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Richard Lacombe, ACELF · Financé par le gouvernement du Canada et ... à la libération politique, culturelle, ... avait assumé le poste de premier ministre du Nouveau-Brunswick,

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CoordinationRichard Lacombe, ACELF

Aide à la coordination Maude Lafleur et Étienne Ferron-Forget, ACELF

Rédaction (1re et 2e éditions)Michèle Matteau

Illustration (2e édition)Thomas B. Martin

Recherche historique (1re édition, 2004)Pauline Matteau

Validation historique (1re édition, 2004)Jean-Pierre Charland, professeur, Faculté des sciences de l’éducation, Université de MontréalGilles Lesage, directeur général, Centre du patrimoine, ManitobaLéon Thériault, professeur, Département d’histoire et de géographie, Université de Moncton

L’ACELF remercie les membres de son Comité des outils d’intervention ainsi que les autres collaborateurs au projet : Ronald Boudreau, Paule Buors, Alexis Couture, Simon de Jocas et Raymonde Laberge.

© Association canadienne d’éducation de langue française

Dépôt légal 2014 (2e édition)Bibliothèque et Archives CanadaBibliothèque et Archives nationales du Québec

ISBN 978-2-923737-48-5 (en ligne)ISBN 978-2-923737-49-2 (imprimé)

Financé par le gouvernement du Canada et par le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes du Québec

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1960 À 1970

BALISES1960 : début de la Révolution tranquille au Québec; fondation du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN); Louis Robichaud élu premier ministreauNouveau-Brunswick

1962 : réélection des libéraux de Jean Lesage au Québec; création de la Commission royale d’enquêteLaurendeau-DuntonparOttawa

1963 : électiondeLesterB.Pearsoncommepremier ministre du Canada

1964 : arrivée du French PoweràOttawa;samedi de la matraque à Québec

1965 : dépôt du rapport préliminaire de la commission Laurendeau-Dunton

1967 : exposition universelle Terre des Hommes à Montréal

1968 : Pierre Elliott Trudeau élu premier ministre du Canada; fondation du Parti Québécois 1969 : promulgationàOttawadela Loi sur les languesofficielles; fondation de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT)

Bien que toujours en opposition, les deux blocs idéo-logiques que sont le communisme et le capitalisme s’influencent mutuellement. Dans les deux camps et dans les pays non alignés, qu’on nomme alors le Tiers-monde, le temps est à la libération politique, culturelle, sociale et religieuse. On assiste à un bouleversement des valeurs dans tous ces domaines.

C’est à ce moment que s’entame le mouvement de déco-lonisation. Des pays comme la France, l’Angleterre, la Belgique et le Portugal, qui conservaient encore un empire colonial sur les continents africain et asiatique, accordent de bon gré ou poussés par les événements, l’indépendance à leurs colonies. Certaines décolonisa-tions se font dans un climat de calme relatif, mais ailleurs le départ de l’administration européenne engendre des conflits ethniques qui ne sont pas près – 50 ans plus tard – d’une résolution pacifique. Une cinquantaine de nouveaux pays prennent ainsi place sur l’échiquier mondial et sont invités à participer à l’alignement est-ouest (commu-nisme vs capitalisme). Ce mouvement de libération suscite l’admiration et n’est pas sans influencer les mentalités jusqu’au Canada.

À cette époque, un début de détente perce entre les deux blocs. L’accession de John Fitzgerald Kennedy à la présidence des États-Unis en janvier 1961 semble donner lieu à un autre style de gouvernement, à une approche de conciliation. Les chefs communiste et capitaliste se visitent, créent un lien grâce au téléphone rouge. Cependant, l’illusion ne dure guère : Kennedy est assassiné en novembre 1963. Mais son passage a laissé dans le cœur de la génération montante le sentiment que tout est possible.

Les valeurs changent. La révolution dite « culturelle » commence dans la Chine de Mao. Elle fascine les jeunes du monde entier. Dans la foulée de ce rejet des anciennes valeurs, on parle partout, ou presque, sur la planète de culture populaire et non plus de Culture. On rejette même cette dernière, souvent avec ressentiment. La culture se définit désormais par ce que vit une population dans son quotidien et elle couvre les préoccupations et les combats de la classe ouvrière, et non plus celles de l’élite intellectuelle. La langue populaire s’avère le véhicule de choix de cette nouvelle mentalité.

Les cadres de la religion catholique évoluent eux aussi. En 1962, quatre ans après son élection, le pape Jean XXIII proclame l’ouverture du Concile Vatican II qui veut renouveler l’esprit du catholicisme dans le monde moderne.

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Le latin est abandonné au profit des langues parlées par les populations. Les laïcs sont invités à prendre davantage part aux rites de l’Église. Des traditions millénaires tombent. Un vent de renouveau souffle sur toute la catholicité et atteint profondément les francophones du Canada qui restent majoritairement d’allégeance catholique romaine.

Ces changements de valeurs culturelles et religieuses sont soutenus par une montée démographique jeune et dynamique : les baby-boomers arrivent aux études secondaires, collégiales ou universitaires. Grâce à la télé-vision, ils sont au courant des événements mondiaux. Ils sont témoins des tensions politiques qui se manifestent dans les pays de l’Est contre la présence soviétique, de l’horreur des interventions militaires américaines au Viêt-Nam, de la violence des luttes d’indépendance sur le continent africain. Ils réclament pour eux et pour tous le pouvoir du Peace and Love.

Leur musique et leurs idoles deviennent omniprésentes. Cette culture se propage. Des courants révolutionnaires, d’influence marxiste et socialiste, se répandent aussi dans les universités américaines, canadiennes et euro-péennes. Par ces mouvements de contestation, les jeunes et les adultes qui rapidement leur emboîtent le pas s’attaquent à l’ordre social – libération sexuelle et libération de la femme – et à l’ordre politique et militaire – guerre au Viêt-Nam et montée du Black Power.

On remarque bientôt l’émergence de maints regroupe-ments internationaux de professionnels et d’entreprises : médecins, professeurs, compagnies de navigation maritime et aérienne, etc. et d’associations d’entraide bilatérale dans les domaines des communications, des sciences et technologies et de l’éducation. Ces contacts engendrent un climat d’ouverture aux autres et d’affirmation de soi.

Dans la foulée de ces rencontres internationales est fondée, le 17 février 1969, l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT). Les représentants de

23 États francophones se retrouvent à Niamey au Niger. L’ACCT veut maintenir un lien d’entraide entre les pays francophones de la planète et devenir un instrument de dialogue et de solidarité.

LES REVIREMENTS POLITIQUESEn 1960 commence une période décisive sur le plan politique au Canada français. Coup sur coup, deux événements majeurs surviennent.

Au Québec, le 22 juin, les libéraux de Jean Lesage sont portés au pouvoir après que l’Union nationale de Maurice Duplessis eut monopolisé la scène politique pendant 20 ans. Les libéraux entreprennent alors cette réforme hardie et rapide de la société québécoise qu’on appelle la Révolution tranquille.

Au Nouveau-Brunswick, quelques jours plus tard, soit le 27 juin, Louis J. Robichaud arrive au pouvoir. Il est le premier Acadien à être élu premier ministre de sa province15. C’est un moment crucial et déclencheur pour tous les Acadiens. Les réalisations du gouvernement Robichaud seront nombreuses : la Loi sur les langues officielles de 1969, la réforme fiscale, les réformes du système de santé, les réformes dans l’éducation, etc.

Le 10 septembre de cette même année est fondé au Québec le Rassemblement pour l’Indépendance Nationale (RIN). Ce groupe est, depuis l’éphémère Alliance laurentienne de 1957, le premier qui parle ouvertement de l’indépendance politique du Québec. La pensée politique et nationaliste bouillonne. Le règne politique de Duplessis est qualifié de dictature et un vent de liberté souffle sur le Québec, faisant écho à celui qui secoue maints endroits de la planète. D’étape en étape, les politiciens québécois nourrissent et entretiennent la démarche d’affirmation. Le 24 mars 1961 est créé l’Office de la langue française. La campagne électorale

15 L’Acadien Pierre-Jean Véniot avait assumé le poste de premier ministre du Nouveau-Brunswick, de 1923 à 1925, en remplacement de Walter Foster, mais sans élection.

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de 1962 s’amorce avec le slogan « Maîtres chez nous ». Le Parti libéral de Jean Lesage qui est reporté au pouvoir s’engage à nationaliser l’électricité et à former un ministère de l’Éducation. Le temps est aux réformes dans tous les domaines.

Le fédéral répond bientôt aux revendications de plus en plus précises des francophones du Québec, des Maritimes et d’ailleurs. Le 14 novembre 1962, la Commission royale d’enquête Laurendeau-Dunton sur le bilinguisme et le biculturalisme reçoit son coup d’envoi. Quelques mois plus tard, en 1963, le libéral Lester B. Pearson, initiateur de la force de paix de l’ONU, est élu premier ministre du Canada. Il pose aussitôt un geste qui aura des répercussions sur la francophonie de tout le pays. Il appelle à Ottawa trois personnes que l’on désignera très vite comme le French Power : le chef syndical Jean Marchand, le journaliste Gérard Pelletier et le professeur Pierre Elliott Trudeau. Ce dernier devient ministre de la Justice et fait passer des lois qui donnent à chaque citoyen canadien une plus grande liberté d’expression de soi. Ces réformes sociales permettent une évolution rapide de toute la société.

En 1965, la Commission royale d’enquête Laurendeau- Dunton dépose son rapport préliminaire. Les recom-mandations sont sans équivoque : déclarer le français langue officielle aux Parlements du Canada, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, ainsi que dans l’administration fédérale et devant ses tribunaux, créer des districts bilingues là où les francophones sont en nombre suffisant et faire adopter par les législatures une loi sur les langues officielles au Canada.

L’AFFIRMATION DU QUÉBECPendant que se poursuit l’enquête Laurendeau-Dunton, des éléments extrémistes se manifestent au Québec. En mars 1963 éclatent les premières bombes de l’armée de libération du Québec (ALQ) et du Front de libération du Québec (FLQ). Ces attentats ciblent ce qui apparaît, aux yeux des membres de ces groupes, comme des symboles

de la domination britannique : les casernes militaires et les boîtes aux lettres d’un quartier anglophone huppé de Montréal.

En 1964, une manifestation organisée par le RIN tourne à la violence. Les manifestants expriment pacifiquement leur opposition à la visite de la reine Élizabeth II dans la capitale provinciale du Québec. Sans qu’il y ait eu provocation de la part des manifestants, la police les charge et exerce une répression brutale. Des dirigeants du RIN sont arrêtés et des gens, matraqués. Ce « Samedi de la matraque » laisse un goût amer chez la population.

Toutes les occasions sont bonnes pour s’affirmer politiquement, socialement et linguistiquement. En 1964, Jean Lesage, premier ministre libéral de la province et fédéraliste convaincu, déclare pourtant : « Le Québec cherche à obtenir tous les pouvoirs nécessaires à son affirmation économique, sociale et politique. Dans la mesure où les provinces ne poursuivent pas ce même objectif, le Québec se dirigera, par la force des choses, vers un statut particulier qui tiendra compte à la fois des caractéristiques propres de sa population et du rôle plus étendu qu’elle veut conférer à son gouvernement. » Le fédéral cède à la pression en votant une loi qui permet le retrait d’une province canadienne d’un programme fédéral avec compensation financière.

Un événement crée une effervescence dans tout le pays et met le Québec en vedette sur le plan international. En 1967 a lieu l’exposition universelle de Montréal. Toute la planète a les yeux tournés sur cette fête des nations qu’on dit la plus importante tenue jusqu’alors. D’avril à octobre, les chefs d’État étrangers se succèdent au Canada. Selon le protocole établi, ils visitent d’abord Montréal et le pavillon de leur pays, puis se rendent à Ottawa rencontrer le premier ministre Pearson. Le président de la France est alors le Général De Gaulle. Quand, au soir de son arrivée à Montréal, il lance à la fin de son discours officiel « Vive le Québec libre ! », il provoque un incident diplomatique. En une minute, les problèmes politico-linguistiques qui agitent le Canada sont connus dans le monde entier.

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LA RUPTUREÀ l’automne 1967, du 23 au 26 novembre, les États généraux du Canada français tiennent leurs assises nationales à Montréal, regroupant plus de 2 300 délégués de toutes les provinces canadiennes, nommés ou élus par leurs associations, afin de discuter de l’avenir consti-tutionnel de la nation canadienne-française et la définir. Pour ce faire, il est important de déterminer les pouvoirs essentiels aux Canadiens français habitant à l’extérieur du Québec. Les délégués de ces provinces n’acceptent pas le statut que se donne le Québec, c’est-à-dire celui d’État national des Canadiens français. Les délégués de l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario provoquent la rupture en refusant de participer à la poursuite des discussions. Soudain, le Canada français tel que vécu depuis la Confédération n’existe plus.

VERS DE NOUVELLES IDENTITÉSSi le Canada français s’efface en tant que composante du pays, les Canadiens de langue française continuent, eux, d’exister, et ils sont plus conscients que jamais de leur pouvoir et de la nécessité de défendre leurs droits.

Les Canadiens français du Québec ayant choisi de s’appeler dorénavant Québécois, ceux du reste du pays sont forcés de s’identifier à leur tour en se référant à leur province d’appartenance : Franco-Terre-Neuviens, Franco-Ontariens, Franco-Manitobains, Fransaskois, Franco-Albertains, Franco-Colombiens, Franco-Yukonnais et Franco-Ténois. Quant aux Acadiens des Maritimes, ils conservent l’appellation qui les désigne depuis des siècles, se contentant de préciser, au besoin, la province où ils habitent : Acadiens de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard. En 1975, ces francophones du Canada se regroupent sous le nom de Francophones hors Québec (FHQ), qui devien-dra l’actuelle Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA).

Les combats que se livrent le Québec et le Canada mettent à l’ordre du jour la réalité des francophones de partout au pays. Les provinces doivent faire face aux demandes de leur population. Certaines le font en prenant les devants, d’autres en attendant les protestations officielles. Souvent après de longues revendications, d’importantes victoires sont gagnées, Par exemple, en 1968, l’usage du français est autorisé à l’Assemblée législative de l’Ontario. L’année suivante (1969) est signée la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick. Elle n’entrera cependant en vigueur qu’au milieu des années 1970, après qu’aura été complétée la traduction des lois de la province.

En pleine Révolution tranquille, le président français Charles de Gaulle visite le Canada dans le cadre de l’Expo 67.

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L’année 1969 marque l’adoption de la Loi sur les langues officielles au Canada. Désormais existent officiellement deux langues au Canada : l’anglais et le français. Toutes les institutions fédérales doivent devenir bilingues. Ce bilinguisme obligatoire concerne les institutions et non des individus. L’objectif est clair : permettre aux franco-phones de recevoir des services dans leur langue, où qu’ils se trouvent au Canada.

Par conséquent, les institutions fédérales ont un pressant besoin de traducteurs pour que les documents admini- stratifs soient disponibles dans les deux langues et de professeurs, pour permettre aux membres de la fonction publique qui le désirent de parler les deux langues offi-cielles du pays. Jusqu’alors, en effet, les membres bilingues de la fonction publique canadienne étaient généralement des francophones. Le bilinguisme devenant maintenant un atout, plusieurs fonctionnaires unilingues anglais voient dans l’apprentissage du français une chance d’avancement professionnel.

L’ENVERS DE LA MÉDAILLEEn 1969, le gouvernement du Québec dépose une loi pour promouvoir l’enseignement de la langue française. La loi 63 vise à ce que les Québécois anglophones acquièrent une bonne connaissance du français à l’école et à ce que les nouveaux immigrants puissent, dès leur arrivée, apprendre la langue de la majorité. Cette loi donne toutefois le choix aux parents.

Un tollé suit le dépôt de la loi, car une partie de la popula-tion québécoise n’accepte pas qu’il y ait choix. Le Front commun du Québec français réclame rien de moins que l’unilinguisme français puisque l’unilinguisme anglais reste la norme dans presque toutes les provinces et territoires du Canada. Diverses manifestations font éclater la violence. Le 31 octobre 1969, une intervention de la police tourne au vinaigre. Les débats parlementaires

s’enveniment à Québec et débordent largement du domaine de l’éducation auquel est liée la loi en question. Des députés s’activent pour que des changements soient apportés. La loi est renommée Loi pour promouvoir la langue française au Québec. Le 20 novembre, elle est adoptée à 67 contre 5, avec deux abstentions.

