Reynié - Mon projet pour Sciences Po

7/29/2019 Reyni - Mon projet pour Sciences Po

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Ds la premire phase du processus de slection, en mai, il a t demand aux candidats la

direction de Sciences Po dexposer leur vision de linstitution et de son avenir sous la formedune Lettre-Projet . Cette demande a t reconduite pour la seconde phase de ceprocessus. Jai jug ncessaire de modifier assez profondment le texte initial, le plus souventafin dintgrer de nouveaux lments, quelquefois afin dapporter des prcisions. Cettenouvelle Lettre-Projet est enrichie du fruit des nombreux changes que jai pu avoir lasuite de ma candidature, engage en mai 2012, et de ma rflexion personnelle sur lavenir deSciences Po.

Ce document met laccent sur quelques orientations principales qui me paraissentncessaires au dpassement de la crise actuelle, au rayonnement de Sciences Po et sondveloppement. Il prsente une vision du chemin que doit suivre notre institution. Il va de soiquun tel propos ne saurait dcrire un programme daction dtaill, lequel requiert

lorganisation dune vaste discussion. Avant de prsenter le contenu de ma Lettre-Projet ,je veux dire dans quel cadre et dans quelle perspective sinscrit ma candidature la directionde Sciences Po.

1. Ma candidature sinscrit dans lhritage intellectuel de Richard Descoings parcequele bilan des mandats quil a conduits est exceptionnellement bon. Si nul ne peut prtendrenavoir jamais pris que de bonnes dcisions au titre des fonctions quil occupe, ce qui a taccompli en seize ans forme une uvre domine par une ambition mobilisatrice, la justessedes grands choix, la capacit faire dune ide une ralit et la cohrence de lensemble. La

grande dcision stratgique fondatrice a t de prsenter notre Ecole sous les traits dune universit . Ce choix dterminant a permis notre tablissement dtre immdiatementidentifi par les grands acteurs de la communaut scientifique mondiale qui ntaient pas tous

familiers de la diversit de nos statuts. Grande Ecole en France, Sciences Po est devenueune grande Universit dans le monde.


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Rpondant au principal dfi reprsent par le changement dpoque, les rformesaccomplies ont permis Sciences Po dpouser le rythme du nouveau monde, comme entmoigne le degr dinternationalisation auquel nous sommes arrivs aujourdhui en matirede recherche et denseignement et de public tudiant.

Le directorat qui sest achev a galement t marqu par une plus grande ouverture

de Sciences Po des tudiants issus de milieux sociaux peu ou pas reprsents danslenseignement suprieur dexcellence. Plus largement, le dbat dclench par la cration desCEP a permis au pays tout entier de rflchir cette grande question. Citoyens, responsables

politiques, chefs dentreprise, reprsentants du monde syndical et associatif ont t amens dbattre puis prendre position sur les rats de la mritocratie rpublicaine et sur les moyensden corriger les dfauts.

Enfin, il importe particulirement de rendre hommage lensemble de notrecommunaut. Les mandats de Richard Descoings nauraient pu tre aussi riches en initiativesinnovantes et en russites reconnues sans le soutien des Conseils et sans limplication totaledes enseignants-chercheurs ainsi que de lensemble des quipes administratives et

pdagogiques de Sciences Po. En tmoigne aussi le fait que depuis la disparition de RichardDescoings, ces quipes ont su et ont pu permettre Sciences Po de poursuivre toutes sesactivits, en particulier en matire denseignement, de slection des candidats, de validationdes cursus et de diplomation des lves, comme lont soulign ce 10 janvier, lors de la SaintGuillaume , le Prsident Jean-Claude Casanova et notre Administrateur provisoire, M. JeanGaeremynck.

2. Ma candidature est celle dun enseignant-chercheur de la maison.Ma carrire universitaire sest droule Sciences Po. Je suis diplm de Sciences Po, docteuren science politique et agrg de science politique. Jai t Matre de confrences (1991-1996),

puis charg de recherches au CEVIPOF (1994-1996) et enfinprofesseur des Universits,dabord lUniversit de Nice-Sophia Antipolis (1997-1999) puis Sciences Po, depuis 1999.

Jai t membre du jury du concours national dagrgation de science politique (2007-2008).

Outre mon travail denseignant-chercheur Sciences Po , jy ai exerc diversesresponsabilits : charg de mission auprs dAlain Lancelot (pour le projet dune Fondationpour la citoyennet, en 1995-1996) ; Charg de mission auprs de Richard Descoings (pourlanimation pdagogique du Cours Les Grands Enjeux du dbat politique, conomique etsocial de 1996 1998) ; Directeur du DESS tudes et stratgie Marketing (1999-2005) ; dans ce cadre, jai cr la premire formation en apprentissage (2001). Cration etdirection de lcole des DESS (2003-2005), rassemblant les DESS urbanisme , GRH , Etudes et Stratgie Marketing , Information et Documentation , dans le butde raliser le passage la norme LMD ; Directeur de lObservatoire interrgional du Politique(2002-2005, unit mixte de services CNRS/FNSP prside par Alain Lancelot) ; participation la cration des premiers e-cours de Sciences Po (2007-2009) ; membre du Conseil

scientifique ; enfin, je suis membre du Conseil dorientation du magazine de lAssociation desSciences Po (Alumni Sciences Po).Paralllement, jai eu lopportunit de dcouvrir des univers diffrents et

complmentaires, notamment, depuis 2008, en tant que directeur dune fondation reconnuedutilit publique, la Fondation pour linnovation politique. Passionnante bien des gards,cette exprience ma permis dtre confront aux contraintes de gestion, dans leur grandediversit juridique, financire, comptable, humaine et sociale ; elle ma aussi amen rendredes comptes devant un Comit daudit, fixer des objectifs avec un Conseil de surveillance

puis rpondre de mes dcisions comme de mes rsultats devant ce mme Conseil.

3. Ma candidature sinscrit dans une perspective volontariste.

Aujourdhui notre maison se trouve dans une situation difficile en raison de la disparitionbrutale de son directeur, en raison de la tonalit ngative qui, depuis dcembre 2011, domine


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le commentaire public sur notre institution et qui a culmin lors de la prsentation du rapportpublic thmatique que la Cour des comptes a consacr Sciences Po, en novembre 20121.

De mme, aprs les mandats de profonde transformation, beaucoup ressentent lancessit dune priode de stabilisation, afin de consolider les acquis dun long cycle derformes. Cependant, la priode qui souvre sera domine par la rarfaction des sources

publiques de financement et par un accs de plus en plus disput aux ressources propres. Laprochaine direction devra tre capable de mobiliser lensemble des salaris, les tudiants, lesenseignants, la communaut des diplms, les partenaires, publics et privs.

Cest en ce sens que la direction de Sciences Po, comme fonction, revt mes yeux unedimension minemment politique. Elle suppose une forte capacit de mobilisation, lintrieur comme lextrieur de linstitution. Cest grce une interprtation trs politiquede la fonction dadministrateur/directeur quont pu tre lances et conduites les grandesrformes qui font aujourdhui lunanimit. Diriger, ce nest pas seulement grer . Seuleune mme comprhension de la fonction permettra de combiner le souci de la stabilisation et lancessit de toujours faire vivre ce mouvement qui porte en avant Sciences Po. Cest dans la

fidlit ce mouvement que Sciences Po parviendra jouer tout son rle dans un paysageuniversitaire peut-tre au seuil dune grande mutation sous les effets de nouvelles contraintesconomiques, de nouvelles possibilits technologiques et dune nouvelle phase demassification. Ne confondons pas stabilisation et immobilisme.

4. Enfin, candidat la direction de Sciences Po, je veux affirmer que la tche dudirecteur est accomplie ds lors que lon peut dire que notre institution remplit la missionquelle sest donne dans le respect des valeurs quelle reconnat. Cest le cas si Sciences Poconserve son indpendance et les moyens que celle-ci requiert ; cest le cas si les salarisprouvent le sentiment dappartenir une vritable communaut, cest--dire unecommunaut capable de donner un sens lengagement professionnel de ses membres ; cest lecas si lexcellence scientifique de notre recherche est internationalement reconnue ; si notrerecherche contribue la comprhension des phnomnes politiques, conomiques et sociaux

qui orientent le monde prsent ; si nous sommes en mesure daider, par lexpertise de noschercheurs, la rsolution des problmes complexes auxquels nos socits sont confrontes ; sinous savons slectionner les meilleurs tudiants sans renoncer corriger les injusticessociales que consacre toute slection acadmique ; si lenseignement que nous dispensons

permet nos diplms de sintgrer dans la vie active, rapidement et des postes deresponsabilit ; si nous leur donnons les moyens de participer activement au progrs matrielde lhumanit, par linnovation, par ladministration, par la cration de richesses ou par larecherche ; si notre enseignement permet nos diplms de prendre une part active auchangement social positif ; si nos diplms sont non seulement des leaders performants maisaussi, et en mme temps, des citoyens socialement responsables et qui savent aimer leur payssans avoir mpriser le monde, qui savent aimer le monde sans oublier leur pays.

Dominique Reyni

1 Sciences Po : une forte ambition, une gestion dfaillante, rapport public thmatique de la Cour descomptes. Novembre 2012.


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LETTRE-PROJET DE CANDIDATURE

A LA DIRECTION DE SCIENCES PO

Dominique ReyniProfesseur des Universits Sciences Po

31 janvier 2013


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SOMMAIRE

I.POURUNPATRIOTISMEDINSTITUTION :AFFERMIRNOTREAUTONOMIE,AFFIRMERNOTRESINGULARITP 6

II.TRAVAILLERENSEMBLEP 11

III.ENMATIREDERECHERCHE,REVENDIQUONSLEXCELLENCEP 14

IV.FORMATION :CEQUENOUSDEVONSNOSTUDIANTSP 21

V.RELEVER LE DEFIDU ..P 27


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I.POURUNPATRIOTISMEDINSTITUTION :

AFFERMIRNOTREAUTONOMIE,AFFIRMERNOTRESINGULARIT

Mis en discussion, voire mis en cause, le statut de Sciences Po, est pourtant la condition premirede son succs et le principe de ses russites. En ralit, quiconque veut bien prendre le temps dese pencher sur la vie et luvre de notre institution, en effet originale, saccorde le reconnatre.Dailleurs, limbrication des deux entits, la FNSP et lIEP, a t systmatiquement confirme parlautorit publique depuis 1945 et, comme le remarque la Cour des comptes dans son rapport, pardes textes situs toujours plus haut dans la hirarchie des normes. Cest pourquoi la personne quiaura en charge la fonction dadministrateur/directeur de Sciences Po aura pour premire missiondexpliquer lutilit, lefficacit et la lgitimit de ce statut et de veiller le prenniser.

