant : Partouto ira l'imam, j'irai avec lui! L'imam chargea SarboulandKhan Oushi de gouverner Kashghar, et il se mit en route,

    :3i]OUIEM CHRTIEN. 3

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    34 REVUE DE l'orient CHRTIEN.accompagn de Zohourkianos; il se dirigea sur Alcsou, et ilenvoya en avant-garde Ardashir Samarkandi et le prince deKashghar.Quand il fut arriv prs d'Aksou, Ardashir rangea sestroupes en ordre de bataille ; un des soldats de l'arme de Sher-kianos sortit des rangs de l'arme des infidles, et porta uncoup de sabre Ardashir; mais celui-ci le tua, et envoya sonme dans l'enfer. Ardashir tua de la sorte plusieurs infidlesqui taient venus l'attaquer, tandis que Zohourkianos, de son^t, repoussait violemment les sujets de son pre.L'arme des infidles vint manquer de vivres. A cette date,dans le pays de Tchin et Matciiin, rgnait Karakash un infi-dle, nomm Karoun Rashid. Sherkianos alla lui demanderasile, mais Ardashir et Zohouryanos se mirent sa poursuite,et dpassrent Aksou et Yarkand. Karoun Rashid, malgr sesterreurs, envoya un contingent de mille hommes Sherkianos.Les infidles furent battus devant la ville de Karakash parArdashir et Zohouryanos; mais un retour offensif de l'ennemicota la vie Ardashir, en mme temps qu'il obligeait Zohour-yanos battre en retraite avec le reste de l'arme de l'Islam;il alla rejoindre l'imam, qui retrouva le corps d'ArdashirSamarkandi, et lui donna la spulture.Mohammad Ghazali se rsolut poursuivre les infidles,tandis que Sherkianos et Karoun Rashid s'enfermaient dansKamkasli, pour rsister aux assauts des Musulmans. L'imamfit battre le tambour d'Alexandre et investit la ville. La batailles'engagea pique entre les deux armes, et Sarinast-i Baghdadioccit en combat singulier un nombre considrable d'infidles ;la lutte se prolongea durant six mois, jour et nuit, sous lesmurs de Karakash, que ses dfenseurs, puiss, abandonnrent la faveur des tnbres, pour aller chercher un asile dans lesmontagnes. L'arme de l'Islam entra ilans la ville, dont leshabitants embrassrent la foi a\'ee un grand entiiousiasme,pour avoir la vie sauve, et Mohammad Ghazali donna Zohour-yanos la souverainet du pays, en mme temps qu'il chargeaitShakh Hasan de surveiller l'instruction musulmane des habi-tants de Karakash.Quant lui, il se mit la poursuite des infidles, auxquels il

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    LA CONQUTE DES TATS NESTORIENS. 35fit une rude guerre, et qu'il accula dans une valle o Sarmast-iBaghdadi les attaqua. Karoun Rashid, Sherkianos, et leurstroupes, crast's, s'enfuirent, poursuivis par.Moiiammad Ghazali,et, passant travers l'aridit du dsert de sable, ils parvinrentsur les bords d'une rivire o ils camprent.iMohammad Ghazali traversa le cours d'eau, et ctablit soncampement dans la plaine de Yk Langar 1); ce fut dans cetendroit que sa femme, Hanifa, mit au monde un fils, nommZan al-'Arab; elle mourut des suites de ses couches^ et son filsne tarda pas la suivre dans le tombeau. Dix jours plus tard,la bataille recommena entre les infidles et les Musulmans;Mohammad Ghazali avait revtu le manteau rouge d"Ali, et iltenait au poing son clbre glaive Zoulfikar. L'arme de l'Islamenfona les troupes du prince de Karakash, que .Sarmast-iBaghdadi poursuivit dans leur droute, jusqu' ce qu'il fl tudans un retour offensif de l'ennemi.Solaman Shah Ouslii continua la poursuite, et fut tu son

    tour. Mohammad Ghazali donna la spulture aux martyrs ; il eutun songe, au cours duquel il vit 'Ali. Hasan, Hosain, Fatima,Khadidja ; 'Ali lui dit : Soyez bni I Vous avez fait la guerre saintecontre les mcrants; les mes des martyrs sont satisfaites devous; elles vous attendent; les anges qui gardent les portes duparadis au parfum d'ambre tiennent, pour vous les offrir, descoupes ornes de rubis et d'meraudes, remplies de metsdlicieux et de sucreries varies. \'oici que nous sommes venusau-devant de vous, car vous serez bientt runis nous. Labataille recommena, et les infidles, de nouveau battus, durentchercher leur salut dans une fuite rapide, qui les conduisit laplaine de Yk Langar ; Mohammad Ghazali , malgr ce succs, eutl'intuition que sa fin tait proche: il adressa au Ciel une ardenteprire; un feu dvorant sortit du monde de l'invisible, et rduisiten cendres les soldats de Karoun Rashid; leurs ttes furentchanges en pierres noires, calcines par les flammes, et ellesresteront dans cette plaine jusqu' la consonmiation des sicles.

