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Roberte Armand 01 Les 3N Et Les Voleurs d’Images 1971 06

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LES TROIS NET LES VOLEURS D'IMAGES

par Roberte ARMAND

QU"EST-CE qui fait courir les 3 N ? Une icône. Autrement dit une image sainte, un petit tableau, qu'un jeune étourdi vient de vendre à une inconnue, seulement pour le centième de sa valeur !

Le vendeur se désespère. Un appel diffusé par la radio reste sans résultat. Alors, Noël, Nick et Nathalie — les sympathiques 3 N — se lancent sur les traces de la mystérieuse acheteuse. Ils la retrouvent... mais non pas l'icône. Celle-ci paraît fuir devant eux, passant de main en main.

Infatigables, les 3 N continuent à pourchasser l'icône vagabonde, et leur enquête, pleine d'imprévu et de drôlerie, les mènera jusque dans le refuge de voleurs peu ordinaires.

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ROBERTE ARMAND

LES

ET LES VOLEURS D’IMAGES

ILLUSTRATIONS DE HENRIETTE MUNIERE

HACHETTE

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Série les

1. Les 3N et les voleurs d’images 1971 062. Les 3N et la maison brulée 1972 043. Les 3N et l’étrange voisin1972 094. Les 3N et les jumelles 1972 11 5. Les 3N et le chien jaune 1973 036. Les 3N et le bouton d’argent 1973 107. Les 3N et la pêche miraculeuse 1974 058. Les 3N et l’épouvantail 1975 039. Les 3N tendent un piège 1975 0810. Les 3N et le puits hanté 1976 0411. Les 3N sont sur la voie 1977 0812. Les 3N et les trois cygnes 1978 0613. Les 3N et le serpent python 1979 0114. Les 3N et les chats birmans 1979 10

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TABLE

I. Un vendeur distrait 6 II. Au petit Louvre 15

III. Au marché 28IV. Tania 39 V. Une nouvelle piste 49

VI. Roland 60VII. Aux cent mille occasions 71

VIII. Le canal 81IX. La longue marche 92X. Le musée du châtelain 105

XI. Prisonnier 115XII. Nick dans la tour 128

XIII. Un morceau de sucre 139XIV. Un chocolat chaud 150XV. La malle d'osier ..... 160

XVI. Du muguet et une icône 171

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CHAPITRE PREMIER

Un vendeur distrait

DANS SA CHAMBRE, Nick finissait de s'habiller en sifflotant un air joyeux. Il faisait beau et c'était jeudi : deux raisons pour se réjouir.

« Tiens ! se dit-il soudain, la maison est bien silencieuse ! Où sont passés les deux autres ?»

Les deux autres, c'étaient Noël, son cousin, et Nathalie, sa sœur. Noël vivait chez les Renaud depuis qu'il avait perdu ses parents dans un accident de voiture, deux ans auparavant, et chacun

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le considérait comme le fils aîné. Ce garçon de douze ans, blond, mince et calme, était aussi différent que possible de Nicolas, son cadet d'un an, qui était brun, trapu et sans cesse en mouvement. Mais tous deux s'entendaient à merveille. Quant à Nathalie, elle avait un faible pour ce grand cousin qui prenait son parti quand son frère la taquinait un peu trop.

Nick fit irruption dans la chambre voisine dont la porte était ouverte. Sa sœur y travaillait, assise devant un petit bureau. Le garçon l'entendit qui récitait :

« 9 fois 7, 63; 9 fois 8... 9 fois 8...— 72 !» souffla Nick.Nathalie sursauta, et leva vers son frère un

visage rond où brillaient deux yeux bleus au regard naïf : elle avait l'air d'un gros bébé, malgré ses neuf ans. Ses cheveux blonds, coupés court, étaient tout ébouriffés.

« Ah ! c'est toi ? Tu m'as fait peur !— Quelle froussarde ! Dis donc, la maison est

vide ?- Papa est à son bureau, maman fait les

courses, et Noël... eh bien, je crois qu'il répare son vélo au sous-sol. Mais Mme Brun devrait être arrivée.

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- En effet ! admit Nick en consultant sa montre. Il est déjà 9 heures 10. Etonnant qu'elle soit en retard ! »

Mme Brun était la femme de ménage des Renaud. Sa ponctualité était proverbiale. Que lui arrivait-il donc ?

« Elle a peut-être la grippe ? » suggéra la petite fille.

Au même moment retentit la sonnerie de la porte d'entrée.

« J'y vais ! » s'écria Nathalie, heureuse d'échapper à la table de multiplication, et aussi d'accueillir Mme Brun qu'elle aimait bien.

La femme de ménage était une personne vive et grassouillette, au visage souriant. Mme Renaud vantait souvent ses mérites : veuve de bonne heure, elle avait élevé seule son petit garçon. Celui-ci était devenu un solide gaillard qui gagnait déjà sa vie.

Nathalie se rua vers l'escalier, mais déjà Nick, pour la devancer, en dévalait les marches quatre à quatre. La porte fut ouverte par deux mains impatientes. C'était bien Mme Brun qui se tenait sur le seuil, mais elle paraissait bizarre : le foulard de travers, les yeux rouges, la bouche serrée, elle répondit distraitement au « bonjour » poli des deux

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enfants et se hâta vers la cuisine. Un moment après, un fracas de vaisselle brisée parvint aux oreilles de Nick et de Nathalie, puis un gémissement suivit :

« Allons bon ! Qu'est-ce qui m'arrive encore ?- Bah ! Juste un bol cassé ! déclara Nathalie,

arrivant en hâte sur le lieu du désastre.- Et encore, celui-ci était fêlé », ajouta

son frère.Mais Mme Brun, décidément dans un mauvais

jour, n'écoutait pas ces paroles apaisantes. Elle se laissa tomber sur une chaise, et, à l'étonnement des deux enfants, se mit à verser des larmes. Nick et sa sœur, gênés, échangèrent un regard perplexe, et le garçon pensa :

« Si encore c'était Nathalie, je la secouerais un peu : cette fille se change en fontaine pour un oui ou pour un non. Mais Mme Brun qui pleure, c'est sûrement plus grave. »

Ce fut le moment que choisit Noël pour faire son entrée.

« Hep ! Admirez mes belles mains noires ! dit-il en agitant sous le nez des deux autres ses dix doigts maculés de cambouis. J'ai voulu arranger ma chaîne, et... »

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Puis il aperçut Mme Brun effondrée sur sa chaise et leva les sourcils en direction de son cousin, qui haussa les épaules en signe d'ignorance.

Alors Noël, cachant ses mains sales derrière son dos, demanda :

« Vous avez des ennuis, madame ? »La brave femme s'essuya les yeux avec son

mouchoir et finit par répondre :« Bien sûr, que j'en ai : c'est au sujet de Robert.Il n'est pas malade, j'espère ? demanda

vivement Nathalie.- Non, heureusement. Mais c'est dans son

travail...- Il est toujours vendeur dans cette galerie

d'art qui s'appelle « Au Petit Louvre » ? intervint Nick.