A.EN DEFENSE DE LAUTONOMIE, LA RESPONSABILITESciences Po doit son autonomie son crateur, ses successeurs, son histoire, son statut et ses succs. Lautonomie est lidentit de notre tablissement mais, plus encore, la condition de sarussite. Lautonomie est la condition de possibilit de lenseignement suprieur et de larecherche parce quelle est cette libert sans laquelle il ny a ni connaissance ni formationintellectuelle vritable. Cest en cela que lautonomie universitaire est une libert singulire. Ellenest pas la libert de faire donne en privilge une personne ou un groupe de personnes ;elle nest pas davantage la libert de faire donne aux universitaires. Lautonomie est unelibert pour lUniversit et cette libert signifie que les universitaires, chercheurs et enseignants,les quipes administratives, les responsables et les membres des diffrents conseils lui doivent allgeance .

Lors de la cration de Sciences Po, en 1872, comme lors de sa refondation, en 1945,lautonomie est devenue le principe de linstitution. Cest pourquoi lautonomie implique laresponsabilit. Lorganisation institutionnelle de lUniversit et de tous ceux qui concourent sonactivit doit permettre de rendre des comptes, lextrieur comme lintrieur, aux membres dela communaut scientifique et aux quipes administratives, aux lves et leur famille, auxdonateurs, aux partenaires, aux anciens lves et, bien sr, aux pouvoirs publics, notamment surlusage des ressources que la collectivit met la disposition de linstitution.

Dans la Dclaration de Lisbonne de 2007, la European University Association (EUA)dcomposait lautonomie universitaire en quatre dimensions fondamentales : lautonomieacadmique, lautonomie financire, lautonomie organisationnelle et lautonomie des ressourceshumaines. Cette prsentation analytique constitue un excellent point de dpart aux discussionsque Sciences Po doit engager, quil sagisse du dbat interne dont lurgence est vidente, ou quilsagisse de la discussion avec les pouvoirs publics, dj engage.

1. La dimension acadmique de lautonomie nous invite dire qui doit dfinir, et comment,les orientations intellectuelles de Sciences Po : le nombre des tudiants, le contenu desformations, les procdures de slection et de validation, les domaines de recherche, y compris lesmodalits du recrutement, de la rmunration et de lavancement de tout ou partie des membresde lquipe scientifique. Lautonomie acadmique est faite pour assurer lindpendance desquipes scientifiques, lobtention des moyens ncessaires la recherche, lvaluation par les pairsselon les standards internationaux et en lien avec les organes de direction.

2. La dimension financire de lautonomie nous invite dire qui, dans quelles conditions, surla base de quels principes et sous le contrle de qui, doit uvrer la mobilisation desfinancements ncessaires - y compris le pouvoir demprunter -, lallocation des ressources - y


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compris la constitution de rserves budgtaires , ou encore la fixation des frais dinscriptiondes tudiants.

3. De mme, lautonomie en matire de ressources humaines commande de dire quelleautorit est charge du recrutement, de la rmunration et de lavancement de tout ou partie des

membres de lquipe administrative, et selon quels critres et quelles procdures.

4. Enfin, la dimension organisationnelle de lautonomie nous invite dterminer unagencement et un fonctionnement institutionnels en accord avec les exigences et les ambitionsdune institution qui se prsente comme une universit internationale et slective. Il ne sauraittre question de rouvrir le dbat sur les statuts de 1945 par lesquels lInstitut dtudes politiquesde Paris (IEP), tablissement public denseignement suprieur, a t adoss une fondation dedroit prive et reconnue dutilit publique, la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP).Original, ce statut a montr son efficacit. Les dysfonctionnements relevs par la Cour descomptes appellent un surcroit de rigueur institutionnelle et le renforcement du contrle interne,correspondant aux critres de la bonne gestion comme limpratif de justification. En amont, il

faudra veiller fournir une information dune qualit irrprochable. Cela suppose dengager danscette perspective une rflexion sur lorganisation, dabord au sein de chacune des directions, puissous lautorit dun(e) Directeur(trice) gnral(e) des Services (DGS), qui nexiste pas cejour, sous lautorit duquel/de laquelle chaque direction ralisera un premier niveau de contrlesur la partie qui la concerne.

Lautonomie dans la responsabilit implique de limiter dans le temps le nombre desmandats, quil sagisse de celui du directeur-administrateur de ltablissement, du prsident duConseil dadministration de la FNSP, du Conseil de direction, mais aussi de tous les directeurs delaboratoire. Lautonomie ne peut sexercer en pleine responsabilit si les titulaires, par laprennisation de leur mandat, sapproprient, de fait, les fonctions de direction. Dans le cas deSciences Po o le directeur est nomm pour une dure de 5 ans, quelles que soient ses qualits,

au-del de deux mandats il existe un risque dappropriation de la libert dagir contenue dans leprincipe dautonomie de lUniversit.Laffermissement de la responsabilit est lengagement quappelle la revendication de

lautonomie, laquelle, Sciences Po comme ailleurs, est une libert ncessaire laccomplissementdes missions de la recherche et de lenseignement suprieur. Dans les annes qui viennent, ilfaudra veiller la dfendre. Deux menaces peuvent se prsenter nous :

a) La rarfaction des ressources publiques parce quelle peut paradoxalement tendre accrotre le poids de lEtat sur la marche de la maison, dans la mesure o toute ngociationbudgtaire deviendra plus pre encore ;

b) Lintgration croissante de Sciences Po dans des structures universitaires trs vastes,dont le PRES est un exemple, reprsente une autre manire, si nous ny prenions garde, daltrer

notre autonomie.Pour prserver lautonomie de Sciences Po, il faut certainement mobiliser plusieursleviers : augmenter la proportion des ressources propres, qui ne dpendent finalement que delexcellence et des performances de la maison ; diversifier lorigine des ressources ; multiplier lescooprations au sein de structures universitaires afin de ne pas dpendre exagrment duneseulement ; jouer un rle moteur au sein des structures universitaires dont nous sommes partiesprenantes.

Enfin, cest dans la perspective dune dfense de lautonomie quil importe de construireet conduire les adaptations institutionnelles dont Sciences Po a besoin. Cest un chantierquil faut prendre le temps douvrir, avec une ambition raisonnable. Sans prtendre, pardfinition, connatre les questions poser et encore moins les rponses apporter, il me semble

que lon peut dessiner titre indicatif quelques pistes de discussion utiles, parmi lesquelles lalimitation deux mandats du poste de directeur, louverture du Conseil dadministration aux


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reprsentants lus des tudiants ainsi quaux reprsentants de lassociation des Anciens lves,outre les reprsentants de lEtat dsormais appels siger, un plus grand nombre dereprsentants des membres de notre communaut acadmique ; une meilleure publicit de la viede la maison, de ses instances, de leurs dlibrations, de leur composition ainsi que des dcisionsprises, notamment dans lutilisation des ressources, ou en matire de rmunration.

B.RELEVER LE DEFI DES RESSOURCES FINANCIERES.1. Si les marges de progression existent, elles se trouvent du ct des ressources propres.Ces dernires annes, les ressources ont connu une forte augmentation annuelle. Il seraprobablement impossible de reproduire la situation observe au cours de la priode 2005-2010qui a vu les ressources augmenter trs fortement grce une augmentation conjointe de ladotation globale et des ressources propres, lesquelles ont cr beaucoup plus rapidement encore,au point de modifier significativement la rpartition des forces entre les deux types de ressources.Cest cette condition que des rformes ont pu tre engages. Le premier dfi qui attend lanouvelle direction est certainement de rpondre au problme des ressources. La situation de nosfinances publiques, nationales mais aussi locales, et le contexte conomique et financier gnral,

indiquent que si les marges de progression existent, elles se trouvent du ct des ressourcespropres.Le montant des droits de scolarit a connu une progression trs importante depuis la mise

en place du nouveau systme de calculs des droits, en 2003-2004. Cependant, cette ressourcenest pas insensible la conjoncture conomique dont dpend directement le revenu des famillesde nos tudiants et, quoi quil en soit de la conjoncture, nous avons certainement atteint unplafond, sauf dsquilibrer plus radicalement encore la sociologie du public tudiant.

La formation professionnelle a connu une belle progression sur le long terme mais elle estexpose linstabilit de la conjoncture et lintensification dune concurrence non seulementpublique mais aussi prive, non seulement nationale mais aussi globale (cf. le point sur lamultiplication des formations online et low cost abord en cinquime partie). Pourtant, la

globalisation conomique, le vieillissement dmographique ou la rvolution numrique permanente - favorisent le dveloppement des programmes de formation des actifs. Sciences Podevrait jouer un rle majeur.

2. Les ressources issues des partenariats, du mcnat et des dons devront tre lobjet duneffort intensif, dautant plus que les campagnes de leve de fonds se droulent dans unenvironnement de plus en plus concurrentiel. La participation des entreprises devra treconsolide puis dveloppe, malgr la conjoncture conomique morose. Dun autre ct, lamultiplication des fondations et la tendance gnrale chercher dans de tels modes definancement les ressources compensant lrosion des financements publics annoncent desbatailles plus difficiles que jamais. Moins de dons et plus de prtendants aux dons seront aussi

bien les deux traits caractrisant lactivit du fundraising dans les annes qui viennent. Ledveloppement des campagnes lances hors de nos frontires et la mobilisation accrue desAlumniconstituent certainement deux sources appeles jouer un rle plus important dans lefinancement des activits de Sciences Po. Le nouveau dynamisme de lAssociation des SciencesPo, la qualit et le succs de Alumni, le nouveau magazine de lAssociation, lanc en juin 2012,montrent quune mobilisation ambitieuse portera ses fruits.

3. Le niveau des ressources propres dfinit le degr dautonomie. La stagnation ou le dclinrelatif de la part reprsente par la dotation publique globale dans les ressources de Sciences Pocontraint notre institution dployer une politique ambitieuse de recherche de ressourcespropres dont le dveloppement permet par ailleurs de maintenir ou de rduire la part de la

dotation publique globale dans le total des ressources, cest--dire daffirmer une certaine


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cohrence entre lautonomie financire et la revendication dune autonomie de gestion2.Autrement dit, au cours du prochain mandat de direction, la rarfaction des ressources publiquesva contraindre Sciences Po ou bien revoir la baisse ses ambitions ou bien affermir sonautonomie grce une forte croissance des ressources propres.

