Revues Pi Rite 67

Embed Size (px)

Citation preview

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    1/241

    REVUE SPIRITEJOURNAL

    D'ETUDES PSYCHOLOGIQUESCONTENANT

    Le rcit des manifestations matrielles ou intelligentes des Esprits, apparitions,vocations, etc., ainsi que toutes les nouvelles relatives au Spiritisme. -L'enseignement des Esprits sur les choses du monde visible et du monde invisible ;sur les sciences, la morale, l'immortalit de l'me, la nature de l'homme et son avenir.- L'histoire du Spiritisme dans l'antiquit ; ses rapports avec le magntisme et lesomnambulisme ; l'explication des lgendes et croyances populaires, de la

    mythologie de tous les peuples, etc.

    FONDE PAR ALLAN KARDEC

    Tout effet a une cause. Tout effet intelligent a une cause intelligente.La puissance de la cause intelligente est en raison de la grandeur de l'effet.

    ANNEE 1867

    - I -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    2/241

    Janvier 1867

    A nos correspondants

    L'poque du renouvellement des abonnements, au 1er janvier, est, comme tous les ans, pour la plupart de nos correspondants de France et de l'tranger, l'occasion de nous donner de nouveauxtmoignages de sympathie dont nous sommes profondment touchs.Dans l'impossibilit matrielle o nous sommes de rpondre tous, nous les prions de vouloir bienrecevoir ici l'expression de nos remerciements sincres et de la rciprocit de nos vux, les priantd'tre persuads que nous n'oublions, dans nos prires, aucun de ceux, incarns ou dsincarns, qui serecommandent nous.Les tmoignages qu'on veut bien nous donner sont pour nous de puissants encouragements et de biendouces compensations qui nous font aisment oublier les peines et les fatigues de la route. Et

    comment ne les oublierions-nous pas, alors que nous voyons la doctrine grandir sans cesse,surmonter tous les obstacles, et que chaque jour nous apporte de nouvelles preuves des bienfaitsqu'elle rpand ! Nous remercions Dieu de l'insigne faveur qu'il nous accorde d'tre tmoin de ses premiers succs, et d'entrevoir son avenir. Nous le prions de nous donner les forces physiques etmorales ncessaires pour accomplir ce qui nous reste faire avant de retourner dans le monde desEsprits.A ceux qui veulent bien faire des vux pour la prolongation de notre sjour ici-bas, dans l'intrt duSpiritisme, nous dirons que personne n'est indispensable pour l'excution des desseins de Dieu ; ceque nous avons fait, d'autres eussent pu le faire, et ce que nous ne pourrons faire, d'autres le feront ;lors donc qu'il lui plaira de nous rappeler, il saura pourvoir la continuation de son uvre. Celui quiest appel en prendre les rnes grandit dans l'ombre et se rvlera, quand il en sera temps, non par

    sa prtention une suprmatie quelconque, mais par ses actes qui le signaleront l'attention de tous.A cette heure il s'ignore encore lui-mme, et il est utile, pour le moment, qu'il se tienne encore l'cart.Christ a dit : Quiconque s'lve sera abaiss. C'est donc parmi les humbles de cur qu'il serachoisi, et non parmi ceux qui voudront s'lever de leur propre autorit et contre la volont de Dieu ;ceux-l n'en recueilleront que honte et humiliation, car les orgueilleux et les prsomptueux serontconfondus. Que chacun apporte sa pierre l'difice et se contente du rle de simple ouvrier ; Dieu,qui lit dans le fond des curs, saura donner chacun le juste salaire de son travail.A tous nos frres en croyance nous dirons : Courage et persvrance, car le moment des grandespreuves approche. Fortifiez-vous dans les principes de la doctrine, et pntrez-vous en de plus en plus ; largissez vos vues ; levez-vous par la pense au-dessus du cercle born du prsent, demanire embrasser l'horizon de l'infini ; considrez l'avenir, et alors la vie prsente, avec soncortge de misres et de dceptions, vous apparatra comme un point imperceptible, comme uneminute douloureuse qui bientt ne laisse plus de traces dans le souvenir ; les proccupationsmatrielles semblent mesquines et puriles auprs des splendeurs de l'immensit.Heureux ceux qui puiseront dans la sincrit de leur foi la force dont ils auront besoin : ceux-l bniront Dieu de leur avoir donn la lumire ; ils reconnatront sa sagesse dans ses vues insondableset dans les moyens, quels qu'ils soient, qu'il emploie pour leur accomplissement. Ils marcheront travers les cueils avec la srnit, la fermet et la confiance que donne la certitude d'atteindre le port, sans s'arrter aux pierres qui meurtrissent les pieds.C'est dans les grandes preuves que se rvlent les grandes mes ; c'est alors aussi que se rvlent lescurs vraiment spirites, par le courage, la rsignation, le dvouement, l'abngation, et la charit soustoutes ses formes, dont ils donnent l'exemple. Voir l'article du mois d'octobre 1866 : Les temps sontarrivs.

    - 2 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    3/241

    Coup d'il rtrospectif sur le mouvement du Spiritisme

    Il n'est douteux pour personne, pas plus pour les adversaires que pour les partisans du Spiritisme, quecette question agite plus que jamais les esprits. Ce mouvement est-il, comme quelques-uns affectentde le dire, un feu de paille ? Mais, ce feu de paille dure depuis tantt quinze ans, et, au lieu des'teindre, son intensit n'a fait que crotre d'anne en anne ; or, ce n'est pas l le caractre deschoses phmres et qui ne s'adressent qu' la curiosit. La dernire leve de boucliers sous laquelleon esprait l'touffer, n'a fait que le raviver en surexcitant l'attention des indiffrents. La tnacit decette ide n'a rien qui puisse surprendre quiconque a sond la profondeur et la multiplicit desracines par lesquelles elle se rattache aux plus graves intrts de l'humanit. Ceux qui s'en tonnentn'en ont vu que la superficie ; la plupart mme n'en connaissent que le nom, mais n'en comprennentni le but ni la porte.Si les uns combattent le Spiritisme par ignorance, d'autres le font prcisment parce qu'ils en sententtoute l'importance, qu'ils en pressentent l'avenir et qu'ils y voient un puissant lment rgnrateur. Il

    faut bien se persuader que certains adversaires sont tout convertis. S'ils taient moins convaincus desvrits qu'il renferme, ils ne lui feraient pas tant d'opposition. Ils sentent que le gage de son avenir estdans le bien qu'il fait ; faire ressortir ce bien leurs yeux, loin de les calmer, c'est ajouter la causede leur irritation. Telle fut, au quinzime sicle, la nombreuse classe des crivains copistes quieussent volontiers fait brler Gutenberg et tous les imprimeurs ; ce n'aurait pas t en leur dmontrant les bienfaits de l'imprimerie, qui allait les supplanter, qu'on les et apaiss.Lorsqu'une chose est dans le vrai et que le temps de son closion est venu, elle marche quand mme.La puissance d'action du Spiritisme est atteste par son expansion persistante, malgr le peu d'effortsqu'il fait pour se rpandre. Il est un fait constant, c'est que les adversaires du Spiritisme ont dpensmille fois plus de forces pour l'abattre, sans y parvenir, que ses partisans n'en ont dploy pour le propager. Il avance pour ainsi dire tout seul, semblable un cours d'eau qui s'infiltre travers les

    terres, se fraye un passage droite si on l'arrte gauche, et peu peu mine les pierres les plus dureset finit par faire crouler les montagnes.Un fait notoire, c'est que, dans son ensemble, la marche du Spiritisme n'a subi aucun temps d'arrt ;elle a pu tre entrave, comprime, ralentie dans quelques localits par des influences contraires ;mais, comme nous l'avons dit, le courant, barr sur un point, se fait jour sur cent autres ; au lieu decouler pleins bords, il se divise en une multitude de filets. Cependant, premire vue, on dirait quesa marche est moins rapide qu'elle ne l'a t dans les premires annes ; en faut-il infrer qu'on ledlaisse, qu'il rencontre moins de sympathies ? Non, mais simplement que le travail qu'il accomplitdans ce moment est diffrent, et, par sa nature, moins ostensible.Ds l'abord, comme nous l'avons dj dit, le Spiritisme a ralli lui tous les hommes chez lesquelsces ides taient en quelque sorte l'tat d'intuition ; il lui a suffi de se prsenter pour en tre compriset accept. Il a immdiatement rcolt abondamment partout o il a trouv le terrain prpar. Cette premire moisson faite, il restait les terrains en friche qui ont demand plus de travail. C'estmaintenant travers les opinions rfractaires qu'il doit se faire jour, et c'est la priode o nous noustrouvons. Semblable au mineur qui enlve sans peine les premires couches de terre meuble, il estarriv au roc qu'il lui faut entamer, et au sein duquel il ne peut pntrer que petit petit. Mais il n'est pas de roc, si dur soit-il, qui rsiste indfiniment une action dissolvante continue. Sa marche estdonc ostensiblement moins rapide, mais si, dans un temps donn, il ne rallie pas en aussi grandnombre des adeptes franchement avous, il n'en branle pas moins les convictions contraires, quitombent, non tout d'un coup, mais morceau par morceau, jusqu' ce que la troue soit faite. C'est letravail auquel nous assistons, et qui marque la phase actuelle du progrs de la doctrine.Cette phase est caractrise par des signes non quivoques. En examinant la situation, il demeurevident que l'ide gagne chaque jour du terrain, qu'elle s'acclimate ; elle rencontre moinsd'opposition ; on en rit moins, et ceux mmes qui ne l'acceptent pas encore, commencent lui

    - 3 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    4/241

    concder le droit de bourgeoisie parmi les opinions. Les Spirites ne sont plus montrs au doigtcomme jadis et regards comme des btes curieuses ; c'est ce que ceux surtout qui voyagent sont mme de constater. Partout ils trouvent plus de sympathie, ou moins d'antipathie pour la chose. Onne peut nier que ce ne soit l un progrs rel.Pour comprendre les facilits et les difficults que le Spiritisme rencontre sur sa route, il faut sereprsenter la diversit des opinions travers lesquelles il doit se frayer un passage. Ne s'imposant jamais par la force ni la contrainte, mais par la seule conviction, il a rencontr une rsistance plus oumoins grande, selon la nature des convictions existantes, avec lesquelles il pouvait plus ou moinsfacilement s'assimiler, dont les unes l'ont reu bras ouverts, tandis que d'autres le repoussent avecobstination.Deux grands courants d'ides se partagent la socit actuelle : le spiritualisme et le matrialisme ;quoique ce dernier forme une incontestable minorit, on ne peut se dissimuler qu'il ait pris unegrande extension depuis quelques annes. L'un et l'autre se fractionnent en une multitude de nuancesqui peuvent se rsumer dans les principales catgories suivantes :1 Les fanatiques de tous les cultes. 0.2 Les croyants satisfaits, ayant des convictions absolues, fortement arrtes et sans restriction,quoique sans fanatisme, sur tous les points du culte qu'ils professent et qui en sont satisfaits. Cettecatgorie comprend aussi les sectes qui, par cela mme qu'elles ont fait scission et opr desrformes, se croient en possession de toute la vrit, et sont parfois plus absolues que les religionsmres. 0.3 Les croyants ambitieux, ennemis des ides mancipatrices qui pourraient leur faire perdrel'ascendant qu'ils exercent sur l'ignorance. 0.4 Les croyants pour la forme, qui, par intrt, simulent une foi qu'ils n'ont pas, et presque toujoursse montrent plus rigides et plus intolrants que les religieux sincres. 0.5 Les matrialistes par systme, qui s'appuient sur une thorie raisonne et dont beaucoup seroidissent contre l'vidence, par orgueil, pour ne pas avouer qu'ils ont pu se tromper ; ils sont, pour la plupart, aussi absolus et aussi intolrants dans leur incrdulit que les fanatiques religieux le sontdans leur croyance. 0.6 Les sensualistes, qui repoussent les doctrines spiritualistes et spirites dans la crainte qu'elles neviennent les troubler dans leurs jouissances matrielles. Ils ferment les yeux pour ne pas voir. 0.7 Les insouciants, qui vivent au jour le jour, sans se proccuper de l'avenir. La plupart ne sauraientdire s'ils sont spiritualistes ou matrialistes ; le prsent est pour eux la seule chose srieuse. 0.8 Les panthistes, qui n'admettent pas une divinit personnelle, mais un principe spirituel universeldans lequel se confondent les mes, comme les gouttes d'eau dans l'ocan, sans conserver leur individualit. Cette opinion est un premier pas vers la spiritualit, et, par consquent, un progrs sur le matrialisme. Quoique un peu moins rfractaires aux ides spirites, ceux qui la professent sont engnral trs absolus, parce que c'est, chez eux, un systme prconu et raisonn, et que beaucoup ne