- Oui, et c'est justement là que... » Un gros sanglot coupa le récit de

Mme Brun.« ... qu'il a commis ce... cette bêtise, acheva-t-

elle enfin.- Une bêtise ? »Les enfants se regardèrent, inquiets. Qu'avait

bien pu faire le jeune homme, qui jusqu'ici, au dire de sa mère, donnait toute satisfaction à son patron? Devant les trois visages anxieux, la mère de Robert s'écria :

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« Oli ! ce n'est pas ce que vous pensez, allez ! Mon fils est le garçon le plus honnête du monde.

— Nous n'en doutons pas, affirma Noël. Mais alors...

— C'est une terrible étourderie de sa part, poursuivit Mme Brun. Chez nous on compte encore en anciens francs, pas en nouveaux, vous comprenez? »

Non, les trois enfants ne comprenaient pas. Mais Nathalie, débordante de sympathie, ne voyait qu'une chose : Mme Brun avait du chagrin, il fallait la consoler. De quelle façon? Elle offrit successivement de lui préparer dû thé, du café, du tilleul et de la verveine. Devant le refus obstiné de

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la pauvre femme, la petite fille se contenta alors de déclarer : « Ne vous m faites pas, tout va s'arranger !

— Qu'est-ce qui doit s'arranger ? demanda Nick avec impatience. Que s'est-il passé avec ces francs, nouveaux ou anciens ?»

Mme Brun réfléchit un moment avant d'expliquer :

« Au « Petit Louvre » on vend de tout : de la vaisselle, des tableaux, «tes statues, toutes sortes d'objets qui ne valent pas grand-chose, d'autres qui coûtent très cher... si cher que Robert s'est trompé ! Quand la cliente, lui a demandé le prix de cette icône, il a mal lu l'étiquette...

— Une icône ! interrompit Nathalie. Qu'est-ce que c'est ?

— Euh... une sorte de petit tableau...— ... une image peinte, d'origine

grecque ou russe, compléta Nick.— ... et dont le sujet est religieux, acheva

Noël Vous disiez donc qu'une cliente a demandé combien coûtait cette icône ? Et alors ?

— J'y suis 1 triompha Nick : Robert l'a vendue en anciens francs, alors que le prix était marqué en nouveaux francs ?

— Tout juste! approuva Mme Brun.

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Imagine-t-on de demander 4800 nouveaux francs pour un objet aussi petit ?

— 4800 nouveaux francs ! répéta la fillette.— Eh ! oui, vous vous rendez compte ?

480000 anciens francs, dit 4a mère de Robert. Il paraît que c'est une pièce de collection.

— L'acheteuse qui l'a eue pour 48 nouveaux francs a fait une belle affaire ! remarqua Noël pensivement. Mais est-ce qu'elle s'en est rendu compte ? Peut-être pas.

— Dans ce cas, il faudrait la retrouver, et lui réclamer la différence », suggéra Nick.

Mme Brun eut un geste désabusé.« Pensez donc ! On n'a ni son nom, ni son

adresse. Quand on s'est aperçu de l'erreur, il y avait belle lurette qu'elle avait quitté le magasin.

— A-t-on porté plainte à la police ?— Non, puisqu'il n'y a pas eu vol : la cliente a

payé le prix qu'on lui demandait, après tout. Le patron de Robert est tout de même allé au commissariat : on lui a promis de lancer un appel à la radio pour essayer de toucher l'acheteuse.

— Et si cet appel ne donne rien? demanda Nick.

— Dans ce cas, répondit la pauvre femme en baissant la tête, Robert devra peut-être rembourser la différence !

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— Et ça fera 475200 anciens francs, précisa bien vite Nathalie, plus forte en soustraction qu'en multiplication.

— C'est bien ça, opina Mme Brun. Et où voulez-vous que nous prenions cet argent ?»

Quelques larmes se remirent à couler sur ses joues. Elle les essuya bien vite, se mit debout avec effort et déclara :

« Il faut que je fasse mon travail.» Et, résolument, elle alla s'emparer de la pelle et du balai pour ramasser les débris de porcelaine.

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CHAPITRE II

« Au Petit Louvre »

Au REPAS de midi, il fut naturellement question de la mésaventure de Robert Brun. Lorsque Noël eut exposé les faits à son oncle, M. Renaud hocha la tête.

« Une affaire ennuyeuse pour ce pauvre garçon! Je serais bien étonné que la cliente rapporte l'icône spontanément. Encore faudrait-il qu'elle en connaisse la valeur !

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— Justement, papa, on doit lancer un appel à la radio à ce sujet, se hâta de dire Nick. Tu permets qu’on écoute ?

— Bien sûr : c'est justement l'heure des nouvelles. »

Le bouton tourné, il y eut la lecture des informations, puis le speaker annonça :

« Une erreur a été commise hier dans une galerie d'art appelée « Au Petit Louvre », à Brunières. Une icône de grande valeur a été vendue à une cliente bien au-dessous de son prix, le vendeur ayant réclamé la somme en anciens francs alors qu'il s'agissait de francs nouveaux. L'acheteuse est instamment priée de rapporter l'objet. Si elle ne le fait pas, le déficit sera à la charge du vendeur. »

Trois notes de musique gaie, puis une voix suave susurra:

« Les enzymes voraces de la lessive... »A ce moment M. Renaud éteignit la radio.« Voilà, dit Noël. On a entendu le message,

nous au moins. Mais l'acheteuse ?— Elle aussi, sûrement, et elle rapportera

l'icône dès cet après-midi, affirma Nathalie résolument optimiste.

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— Hum ! Tu te fais peut-être des illusions, répliqua son frère. Suppose qu'elle n'ait pas de poste de radio...

- ... ou qu'elle en ait un, mais qu'elle n'écoute pas les informations, appuya Noël.

- ... ou encore qu'elle ait entendu l'appel, mais qu'elle soit malhonnête et veuille garder l'icône », dit Nick.

Nathalie eut une moue désolée. « Alors, il n'y a pas d'espoir ?

- Mais si, on peut toujours espérer, dit Mme Renaud pour la consoler. Je serais soulagée, moi aussi, d'apprendre que la gaffe de Robert Brun a été réparée.

- Qu'arrivera-t-il s'il doit payer, et n'a pas de quoi ? demanda Nick.

- On le mettra peut-être en prison ? » s'effraya Nathalie.

Son frère haussa les épaules.« Tu exagères toujours ! Moi, je pense plutôt

que son patron le renverrait.— Je ne crois pas, objecta Noël : à ce compte-

là, tout le monde y perdrait. Tandis qu'en gardant Robert et en prélevant chaque mois une partie de son salaire, son patron finirait par récupérer son argent. »

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Le repas touchait à sa fin, et, quelques minutes plus tard, les enfants se retrouvaient au jardin. Pour eux, le sujet était loin d'être épuisé. Assis sur un banc, ils reprirent leur conciliabule sur « l'affaire de l'icône ».

« J'ai quelque chose à vous proposer, déclara Nick en prenant un air grave qui impressionna sa sœur, mais non pas Noël.

- Facile à deviner, riposta celui-ci : tu vas nous suggérer de faire une enquête au « Petit Louvre ».

- Eh bien, oui, là, admit le garçon un peu vexé. Que dites-vous de ça ? Les trois N sur la piste de l'acheteuse inconnue. »

Les trois N c'étaient Noël, Nicolas et Nathalie, dont les prénoms commençaient par la même lettre.