C.ASSURER LA COHERENCE DUNE ORGANISATION DEVENUE COMPLEXE.La mise en place de premiers cycles spcialiss et dcentraliss donne plus que jamais SciencesPo lapparence dun archipel (Ren Rmond). Les premiers cycles dlocaliss sont la rponseingnieuse et pertinente un ensemble de problmes pineux (espaces, langues, individualisationde la formation, quipement, financement, etc.). La pertinence de cette stratgie dpend de lasoutenabilit des modes de financement et de la matrise des cots quelle engendre.

1. Assurer la cohrence par le contenu des formations. La multiplication des Masters et lacration des coles forment un pluralisme vertueux permettant Sciences Po doffrir un richeventail de formations, spcialises, de haut niveau et au plus prs des contraintes concrtes dunsecteur ou dune profession. Dun autre ct, la logique dune organisation en Ecoles peut

conduire la fragmentation dune offre, au cloisonnement, laffaiblissement, voire ladisparition de ce qui fait lesprit dune institution. Il est donc important de veiller faire tenirlensemble, au sein de la mme communaut, en renforant les savoirs transversaux, en exigeantlapprentissage dune mthode, et en valorisant une culture en sciences sociales qui ne doit pasmoins conditionner lentre Sciences Po que la pratique dune langue trangre.

Le projet prsent par David Colon en Conseil de direction, lors de la sance du 14 mars2011, va dans la bonne direction parce quil propose de renforcer les enseignements en sciencessociales qui relvent de la formation commune des lves de Master. Il faut la fois souder lesMasters la maison mre , Sciences Po, et runir les lves issus du Collge universitaire avecceux arrivs directement en Master.

2. Assurer la cohrence par une affirmation de la marque Sciences Po . Nous savons que Sciences Po est une marque. Il importe de la dfendre et de la promouvoir. Rien ne permettramieux de promouvoir la marque Sciences Po que dassurer la rgularit de nos performancesen matire de formation et de recherche. La marque est une condition daccs aux partenariatsacadmiques les plus prestigieux et leur renouvellement ; elle est lune des variables quidterminent linsertion rapide de nos diplms dans la vie professionnelle et qui amnent lesmeilleurs tudiants candidater Sciences Po ; elle produit des effets sur la composition du corpsacadmique ; elle est un drapeau capable de runir toutes les communauts qui soutiennent etfont vivre notre institution, lintrieur comme lextrieur.

Enfin, la valeur de la marque est lun des critres agissant fortement sur le niveau desressources propres, dabord parce que les tudiants qui acceptent dacquitter des droits de

scolarit levs entendent, en contrepartie, associer leur diplme une marque acadmiqueinternationalement reconnue ; ensuite parce que les entreprises ou les salaris la recherche deprogrammes de formation continue suivront le mme type de raisonnement ; enfin, parcequaucune politique de leve de fonds, que ce soit dans le cadre du don, du mcnat ou dupartenariat, ne pourra atteindre le succs que lon peut lgitimement attendre sans tre adosse une marque dont la notorit et le prestige sont incontestables.

Cela suppose notamment de reprendre inlassablement luvre de rfrencement deSciences Po, en construisant, avec les membres de la communaut acadmique, un accordefficace et durable sur les pratiques en matire de signature scientifique ; cela suppose aussi de

veiller contenir la fragmentation de la marque mre en marques drives qui soit font perdreune part du rfrencement ou de la visibilit Sciences Po , soit agissent purement et

2 Ce que la Cour des comptes ne manque pas de pointer dans son rapport (p. 30).


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simplement comme des marques concurrentes, au moins sur le march de la notorit publiqueet de la rputation acadmique.

D.CULTIVONS LESPRIT DE NOTRE COMMUNAUTE ; CULTIVONS NOTRE SINGULARITE.1. Encourager le sentiment dappartenance. Sciences Po possde son esprit, sa singularit.

Au-del de la formation reue et du diplme, Sciences Po existe par un sentiment dappartenanceque partagent les tudiants, les enseignants-chercheurs et tous les salaris. Ce sentiment tientnotamment au rle singulier que notre maison joue, depuis toujours, dans la vie de la Cit, par laformation de ses lites, notamment politiques, comme par sa participation aux grands dbatspublics. Il faut cultiver ce sentiment : il est aussi une condition sine qua non des sentimentsdattachement, de fidlit, de fiert, qui sont si ncessaires notre institution. Cest par fidlit etpar attachement leur cole , par fiert pour leur cole que, plus tard, les Anciens lves

voudront prendre une part active son succs, comme employeurs, comme enseignants, commesalaris, comme parents ou comme donateurs - la recherche de fonds auprs de donateurs est untravail au long cours quil faut prparer longtemps en amont pour esprer une vritablemobilisation. Cest aussi ce titre quil ne faut pas dlaisser les formations reues en prsentiel ,

au profit dun tout virtuel. Le fait de partager des moments, dans le cadre dun cours, dunesance de travail en bibliothque ou loccasion dun vnement, quil soit acadmique, culturel,mmoriel ou festif, est aujourdhui dterminant pour la constitution dune communaut dlvesqui formera demain la communaut desAlumni.

2. Organiser ladhsion automatique des lves lAssociation des Sciences Po ds leurentre dans linstitution. Cest une ide qui a t avance par le prsident de lAssociation,Pierre Meynard. Elle est excellente. Une rflexion semble avoir t engage en ce sens, il faut lapoursuivre pour conduire son terme ce projet particulirement utile. bien des gards, la forcedune institution denseignement suprieur rside dans la manire dont celles et ceux qui en sontissus se rclament delle.


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II.TRAVAILLERENSEMBLE

A.DIRIGERSCIENCES PO, CEST INSUFFLER UNE CULTURE DE LA PARTICIPATION.Nul ne gouvernera plus Sciences Po comme avant. Le type de leadership qui a prvalu depuisquelques annes a pu tre une condition de possibilit des rformes accomplies ; il fut galementune consquence non voulue de la croissance rapide de Sciences Po, de la multiplication desmtiers et des sites. Les formes plus collaboratives sont moins prsentes, par nature, dans lesphases de grandes et rapides transformations.

1. Installer un mode de leadership fond sur la confiance. Dans un tel contexte, ce type deleadership conduisait une forte tendance la centralisation dans lexercice du pouvoir. Cestlune des raisons pour lesquelles la direction de Sciences Po na pas pu, ou pas su, donner lieu

une pratique managriale plus collective. Ds lors, ladaptation des salaris est improvise et, dansces conditions, elle tend se replier sur des pratiques et des formes dorganisation hirarchiques,en silos ou en archipel , comme lon dit, mais qui ont pour effet commun de rendre presqueimpossible lmergence dune culture de la participation.

Dsormais, notre institution est trop grande et trop complexe pour tre dirige ainsi, et lessalaris sont trop nombreux pour se reconnatre dans un tel mode de gouvernement. Il importedonc dinstaller un mode beaucoup plus collectif, participatif et dcentralis, reposant surlexpression de la confiance, travers la dfinition de marges daction, et appelant, encontrepartie, lengagement de la responsabilit, sur la base dobjectifs prsents par la directionpuis discuts en commun. La culture de la participation ne peut dpendre du bon vouloir dunresponsable. Il faut donc lintgrer au cur des processus de mobilisation des ressources

humaines2. Travailler la comprhension des enjeux et la lisibilit des projets. Cest la meilleurerponse que lon puisse apporter la qute de sens exprime ici, Sciences Po, mais qui semanifeste dans toutes les institutions durant les priodes de bouleversement : quoi sert ce quelon me demande de faire ? ou quel est le but ? sont autant de questions, explicites ouimplicites, qui appellent ncessairement des rponses. Indiquer la direction, cest en mme tempsdonner du sens lengagement professionnel. Prendre le temps dexpliquer les enjeux, departager les diagnostics, est le meilleur chemin pour impliquer les membres dune quipe nonseulement fonctionnellement, en mobilisant leurs comptences en termes de mtiers, mais aussien cherchant rencontrer leur adhsion dans laccomplissement dun projet.

B.AU CUR DE SCIENCES PO, UNE COMMUNAUTE SALARIEE FORTEMENT ENGAGEE.Les changements que la maison a connus au cours de la dcennie concernent doublement lessalaris. Dun ct, ils en ont t les artisans, souvent enthousiastes, tandis que, dun autre ct,ils ont vu leurs conditions de travail et leur environnement professionnel se modifier, parfois trsprofondment, par le fait mme de ces transformations. Aussi, une fiert dappartenance etlexpression dune grande satisfaction au travail voisinent-elles avec un certain malaise, li lintensit du rythme des rformes, la faible lisibilit des objectifs qui est parfois ressentie, voireau sentiment dun dfaut de reconnaissance.

1. Mieux dfinir les comptences, mieux connatre les conditions de travail, pour mieuxreconnatre les performances. Comme la enregistr laudit men par TECHNOLOGIA sur la


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qualit de vie au travail Sciences Po 3, cest en lespace de quelques annes seulement que lessalaris de Sciences Po ont vu leurs conditions de travail profondment modifies. La derniredcennie a t marque par une succession de rformes pdagogiques, une suite de changementsde modalits des examens dentre ou de diplomation, la mastrisation des cursus, lacomplexification de loffre denseignements ou encore la cration de sites dcentraliss. Ce cycle

historique de transformation a pu crer un tat de tension permanent sans donner lieu aux phasesde routinisation qui permettent une quipe dassimiler les changements quelle vient dimpulseret qui lui offrent en mme temps la possibilit de reprendre son souffle, avant de franchir uneventuelle nouvelle tape.