    se disent panthistes que pour ne pas s'avouer matrialistes. C'est une concession qu'ils font aux idesspiritualistes pour sauver les apparences. 1.9 Les distes, qui admettent la personnalit d'un Dieu unique, crateur et souverain matre de touteschoses, ternel et infini dans toutes ses perfections, mais rejettent tout culte extrieur. 3.10 Les spiritualistes sans systme, qui n'appartiennent, par conviction, aucun culte, sans enrepousser aucun, mais qui n'ont aucune ide arrte sur l'avenir. 5.11 Les croyants progressistes, attachs un culte dtermin, mais qui admettent le progrs dans lareligion, et l'accord des croyances avec le progrs des sciences. 5.12 Les croyants non satisfaits, en qui la foi est indcise ou nulle sur les points de dogmes qui nesatisfont pas compltement leur raison, et que tourmente le doute. 8.13 Les incrdules faute de mieux, dont la plupart ont pass de la foi l'incrdulit et la ngation

    de tout, faute d'avoir trouv dans les croyances dont ils ont t bercs une sanction satisfaisante pour

    - 4 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    5/241

    leur raison, mais chez lesquels l'incrdulit laisse un vide pnible qu'ils seraient heureux de voir combler. 9.14 Les libres penseurs, nouvelle dnomination par laquelle se dsignent ceux qui ne s'assujettissent l'opinion de personne en matire de religion et de spiritualit, qui ne se croient point lis par leculte o la naissance les a placs sans leur consentement, ni tenus l'observation de pratiquesreligieuses quelconques. Cette qualification ne spcifie aucune croyance dtermine ; elle peuts'appliquer toutes les nuances du spiritualisme raisonn, aussi bien qu' l'incrdulit la plus absolue.Toute croyance clectique appartient la libre pense ; tout homme qui ne se guide pas sur la foiaveugle est, par cela mme, libre penseur ; ce titre, les Spirites sont aussi des libres penseurs.Mais pour ceux qu'on peut appeler les radicaux de la libre pense, cette dsignation a une acception plus restreinte et pour ainsi dire exclusive ; pour eux, tre libre penseur, ce n'est pas seulement croire ce qu'on veut, c'est ne croire rien ; c'est s'affranchir de tout frein, mme de la crainte de Dieu et del'avenir ; la spiritualit est une gne, et ils n'en veulent pas. Sous ce symbole de l'mancipationintellectuelle, ils cherchent dissimuler ce que la qualit de matrialiste et d'athe a de rpulsif pour l'opinion des masses ; et, chose singulire, c'est qu'au nom de ce symbole, qui semble tre celui de latolrance pour toutes les opinions, ils jettent la pierre quiconque ne pense pas comme eux. Il y adonc une distinction essentielle faire entre ceux qui se disent libres penseurs, comme entre ceux quise disent philosophes. Ils se divisent naturellement en :Libres penseurs incrdules, qui rentrent dans la 5 catgorie. 0.Libres penseurs croyants, qui appartiennent toutes les nuances du spiritualisme raisonn. 9.15 Les Spirites d'intuition, ceux en qui les ides spirites sont innes et qui les acceptent comme unechose qui ne leur est pas trangre. 10.Telles sont les couches de terrain que le Spiritisme doit traverser. En jetant un coup d'il sur lesdiffrentes catgories ci-dessus, il est ais de voir celles auprs desquelles il trouve un accs plus oumoins facile, et celles contre lesquelles il se heurte comme le pic contre le granit. Il ne triomphera decelles-ci qu' l'aide des nouveaux lments que la rnovation apportera dans l'humanit : ceci estl'uvre de Celui qui dirige tout et qui fait surgir les vnements d'o doit sortir le progrs.Les chiffres placs la suite de chaque catgorie indiquent approximativement la proportion dunombre d'adeptes, sur 10, que chacune a fourni au Spiritisme.Si l'on admet, en moyenne, l'galit numrique entre ces diffrentes catgories, on voit que la partierfractaire, par sa nature, embrasse peu prs la moiti de la population. Comme elle possdel'audace et la force matrielle, elle ne se borne pas une rsistance passive : elle est essentiellementagressive ; de l une lutte invitable et ncessaire. Mais cet tat de choses ne peut avoir qu'un temps,car le pass s'en va et l'avenir arrive ; or, le Spiritisme marche avec l'avenir.C'est donc dans l'autre moiti que le Spiritisme doit se recruter, et le champ explorer est assezvaste ; c'est l qu'il doit concentrer ses efforts et qu'il verra ses bornes se reculer. Cependant cettemoiti est encore loin de lui tre entirement sympathique ; il y rencontre des rsistances opinitres,

    mais non insurmontables, comme dans la premire, et dont la plupart tiennent des prventions quis'effacent mesure que le but et les tendances de la doctrine sont mieux compris, et qui disparatrontavec le temps. Si l'on peut s'tonner d'une chose, c'est que, malgr la multiplicit des obstacles qu'ilrencontre, des embches qu'on lui tend, il ait pu arriver en quelques annes au point o il en estaujourd'hui.Un autre progrs non moins vident est celui de l'attitude de l'opposition. A part les coups de boutoir lancs de temps autre par une pliade d'crivains, toujours peu prs les mmes, qui ne voient partout que matire rire, qui riraient mme de Dieu, et dont les arguments se bornent dire quel'humanit tourne la dmence, fort surpris que le Spiritisme ait march sans leur permission, il esttrs rare de voir la doctrine prise partie dans une polmique srieuse et soutenue. Au lieu de cela,comme nous l'avons dj fait remarquer dans un prcdent article, les ides spirites envahissent la

    presse, la littrature, la philosophie ; on se les approprie sans se les avouer ; c'est pourquoi on voit chaque instant surgir dans les journaux, dans les livres, dans les sermons, au thtre, des penses

    - 5 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    6/241

    qu'on dirait puises la source mme du Spiritisme. Leurs auteurs protesteraient sans doute contre laqualification de Spirites, mais ils n'en subissent pas moins l'influence des ides qui circulent et qui paraissent justes. C'est que les principes sur lesquels repose la doctrine sont tellement rationnels,qu'ils fermentent dans une multitude de cerveaux et se font jour leur insu ; ils touchent tant dequestions, qu'il est pour ainsi dire impossible d'entrer dans la voie de la spiritualit sans faireinvolontairement du Spiritisme. C'est un des faits les plus caractristiques qui ont marqu l'anne quivient de s'couler.En faut-il conclure que la lutte est termine ? Non, assurment, et nous devons, au contraire, plus que jamais nous tenir sur nos gardes, car nous aurons des assauts d'un autre genre soutenir ; mais enattendant les rangs se renforcent, et les pas faits en avant sont autant de gagn. Gardons-nous decroire que certains adversaires se tiennent pour battus, et de prendre leur silence pour une adhsiontacite, ou mme pour de la neutralit. Persuadons-nous bien que certaines gens n'accepteront jamais,ni ouvertement ni tacitement, le Spiritisme tant qu'ils vivront, comme il y en a qui n'accepteront jamais certains rgimes politiques ; tous les raisonnements pour les y amener sont impuissants, parcequ'ils n'en veulent aucun prix ; leur aversion pour la doctrine crot en raison des dveloppementsqu'elle prend.Les attaques ciel ouvert sont devenues plus rares, parce qu'on en a reconnu l'inutilit ; mais on nedsespre pas de russir l'aide de manuvres tnbreuses. Loin de s'endormir dans une trompeusescurit, il faut plus que jamais se dfier des faux frres qui s'insinuent dans toutes les runions pour pier, et ensuite travestir ce qui s'y dit et s'y fait ; qui sment par-dessous main les lments dedsunion ; qui, sous l'apparence d'un zle factice et quelquefois intress, cherchent pousser leSpiritisme hors des voies de la prudence, de la modration et de la lgalit ; qui provoquent en sonnom des actes rprhensibles aux yeux de la loi. N'ayant pu russir le rendre ridicule, parce que, deson essence, c'est une chose srieuse, leurs efforts tendent le compromettre pour le rendre suspect l'autorit, et provoquer contre lui et ses adhrents des mesures de rigueur. Dfions-nous donc des baisers de Judas et de ceux qui veulent nous embrasser pour nous touffer.Il faut se figurer que nous sommes en guerre et que les ennemis sont notre porte, prts saisir l'occasion favorable, et qu'ils se mnagent des intelligences dans la place.En cette occurrence qu'y a-t-il faire ? Une chose fort simple : se renfermer strictement dans lalimite des prceptes de la doctrine ; s'efforcer de montrer ce qu'elle est par son propre exemple, etdcliner toute solidarit avec ce qui pourrait tre fait en son nom et serait de nature la discrditer,car ce ne saurait tre le fait d'adeptes srieux et convaincus. Il ne suffit pas de se dire Spirite ; celuiqui l'est de cur le prouve par ses actes. La doctrine ne prchant que le bien, le respect des lois, lacharit, la tolrance et la bienveillance pour tous ; rpudiant toute violence faite la conscienced'autrui, tout charlatanisme, toute pense intresse en ce qui concerne les rapports avec les Esprits,et toutes choses contraires la morale vanglique, celui qui ne s'carte pas de la ligne trace ne peutencourir ni blme fond, ni poursuites lgales ; bien plus, quiconque prend la doctrine pour rgle de

    conduite, ne peut que se concilier l'estime et la considration des gens impartiaux ; devant le bienl'incrdulit railleuse elle-mme s'incline, et la calomnie ne peut salir ce qui est sans tache. C'est dansces conditions que le Spiritisme traversera les orages qu'on amoncellera sur sa route, et qu'il sortiratriomphant de toutes les luttes.Le spiritisme ne peut pas plus tre responsable des mfaits de ceux qui il plat de se dire spirites,que la religion ne l'est des actes rprhensibles de ceux qui n'ont que les apparences de la pit.Avant donc de faire retomber le blme de tels actes sur une doctrine quelconque, il faudrait savoir sielle contient quelque maxime, quelque enseignement, qui puisse les autoriser ou mme les excuser.Si, au contraire, elle les condamne formellement, il est vident que la faute est toute personnelle et ne peut tre impute la doctrine. Mais c'est une distinction que les adversaires du spiritisme ne sedonnent pas la peine de faire ; ils sont trop heureux, au contraire, de trouver une occasion de le

    dcrier tort ou raison, sans se faire scrupule de lui attribuer ce qui ne lui appartient pas,envenimant les choses les plus insignifiantes plutt que d'en chercher les causes attnuantes.