UNE NOUVELLE VOIELe 18 novembre 1967, René Lévesque, journaliste et ancien député libéral à Québec, fonde le Mouvement Souveraineté- Association (MSA), Le 20 avril 1968, le Canadien français Pierre-Elliott Trudeau entame le premier de ses mandats en tant que premier ministre du Canada. Cette année-là, le défilé de la Saint-Jean, à Montréal, tourne à l’émeute. La présence du premier ministre du Canada est perçue comme une provocation et exacerbe les mouvements indépendantistes. Des cocktails Molotov éclatent près de l’estrade où ont pris place les invités d’honneur. Violence. Arrestations. Le 12 octobre suivant, René Lévesque fonde le Parti Québécois. Les pièces du jeu politique qui animera les prochaines décennies sont maintenant en place.

Toutefois, si les années 1960 voient éclore une révolution politique plus ou moins tranquille au Québec, toutes les régions francophones du Canada évoluent, de leur côté, avec une rapidité sans précédent dans les secteurs clés de l’éducation et de la culture. L’heure est à la prise de parole.

QUI S’INSTRUIT S’ENRICHITDans la francophonie canadienne, l’accent est mis sur l’éducation secondaire et supérieure. Les méthodes pédagogiques ont évolué, laissant plus de place à l’indi-vidu et à son expression personnelle, au travail en petits

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groupes suivi de mise en commun, aux émotions, au ressenti plutôt qu’au développement d’ordre purement rationnel. On crée donc des institutions d’enseignement d’un nouveau genre pour s’intégrer au grand mouvement qui secoue le monde. Dans les provinces où les franco-phones sont minoritaires, ces derniers exigent d’apprendre dans leur langue maternelle, et ce, du primaire à l’université.

AU QUÉBEC

En 1961 est mise sur pied la Commission Parent qui a pour mission de se pencher sur l’état de l’éducation au Québec. Le 11 mai 1966, elle présente son rapport qui recommande la création d’un ministère de l’Éducation et la mise au point d’une structure qui permettrait de faire le pont entre le niveau secondaire et l’université. En 1967, cette recommandation mène à la création des Collèges d’enseignement général et professionnel : les cégeps. Douze d’entre eux ouvrent leurs portes au début de l’année scolaire 1967-1968. Cette même année, le gouvernement du Québec inaugure Radio-Québec, un service de radio, de télédiffusion et de production de documents audiovisuels, et adopte la loi qui permet la fondation de l’Université du Québec, une institution de haut savoir répartie en campus dans des villes importantes de la province dont certaines, jusque-là, étaient sans université. Dès 1969, trois campus offrent des cours à Montréal, à Trois-Rivières et à Chicoutimi.

EN ACADIE

En Acadie, les années 1960 marquent un temps de turbu- lence dont les répercussions se font encore sentir de nos jours. Une commission royale d’enquête sur l’enseignement supérieur au Nouveau-Brunswick ayant reconnu que le nombre de francophones de la province justifiait la création d’une université qui dispenserait ses cours en français, on assiste à la création de l’Université de Moncton, le 19 juin 1963. Cette institution d’enseignement supérieur est constituée à partir d’institutions universitaires de langue française déjà existantes qui suspendent leur charte pour devenir les collèges affiliés de la nouvelle

université. Divers campus se forment dans les années qui suivent et servent non seulement la population de Moncton, mais l’ensemble de la province.

De conception moderne, cette institution joue un rôle de premier plan dans la prise de conscience et l’affirmation de l’Acadie contemporaine et dans l’épanouissement de sa culture et de sa langue. Le 27 avril 1967, une école normale de langue française ouvre ses portes sur le campus de l’Université de Moncton et devient, en 1973, la faculté des Sciences de l’éducation. Les associations des professionnels de l’enseignement se modernisent elles aussi : l’Association des instituteurs acadiens du Nouveau-Brunswick devient l’Association des enseignants et enseignantes francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB).

EN ONTARIO

Au milieu des années 1960, les francophones de l’Ontario ne bénéficient toujours pas d’écoles secondaires de langue française dans le système public d’éducation. Pour poursuivre des études en français, les jeunes doivent fréquenter des institutions privées. Celles-ci sont en pleine expansion à cause de la natalité d’après-guerre et de la migration de familles québécoises et acadiennes dans la province. En avril 1965, les écoles secondaires privées franco-ontariennes se regroupent en une association. Une enquête provinciale est instituée et le rapport rendu à la fin de l’année. La principale recommandation de la commission est le droit à l’éducation secondaire en français dans le système public.

Le ministre de l’Éducation charge un comité d’examiner la situation. Le rapport Bériault de 1968 conduit aux lois 140 et 141 qui consacrent l’établissement d’écoles secondaires de langue française ou de classes franco-phones au secondaire dans le système public partout dans la province, « là où le nombre le justifie ». Le besoin de telles écoles est évident : plus de 20 000 jeunes s’inscrivent dans les écoles secondaires françaises en septembre 1969. La formation de maîtres compétents

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est assurée par un programme de la faculté d’Éducation de l’Université d’Ottawa qui accueille ses étudiants à la rentrée de cette même année.

L’Ontario se donne des véhicules éducatifs d’éveil culturel et d’affirmation linguistique, telle l’Université Laurentienne. Le Collège du Sacré-Cœur fondé par les Jésuites à Sudbury en 1913 devient en 1957 l’Université de Sudbury. En 1960, le gouvernement provincial constitue l’Université Laurentienne, une fédération bilingue de collèges ontariens. En 1963, le Collège de Hearst s’affilie à cette fédération. En 1964, la construction du campus est complétée. Au cours des années 1960, plusieurs collèges et écoles supérieures se joignent à la fédération et, à partir de 1969, des programmes de maîtrise sont offerts.

DANS L’OUEST

Les bouleversements de cette décennie touchent profon-dément les Canadiens de langue française des provinces de l’Ouest, car ils ébranlent le réseau d’institutions qui assuraient jusque-là leur survie culturelle et éducative. Les collèges classiques, fleurons de l’éducation française et catholique, abandonnent dans certains cas leurs affiliations et s’associent aux universités de leur province. D’autres, tels le Collège Saint-Jean en Alberta et le Collège de Saint-Boniface au Manitoba, qui possèdent déjà des chartes universitaires, continuent d’assurer l’éducation supérieure aux francophones de ces provinces. Le Collège Mathieu s’affilie en 1968 à l’Université de Regina qui met sur pied le Centre d’études bilingues. Ce centre deviendra en 1988 l’Institut de formation linguistique.

Certaines provinces de l’Ouest amendent leurs lois scolaires et permettent l’enseignement en français. En 1968, en Saskatchewan, la Loi scolaire est modifiée pour permettre la création d’écoles désignées où jusqu’à 80 % des cours peuvent être offerts en français. Une loi de ce genre est promulguée la même année en Alberta.

UNE CULTURE À PORTÉE POLITIQUEL’enquête Laurendeau-Dunton fait son œuvre. Le carac-tère biculturel du pays est mis en lumière. Le nationalisme pancanadien et les associations nationales francophones doivent être redéfinies et leurs objectifs précisés.

Les jeunes francophones veulent s’affirmer comme groupe et comme individus. Dans plusieurs régions, ils sont maintenant en mesure d’accéder à l’éducation supérieure dans leur langue maternelle. Les universités entretiennent un bouillon de culture et favorisent une prise de conscience linguistique et politique. Des mouvements

Dans les années 1960, les Canadiens français du Québec ayant choisi de s’appeler dorénavant Québécois, les francophones « hors-Québec »

développent des identités liées à leur propre province ou territoire.

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de revendication s’amorcent en leur sein, tel celui contre le maire de Moncton, en 1969, lorsque de jeunes Acadiens descendent dans la rue et réclament haut et fort le droit de cité du français dans cette ville.

Garçons et filles trouvent dans ces lieux de haut savoir une force collective qui les pousse à se définir et à se donner une identité au moyen de diverses formes d’expression artistique et culturelle. Les productions collectives de nature artistique commencent à se déve-lopper et, au fur et à mesure qu’elles prennent corps, elles marquent, non seulement la jeune génération, mais l’ensemble de la population à qui elles donnent ainsi la parole. L’art et la culture ne sont plus affaire d’élite, mais s’adressent à toutes les couches de la société. On organise des ateliers et des expositions et on offre des cours d’histoire de l’art pour les adultes. L’art s’affirme comme une réalité vivante. L’élan est donné.

Des associations culturelles se forment, se regroupent ou réorientent leurs interventions et deviennent les instruments de frappe sur les scènes politiques provin-ciales. L’Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan devient en 1964 l’Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC) et poursuit sa mission de défense de la communauté de langue fran-çaise. En 1968, l’Association acadienne d’éducation (AAE) se fusionne à la Société nationale des Acadiens (SNA) alors que l’Association d’éducation de la Nouvelle- Écosse (AENE) fait place à la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE). L’Association d’éducation des Canadiens français du Manitoba (AECFM) devient en 1968 la Société franco-manitobaine (SFM) et travaille à l’épanouissement de la communauté francophone dans les domaines vitaux de la culture et de l’éducation.

Les mouvements de jeunes prennent un essor sans précédent. Par exemple, en mai 1968, est fondée l’Assemblée provinciale des mouvements de jeunes de l’Ontario français. Elle a pour but de promouvoir le mieux-être culturel des mouvements membres et met sur pied divers services dans ce but. Elle représente la jeunesse franco-ontarienne auprès de différents organismes et même auprès du gouvernement ontarien.

LES JOURNAUX ET LES AUTRES MÉDIASDans ce monde qui s’ouvre aux médias, les journaux, la radio et la télévision en langue française s’avèrent essentiels au soutien des mouvements en cours. De nouveaux journaux apparaissent ou se redéfinissent. Ainsi, en 1967, le journal La Survivance devient Le Franco- Albertain et plus tard, en 1979, Le Franco.

De nouvelles stations de radio entrent en ondes et les groupes francophones exigent que la télévision atteigne aussi les régions éloignées du pays. Les luttes sont souvent longues et ardues. Au cours des années 1960, la télévision de Radio-Canada commence à servir l’ensemble de l’Ontario français, mais bien d’autres communautés francophones du pays doivent toujours attendre.

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DÉFENDRE SON IDENTITÉCe désir de renouveau, de dire autrement les choses et de défendre ce qu’on est se développe grâce à la présence dynamique de centaines de jeunes étudiants conscients de leur pouvoir politique et culturel. En ce milieu des années 1960, un phénomène illustre parfaite-ment l’époque : les boîtes à chanson.

La chanson n’est plus uniquement un divertissement, elle devient un engagement. Les poètes expriment, sur de la musique nouvelle ou à saveur folklorique, leur senti-ment d’appartenance, ils chantent leur coin de pays avec des expressions peu populaires jusqu’alors. Ils mettent des mots sur l’affirmation d’être. Ils sont au centre de tous les rassemblements. Les célébrations francophones donnent lieu à des fêtes qui réunissent des milliers de jeunes et d’adultes. C’est ainsi que la langue acadienne, le joual montréalais, le français tel que parlé par les fran-cophones de l’Ontario et des provinces de l’Ouest commencent à occuper la scène artistique, musicale et culturelle francophone. À la fin des années 1960, la langue populaire est devenue un instrument identitaire.

Louis Robichaud, premier Premier ministre francophone élu du Nouveau-Brunswick. La population le surnomme

affectueusement «P’tit Louis».

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SAVAIS-TU QUE...

- le symbole de l’opposition des deux blocs communiste et capitaliste est la construction en 1961 du Mur de Berlin qui coupe l’ancienne capitale allemande en deux, séparant ainsi familles et amis ?

- « Qui s’instruit s’enrichit » fut le slogan électoral du Parti libéral du Québec qui voulait promouvoir l’éducation des jeunes ? L’enrichissement que donne le savoir s’est aussi traduit, dans la majorité des cas, par un revenu supérieur à celui des jeunes moinsscolarisés.

- la création des Belles-Soeurs de Michel Tremblay au Théâtre du Rideau Vert de Montréal fut l’événement majeur de la saison théâtrale de 1968 ? Bien que le langage de la classe ouvrière ait déjà été utilisé dans des revues de cabaret, jamais encore il n’avait été employéparlespersonnagesd’unepiècedethéâtre.

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1970 À 1982

BALISES1970 : crise d’octobre et mise en vigueur de la Loi des mesures de guerre

1972 : fondation du Parti Acadien

1974 : adoption de la loi 22 au Québec

1975 : fondation de la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ); début de l’Affaire Forest au Manitoba

1976 : électionduPartiQuébécois,le15novembre

1977 : adoption de la loi 101 au Québec; adoptionofficielledudrapeaufranco-ontarien

1979 : jugement de la Cour suprême du Canada ausujetdelaloi101;adoptionofficielle du drapeau fransaskois 1980 : premier référendum sur la souveraineté auQuébec;adoptionofficielledudrapeau franco-manitobain

1981 : débutdel’affaireMercureenSaskatchewan

1982 : rapatriement de la Constitution canadienne parOttawa

LA CRISE D’OCTOBREAu Québec, la situation sociopolitique s’envenime. Des cellules révolutionnaires utilisent les techniques de la guérilla urbaine. Le 5 octobre 1970, le diplomate britannique James Richard Cross, en poste à Montréal, est enlevé par une cellule du Front de Libération du Québec, le FLQ. Le 10 octobre, le ministre de la Justice, Jérôme Choquette, refuse de négocier avec les felquistes. Quelques minutes plus tard, une autre cellule de ce groupe enlève le ministre du Travail, Pierre Laporte.

À 4 heures du matin, dans la nuit du 15 au 16 octobre, le premier ministre Trudeau décrète la Loi des mesures de guerre qui suspend l’habeas corpus16. L’armée cana-dienne prend le contrôle de points chauds au Québec à la demande du premier ministre, Robert Bourassa. Elle s’installe dans les quartiers anglophones de Montréal et devant les édifices gouvernementaux dans le but de les protéger et procède, sans mandat, à des centaines de perquisitions et à 457 arrestations de citoyens. Ces derniers sont le plus souvent des comédiens, des chanteurs, des poètes, des journalistes, des écrivains et des syndicalistes considérés suspects pour avoir mani-festé de la sympathie ou de l’indulgence envers le FLQ.

Le 17 octobre, dans le coffre d’une auto abandonnée, la police trouve le cadavre de Pierre Laporte. Ce n’est qu’au mois de décembre que le diplomate James R. Cross est retrouvé vivant. Les felquistes sont arrêtés, empri-sonnés ou exilés. Les événements ont pris une tournure violente que la population est loin d’approuver, mais il devient évident que le mouvement d’affirmation enclenché, lui, ne peut être endigué.

16 Droit qui garantit à une personne arrêtée de passer rapidement devant un juge afin qu’il établisse la validité de son arrestation. Le délai est habituellement de 48 heures.

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L’AFFIRMATION DES FRANCOPHONIESLe 31 juillet 1974 est votée la loi 22 qui stipule que le français devient la seule langue officielle au Québec et la langue de travail de sa fonction publique. Par cette loi, les élèves qui désirent fréquenter une école anglaise doivent passer des tests d’aptitude linguistique. On veut s’assurer ainsi que seuls les jeunes de langue maternelle anglaise fréquentent ces écoles. En janvier 1976, le gouver-nement précise la loi 22 en décrétant que le français doit dorénavant apparaître sur toutes les étiquettes et les affiches publicitaires.

Le soir du 15 novembre 1976, le Parti Québécois est porté au pouvoir : il a réussi à faire élire 71 députés sur 110. Cette arrivée au pouvoir d’un parti indépendantiste sidère bien des gens, en affole d’autres et rend la majorité euphorique. L’unanimité se fait autour d’une chose : la surprise! Tous sont sous le choc : les anglophones et les francophones de partout au pays, tout autant que les partisans et les dirigeants du Parti Québécois eux-mêmes !