La petite fille battit des mains.« Je dis que ce serait très amusant... et très utile

pour Robert et sa maman, si nous réussissons. »Noël n'était pas aussi enthousiaste.« II me semble que c'est un peu tôt. Ne

faudrait-il pas attendre que l'appel à la radio ait été entendu par la cliente ?

- Bien sûr, répondit son cousin. Mais c'est jeudi aujourd'hui, et si nous renvoyons l'enquête à demain, nous serons tous en classe. Alors ? »

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L'argument était sans réplique, et Noël fut aussitôt convaincu. Les trois enfants décidèrent donc qu'ils se rendraient au « Petit Louvre » dès l'ouverture du magasin, c'est-à-dire à 2 heures 30.

……………………………………………

Nathalie, devant le miroir de la salle de bain, se donnait un dernier coup de peigne. Enfin satisfaite de sa coiffure, elle se déclara prête.

« Pas trop tôt ! soupira Nick, qui s'était habillé, lui, en un tournemain. Ce que ça peut être coquet, une fille !

— Ce n'est pas tous les jours qu'on va dans une galerie d'art ! riposta Nathalie d'un air digne.

- Ma parole ! Tu t'imagines qu'on se rend au palais du Louvre ? demanda son frère, moqueur.

— Allons, en route ! » ordonna Noël pour couper court à la dispute qu'il sentait venir.

Il prit la main de sa jeune cousine, et le trio quitta la calme rue des Jardins pour gagner des quartiers plus animés. Cette journée de début de printemps était décidément belle, mais un peu froide, et les enfants marchèrent d'un bon pas.

Le « Petit Louvre » était situé sur l'avenue Victor-Hugo, une artère plantée d'arbres, et offrait à la curiosité des passants deux larges vitrines,

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derrière lesquelles on pouvait admirer des tableaux, des statues et diverses antiquités. Il était 3 heures moins 25 lorsque les trois N franchirent, un peu intimidés, le seuil du magasin. Une vendeuse se dirigea vers eux, mais Noël la découragea bien vite.

« C'est M. Robert Brun que nous voudrions voir.

Vous le trouverez là-bas », dit-elle en indiquant le fond de la salle.

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Le jeune homme les accueillit avec un sourire aimable. De taille moyenne, il avait un visage avenant qui rappelait celui de sa mère.

« Est-ce que vous nous reconnaissez ? Nous sommes les enfants de Mme Renaud, et voici notre cousin Noël, s'empressa de dire Nick.

- En effet ! répondit Robert dont le sourire s'élargit. Je crois vous avoir vus une fois. Et j'entends beaucoup parler de vous par maman. »

L'aîné du trio alla droit au but. « Votre mère nous a justement raconté vos ennuis, et... nous voudrions vous aider.

- C'est très gentil à vous, mais je ne vois pas comment, répondit -le jeune homme. C'est une question de patience, maintenant. Si cette cliente entend la radio... »

II regarda vers l'entrée avec espoir, comme s'il s'attendait à voir surgir l'acheteuse de la veille. Mais comme personne ne se montrait, il ajouta :

« On va d'ailleurs le diffuser plusieurs fois, cet appel.

- D'accord, mais nous pourrions chercher de notre côté, suggéra Noël... au cas où cette cliente ne viendrait pas d'elle-même.

- C'est pourquoi nous allons vous demander sa description », poursuivit Nick.

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Et, d'un air important, il sortit de sa poche un carnet et un crayon. Nathalie admira secrètement l'esprit d'initiative de son frère.

« La décrire ? Eh bien, je vais essayer, déclara Robert. Voyons : elle avait un manteau gris, et portait un foulard sur la tête. Ah ! je me souviens encore que ce foulard était brun clair, avec des dessins qui représentaient des fleurs.

Voilà qui est très précis », approuva Noël, tandis que son cousin couvrait laborieusement de pattes de mouche la première page de son carnet. « Et quel âge pouvait-elle avoir, cette dame ?

Un âge moyen, répondit Robert sans se compromettre.

- Sa taille ?- Plutôt grande. Ah ! et puis elle parlait en

roulant les r.Portait-elle quelque chose à la main ?- Oui : un sac à provisions, et aussi un paquet

ficelé. »Nathalie se fouillait la cervelle pour trouver

une question à poser. Soudain une idée lui vint, et elle demanda :

« Quand elle est sortie avec l'icône, avez-vous vu de quel côté elle s'est dirigée ?

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— Bien sûr, puisque je lui ai tenu la porte. Elle a suivi le trottoir du côte gauche.

- Et ensuite, l'avez-vous suivie des yeux ?— Non. Je me suis retourne aussitôt, car un

autre client m'attendait.— A quelle heure cela s'est-il passe ?

demanda Nick.— Je peux vous répondre avec précision, dit

le jeune homme. Comme la cliente sortait, j'ai entendu sonner 11 heures heures à l'église Saint-Joseph, qui est tout près d'ici. »

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Les trois N s'estimèrent satisfaits de ces renseignements et prirent congé de Robert, qui leur serra la main.

« Merci de votre gentillesse, dit-il d'une voix émue en les raccompagnant jusqu'à la porte.

- Il est sympathique, ce garçon, déclara Noël après que le jeune homme eut disparu à l'intérieur du magasin.

- Alors, l'enquête s'arrête là ? questionna Nathalie un peu déçue.

- Bien sûr que non, assura Nick. Regardons un peu la vitrine et discutons ! »

Noël s'extasia avec malice sur les œuvres d'art exposées.

« Cette nature morte me plaît beaucoup, et cette peinture abstraite, quelles couleurs !

- Ne fais pas l'idiot, gronda son cousin. C'est de l'enquête que je voudrais qu'on discute, pas de peinture !

- J'avais compris, avoua Noël en riant. Alors, que proposes-tu ?

- De chercher les traces de l'acheteuse. Nous savons déjà qu'elle a tourné à gauche sur le trottoir...

- Et après ?— Nous pourrions interroger les

commerçants de ce côté-là.

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— Excellente idée ! s'écria Nathalie, enthousiaste. Peut-être qu'elle a fait d'autres achats, et que quelqu'un se souviendra d'elle ? »

A la suite du « Petit Louvre » s'ouvrait un bar : les enfants ne jugèrent pas utile d'y tenter leur chance. Puis venait un bureau de tabac.

« Entrons là, proposa Nick. Nous achèterons une boite d allumettes, comme introduction. »

Le buraliste était un homme renfrogné, qui, à la question posée par Noël concernant la femme au foulard, répondit d'un ton sec :

« Si vous croyez que je retiens le visage de tous mes clients ? Avec le monde qui passe ici... »

Les trois N sortirent donc, un peu découragés.« On ne trouvera rien, dit Nathalie.— Défaitiste, va ! répliqua son frère. Nous

n'avons essayé qu'une fois. Tiens, voici une boulangerie : notre inconnue y aura peut-être acheté son pain ?

—- Il y a des brioches bien appétissantes, remarqua la plus jeune, le nez collé contre la vitrine.

—- Et tu en mangerais bien une, rien que pour faire avancer l'enquête, se moqua Nick.

— Pourquoi pas? fit Noël. Ça nous servira d'entrée en matière. »

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La boulangère était une grosse femme aimable, qui sourit à Nathalie.

« Une brioche ? Tenez, je vous choisis celle qui a le plus de sucre. C'est pour emporter ?