    - 6 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    7/241

    Depuis quelque temps les runions spirites ont subi une certaine transformation. Les runions intimeset de famille se sont considrablement multiplies Paris et dans les principales villes, en raisonmme de la facilit qu'elles ont trouve se former par l'accroissement du nombre des mdiums et decelui des adeptes. Dans le principe les mdiums taient rares ; un bon mdium tait presque un phnomne ; il tait donc naturel qu'on se groupt autour de lui ; mais mesure que cette facult s'estdveloppe, les grands centres se sont fractionns, comme des essaims, en une multitude de petitsgroupes particuliers qui trouvent plus de facilit se runir, plus d'intimit et d'homognit dansleur composition. Ce rsultat, consquence de la force mme des choses, tait prvu. Ds l'originenous avons signal les cueils que devaient invitablement rencontrer les socits nombreuses,ncessairement formes d'lments htrognes, ouvrant la porte aux ambitions, et, par cela mme,en butte aux intrigues, aux cabales, aux sourdes manuvres de la malveillance, de l'envie et de la jalousie qui ne peuvent maner d'une source spirite pure. Dans les runions intimes, sans caractreofficiel, on est plus matre chez soi, on se connat mieux, et l'on reoit qui l'on veut ; le recueillementy est plus grand, et l'on sait que les rsultats y sont plus satisfaisants. Nous connaissons bon nombrede runions de ce genre dont l'organisation ne laisse rien dsirer. Il y a donc tout gagner cettetransformation.L'anne 1866 a vu en outre se raliser les prvisions des Esprits sur plusieurs points intressants pour la doctrine, entre autres sur l'extension et les nouveaux caractres que devait prendre la mdiumnit,ainsi que sur la production de phnomnes de nature appeler l'attention sur le principe de laspiritualit, bien qu'en apparence trangers au spiritisme. La mdiumnit gurissante s'est rvle augrand jour dans les circonstances les plus propres faire sensation ; elle germe chez beaucoupd'autres personnes. Dans certains groupes on a vu se manifester de nombreux cas de somnambulismespontan, de mdiumnit parlante, de seconde vue et d'autres varits de la facult mdianimique quiont pu fournir d'utiles sujets d'tude. Ces facults, sans tre prcisment nouvelles, sont encore l'tat naissant chez une foule d'individus ; elles ne se montrent que dans des cas isols et s'essayent pour ainsi dire dans l'intimit ; mais avec le temps elles acquerront plus d'intensit et sevulgariseront. C'est surtout lorsqu'elles se rvlent spontanment chez des personnes trangres auSpiritisme qu'elles appellent plus fortement l'attention, parce qu'on ne peut supposer de connivence,ni admettre l'influence d'ides prconues. Nous nous bornons signaler le fait, que chacun peutconstater, et dont le dveloppement ncessiterait des dtails trop tendus. Nous aurons d'ailleursoccasion d'y revenir dans des articles spciaux.En rsum, si rien de trs clatant n'a signal la marche du Spiritisme en ces derniers temps, nous pouvons dire qu'elle se poursuit dans les conditions normales traces par les Esprits, et que nousn'avons qu' nous fliciter de l'tat des choses.

    Penses spirites qui courent le monde

    Dans notre dernier numro nous avons rapport quelques-unes des penses que l'on trouve et ldans la presse, et que le Spiritisme peut revendiquer comme parties intgrantes de la doctrine ; nouscontinuerons rapporter de temps en temps celles qui viendront notre connaissance. Ces citationsont leur ct utile et instructif, en ce qu'elles prouvent la vulgarisation des ides spirites.Dans la revue hebdomadaire du Sicle du 2 dcembre, M. E. Texier, rendant compte d'un nouvelouvrage de M. P.-J. Stahl, intitul Bonnes fortunes parisiennes, s'exprime ainsi ; Ce qui distingue ces Bonnes fortunes parisiennes, c'est la dlicatesse de touche dans la peinture dusentiment, c'est la bonne odeur du livre qu'on respire comme une brise. Rarement on avait trait cesujet si vaste, si explor, si rebattu et toujours neuf, l'amour, avec plus de science vraie, d'observationsentie, plus de tact et de lgret de main. On a dit que, dans une existence antrieure, Balzac avaitd tre femme ; on pourrait dire aussi que Stahl a t jeune fille. Tous les petits secrets du cur quis'ouvre au contact de la premire ivresse, il les saisit et les fixe jusque dans leurs nuances les plus

    - 7 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    8/241

    fines. Il a mieux fait qu'tudier ses hrones ; on dirait qu'il a ressenti toutes leurs impressions, tousleurs frmissements, tous ces jolis chocs, joie ou douleur, qui se succdent dans l'me fminine etl'emplissent aux premiers bourgeons de la floraison d'avril. Ce n'est pas la premire fois que l'ide des existences antrieures est exprime en dehors duSpiritisme. L'auteur de l'article n'a pas pargn jadis les sarcasmes la croyance nouvelle, au sujetdes frres Davenport, en qui, comme la plupart de ses confrres en journalisme, il a cru et croit peut-tre encore la doctrine incarne. En crivant ces lignes, il ne se doutait pas, sans doute, qu'il enformulait un des principes les plus importants. Qu'il l'ait fait srieusement ou non, peu importe ! Lachose n'en prouve pas moins que les incrdules eux-mmes trouvent dans la pluralit des existences,ne ft-elle admise qu' titre d'hypothse, l'explication des aptitudes innes de l'existence actuelle.Cette pense, jete des millions de lecteurs par le vent de la publicit, se popularise, s'infiltre dansles croyances ; on s'y habitue ; chacun y cherche la raison d'tre d'une foule de choses incomprises,de ses propres tendances : ici en plaisantant, et l srieusement ; la mre dont l'enfant est tant soit peu prcoce sourit volontiers l'ide qu'il a pu tre un homme de gnie. Dans notre sicle raisonneur, onveut se rendre compte de tout ; il rpugne au plus grand nombre de voir, dans les bonnes et lesmauvaises qualits apportes en naissant, un jeu du hasard ou un caprice de la divinit ; la pluralitdes existences rsout la question en montrant que les existences s'enchanent et se compltent lesunes par les autres. De dduction en dduction on arrive trouver, dans ce principe fcond, la clef detous les mystres, de toutes les anomalies apparentes de la vie morale et matrielle, des ingalitssociales, des biens et des maux d'ici-bas ; l'homme sait enfin d'o il vient, o il va, pourquoi il est sur la terre, pourquoi il y est heureux ou malheureux, et ce qu'il doit faire pour assurer son bonheur venir.Si l'on trouve rationnel d'admettre que nous avons dj vcu sur la terre, il ne l'est pas moins quenous pouvons y revivre encore. Comme il est vident que ce n'est pas le corps qui revit, ce ne peuttre que l'me ; cette me a donc conserv son individualit ; elle ne s'est point confondue dans letout universel ; pour conserver ses aptitudes, il faut qu'elle soit reste elle-mme. Le seul principe dela pluralit des existences est, comme on le voit, la ngation du matrialisme et du panthisme.Pour que l'me puisse accomplir une srie d'existences successives dans le mme milieu, il fautqu'elle ne se perde point dans les profondeurs de l'infini ; elle doit rester dans la sphre d'activitterrestre. Voil donc le monde spirituel qui nous environne, au milieu duquel nous vivons, danslequel se dverse l'humanit corporelle, comme lui-mme se dverse dans celle-ci. Or, appelez cesmes Esprits, et nous voil en plein Spiritisme.Si Balzac a pu tre femme et Stahl jeune fille, les femmes peuvent donc s'incarner hommes, et, par consquent, les hommes s'incarner femmes. Il n'y a donc entre les deux sexes qu'une diffrencematrielle, accidentelle et temporaire, une diffrence de vtement charnel ; mais quant la natureessentielle de l'tre, elle est la mme. Or, de l'galit de nature et d'origine, la logique conclut l'galit des droits sociaux. On voit quelles consquences conduit le seul principe de la pluralit des

    existences. M. Texier ne croyait probablement pas avoir tant dit dans les quelques lignes que nousavons cites.Mais, dira-t-on peut-tre, le Spiritisme admet la prsence des mes au milieu de nous et leursrapports avec les vivants, et voil o est l'absurde. Ecoutons sur ce point M. l'abb V, nouveaucur de Saint-Vincent de Paul. Dans le discours qu'il a prononc le dimanche 25 novembre dernier pour son installation, faisant l'loge du patron de la paroisse, il dit : l'Esprit de saint Vincent dePaul est ici, je l'affirme, mes frres ; oui, il est au milieu de nous ; il plane sur cette assemble ; ilnous voit et nous entend ; je le sens prs de moi qui m'inspire. Qu'aurait dit de plus un Spirite ? Sil'Esprit de saint Vincent de Paul est dans l'assemble, par quoi y est-il attir, si ce n'est par la pensesympathique des assistants ? C'est ce que dit le Spiritisme. S'il y est, d'autres Esprits peuventgalement s'y trouver : voil le monde spirituel qui nous entoure. Si M. le cur subit son influence, il

    peut subir celle d'autres Esprits, ainsi que d'autres personnes : il y a donc des rapports entre le mondespirituel et le monde corporel. S'il parle par l'inspiration de cet Esprit, il est donc mdium parlant ;

    - 8 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    9/241

    mais s'il parle, il peut tout aussi bien crire sous cette mme inspiration, et sans doute il l'a fait plusd'une fois sans s'en douter : le voil donc mdium crivain inspir, intuitif. Cependant si on lui disaitqu'il a prch le Spiritisme, il s'en dfendrait probablement de toutes ses forces.Mais sous quelle apparence l'Esprit de saint Vincent de Paul pouvait-il tre dans cette assemble ? SiM. le cur ne le dit pas, saint Paul le dit : c'est avec le corps spirituel ou fluidique, le corpsincorruptible que revt l'me aprs la mort, et auquel le spiritisme donne le nom de prisprit.Le prisprit, l'un des lments constitutifs de l'organisme humain, constat par le spiritisme, avait tsouponn depuis longtemps. Il est impossible d'tre plus explicite cet gard que M. Charpignondans son ouvrage sur le magntisme, publi en 18421. On lit, en effet, chap. II, page 355 : Les considrations psychologiques auxquelles nous venons de nous livrer ont eu pour rsultat denous fixer sur la ncessit d'admettre, dans la composition de l'individualit humaine, une vritabletrinit, et de trouver dans ce compos trinaire un lment d'une nature essentiellement diffrente desdeux autres parties, lment saisissable, plutt par ses facults phnomnales, que par ses propritsconstitutives ; car la nature d'un tre spirituel chappe nos moyens d'investigations. L'homme estdonc un tre mixte, un organisme composition double, savoir : combinaison d'atomes formant lesorganes, et un lment de nature matrielle, mais indcomposable, dynamique par essence, en unmot, un fluide impondrable. Voil pour la partie matrielle. Maintenant, comme lmentcaractristique de l'espce hominale : cet tre simple, intelligent, libre et volontaire, que les psychologues appellent me Ces citations et les rflexions qui les accompagnent, ont pour but de montrer que l'opinion est bienmoins loigne des ides spirites qu'on ne pourrait le croire, et que la force des choses et l'irrsistiblelogique des faits y conduisent par une pente toute naturelle. Ce n'est donc pas une vaine prsomptionde dire que l'avenir est nous.