Paralllement, linternationalisation de linstitution, en particulier de sa populationtudiante, et laugmentation des droits de scolarit ont agi sur la nature des attentes des publicsavec lesquels les salaris de Sciences Po entrent en interaction, directement ou indirectement.Pour laccs la bibliothque et la documentation, aux salles de cours et de confrences, pourcomprendre ou connatre les valuations, pour connatre les services sociaux disponibles, pourtrouver un logement, pour rgler un problme pdagogique ou administratif, pour faire face une difficult de la vie, etc., il faut expliquer plus souvent, davantage, plus longtemps, des

interlocuteurs parfois plus exigeants et dont le nombre na pas cess de crotre au cours de ladcennie.Certes, laugmentation spectaculaire du nombre des tudiants sest accompagne dune

croissance de mme ampleur du nombre des salaris, mais laugmentation des effectifs desquipes administratives et pdagogiques ne doit pas moins tre range parmi les lments qui ontcontribu bouleverser les conditions de travail, lenvironnement professionnel, les relationshumaines et sociales de la communaut des salaris de Sciences Po, qui est passe de plus de 500 prs de 1000 membres, entre 2000 et 2012. De mme, cest au cours de cette priode quunprofond bouleversement, universel cette fois, a touch les outils de la bureautique, dinformationet de communication (internet, ENTG, etc.). Ces changements, la fois technologiques etmthodologiques, voire culturels, ont ncessit des adaptations nombreuses et successives.

2. Les conditions de travail et les relations sociales sont aussi le rsultat dunenvironnement plus large dont il est ncessaire de mesurer limportance. Il importe ausside prendre en considration les effets de mutations qui, pour tre exognes Sciences Po, nenont pas moins beaucoup dimpact sur la vie des salaris. A titre dexemple fort, citons la questiondu logement (qui dailleurs concerne galement les tudiants), dont le cot a crconsidrablement au cours de la dernire dcennie, contraignant les salaris accrotre la part deleurs revenus consacre cette dpense ou bien accrotre significativement leur temps quotidiende trajet, se trouvant ainsi contraints de sloigner de plus en plus de Sciences Po.

Je tiens ajouter que la priode 2011-2012 ayant t marque par lexpression de mises encause publiques, souvent virulentes, de Sciences Po, de nombreux salaris, membres de lquipe

pdagogique ou de lquipe administrative, ont pu prouver un sentiment dincomprhension,dinjustice, ou de colre, y compris parfois lgard des membres de la direction et des Conseils,voire un sentiment de dception ou de dcouragement en considrant tout le travail accompli. Ilfaudra sappliquer redire ensemble et dabord pour nous-mmes les raisons de porter haut cequi a t ralis.

3. Il faut faire aboutir une rflexion collective sur les mtiers, les comptences, lesresponsabilits et la grille de rmunration. La situation commande donc de poursuivre en laprolongeant la rflexion initie dans le cadre de la NAO avec les salaris et leurs reprsentants.Elle doit tre destine tablir le bilan aussi prcis que possible de limpact que cestransformations ont pu avoir sur la manire de travailler Sciences Po, sur les conditions de

travail et plus largement sur la vie des salaris. Cette rflexion portera sur lidentification des3 Technologia, Sciences Po : Diagnostic sur la qualit de vie au travail, juin 2011, 168 pages.


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mtiers, la description des comptences requises, transversalement et pour chacun des mtiers, etenfin la dfinition des responsabilits. Elle devra permettre davancer sur le chemin delvaluation des performances, de la dfinition des besoin de formation et dquipement et de laconstruction des rponses appropries, sur larticulation des souhaits de mobilit, fonctionnelle etgographique, avec les opportunits recenses et enfin sur la question de la grille de

rmunration, nul nignorant que ce dernier point se place dans le cadre dune contrainte lie lararet des ressources, aux recommandations adresses par la Cour des comptes, et aux principeslmentaires dune bonne gestion qui commande de matriser les dpenses de fonctionnement, etnotamment le volume de la masse salariale, dans un contexte financier incertain. La question estdautant plus pineuse que la refiscalisation des heures supplmentaires a supprim de facto undes leviers dexpression de la reconnaissance.

4. Lamlioration des conditions de travail et des performances est accessible par laconfiance, la participation, le partage et la reconnaissance. Lintgration dune culture de laparticipation et de la coproduction de la dcision doit, idalement, concerner tous les salaris.Cest lune des cls permettant damliorer les conditions de travail, les relations sociales et

humaines, de faire progresser le sentiment de confiance mutuelle, de favoriser lengagement enresponsabilit des salaris qui le souhaitent, dencourager les processus dinnovation et de rendrecelle-ci possible depuis chacun des postes.

Dans cette perspective, les technologies du web offrent des possibilits quil faudraexpertiser collectivement afin de dterminer quelles conditions il est possible de construire,entre tous les salaris, une communication dcentralise et dcloisonne permettant de trouver delaide et des solutions lorsque lon est confront un problme ; dchanger sur les bonnespratiques et de les mutualiser4 ; de formaliser des suggestions damlioration qui feront lobjetdune discussion puis dune application, ventuellement aprs une phase dexprimentation. Celasuppose de reprer les systmes de cloisonnement et de les remettre en question afin depermettre la formation de rseaux de communication entre les salaris qui le souhaitent, de les

fluidifier et de tirer tout le bnfice collectif que reclent les logiques luvre dans ce que lonappelle prcisment aujourdhui les rseaux sociaux, en dehors des canaux de la communicationinstitutionnelle interne utiliss.

4 Voir ce sujet le travail de notre collgue Dominique Boulier,Mission numrique Sciences Po. Rapportfinal, Juin 2009.


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III.ENMATIREDERECHERCHE,REVENDIQUONSLEXCELLENCE

Le monde est devenu un enchevtrement de crises : crise conomique, crise financire,montaire, sociale, politique, cologique, crise morale, crise de lordre international et desinstitutions qui sefforcent de le garantir, crise de lemploi Lmergence dun monde nouveau,depuis les annes 90, contient ncessairement un appel la recherche, lexpertise, la formationet au dbat. Pour notre institution, en raison de la spcificit de nos sciences sociales, cestvidemment un moment propice. Sciences Po a t imagin dans une priode certains gardscomparable celle que nous connaissons aujourdhui. Face au dsarroi des lites, Boutmyprojetait de refaire une tte de peuple la France ; face aux humanits spculatives, quiljugeait incapables dclairer la dcision, Boutmy voulait mobiliser les sciences socialesfondamentales pour en extraire un ensemble de savoirs pratiques utile la dcision, laction etfinalement la socit ; face lignorance publique et aux pousses de la dmagogie, il voulait

prparer des esprits informs, critiques, comptents et responsables qui pussent tre capables dedonner le ton, de proche en proche, toute la nation 5.Pour Sciences Po, la priorit de la recherche est un effet direct de son inscription dans le

monde universitaire. Le mandat qui souvre ne peut que placer la recherche au cur de nospriorits ; il faut y voir une consquence logique du choix stratgique qui a t fait dinscrireSciences Po dans la catgorie des universits . Parce quil ny a pas de formation suprieuredexcellence qui ne soit adosse la recherche, il ny a pas dUniversit de rang international quine fasse de la recherche une priorit 6.

Il ne faut cependant pas oublier que la recherche joue Sciences Po un rle importantdepuis longtemps, grce aux centres de recherche, dont certains existent depuis plus de 50 ans, etgrce aux formations de troisime cycle dalors.

A. QUELS PEUVENT-ETRE LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES ?Si lon place la recherche au cur de Sciences Po, il faut dire quels objectifs lui sont assigns.Larecherche en sciences sociales doit viser quatre objectifs :

1. Elle doit contribuer au progrs des connaissances ; cest le grand dbat scientifique ; larecherche doit identifier, observer, mesurer, dcrire et comprendre les phnomnes complexesdont on pense quils dterminent ou clairent la marche du monde ;

2. La recherche doit inspirer les programmes denseignement, des plus fondamentaux, avecles formations en histoire, conomie, sociologie, droit ou science politique, aux plus

oprationnels, avec les formations dispenses dans les Masters ;3. La recherche doit rpondre la demande sociale dexpertise en organisant les passerellesentre la science et laction, publique ou prive. Les sciences sociales sont non seulement dessciences de la socit mais aussi des sciences pour la socit. Comme toutes les sciences elles

5 La premire refondation de Sciences Po, avec Jacques Chapsal, a eu lieu aprs la seconde guerremondiale, dans le mme type de contexte. Il fallait, une fois encore, refaire une tte de peuple laFrance , pour accompagner lavnement de lEtat providence, le changement de rpublique, ladcolonisation, la croissance des Trente Glorieuses ou lintgration europenne. La deuximerefondation vient davoir lieu, avec Richard Descoings, accompagnant cette fois leffondrement du

communisme, la globalisation conomique, lexplosion du numrique, la monte en puissance despays mergents et les rvolutions arabes.6 Richard Descoings, Sciences Po. De la Courneuve Shanga, Paris, Presses de Sciences Po, 2007, p. 109.


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doivent participer aux progrs de la connaissance ; comme toutes les sciences, elles doivent aussidmontrer leur utilit.

On sait que Boutmy a voulu crer une Ecole dessciences politiques , et non une Ecole de science politique prcisment parce quil voulait mettre laccent non seulement sur laconnaissance de savoirs fondamentaux, mais aussi sur la matrise de savoirs pratiques capables

daider les socits dpasser les difficults quelles rencontrent7

.Confrontes une multitude de changements, nos socits attendent des enseignants-chercheurs quils proposent davantage leurs expertises afin non seulement danalyser unproblme donn, mais aussi, dsormais, de formuler des recommandations, voire dindiquer lesconditions de leur mise en application. Les enseignants-chercheurs, qui sont, de facto, de plus enplus souvent sollicits pour conduire ce type de travaux, doivent pouvoir agir en ce sens. Il fautaider la valorisation de telles contributions dans le parcours professionnel dun enseignant-chercheur, ds lors que les travaux rpondent aux critres de la dmarche scientifique. Cest uneautre faon duvrer la notorit dune institution, la diffusion de ses recherches et la levede fonds.

Ceci pourrait tre conu et ralis Sciences Po la manire du LSE Experts

Directory , qui propose au public un index nominatif et thmatique des experts prsents danslinstitution et acceptant dy faire figurer leur nom.En matire dexpertise, le PRES Sorbonne-Paris-Cit reprsenterait un potentiel

considrable, ouvrant largement lventail des comptences en offrant Sciences Po une place dechoix, ds lors que les objets de la recherche ou de lexpertise possdent une dimension politique,conomique, juridique ou sociale, ce qui est presque toujours le cas. Il suffit de songer laquestion cruciale de la gestion des risques, qui permet darticuler la plupart des programmes deformation et de recherche proposs Sciences Po, avec les Universits partenaires, l'EHESP(cole des hautes tudes en sant publique), l'IPGP (Institut de physique du globe de Paris), sanscompter les organismes de recherche participant l'Idex, par exemple, dans ce cas, lINSERM.