    L'arme musulmane attaqua ensuite les troupes de Sherkianos,(1) Le " grand langar , yk tant le mot mongol qui signillc gi-and -;

    cette localit, plus loin, est nomme sous sa forme persane de Bouzourg Langar.

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    36 REVUE DE l'orient CHRTIEN.qui avaient chapp la vengeance cleste ; le clieval deMoham-mad Gliazali se prit le pied dans un trou, et l'imain vida lestriers; il fut immdiatement massacr parles infidles, maisSultan Zouk Ata et Sultan Shouk Ata, prenant le comman-dement des forces de Tlslam, les lancrent sur Sherkianos, dontles troupes s'enfuirent jusqu' Kria. Sultan Zouk Ata et SultanShouk Ata prirent leur tour sous les coups des infidles (1),qui furent pourchasss par Shakh Ilasan et Zohourvanos.

    Shakh Ilasan ensevelit le corps de Mohammad Ghazaii Bouzourg Langar (2), o l'imam avait got la coupe du martyre,le vendredi dixime jour du mois de Djoumada premier del'anne 121 de l'hgire (21 avril 739).

    Il est racont dans l'histoire de l'imam Dja'far Sadik qu'il eutun rve, au cours duquel il vit son pre, Mohammad Bakir, filsde Zan al-'Abidin, fils d'IIosan, fils d"A!i, qui lui donnal'ordre d'aller convertir Khotan (Tchin et Matchin). Dja'farrunit une arme de cent mille combattants, et se rendit Sapid Kouh jf a^ (3), qu'on nomme aussi Sabz Kouh^jf j':-' (1), la moderne cit d'Utch Tourfan, ou rgnait un prince,nomm Shah Bahrain. Shah Bahram, ne pouvant rsister l'imam, se convertit l'Islam, et lui donna sa fille en mariage.Dja'far resta vingt ans Sapid Kouh, o il crivit quarantetraits (5). Au bout de ces vingt annes, il apprit que soixante-

    (1) Dans les environs de Kria.{%) La localit nomme aujourdluii Yalangai' ou Yaka, voir pages o5 et 39-(3) La montagne blanche.(4) La montagne verte.(5) Les Musulmans attribuent l'imam la composition de plusieurs ouvrages,

    dont les plus clbres traitent de l'art de prdire l'avenir, l'un par les mouvementsnerveux involontaires dos muscles du corps (Iladji Ivhalil'a, i, 11)1), ce qui est, enralit, une analyse des rflexes, l'autre par l'interprtation des songes (ibid., n,31). Un autre, la DJami'a, trait sur la divination des vnements futurs, est,en fait, le livre que l'on nomme ordinairement le Djafr de Dja'far Sadik; laDjami'a est un grand trait de divination qui fut crit par Adam ; le Ujafrprimitif fut crit par 'Ali, sur l'ordre et les rvlations du Prophte, sur le planet d'aprs les principes de la Djami'a; Dja'far as-Sadil; crivit son tour unabrg du Djafr de son aeul, "AU, fils d'Abou Talib, sous le titre de al-Klia/iya le secret , lequel livre tait divis en deu.x tomes, que certains auteursnomment, le premier, le grand djafr, le second, le petit djafr; il y a une allit-ration vidente entre le nom de Dja'far et le titre de djafr; la Khafiija n'taitautre chose qu'un trait de divination par la vertu mystique et cabalistique des