— Non, elle va la manger ici, si vous permettez », se hâta de dire Noël.

Et, tandis que la fillette dégustait sa pâtisserie, il posa à la boulangère la même question qu'au buraliste :

« N'avez-vous pas le souvenir, madame, d'une cliente en manteau gris, avec un foulard brun sur la tête, qui vous aurait acheté du pain hier à 11 heures? »

La grosse femme fronça les sourcils et parut se recueillir.

« Elle portait un sac à provisions et des paquets, insista Nick.

— Je vois ! s'écria la commerçante en levant un doigt boudiné. Je me souviens d'elle parce qu'elle m'a demandé une grosse couronne, et qu'elle a dû attendre quelques minutes qu’on la sorte du four. C'est la première fois qu'elle venait chez moi, ça j'en suis sûre.

— Savez-vous où elle s'est dirigée, en sortant d'ici? questionna l'aîné des enfants.

— Elle a traversé la rue pour se rendre au marché.

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— Le marché ? ,— Oui, celui qui se tient les lundis, mercredis

et samedis sur le trottoir d'en face.— Je vous remercie, madame », dit Noël. Il quitta la boutique, suivi de Nick, et de

Nathalie dont les lèvres étaient encore saupoudrées de grains de sucre.

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CHAPITRE III

Au marché

ON ÉTAIT au samedi matin, et les trois enfants achevaient leur petit déjeuner avant de partir en classe. Nick paraissait songeur, et n'avait pas pipé mot jusqu'ici. Soudain il se leva, tapa du poing sur la table et déclara :

« Il faut que nous fassions quelque chose.- Que nous fassions... quoi ? demanda sa sœur.

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— Je suppose qu'il veut parler de l'affaire de l'icône », expliqua Noël sans s'émouvoir.

Nick opina vigoureusement de la tête.« Exactement. Si la cliente n'a pas donné signe

de vie après trois appels à la radio, c'est que...— ... elle ne le fera jamais, acheva son cousin.

Après tout, elle n'a peut-être pas envie de rendre cette icône qu'elle a payée cent fois moins que son prix ?

— Pauvre Robert ! conclut Nathalie sans cesser de mastiquer.

— Bref, il faut agir sans tarder, répéta son frère en tapant derechef sur la table, et avec tant d'ardeur que bols et soucoupes s'entrechoquèrent.

— Comment?— En nous rendant au marché, puisqu'il y en a

un ce matin, et que le prochain n'a lieu que mercredi. Nous poursuivrons l'interrogatoire, en nous adressant cette fois aux maraîchers. Je sors du lycée à 11 heures; et toi ? »

Cette question s'adressait à Noël, qui répondit d'un air dépité :

« Moi, à midi; tu seras donc forcé d'y aller seul, quel dommage !

— Et moi, je n'y serai pas non plus,

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Si gémit Nathalie, qui fréquentait l'école primaire et n'était libre qu'à 11 heures et demie.

— Ne craignez rien, assura Nick d'un air suffisant. Je me débrouillerai bien, et je vous ferai un rapport complet à mon retour.

— N'oublie pas le précieux carnet ! fit Noël en clignant malicieusement de l'œil. Ah ! et puis passe d'abord au « Petit Louvre », au cas où Robert aurait du nouveau ce matin.

— D'accord. »Les deux cousins prirent leurs cartables et se

mirent en route pour le lycée, sans cesser de parler de leurs futurs projets.

A 11 heures, comme Nick franchissait la grande porte de l'établissement scolaire, il fut rejoint par Noël, qui lui annonça d'un air réjoui :

« Je suis libre : figure-toi que le prof de français est malade.

— Ça, c'est une chance ! s'écria le plus jeune... enfin, une chance pour toi, pas pour le prof î »

Après tout, Nick n'était pas mécontent de cette aide inattendue. Le marché était vaste, et ce ne serait pas un mince travail que d'interroger les maraîchers. A deux, ils auraient plus de chance d'obtenir des renseignements.

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Pour compliquer les choses, il pleuvait à verse. Sur l'avenue Victor-Hugo, les étalages de légumes, fruits et autres denrées étaient abrités sous des bâches, et les clients faisaient la queue sous des parapluies.

Après une rapide entrevue avec Robert Brun, qui leur apprit que l'acheteuse de l'icône n'était pas venue, les jeunes enquêteurs dressèrent leur plan de bataille.

« Séparons-nous, et commençons en face de la boulangerie, proposa Noël. Je vais m'adresser à ce marchand de primeurs, et toi au charcutier qui fait suite. »

Les deux cousins se trouvèrent réunis cinq minutes plus tard, ayant échoué lamentablement. Les deux commerçants interrogés n'avaient vu personne répondant à la description de la cliente, ou ne s'en souvenaient pas. Même déception auprès d'un marchand de fromages et d'une poissonnière.

« Il ne reste que cette boutique de fleurs avant le carrefour, remarqua le plus grand. Allons-y ensemble.

- Après quoi, dit Nick en jetant un regard désabusé au-delà de la rue Lamartine qui coupait l'avenue Victor-Hugo, il faudra recommencer de l'autre côté : c'est à désespérer !

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— Tu te décourages trop vite, mon vieux, riposta son cousin. Regarde cet étalage : quelles jolies fleurs ! Si on en achetait un bouquet ?

— Tu y vas fort, dis donc ! protesta Nick. Hier une boîte d'allumettes et une brioche, aujourd'hui des fleurs... nous allons nous ruiner, à ce compte-là. Est-ce que par hasard tu n'as pas fait l'acquisition d'un chou et d'un roquefort, tout à l'heure?

— Monsieur est près de ses sous, à ce que je vois ! Ne t'en fais pas, va : il s'agit des miens, pas des tiens! » riposta Noël.

Son cousin, un peu honteux, se contenta de hausser les épaules.

Par ce mauvais temps, il n'y avait personne pour acheter des fleurs, et la vieille marchande, tout emmitouflée dans un grand châle de laine, fit un sourire aimable à ces clients inespérés.

« Des fleurs pour pas cher, jeunes gens : faites votre choix. »

Noël prit un bouquet de violettes, et, tout en payant, posa sa question concernant la cliente de la galerie d'art. Tout de suite, les deux garçons sentirent qu'ils avaient frappé à la bonne porte, cette fois-ci : le regard de la vieille dame s'anima, et elle répondit avec empressement

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« Vous pensez si je l'ai vue, cette personne ! Entre le moment où elle m'a acheté un bouquet d'œillets blancs et l'accident, il ne s'est pas écoulé deux minutes.

— Quel accident ? demandèrent d'une même voix Nick et Noël.

— Celui dont elle a été victime, tiens l— A-t-elle été blessée ? demanda

anxieusement Noël.— Rien de grave, assura la fleuriste : elle a

voulu traverser hors des clous, et un triporteur est arrivé, qui l'a renversée. C'était un jeune garçon qui conduisait. Tenez, ça s'est passé là à quelques mètres de moi, ajouta-t-elle en montrant la chaussée luisante de pluie.

— A-l-on emmené cette dame à l'hôpital? » Nick, intéressé, tirait déjà des déductions de cette nouvelle inattendue.

En effet, si l’acheteuse de l'icône avait été blessée et hospitalisée, rien d'étonnant à ce qu'elle n'ait pas entendu l'appel de la radio. D'autre part, il serait relativement facile de la retrouver, en enquêtant auprès

des quelques établissements hospitaliers de Brunières.