Ces derniers se mettent rapidement et vaillamment au travail et, le 26 août 1977, sanctionnent la Charte de la langue française, dite la loi 101, qui fait du français la seule langue officielle au Québec et la seule permise dans l’affichage publicitaire. En novembre 1979, le livre blanc sur la souveraineté-association D’égal à égal : La nouvelle entente Québec-Canada est déposée à l’Assemblée nationale. Le 13 décembre, la Cour suprême du Canada déclare anticonstitutionnels trois des chapitres de la loi 101.

Pour agir, les diverses francophonies canadiennes n’avaient pas attendu l’arrivée des indépendantistes à la tête du gouvernement du Québec. En 1972, le Parti acadien est fondé par de jeunes intellectuels du nord-est du Nouveau- Brunswick qui proclament leur mécontentement et pensent créer une province entièrement acadienne en divisant le Nouveau-Brunswick. Ils acceptent bien mal l’idéologie des vieilles élites. Ils se veulent les porte-parole de la nouvelle communauté acadienne et offrent une solution de rechange aux partis traditionnels. Ils cherchent à éduquer et à politiser la société acadienne. Actif durant une quinzaine d’années, ce parti disparaîtra en 1986.

Même aux prises avec la loi 101 nouvellement votée au Québec, la situation de la minorité anglophone ne peut se comparer à celle des minorités francophones des autres provinces. En effet, dans la plupart des régions du Canada, l’assimilation menace, malgré les lois sur le bilin-guisme officiel et la promesse de services en français. Les francophones qui vivent en dehors du Québec sentent le besoin de faire front commun, de se regrouper et de se munir d’une force de frappe en créant des fédérations pancanadiennes de défense des droits des francophones.

POUR ALLER DE L’AVANTDans la foulée de ces débats, l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) s’avère être l’organisme capable de faciliter la coopération et la concertation. Cette association possède déjà la particula-rité de réunir à une seule table des représentants de toutes les provinces, y compris le Québec, et des territoires canadiens en vue d’établir des passerelles de communi-cation entre les ministères de l’Éducation et les associa-tions francophones du pays. Elle prend donc part à la formation de plusieurs regroupements tels que la Fédé-ration des jeunes canadiens-français (FJCF) en 1974 et la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ) le 26 novembre 1975. Ses objectifs sont d’élaborer un cadre de planification d’actions qui servira de guide aux associations provinciales, d’établir des mécanismes de consultation auprès d’organismes et d’individus, de véhiculer les besoins locaux et de soutenir les associations provinciales dans leurs actions. En 1978, la FFHQ poussera plus loin ses stratégies en donnant aux franco-phones hors Québec une association d’information, de développement et d’élaboration de projets pour atteindre des objectifs fixés en commun. L’ACELF collabore en 1979 à la fondation de la Commission nationale des parents francophones (CNPF) qui jouera un rôle déterminant dans les combats juridiques de la décennie suivante.

De son côté, l’Association canadienne-française d’éduca-tion d’Ontario (ACFEO) élargit son mandat et s’engage dans l’action et le développement communautaires. Pour illustrer pleinement ce changement, elle prend le nom d’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO).

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En 1975, à l’Université de Sudbury, l’historien Gaétan Gervais et ses étudiants élèvent au mât de leur institution un drapeau. Sur fond blanc et vert, un trillium côtoie une fleur de lys. En 1977, l’ACFO adopte cet emblème qui devient ainsi officiellement le drapeau franco-ontarien.

L’année 1973 marque la fondation de la Société des Acadiennes et des Acadiens du Nouveau-Brunswick (SAANB). Au cours de cette décennie, l’association s’avérera le principal porte-parole de la population aca-dienne et revendiquera haut et fort des services en français. Presqu’en même temps, les associations francophones de Terre-Neuve-et-Labrador telles que l’Association francophone de Saint-Jean, l’Association francophone du Labrador, l’Association régionale de la Côte-Ouest et Franco-jeunes de Terre-Neuve et du Labrador se regroupent et deviennent la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL). La nouvelle fédération intervient principalement dans les dossiers de l’éducation, de l’économie, de la culture et du tourisme, des communications et des services gouvernementaux. En 1978, c’est au tour des francophones des Territoires du Nord-Ouest de se regrouper en association. La Fédération franco-TéNOise apparaît. L’année d’après, l’Association franco-yukonnaise (AFY) devient active à son tour.

AU TOURNANT DE LA DÉCENNIEAprès une absence de moins de neuf mois, le Parti libéral du Canada revient au pouvoir. À sa tête, Pierre Elliott Trudeau. Le 21 avril 1980, les premiers ministres de l’Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique rejettent le concept de souveraineté- association du gouvernement du Québec et refusent même d’en négocier les modalités. Toutefois, ils en profitent pour émettre un avertissement clair au premier ministre du Canada : le statut quo constitutionnel est inacceptable.

Le 20 mai 1980 a lieu le premier référendum du Parti Québécois. Les électeurs du Québec doivent dire si, oui ou non, ils donnent à leur gouvernement le mandat de négocier la souveraineté-association avec le gouvernement canadien : 59, 56 % répondent NON !

Ce tournant des années 1980 marque dans les commu-nautés francophones, plusieurs victoires qui feront jurisprudence au pays.

L’AFFAIRE FOREST ET L’AFFAIRE BILODEAUL’affaire Forest commence par un incident banal : des contraventions pour stationnement illégal. Le Manitobain Georges Forest les reçoit à Winnipeg en mars 1975 et en février 1976. Les contraventions sont rédigées uniquement en anglais. Georges Forest, niant la validité de l’Official Language Act de 1890, décide de les contester en vertu de l’article 23 de la Loi sur le Manitoba de 1870, loi constitutive de la province. Il fait face à un véritable barrage d’actions juridiques du gouvernement et à des refus répétés des cours de justice locales. Persévérant, il porte sa cause à la Cour d’appel du Manitoba où il obtient gain de cause, puis il se rend à la Cour suprême du Canada. En décembre 1979, la plus haute cour du pays proclame l’inconstitutionnalité de la loi de 1890 sur l’unilinguisme du Manitoba. L’application du jugement exige de longs débats politiques et de pénibles démêlés juridiques. Une entente intervient en décembre 1982 et est entérinée en mai 1983.

La province du Manitoba est alors tenue « d’établir le caractère officiel du français et de l’anglais, de traduire un nombre déterminé de lois et de reconnaître le droit aux services en français dans certains bureaux gouver-nementaux. » Les répercussions politiques sont graves. Une crise s’ensuit au gouvernement. Finalement, en juin

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1985, la Cour suprême du Canada rend son verdict final : toutes les lois passées au Manitoba sont déclarées inconsti-tutionnelles et doivent être traduites en français ! Toutefois, pour assurer l’ordre public, elles sont dites valides jusqu’à ce que leur traduction soit complétée.

Une affaire parallèle commence en 1980. Après avoir reçu une sommation en anglais seulement, le Franco- Manitobain Roger Bilodeau conteste à son tour la validité de toutes les lois de sa province en raison de l’unilinguisme de la Loi sur la circulation routière (Highway Traffic Act). En 1986, la Cour suprême du Canada tranche dans cette affaire : la délivrance de sommations, qu’elles soient unilingues ou bilingues, ne découle pas d’une exigence constitutionnelle. L’article 23 de la Loi sur le Manitoba de 1870 garantit des droits au personnel judiciaire – avocats, juges, témoins – mais pas aux personnes à qui l’on donne une sommation.

L’AFFAIRE MERCUREEn Saskatchewan, en 1981, le père André Mercure reçoit une contravention rédigée exclusivement en anglais, comme ce fut le cas au Manitoba pour Georges Forest. Invoquant l’article 110 de l’Acte des Territoires du Nord-Ouest amendé en 1877 et plaidant la nullité de l’ordon-nance du Conseil des Territoires de 1892 qui faisait de la langue anglaise la seule langue officielle, le père Mercure conteste le document. Un tribunal de première instance rejette la position de Mercure. En 1985, la Cour d’appel de la Saskatchewan en fait autant. La situation s’embrouille. Certains tribunaux jugent en faveur de la validité de l’article 110, mais l’affaire n’est pas terminée pour autant.

SUR LE FRONT DE L’ÉDUCATIONÀ partir de 1970, le fédéral établit des ententes avec les provinces et accorde des subventions à l’éducation dans la langue de la minorité et à l’enseignement d’une langue

seconde. Depuis la proclamation de la Loi sur les langues officielles, un changement d’attitude à l’égard de la langue française commence à poindre chez une portion de l’élite anglophone. Au cours de la décennie 1970, plusieurs écoles d’immersion française ouvrent leurs portes dans les grands centres urbains du pays sous l’égide de l’asso-ciation anglophone Canadian Parents for French.

Le bilinguisme officiel permet à de nombreux francophones du pays d’accéder à des emplois au gouvernement d’un océan à l’autre. Un exode important de francophones s’ensuit vers Ottawa et vers plusieurs capitales provin-ciales. Aux emplois fédéraux s’ajoutent ceux qui sont offerts dans les écoles d’immersion. Ce mouvement migratoire, qui s’étend et grossit, change la dynamique francophone au Canada.

En Ontario, la loi sur les écoles secondaires de langue française n’a pas été accueillie avec ouverture d’esprit et enthousiasme dans certains milieux anglophones. Le flou de la formule « là où le nombre le justifie » des lois 140 et 141 donne lieu à bien des interprétations. À maints endroits, les conseils scolaires font traîner les choses en longueur ou s’opposent carrément à l’ouverture d’écoles de langue française. Au tournant des années

Georges Forest et Roger Bilodeau au Manitoba ainsi qu’André Mercure en Saskatchewan reçoivent des contraventions rédigées

uniquement en anglais. En décidant de les contester, ils deviennent des symboles de la lutte des francophones dans l’Ouest canadien.

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1970, plusieurs conflits s’amorcent à North Bay, à Penetanguishene, à Cornwall, à Elliot Lake, à Windsor et à Sturgeon Falls. Les parents intensifient leurs pressions auprès des conseils scolaires et font du lobbying auprès des politiciens. Finalement, ils obtiennent gain de cause. Mais la vigilance s’impose.

En 1979, Penetanguishene devient la scène d’un nouveau conflit scolaire. Les services éducatifs offerts en français sont loin de satisfaire un groupe de parents. Certains d’entre eux retirent leurs adolescents de l’école secondaire et, avec l’aide de l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) et de l’Association d’éducation franco- ontarienne (AEFO), ouvrent un établissement parallèle dans les locaux du centre culturel. Les tensions s’avivent entre les groupes linguistiques. Le gouvernement provincial reconnaît finalement la création de l’école de la Huronie qui offre aux élèves du secondaire un programme d’enseignement en français.

PRENDRE LA PAROLELe militantisme est l’arme la plus courante. Il entraîne une action directe des gens concernés. On n’hésite plus à en appeler aux tribunaux, à recourir au boycott et à s’allier l’opinion publique. On a saisi le rôle que peuvent jouer les médias dans la lutte pour l’égalité et l’on apprend à travailler avec eux. Durant ces années 1970, les jeunes, surtout ceux du monde étudiant, se mobilisent avec force et détermination. Les universités, notamment celles qui se sont formées au cours de la décennie précé-dente, constituent d’ardents foyers d’éducation à la vigilance et à la prise de position.

En Ontario, à la suite de la publication du rapport La vie culturelle des Franco-Ontariens par un comité d’études que préside Roger Saint-Denis, on assiste à la création de centres culturels. Les étudiants de l’Université Laurentienne à Sudbury vivent une affirmation identi-taire et rompent avec la culture issue de France ou du Québec. Le parler franco-ontarien devient l’instrument de leur prise de parole. La Coopérative des artistes

du Nouvel-Ontario (CANO) est créée et encadre la vie socioculturelle de toute une génération. En mars 1973, à l’occasion du congrès Franco-Parole, a lieu à Sudbury la première Nuit sur l’Étang. Chansonniers, poètes, comédiens, musiciens se réunissent cette année-là et le feront chaque année par la suite.

En Acadie aussi, on prend la parole. La langue vernaculaire devient un cri de ralliement autant qu’un cri de colère et de joie d’être. L’essor de la chanson acadienne reflète la montée de son nationalisme. On chante l’Acadie et on s’affirme aussi bien dans la repossession de son passé que dans des projets d’avenir. La danse et la musique sont intimement liées. Les accents folkloriques deviennent un signe d’appartenance. Après les petites boîtes à chansons des années 1960, on passe aux grands rassem-blements, aux fêtes gigantesques, aux démonstrations d’affirmation avec une force sans équivoque.

Au cours de ces années 1970, maintes associations de jeunes sont créées dans les provinces de l’Ouest. On met sur pied des festivals de théâtre, des ateliers de musique, d’arts visuels et de danse. En 1979, les quatre provinces de l’Ouest convoquent leurs associations de jeunes à un grand rassemblement de trois jours, à Saint-Laurent, en Saskatchewan. L’événement « On s’accroche à Batoche » permet à plus de 1 000 jeunes de découvrir leur histoire, de vivre leur culture, de discuter et de s’amuser en français.

En 1977 est fondé, à Saint-Boniface (Manitoba), le Conseil culturel des francophones hors Québec (CCFHQ). Il réunit des intervenants qui travaillent à l’évolution culturelle des Canadiens français. Au cours de ses premières années d’existence, le conseil organise des spectacles et permet aux artistes de se faire connaître, non seulement dans leur communauté, mais aussi dans d’autres régions du pays.

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LES MOTS POUR SE DIRELes pièces de Michel Tremblay jouées à Montréal dé-clenchent une révolution de la dramaturgie francophone. Le théâtre ose enfin faire parler les gens ordinaires comme ils parlent tous les jours ! Ce choix linguistique devient en soi une affirmation et fait vite des émules. Au cours des années 1970, une pièce de théâtre qui n’est

pas écrite en joual n’a pas grande chance d’être montée dans certains cercles artistiques du Québec. Certains comédiens trop identifiés à une parfaite diction et à un français « de France » attendront en vain qu’on fasse appel à eux pour la saison théâtrale qui s’annonce… et les suivantes.

En Acadie, le théâtre devient palpitant... La Sagouine, de l’auteure acadienne Antonine Maillet, dont le personnage est interprété par Viola Léger, est créée en novembre 1971 en Acadie. Mais cette pièce s’avère aussi un grand moment de la saison théâtrale montréalaise de 1974. Ce triomphe prouve que la langue d’Acadie est exportable. Les Productions de l’Étoile sont fondées en 1974 à Caraquet et deviennent, deux ans plus tard, le Théâtre populaire d’Acadie (TPA). Le TPA cherche d’abord à promouvoir la dramaturgie acadienne, mais il veut aussi faire connaître le théâtre d’ailleurs. Il tisse des réseaux de tournée structurés qui lui permettent d’être reconnu dans d’autres régions du pays. Parallèlement à cette évolution du théâtre, la littérature acadienne fleurit. En 1972, les Éditions d’Acadie sont mises sur pied et ont comme objectif de promouvoir la culture acadienne et de développer la création littéraire17. En 1979, un grand honneur échoit à l’Acadie et confirme la valeur de sa littérature : Antonine Maillet reçoit le Prix Goncourt, prix littéraire de renommée internationale, pour son roman Pélagie-la-Charette.

L’effervescence théâtrale anime aussi la francophonie de l’Ouest. Le Cercle Molière est de plus en plus actif à Saint-Boniface. Il embauche, dès 1967, son premier directeur à plein temps, Roland Mahé, qui n’hésite pas à monter des pièces avant-gardistes d’auteurs de partout. La littérature n’est pas en reste : en 1974, toujours à Saint-Boniface, naissent les Éditions du Blé. En 1969, Ian Nelson fonde l’UniThéâtre à Saskatoon. Il s’agit d’un théâtre universitaire qui se produit aussi à Regina. En Alberta, les troupes de théâtre évoluent autour des collèges et universités. En 1970, naît la compagnie du

17 Les Éditions d’Acadie ont, depuis, été remplacées par les Éditions de la francophonie.

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Théâtre français d’Edmonton (TFE). À Vancouver, en 1973, est créée la Troupe de la Seizième. Ces compagnies suivent le mouvement moderne, montent des pièces de dramaturges d’ici. Après avoir surmonté le choc de la langue, les spectateurs francophones reconnaissent la vérité profonde de personnages qui parlent d’eux, dans une langue qui est la leur.