    Les Romans Spirites

    L'assassinat du Pont-Rouge, par Ch. BarbaraLe roman peut tre une manire d'exprimer des penses spirites sans se compromettre, car l'auteur craintif peut toujours rpondre la critique railleuse qu'il n'a entendu faire qu'une uvre de fantaisie,ce qui est vrai pour le grand nombre ; or, la fantaisie tout est permis. Mais fantaisie ou non, ce n'enest pas moins une des formes la faveur de laquelle l'ide spirite peut pntrer dans les milieux oelle ne serait pas accepte sous une forme srieuse.Le Spiritisme est encore trop peu, ou mieux trop mal connu de la littrature, pour avoir fourni le sujetde beaucoup d'ouvrages de ce genre ; le principal, comme on le sait, est celui que Thophile Gautier a publi sous le nom de Spirite, et encore peut-on reprocher l'auteur de s'tre cart, sur plusieurs

    points, de l'ide vraie.Un autre ouvrage dont nous avons galement parl, et qui, sans tre fait spcialement en vue duSpiritisme, s'y rattache par un certain ct, est celui de M. Elie Berthet, publi en feuilletons dans leSicle, en septembre et octobre 1865, sous le titre de La double vue. Ici l'auteur fait preuve d'uneconnaissance approfondie des phnomnes dont il parle, et son livre joint ce mrite celui du style etd'un intrt soutenu. Il est en mme temps moral et instructif.La seconde vie, de X.-B. Saintine, publie en feuilletons dans le grand Moniteur en fvrier 1864, estune srie de nouvelles qui n'ont ni le fantastique impossible, ni le caractre lugubre des rcits d'Edgar Poe, mais la douce et gracieuse simplicit de scnes intimes entre les habitants de ce monde et ceuxde l'autre, auquel M. Saintine croyait fermement. Bien que ce soient des histoires de fantaisie, elless'cartent peu, en gnral, des phnomnes dont maintes personnes ont pu tre tmoins. Au reste

    1 Physiologie, mdecine et mtaphysique du magntisme , par Charpignon, 1 vol. in-8,Paris. Baillire, 17, rue de l'Ecole-de-Mdecine. Prix : 6 fr.

    - 9 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    10/241

    nous savons que, de son vivant, l'auteur que nous avons personnellement connu, n'tait ni incrdule,ni matrialiste ; les ides spirites lui taient sympathiques, et ce qu'il crivait tait le reflet de sa propre pense.Sraphita de Balzac est un roman philosophique bas sur la doctrine de Swedenborg. Dans Consueloet la Comtesse de Rudofstadt de madame George Sand, le principe de la rincarnation joue un rlecapital. Le Drag, du mme auteur, est une comdie joue, il y a quelques annes, au Vaudeville, etdont la donne est entirement spirite. Elle est fonde sur une croyance populaire chez les marins dela Provence. Le Drag est un Esprit malin, plus espigle que mchant, qui se plat jouer de mauvaistours. On le voit sous la figure d'un jeune homme, exercer son influence et contraindre un individu crire contre sa propre volont. La presse, d'ordinaire si bienveillante pour cet crivain, s'est montresvre l'gard de cette pice qui mritait un meilleur accueil.La France n'a pas la seule le monopole de ces sortes de productions. Le Progrs colonial de l'leMaurice a publi en 1865, sous le titre dHistoires de l'autre monde, racontes par des Esprits, unroman qui n'occupait pas moins de vingt-huit feuilletons, dont le Spiritisme faisait toute l'intrigue, eto l'auteur, M. de Germonville, a fait preuve d'une connaissance parfaite de son sujet.Dans quelques autres romans, l'ide spirite fournit simplement le sujet d'pisodes. M. AurlienScholl, dans ses Nouveaux mystres de Paris, publis par le Petit Journal, l'auteur fait intervenir unmagntiseur qui interroge une table par la typtologie, puis une jeune fille mise en somnambulisme,dont les rvlations mettent quelques-uns des assistants sur les pines. La scne est bien rendue et parfaitement vraisemblable. (Petit Journal du 23 octobre 1866.)La rincarnation est une des ides les plus fcondes pour les romanciers, et qui peut fournir des effetsd'autant plus saisissants qu'ils ne s'cartent en rien des possibilits de la vie matrielle. M. CharlesBarbara, jeune crivain mort il y a quelques mois dans une maison de sant, en a fait une desapplications les plus heureuses dans son roman intitul l'Assassinat du Pont-Rouge, que l'vnementa dernirement reproduit en feuilletons.Le sujet principal est un agent de change qui se sauvait l'tranger en emportant la fortune de sesclients. Attir par un individu dans une misrable maison sous le prtexte de favoriser sa fuite, il yest assassin, dpouill, puis jet la Seine, de concert avec une femme nomme Rosalie quidemeurait chez cet homme. L'assassin agit avec une telle prudence et sut si bien prendre ses prcautions, que toute trace du crime disparut, et que tout soupon de meurtre fut cart. Peu aprs ilpousa sa complice Rosalie, et tous deux purent dsormais vivre dans l'aisance sans craindre aucune poursuite, sinon celle du remords, lorsqu'une circonstance vint mettre le comble leurs angoisses.Voici comment il la raconte lui-mme : Cette quitude fut trouble ds les premiers jours de notre mariage. A moins de l'interventiondirecte d'une puissance occulte, il faut convenir que le hasard se montra ici trangement intelligent.Si merveilleux, que paraisse le fait, vous ne penserez mme pas le mettre en doute, puisque, aussi bien, vous en avez la preuve vivante en mon fils. Bien des gens, au reste, ne manqueraient pas d'y

    voir un fait purement physique et physiologique et de l'expliquer rationnellement. Quoi qu'il en soit, je remarquai tout coup des traces de tristesse sur le visage de Rosalie. Je lui en demandai la raison.Elle luda de me rpondre.Le lendemain et les jours suivants, sa mlancolie ne faisant que crotre, je la conjurai de me tirer d'inquitude. Elle finit par m'avouer une chose qui ne laissa pas que de m'mouvoir au plus hautdegr. La premire nuit mme de nos noces, en mon lieu et place, bien que nous fussions dansl'obscurit, elle avait vu, mais vu, prtendait-elle, comme je vous vois, la figure ple de l'agent dechange. Elle avait puis inutilement ses forces chasser ce qu'elle prenait d'abord pour un simplesouvenir ; le fantme n'tait sorti de ses yeux qu'aux premires lueurs du crpuscule. De plus, ce quicertes tait de nature justifier son effroi, la mme vision l'avait perscute avec une tnacitanalogue pendant plusieurs nuits de suite.

    Je simulai un profond ddain et tchai de la convaincre qu'elle avait t dupe tout uniment d'unehallucination. Je compris, au chagrin qui s'empara d'elle et se tourna insensiblement en cette langueur

    - 10 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    11/241

    o vous l'avez vue, que je n'avais point russi lui inculquer mon sentiment. Une grossesse pnible,agite, quivalente une maladie longue et douloureuse, empira encore ce malaise d'esprit ; et si unaccouchement heureux, en la comblant de joie, eut une influence salutaire sur son moral, ce fut de bien courte dure. Je me vis contraint, par-dessus cela, de la priver du bonheur d'avoir son enfantauprs d'elle, puisque, par rapport mes ressources officielles, une nourrice demeure chez moi et paru une dpense au-dessus de mes moyens.mus de sentiments figurer dignement dans une pastorale, nous allions voir notre enfant dequinzaine en quinzaine. Rosalie l'aimait jusqu' la passion, et moi-mme je n'tais pas loin de l'aimer avec frnsie ; car, chose singulire, sur les ruines amonceles en moi, les instincts de la paternitseuls restaient encore debout. Je m'abandonnais des rves ineffables ; je me promettais de fairedonner une ducation solide mon enfant, de le prserver, s'il tait possible, de mes vices, de mesfautes, de mes tortures ; il tait ma consolation, mon esprance.Quand je dis moi, je parle galement de la pauvre Rosalie, qui se sentait heureuse rien qu' l'ide devoir ce fils grandir ses cts. Quelles ne furent donc pas nos inquitudes, notre anxit, quant, mesure que l'enfant se dveloppait, nous apermes sur son visage des lignes qui rappelaient celuid'une personne que nous eussions voulu jamais oublier. Ce ne fut d'abord qu'un doute sur lequelnous gardmes le silence, mme vis--vis l'un de l'autre. Puis la physionomie de l'enfant approcha ce point de celle de Thillard, que Rosalie m'en parla avec pouvante, et que moi-mme je ne puscacher qu' demi mes cruelles apprhensions. Enfin, la ressemblance nous apparut telle, qu'il noussembla vraiment que l'agent de change ft ren en notre fils.Le phnomne et boulevers un cerveau moins solide que le mien. Trop ferme encore pour avoir peur, je prtendis rester insensible au coup qu'il portait mon affection paternelle, et faire partager mon indiffrence Rosalie. Je lui soutins qu'il n'y avait l qu'un hasard ; j'ajoutai qu'il n'tait rien de plus changeant que le visage des enfants, et que, probablement, cette ressemblance s'effacerait avecl'ge ; finalement, qu'au pis aller, il nous serait toujours facile de tenir cet enfant l'cart. J'chouaicompltement. Elle s'obstina voir dans l'identit des deux figures un fait providentiel, le germe d'unchtiment effroyable qui tt ou tard devait nous craser, et, sous l'empire de cette conviction, sonrepos fut pour toujours dtruit.D'autre part, sans parler de l'enfant, quelle tait notre vie ? Vous avez pu vous-mme en observer letrouble permanent, les agitations, les secousses chaque jour plus violentes. Quand toute trace de moncrime avait disparu, quand je n'avais plus rien craindre absolument des hommes, quand l'opinionsur moi tait devenue unanimement favorable, au lieu d'une assurance fonde en raison, je sentaiscrotre mes inquitudes, mes angoisses, mes terreurs. Je m'inquitais moi-mme avec les fables les plus absurdes ; dans le geste, la voix, le regard du premier venu, je voyais une allusion mon crime.Les allusions m'ont tenu incessamment sur le chevalet du bourreau. Souvenez-vous de cette soire oM. Durosoir raconta une de ses instructions. Dix annes de douleurs lancinantes qui n'quivaudront jamais ce que je ressentis au moment o, sortant de la chambre de Rosalie, je me trouvai vis--vis

    du juge qui me regardait au visage. J'tais de verre ; il lisait jusqu'au fond de ma poitrine. Un instant j'entrevis l'chafaud. Rappelez-vous ce dicton : Il ne faut pas parler de corde dans la maison d'un pendu, et vingt autres dtails de ce genre. C'tait un supplice de tous les jours, de toutes les heures,de toutes les secondes. Quoi que j'en eusse, il se faisait dans mon esprit des ravages effrayants.L'tat de Rosalie tait de beaucoup plus douloureux encore : elle vivait vraiment dans les flammes.La prsence de l'enfant dans la maison acheva d'en rendre le sjour intolrable. Incessamment, jour etnuit, nous vcmes au milieu des scnes les plus cruelles. L'enfant me glaait d'horreur. Je faillisvingt fois l'touffer. Outre cela, Rosalie qui se sentait mourir, qui croyait la vie future, auxchtiments, aspirait se rconcilier avec Dieu. Je la raillais, je l'insultais, je la menaais de la battre.J'entrais dans des fureurs l'assassiner. Elle mourut temps pour me prserver d'un deuxime crime.Quelle agonie ! Elle ne sortira jamais de ma mmoire.