Noël avait dû raisonner de façon analogue, car une même déception apparut sur son visage et sur

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celui de Nick lorsque la marchande de fleurs répondit :

« Non, cette femme s'est relevée très vite, disant qu'elle n'avait pas grand mal et désirait rentrer chez elle. Des gens l'ont aidée à ramasser ses affaires qui avaient roulé sur la chaussée, et voila... je n'en sais pas davantage, mes enfants. »

Nick poussa un profond soupir, tandis que Noël risquait une dernière question :

« Vous n'avez aucune idée de l’endroit où elle habite ?

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— Sûrement pas, dit la commerçante : c'était la première fois que je la voyais. M. Ducret, le boucher, le sait peut-être ? »

Allons, tout n'était peut-être pas perdu I Plein d'espoir, Noël demanda : « M. Ducret la connaît donc ?

— Pas plus que moi, je pense. Mais c'est lui qui l'a ramenée, après l'accident.

— Où habite-t-il, ce boucher ?— Pas loin d’ici, fit la fleuriste, qui pointa

son doigt en direction d'une boutique pimpante, toute en vitres et en céramique. Voyez, c'est juste à l'angle des deux rues. »

Les deux garçons se dirigèrent donc vers la boucherie qui s'intitulait : « Au Bon Bœuf ». Ils durent faire de nouveau une longue queue, mais ne s'ennuyèrent pas. Le boucher était un gros homme jovial, tarés porté sur la plaisanterie.

« Un bifteck, madame? En voici un, tendre comme mon cœur. Et vous, madame, vous nie direz ce que vaut ce veau... » Et ainsi de suite : chacun avait droit à son jeu de mots.

Quand vint le tour des enfants, il leur demanda « Et vous, jeunes gens ?— Euh... c'est pour... un renseignement,

bégaya Nick.

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— Un renseignement ? Je ne tiens pas cette sorte de viande. Et toi, tu connais ça, Elise ? » ajouta le boucher à l'intention de sa femme qui trônait à la caisse, et qui était aussi grosse et aussi rouge que lui.

Au milieu de l'hilarité générale, le garçon décontenancé ne savait quelle attitude prendre. Alors le brave homme redevint sérieux.

« Quel renseignement, fiston? Si je peux vous le donner...

— C'est à propos d'une dame qui a eu un petit accident non loin d'ici, mercredi matin, intervint Noël. Il paraît que vous l'avez ramenée chez elle.

— Ah ! oui, la dame qui a été renversée par un triporteur ! s'écria M. Ducret. Justement, j'avais sorti ma camionnette pour aller aux abattoirs. J'ai vu l'accident, et quand cette personne a voulu repartir, j'ai proposé de la reconduire : mal en point comme elle l'était, et chargée de paquets avec ça...! Il faut bien s'entraider, pas vrai ? » ajouta le boucher à l'intention de sa clientèle.

Un murmure approbateur se fit entendre parmi les ménagères qui envahissaient la boutique.

« Alors, vous savez son adresse ? se hâta de demander Noël.

— Eh bien, elle habite rue des Tanneurs, près de l'ancienne halle, répondit le commerçant. Je n'ai

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pas noté le numéro, mais vous ne pouvez pas vous tromper : il y a une droguerie juste au-dessous. J'ai déposé la dame devant son allée, et je suis reparti : c'est tout ce que je peux vous dire. »

Les garçons remercièrent et sortirent de la boucherie, suivis par les yeux curieux de la clientèle. Dehors, il ne pleuvait plus, et le ciel s'éclaircissait.

« Pour du bon travail, c'est du bon travail! dit Nick en se frottant les mains.

— Bon, on a l'adresse, admit Noël moins prompt à crier victoire. Reste à savoir si la dame nous rendra l'icône ! »

Au même moment l'horloge de Saint-Joseph sonna midi, et les deux garçons hâtèrent le pas pour rentrer chez eux.

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CHAPITRE IV

Tania

« JE ME DEMANDE comment elle sera, cette dame, dit Noël d'un air songeur.

— Moi, d'abord, ça m'intimide d'aller chez quelqu'un que je ne connais pas, avoua Nathalie.

— Alors, je me demande bien pourquoi tu as insisté pour nous accompagner ! riposta son frère.

— Mais... parce que, sans moi, les trois N ne seraient que deux. Vous avez déjà enquêté sans moi ce matin, alors?

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— C'est logique, approuva aussitôt son cousin. Nous sommes trois, et autant que possible nous restons ensemble. »

Cette conversation avait lieu à 3 heures de l'après-midi, alors que le trio se dirigeait vers les anciennes halles. Celles-ci étaient situées un peu en dehors de la ville, et Nathalie remarqua :

« Bizarre que cette dame ait fait tout ce chemin pour aller au marché avenue Victor-Hugo !

— Tu es bête ! répliqua son frère. C'est au « Petit Louvre » qu'elle se rendait pour y acheter l'icône, et elle en a profité pour faire ses commissions sur place. »

Noël se frappa le front.« Ho ho! Cette réflexion me fait penser... »Et il s'arrêta net, selon son habitude.« Tes pensées sont trop profondes, elles

n'arrivent pas à sortir ! répliqua son cousin, railleur.

— Je me disais... euh... que cette dame n'est sans doute pas une voleuse.

— Tu as changé d'avis, alors ?— Oui... non... enfin, c'est une déduction que

je viens de faire, répondit timidement Noël.— Explique-toi, Sherlock Holmes !

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— Réfléchis un peu : si elle avait été malhonnête, et qu'elle se soit rendu compte de l'erreur de Robert, elle aurait filé bien vite avec l'icône, au lieu de continuer tranquillement son marché. »

Nick siffla entre ses dents pour marquer son admiration. « Puissamment raisonné !

— Et très encourageant », dit Nathalie qui sentit s'envoler un peu de ses appréhensions.

Tout en parlant, les trois N avaient traversé le pont du Vernon, et se trouvaient dans un joli quartier de banlieue où s'élevaient quantité de pavillons et d'ateliers d'artisans. Ils trouvèrent sans peine la rue des Tanneurs.

« Voici le droguiste, dit Noël. Et la maison est sûrement celle de notre acheteuse.

— Pas de chance ! s'exclama Nathalie. C'est un des rares immeubles de la rue.

— Il doit y avoir des tas de locataires là-dedans, gémit Nick. Comment allons-nous trouver la personne qui nous intéresse ?

— Nous sonnerons à toutes lés portes et nous finirons bien par tomber au bon endroit », répliqua Noël avec bonne humeur.

Fort heureusement, l'inspection des boîtes aux lettres leur fournit une première indication. Elles

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étaient placées dans un coin sombre, et ce fut Nathalie qui déchiffra les noms :

« Griggioni... Chappalier... Borinoff..., lut-elle avec application.

— Nous y voilà ! s'écria vivement Nick.— Caisse-moi terminer ! protesta sa sœur,— Inutile : ce doit être ce nom-là : Borinoff,

décréta le garçon avec assurance.— Je comprends ton idée, approuva Noël :

c'est un nom russe, et une icône vient de Russie. Eh bien, pourquoi pas ? Je vote Borinoff, moi aussi. »

Le ou les locataires portant ce nom habitaient au troisième étage. Les trois N montèrent donc l'escalier, trouvèrent deux portes sur le palier du troisième, et, après inspection des plaques métalliques où étaient gravés les noms, sonnèrent à gauche.