En Ontario, le Théâtre du P’tit Bonheur, qui existait depuis 1967, devient une troupe professionnelle en 1974 et prend le nom de Théâtre français de Toronto. Une entreprise difficile, car il n’est guère évident de servir le public francophone de cette ville, un public mouvant d’origines diverses. À Sudbury, en 1971, le Théâtre du Nouvel-Ontario présente sa première production et devient un des piliers de l’émergence d’un espace culturel franco-ontarien. Dans la région d’Ottawa, on cherche à se démarquer de l’identité québécoise si proche. On crée des troupes qui mettent l’accent sur la différence : le Théâtre de la Vieille 17, le Théâtre d’la Corvée et Théâtre Action qui se veut un instrument d’animation communautaire. Le magazine culturel Liaison est mis sur pied et on voit aussi apparaître des maisons d’édition, telle Prise de Parole à Sudbury.

De nouveaux journaux sont fondés, comme Le Soleil de Colombie qui sert la région de Vancouver. En 1971, l’entente entre le Manitoba et la Saskatchewan qui permettait la publication de La Liberté et Le Patriote prend fin. L’Eau vive commence alors à s’adresser à la population francophone de la Saskatchewan et La Liberté, à celle du Manitoba. En juin 1975, La Voix acadienne publie son premier numéro à Summerside à l’Île-du-Prince-Édouard. Ce journal devient le porte-parole de la commu-nauté, sa conscience et sa source d’idées nouvelles. Il s’agit d’un tabloïd bimensuel et le seul journal des commu-nautés francophones de l’Île.

DES MICROS ET DES CAMÉRASÀ cette époque, plusieurs institutions, dont l’Office national du film, changent d’optique. Le Programme français de l’ONF réunit des créateurs qui accordent une large part à l’expression personnelle au cinéma et à la prise de position sociale dans l’esprit du cinéma vérité. En promenant leur caméra et leur micro jusque dans les communautés éloi-gnées du pays, de jeunes cinéastes révèlent des facettes inconnues de la vie des francophones, leurs besoins, leurs déchirements et leur grandeur.

La radio et la télévision de langue française se répandent : la télévision de Radio-Canada arrive à Vancouver à l’automne 1973 et en Saskatchewan, en 1976. En 1978, la station CBON affiliée à la Société Radio-Canada sert les communautés francophones du nord de l’Ontario et devient active dans la création d’un imaginaire nord-ontarien. Au tournant des années 1980, toutes les régions acadiennes des Maritimes ont accès à la radio communautaire en langue française.

Au Québec, la saison télévisuelle 1972-1973 apporte un changement : Radio-Québec ne se contente plus de concevoir, de produire et de réaliser des documents éducatifs. La station inaugure un service de télédiffusion, à Québec et à Montréal, d’une durée de deux heures chaque soir. Le 19 janvier 1975, le réseau de Radio- Québec est inauguré et, à partir de 1977, il prendra de l’expansion avant de devenir, le 12 septembre 1996, Télé-Québec.

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LES NOUVEAUX VOYAGEURSDans la population étudiante, les échanges d’étudiants s’intensifient entre provinces canadiennes. Plusieurs voyages sont organisés entre l’Ouest, le Québec et l’Acadie. Par exemple, le Saskatchewan Étudiant Voyage (SEV) permettra, de 1968 à 1979, à plus de 600 jeunes fransaskois de partir à la découverte de la culture franco-phone du pays. Cette expérience enrichissante poussera nombre d’entre eux à devenir des leaders dans leur communauté.

L’animation culturelle qui règne au Québec attire des ressortissants de toute la francophonie canadienne. Certains membres des communautés acadienne et fran-cophones de l’Ontario et de l’Ouest ne peuvent résister au rêve, fort légitime, de vivre complètement en français. Ils optent donc pour le Québec. Un temps... ou définitive-ment. Plusieurs artistes sont attirés par la possibilité d’épanouir leur art dans un environnement de plus de cinq millions de francophones.

Parallèlement, des centaines de Québécois trouvent de l’emploi en dehors de leur province natale ou la quittent pour partir à l’aventure. Plusieurs jeunes gens, en quête d’un contact différent avec la nature ou d’un retour à la terre, voyagent à la recherche de lieux reculés pour vivre selon leurs idéaux. D’autres sont mus par un désir bien tranché de vivre en marge de la société établie et de son matérialisme. C’est ainsi que commence un grand brassage démographique. De jeunes francophones s’installent dans des coins reculés des provinces ou se rendent vers le lointain Yukon, en Colombie-Britannique ou aux Territoires du Nord-Ouest. Parfois, ils s’y établissent à demeure, s’intègrent à la communauté d’accueil, exigent le respect de leurs droits linguistiques et viennent grossir les effectifs francophones de la région, lui apportant du sang nouveau.

L’arrivée au pouvoir du Parti Québécois en 1976 en a effrayé plusieurs dans le monde des affaires et de l’économie. De grandes institutions financières et industrielles décident alors de déménager leurs usines ou leur siège social ailleurs au Canada. Leurs employés francophones se voient forcés

de quitter le Québec pour conserver leur emploi. D’autres familles se déplacent pour combler les postes vacants dans les bureaux de traduction du fédéral, les écoles de langues destinées aux fonctionnaires, les nou-velles stations de radio, les chaînes de télévision et les écoles d’immersion. Dans l’Ouest, au moment des booms économiques, des travailleurs sont attirés par les offres des compagnies pétrolières et celles qui assurent l’exploitation des sables bitumineux.

Ces nouveaux arrivants demandent que leurs enfants profitent d’une éducation en français et exigent des services et des informations écrites et télévisuelles dans leur langue. Ces francophones traversent le pays avec l’enthou-siasme de leurs ancêtres : ils deviennent en quelque sorte les nouveaux voyageurs !

S’OUVRIR AU MONDELes contacts culturels s’accentuent aussi entre les nations. L’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT)18 regroupe alors 28 États francophones du monde dont le Canada et des gouvernements dont ceux du Québec et Nouveau-Brunswick. Cet organisme francophone propose une entraide internationale dans les domaines de l’économie, du développement de la technologie, de la santé, de l’éducation et de la culture. Elle tient à tous les deux ans des Sommets qui avivent les échanges entre pays et parmi les jeunes du monde francophone.

Depuis la visite remarquée du général De Gaulle à l’Exposition universelle de Montréal en 1967, des liens culturels étroits se sont tissés entre la France et le Québec. L’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) est créé en 1968. Au fil des ans, quelque 100 000 jeunes professionnels ou universitaires participent à des échanges entre la France et le Québec. Dans le même esprit, à la fin des années 1960, la Société nationale des Acadiens développe des liens avec la France et la Belgique et devient progressivement une fédération qui

18 L’ACCT est devenue en 1996 l’Agence de la Francophonie internationale (AFI).

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regroupe les associations et fédérations acadiennes de Terre-Neuve et des Maritimes. De nombreux étudiants d’Acadie et du Québec bénéficient de ces échanges internationaux et de bourses d’études en Europe.

Si les francophones se déplacent en plus grand nombre qu’auparavant vers d’autres pays du monde et s’ils partent travailler en Afrique française ou en Asie dans les domaines de l’éducation et de la santé, beaucoup de ressortissants d’Asie, d’Amérique du Sud, d’Afrique et des Antilles arrivent au Canada. Les lois de l’immigration changent : le pays ouvre ses portes, non plus à des ressor-tissants de telle ou telle origine, mais à des compétences. La société se diversifie. Le multiculturalisme s’accélère.

UNE NOUVELLE CONSTITUTIONLe 2 octobre 1980, Pierre Elliott Trudeau annonce son intention de rapatrier la Constitution du Canada avec ou sans le consentement des provinces, d’adopter un mode de révision et d’inclure dans ce document une Charte canadienne des droits et libertés qui aurait préséance sur toute loi fédérale ou provinciale19.

L’Ontario et le Nouveau-Brunswick lui donnent leur appui. Il n’en est guère de même dans les autres provinces. Certains articles de la future Charte sont loin de plaire à tous, notamment l’article 23, dite Clause Canada, qui prévoit pour les minoritaires de langue officielle le droit à l’école dans leur langue maternelle. Si elle ouvre la porte aux francophones désireux d’obtenir des écoles françaises, elle permet aussi à tout enfant anglophone habitant le Québec de recevoir une éducation en anglais. Cet article contredit la Clause Québec de la loi 101 qui prévoit que seul l’enfant dont l’un des parents a reçu l’enseignement en anglais au Québec a le droit de fréquenter l’école anglaise dans la province.

Le 18 septembre 1981, la Cour suprême du Canada donne son aval à Trudeau « bien que la résolution ne res-pecte pas les procédures normales en matière constitu-tionnelle ». La Cour suprême incite le premier ministre à entreprendre des pourparlers en vue de s’allier les provinces avant de pousser plus avant son action.

À Ottawa, le 2 novembre 1981, commence une ronde de négociations. Les provinces et le gouvernement fédéral jouent dur. Les alliances se font et se défont. Le Québec cherche à se rallier d’autres provinces, y réussit presque, mais le vent tourne subitement et, le 5 novembre 1981, les représentants de neufs provinces et le fédéral en viennent à un consensus qui va à l’encontre des demandes

19 L’article 33 de ce document est appelé « clause nonobstant ». Il stipule que le Parlement d’une province peut adopter une loi qui va à l’encontre de certains articles de la Charte canadienne. Il s’agit des articles 2 et 7 à 15 seulement.

En 1982, Pierre Elliott Trudeau rapatrie la Constitution du Canada et y inclut une Charte canadienne des droits et libertés sur laquelle

s’appuieront les francophones pour faire valoir leurs droits.

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du Québec. La nouvelle Constitution contiendra des dispositions qui diminueront les pouvoirs du Québec en matière de langue et d’éducation.

Au Nouveau-Brunswick, le premier ministre Richard Hatfield continue l’œuvre de son prédécesseur, Louis Robichaud, et son gouvernement adopte la loi qui reconnaît l’égalité des deux communautés linguistiques de la province. Cette loi sera enchâssée dans la Constitution du Canada en 1993 à la demande des organismes acadiens.

Le 25 mars 1982, la Chambre des Lords de Grande- Bretagne adopte le Canada Bill qui autorise le rapatrie-ment de la Constitution. Le texte reçoit la signature de la reine le 29 mars 1982. Dorénavant, le Canada n’a plus besoin du consentement de Londres s’il veut amender un article ou apporter des changements à sa constitution. À ce jour, le Québec n’a jamais entériné cette Constitution.

SAVAIS-TU QUE...

- la première Francofête remonte à 1974 ? Elle s’appelait laSuperfrancofêteetaeulieuàQuébec.

- la première Nuit sur l’Étang à Sudbury a attiré plus de 1 200 personnes ? Ce premier rassemblement de l’imaginaire et de l’identité franco-ontarienne s’articulait autourdetroisdisciplines:lachanson,lapoésie etlethéâtre.

- les Sommets de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) et les réunions préparatoires suscitaient régulièrement des tensions entre le Québec et le Canada ? En effet, le Québec voulait être traité comme un État et pas uniquement comme une provinceduCanada.

- le 1er juillet 1980, le Ô Canada est proclamé hymne national du pays, un siècle après sa création ? Cethymneestl’œuvrededeuxCanadiensfrançais: Adolphe-Basile Routhier, qui en a écrit les paroles, etCalixaLavallée,quienacomposélamusique.Un texte a été rédigé en anglais sur la musique de Lavallée, mais il ne s’agit pas d’une traduction du poème deRouthier.

- en 1982, Anne Hébert, écrivaine québécoise, reçoit à Paris le Prix Fémina ? Il s’agit d’un prix littéraire français créé en 1904 à Paris et qui a la particularité d’avoirunjuryexclusivementféminin.

Le 1er juillet 1980, 100 ans après avoir été chanté la 1re fois lors du Congrès national des Canadiens français, le Ô Canada est proclamé

hymne national du pays. Cet hymne est l’œuvre de deux Canadiens français. Toujours dans les années 1980, la pièce La Sagouine, de

l’auteure acadienne Antonine Maillet, connaît un grand succès.

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1982 À 2000

BALISES1982 : entrée en vigueur de la nouvelle Constitution du Canada et de la Charte canadienne des droits et libertés;adoptionofficielledes drapeaux franco-albertain et franco-colombien

1984 : arrivéeaupouvoiràOttawadesconservateurs de Brian Mulroney; René Lévesque accepte de prendre « le beau risque »; adoption officielledudrapeaufranco-yukonnais

1986 : adoption de la loi 8 sur les services en françaisenOntario;adoptionofficielle du drapeau franco-terre-neuvien

1988 : jugement de l’affaire Mercure en Cour suprême du Canada; deux provinces, l’AlbertaetlaSaskatchewansedéclarent unilingues anglaises; Loi sur les langues auYukon

1990 : jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mahé

1992 : adoptionofficielledudrapeaufranco-ténois

1993 : enchâssement de la Loi sur l’égalité des communautés linguistiques duNouveau-Brunswickdans la Constitution canadienne 1995 : second référendum au Québec

1999 : création du Nunavut

Le 17 avril 1982, la nouvelle Constitution canadienne est officiellement promulguée. Toute loi lui est assujettie, ce qui signifie qu’une loi provinciale en désaccord avec des articles de la Charte canadienne des droits et libertés peut être renversée. Les articles 16 et 21 consacrent le français et l’anglais comme langues officielles du Canada et, en 1993, de la province du Nouveau-Brunswick. L’article 23 spécifie les droits à l’instruction dans la langue de la minorité... « là où le nombre le justifie ». Il demeure possible de demander un amendement à cette Constitution mais, pour ce faire, Ottawa et au moins sept provinces représentant la moitié de la population du pays doivent l’appuyer.

CHANGEMENT DE SCÈNEBien que le gouvernement de René Lévesque n’ait jamais donné son accord, le Québec, en tant que province cana-dienne, se voit soumis au gouvernement fédéral et donc à la nouvelle Constitution. La blessure est profonde pour une grande partie de la population québécoise.

Les événements politiques se succèdent rapidement au cours des années 1984 et 1985. Les acteurs politiques jusque-là au centre des tensions entre Ottawa et le Québec quittent la scène, laissant derrière eux regrets et espoirs nouveaux. Trudeau démissionne à l’hiver 1984, satisfait de ce qu’il a accompli, soit le rapatriement de la Constitution et la création de la Charte canadienne des droits et libertés. John Turner le remplace, mais il est défait aux élections de septembre de la même année.

En arrivant au pouvoir à Ottawa, le 4 septembre 1984, Brian Mulroney promet de réintégrer le Québec dans la famille canadienne « dans l’honneur et l’enthousiasme ». Cette intention dictera sa conduite en politique intérieure durant ses deux mandats. René Lévesque prend ce qu’il appelle « le beau risque » en acceptant de travailler au consensus national au cours des négociations fédérales- provinciales, ce qui ne fait pas l’affaire de tous les

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membres de son parti. Six mois plus tard, le 20 juin 1985, le chef du Parti Québécois quitte la vie politique laissant Pierre-Marc Johnson aux rênes d’un parti divisé.

Le 2 décembre 1985, les libéraux prennent le pouvoir à Québec et au printemps 1986, le nouveau gouvernement énonce les cinq conditions pour que le Québec appose sa signature à la Constitution canadienne :

1. reconnaissance du Québec comme société distincte

2. droit de veto sur tout changement à la Constitution

3. garanties concernant la nomination des juges québécois à la Cour suprême du Canada

4. garanties aux provinces refusant de prendre part à des programmes fédéraux de recevoir des compensations financières

5. prise en charge complète par le Québec de l’immigration sur son propre territoire

Le 9 mai 1987, le premier ministre Mulroney convoque les premiers ministres provinciaux pour dégager un consensus qui respecterait les conditions émises par le Québec. Les négociations aboutissent à l’Accord du Lac Meech qui, pour prendre force de loi, doit être entériné par chacun des Parlements provinciaux du Canada avant le 23 juin 1990. L’entente s’effrite au fil des changements de gouvernements et, finalement, devant le refus de Terre-Neuve et du Manitoba de signer l’accord, ce dernier est déclaré caduc.