    Depuis je n'ai pas vcu. Je m'tais flatt de n'avoir plus de conscience : ces remords grandissent mes cts, en chair et en os, sous la forme de mon enfant. Cet enfant, dont, malgr l'imbcillit, je

    - 11 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    12/241

    consens tre le gardien et l'esclave, ne cesse de me torturer par son air, ses regards tranges, par lahaine instinctive qu'il me porte. N'importe o que j'aille, il me suit pas pas, il marche ou s'assieddans mon ombre. La nuit, aprs une journe de fatigue, je le sens mes cts, et son contact suffit chasser le sommeil de mes yeux ou tout au moins me troubler de cauchemars. Je crains que tout coup la raison ne lui vienne, que sa langue ne se dlie, qu'il ne parle et ne m'accuse.L'inquisition, dans son gnie des tortures, Dante lui-mme, dans sa Suppliciomanie, n'ont jamais rienimagin de si pouvantable. J'en deviens monomane. Je me surprends dessinant la plume lachambre o je commis mon crime ; j'cris au bas cette lgende : Dans cette chambre, j'empoisonnail'agent de change Thillard-Ducornet, et je signe. C'est ainsi, que dans mes heures de fivre, j'aidtaill sur mon journal peu prs mot pour mot tout ce que je vous ai racont.Ce n'est pas tout. J'ai russi me soustraire au supplice dont les hommes chtient le meurtrier, etvoil que ce supplice se renouvelle pour moi presque chaque nuit.Je sens une main sur mon paule et j'entends une voix qui murmure mon oreille : Assassin ! Je suis men devant des robes rouges ; une ple figure se dresse devant moi et s'crie : Le voil ! C'est mon fils. Je nie. Mon dessin et mes propres mmoires me sont reprsents avecma signature. Vous le voyez, la ralit se mle au songe et ajoute mon pouvante. J'assiste enfin toutes les pripties d'un procs criminel. J'entends ma condamnation : Oui, il est coupable. Onme conduit dans une salle obscure o viennent me joindre le bourreau et ses aides. Je veux fuir, desliens de fer m'arrtent, et une voix me crie : Il n'est plus pour toi de misricorde ! J'prouve jusqu' la sensation du froid des ciseaux sur mon cou. Un prtre prie mes cts et m'invite parfoisau repentir.Je le repousse avec mille blasphmes. Demi-mort, je suis cahot par les mouvements d'une charrettesur le pav d'une ville ; j'entends les murmures de la multitude comparables ceux des vagues de lamer, et, au-dessus, les imprcations de mille voix. J'arrive en vue de l'chafaud. J'en gravis lesdegrs. Je ne me rveille que juste l'heure o le couteau glisse entre les rainures, quand, toutefois,mon rve ne continue pas, quand je ne suis pas tran en prsence de celui que j'ai voulu nier, deDieu mme, pour y avoir les yeux brls par la lumire, pour y plonger dans l'abme de mesiniquits, pour y tre supplici par le sentiment de ma propre infamie. J'touffe, la sueur m'inonde,l'horreur comble mon me. Je ne sais plus combien de fois dj j'ai subi ce supplice. L'ide de faire revivre la victime dans l'enfant mme de l'assassin, et qui est l comme l'imagevivante de son crime, attache ses pas, est la fois ingnieuse et trs morale. L'auteur a voulumontrer que, si ce criminel sait chapper aux poursuites des hommes, il ne saurait se soustraire celles de la Providence. Il y a ici plus que le remords, c'est la victime qui se dresse sans cesse devantlui, non sous l'apparence d'un fantme ou d'une apparition qu'on pourrait regarder comme un effet del'imagination frappe, mais sous les traits de son enfant ; c'est la pense que cet enfant peut tre lavictime elle-mme, pense corrobore par l'aversion instinctive de l'enfant, quoique idiot, pour son pre ; c'est la lutte de la tendresse paternelle contre cette pense qui le torture, lutte horrible qui ne

    permet pas au coupable de jouir paisiblement du fruit de son crime, comme il s'en tait flatt.Ce tableau a le mrite d'tre vrai, ou mieux parfaitement vraisemblable ; c'est--dire que rien nes'carte des lois naturelles que nous savons aujourd'hui rgir les rapports des tres humains entre eux.Ici, rien de fantastique ni de merveilleux ; tout est possible et justifi par les nombreux exemples quenous avons d'individus renaissant dans le milieu o ils ont dj vcu, en contact avec les mmesindividus, pour avoir occasion de rparer des torts, ou d'accomplir des devoirs de reconnaissance.Admirons ici la sagesse de la Providence qui jette, pendant la vie, un voile sur le pass, sans lequelles haines se perptueraient, tandis qu'elles finissent par s'apaiser dans ce contact nouveau et sousl'empire des bons procds rciproques. C'est ainsi que, petit petit, le sentiment de la fraternit finit par succder celui de l'hostilit. Dans le cas dont il s'agit, si l'assassin avait eu une certitude absoluesur l'identit de son enfant, il aurait pu chercher sa sret dans un nouveau crime ; le doute le laissait

    aux prises avec la voix de la nature qui parlait en lui par celle de la paternit ; mais le doute tait un

    - 12 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    13/241

    cruel supplice, une anxit perptuelle par la crainte que cette fatale ressemblance n'ament ladcouverte du crime.D'un autre ct, l'agent de change, coupable lui-mme, avait, sinon comme incarn, mais commeEsprit, la conscience de sa position. S'il servait d'instrument au chtiment de son meurtrier, sa position tait aussi pour lui un supplice ; ainsi ces deux individus, coupables tous les deux, se punissaient l'un par l'autre, tout en tant arrts dans leur ressentiment mutuel par les devoirs que leur imposait la nature. Cette justice distributive qui chtie par des moyens naturels, par la consquencede la faute mme, mais qui laisse toujours la porte ouverte au repentir et la rhabilitation, qui placele coupable sur la voie de la rparation, n'est-elle pas plus digne de la bont de Dieu que lacondamnation irrmissible aux flammes ternelles ? Parce que le Spiritisme repousse l'ide de l'enfer tel qu'on le reprsente, peut-on dire qu'il enlve tout frein aux mauvaises passions ? On comprend cegenre de punition ; on l'accepte, parce qu'il est logique ; il impressionne d'autant plus qu'on le sentquitable et possible. Cette croyance est un frein autrement puissant que la perspective d'un enfer auquel on ne croit plus, et dont on se rit.Voici un exemple rel de l'influence de cette doctrine, pour un cas qui, bien que moins grave, ne prouve pas moins la puissance de son action :Un monsieur, de notre connaissance personnelle, Spirite fervent et clair, vit avec un trs proche parent que diffrents indices ayant un grand caractre de probabilit lui font croire avoir t son pre.Or, ce parent n'agit pas toujours envers lui comme il le devrait. Sans cette pense, ce monsieur aurait,en maintes circonstances, pour des affaires d'intrt, us d'une rigueur qui tait dans son droit, et provoqu une rupture ; mais l'ide que ce pouvait tre son pre l'a retenu ; il s'est montr patient,modr ; il a endur ce qu'il n'et pas souffert de la part d'une personne qu'il aurait considrecomme lui tant trangre. Il n'y avait pas, du vivant du pre, une grande sympathie entre celui-ci etson fils ; mais la conduite du fils en cette circonstance n'est-elle pas de nature les rapprocher spirituellement, et dtruire les prventions qui les loignaient l'un de l'autre ? S'ils sereconnaissaient d'une manire certaine, leur position respective serait trs fausse et trs gnante ; ledoute o est le fils suffit pour l'empcher de mal agir, mais le laisse cependant tout son libre arbitre.Que le parent ait t ou non son pre, le fils n'en a pas moins le mrite du sentiment de la pitfiliale ; s'il ne lui est rien, il lui sera toujours tenu compte de ses bons procds, et le vritable Espritde son pre lui en saura gr.Vous qui raillez le Spiritisme, parce que vous ne le connaissez pas, si vous saviez ce qu'il renfermede puissance pour la moralisation, vous comprendriez tout ce que la socit gagnera sa propagation, et vous seriez les premiers y applaudir ; vous la verriez transforme sous l'empire decroyances qui conduisent, par la force mme des choses et par les lois mmes de la nature, lafraternit et la vritable galit ; vous comprendriez que seul il peut triompher des prjugs qui sontla pierre d'achoppement du progrs social, et au lieu de bafouer ceux qui le propagent, vous lesencourageriez, parce que vous sentiriez qu'il y va de votre propre intrt, de votre scurit. Mais

    patience ! cela viendra, ou, pour mieux dire, cela vient dj ; chaque jour les prventions s'apaisent,l'ide se propage, s'infiltre sans bruit, et l'on commence voir qu'il y a l quelque chose de plussrieux qu'on ne pensait. Le temps n'est pas loign o les moralistes, les aptres du progrs, yverront le plus puissant levier qu'ils aient jamais eu entre les mains.En lisant le roman de M. Charles Barbara, on pourrait croire qu'il tait Spirite fervent ; il n'en taitrien cependant. Il est mort, avons-nous dit, dans une maison de sant, en se jetant par la fentre dansun accs de fivre chaude. C'tait un suicide, mais attnu par les circonstances. Evoqu peu detemps aprs la socit de Paris, et interrog sur ses ides touchant le Spiritisme, voici lacommunication qu'il a donne ce sujet :

    Paris, 19 octobre 1 866 ; md. M. Morin

    Permettez, messieurs, un pauvre Esprit malheureux et souffrant, de vous demander l'autorisation devenir assister vos sances, toutes d'instruction, de dvouement, de fraternit et de charit. Je suis le

    - 13 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    14/241

    malheureux qui avait nom Barbara, et, si je vous demande cette grce, c'est que l'Esprit a dpouill levieil homme, et ne se croit plus aussi suprieur en intelligence qu'il le croyait de son vivant.Je vous remercie de votre appel, et, autant qu'il est en mon pouvoir, je vais essayer de rpondre laquestion motive par une page d'un de mes ouvrages ; mais, je vous prierai, au pralable, de faire la part de mon tat actuel, qui se ressent fortement du trouble, tout naturel du reste, que l'on prouve passer brusquement d'une vie une autre vie.Je suis troubl pour deux causes principales : la premire tient mon preuve qui tait de supporter les douleurs physiques que j'ai prouves, ou plutt que mon corps a prouves, lorsque je me suissuicid. Oui, messieurs, je ne crains pas de le dire, je me suis suicid, car si mon Esprit tait gar par moments, je l'ai possd avant de me briser sur le pav, et j'ai dit : tant mieux ! Quelle fauteet quelle faiblesse ! Les luttes de la vie matrielle taient finies pour moi, mon nom tait connu, jen'avais plus dsormais qu' marcher dans la voie qui m'tait ouverte et qui tait si facile suivre !J'ai eu peur ! et pourtant aux heures d'incertitude et de dcouragement, j'avais lutt quand mme.La misre et ses consquences ne m'avaient pas rebut, et c'est lorsque tout tait fini pour moi, que jem'criai : Le pas est fait, tant mieux ! je n'aurai plus souffrir ! Egoste et ignorant !La seconde, c'est que, lorsqu'aprs avoir err dans la vie, entre la conviction du nant et le pressentiment d'un Dieu qui ne pouvait tre qu'une puissance seule, unique, grande, juste, bonne et belle, on se trouve en prsence d'une multitude innombrable d'tres ou Esprits qui vous ont connu,que vous avez aims ; que vous retrouvez vivantes vos affections, vos tendresses, vos amours ; quandvous vous apercevez, en un mot, que vous n'avez fait que changer de domicile. Alors, vous concevez,messieurs, qu'il est tout naturel qu'un pauvre tre qui a vcu entre le bien et le mal, entre la croyanceet l'incrdulit sur une autre vie, il est bien naturel, dis-je, qu'il soit troubl de bonheur, de joie,d'motion, un peu de honte, en se voyant oblig de s'avouer lui-mme que, dans ses crits, ce qu'ilattribuait son imagination en travail, tait une puissante ralit, et que souvent l'homme de lettresqui se bouffit d'orgueil en voyant lire et en entendant applaudir des pages qu'il croyait son uvre,n'est parfois qu'un instrument qui crit sous l'influence de ces mmes puissances occultes dont il jettele nom au hasard de la plume dans un livre.Combien de grands auteurs de tous les temps ont crit, sans en connatre toute la valeur philosophique, des pages immortelles, jalons du progrs, placs par eux et par l'ordre d'une puissancesuprieure, pour que, dans un temps donn, la runion de tous ces matriaux pars forme un toutd'autant plus solide qu'il est le produit de plusieurs intelligences, car l'ouvrage collectif est lemeilleur : c'est, du reste, celui que Dieu assignera l'homme, car la grande loi de la solidarit estimmuable. Non, messieurs, non, je ne connaissais nullement le Spiritisme, lorsque j'crivais ce roman, et je vousavoue que je remarquai moi-mme avec surprise la tournure profonde des quelques lignes que vousavez lues, sans en comprendre toute la porte que je vois clairement aujourd'hui. Depuis que je lesavais crites, j'ai appris rire du Spiritisme, pour faire comme mes clairs collgues, et ne point