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    LA COXQLTE DES TATS NESTOKIENS. 37douze gnraux musulmans, sous le commandement d'AbouMouslim, Marw, s'taient rvolts contre l'autorit des klialifesomaj-yades, et lui mandaient de venir se joindre eux pourvenger la mort de son pre, Moliammad Bakir, qui avait tassassin sur les ordres de Yazid. Dja'far Sadik se mit en route,avec un coi'ps de trente mille hommes, dont les cliefs se nom-maient Timani Hasliim ilDn Malik, l'imam "Asim, l'imam SultanBorlian ad-Din, Sultan Zafar ad-Din, Khadja 'Ailam ad-Din,Sultan Khadja 'AUami Khorasani, Sultan Khadja Abou Yousouf'Orfani. Le roi deSapid Kouh, Shah Bahram. crivit Marwan,pour l'informer du dessein de Dja'far Sadik. Marwan lit partirune arme sous le commandement de Sultan Babr Dandan(l),en mme temps qu'il expdiait une lettre au roi de Khotan, pourl'avertir derapclier l'imam d'aller faire sa jonction avec AbouMouslim. Shah Bahram, sous couleur de conduire Dja'far Sadik Marw. lui fit prendre la direction de Khotan, dont le roi, TokouzKhag'han, marcha contre lui, avec une arme forte de cinquantemille hommes. Les deux armes se rencontrrent, et prirentleurs dispositions pour engager la lutte. Le premier corps del'arme de Kliotan tait command par Aslam, le second, parKaharman, le troisime, par Salsabil, le quatrime, parYaghman ; le cinquime corps tait compos de contingentsde Kalmaks et de Kazaks ; Tokouz Khaghan tait sur la siximeligne avec dix mille hommes (2).

    Le premier corps musulman tait sous le commandement del'imam Asim, le second tait command par Khadja Allamilettres de l'alphabet (/i/., ii, 601, (i05; ni, 53, 128; v, 1 11); le djafr est la rpliquelie la Table ganlienne du Destin Ji.is-*'! ~ Jj), sur laquelle, d'un bout de sonkalam, le Kalam primordial, Allah a crit l'universalit de l'avenir du /.ufio;, laDjami'a tant la Table gardienne du Sort, sur laquelle, de l'autre bout de sonkalam, l'tre unique a crit les particularitsdu destin de chaque entit du monde,daus laquelle peut entrer une part de libre arbitre. On attribue galement auclbre imam \ihid., m, TS; vi, lllj des interprtations du Koran, dont certainesont t recueillies par .\boul-"Abbas ibn '.\ta, et cites par Abou 'Abd ar-RahmanMohamniad ibn al-Hosan as-Soullami an-Naisabouri, dans son commentaire dulivre saint, intitul al-llahak fil-liifsir.

    (1) Celui qui ades dents de panthre , nom parfaitement impossible celtedate, comme bien d'autres dans cette trame fanUiisiste.

    (i) Toujours la division altque de l'arm^e en corps de di\ mille cavaliers.[35]

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    38 REVUE DE l'orient CHRTIEN.Khorasani, le troisime, par Kilidj Borhan ad-Din (1), lequatrime, par Sultan Zalar ad-Din, le cinquime, par l'imamKasim. Dja'far Sadik envoya Kilidj Borhan ad-Din sommerTokouz Khaghan, roi de Khotan, d'accepter l'Islamisme. Lesouverain infidle refusa, et la bataille s'engagea. Les troupesde Khotan furent battues, et perdirent trois mille hommes.

    La bataille reprit au bout de trois mois, quand TokouzKhag'han eut rorganis ses armes. Salsabil, le Chinois (2),s'avana entre les deux fronts, et dfia les guerriers de l'imam.Talha, fils de Toufan, releva le gant, et fut tu, puis, aprs lui,Khodja Hashim. Pendant deu.x jours et deux nuits, les deuxarmes luttrent sans rsultat apprciable, et les Khotanaisperdirent quinze cents hommes. Aprs quelques jours de trve,Salsabil fut tu en combat singulier par l'imam 'Asim, fils deMohaminad Hanifa, fils du Roi des hommes ("Ali). Lesinfitlles furent battus, et les hostilits demeui'rent suspenduesdurant six mois, au bout desquels la bataille recommena ;l'imam 'Asim tua Kaharman, et fut son tour occis par TokouzKhaghan. Dja'far Sadik fit ensevelir les corps des martyrs,parmi lesquels l'auteur cite Khadja "Abd ar-Rahman Baghdadi,Khadja Akhtam Baghdadi, Khadja Nasl Allah Baghdadi, KhadjaAhmad Baghdadi, Khadja Sa'd ad-Din Baghdadi, KhadjaSolainan Khorasani, Khadja Anbar Khorasani, Khadja 'IzzatAllah Khorasani.Deux mois aprs ces vnements, le lundi septime jour du

    mois de Djoumada second, Dja'far Sadik recommena la lutte;cin