Quelques députés du Québec quittent alors le Parti conservateur et fondent le Bloc québécois, dont Lucien Bouchard devient le chef. Les sondages montrent que 60 % de la population du Québec désirent l’indépendance, bien que ce soit le Parti libéral qui soit au pouvoir dans cette province. L’Assemblée nationale met sur pied la

Commission Bélanger-Campeau sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec. Le rapport est déposé le 27 mars 1991. Selon le rapport, le Québec a le choix entre deux voies : un fédéralisme décentralisé ou la souveraineté. Même les libéraux parlent maintenant d’indépendance. Brian Mulroney est en train de perdre son pari politique.

Le fédéral entame des discussions serrées avec les provinces et crée des commissions d’étude. Les gouver-nements de neuf provinces et de deux territoires ainsi que des représentants de groupes autochtones présentent, en juillet 1992, un nouveau projet : l’Accord de Charlottetown, du nom de la ville où il a été négocié. Cet accord est signé par tous les gouvernements du pays, y compris celui du Québec. Mais le dernier mot revient à la population. Le 26 octobre de cette année-là a lieu un référendum pancanadien : 56,68 % des citoyens du pays disent NON à l’Accord de Charlottetown. Les milieux anglophones sont en désaccord avec ce projet parce qu’il fait au Québec des concessions qu’ils jugent inacceptables. Quant à lui, le Québec est contre parce que ce projet ne satisfait pas ses revendications historiques. Brian Mulroney a perdu son pari. Il démissionne quelques mois plus tard.

UNE SOCIÉTÉ JUSTE... POUR TOUSPendant que les stratèges politiques cherchent à rallier les provinces derrière un accord commun, l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés se voit interprété de diverses façons au pays. Ces interprétations provoquent rapidement maintes luttes juridiques qui se portent des cours provinciales aux plus hauts tribunaux du pays. Les francophones possèdent maintenant un outil indéniable. Ils apprennent vite à s’en servir pour faire reconnaître leurs droits dans les domaines de la justice, de l’éducation et des services à la population.

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Le Parti Québécois proclame, dès le 30 septembre 1983, l’entrée en vigueur de la Charte québécoise des droits et des libertés de la personne du Québec adoptée en 1975. Le gouvernement du Québec donne préséance à cette Charte sur toute autre loi de juridiction québécoise. En 1984, l’Ontario adopte sa Loi sur les tribunaux judi-ciaires, qui donne au français le statut de langue officielle devant les tribunaux ontariens, à l’égal de l’anglais. De ce fait, un francophone obtient le droit civil d’avoir un procès dans sa langue maternelle. Dans l’Ouest, l’affaire Forest et l’affaire Mercure ont ouvert un sentier que d’autres reprennent avec courage.

L’AFFAIRE PIQUETTEEn 1987, en Alberta, le député néo-démocrate Léo Piquette pose une question en français en Chambre. Le président de l’Assemblée législative lui retire le droit de parole, car cette langue ne jouit selon lui d’aucune reconnaissance juridique. On exige des excuses du député parce qu’il a défié l’autorité du président de l’Assemblée législative. Le député refuse. L’affaire est portée en haute instance. Dans sa décision, la Cour suprême du Canada confirme le bilinguisme de l’Alberta et, du fait même, celui de la Saskatchewan en statuant que l’article 110 de la loi de 1877 des Territoires du Nord-Ouest s’applique toujours et que l’ordonnance de 1892 de l’Alberta et de la Saskatchewan n’est pas valide.

Les deux provinces ont le pouvoir de légiférer en matière de langue officielle en vertu de l’amendement de 1891 à l’article des Territoires du Nord-Ouest. La Cour ajoute que, pour éviter le vide juridique, chacune des deux provinces doit opter rapidement pour le bilinguisme ou pour l’unilinguisme et accompagner sa décision d’une loi qui valide la législation unilingue antérieure. À la suite de ce jugement, la Saskatchewan adopte le projet de loi 2 et l’Alberta, le projet de loi 60 dans lesquels ces deux provinces se proclament unilingues anglaises. Ces lois accordent un droit limité d’utilisation du français à l’Assemblée législative et devant les tribunaux. Ce droit est toutefois moins limitatif en Saskatchewan qu’en Alberta.

APPRENDRE DANS SA LANGUELes regroupements de parents testent bientôt la portée de la Charte canadienne des droits et libertés en éducation. En Ontario, appuyés par l’Association canadienne- française de l’Ontario (ACFO) et l’Association des ensei-gnantes et enseignants franco-ontariens (AEEFO), des parents de Cochrane, de Mattawa, de Penetanguishene et de Wawa cherchent à faire clarifier par les tribunaux ontariens les limites de l’article 23. La Cour d’appel de l’Ontario reconnaît que le droit à l’éducation des Franco- Ontariens tel qu’il est défini dans la Charte implique le droit à la gestion de leurs écoles. Le gouvernement de

Les années 1980 voient l’adoption officielle de plusieurs drapeaux représentant les communautés francophones provinciales

et territoriales.

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l’Ontario en prend acte. Les années 1987 et 1988 voient la création des conseils scolaires francophones dans les régions d’Ottawa-Carleton et de Toronto.

Mais les minorités francophones du Canada ont leur pendant : les minorités anglophones du Québec. Ce qui vaut pour les unes vaut nécessairement pour les autres. Les parents anglophones résidant au Québec font pression contre la loi québécoise 101. Le 26 juillet 1984, la Cour suprême déclare anticonstitutionnelle l’obligation pour les parents anglophones nés ailleurs qu’au Québec d’inscrire leurs enfants à l’école française. Ce jugement s’appuie sur la Constitution de 1982.

L’AFFAIRE MAHÉUn autre jugement historique et retentissant est celui de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mahé. L’association Bugnet, composée de parents albertains, a mené les droits des francophones d’abord devant les cours de la province, puis aux plus hautes instances du pays quant à l’ouverture et au maintien d’écoles de langue française dans la province.

Cet arrêt de 1990 a permis de préciser l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et de lui donner une plus grande étendue, laquelle servira d’assise à des jugements subséquents. Il confirme en effet le droit des minorités linguistiques à leurs propres écoles et à la gestion de ces dernières en ce qui concerne les aspects essentiels de l’éducation. De plus, il établit que les mino-rités sont les entités les mieux placées pour décider de ce qui leur convient, de sorte qu’un gouvernement ne peut agir sans tenir compte de leur perception de leurs propres besoins.

La communauté francophone de l’Alberta n’a pu obtenir de conseil scolaire avant 1992-1993, car la Loi scolaire de la province a été jugée non valide en 1990 et a dû être modifiée. Mais ils ont maintenant le droit de gérer leurs écoles. En Colombie-Britannique, le Francophone Education Regulation, qui met en œuvre le droit à la gestion scolaire, est adopté en 1995. L’Association des parents francophones

(APF) avait fait appel en cour au droit à l’instruction dans la langue de la minorité et, dans l’esprit du raisonnement présenté dans l’Affaire Mahé, au droit à la gestion scolaire.

SUMMERSIDELe jugement dans l’Affaire Mahé a été suivi d’autres juge-ments, dont celui de Summerside. En 1995, les parents francophones de Summerside (Île-du-Prince-Édouard) demandent l’établissement d’une école de langue française destinée aux enfants de la première à la sixième année. Le ministère de l’Éducation de cette province refuse leur demande sous prétexte qu’un nombre d’élèves de 34 est insuffisant. Les parents portent leur cause devant les tribunaux.

C’est finalement la Cour suprême du Canada qui, unani-mement et sans équivoque, statue en janvier 2000 que l’égalité des minorités de langue officielle au pays exige une nouvelle approche. Justice et uniformité sont, en ce qui concerne la Cour, deux choses bien distinctes. Le jugement s’appuie sur l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, dont l’intention n’est pas seulement de garantir les droits scolaires, mais de réparer les torts du passé. Cette décision crée un précédent dont peuvent bénéficier les francophones de toutes les provinces et territoires du pays. Six mois plus tard, cette inter-prétation juridique de l’article 23 permet à la Cour suprême d’ordonner la création d’écoles de langue française homogènes en Nouvelle-Écosse.

C’est grâce au dynamisme et au soutien structuré de la Commission nationale des parents francophones (CNPF) que ces revendications sont menées à bien et aboutissent à des législations qui permettent aux franco-phones vivant en dehors du Québec de faire éduquer leurs enfants dans leur langue. Cet organisme s’est donné comme mission d’appuyer les organismes de parents, provinciaux et territoriaux, pour promouvoir l’établissement d’un milieu familial, éducatif et commu-nautaire qui favorise le plein épanouissement des familles francophones, acadiennes et métisses du Canada.

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DÉFENDRE SES DROITSEn 1990, la Fédération des associations de parents et instituteurs de langue française de l’Ontario devient la Fédération des associations de parents francophones de l’Ontario (FAPFO). L’information sur les droits devient une priorité. La FAPFO représente ses membres dans les dossiers chauds en éducation et cherche à promouvoir le fait français. En 1997, la fédération ajoute à ses objectifs de stimuler la collaboration entre le foyer et l’école en facilitant l’établissement d’associations locales. Ses effectifs, qui regroupaient en 1955 quelque 75 écoles, réunissent en 1997 six sections régionales et 375 écoles.

Au cours des décennies 1980 et 1990, grâce à l’initiative de l’Association canadienne d’éducation de la langue française (ACELF), le Réseau d’enseignement francophone à distance (REFAD) prend forme et l’Alliance canadienne des responsables et des enseignantes et des enseignants en français langue maternelle (ACREF) est créée. L’ACELF met sur pied des symposiums, des échanges entre jeunes, des tables de concertation et des stages de perfectionnement favorisant ainsi une synergie des groupes francophones qui œuvrent en éducation.

Les francophones ne s’appliquent pas qu’à faire valoir leurs droits et libertés devant les tribunaux en matière d’école et de justice. Parallèlement, ils se donnent les instruments pertinents pour défendre ce qu’ils sont et s’affirmer avec fermeté partout au pays dans diverses circonstances et différents secteurs de la vie quotidienne. Plusieurs regroupements de femmes apparaissent. En 1980, est fondé au Manitoba l’organisme féminin Réseau et, à partir de 1982, l’organisme Pluri-elles se voue à la promotion des Franco-Manitobaines. En 1986, la Société acadienne de l’Alberta (SAA) est fondée dans le but de représenter les Acadiens résidant en Alberta.

Les associations se transforment aussi pour mieux répondre aux besoins contemporains de leurs membres. La Fédération des femmes canadiennes-françaises (FFCF), qui n’a cessé d’évoluer depuis sa fondation au début du XXe siècle, prend un tournant nettement poli-tique et assume le leadership de dossiers sociaux et économiques relatifs au droit des femmes canadiennes- françaises en soutenant leur action collective et politique. En 1997, s’ajoute l’objectif d’assurer la liaison et la concertation entre les groupes de femmes francophones. Dans les premières années suivant sa formation, la FFCF compte seulement 9 sections paroissiales, alors qu’en 1997, elle regroupe 40 organismes totalisant 7 000 membres.

En 1986, adoption par l’Ontario de la Loi sur les services en français (Loi 8).

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En juin 1991, la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ) devient la Fédération des communautés franco-phones et acadienne du Canada (FCFAC). Elle se veut « le porte-parole privilégié auprès du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec sur les questions relatives aux francophones de l’extérieur du Québec » et cherche à « convaincre les autorités politiques du bien-fondé des revendications des francophones qu’elle représente » en ce qui a trait aux droits et services en français dans les domaines socioculturel, juridique et législatif ainsi que dans le domaine de l’éducation. En 1992, elle regroupe déjà 15 organismes.

En Saskatchewan, l’ACFC devient en 1999 l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) et a des représentants dans toutes les régions de la province.

RECEVOIR DES SERVICES EN FRANÇAISMai 1986 voit la présentation du projet de loi 8 sur les services en français en Ontario. Vingt-trois régions sont principalement visées. Cette loi prévoit la création d’une commission des services en français et stipule que les lois ontariennes doivent être présentées en versions anglaise et française. La loi 8 amène la mise sur pied de l’Office des affaires francophones qui doit aider les Franco-Ontariens à se sentir membres à part entière de la communauté ontarienne. Le mandat de l’Office est de tout mettre en œuvre pour permettre aux francophones de l’Ontario de s’épanouir et de sauvegarder leur langue, de mieux faire connaître et comprendre la communauté francophone aux organismes gouvernementaux et aux ministères, dans le but de développer les services en français dont elle a besoin.

Une loi similaire est promulguée en 1999 à l’Île-du-Prince-Édouard. Elle reconnaît la dualité linguistique du pays et fait en sorte que les communautés acadienne

et francophone de son territoire puissent obtenir les outils nécessaires à leur épanouissement et contribuer encore davantage au développement de la société de l’Île.

Les cours provinciales et la Cour suprême du Canada ne chôment pas. Les demandes de jugements s’accumulent. On découvre toutes les interprétations possibles de la Charte. Le 22 décembre 1986, la Cour d’appel du Québec déclare que l’article 58 de la loi 101, qui fait du français la seule langue autorisée pour l’affichage commercial dans la province, est inconstitutionnel. Le 19 décembre 1988, la Cour suprême déclare illégales certaines dispositions de la même loi 101: le français peut être prépondérant dans l’affichage, mais on ne peut interdire qu’une autre langue y figure. Recourant à la clause nonobstant, le gouvernement québécois répond au moyen de la loi 178 : l’affichage sera en français à l’extérieur et bilingue à l’intérieur, à condition que le français soit nettement prédominant. L’affichage mobilise aussi les francophones vivant ailleurs au Canada. La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) lance en 1996 une campagne afin que les marchands de la capitale fédérale donnent le ton. Elle réclame que 12 chaînes de magasins qui possèdent des filiales à Ottawa affichent dans les deux langues officielles du pays. Huit des douze chaînes obtempèrent à la demande. Même si elle n’a pas été complète, cette victoire a servi d’exemple.

Les francophones doivent demeurer constamment vigilants. Ce que l’on croit acquis peut vite devenir aléatoire. L’accession au pouvoir d’un gouvernement moins ouvert oblige parfois à reprendre une lutte urgente et vitale. C’est ce qui arrive aux Franco-Ontariens le 24 février 1997 lorsque la Commission de restructuration des soins de santé (CRSS) de l’Ontario recommande la fermeture de l’hôpital Montfort, seul hôpital de langue française de la région d’Ottawa et de l’Est ontarien. C’est le tollé chez les francophones.

Dès le lendemain est créé le mouvement SOS Montfort sous la présidence de Gisèle Lalonde. Le 22 mars, plus de 10 000 Franco-Ontariens envahissent le Centre

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municipal d’Ottawa et exigent le renversement de la décision de la CRSS en scandant « Montfort fermé : Jamais ! » qui devient le slogan d’une intense campagne de presse. Cinq mois plus tard, la CRSS revient sur sa décision, proposant uniquement la fermeture de l’urgence et des services spécialisés de l’institution. Le mouvement SOS Montfort refuse. L’hôpital de langue française ne deviendra pas une clinique... Un an plus tard, le mouve-ment s’adresse aux tribunaux pour régler le litige. Le Fonds de la résistance est créé et recueille 400 000 $ qui serviront à payer les frais juridiques.

En 1999, la CRSS perd son pouvoir décisionnel et, le 29 novembre, SOS Montfort gagne sa cause devant la Cour divisionnaire de l’Ontario. Mais le combat se poursuit, car le gouvernement de Mike Harris porte aussitôt la cause en appel. Le 7 décembre 2001, la Cour d’appel tranchera en faveur du maintien intégral d’hôpital consi-dérant que « Montfort est une institution essentielle à la survie de la communauté franco-ontarienne, affaiblie par l’assimilation ».

VIVRE SA CULTUREL’effervescence des arts et de la littérature des années 1970 a porté ses fruits. En cette fin du XXe siècle, les artistes francophones s’expriment comme jamais auparavant et s’adonnent à toutes les facettes de l’art : la danse, le théâtre, la littérature, le cinéma, les arts visuels, la musique et la chanson. La vie culturelle francophone occupe un espace de plus en plus large grâce à un réseautage de ses éléments. En Acadie, dans l’Ouest et en Ontario, plusieurs maisons d’édition sont fondées. De nouvelles troupes de théâtres s’établissent, assurent une programmation francophone de répertoire et de création et parfois se regroupent afin de pouvoir acquérir un lieu physique où présenter leurs spectacles, comme dans le cas de La Nouvelle Scène à Ottawa. Des salons ou festivals du livre sont organisés, des centres franco-phones sont construits qui deviennent rapidement des lieux importants de rassemblement et d’événements culturels, tel le Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO) créé à Ottawa en 1978 et qui grandit rapidement au cours des décennies suivantes.