    vouloir paratre plus avanc dans le ridicule qu'ils ne voulaient l'tre eux-mmes. J'ai ri ! ; je pleuremaintenant ; mais j'espre aussi, car on me l'a appris ici : tout repentir sincre est un progrs, et tout progrs mne au bien. N'en doutez pas messieurs, beaucoup d'crivains sont souvent des instruments inconscients pour la propagation des ides que les puissances invisibles croient utiles au progrs de l'humanit. Ne voustonnez donc pas d'en voir qui crivent sur le Spiritisme sans y croire ; pour eux c'est un sujet commeun autre qui prte l'effet, et ils ne se doutent pas qu'ils y sont pousss leur insu. Toutes ces penses spirites que vous voyez mises par ceux mmes qui, ct de cela, font de l'opposition, leur sont suggres, et elles n'en font pas moins leur chemin. J'ai t de ce nombre.Priez pour moi, messieurs, car la prire est un baume ineffable ; la prire est la charit que l'on doitfaire aux malheureux de l'autre monde, et j'en suis un.

    Barbara

    - 14 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    15/241

    Varits

    Portrait physique des SpiritesOn lit dans la France du 14 septembre 1866 : La foi robuste des gens qui croient quand mme toutes les merveilles, si souvent dmenties, duSpiritisme, est en vrit admirable. On leur montre le truc des tables tournantes, et ils croient ; onleur dvoile les impostures de l'armoire Davenport, et ils croient plus fort ; on leur exhibe toutes lesficelles, on leur fait toucher le mensonge du doigt, on leur crve les yeux par l'vidence ducharlatanisme, et leur croyance n'en devient que plus acharne. Inexplicable besoin de l'impossible !Credo quia absurdum.Le Messager franco-amricain, de New York, parle d'une convention des adeptes du Spiritisme quivient de se runir Providence (Rhode-Island). Hommes et femmes se distinguent par un air del'autre monde ; la pleur du teint, l'maciation de la face, la prophtique rverie des yeux, perdusdans un vague ocanique, tels sont, en gnral, les signes extrieurs du Spirite. Ajoutez que,

    contrairement l'usage gnral, les femmes ont les cheveux coups ras, la mal-content, comme ondisait autrefois, tandis que les hommes portent une chevelure plantureuse, absalonique, tous crins,descendant jusqu'aux paules. Il faut bien, quand on fait commerce avec les Esprits, se distinguer ducommun des mortels, de la vile multitude.Plusieurs discours, trop de discours, ont t prononcs. Les orateurs, sans plus se proccuper desdmentis de la science que de ceux du sens commun, ont imperturbablement rappel la longue srie,que chacun sait par cur, des faits merveilleux attribus au Spiritisme.Miss Susia Johnson a dclar que, sans vouloir se poser en prophtesse, elle prvoyait que les tempssont proches o la grande majorit des hommes ne sera plus rebelle aux mystiques rvlations de lareligion nouvelle. Elle appelle de tous ses vux la cration de nombreuses coles o les enfants desdeux sexes suceront, ds l'ge le plus tendre, les enseignements du Spiritisme. Il ne manquerait plus

    que cela ! Sous le titre de : Toujours les Spirites ! l'vnement du 26 aot 1866 publiait un trs long article dontnous extrayons le passage suivant : Etes-vous all jamais dans quelque runion de Spirites, un soir de dsuvrement ou de curiosit ?C'est un ami qui vous conduit gnralement. On monte haut, les Esprits aimant se rapprocher duciel, dans quelque petit appartement dj rempli ; vous entrez en jouant du coude.Des gens s'entassent, figures bizarres, gestes d'nergumnes. On touffe dans cette atmosphre,on se presse, on se penche vers les tables o des mdiums, l'il au plafond, le crayon la main,crivent les lucubrations qui passent par l. C'est d'abord une surprise ; on cherche parmi tous cesgens reposer son regard, on interroge, on devine, on analyse.Vieilles femmes aux yeux avides, jeunes gens maigres et fatigus, la promiscuit des rangs et celledes ges, des portires du voisinage et des grandes dames du quartier, de l'indienne et des guipures,des potesses de hasard et des prophtesses de rencontre, des tailleurs et des laurats de l'Institut ; onfraternise dans le Spiritisme. On attend, on fait tourner des tables, on les soulve, on lit haute voixles griffonnages qu'Homre ou le Dante ont dicts aux mdiums assis. Ces mdiums, ils sontimmobiles, la main sur le papier, rvant. Tout coup leur main s'agite, court, se dmne, couvre lesfeuillets, va, va encore et s'arrte brusquement. Quelqu'un alors, dans le silence, nomme l'Esprit quivient de dicter et lit. Ah ! ces lectures !J'ai entendu de cette faon Cervantes se plaindre de la dmolition du thtre des Dlassements-Comiques, et Lamennais raconter que Jean Journet tait l-bas son ami intime. La plupart du tempsLamennais fait des fautes d'orthographe et Cervantes ne sait pas un mot d'espagnol. D'autres fois, lesEsprits empruntent un pseudonyme anglique pour lcher leur public quelque apophtegme laPantagruel. On se rcrie. On leur rpond : Nous nous plaindrons votre chef de file !

    - 15 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    16/241

    Le mdium qui a trac la phrase s'assombrit et se fche d'tre en rapport avec des Esprits si malembouchs. J'ai demand quelle lgion appartenaient ces mystificateurs de l'autre monde, et l'onm'a rpondu tout net : Ce sont des Esprits voyous !J'en sais de plus aimables, par exemple l'Esprit dessinateur qui a pouss la main de M. VictorienSardou, et lui a fait tracer l'image de la maison qu'habite l-haut Beethoven. Profusion de rinceaux,entrelacements de croches et de doubles-croches, c'est un travail de patience qui demanderait desmois et qui a t fait en une nuit. On me l'a affirm du moins. M. Sardou seul pourrait m'enconvaincre.Pauvre cervelle humaine, et que ces choses sont douloureuses raconter ! Nous n'avons donc pointfait un pas du ct de la Raison et de la Vrit ! Ou, du moins, le bataillon des tranards se grossit de jour en jour mesure que l'on avance ! Il est formidable, c'est presque une arme. Savez-vouscombien il y a de possdes en France l'heure qu'il est ?Plus de deux mille. Les possdes ont leur prsidente, Mme de B, qui, depuis l'ge de deux ans, viten relations directes avec la Vierge. Deux mille ! L'Auvergne a gard ses miracles, les Cvennes onttoujours leurs Camisards. Les livres de Spiritisme, les traits de mysticisme ont sept, huit, dixditions. Le merveilleux est bien la maladie d'un temps qui, n'ayant rien devant l'esprit pour sesatisfaire, se rfugie dans les chimres, comme un estomac dlabr et priv de viande qui senourrirait de gingembre.Et le nombre des fous augmente ! Le dlire est comme un flot qui monte. Quelle lumire faut-il donctrouver, puisque, pour dtruire ces tnbres, la lumire lectrique ne suffit pas ?Jules Claretie.

    On aurait vraiment tort de se fcher contre de tels adversaires, parce qu'ils croient de si bonne foi etsi navement avoir le monopole du bon sens ! Ce qui est aussi amusant que les singuliers portraitsqu'ils font des Spirites, c'est de les voir gmir douloureusement sur ces pauvres cervelles humainesqui ne font aucun pas du ct de la raison et de la vrit, parce qu'elles veulent toute force avoir une me et croire l'autre monde, malgr les frais d'loquence des incrdules pour prouver qu'il n'yen a pas, pour le bonheur de l'humanit ; ce sont leurs regrets la vue de ces livres spirites quis'coulent sans le secours des annonces, des rclames et des loges pays de la presse ; de ce bataillon des tranards de la raison, qui, chose dsesprante ! grossit tous les jours et devient siformidable, que c'est presque une arme ; qui n'ayant rien devant leur esprit pour les satisfaire, sontassez sots pour refuser la perspective du nant qu'on leur offre pour combler le vide. C'est vraiment dsesprer de cette pauvre humanit assez illogique pour ne pas prfrer rien en change de quelquechose, pour aimer mieux revivre que de mourir tout fait.Ces facties, ces images grotesques, plus amusantes que dangereuses, et qu'il serait puril de prendreau srieux, ont leur ct instructif, et c'est pour cela que nous en citons quelques exemples. Autrefoison cherchait combattre le Spiritisme par des arguments, mauvais sans doute, puisqu'ils n'ont

    convaincu personne, mais enfin on essayait de discuter la chose, bien ou mal ; des hommes d'unevaleur relle, orateurs et crivains, pour le combattre ont fouill l'arsenal des objections. Qu'en est-ilrsult ? Leurs livres sont oublis et le Spiritisme est debout : voil un fait. Aujourd'hui il y a encorequelques railleurs de la force de ceux que nous venons de citer, peu soucieux de la valeur desarguments, pour qui rire de tout est un besoin, mais on ne discute plus ; la polmique adverse paratavoir puis ses munitions. Les adversaires se contentent de gmir sur le progrs de ce qu'ilsappellent une calamit, comme on gmit sur le progrs d'une inondation qu'on ne peut arrter ; maisles armes offensives pour combattre la doctrine n'ont fait aucun pas en avant, et si l'on n'a pointencore trouv le fusil aiguille qui peut l'abattre, ce n'est pas faute de l'avoir cherch.Ce serait peine inutile de rfuter des choses qui se rfutent d'elles-mmes. Aux dolances dont le journal la France fait prcder le burlesque portrait qu'elle emprunte au journal amricain, il n'y a

    qu'un mot rpondre. Si la foi des Spirites rsiste la rvlation des trucs et des ficelles ducharlatanisme, c'est que l n'est pas le Spiritisme ; si, plus on met jour les manuvres frauduleuses

    - 16 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    17/241

    plus la foi redouble, c'est que vous vous escrimez combattre prcisment ce qu'il dsavoue etcombat lui-mme ; s'ils ne sont pas branls par vos dmonstrations, c'est que vous tes ct de laquestion. Si lorsque vous frappez le Spiritisme ne crie pas, c'est que vous frappez ct, et alors lesrieurs ne sont pas pour vous. En dmasquant les abus que l'on fait d'une chose, on fortifie la chosemme, comme on fortifie la vraie religion en en stigmatisant les abus. Ceux qui vivent des abus peuvent seuls se plaindre, en Spiritisme comme en religion.Contradiction plus trange ! Ceux qui prchent l'galit sociale, voient, sous l'empire des croyancesspirites, les prjugs de castes s'effacer, les rangs extrmes se rapprocher, le grand et le petit setendre une main fraternelle, et ils en rient ! En vrit, en lisant ces choses, on se demande de quelct est l'aberration.

