Ricoeur

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Texte de Paul Ricoeur - Histoire et vérité

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Nous attendons de l'histoire une certaine objectivit, l'objectivit qui lui convient : c'est de l que nous devons partir et non de l'autre terme. Or qu'attendons-nous sous ce titre ? L'objectivit ici doit tre prise en son sens pistmologique strict : est objectif ce que la pense mthodique a labor, mis en ordre, compris et ce qu'elle peut ainsi faire comprendre. Cela est vrai des sciences physiques, des sciences biologiques; cela est vrai aussi de l'histoire. Nous attendons par consquent de l'histoire qu'elle fasse accder le pass des socits humaines cette dignit de l'objectivit. Cela ne veut pas dire que cette objectivit soit celle de la physique ou de la biologie : il y a autant de niveaux d'objectivit qu'il y a de comportements mthodiques. Nous attendons donc que l'histoire ajoute une nouvelle province l'empire vari de l'objectivit.

Cette attente en implique une autre : nous attendons de l'historien une certaine qualit de subjectivit, non pas une subjectivit quelconque, mais une subjectivit qui soit prcisment approprie l'objectivit qui convient l'histoire. Il s'agit donc d'une subjectivit implique, implique par l'objectivit attendue. Nous pressentons par consquent qu'il y a une bonne et une mauvaise subjectivit, et nous attendons un dpartage de la bonne et de la mauvaise subjectivit, par l'exercice mme du mtier d'historien.

Ce n'est pas tout : sous le titre de subjectivit nous attendons quelque chose de plus grave que la bonne subjectivit de l'historien; nous attendons que l'histoire soit une histoire des hommes et que cette histoire des hommes aide le lecteur, instruit par l'histoire des historiens, difier une subjectivit de haut rang, la subjectivit non seulement de moi-mme, mais de l'homme. Mais cet intrt, cette attente d'un passage - par l'histoire - de moi l'homme, n'est plus exactement pistmologique, mais proprement philosophique : car c'est bien une subjectivit de rflexion que nous attendons de la lecture et de la mditation des oeuvres d'historien; cet intrt ne concerne dj plus l'historien qui crit l'histoire, mais le lecteur - singulirement le lecteur philosophique -, le lecteur en qui s'achve tout livre, toute oeuvre, ses risques et prils. Paul RICOEUR
Histoire et Vrit, d. du Seuil, pp. 23-24