En 1983, l’ancien Comité culturel des francophones hors Québec (CCFHQ), qui deviendra la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), publie un mémoire qui tente de définir la place de la culture dans la francophonie. En 1986, la FCCF déménage son siège social de Saint- Boniface à Ottawa. Elle prend un tournant nettement plus politique en vue de soutenir l’enracinement des communautés francophones et leur épanouissement culturel. Elle s’emploie à demeurer vigilante à l’égard des politiques culturelles des gouvernements.

La société culturelle Mamowapik est fondée à Edmonton en 1986. Elle se donne comme mission de développer des projets à caractère culturel et historique dans l’Ouest canadien et de tisser des liens entre les diverses communautés francophones. Elle cherche à mettre en valeur la contribution des Franco-Albertains au dévelop-pement économique de l’ouest du pays. En février 1990, quatre associations franco-albertaines s’associent et ouvrent le Centre francophone d’Edmonton. On le nomme Centre culturel Marie-Anne-Gaboury, du nom de la grand-mère de Louis Riel et première femme blanche à vivre dans la région. La mission du Centre est d’assurer l’épanouissement des Canadiens de langue française, de promouvoir la culture francophone dans l’Ouest canadien et d’aider les communautés franco- albertaine et acadienne à prendre le virage technologique en développant, entre autres, des réseaux d’apprentissage communautaires. Des centres de ce genre prennent différentes formes au pays et partout, ils s’avèrent des points de ralliement et de véritables bouillons de culture dans les grandes villes du Canada.

L’affirmation de soi et de ses origines, commencée dans les années 1970, se perpétue chez les artistes, mais ces derniers s’engagent de plus en plus sur la voie de l’universalité. L’origine de l’artiste n’est plus le thème unique de son œuvre, comme c’était souvent le cas jusqu’à maintenant. Des artistes nés au Québec, en Acadie, en Ontario et dans les provinces de l’Ouest occupent une place sur la scène culturelle nationale et certains entreprennent une carrière internationale fructueuse. Il est certain que la densité culturelle d’une ville comme Montréal attire les artistes de langue française, mais un fait demeure : la culture francophone est bien vivante dans l’ensemble du pays.

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VOIR SON REFLET DANS LES MÉDIASPour s’épanouir, la vie culturelle d’un pays a besoin des médias. Ils sont là pour informer de ce qui se passe, se fait ou se défait. Ils sont importants car ils annoncent, promeuvent et analysent les événements artistiques.

Les journaux sont des reflets essentiels de la culture aussi bien que de la vie quotidienne d’une population donnée. La nécessité d’une presse francophone se fait sentir partout et donne lieu à la fondation de plusieurs journaux au cours des années 1980. Par exemple : en 1984, la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador fonde le premier journal en français de la province. Le bimensuel Le Gaboteur se veut un outil de communication entre francophones et un instrument de rayonnement à l’extérieur de la province.

En 1982, à la suite d’une grève, le journal L’Évangéline disparaît. En 1984, le quotidien L’Acadie nouvelle, destiné à la population du Nord-Est, est publié à Caraquet. Un magazine acadien mensuel Ven’d’est commence à paraître en 1985. Il aborde surtout des thèmes économiques et sociaux. Sa publication se poursuit jusqu’en 1999. En 1986, à Moncton, paraît Le Matin qui s’adresse aux francophones de toute la province. Lorsqu’il doit fermer ses portes, en 1988, L’Acadie nouvelle lui succède comme journal provincial, ce qui n’empêche nullement la publication d’une dizaine d’hebdomadaires francophones dans les Maritimes.

Le Soleil de Colombie doit fermer ses portes en avril 1998, mais le Centre culturel francophone de Vancouver fonde une nouvelle publication : L’Express du Pacifique dont le premier numéro paraît en juillet 1998. Au tournant du millénaire, plusieurs journaux francophones fondés des décennies auparavant ou depuis les années 1960 sont toujours publiés : L’Aquilon, L’Aurore Boréale, Le Chinook, Le Franco, L’eau Vive, La Liberté, Le Droit, en plus de nombreux autres hebdos francophones qui paraissent dans l’ensemble du Canada.

La radio et la télévision communautaires se développent et encouragent les artistes locaux. La radio et la télévision nationales diffusent maintenant d’un océan à l’autre pour les francophones. Entre 1977 et 1998, le réseau de télévision de Radio-Canada étend ses services de télédiffusion en français à l’ensemble des provinces de l’Atlantique. En 1986, Halifax obtient son centre de télévision francophone alors que Charlottetown obtient le sien en 1996. Un bémol cependant. Les émissions diffusées à la radio et à la télévision de langue française font presque intégralement partie de la programmation de Montréal. Les francophones qui n’habitent pas la métropole ne peuvent que rarement percevoir dans ces émissions le reflet de ce qu’ils vivent et de ce qu’ils sont.

Un pas important est accompli dans le secteur de la télévision éducative de langue française. Le 1er janvier 1987 entre en ondes à Toronto la chaîne de langue française de TVO. TVO a été créé en 1970; la programmation française ne représentait alors que 17 % des heures de diffusion. Au début des années 1980, les émissions en français étaient diffusées le dimanche, de midi jusqu’en fin de soirée.

S’appuyant sur la Charte des droits et libertés, les francophones font régulièrement valoir leurs droits jusqu’à la Cour suprême.

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En 1995, la chaîne est renommée TFO et devient le seul télédiffuseur francophone du Canada dont les activités principales se situent à l’extérieur du Québec. Quelques années plus tard, TFO étend son territoire de diffusion jusque dans les Maritimes et au Manitoba.

DE NOUVELLES DONNESEn 1991, le pourcentage des francophones qui immigrent au Canada tourne autour de 5 % de la totalité des immi-grants. La grande majorité de ces francophones s’installe au Québec, ceux qui vont vers d’autres provinces se dirigent vers les grandes villes : Toronto, Vancouver et Ottawa. Les lieux d’origine de ces nouveaux venus diffèrent. L’Europe reste encore la principale source d’immigration francophone. Mais, au milieu des années 1990, l’immigration haïtienne devient aussi importante et celles en provenance de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne s’intensifie.

La donne politique aussi évolue. Un second référendum sur l’indépendance du Québec a lieu en octobre 1995. La lutte est serrée. Le camp du NON l’emporte par un peu plus de 1 %.

Dans les autres provinces, les francophones sont de plus en plus fréquemment représentés par des députés francophones, aussi bien au fédéral qu’au provincial. Le 7 juin 1999, des élections ont lieu au Nouveau- Brunswick. Pour la première fois de son histoire, la popu-lation de la province doit faire son choix entre deux fran-cophones : Camille Thériault et Bernard Lord. Le Manitoba a de 1993 à 1999 un lieutenant-gouverneur francophone, l’honorable Yvon Dumont.

Le 1er avril 1999, une nouvelle entité politique fait son apparition au Canada : le Nunavut. Sa francophonie s’organise sans attendre.

SAVAIS-TU QUE...

- du 12 au 22 août 1994, a eu lieu le premier congrès mondial acadien ? Retrouvailles 1994 a réuni 200 000 Acadiensvenusdepartoutaumonde.

- que le Sommet de la Francophonie internationale de 1999 s’est tenu en Acadie, à Moncton ? Le thème en était la Francophonie et la jeunesse, et les jeunes yontassuréuneprésenceremarquée.

- depuis les années 1980, plusieurs chanteurs et chanteuses francophones du Canada remportent de brillants succès en France ? Daniel Lavoie du Manitoba, Rock Voisine et Marie-Jo Thério des Maritimesensontdesexemples.D’autress’illustrent aux États-Unis et dans le monde entier, telle Céline Dion duQuébec.

- plusieurs peintres, cinéastes, musiciens, acteurs francophones d’ici sont reconnus internationalement ? Parmi eux, Alfred Pellan, Jean-Paul Riopelle, Denis Arcand, Robert Lepage, Louis Lortie, Marc-André Hamelin,GenevièveBujold,JoeFafard...etbien d’autres !

- de plus en plus de multinationales d’origine québécoise ou canadienne-française soutiennent brillamment la compétition internationale ? Deux exemples parmi d’autres:BombardieretLeCirqueduSoleil.

- la première femme nommée au poste de gouverneur général du Canada a été Jeanne Sauvé, une francophone néeàPrud’hommeenSaskatchewan?Avantd’occuper de 1984 à 1990 la plus haute fonction du pays, elle s’était fait connaître en tant que journaliste et membre dugouvernementlibéralduCanada.

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DEPUIS 2000

BALISES2001 : jugement de la Cour d’appel de l’Ontario concernantl’HôpitalMontfortd’Ottawa

2003 : nomination de l’Acadien Herménégilde Chiasson au poste de lieutenant-gouverneur duNouveau-Brunswick

2004 : adoption de la Loi sur les services en français en Nouvelle-Écosse

2005 : premier Sommet des intervenants et des intervenantes en éducation dans la mise en œuvre de l’article 23 en milieu francophone minoritaire

2006 : adoption de la Loi sur le Centre de la francophonie des Amériques par le Québec

2007 : Sommet des communautés francophones et acadiennes

2007 : création du Commissariat des services en français de l’Ontario 2008 : création du Programme d’appui aux droits linguistiques (PADL)

2011 : modificationimportanteauxrègles du recensement canadien qui rend l’exercice volontaire

2012 : deuxième Sommet sur l’éducation de langue française en contexte minoritaire

2013 : approbation par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes du projet de télévision UNIS

UNE TECHNOLOGIE POUR LE 21e SIÈCLEEn ce début du 21e siècle, les moyens de communication futuristes vus dans les films d’anticipation prennent graduellement place dans notre quotidien. On ne peut plus concevoir un monde sans Internet, sans téléphone intelligent, sans liseuse, sans tablette, sans GPS... Quoi de plus normal aujourd’hui que d’avoir à portée de main tout ce qu’il faut pour communiquer avec ses amis et sa famille, pour écouter de la musique, pour regarder des films, pour acheter ses billets de spectacle, pour se distraire, pour faire des recherches, pour savoir l’heure précise du passage de l’autobus, pour se diriger dans une ville, pour donner son opinion, pour livrer ses émotions et pour publier ses photos dans le cyberespace ! Difficile de croire que le premier navigateur Web ne date que de 1993.

Pour les francophones du Canada, Internet est à la fois un outil rassembleur qui brise l’isolement et un moyen pour les communautés et les individus de se réseauter. Alors qu’il fallait autrefois faire des efforts importants pour se procurer un livre ou voir un film en français, de nombreux sites Web permettent aujourd’hui de télé-charger un grand nombre de ressources pour alimenter la culture francophone des régions les plus éloignées. Pourtant, vingt ans après l’émergence d’Internet, le français n’occupe que 5 % du cyberespace, arrivant bon troisième derrière l’allemand et, bien sûr, l’anglais. Si le Web apparaît donc comme un formidable outil de communication pour la francophonie, il pose en même temps à celle-ci un défi de taille en raison de l’omniprésence de l’anglais.

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PORTRAIT DE LA FRANCOPHONIE CANADIENNEEn 2011, au Canada, 7 274 090 personnes déclaraient avoir le français comme langue maternelle. C’est environ 20 % de la population totale du pays. Mais, lors des recensements, par souci de précision, de nombreux citoyens déclarent le wolof, le créole, le kirundi, etc., comme langue maternelle, alors qu’ils utilisent le français dans leur vie quotidienne, au travail et à la maison. Si l’on tenait compte de cette donnée, le pourcentage des francophones atteindrait près du quart de la population canadienne, la majorité résidant bien entendu dans la province de Québec.

Les communautés francophones et acadiennes en dehors du Québec représentent environ 14 % de ce groupe et sont réparties dans neuf provinces et trois territoires. L’Ontario demeure la province qui compte la population francophone la plus nombreuse, suivie par le Nouveau- Brunswick. À elles seules, ces deux provinces regroupent 77 % des francophones qui habitent à l’extérieur du Québec.

Le pourcentage des francophones par province donne toutefois une autre image. Si l’on excepte le Nouveau- Brunswick, où la population francophone atteint près du tiers de la population totale, dans les autres provinces – y compris en Ontario – ce pourcentage n’atteint pas 5 %. Certains milieux sont parfois très homogènes. C’est le cas de plusieurs régions du Nouveau-Brunswick ou de comtés comme ceux de Prescott et Russell, en Ontario, dont 68 % des habitants sont francophones, ou encore des carrefours historiques de la francophonie, tels certains quartiers d’Ottawa ou de Winnipeg. Mais la plupart des communautés vivent dans des localités où la langue française est minoritaire : les francophones qui vivent en dehors du Québec forment généralement une collecti- vité répartie sur un territoire immense qui offre un vaste éventail de milieux et de situations démographiques et géographiques.

Ces francophones ont accès à des écoles, à des centres culturels, à des organismes communautaires, à des journaux, à des stations de radio et à des chaînes de télé-vision en langue française, mais il demeure que la vie publique et citoyenne qui les entoure n’est pas le miroir de ce qu’ils sont. Cette situation influence l’usage qu’ils font de leur langue maternelle.

MIGRATIONSLa population francophone est devenue très mobile. Comme toute population migrante, elle montre une attirance pour les milieux économiquement forts en raison des perspectives d’emploi. Ainsi, entre 2006 et 2011, les francophones ont connu une augmentation de plus de 18 % dans les provinces de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, comparativement à un taux habituel de 5 à 6 %. On remarque aussi des augmentations significatives au Yukon, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest. Dans les autres provinces, les chiffres demeurent plus stables.

Si certaines régions francophones se dépeuplent, d’autres croissent à la suite de mouvements de migration économique entre provinces ou grâce à l’arrivée d’une immigration de langue française. Au cours de la décennie 2001-2011, le Canada a accueilli plus de 372 000 immigrants de langue française, dont 77 500 se sont installés dans les communautés francophones et acadiennes en dehors du Québec.

L’Europe est le lieu d’origine de 38,9 % des francophones immigrants, l’Asie, de 26,6 %, et le Moyen-Orient et l’Afrique, de 21,1 %. La venue d’immigrants francophones et la présence dans une région de compatriotes d’autres provinces canadiennes ont favorisé la création de milieux de vie en français dans des villes comme Edmonton, Toronto ou, encore, Fort McMurray. Toutefois, ces francophones ne peuvent ignorer le défi de taille qu’ils doivent relever chaque jour : la vie professionnelle implique la plupart du temps l’usage de l’anglais.

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Ces mouvements ont des effets sur les populations. Par exemple, comme ce sont souvent les plus jeunes qui partent travailler ou étudier dans les grands centres, certaines communautés francophones comptent une forte population de 50 ans et plus.

QUI EST FRANCOPHONE ?En dépit de la croissance de certaines communautés francophones et de l’arrivée d’immigrants de langue française, l’assimilation se poursuit. Entre 1981 et 2011, la population canadienne dans son ensemble a augmenté de presque 38 %, alors que celle de langue maternelle française n’a augmenté que de 16 %. L’usage du français comme langue parlée le plus souvent à la maison est passé de 24,6 % en 1981 à 21 % en 2011.

Les raisons? Tout d’abord, quelque 80 % de l’immigration internationale qui n’a ni le français ni l’anglais comme langue d’usage opte pour l’anglais quand elle s’installe à l’extérieur du Québec. Il faut aussi souligner les faibles taux de fécondité des francophones et de transmission de la langue maternelle française des parents aux enfants, le plus souvent dans les familles exogames.

Par ailleurs, la définition de « francophone » évolue. Par exemple, celle utilisée par le gouvernement de l’Ontario dans la Loi sur les services en français de 1986 était basée sur le critère de la langue maternelle, ce qui fait qu’elle ne reflétait plus la diversité de la communauté franco-ontarienne d’aujourd’hui. En effet, plusieurs familles immigrantes qui communiquent régulièrement en français dans leur vie professionnelle et souvent même dans leur vie familiale n’ont pas cette langue comme « langue maternelle ». L’Office des affaires fran-cophones (OAF) a donc élaboré une définition plus inclusive des différentes réalités de la francophonie franco-ontarienne que le gouvernement a adoptée en 2009. On parle maintenant aussi de « langue d’inté-gration ». Cette situation n’est pas propre à l’Ontario : le gouvernement fédéral s’est également penché sur la question.