La porte fut ouverte par une jeune fille portant une robe de couleur vive, qui faisait ressortir son teint blanc et ses cheveux très noirs. Elle avait un visage agréable mais paraissait timide. Ce fut d'un léger signe de tête accompagné d'un sourire qu'elle répondit au « Bonjour, mademoiselle ! » lancé par les trois N.

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« Que désirez-vous ?— Nous cherchons quelqu'un... une dame... qui

a acheté une icône au « Petit Louvre » mercredi dernier », bredouilla Noël.

Bien entendu, lui et ses cousins avaient vite compris qu'ils ne se, trouvaient pas en présence de la « dame d'âge moyen » décrite par Robert.

Le visage de la jeune fuie refléta la surprise.« Une icône ? Je ne vois pas du tout... ! Vous

vous trompez sûrement d'adresse.»Les enfants, déçus, s'apprêtaient à se retirer en

marmonnant de vagues excuses, lorsqu'une voix lança un appel depuis l'intérieur de, l'appartement :

« Tania ! »La jeune fille se retourna et prêta l'oreille.« Tania ! » reprit la voix.Laissant les visiteurs plantés sur le seuil, celle

à qui s'adressait cet appel disparut par une porte du fond. Les trois N entendirent nettement l'inconnue questionner avec un accent légèrement chantant :

« Qui a sonné?— Des enfants, qui me posent des

questions à propos d'une icône, répondit Tania.— Une icône ? C'est bien ce que j'avais

entendu. Fais-les entrer, veux-tu ? Je me lève et je te rejoins.

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— Mais, maman, tu as besoin de te reposer...— Fais ce que je te dis. »Tania, l'air étonné, fit entrer les trois N dans

une petite pièce bien tenue, éclairée par une fenêtre aux rideaux immaculés.

« Asseyez-vous, dit-elle. Ma mère arrive. »Une grande femme brune un peu voûtée

apparut quelques secondes plus tard. En robe de chambre et pantoufles, die tramait légèrement la jambe. Tania s'empressa de lui présenter un fauteuil lui mit un coussin dans le dos et un châle sur les genoux.

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Les présentations faites, Noël exposa la raison de la visite des trois N. Quand il fut question de l'achat de l'icône, Mme Borinoff s'exclama :

« Mais oui c'est bien moi ! Et vous dites que ce jeune homme me l'a vendue bien au-dessous de son prix ? J'en suis la première étonnée, je vous assure ! »

Elle paraissait sincère. Tania, elle, écoutait bouche bée.

« Enfin, maman, m'expliqueras-tu de quoi il s'agit ? s'écria-t-elle.

— Mais oui, ma chérie dit sa mère en se tournant vers elle avec un sourire. C'est justement pour toi que j'ai acheté; cette icône...

— Pour moi ! Pourquoi donc?— As-tu oublié que c'est demain ton

vingtième anniversaire ? Vous comprenez, ajouta-t-elle à l'intention de ses jeunes visiteurs, nous sommes d'origine Crusse, mon mari et moi. Tania, notre fille, est née en France. Pour ses vingt ans, j'ai eu l'idée de lui offrir quelque chose qui évoque pour elle ce pays qui est le sien et qu'elle ne connaît pas. Je suis allée à la galerie d'art et j'ai vu cette icône : cela me convenait tout à fait, et le prix m'a paru raisonnable. Mais si vous me dites qu'elle vaut en réalité 4 800 nouveaux francs !...

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— Oh! maman, tu as fait ça pour moi ? Comme je te remercie ! » s'écria la jeune fille.

Et, spontanément, elle s'approcha de sa mère et l'embrassa.

« Hélas! ma petite Tania, dit Mme Borinoff, plus question de garder cette icône à un tel prix. Il faut aller la chercher pour la remettre à ces jeunes gens. J'irai choisir au « Petit Louvre » un cadeau plus modeste. »

Puis, se tournant vers sa fille, elle ajouta :« Tania, c'est toi qui as dû ranger ce que j'ai

rapporté ce jour-là, puisque je n'ai pas eu la force de m'en occuper.

— Oui, maman.— Te souviens-tu de ce qu'il y avait?»La jeune fille réfléchit avant d'énumérer : «

Des légumes et des fruits, que j'ai rangés dans le placard, ainsi qu'un gros pain.

Un bouquet d'œillets blancs...— ... qui t'étaient destinés, interrompit Mme

Borinoff.— Et, reprit Tania, j'ai trouvé un paquet que

j'ai mis dans l'armoire.— Un paquet, dis-tu ? En plus de l'icône, je

t'avais acheté un livre. Va vite voir, je suis inquiète. »

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Tania quitta la pièce et revint peu après, portant un objet emballé dans du papier brun.

« C'est le livre! » s'écria Mine Borinoff qui devint très pâle.

En effet, le paquet une fois ouvert révéla un volume relié que, sans un mot, la mère tendit à sa fille.

« Mais alors... l'icône ? balbutia Tania. Je t'assure, maman, qu'il n'y avait que ce paquet, parmi les affaires que tu as rapportées ! »

………………………………………………

Plus de doute : la piste que les trois N avaient suivie avec tant d'enthousiasme aboutissait à une impasse. L'icône avait disparu, et Mme Borinoff n'était sûrement pas responsable de cette disparition : la consternation peinte sur son visage le prouvait assez. Quant à sa fille, elle n'avait jamais entendu parler jusqu’à ce jour de ce cadeau d'anniversaire qui lui échappait de façon si mystérieuse. Alors ? Toutes sortes d'hypothèses furent soulevées, soit par les enfants, soit par Tania et sa mère. La plus vraisemblable était que Mme Borinoff, au moment de son accident, avait lâché le paquet, et qu'une personne indélicate s'en était emparée. Dès lors, il ne restait qu'une chose à

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faire : déposer une plainte. Il fut convenu que Tania s'en chargerait.

Une enquête eu donc lieu. On interrogea les maraîchers, lés balayeurs municipaux qui avaient nettoyé l'emplacement du marché, et même le jeune homme au triporteur : tout cela en vain.

Les trois N, qui de leur côté avaient multiplié les démarches, durent s'avouer qu'ils avaient essuyé un échec.

« Et un échec des trois N, c'est plutôt rare ! remarqua Nick avec une absence totale de modestie. Mais nous n'avons peut-être pas dit notre dernier mot ! »

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CHAPITRE V

Une nouvelle piste

UN JEUDI du mois de mai, quatre semaines après le début de ces événements, Nathalie fut invitée à passer l'après-midi chez une amie, Brigitte, dont les parents habitaient un appartement au centre de la ville. Elle partit vers deux heures et demie, tout heureuse de sa liberté, du temps qui était superbe, du bon goûter en perspective. Les garçons, de leur côté, se lancèrent dans une passionnante partie de ballon.

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A 6 heures, plus tôt qu'on ne l'attendait, Nathalie rentra de chez son amie. L'air mystérieux, elle convoqua son frère et son cousin.

« Noël, Nick, venez dans ma chambre : j'ai quelque chose à vous raconter.