4. Enfin, la recherche ne doit pas seulement comprendre, elle doit aussi expliquer, cest--direprendre part au dbat public, en diffusant sous une forme simplifie les rsultats de lactivitscientifique. Le partage de la connaissance est le moindre des devoirs pour une activit dont unebonne partie des financements combine les subventions publiques et les dons. Le partage estenfin un atout, lorsquil permet daccrotre la visibilit dune science ou de lactivit scientifiqueauprs de publics que lon sollicite par ailleurs pour des arbitrages budgtaires (lus locaux,nationaux, europens, responsables publics, chefs dentreprise, etc.). Pour les sciences sociales, la

vulgarisation et la mise en visibilit des connaissances constituent aussi lune des rponses auproblme des ressources.

B. LA REVENDICATION DE LEXCELLENCE IMPLIQUE UNE POLITIQUE VOLONTARISTE

Limportance que nous devons accorder la recherche afin de nous situer au niveau delexcellence scientifique internationale appelle, par voie de consquence, la mobilisation desmoyens ncessaires que lon peut mettre en lumire.

1. En premier lieu, cela implique de poursuivre la politique de cration de postesdenseignants-chercheurs. La place de Sciences Po sur la scne scientifique mondiale dpendpour une part dterminante de ce facteur qui conditionne tant le volume que la diversit de laproduction, permettant damliorer la visibilit, le classement de notre institution, de rpondre

7 Pour information, je veux prciser que la cration de lEcole libre des sciences politiques a constitu

le point de dpart de ma thse pour le doctorat en science politique, dirige par Georges Lavau puispar Jean Leca (cf. Lordre dmocratique. Les fondements pratiques dune politique de masse de typedmocratique, Paris, 1994, Sciences Po, volume III, pp. 967-984).


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aux appels projet qui reprsentent une part de plus en plus importante du financement de larecherche.

2. Il faut ensuite intensifier et renforcer le soutien la publication des travaux, leurdiffusion en langue anglaise et leur rfrencement. De ce point de vue, la production des

doctorants ou des jeunes docteurs doit tre fortement encourage et accompagne par la crationde Writing Centers. Un Writing Center8, au sein de la bibliothque permettrait daccompagnerles doctorants lorsquils rdigent leur papers ou leur thse. Il sagit de les aider dans laralisation dun travail ditorial de type scientifique en proposant un encadrement en matire derelecture, de correction, de mise en page, quil sagisse de leur doctorat ou de leurs premiersarticles. Cette aide a lavantage de faciliter et dacclrer le passage la publication, en ouvrantainsi au doctorant ou au jeune docteur les portes de la diffusion numrique, et en favorisant la

visibilit et le rayonnement de ses travaux et de linstitution qui les a rendus possibles.

3. Sauf exception, les Masters et les coles proposant des Masters doivent tre rattachs un dpartement de recherche. Pour les Masters de lEcole doctorale, cet ancrage est leur

raison dtre. Pour les autres, le propre dun Master est dassocier un contenu appliqu, de typeprofessionnel, et un contenu plus fondamental, de type scientifique. Il sagit donc de lesconsidrer au cas par cas mais en affirmant quun lien avec la recherche est toujours un gage dequalit dans la formation dispense et les comptences acquises. Lancrage dans la recherche estacquis, et il parat plus ais sinon plus naturel, pour les masters qui concernent les mtiers de lafinance, de lconomie, du droit9, le Master Governing the Large Metropolis, ou le Master Urbanisme.

4. Lexcellence scientifique implique laccs une documentation de premier plan. Il ny apas de recherche sans bibliothques ni fonds de documentation et, dans ce domaine, le paysageest en mutation. Une grande bibliothque de recherche en sciences sociales ouvrira en 2016

Aubervilliers (PRES Condorcet). Ce nouveau btiment deviendra la plus grande bibliothque en

sciences sociales de France, ravissant le titre Sciences Po qui le dtenait jusque-l.En 1er et 2me cycle, les fonds disponibles sont jugs suffisants pour rpondre aux besoinsdes tudiants. Pour la recherche, en revanche, des choix seront certainement ncessaires comptetenu de limportance que reprsente laccs un fonds de qualit et, par ailleurs, des moyensfinanciers requis pour entretenir ces fonds. Les juristes le disent, en droit, le fonds disponible Sciences Po ne peut ni ne pourra rivaliser avec celui de Cujas ; cela implique que nos enseignants-chercheurs et nos doctorants devront continuer utiliser principalement le fonds disponible Cujas. Pour la recherche en conomie, si notre fonds est jug satisfaisant pour les publications,selon nos conomistes, il est en revanche trs lacunaire pour ce qui concerne les bases dedonnes dont les abonnements sont particulirement coteux (Dauphine, lINSEAD ou HEC enpossdent de meilleures, chacun de ces tablissements mettant laccent sur une documentation

servant ses spcialits). En sociologie et en histoire, le fonds Sciences Po est encore adapt auxexigences dune recherche de haut niveau. En science politique, le fonds dont nous disposonsdemeure une rfrence nationale et internationale.

Dune manire gnrale, sur cet aspect, le PRES doit permettre de mutualiser les fonds, ceque facilite la numrisation. Cependant, si la numrisation est lune des rponses aux dfis quereprsente la mobilisation dun fonds de documentation la hauteur des ambitions affiches parnotre institution en matire de recherche, elle suppose de mobiliser des moyens financiers trsimportants. En effet, au cot de la numrisation sajoute celui de la maintenance informatique,

8 Cf. par exemple le Writing Center de la Nortwestern University, Chicago, celui de la Memorial

University of Newfoundland, au Canada, ou celui de la Melbourne University, en Australie.9 Cf. lexemple du Master Finance et Stratgie , qui sinscrit dans le dpartement dconomie ou lesMasters de lEcole de droit.


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car la numrisation des fonds de documentation implique la cration et le dveloppement desystmes informatiques particulirement lourds et complexes.

5. Sciences Po aura-t-il encore un fonds de documentation en 2018 ? Enoncer en cestermes un problme de documentation auquel nous devons dsormais faire face est moins

rducteur quil ny parat premire vue. Par rapport limprim, la numrisation des sources dedocumentation scientifique prsente de trs substantiels avantages, notamment en termesdaccessibilit, dindexation et de stockage des donnes. Cependant, dun autre ct, lanumrisation des sources de documentation place les services concerns et les institutions qui lesaccueillent dans une situation indite et problmatique de grande dpendance vis--vis desditeurs, des dtenteurs de droits et des oprateurs dans la mesure o ceux-ci peuvent dciderunilatralement daugmenter le cot des abonnements aux bases de donnes ou encore demodifier, tout aussi unilatralement, le catalogue des donnes disponibles, ce quils ne se priventpas de faire, hlas. Dans ces conditions, les services de documentation peinent matriser lescots dabonnement tout autant qu conduire une vritable politique scientifique dachat, ce quiest particulirement problmatique pour une institution qui revendique linternationalisation et

lexcellence en matire de recherche.Lajustement des dpenses tend donc se faire au dtriment des imprims dont la partdcrot rapidement. Or, lacte dachat des bases de donnes, la diffrence des imprims, nerelve pas de lacquisition dun document mais dune location de laccs ce document dontlexemplaire consult ne devient jamais la proprit de la bibliothque qui supporte pourtant uncot croissant pour le mettre la disposition de ses publics.

Dune certaine manire, si nous ne trouvons pas la parade cet pineux problme, cestnon seulement lun des piliers fondamentaux de la recherche et de lenseignement qui sentrouvera gravement menac, mais aussi la notion de fonds de documentation qui pourrait treremise en cause. Ds lors que la tendance, subie et non voulue, en matire de documentationscientifique est la location des accs aux documents et non leur acquisition, nous cessons

dassurer la mission de prennisation du stock, de son enrichissement et de sa transmission auxgnrations suivantes.Compte tenu de limportance des enjeux financiers lis la politique de documentation

dans une institution comme Sciences Po, il faut insister sur la difficult que reprsentelaccomplissement dune mission essentielle dont une partie des cots chappe la matrise.

6. Revendiquer lexcellence en sciences sociales suppose donc dtre en mesure de maintenirleniveau des ressources financires (cf. plus haut la premire partie).

C. INITIER ET CONDUIRE LES DEBATS SCIENTIFIQUES STRUCTURANTS

Pour Sciences Po, la revendication de lexcellence en matire de recherche en sciences socialessuppose certes de prendre une part active aux programmes de recherches, mais cela supposeaussi de prendre linitiative douvrir et de conduire de grands dbats capables de mobiliser lacommunaut des chercheurs et de structurer la recherche en sciences sociales au cours desprochaines annes. On peut ici en donner quelques exemples, tant bien entendu quil ne sagitque dillustrer un type de rflexion stratgique en matire de politique scientifique.

1. Quelles sont les nouvelles frontires des sciences sociales ? Prise comme exemple,lhypothse dun passage l anthropocne 10 illustre le genre de rflexion structurante quelpoque requiert, travers de nouveaux grands dbats qui redfinissent les relations entre les

10 Lanthropocne dsigne cette priode dbutant avec la rvolution industrielle et au cours de laquellelinfluence de lactivit humaine sur lenvironnement est peu peu devenue si grande quil seraitpossible de lui imputer lavnement dune nouvelle poque gologique.


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sciences de la nature et les sciences sociales. Sur le plan historique, cest un ancien dbatscientifique, pistmologique, philosophique et politique qui fait retour, puisque les savoirs surlHomme et sur la socit se sont constitus comme sciences au XIXe sicle, dans un jeudimitation et de diffrenciation avec les sciences de la nature.

Les effets que lactivit humaine est susceptible de produire sur lenvironnement naturel

et sur la nature humaine soulvent de graves questions auxquelles nos universits sattachent dj rpondre. Mais ce nest que le dbut dun questionnement. Sur le plan juridique : nest-ce pasla fin de toute responsabilit lorsque les dommages causs par notre action sont potentiellementirrparables ? Sur le plan politique : quelle lgitimit permet de prendre des dcisions quiengagent possiblement la scurit prsente dune socit tout entire, peut-tre celle desgnrations futures, voire qui modifie lidentit de la nature humaine ; sur le plan conomique :quels impacts la gestion des nouveaux risques peut avoir sur la vie des entreprises et laprofitabilit des investissements consentis ; ou sur le plan sociologique : quels effets lestechnologies nouvelles peuvent avoir sur les reprsentations collectives et sur lordre social, si lonsonge, pour prendre trois exemples, lexplosion des rseaux sociaux, au potentiel considrabledes nanotechnologies ou du gnie gntique.