Lors du Congrès mondial acadien 2014 qui se tenait à Edmundston, au Nouveau-Brunswick, cette nouvelle réalité était bien représentée par la création d’un volet néo-acadien permettant à ces immigrants bien établis dans les régions acadiennes de se retrouver et de célébrer avec leur communauté d’accueil.

OÙ S’INSTALLER ?Pour les immigrants francophones qui s’installent à l’extérieur du Québec, deux villes constituent les principaux pôles d’attraction : Toronto (45 %) et Vancouver (11 %). La raison en est simple : non seulement ces grandes villes offrent des occasions d’intégration économique, mais elles permettent aussi l’intégration sociale grâce aux

En 1997, les Franco-Ontariens se mobilisent contre la fermeture de l’hôpital Montfort, seul hôpital de langue française de la région

d’Ottawa et de l’Est ontarien. Réunis dans le mouvement SOS Montfort, ils obtiennent gain de cause.

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groupes ethniques déjà présents sur place qui font le pont entre « là-bas » et « ici ». L’immigrant et sa famille y trouvent la plupart du temps un réseau de contacts qui les informe sur les valeurs et les coutumes de la société d’accueil, les nécessités et les habitudes de vie quotidienne (nourriture, vêtements), etc.

La communauté d’accueil a aussi un rôle à jouer à cet égard. D’ailleurs, elle apprend rapidement à mieux accueillir. Elle apprend à renseigner les arrivants sur les services, les lois, les ressources de travail, les cours de langue. Elle apprend à faire taire ses préjugés, à commu-niquer avec clarté en s’assurant que le français tel qu’on le parle dans la communauté est bien compris (accent, idiomes, expressions courantes, marques de produits, etc.) par les nouveaux venus. Elle apprend aussi à former ses enseignants, ses travailleurs sociaux et ses divers intervenants aux réalités non seulement politiques des pays d’origine, mais aussi aux réalités sociales et psycho-logiques de l’immigration.

Une étude de la Fédération des communautés franco-phones et acadienne (FCFA) du Canada publiée en 2004 a fait état des lacunes dans le domaine de l’immigration. Elle déplorait l’absence de services d’accueil et de services d’intégration. En 2006, un comité directeur composé de représentants de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et des communautés francophones en situation minoritaire (CFSM) a lancé le Plan stratégique pour favoriser l’immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire. Ce plan reconnaît l’importance d’une coordination au niveau national et de la création de réseaux locaux. Ces réseaux permettent d’engager les communautés dans le développement de collectivités francophones ouvertes et inclusives capables de répondre aux besoins des immigrants d’expression française, de les accueillir et de faciliter leur intégration en tenant compte de la réalité sur le terrain. Le plan prévoit l’accroissement du nombre d’immigrants francophones en visant une cible de 10 000 nouveaux venus par année pour l’année 2020.

Il ressort de ces documents qu’en matière d’immigration il ne s’agit pas uniquement d’attirer. Il faut aussi mettre en place des mesures aptes à favoriser l’insertion autant économique que sociale des nouveaux arrivants, leur intégration, leur rétention et, à plus long terme, leur enracinement dans les communautés francophones.

DES RÉPONSES PROMETTEUSESDans les années qui ont suivi l’étude de la FCFA, toutes les provinces et tous les territoires ont développé leurs réseaux respectifs en immigration francophone. Ces réseaux permettent aux communautés francophones d’exercer un leadership en matière de planification et de mise en œuvre d’initiatives et de projets dans le domaine de l’immigration. Réunissant plus de 250 organismes et institutions de différents secteurs de la francophonie, ils travaillent de concert avec des représentants des gouvernements provinciaux et fédéraux.

On constate par ailleurs une multiplication des ressources. On utilise des DVD, des bandes dessinées, des groupes de formation, des sites Internet, etc. Tous les moyens sont bons pour répondre aux besoins pressants de cohésion sociale.

En avril 2009, la stratégie du Manitoba a été désignée par le Commissaire aux langues officielles du Canada comme la meilleure au pays. Depuis 1999, le Manitoba a attiré 2 100 immigrants francophones. En 2008, la province a vu une augmentation de 172 % par rapport à 1999. Sa stratégie d’établissement et d’intégration a en outre permis une rétention de 85 %.

Chaque région du pays a ainsi ses propres moyens d’encourager l’intégration réussie des familles immigrantes francophones. Il reste encore beaucoup à faire, mais une chose est certaine : on comprend de mieux en mieux la nature des besoins.

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QUAND L’ASSURANCE- EMPLOI AFFECTE LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONESLorsque l’économie est précaire et que la reprise reste lente, les emplois se raréfient. Le chômage s’étend. Or, plusieurs réformes de l’assurance-emploi ont eu lieu depuis les années 1990, à l’initiative de différents gouvernements. Au fil de ces réformes, les prestations et le nombre des chômeurs bénéficiant du programme sont réduits de manière significative.

Ces réformes affectent de nombreuses communautés francophones partout au pays, notamment dans les régions rurales où l’économie se fonde souvent sur des activités saisonnières. Par exemple, dans les provinces de l’Atlantique, les emplois disponibles dans les villages francophones situés sur la côte sont en grande majorité axés sur la pêche, qui ne se pratique qu’à certains moments de l’année. Comme l’exploitation de cette ressource est par ailleurs contrôlée par divers moratoires, les travailleurs dits « saisonniers » réussissent à boucler leur budget grâce aux prestations de l’assurance-emploi. Les régions dont l’économie tourne autour du tourisme estival vivent une situation semblable.

COURT OU LONG, LE QUESTIONNAIRE DU RECENSEMENT ?Au Canada, on effectue un recensement tous les cinq ans : 2011, 2016, 2021 et ainsi de suite. Les statistiques qui découlent de l’exercice sont précieuses pour détecter les grands changements sociaux et démographiques que vit

le pays, pour élaborer des politiques qui répondent aux besoins réels des citoyens et pour préparer l’avenir en déterminant les grands courants de la vie de la nation. Les statistiques issues des recensements font partie du patrimoine national depuis 1918.

Pour que des statistiques soient valables – c’est une règle de base –, elles doivent porter sur l’ensemble de la population ou, du moins, sur un échantillonnage repré-sentatif de toutes les strates de la population qui respecte les pourcentages d’âge, de sexe, de conditions sociales, d’éducation, etc. Pour maintenir sa valeur statistique, le recensement canadien avait toujours été obligatoire. Jusqu’à celui de 2011.

Cette année-là, le gouvernement canadien l’a rendu volontaire. Statistiquement, les chiffres recueillis perdent ainsi leur valeur, puisqu’on ne sait plus comment vivent tous les Canadiens, mais uniquement ceux qui ont répondu aux questions. Qui risquent de ne pas répondre ? Ceux pour qui cela est une tâche difficile : les personnes sous-scolarisées, les aînés, les malades et les nouveaux immigrants, qui ne connaissent pas encore toutes les procédures de leur terre d’accueil. Les statistiques recueillies laissent donc échapper une partie de la popula-tion et gonflent le pourcentage de certaines strates de la population.

Pour les francophones, l’enjeu est important. L’offre de services en français est souvent déterminée par le nombre de personnes qui ont indiqué utiliser le français lors de ces enquêtes, jusqu’alors obligatoires. Or, non seulement le recensement devient-il volontaire, mais les questions qui portaient sur la langue d’usage au travail et au domicile se résument désormais à demander quelle est la première langue apprise et encore comprise, toutes langues confondues. Par exemple, si un Chinois a appris le mandarin à sa naissance, le recensement ne révèlera pas qu’il parle maintenant français à la maison et au travail. Cette absence de référence aux langues officielles a poussé la Fédération des communautés franco-phones et acadienne à mener une lutte devant les tribunaux qui en a laissé plus d’un amer devant de minces gains.

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UNE ÉDUCATION SOLIDEL’éducation a toujours été et demeure encore la clé de la vitalité des communautés francophones au Canada. C’est la raison pour laquelle les francophones qui vivent en dehors du Québec se sont tant battus pour la gestion de leurs écoles. En 2014, on compte au Canada – dans les provinces et territoires sauf au Québec – 28 entités administratives scolaires (conseils, districts ou commis-sions). Ces administrations regroupent 135 674 élèves de la maternelle à la fin du secondaire et leurs 10 620 enseignants, et gèrent 654 écoles.

En matière d’études postsecondaires, d’alphabétisation et de formation aux adultes, les francophones bénéficient d’un large éventail de possibilités. Ils peuvent ainsi poursuivre leurs études en français grâce à un réseau d’institutions et d’organismes couvrant toutes les provinces et territoires, notamment 14 universités de langue fran-çaise. Et, grâce aux nouvelles technologies, l’éducation à distance prend de plus en plus d’ampleur, tant au niveau universitaire qu’aux niveaux collégial et secondaire.

Toutefois, les écarts en éducation restent importants entre les centres urbains et les milieux ruraux, de même qu’entre les régions du pays. Malgré les progrès réalisés, certaines communautés demeurent sous-scolarisées. On constate que 26,5 % des francophones n’ont pas terminé leurs études secondaires, comparativement à 23,4 % de la population générale à l’extérieur du Québec. Malheureusement, ce taux grimpe à 45 % dans plusieurs régions rurales francophones.

La francophonie des grandes villes reste plus avantagée. Dans les villes universitaires comme Moncton, le taux des diplômés rejoint celui de villes comme Montréal et Québec. À Toronto, le nombre de francophones ayant fait des études universitaires affiche un intéressant 37 %, comparativement à 26,7 % pour la population générale. À Vancouver, ce taux est de 32,5 %.

Depuis le tournant des années 2000, la petite enfance a été ciblée comme lieu privilégié d’apprentissage de la langue et de développement identitaire. À titre d’exemple, l’Ontario a créé en 2013 plus de 266 nouvelles places de garderie dans des écoles de langue française et investi 1,24 milliard de dollars en éducation de langue française, la somme la plus importante de son histoire. Des programmes ont été mis en place pour favoriser la construction identitaire et plusieurs partenariats famille- école-communauté favorisent le sentiment d’appartenance à la francophonie.

En demandant de choisir entre le français et l’anglais, les formulaires de recensement ne permettent pas de comptabiliser l’ensemble

des francophones du pays, notamment ceux qui parlent plusieurs langues à la maison.

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LE GOÛT DE LA CONCERTATIONDepuis le début des années 2000, on constate un désir de concertation francophone au niveau national.

Dès 2003, la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNSCF), en collaboration avec la Table nationale sur l’éducation française, mène une étude pour mesurer l’ampleur des besoins. Un sommet en éducation a lieu en juin 2005. Le Plan d’action – article 23. Afin de compléter le système scolaire de langue française au Canada est validé et un comité tripartite composé de représentants d’institutions fédérales, des ministères de l’Éducation des provinces et des territoires ainsi que d’organisations à vocation éducative et culturelle est créé pour mettre de l’avant des initiatives pour la réalisation du plan d’action. Le seul fait de réunir des représentants de la communauté, des gouvernements des provinces et des territoires ainsi que du Canada dans un climat de confiance et de collaboration peut être qualifié de pas de géant en éducation. Pour faire le point sur l’avancement des travaux, un second sommet est organisé en 2012. Il est alors décidé que la convergence des forces s’appli-querait à quatre priorités : la petite enfance, la pédagogie, l’immigration et la construction identitaire.

Ce virage vers plus de dialogues et de mises en commun dans la francophonie canadienne se vit également dans le monde communautaire. Le Sommet des communautés francophones de 2007, coordonné par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), regroupe 43 organismes. Cette vaste rencontre permet d’instaurer des mécanismes de concertation dans le but d’élaborer un plan stratégique communautaire qui couvre tous les aspects de la vie des communautés francophones en milieu minoritaire. Le Forum des leaders est chargé d’assurer la mise en place du plan stratégique sur cinq grands chantiers relatifs aux communautés francophones : la population, l’espace, la gouvernance, l’influence et le développement.

Cette cohésion des forces du monde de l’éducation et des communautés permet aux francophonies du pays de mettre en commun leurs expériences et de relever les défis qui se présentent de manière concrète, originale et pertinente.

EN TOUTE JUSTICELe fait que l’article 23 ait été inscrit dans la Charte des droits et libertés de 1982 ne signifie pas que tous les problèmes soient pour autant réglés. Rappelons que la gestion des écoles de langue française par les commu-nautés francophones et acadiennes ne s’est pas accomplie sans de nombreuses luttes. De nouvelles conditions surgissant, il arrive que des causes soient encore portées devant les tribunaux provinciaux et parfois même devant la Cour suprême.

Ces luttes ont bénéficié pendant de nombreuses années du Programme de contestation judiciaire qui avait été lancé en 1978 dans le but d’offrir de l’aide pour des litiges en matière de droits linguistiques. Lorsque la Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur en 1985, ce programme a été élargi pour couvrir l’ensemble des droits relatifs à l’égalité. Ainsi, les personnes qui se sentaient discriminées en raison de leur pauvreté, de leur origine ethnique, d’un handicap, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle pouvaient également profiter d’un appui financier si leur cause devait être entendue par les tribunaux. En 2006, le programme en entier a été aboli. Les réactions ne se sont pas fait attendre.

Vouée avant tout à la défense du volet des droits linguistiques des communautés, la FCFA a mené une chaude lutte au gouvernement en vue du rétablissement du programme. C’est d’ailleurs dans le cadre d’un règlement hors cour que les deux parties en sont venues à un accord qui redonnait aux communautés linguistiques minoritaires un programme d’appui au respect de leurs droits.

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En juin 2008, le gouvernement fédéral crée ainsi le Programme d’appui aux droits linguistiques (PADL). Il s’agit d’un partenariat entre la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et l’Institut des langues officielles et du bilinguisme (ILOB) qui gère ce programme. Sa mission est d’informer les Canadiens de leurs droits linguistiques et de promouvoir ces droits, d’offrir un appui financier aux personnes, aux groupes ou aux organismes sans but lucratif qui pensent que leurs droits linguistiques consti-tutionnels n’ont pas été respectés. Grâce à cet appui, il devient possible de recourir à la médiation et à la négo-ciation et, si de tels modes de résolution de conflits échouent, d’avoir recours aux tribunaux. Plusieurs causes touchant à la gestion scolaire ont pu ainsi être entendues depuis 2010, notamment dans les Territoires du Nord-Ouest, en Colombie-Britannique et au Yukon.

UNE CULTURE VIBRANTESi la construction identitaire et le sentiment d’apparte-nance prennent racine dans la famille et se développent à l’école et dans la communauté, les arts et la culture sont les instruments privilégiés de leur épanouissement. La Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), qui cherche à promouvoir les arts et la culture dans les communautés francophones et acadiennes du pays, regroupe plusieurs organismes artistiques, gère des partenariats qui favorisent le rayonnement des arts dans les grands centres francophones – le Québec inclus – et produit, seule ou en partenariat, des documents de recherche et des outils éducatifs. Cependant, dans un contexte de stagnation économique, plusieurs organismes dont elle est la porte-parole connaissent des difficultés. Plusieurs programmes qui encouragent les arts subissent des coupes budgétaires importantes, tandis que les milieux culturels passent par une période de transforma-tions cruciales.

L’industrie du livre, par exemple, est en pleine transition. D’une part, les grandes chaînes de librairies ont pris d’assaut le marché et l’achat par Internet a connu un essor fulgurant. L’avènement du livre numérique a aussi changé la donne. Les seize membres du Regroupement des éditeurs canadiens-français (RECF) répartis au Nouveau- Brunswick, en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan sont pour la plupart passés au livre numérique. Ce mode de lecture franchit l’espace et est en mesure de desservir une population francophone que les librairies n’ont jamais pu vraiment atteindre.

Du côté musique, l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM) travaille à la promotion des artistes (auteurs, compositeurs et interprètes), à la diffusion de leurs œuvres et au développement de la chanson et de la musique francophones en Ontario et dans l’Ouest canadien. En Atlantique, le Réseau atlantique de diffusion des arts de la scène (RADARTS) joue un rôle similaire en soutenant 33 diffuseurs dans leur mission de promotion des artistes francophones professionnels.