    Ncrologie

    M. LeclercLa Socit spirite de Paris vient de faire une nouvelle perte dans la personne de M. Charles-JulienLeclerc, ancien mcanicien, g de cinquante-sept ans, mort subitement d'une attaque d'apoplexiefoudroyante, le 2 dcembre, au moment o il entrait l'Opra. Il avait longtemps habit le Brsil, etc'est l qu'il avait puis les premires notions du Spiritisme, auquel l'avait prpar la doctrine deFourrier, dont il tait un zl partisan. Rentr en France, aprs s'tre fait une position indpendante par son travail, il s'est dvou la cause du Spiritisme, dont il avait facilement entrevu la haute porte humanitaire et moralisatrice pour la classe ouvrire. C'tait un homme de bien, aim, estim etregrett de tous ceux qui l'ont connu, un Spirite de cur, s'efforant de mettre en pratique, au profitde son avancement moral, les enseignements de la doctrine, un de ces hommes qui honorent lacroyance qu'ils professent.A la demande de sa famille, nous avons dit sur sa tombe la prire pour les mes qui viennent dequitter la terre (vangile selon le Spiritisme), et que nous avons fait suivre des paroles suivantes : Cher monsieur Leclerc, vous tes un exemple de l'incertitude de la vie, puisque l'avant-veille devotre mort, vous tiez au milieu de nous, sans que rien pt faire pressentir un dpart aussi subit. Dieunous avertit par l de nous tenir toujours prts rendre compte de l'emploi que nous avons fait dutemps que nous avons pass sur la terre ; il nous rappelle au moment o nous nous y attendons lemoins. Que son nom soit bni pour vous avoir pargn les angoisses et les souffrances quiaccompagnent parfois le travail de la sparation.Vous avez t rejoindre ceux de vos collgues qui vous ont prcd, et qui, sans doute, sont venusvous recevoir au seuil de la nouvelle vie ; mais cette vie, avec laquelle vous vous tiez identifi, n'ad avoir pour vous aucune surprise ; vous y tes entr comme dans un pays connu, et nous ne

    doutons pas que vous n'y jouissiez de la flicit rserve aux hommes de bien, ceux qui ont pratiqu les lois du Seigneur.Vos collgues de la Socit spirite de Paris s'honorent de vous avoir compt dans leurs rangs, etvotre mmoire leur sera toujours chre ; ils vous offrent, par ma voix, l'expression des sentiments de bien sincre sympathie que vous avez su vous concilier. Si quelque chose adoucit nos regrets de cettesparation, c'est la pense que vous tes heureux comme vous le mritez, et l'espoir que vous n'enviendrez pas moins participer nos travaux.Que le Seigneur, cher frre, rpande sur vous les trsors de sa bont infinie ; nous le prions de vousaccorder la grce de veiller sur vos enfants, et de les diriger dans la voie du bien que vous avezsuivie. M. Leclerc, promptement dgag, comme nous le supposions, a pu se manifester la Socit dans la

    sance qui a suivi son enterrement. Il n'y a, par consquent, eu aucune interruption dans sa prsence, puisqu'il avait assist la sance qui l'avait prcde. Outre le sentiment d'affection qui nous

    - 17 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    18/241

    attachait lui, cette communication devait avoir son ct instructif ; il tait intressant de connatreles sensations qui accompagnent ce genre de mort. Rien de ce qui peut clairer sur les diverses phases de ce passage que tout le monde doit franchir, ne saurait tre indiffrent. Voici cettecommunication :

    Socit de Paris, 7 dcembre 1 866. Md. M. DesliensEnfin je puis, mon tour, venir cette table ! Dj, bien que ma mort soit rcente, j'ai t plus d'unefois saisi d'impatience ; je ne pouvais presser la marche du temps. J'avais aussi vous remercier devotre empressement entourer ma dpouille mortelle, et des penses sympathiques que vous avez prodigues mon Esprit. Oh ! matre, merci pour votre bienveillance, pour l'motion profonde quevous avez ressentie en accueillant mon fils aim. Combien je serais ingrat si je ne nous en conservais pas une reconnaissance ternelle !Mon Dieu, merci ! mes vux sont combls. Ce monde, que je ne connaissais que d'aprs lescommunications des Esprits, je puis moi-mme en apprcier aujourd'hui la beaut. Dans une certainemesure, j'ai prouv, en arrivant ici, les mmes motions, mais infiniment plus vives, qu'en abordant pour la premire fois sur la terre d'Amrique. Je ne connaissais cette contre que par le rcit desvoyageurs, et j'tais loin de me faire une ide de ses luxuriantes productions ; il en fut de mme ici.Combien ce monde est diffrent du ntre ! Chaque visage est la reproduction exacte des sentimentsintimes ; aucune physionomie mensongre ; point d'hypocrisie possible ; la pense se rvle toute l'il, bienveillante ou malveillante, selon la nature de l'Esprit.Eh bien ! voyez ; je suis encore ici puni par mon dfaut principal, celui que je combattais avec tantde peine sur la terre, et que j'tais parvenu dominer en partie ; l'impatience que j'avais de me voir parmi vous m'a troubl un tel point que je ne sais plus exprimer mes ides avec lucidit, etcependant cette matire qui m'entranait si souvent la colre autrefois n'est plus l ! Allons, je mecalme, puisqu'il le faut.Oh ! j'ai t bien surpris par cette fin inattendue ! Je ne craignais pas la mort, et je la considraisdepuis longtemps comme la fin de l'preuve ; mais cette mort si imprvue ne m'en a pas moins causun profond saisissement Quel coup pour ma pauvre femme ! Comme le deuil a rapidementsuccd au plaisir ! Je me faisais une vritable joie d'couter de la bonne musique, mais je ne pensais pas tre si tt en contact avec la grande voix de l'infini Combien la vie est fragile ! Un globulesanguin se coagule ; la circulation perd sa rgularit, et tout est fini ! J'aurais voulu vivre encorequelques annes, voir mes enfants tous tablis ; Dieu en a dcid autrement : que sa volont soitfaite !Au moment o la mort m'a frapp, j'ai reu comme un coup de massue sur la tte ; un poids crasantm'a accabl ; puis tout coup je me suis senti libre, allg. J'ai plan au-dessus de ma dpouille ; j'aiconsidr avec tonnement les larmes des miens, et je me suis rendu compte enfin de ce qui m'taitarriv. Je me suis promptement reconnu. J'ai vu mon second fils, mand par le tlgraphe, accourir.

    Ah ! j'ai bien essay de les consoler ; je leur ai souffl mes meilleures penses, et j'ai vu avec uncertain bonheur quelques cerveaux rfractaires pencher peu peu du ct de la croyance qui a faittoute ma force dans ces dernires annes, laquelle j'ai d tant de bons moments. Si j'ai vaincu un peu le vieil homme, qui le dois-je, si ce n'est notre cher enseignement, aux conseils ritrs demes guides ? Et cependant j'en rougis, bien qu'Esprit, je me suis encore laiss dominer par ce mauditdfaut : l'impatience. Aussi j'en suis puni, car j'tais si empress de me communiquer pour vousraconter mille dtails, que je suis oblig de les ajourner. Oh ! je serai patient, mais regret. Je suis siheureux ici, qu'il m'en cote de vous quitter. Cependant de bons amis sont prs de moi, et d'eux-mmes se sont joints pour m'accueillir : Sanson, Baluze, Sonnez, le joyeux Sonnez dont j'aimais sifort la verve satirique, puis Jobard, le brave Costeau et tant d'autres. En dernier lieu, madameDozon ; puis un pauvre malheureux bien plaindre, et dont le repentir me touche. Priez pour lui

    comme pour tous ceux qui se sont laiss dominer par l'preuve. Bientt je reviendrai m'entretenir de

    - 18 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    19/241

    nouveau, et soyez bien persuads que je ne serai pas moins assidu nos chres runions commeEsprit, que je ne l'tais comme incarn.Leclerc.

    Notices bibliographiques

    Posies diverses du monde invisible, obtenues par M. Vavasseur Ce recueil, que nous avons annonc dans notre dernier numro comme tant sous presse, paratradans la premire quinzaine de janvier. Nos lecteurs ont pu juger le genre et la valeur des posiesobtenues par M. Vavasseur, comme mdium, soit l'tat de veille, soit l'tat somnambuliquespontan, par les fragments que nous en avons publis. Nous nous bornerons donc dire qu'au mritede la versification elles joignent celui de reflter, sous la gracieuse forme potique, les consolantesvrits de la doctrine, et qu' ce titre elles auront une place honorable dans toute bibliothque spirite. Nous avons cru devoir y ajouter une introduction, ou mieux une instruction sur la posiemdianimique en gnral, destine rpondre certaines objections de la critique sur ce genre de productions.Des modifications apportes dans l'impression, permettront d'en mettre le prix 1 fr. ; par la poste1 fr. 15 c.

    Portrait de M. Allan KardecDessin et lithographi par M. Bertrand, artiste peintre.Dimension : papier chine, 35 c. sur 28, et avec la bordure, 45 c. sur 38. Prix : 2 fr. 50 ; par la poste, pour la France et l'Algrie, port et tui d'emballage 50 c. en sus. Chez l'auteur, rue des Dames,n99, Paris-Batignolles, et au bureau de la Revue.M. Bertrand est un des trs bons mdiums crivains de la Socit spirite de Paris, et qui a fait ses preuves de zle et de dvouement pour la doctrine. Cette considration, jointe au dsir de lui treutile en le faisant connatre comme artiste de talent, a fait taire le scrupule que nous nous tions fait jusqu'ici d'annoncer la mise en vente de notre portrait, dans la crainte qu'on n'y vt une prsomptionridicule. Nous nous empressons donc de dclarer que nous sommes compltement tranger cette publication, comme celle des portraits dicts par plusieurs photographes.

    L'Union spirite de Bordeaux, rdige par M. A. Bez, momentanment interrompue par une gravemaladie du directeur et des circonstances indpendantes de votre volont, a repris le cours de ses publications, ainsi que nous l'avions annonc, et doit s'arranger de manire ce que ses abonnsn'prouvent aucun prjudice de cette interruption. Nous en flicitons sincrement M. Bez, et faisons

    des vux sincres pour que rien n'entrave l'avenir l'utile publication qu'il a entrepris et qui mrited'tre encourage.

    Le directeur de la Voce di Dio, journal spirite italien qui se publie en Sicile, nous informe que, par suite des vnements survenus dans cette contre, et surtout des ravages causs par le cholra, la villede Catane tant peu prs dserte, il se voit forc d'interrompre sa publication. Il compte lareprendre ds que les circonstances le permettront.