Nous devons prendre une part active cette rvolution scientifique compte tenu du rlede Sciences Po dans lenseignement et la recherche en sciences sociales, mais aussi, et plusparticulirement, compte tenu de la proccupation de notre institution pour les mutationspolitiques, juridiques, conomiques et sociales que les progrs de la connaissance provoquent ouamplifient. En raison de limmense richesse scientifique quil promet dagrger, lIDEX fourniraitun cadre pertinent pour poser ces grandes questions qui associent les sciences sociales et lessciences du vivant, la prise de dcision et la gestion du risque, linnovation, la croissance et laresponsabilit, etc..

Pour Sciences Po, il est proprement parler fondamental de contribuer dterminer lasituation des sciences en gnral et des sciences sociales en particulier pour le sicle quicommence.

2. La mutation des systmes de gouvernement doit faire lobjet dun vaste programme derecherche. Dun ct, la crise de la dette, la globalisation conomique et le vieillissementdmographique semblent capables de fragiliser, voire de dstabiliser les dmocraties occidentaleset le systme institutionnel europen, tandis que, dun autre ct, les rvolutions arabes, lacroissance conomique et le dveloppement humain que connaissent les pays mergentspourraient conduire redessiner la carte des rgimes politiques. De mme, la crise historique desfinances publiques qui affecte les dmocraties menace le fonctionnement, voire la survie dessystmes de solidarit et de redistribution sans lefficacit desquels la stabilit politique estimpossible. Outre les units de recherche dj cites, on peut voir ici que le Centre dEtudesEuropennes (CEE), lcole de droit, le dpartement dconomie et lOFCE peuvent tre parties

prenantes dun programme commun construit dans le cadre dun tel projet dtude.Des programmes de recherche ambitieux doivent tre conus pour tudier le processusde fragilisation qui affecte les systmes politiques en ce dbut de XXIe sicle. Ces programmesdoivent tre conus au sein de Sciences Po, entre les diffrentes units de formation et derecherche, comme avec les institutions partenaires, universits et centres de recherche. Onajoutera que ce type de recherche constitue par ailleurs un enjeu identitaire pour Sciences Po.

3. Dans le prolongement de cette perspective, il importe de prendre en charge lestransformations du pouvoir lui-mme. A travers le dveloppement fulgurant desbiotechnologies, lhumanit est en passe dexercer une emprise sans prcdent sur le corps et lesorganismes. Ce que lon appelle dsormais lanthropotechnie mobilise en les fdrant les pouvoirs

de la chimie, de la robotique, de linformatique et des nanotechnologies. Les possibilitsdaugmentation de nos performances et les possibilits daction sur nos organismes que recle


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lanthropotechnie suscitent dores et dj dimmenses dbats dans le domaines des sciencessociales, juridiques et de la thorie politique, associant les plus grandes figures et les plus grandesinstitutions de la recherche. Nous ne devons pas faire prendre le risque notre institution derester lcart de cette immense controverse scientifique et politique, juridique, conomique etsociale.

Les enjeux conomiques sont videmment considrables. La possibilit duneaugmentation significative des performances du corps humain annonce des dispositifs politiquesnouveaux dont la lgitimation se nourrit dune demande sociale damlioration qui paratirrsistible, depuis la recherche damlioration des performances scolaires pour ses enfants, ousociales et professionnelles pour soi-mme, jusqu la recherche de techniques de compensationde lingale distribution naturelle des capacits individuelles, ou de rparation desconsquences du vieillissement. La puissance recele par les technologies du vivant, jointe laforce et la diversit de la demande sociale en ce domaine, fait surgir de nouveaux marchscomme de nouvelles pratiques collectives, de nouvelles politiques publiques, de nouvellesnormes, voire une nouvelle figure du pouvoir.

4. Btir un programme international de recherche sur les nouvelles gnrations. Institution universitaire, Sciences Po sadresse avant tout aux nouvelles gnrations, celles desjeunes gens qui ont entre 16 et 24 ans. Or, ces jeunes, aujourdhui, constituent les premiresgnrations nes au cur de ce processus de globalisation si souvent dcrit et comment, justetitre, comme un bouleversement historique dune ampleur indite.

Il sagirait de concevoir un programme pour la recherche, afin de mieuxcomprendre le monde mergent : au cours de la dcennie qui vient, lorsque leurs reprsentantsparviendront aux responsabilits, les 16-29 ans donneront au changement historique dj luvre toute la force et cette intensit quil ne nous est pas encore donn de voir. Il fautlanticiper. Ainsi, il est frappant de noter quel point, dans le domaine des technologies delinformation et de la communication, qui entretient un lien si intime avec la globalisation, ce sont

dores et dj les plus jeunes qui conoivent, crent et font prosprer les nouveaux espaces, lesnouveaux outils, les nouveaux mdias et les nouvelles entreprises qui sous-tendent et ordonnentles cultures du monde, lintrieur dune culture plantaire. Crs par des entrepreneurs quinavaient pas 30 ans, Google et Facebook en sont deux illustrations majeures.

Mais il sagirait aussi de concevoir un programme pour lenseignement, afin demieux observer comment sinforment, apprennent, rflchissent et travaillent nostudiants. Nous formons en effet les premires gnrations qui ont t immerg dans la culturede lcran.A partir de maintenant, les gnrations dtudiants qui arrivent Sciences Po ontbaign dans la culture de lcran. Cest par lcran quelles apprhendent les savoirs. Lantiquematrialit de lcrit disparat peu peu du monde tudiant pour laisser la place des supports quidterminent ncessairement un nouveau rapport la connaissance, aux informations disponibles,

comme un nouveau type de lecture, de pense et dcriture. Le temps est venu dessayer denmesurer et den comprendre les consquences sur lenseignement, la lecture, la comprhension,voire lorganisation du travail des tudiants et des enseignants.

Prenons un exemple : les moteurs de recherche, via internet, ne permettent plus nostudiants de ne pas trouver immdiatement les rponses une question quils se posent ou quileur est pose. Si laccessibilit de linformation constitue un progrs gigantesque, il nest pasmoins ncessaire de rflchir aux consquences ngatives que pourrait avoir sur lesprit de nostudiants, sur la nature comme sur le niveau de leurs comptences, lhabitude prise de ne plusavoir imaginer ou spculer dans lattente dune rponse ou dune information. Il fautcertainement uvrer une promotion des processus de rflexion, au travail dargumentation, lafortification de la dmarche critique, qui ne sont pas toujours compatibles, chez de jeunes gens,

avec labondance et limmdiate accessibilit des informations.


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Sciences Po dispose de la force dattraction et de la lgitimit permettantdinstitutionnaliser et de prenniser une enqute plantaire sur les comportements, lesreprsentations et les valeurs de la jeunesse. Que sont les gnrations mergentes ? Quelles sontleurs valeurs, leurs aspirations, leurs craintes, leurs disponibilits ? Comment jugent-elles lamarche du monde ? Quelle est la gographie de leurs opinions ? Comment voluent-elles,

danne en anne ? Le CERI, le Centre europen, le CEVIPOF, le CDSP, lOSC, voirelquipement DIME-SHE (Equipex), pourraient prendre une part dterminante dans laconception, la conduite de lenqute comme dans lanalyse et la diffusion des rsultats.Lexprience montre que la leve de fonds pour rendre possible la ralisation de telles enqutesest porte de main.


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IV.FORMATION :CEQUENOUSDEVONSNOSTUDIANTS

Nous avons pour mission de prparer nos tudiants russir leur vie professionnelle et leur vie

de citoyen. Nous devons les aider se doter dun esprit inform, critique et se doter dunesolide culture en sciences sociales, matriser des savoirs professionnels spcialiss, treresponsables, tre capables dinitiative et de dcision, tre ouverts linnovation, tout ensachant raisonner lchelle du monde mais aussi de lEurope. Mais, compte tenu deschangements historiques qui sont luvre, nous devons aussi mettre laccent sur des pointsparticulirement importants.

A.GARANTIR UNE INSERTION PROFESSIONNELLE RAPIDE ET DE QUALITE.Russir linsertion professionnelle de ses tudiants est videmment le premier devoir de SciencesPo. Pour tre russie, linsertion professionnelle doit tre rapide et de qualit. Cest aujourdhui lecas. En effet, une part significative de nos tudiants (prs de 40%) trouvent un emploi avant

mme dtre diplms. Le plus grand nombre dentre eux (90%) obtiennent un emploi dans lessix mois qui suivent leur diplme. Linsertion dune trs large proportion (80%) de nos diplmsdans le secteur priv ne doit pas faire perdre de vue limportance des dbouchs professionnelsque reprsentent pour eux le secteur de la fonction publique et ses mtiers de ladministration, delenseignement et de la recherche (ENA, MAEE, EHESP, INET, Banque de France, agrgationdu secondaire ou du suprieur, CNRS, etc.). Les mtiers du service public reprsentent un secteurcl eu gard la vocation fondatrice de Sciences Po.

Maintenir et, mieux encore, amliorer le niveau de linsertion professionnelle de nosdiplms suppose dorganiser une veille mthodique permettant de dceler trs en amont lesvolutions qui affectent les besoins de lconomie en ce qui concerne les savoirs et lescomptences. Cette veille doit donner lieu non seulement une observation des secteurs

dactivit, mais aussi une analyse des comptences requises pour un mme mtier et pour unmme secteur. Ainsi, titre dexemple, un charg dtudes, chez lannonceur ou en institut, doitintgrer les nouvelles mthodes de recueil et de traitement des donnes de consommation, decomportement et dopinion rendues possibles par le web : crowdsourcing, coproduction, aspirationdes donnes, auto-administration onlinedes questionnaires, etc.

Mais la garantie dune insertion professionnelle rapide et de qualit de nostudiants rside dans la rputation des diplmes que nous dlivrons . Cest pourquoi nousdevons accrotre notre niveau dexigence, en ce qui concerne la matrise de comptencesfondamentales que sont les mthodes de travail (exposer un point de vue, ordonner une pense,construire une argumentation, capacits de rdaction, etc.), la culture gnrale, entendue commeune capacit mobiliser non seulement les savoirs spcialiss propres chaque parcours et

chaque projet, mais aussi les bases qui fondent les cinq disciplines de la maison (conomie, droit,science politique, sociologie, histoire) ; enfin, la capacit critique, certainement dcisive dans uncycle historique marqu par de trs profonds bouleversements.