— A quel sujet ? » demanda le plus jeune d'un air détaché bien qu'il grillât de curiosité.

Assis par terre sur un coussin, les vêtements et les cheveux en désordre, il attendait impatiemment que sa sœur se décide à parler.

« Tu ne devines pas ? répondit celle-ci.— Non. Cesse donc de jouer aux énigmes,

grommela le garçon. .— C'est au sujet de l'icône? suggéra Noël.— Justement !— Quoi! Tu as trouvé une piste? s'écria

Nick.— Parfaitement ! Tu ne me fais jamais

confiance, mais...— Raconte-nous plutôt ce que tu as

découvert, interrompit Noël.— Voilà, dit Nathalie. Avec Brigitte, nous

avons commencé par jouer au loto...— ... puis nous avons goûté, et j'ai mangé

beaucoup de gâteaux, poursuivit Nick en contrefaisant sa sœur.

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— Ne te moque pas de moi, ça me brouille les idées, protesta Nathalie.

— Ne nous assomme pas avec des détails : va droit au but.

— Bon, j'essaierai. Donc, après le goûter, nous avons bavardé...

— Ça, je m'en serais douté », lâcha Nick l'incorrigible.

Nathalie se renfrogna. Noël se hâta d'arranger les choses.

« De quoi avez-vous parlé? Je suis sûr que c'était très intéressant. »

Le visage de sa cousine s'éclaira.« Oh ! oui, je crois bien! Brigitte m'a raconté

des histoires sur son école. Nous n'allons pas à la même, bien sûr, puisque nous n'habitons pas le même quartier. Elle fréquente le groupe scolaire Victor-Hugo.

— Victor-Hugo ? Tiens, tiens ! interrompit Nick. Je te vois venir : cette école n'est sûrement pas loin du « Petit Louvre »...

— ... et à proximité du lieu de l'accident de Mme Borinoff, ajouta son cousin.

— Si vous devinez tout à l'avance, inutile que je continue ! dit Nathalie, en se fâchant.

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— Bon, bon, on écoute et on se tait », promit son frère en faisant mine de donner un tour de clé à ses lèvres.

Nathalie sourit et poursuivit :« Voici ce que m'a raconté Brigitte : l'autre

jour, en classe, les élèves travaillaient sur une explication de texte où il était question du mot « icône... »

De la bouche soi-disant bien close de Nick jaillit aussitôt une exclamation :

« Par exemple ! En voilà, une coïncidence !»Sa sœur se contenta de lui jeter un regard

moqueur et reprit :« Personne ne savait ce que signifiait ce mot.

La maîtresse a donné des explications. Soudain une élève a levé le doigt et a déclaré :

« — Moi, je crois que j'en ai une, « d'icône. »« Toutes les autres l'ont regardée, et la

maîtresse lui a posé des questions. Alors_ cette fille s'est troublée, a balbutié on ne sait quoi, et on n'a rien pu en tirer d'autre.

— Et après? demanda Nick.— Après? Rien. Ça ne te suffit pas ?— Tu n'as pas eu l'idée de demander le nom

de cette fille ?— Pour qui me prends-tu ?» protesta Nathalie.

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Elle mit sous le nez des garçons un feuillet froissé. Noël le déplia, lut, et s'extasia :

« Tu es un as, ma petite Nathalie : tu as non seulement noté le nom, mais aussi l'adresse.

— Josiane Legros, 16, rue du Marais », lut Nick à son tour, en détachant les syllabes.

Sa sœur prit un air modeste.« Pour 1 adresse, c'est une chance que Brigitte

la connaisse. Elle n'est pas du tout l'amie de cette Josiane, mais elle lui a porté une fois la liste des devoirs à faire, après une absence pour maladie.

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— Quel genre de fille est-ce ? demanda Nick.— Oh ! tu sais, Brigitte ne dit jamais eu mal

de ses camarades. Mais j'ai l'impression que celle-ci ne lui plaît guère, et qu'elle n'a d'ailleurs pas beaucoup d'amies : elle est un peu bizarre et renfermée, paraît-il.

— De toute façon, nous allons en juger, s'écria le plus jeune des garçons en sautant prestement sur ses pieds. Il faut nous rendre tout de suite chez cette Josiane.

— Comment, tout de suite ? Il est 6 heures 20, protesta Noël.

— Pourquoi pas ? intervint Nathalie. Vous savez, c'est pour vous en parler plus vite que je suis rentrée d aussi bonne heure : maman m'avait permis de rester dehors jusqu'à 7 heures.

— Et demain, appuya Nick, nous aurons classe. L'affaire a assez attendu comme ça !

— C'est bon, accepta Noël, vaincu par le nombre. Après tout, il reste plus d'une heure avant le repas, et en prenant nos vélos... »

Noël en tête, Nick formant l’arrière-garde, les trois enfants traversèrent sur leurs bicyclettes la ville fort animée à cette heure. Mais, quand ils eurent dépassé le centre et gagné les vieux quartiers, la circulation devint moins intense.

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La rue, des Marais était étroite et montante. Les trois cyclistes mirent pied à terre et déposèrent leurs engins contre l'immeuble portant le n° 16. Ils franchirent une porte voûtée et s'engagèrent dans une large entrée où, une fois de plus, ils consultèrent les boîtes aux lettres : la famille Legros habitait au quatrième étage. Mais quels étages ! Il leur fallut grimper un interminable escalier pour parvenir au but.

Avant de sonner, les trois N se concertèrent.« Ça va faire un drôle d'effet, si nous nous

présentons en bloc chez ces gens que nous ne connaissons pas, remarqua Nick.

— Je suis de cet avis, approuva Noël. Tandis que, si Nathalie s'y rend toute seule, elle passera pour une camarade de cette Josiane. »

La fillette s'affola.« Vous voudriez que j'entre seule, et que je

parle à cette fille ? Sûrement pas ! A ce compte-là, j'aime mieux retourner à la maison !»

Nick fit semblant de la prendre au mot. « D'accord, nous rentrons. De cette façon,

l'icône ne sera jamais retrouvée, et Mme Brun et Robert devront payer leur dette jusqu'au bout. »

Il avait touché la corde sensible : Nathalie hésita encore un moment, puis se décida :

« C'est bon, j'y vais ! »

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Un moment plus tard, tandis que son frère et son cousin descendaient dans la rue, la petite fille appuya sur la sonnette; le cœur battant, elle attendit.

Une femme vint ouvrir. Elle portait un tablier : sans doute était-elle en train de préparer le dîner» Nathalie essaya de prendre un ton dégagé pour déclarer :

« Je viens voir Josiane.— Elle est dans sa chambre », dit, avec un

geste de la main, Mme Legros.Après quoi elle retourna dans sa cuisine sans

plus s'occuper de Nathalie. Celle-ci alla frapper à la porte désignée, et une voix jeune répondit :

« Entrez. »La pièce était vaste. Aux murs, peints en blanc,

étaient accrochées des photos de couleur découpées dans des magazines. Mais ce qu'on voyait surtout, c'étaient trois lits identiques. Sur l'un d'eux, était couchée une fillette qui lisait un illustré. Dans un coin, sous la fenêtre, deux garçons plus jeunes qu'elle jouaient aux osselets.

La fille leva le nez de son journal, parut étonnée en voyant Nathalie et se mit debout. Elle semblait plus âgée que sa visiteuse.