    M. Roustaing, de Bordeaux, nous a adress la lettre suivante avec prire de l'insrer :Monsieur le Directeur de la Revue Spirite,Dans l'ouvrage que vous avez annonc dans le numro de la Revue Spirite du mois de juin dernier, et

    intitul : Spiritisme chrtien, ou Rvlation de la rvlation ; les quatre vangiles suivis descommandements expliqus en Esprit et en vrit, par les vanglistes assists des aptres ; Mose,

    - 19 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    20/241

    recueillis et mis en ordre par J.-B. Roustaing, avocat la Cour impriale de Bordeaux, ancien btonnier, 3 vol., Paris, Librairie centrale, n 24, 1866 ; ouvrage dont j'ai fait hommage aux moisd'avril et mai derniers la direction de la Revue Spirite de Paris, qui l'a accept, il a t omis dansl'impression, ce qui a chapp la correction des preuves, un passage du manuscrit. Ce passageomis, et qui est ainsi conu, a sa place la suite de la dernire ligne, page 111, III vol. Et cette hypothse de la part des Spirites : Que le corps de Jsus aurait t un corps terrestre, etque les anges ou Esprits suprieurs auraient pu le rendre invisible, l'enlever, et l'auraient enlev, aumoment mme o la pierre fut descelle et renverse, serait, priori, inadmissible et fausse ; elledoit, en effet, tre carte comme telle, en prsence de la rvlation faite par l'ange Marie, puis Joseph ; rvlation qui serait alors mensongre, qui ne peut l'tre, manant d'un envoy de Dieu, etqui doit tre interprte, explique selon l'esprit qui vivifie, en esprit et en vrit, selon le cours delois de la nature et non rejete. (Voir supr, III vol., pages 23-24 ; 1er vol., p. 27 44 ; 67 86 ;122 129 ; 165 193 ; 226 266 ; III vol., p. 139 145 ; 161 163 ; 168 175.)Pour porter, par la publicit dont votre journal dispose, la connaissance de ceux qui ont lu, quilisent et qui liront cet ouvrage, cette omission qui a eu lieu dans l'impression, et afin que ceux qui ontcet ouvrage puissent ajouter la main, et ce la page indique, le paragraphe ci-dessus mentionn, je viens solliciter de votre obligeance l'insertion de la prsente lettre dans le plus prochain numro dela Revue Spirite de Paris, en vous remerciant d'avance.Veuillez, Monsieur le Directeur, agrer, etc.Roustaing,Avocat la Cour impriale de Bordeaux, ancien Btonnier, rue Saint-Simon, 17.

    Avis MM. les abonns.Pour viter l'encombrement des distributions du 1er janvier, la Revue de ce mois est expdie le 25dcembre. Elle est en outre adresse tous les anciens Abonn, l'exception de ceux qui le sont par intermdiaires, et dont les noms ne nous sont pas connus. Les numros suivants ne seront expdisqu'au fur mesure des renouvellements.Bien que la Revue ait la latitude de paratre du 1er au 5, il n'est pas arriv une seule fois cette annequ'elle n'ait paru que le 5. Une vrification trs minutieuse tant faite avant chaque envoi, les retardsdans la rception ne peuvent tre le fait de la direction. Il a t plusieurs fois reconnu qu'ils tenaient des causes locales, ou au mauvais vouloir de certaines personnes par les mains desquelles passe laRevue avant d'arriver son destinataire.

    Allan Kardec

    - 20 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    21/241

    Fvrier 1866

    La libre pense et la libre conscience

    Dans un article de notre dernier numro (page 6), intitul :Coup d'il rtrospectif sur lemouvement du Spiritisme,nous avons fait deux classes distinctes des libres penseurs : les incrduleset les croyants, et dit que, pour les premiers, tre libre penseur ce n'est pas seulement croire cequ'on veut, mais ne croire rien ; c'est s'affranchir de tout frein, mme de la crainte de Dieu et del'avenir ; pour les seconds, c'est subordonner la croyance la raison et s'affranchir du joug de la foiaveugle. Ces derniers ont pour organe de publicit la Libre conscience, titre significatif ; les autres,le journal la Libre pense, qualification plus vague, mais qui se spcialise par les opinionsformules, et qui viennent de tous points corroborer la distinction que nous avons faite. Nous ylisons dans le n 2 du 28 octobre 1866 :

    Les questions d'origine et de fin ont jusqu'ici proccup l'humanit au point souvent de troubler saraison. Ces problmes qu'on a qualifis de redoutables, et que nous croyons d'importancesecondaire, ne sont point du domaine immdiat de la science. Leur solution scientifique ne peutoffrir qu'une demi-certitude. Telle qu'elle est pourtant, elle nous suffit, et nous n'essayerons pas dela complter par des arguties mtaphysiques. Notre but est, d'ailleurs, de ne nous occuper que dessujets abordables par l'observation. Nous entendons rester sur terre. Si, parfois, nous nous enloignons pour rpondre aux attaques de ceux qui ne pensent pas comme nous, l'excursion audehors du rel sera de courte dure. Nous aurons toujours prsent la pense ce sage conseild'Helvtius : Il faut avoir le courage d'ignorer ce qu'on ne peut savoir. Un nouveau journal, la Libre conscience, notre an de quelques jours, comme il le fait remarquer,nous souhaite la bienvenue dans son numro spcimen. Nous le remercions de la faon courtoisedont il a us de son droit d'anesse. Notre confrre pense que, malgr l'analogie des titres, nous neserons pas toujours en complte affinit d'ides. Nous, aprs lecture de son numro spcimen,nous en sommes certains ; nous ne comprenons pas plus la libre conscience que la libre pense avecune limite dogmatique assigne l'avance. Quand on se dclare nettement disciple de la science, etchampion de la libre conscience, il est irrationnel, selon nous, de poser ensuite comme un dogmeune croyance quelconque, impossible prouver scientifiquement. La libert limite de la sorte n'est pas la libert. A notre tour, nous souhaitons la bienvenue la Libre conscience, et sommes disposs voir en elle une allie, puisqu'elle dclare vouloir combattre pour toutes les liberts moinsune. Il est trange de voir considrer l'origine et la fin de l'humanit comme des questions secondaires propres troubler la raison. Que dirait-on d'un homme qui, vivant au jour le jour, ne s'inquiterait pas comment il vivra demain ? Passerait-il pour un homme sens ? Que penserait-on de celui qui,ayant une femme, des enfants, des amis, dirait : Que m'importe que demain ils soient morts ouvivants ! Or, le lendemain de la mort est long ; il ne faut donc pas s'tonner que tant de gens s'en proccupent.Si l'on fait la statistique de tous ceux qui perdent la raison, on verra que le plus grand nombre est prcisment du ct de ceux qui ne croient pas ce lendemain ou qui en doutent, et cela, par laraison bien simple que la grande majorit des cas de folie est produite par le dsespoir et le manquede courage moral qui fait supporter les misres de la vie, tandis que la certitude de ce lendemainrend moins amres les vicissitudes du prsent, et les fait considrer comme des incidents passagersdont le moral ne s'affecte que mdiocrement ou pas du tout. Sa confiance en l'avenir lui donne uneforce que n'aura jamais celui qui n'a pour perspective que le nant. Il est dans la position d'unhomme qui, ruin aujourd'hui, a la certitude d'avoir demain une fortune suprieure celle qu'il vient

    - 21 -

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    22/241

  • 8/6/2019 Revues Pi Rite 67

    23/241

    science connat-elle encore aujourd'hui toutes les lois de la nature ? Sait-elle seulement toutes lesressources qu'on peut tirer des lois connues ? Qui oserait le dire ? Ne se peut-il qu'un jour laconnaissance de nouvelles lois rende la vie extra-corporelle aussi vidente, aussi rationnelle, aussiintelligible que celle des antipodes ? Un tel rsultat coupant court toutes les incertitudes, serait-ildonc ddaigner ? Serait-il moins important pour l'humanit que la dcouverte d'un nouveaucontinent, d'une nouvelle plante, d'un nouvel engin de destruction ? Eh bien ! cette hypothse s'est

    faite ralit ; c'est au Spiritisme qu'on le doit, et c'est grce lui que tant de gens qui croyaientmourir une fois pour toutes, sont maintenant certains de vivre toujours. Nous avons parl de la force de gravitation, de cette force qui rgit l'univers, depuis le grain desable jusqu'aux mondes ; mais qui l'a vue, qui a pu la suivre, l'analyser ? En quoi consiste-t-elle ?Quelle est sa nature, sa cause premire ? Nul ne le sait, et cependant nul n'en doute aujourd'hui.Comment l'a-t-on reconnue ? Par ses effets ; des effets on a conclu la cause ; on a fait plus : encalculant la puissance des effets, on a calcul la puissance de la cause qu'on n'a jamais vue. Il en estde mme de Dieu et de la vie spirituelle que l'on juge aussi par leurs effets, selon cet axiome : Tout effet a une cause. Tout effet intelligent a une cause intelligente. La puissance de la causeintelligente est en raison de la grandeur de l'effet. Croire en Dieu et en la vie spirituelle n'est donc pas une croyance purement gratuite, mais un rsultat d'observations tout aussi positif que celui quifait croire la force de gravitation.Puis, dfaut de preuves matrielles, ou concurremment celles-ci, la philosophie n'admet-elle pasles preuves morales qui, parfois, ont autant et plus de valeur que les autres ? Vous, qui ne tenez pour vrai que ce qui est prouv matriellement, que diriez-vous si, tant injustement accus d'un crimedont toutes les apparences seraient contre vous, ainsi que cela se voit souvent en justice, les juges netenaient aucun compte des preuves morales qui seraient en votre faveur ? Ne seriez-vous pas le premier les invoquer ? faire valoir leur prpondrance sur des effets purement matriels qui peuvent faire illusion ? prouver que les sens peuvent abuser le plus clairvoyant ? Si donc vousadmettez que les preuves morales doivent peser dans la balance d'un jugement, vous ne seriez pasconsquent avec vous-mme d'en dnier la valeur quand il s'agit de se faire une opinion sur leschoses qui, par leur nature, chappent la matrialit.Quoi de plus libre, de plus indpendant, de moins saisissable par son essence mme, que la pense ?Et pourtant voil une cole qui prtend l'manciper en l'enchanant la matire ; qui avance, au nomde la raison, que la pense circonscrite sur les choses terrestres est plus libre que celle qui s'lancedans l'infini, et veut voir au del de l'horizon matriel ! Autant vaudrait dire que le prisonnier qui ne peut faire que quelques pas dans son cachot est plus libre que celui qui court les champs. Si, croireaux choses du monde spirituel qui est infini, c'est n'tre pas libre, vous l'tes cent fois moins, vousqui vous circonscrivez dans la limite troite du tangible, qui dites la pense : Tu ne sortiras pas ducercle que nous te traons, et si tu en sors, nous dclarons que tu n'es plus la pense saine, mais lafolie, la sottise, la draison, car nous seuls appartient de discerner le faux du vrai.A cela le spiritualisme rpond : Nous formons l'immense majorit des hommes dont vous tes

    peine la millionime partie ; de quel droit vous attribuez-vous le monopole de la raison ? Vousvoulez, dites-vous, manciper nos ides en nous imposant les vtres ? Mais vous ne nous apprenezrien ; nous savons ce que vous savez ; nous croyons sans restriction tout ce que vous croyez : lamatire et la valeur des preuves tangibles, et de plus que vous : quelque chose en dehors de lamatire ; une puissance intelligente suprieure l'humanit ; des causes inapprciables par lessens, mais perceptibles par la pense ; la perptuit de la vie spirituelle que vous limitez la durede la vie du cor