Le soutien de lAssociation des Sciences Po constituera cet gard un atout de taille.LAssociation sera certainement heureuse de pouvoir aider les tudiants trouver un stageconforme leurs besoins et leurs attentes ainsi que daider les diplms trouver lemploi quileur permettra dentrer dans la vie active ou dvoluer dans leur carrire.

B.APPRENDRE LE SENS DU RISQUE.Dans nos socits contemporaines, un procs a pu tre instruit contre le risque, contre la sciencemme, au nom du principe de prcaution, au nom des risques technologiques, bien rels comme

vient de nous le rappeler laccident de Fukushima, mais qui sont inextricablement lis laventurehumaine. Dans quelques parties du monde, chez nous, lhostilit certaines expressions du


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progrs a pris une telle importance quelle tend rendre sinon impossible pour le moins trsdifficile la poursuite des recherches. Cest un enjeu minemment stratgique si lon songe limportance que revtent dores et dj linvention scientifique et linnovation technologiquedans la cration des richesses et dans la redistribution plantaire du pouvoir conomique,politique et culturel.

Il est certain que le savoir ne se confond pas avec la sagesse ou la prudence sans un effortintellectuel supplmentaire et spcifique. Pour certains, la capacit de lHomme connatredpasserait dsormais non seulement sa capacit devenir sage, laquelle serait reste identique,mais aussi sa capacit connatre les consquences de ses actes, voire sa capacit connatre lesconsquence de sa connaissance.

Nos tudiants doivent rflchir sur de tels enjeux, mais ils doivent le faire pour dfinirlaction juste, le progrs utile, le risque calcul, non pour renoncer toute action, toute dcisionet finalement lHistoire. Ici, sur le vieux continent, lexpression de rticences ou de franchesoppositions au progrs de la connaissance peut dcourager des investisseurs et acclrer ladlocalisation des intelligences et des moyens financiers vers des zones plus favorables lascience profitant parfois dune sorte de dumping thique . La carte mondiale des brevets

dposs dans le domaine des OGM montre, par exemple, que la France a non seulement perdu laposition de leader quelle dtenait depuis le XIXe sicle, mais aussi que limmense patrimoinescientifique sest peu peu fltri, faute davoir t cultiv. Cette perte dune partie de nosmeilleures comptences techniques et scientifiques se fait au profit de pays mergents mais aussiau profit danciennes puissances dsormais plus engages que nous dans ce type de recherche etdinnovation.

Il serait regrettable que le vieux continent perde peu peu son industrie, ses usines etleurs ouvriers, en raison dun cot du travail trop lev, et que nous ayons ensuite dplorer lemme phnomne pour notre science, ses laboratoires et leurs chercheurs, cette fois en raisondun cot thique et politique trop lev. On disait, autrefois, les pacifistes sont lOuest maisles missiles sont lEst ; on pourrait observer aujourdhui que le principe de prcaution a t

adopt chez nous, quand les brevets sont dposs par le reste du monde.C. INTEGRER LA REVOLUTION DU PARTAGE DES DONNEES DINFORMATIONS PUBLIQUES.Pour la France, lEurope et, plus largement, le monde occidental, la crise financire conduit uneprofonde recomposition des puissances publiques. La figure de lEtat en sera modifie. Loin decroire sa disparition ou son effacement, car lon voit bien ce que le nouveau monde requiertcomme rgulation, cest une autre mtamorphose qui est en cours. Lenseignement dispens Sciences Po doit laccompagner, la comprendre, lanticiper, la gouverner. Le rle de notre maisondans ce changement doit tre central, comme ce fut le cas, dj, lorsqu la Libration, la crationde notre Etat providence, bouleversant toute notre organisation conomique, politique et sociale,fit surgir de nouvelles lites, capables de prendre en charge cet immense chantier, avec la cration

de lENA, la cration de la FNSP et le rle que lIEP sest vu confier, par voie de consquence,dans la formation de ces nouveaux gouvernants.Sciences Po doit prendre une part active la rvolution de louverture et du partage des

donnes dinformations publiques, ce que lon dsigne sous le terme de open data. Il est devenuindispensable de former les agents de la fonction publique louverture des donnesdinformations publiques11.

Avec la gnralisation des usages dinternet, les mentalits ont intgr la notion de rseau,dubiquit et dinteraction distance (online). Cest dans ce contexte que les gouvernements,confronts deux demandes de nature diffrente, soit une meilleure utilisation de largent publicet une simplification des dmarches administratives, sont entrs dans lre de ladministrationdmatrialise et du gouvernement lectronique. Les responsables politiques, en particulier au

11 Depuis quelques annes, ladministration ouverte connat des progrs fulgurants dans le monde, enparticulier au Canada, en Nouvelle-Zlande, en Australie, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni.


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niveau local, sont dsormais tenus de rendre des comptes plus prcis sur la manire dont ilsutilisent largent public.

Le principe de la transparence et de la gouvernance ouverte (open government) modifie enprofondeur la conduite des affaires publiques. A lancien modle hirarchique, vertical et secret,on voit se substituer un modle plus participatif, horizontal et public, plus favorable la gestion

responsable o chacun croit pouvoir devenir acteur et le devient, en effet, de plus en plussouvent. Ceci constitue, dune part, une volution sensible de ladministration vers une sortedadministration citoyenne, et dautre part un changement dans les pratiques des agents desadministrations.

Louverture des donnes publiques nest pas seulement une condition du dveloppementde notre culture dmocratique, elle est aussi un facteur de la croissance conomique, en raison dudveloppement des usages de ces donnes et des applications quelle permet (notamment endirection de la tlphonie mobile) et qui pourraient tre dveloppes par lindustrie (notammentavec les donnes golocalises).

Conscient de leffet de levier conomique produit par lusage des donnes dinformationpublique, lEtat a dcid den faciliter louverture (open data) avec la cration en 2011 dun portail

unique (data.gouv.fr) de rutilisation des informations publiques, plac sous lautorit du Premierministre.Mais en amont, ce projet rclame limplication des agents publics dans les processus

dinnovation et lappropriation des comptences pour stimuler la volont de changement etaccompagner ces transformations. Cest ainsi que Sciences Po, engag depuis toujours dans laformation aux mtiers de ladministration, doit ouvrir la recherche et lenseignement denouvelles voix ddies la cration, au traitement et la diffusion des donnes dinformationpublique. Au-del des comptences en termes de mtiers , cest toute la culture de lagouvernance ouverte qui doit tre rendue accessible aux professionnels de la sphre publique enmettant en perspective des possibilits encore indites dinteractions entre les agents eux-mmes,comme entre les agents et les citoyens, dans le but damliorer la qualit des services publics.

Cette formation gnrale, la fois thorique et pratique, poserait les bases communes de savoir-faire en matire de cration et de traitement des donnes publiques afin de les rendre utilisablespar le plus grand nombre, le grand public et par les entreprises.

Cela concerne donc les mtiers du public, et ce volet pourrait sajouter au dossier queconstitue la rflexion en cours dans la perspective de la cration dune cole dAffaires Publiques(EAP) ; cela concerne aussi les mtiers de la recherche, ceux du secteur marchand, les mtiers dela communication ou du journalisme, avec notamment lapparition dun datajournalisme quiparat devoir jouer un rle croissant.

Lmergence de nouvelles perceptions de linformation est lie lusage gnralis desoutils multimdias, aux technologies interactives du web et la revendication du droit linformation, notamment sagissant des donnes dinformation publique. Le monde de la presse

est travers, bouscul par cette rvolution ; il doit sadapter ces nouveaux comportements dupublic afin de mieux rpondre ses attentes. Une cole de journalisme innovante doit prparerles nouvelles gnrations de journalistes non seulement la matrise des outils numriquescomme support de diffusion mais aussi lexploitation des ressources en ligne. Le journalismede donnes requiert du professionnel de linformation la capacit de rechercher les donnesdinformation dans les multiples bases institutionnelles, de les traiter, de les prsenter et de lesdiffuser de manire structure et signifiante. Cest ce que lon appelle le datajournalisme quirepose sur des mthodes exigeantes. Lcole de journalisme de Sciences Po sadapte lvolutiondu journalisme et propose des spcialisations en datajournalisme. Nos voisins outre-manche ontlanc ce type de formation Londres (City University London). Lenseignement dispenspourrait porter sur les techniques de recherche de contenus partir des jeux de donnes ;

dinterprtation de ces donnes ; de reprsentation en temps rel des informations produites par


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linfographie et la datavisualisation ; dergonomie, de design, de datamanagement, devrification

D.SOUTENIR ET DEVELOPPER LESPRIT DENTREPRISE.Les formations proposes par Sciences Po offrent nos tudiants la matrise de savoirs

thoriques et pratiques qui rpondent aux attentes du monde professionnel et en particulier dumonde de lentreprise. Il demeure indispensable de promouvoir lesprit dentreprise pour lui-mme, dans le but de favoriser lmergence des entreprises de demain et de compenser les effetsdu brutal vieillissement dmographique qui atteint aussi la classe des entrepreneurs. Depuis 2008,le programme Sciences Po Entrepreneurs intgrant lIncubateur de Sciences Po propose unparcours pdagogique dont le but est dencourager les vocations. Il faut dployer encore ceteffort en faveur non plus seulement de lentreprise, mais de la direction dentreprise et de lacration dentreprise.

En complment de ce qui existe dj et qui concerne des tudiants ayant choisi desintresser la cration dentreprise, il sagit dimaginer un programme de sensibilisation destin tous les tudiants. La formation par lexprience de laltrit, cest aussi le futur haut

fonctionnaire qui dcouvre lunivers culturel du futur entrepreneur, et inversement.

E. INTENSIFIER LETUDE DE LESPACE EUROPEEN ET DE LUNION EUROPEENNE.Dans un moment marqu par la crise europenne des finances publiques, lhostilit lUnion estune opinion montante dans chacun des pays qui la composent. Les gouvernements nationauxsont pris entre la ncessit de cooprer de plus en plus troitement avec les institutionscommunes et les Etats membres, et une opinion nationale plus hostile lUnion parce quelle voitune sorte de pouvoir tyrannique dans les implications de la solidarit europenne. La situationhistorique est particulirement proccupante. Nul ne peut assurer aujourdhui que lUnionsurvivra la crise des dettes publiques et ses consquences sur lEuro.