L’Association des théâtres francophones du Canada (ATFC) représente quatorze compagnies de théâtre professionnelles qui travaillent en français dans six provinces canadiennes à majorité anglophone (Nouveau- Brunswick, Ontario, Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique). Ces compagnies théâtrales connaissent des réalités géographiques et sociales bien différentes, mais elles ont en commun d’évoluer et de créer dans des contextes linguistiques minoritaires. Elles ont donc des besoins semblables sur les plans de l’organisation et du développement artistique, de la formation, de la diffusion et de la promotion. Les membres de l’ATFC se réunissent tous les deux ans lors des Zones théâtrales au Centre national des Arts d’Ottawa, une vitrine unique qui favorise la discussion, la consultation et la concertation.

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QU’EST-CE QUE TU REGARDES ?Si, en milieu minoritaire, les francophones ont besoin des organismes culturels pour faire s’épanouir leur sentiment d’appartenance, ils ont également besoin de l’apport du monde des communications pour se voir vivre et grandir. Ce reflet de soi dans les médias est un élément crucial de l’ancrage dans une communauté. C’est ce qui explique le succès des chaînes de télévision communautaires et des journaux régionaux.

Les grandes chaînes nationales francophones demeurent elles aussi fort actives. La chaîne internationale TV5 Monde existe depuis 1984. Elle est certainement une source d’information unique sur la francophonie inter-nationale. Elle est reçue par plus de 207 millions de foyers répartis dans 200 pays et territoires dans le monde. Elle diffuse, 24 heures sur 24, une intéressante programmation culturelle et historique et des reportages aussi émouvants qu’éducatifs.

Depuis les années 1980, la chaîne de Radio-Canada diffuse dans toutes les provinces et territoires du pays. À la suite de compressions importantes en avril 2012, elle a dû réduire – et parfois abolir – les émissions locales. De nouvelles coupes en avril 2014 viennent accentuer encore la tendance. Il est difficile pour la société d’État de joindre les gens avec une programmation « nationale » qui est largement le reflet du grand centre francophone majoritaire qu’est Montréal. De l’Atlantique au Pacifique, et même dans les régions éloignées du Québec, de nombreux téléspectateurs ne se reconnaissent pas suffisamment dans les émissions à l’affiche de la chaîne nationale.

En Ontario, depuis 1985, une chaîne éducative de langue française apporte aux Franco-Ontariens ce reflet si important. Un développement important arrive en 1997 alors que TFO obtient du CRTC la permission de diffuser son signal au Nouveau-Brunswick et lance son site web. Dès l’année suivante, TFO devient disponible dans tout

le pays via satellite. En 2002, elle a coproduit FranCœur, la toute première série dramatique en français créée à l’extérieur du Québec qui mettait en relief la vie d’agri-culteurs franco-ontariens. Depuis juin 2008, la chaîne diffuse également son signal au Manitoba.

Mais les Acadiens et les Canadiens français qui vivent en situation minoritaire rêvent aussi d’une télévision bien à eux. Ce besoin de voir son reflet dans le téléviseur amène deux groupes à proposer des projets au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en août 2013. La Fondation canadienne pour le dialogue des cultures dépose le projet ACCENTS, un projet de création d’une nouvelle chaîne de télévision entièrement destinée aux communautés francophones du pays. De leur côté, les chaînes existantes ARTV et TV5 proposent le projet UNIS, qui offrirait une programmation consacrée aux communautés franco-phones à compter de septembre 2014. C’est ce dernier projet qui a reçu l’aval du CRTC. En acceptant un projet de cette nature, le Conseil reconnaissait du même coup les lacunes bien réelles qui existent au niveau du reflet des communautés francophones et acadiennes au petit écran à l’échelle nationale.

TU TEXTES DANS QUELLE LANGUE ?Selon une étude effectuée par le Media Technology Monitor, les nouvelles technologies seraient adoptées moins vite par les francophones que par les anglophones. Alors que 34 % des anglophones possèdent une tablette électronique, seulement 20 % des francophones en ont une. Quand la liseuse est adoptée par 19 % des anglo-phones, elle ne l’est que par 4 % des francophones. Les chercheurs supposent que ce retard est dû au fait que les traductions arrivent plus tard. Évidemment, dans notre monde de l’instantanéité où chacun cherche à posséder les outils les plus récents sur le marché, ce ne sont pas tous les francophones du pays

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qui attendent que soit produite la version française des nouveaux instruments technologiques. Surtout quand on parle fort bien l’anglais! Les contacts avec les produits médiatiques anglophones sont, de ce fait, beaucoup plus fréquents qu’avec les produits traduits. Et les échanges qui en découlent se font davantage en anglais, même entre francophones.

Quelques constats font réfléchir : les communications avec les pairs et avec les parents, de même que l’écoute de la musique, se font en anglais chez 67 % des franco-phones vivant en milieu minoritaire. Et, chez 90 % des jeunes qui sont membres d’au moins un réseau social, l’affichage est à 72,5 % en anglais.

Le pouvoir des nouvelles technologies pour faciliter la participation au développement de l’identité franco-phone est évident. Ces technologies permettent aux francophones de franchir l’espace, de se rapprocher les uns des autres, d’offrir des sources d’information, de recréer des communautés francophones virtuelles. Bref, il n’en tient qu’aux francophones de développer leur cyberespace francophone !

DES JOURNAUX QUI PARLENT DE NOUSLa presse écrite traverse, elle aussi, une délicate période de transformations. Le ralentissement ou l’abandon pur et simple de l’abonnement au format papier oblige les administrateurs des grands quotidiens, dont certains existent depuis plus de cent ans, à s’adapter aux changements et à utiliser d’autres moyens pour rejoindre les lecteurs, notamment les sites d’information en continu et l’abonnement électronique.

Par contre, lorsqu’il s’agit de journaux régionaux, la situation apparaît fort différente. L’Association de la presse francophone (APF) est un réseau qui réunit 22 journaux

répartis en Ontario (12), dans l’Ouest et les territoires (5) et en Atlantique (5). En desservant les communautés francophones et acadiennes en situation minoritaire, ces journaux contribuent largement à la vitalité de ces groupes. À leur pérennité aussi. Et, contrairement à l’ensemble de l’industrie de la presse au Canada, les journaux membres de l’APF connaissent une croissance étonnante. Pourquoi ? Simplement parce qu’ils reflètent la vie de leur lectorat, un apport qu’aucun autre média ne leur offre. Ces journaux analysent l’actualité provinciale et locale sous l’angle d’une francophonie en situation minoritaire. Ils traitent d’enjeux d’actualité dans la commu-nauté, parlent des spectacles et des artistes locaux et commentent des joutes sportives régionales. Ils font part des dilemmes, des défis, des projets de l’espace francophone. Le lecteur s’y reconnaît. De plus, le contenu du journal local ne fait aucunement compétition aux grands quotidiens ou à la presse électronique. Il les complète plutôt admirablement. À preuve, le journal La Liberté du Manitoba a reçu le prix Boréal en 2013 pour souligner sa contribution importante à la communauté.

EN FRANÇAIS, S’IL VOUS PLAÎT !Si les provinces et territoires du Canada reconnaissent la constitutionnalité des services en français, force est de constater que le chemin de la théorie à la pratique est parfois long et raboteux et que même ce qui semble acquis reste fragile. Le cas de l’Hôpital Montfort en est la parfaite illustration, avec sa bataille politique et judiciaire qui a duré plus de quatre ans et qui aura donné, à tous les échelons juridiques, pleinement raison aux francophones. Partout au pays, les communautés restent vigilantes et des mesures viennent assurer l’évolution des services en français.

La loi de 2004 sur les services en français en Nouvelle- Écosse a été suivie en 2006 par le Règlement sur les services en français. Dans cette province, chaque année, les ministères du gouvernement doivent préparer un

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plan de services en français pour faire état des progrès réalisés au cours de l’année précédente. Ces efforts se manifestent par la prestation de services en langue française, par la qualité de la communication orale et écrite avec les membres de la communauté et entre employés. Il faut noter aussi qu’on s’occupe de la traduction de documents officiels de la province, comme de son site Web et de certains documents ministériels pertinents pour les employés et la communauté acadienne et franco-phone. L’accent est mis sur la sensibilisation, la formation et le recrutement.

En 2007, l’Ontario a mis sur pied le Commissariat aux services en français, dont l’objectif est d’assurer le respect des droits de la communauté francophone. À cette fin, le Commissariat traite des plaintes relatives à la Loi sur les services en français, mène les enquêtes nécessaires et soumet un rapport annuel à la ministre. En Ontario, 85 % de la population a maintenant accès à des services en français. Depuis 2003, on a vu la désignation de 32 nouveaux organismes de soins de santé et des services de soutien pour les enfants, la jeunesse et les femmes victimes de violence, ce qui porte à plus de 200 le nombre d’organismes reconnus comme pouvant offrir des services en français.

Pour sa part, le nouveau territoire du Nunavut, avec sa Loi sur les langues officielles de juin 2008, prévoit des services en français à l’échelle municipale.

ET QU’EN PENSE LE COMMISSARIAT AUX LANGUES OFFICIELLES ?Les services en français se multiplient, quoique discrète-ment, dans les territoires et les provinces du pays. Toutefois, le Canada, dont la Loi sur les langues officielles a été proclamée dès 1969, ne réussit pas encore à faire pleinement respecter sa propre loi par les administrations fédérales et les sociétés de la Couronne. Année après année, dans son rapport annuel, le Commissariat aux langues officielles, qui a pour mission de promouvoir les deux langues officielles du pays et de protéger les droits linguistiques des communautés de langue française et anglaise, souligne les lacunes du système. Depuis 1970, cet organisme en dénonce les lenteurs et les reculs.

L’unilinguisme anglais qui a marqué la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de Vancouver en 2010 a notamment été soulevé. Le Commissariat a aussi effectué une étude sur les possi-bilités d’apprentissage en langue seconde dans les univer-sités canadiennes et trois autres sur la vitalité des com-munautés de langue officielle. Il s’est penché sur le système sportif canadien ainsi que sur le leadership au sein de la fonction publique. Lorsqu’en 2009-2010 CBC/Radio-Canada a décidé d’éliminer la quasi-totalité de la programmation locale à la station de radio de langue française CBEF de Windsor (Ontario), générant ainsi 876 plaintes officielles, il a demandé à la Cour fédérale d’enquêter sur la situation.

Dans son rapport de 2013, le Commissariat aux langues officielles s’inquiète du laxisme du gouvernement fédéral dans l’application de la politique de bilinguisme chez les hauts fonctionnaires car, malgré des progrès certains, la fonction publique est encore loin d’être bilingue. Un glissement subtil fait que les postes affichés présentent

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la maîtrise du français non plus comme une exigence, mais comme un atout. Dans la région d’Ottawa, seulement 65 % des postes au fédéral sont occupés par des fonction-naires qui parlent les deux langues officielles, et ce taux baisse à 40 % dans l’ensemble du pays.

INVENTER L’AVENIRAu début des années 1960, le Canada français s’est fracturé. La francophonie canadienne est devenue plurielle. Puis les années ont passé. Grâce aux principes insérés dans la Constitution de 1982, les francophones vivant en milieux minoritaires dans les diverses provinces et territoires du Canada ont pu mettre en place les assises qui leur ont permis d’aller plus loin dans leur affirmation et leur détermination.

Graduellement, au cours de la première décennie du 21e siècle, ces mêmes francophones ont aussi mis l’accent sur leurs ressemblances; ils se sont regroupés autour d’une vision commune face aux défis de l’heure. Cette vision qui les anime assure maintenant leur cohésion. Mais la francophonie canadienne a retrouvé aussi un partenaire majeur.

En 2003, le gouvernement du Québec reconnaît en effet la pérennité du fait français au Canada et manifeste l’intention de « redevenir membre à part entière de la francophonie canadienne ». Il évoque la nécessité de resserrer les liens entre communautés francophones du continent et d’entamer une consultation auprès des commu-nautés francophones. Le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne rappelle la responsabilité historique du Québec à l’endroit des communautés francophones et acadiennes et la nécessité d’exercer un « leadership rassembleur » et respectueux.

Une nouvelle politique est établie qui propose un véritable engagement envers les communautés francophones et acadiennes. Elle prône la concertation, les partenariats

et le réseautage et présente différents axes dont celui, prioritaire, des arts et la culture, et d’autres comme les communications, l’éducation, le développement écono-mique, la santé et la jeunesse.

Le 13 décembre 2006, après une démarche de consultation auprès des communautés francophones, l’Assemblée nationale du Québec adopte à l’unanimité la Loi sur le Centre de la francophonie des Amériques, un projet qui vise à resserrer les liens entre les 12 millions de locuteurs francophones de tout le continent.

Le Centre a pour mission « de contribuer à la promotion et à la mise en valeur d’une francophonie porteuse d’avenir » et mise pour ce faire sur un réseautage et sur la complémentarité d’action des francophones et des francophiles des Amériques. Il véhicule des valeurs comme la fierté d’être, le respect de soi, la solidarité, l’ouverture aux autres, la modernité et l’innovation. La langue française et les cultures d’expression française bénéficient ainsi d’une nouvelle puissance de rayonnement.

La jeunesse y jouant un rôle clé, le Centre de la franco-phonie des Amériques favorise les échanges entre les étudiants du Québec et ceux issus des autres commu-nautés de langue française du Canada et d’ailleurs sur le continent. Parmi tous ses projets novateurs, citons la Radio Jeunesse des Amériques, la Forum des jeunes ambassadeurs de la francophonie des Amériques et la Bibliothèque numérique de la francophonie des Amériques.

Dans la foulée de cette nouvelle politique québécoise, Québec accueille 400 délégués en mai 2012 au Forum de la francophonie canadienne qui célèbre le fait français et ravive les liens qui unissent Québécois, Acadiens et francophones de partout au Canada. En juillet de la même année, la ville de Québec est cette fois l’hôte du premier Forum mondial de la langue française, auquel participent 2000 personnes.

En 2014, le Congrès mondial acadien innove en regrou-pant dans son giron la région du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick, du Témiscouata au Québec et du Nord-Est de l’État américain du Maine.

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UNE DÉCISION ET UNE ACTIONParce que vivre, c’est se transformer, les mots vie et vitalité ne seront jamais compatibles avec immobilisme.

Et, comme aujourd’hui les changements se font à la vitesse grand V, il est devenu difficile de prévoir, d’une décennie à l’autre, ce qu’engendreront le progrès des technologies et les soubresauts politiques et économiques, et où mèneront les migrations démographiques. Ces mouve-ments nous imposent d’être perspicaces et accueillants. Ils nous obligent aussi à constater que rien ne sera jamais totalement acquis pour les francophones du Canada en ce qui a trait à leurs droits linguistiques, juridiques, sociaux et éducatifs.

Dans notre monde en perpétuel changement, il faut apprendre à penser autrement, à réagir sans attendre, à se créer de nouvelles balises sociales et politiques. La francophonie a besoin de citoyens concernés, allumés, responsables, capables de prendre la parole et prêts à se réinventer au besoin afin de pouvoir mettre en place des solutions justes et pertinentes face aux nouvelles conjonctures.

Il faut surtout se rappeler qu’être francophone c’est, bien sûr, hériter de valeurs profondes et d’un puissant bagage culturel. Mais, d’abord et avant tout, il s’agit d’une décision à prendre qui engage une action à entreprendre.

Marc Garneau est le premier astronaute canadien à voyager à bord d’une navette spatiale, alors que Julie Payette est la première

Canadienne à visiter la Station spatiale internationale, où elle a manipulé le Bras canadien.

Un voyage dans le temps et dans l’espace. Plus de 400 ans d’histoire pour comprendre ce qui nous rassemble, nous, francophones du Canada. Les espoirs qui nous ont amenés en terre canadienne, les combats vécus, les droits acquis, les valeurs que nous défendons et les défis qui nous restent encore à relever. Une prise de conscience du présent et une réflexion sur l’avenir. Voyage en francophonie canadienne, un outil pédagogique multiplateforme conçu pour aider les jeunes de 14 à 17 ans à intégrer des référents culturels à saveur historique dans leur démarche personnelle de construction identitaire francophone.