Les nouvelles gnrations ont besoin de rapprendre lEurope, la gnalogie dont lUnion

est le rsultat, la communaut de destin que reprsente cet ensemble, les valeurs communes. Avecnotamment le concours de lEcole doctorale (histoire, sociologie, droit, science politique,conomie), du Master Affaires publiques europennes ou encore du Centre dtudeseuropennes, Sciences Po devrait engager avec les grandes universits de lUnion, dans chacundes pays membres, la construction dun programme europen denseignement commun.

Linternationalisation de Sciences Po ne doit pas se faire au dtriment de lEurope, nonpas comme espace commun, nous avons plus de 125 accords avec des Universits europennes,mais comme ensemble politique. Au-del des premiers cycles spcialiss, des modules deformation ou des quipes de recherche ddies, il faut cultiver et promouvoir la cultureeuropenne auprs de tous les tudiants de Sciences Po comme nous avons su promouvoirauprs deux une culture de la globalisation.

F. RETROUVER LESPRIT DE LA CULTURE GENERALE ET EN RESTAURER LEPREUVE !La suppression, en 2012, de lpreuve de culture gnrale est reste incomprise. Largument dubiais social ne vaut pas puisque Sciences Po, dans le mme temps, a voulu introduire une preuveorale de langue, autrement plus discriminante. A Sciences Po, la culture gnrale a toujours tune pice majeure de la formation. Il ne sagit pas dune mthode mais dune attitude lgard dumonde ; ce nest pas un savoir mais une aptitude interroger les faits ; ce nest pas unecomptence mais une disponibilit la rflexion. La culture gnrale permet larticulation desdiffrentes disciplines enseignes. Sans elle, la pluridisciplinarit, autre singularit de Sciences Po,nest quune juxtaposition de connaissances et de comptences qui svanouissent au moment dela spcialisation et que les changements du monde rendent trs vite obsoltes.

Il est relativement ais dviter les effets ngatifs attachs lpreuve de culture gnrale superficialit et discrimination sociale -, en dfinissant prcisment le contenu dun programme,


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en dcrivant lexercice attendu et en soumettant les candidats un contrle crit, dans leprolongement des preuves de lenseignement secondaire.

Concrtement, que faire ? Sans tre premptoire, car il faudra recourir une forme decoproduction, je peux en revanche exprimer quelques ides simples : il est possible de penser unepreuve fonde sur les 5 savoirs enseigns dans la maison (histoire, sociologie, conomie, droit et

science politique). Lpreuve porterait sur un contenu limit, connu, sur lequel les tudiantsseraient invits rflchir par crit. On peut ainsi imaginer un programme thmatique consacr,par exemple, une anne, la stratification sociale et la manire dont les 5 savoirs clairent ceproblme. La restauration dune preuve de culture gnrale sera une manire de dire plusprcisment aux candidats ce que nous sommes, ce que nous leur proposons et ce que nousattendons deux. Ce sera une manire de les aider vrifier quils prouvent un vritable attraitintellectuel pour les savoirs enseigns Sciences Po. Ce sera aussi une faon de renforcer lespritcommun aux lves de Sciences Po, si ncessaire aux anciens lves comme linstitution.

G. PROLONGER LEFFORT DE DIVERSIFICATION SOCIALE DES ETUDIANTS.Chacun sait que la russite scolaire nest pas quune affaire de talent personnel, comme le montre

la faible proportion des tudiants issus des milieux sociaux populaires et intermdiaires dans nostablissements denseignement suprieur. La diversification sociale de lenseignement suprieurslectif doit moins chercher rpondre des impratifs de justice sociale quaux exigences de lamritocratie, car la valeur du mrite scolaire dpend de la capacit quont les institutions derduire le rle des facteurs sociaux dans la slection des candidats. Il sagit de recruter lesmeilleurs, non les semblables.

La diversification sociale est aussi un objectif intellectuel et pdagogique. Elle permetdoffrir chaque tudiant un cadre de vie et de travail plus ouvert, pluraliste, humainementdifiant et intellectuellement stimulant, qui contraste avec luniformisation prvalant au sein de laplupart des tablissements slectifs. Le conformisme que gnrent les promotions socialementhomognes est particulirement prjudiciable dans un temps qui appelle lesprit dinnovation.

Saluons donc la politique de diversification mene Sciences Po. Grce celle-ci, entre2001 et 2012, la proportion denfants douvriers inscrits dans ltablissement est passe de 1% 4,5% ; dans le mme temps, la proportion denfants demploys est passe de 2% 7,5%. On nepeut pas citer beaucoup dtablissements comparables qui affichent de meilleures performances12.Ce progrs significatif est le rsultat dune politique fonde sur un triptyque : rforme desmodalits de recrutement ; augmentation du nombre de bourses, les boursiers reprsentant 26%de lensemble en 2012 contre 6% en 2001 ; et enfin cration dune procdure de slection descandidats issus des zones dducation prioritaires , dans le cadre de Conventions ducationprioritaire , (CEP) passes entre Sciences Po et des lyces concerns. Trs connue ds sa mise enplace tonitruante, cette voie daccs a jusquici permis un millier de jeunes concerns daccder Sciences Po, den obtenir le diplme ou dtre en passe de lobtenir.

Dornavant, il faudra agir dans 5 directions : 1) consolider ce dispositif dont les basesjuridiques peuvent sembler fragiles ; 2) le dvelopper en visant le doublement des effectifsannuels pour atteindre 250 tudiants ; 3) tendre cette politique sur lensemble du territoire. Pource faire, Sciences Po devrait se rapprocher des autres IEP, o le profil sociologique des lves estplus divers, et construire une Communaut acadmique se donnant notamment pour objectifduvrer en ce sens ;

4) Il est temps dsormais de modifier la procdure CEP. Aujourdhui, le systme reposesur lorganisation dpreuves ddies aux candidats CEP (o la constitution dun dossier depresse joue un rle central), tandis que pour les autres candidats on retrouve les preuves plusclassiques reposant sur les savoirs disciplinaires, avec un systme doptions, histoire, conomie,mathmatiques, littrature, langues trangres. Il faut maintenir cette procdure part qui permet

12 Cf. les donnes de comparaison clairantes runies et prsentes par Sciences Po dans ses rponsesau rapport de la Cour des comptes, p. 164.


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une slection au sein du groupe des candidats socialement dfavoriss, car leur mise enconcurrence avec tous les autres, sous lapparence de lgalit, transformerait la mritocratie ensimple slection sociale. Mais, par voie de consquence, il ny a alors plus de raison de priver lescandidats socialement dfavoriss des preuves que passent les autres candidats. La rformefuture doit donc inviter tous les candidats passer le mme type dexamen dentre, tout en

maintenant lorganisation de comptitions spares.5) Enfin, la rforme doit se combiner avec la restauration dune preuve de culturegnrale. Ainsi, les candidats issus des CEP seront soumis aux mmes preuves que tous lesautres candidats, y compris lpreuve de culture gnrale. Tous se retrouveront ensuite sur lesbancs de Sciences Po, dots de ce savoir commun et de cette proccupation partage qui formentle socle essentiel permettant de faire communaut.

Diversifier laccs Sciences Po est lune des meilleures rponses lenjeu historique durenouvellement de nos lites. En raison du poids des familles issues de limmigration au sein desclasses populaires, cette politique conduit galement une diversification ethnoculturelle de noslites. Cest pourquoi la politique conduite par Sciences Po ne doit pas tre regarde comme unepolitique conduite pour Sciences Po. Elle apporte, lvidence, un bnfice collectif.


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V.RELEVER LE DEFIDU

Les systmes traditionnels d'enseignement devront intgrer des alternatives innovantes afin de

rpondre de manire optimale au besoin de formation des tudiants, dans un monde o lademande de formation initiale et de formation continue est en pleine explosion 13. Avec ledploiement massif des technologies de l'internet et les immenses possibilits de diffusion dessavoirs qu'elles offrent, les universits qui ont su oprer cette mutation rencontrent auprs despublics tudiants des succs dj impressionnants.

Ainsi, la prochaine vague d'innovation dans le monde acadmique sera le rsultat dunecombinaison de trois mouvements : laugmentation massive du nombre d'tudiants, unervolution technologique affectant les modes de diffusion des contenus et, enfin, la possiblebaisse radicale des frais dinscription, voire des formes de gratuit, font entrevoir unbouleversement de loffre de contenus, des modalits dapprentissage et de validation des savoirs,comme de lconomie de lenseignement suprieur.

A.LA REVOLUTION DU A DEJA COMMENCE.Quelques-unes des plus prestigieuses universits amricaines14 viennent de sengager dans desexpriences innovantes de diffusion de cours ouverts tous et disponibles en ligne donnant lejour au MOOC, pour Massive Open Online Courses. Elles proposent des formations suprieures un trs grand nombre d'tudiants, rpartis dans le monde entier. Le succs de ces expriences estdores et dj reconnu. La plus remarquable concerne la trilogie de cours autour de la thmatiquede lintelligence artificielle15dlivre gratuitement par l'Universit de Stanford plus de 300.000tudiants, dment inscrits, linitiative des professeurs Peter Norvig et Sebastian Thrun 16. Cessuccs remarquables ont impuls immdiatement d'autres initiatives de mme type. C'est ainsiqu' Stanford, une fois de plus, deux professeurs de sciences ont cr "COURSERA", une "social

entrepreneurship company" qui tablit des partenariats avec les plus importantes universits du mondeet dlivre des cours gratuitement destination de qui le souhaite.

On peut citer, titre dexemples, les formations dlivres gratuitement et distance parMIT OpenCourseWare. Ces formations sont nombreuses17, adaptes aux besoins de publicsdivers (tudiants loigns, expatris, handicaps, personnes en cong parental, prisonniers,malades hospitaliss, travailleurs en activit, particuliers indpendants...), chacun ayant lapossibilit d'apprendre en suivant son propre rythme. Les outils pdagogiques sont crscollectivement par les enseignants et les volontaires, valus par les pairs et les utilisateurs. Tousles contenus sont adosss la recherche.

13

Cest dailleurs un fait historique dune trs grande ampleur et dont les consquences so

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Reynié - Mon projet pour Sciences Po