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« Elle doit bien avoir onze ans », pensa celle-ci, gui, se souvenant de la leçon de son cousin et de son frère, fonça droit au but :

« Bonjour, dit-elle. Je viens au sujet de l'icône.»

Josiane parut frappée de stupeur. Les yeux ronds, la bouche ouverte, elle ne répondit pas. La peur se lisait dans son regard. Persuadée qu'elle était sur la bonne piste, Nathalie insista :

« Dis-moi, Josiane, où Vas-tu trouvée, cette icône ?»

Et comme l'autre se taisait toujours, Nathalie suggéra :

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« C'est sans doute au moment de l'accident, rue Lamartine ?»

Pas de réponse. Puis, soudain, Josiane éclata en sanglots. Au bruit, les deux enfants s'arrêtèrent de jouer et restèrent bouche bée à la contempler. Nathalie, décontenancée, ne savait que faire. Elle avait maintenant pitié de cette adversaire effondrée. Celle-ci, ayant pleuré un moment, se mit enfin à parler :

« C'est bien vrai que j'avais une icône, avoua-t-elle. C'est en revenant de l'école que je l'ai ramassée par terre. Une femme était tombée, renversée par un triporteur. Ses affaires ont été projetées tout autour, et... un petit paquet s'est trouvé presque sous mes pieds. Le papier s'était déchiré : j'ai vu des pierres qui brillaient, et un coin de tableau. C'était si joli que je l'ai pris et caché dans mon cartable, sans réfléchir. Comme il y avait beaucoup de monde, personne ne m'a vue faire.

— Je comprends, dit Nathalie. Tu ne savais pas que cette icône était précieuse. Il faut la rendre à sa propriétaire. Donne-la-moi, je m'en chargerai.»

Comme l'autre ne bougeait pas, Nathalie insista :

« Je te promets de ne pas te dénoncer. Où l'as-tu mise ?»

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Les larmes recommencèrent subitement à couler sur le visage de Josiane, qui déclara d'une voix morne :

« Je ne l'ai plus. »

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CHAPITRE VI

Roland

QUOI s'écria Nathalie consternée, tu l'as donc perdue ? » Sa déception était si forte, que, pour un peu, elle aurait mêlé ses larmes à celles de Josiane. Celle-ci se moucha deux ou trois fois, essuya son visage ruisselant de larmes et finit par dire :

« Je ne l'ai pas perdue : Roland me l'a prise. Je l'avais cachée sous mon matelas,

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et j'allais l'admirer de temps en temps. Il m'a vue faire, et….

— Qui est Roland ?— Mon frère.— Et qu'en a-t-il fait ? » Josiane haussa les

épaules. « Est-ce que je sais ?— Mon frère à moi et mon cousin sont en bas

à m'attendre, dit Nathalie en se levant. II faut qu'ils parlent à Roland, Est-il ici ?

— Pas à la maison» en tout cas.— Alors, où le trouver ?— Il doit être dans la rue Basse avec ses

copains, suggéra Josiane. Ils se tiennent souvent sous les arcades,

— Peux-tu me le décrire?— Oui : il a quatorze ans» il est très grand et

très maigre, s'empressa de dire la fillette, débordante de bonne volonté.

— Merci, et au revoir », jeta Nathalie en s'esquivant.

Lorsque la porte d'entrée se referma sur elle, elle poussa un « Ouf! » de soulagement, puis elle descendit aussi vite que possible rejoindre les deux garçons.

Ceux-ci faisaient les cent pas dans la rue du Marais pour tromper leur impatience.

En voyant le visage de sa sœur, Nick s'écria :

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«Je parie que tu n'as pas l'icône.— Hélas ! non », répondit Nathalie, qui

entreprit aussitôt le récit de son entrevue avec Josiane.

« En tout cas, tu t'en es très bien tirée ! déclara Noël. Maintenant il nous faut dénicher dare-dare ce Roland Legros.

— Et gare à lui s'il y met de la mauvaise volonté ! » ajouta Nick en redressant sa courte taille.

La rue Basse se trouvait, comme de juste, au bas de la rue du Marais. Des arcades la longeaient des deux côtés, sous lesquelles s ouvraient de nombreuses boutiques aux vitrines brillamment éclairées. Cependant les recoins sombres ne manquaient pas : ce fut dans l'un d'eux que le trio tomba Sur un groupe d'une huitaine d'adolescents. Ils devaient avoir entre treize et seize ans. Le plus grand par la taille, adossé à un pilier, était occupé à fumer. Les épaules étroites, le teint blême, il paraissait avoir poussé trop vite. En tout cas les arrivants n'eurent pas de doute : d'après la description faite par Josiane, il s'agissait de celui qu'ils cherchaient.

Néanmoins Noël s'approcha du groupe et demanda poliment :

« Lequel d'entre vous est Roland Legros ?

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— C'est moi» dit le garçon dégingandé sans retirer sa cigarette, et en toisant le nouveau venu qu'il dominait d'une tête. Qu'est-ce que tu me veux ?

— Te parler.— Eh bien, vas-y ! » répliqua le frère de

Josiane.Noël fît» du regard, le tour des assistants, qui

s'étaient rapprochés sans rien dire et formaient cercle autour des trois N. Il avala sa salive et murmura :

« C'est personnel. »Il y eut un mouvement d'hostilité parmi les

autres garçons, et Nick, inquiet se prépara à la bagarre. Quant à Nathalie, elle aurait voulu disparaître dans une bouche d'égout Pourtant rien ne se passa. Après une hésitation, le frère de Josiane se détacha de son pilier, et proposa :

« Allons un peu plus loin. Restez tranquilles, vous autres », ajouta-t-il à l'intention de ses; camarades.

Mais, en même temps, il ébaucha dans leur direction un geste qui ne put échapper à l'œil méfiant de Nick, bien qu’il n'en comprît pas la signification.

Le trio et Roland firent quelques pas sous les arcades, en silence. Enfin, quand il jugea

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l'éloignement suffisant, Noël se campa face à l'adolescent, se haussa de toute sa taille pour le regarder en face et déclara :

« Nous venons pour l'icône.— Quoi ! dit l'autre en reculant d'un pas. Qui

vous a dit ?— Nous savons que tu as pris cette icône à

ta sœur, qui se l'était procurée elle-même de façon malhonnête, poursuivit Noël. Il faut nous la rendre, sinon...

— Sinon ? » fit Roland avec insolence. Soudain, Nick se rendit compte que le garçon avait porté la main à sa poche, en retirait un sifflet et l'approchait de ses lèvres : sans aucun doute il voulait alerter sa bande, et faire donner une correction aux intrus. Vif comme la poudre, le jeune Renaud s'agrippa au bras de l'adversaire et ordonna:

« Lâche-moi ça ! »L'autre, avec une force qu'on n'aurait pas

attendue de son corps maigre, essaya de se libérer, mais au même moment Noël répondait à la question posée :

« Sinon, dit-il, la police t'arrêtera pour vol. Cette icône vaut très cher, et fait actuellement l'objet d'une enquête. »

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Ces paroles eurent le don de stopper toute idée de résistance chez le garçon, qui s'écria, consterné :

« Vous dites qu'elle vaut très cher ? Et moi qui n'ai pu en tirer que vingt francs !

— Quoi ! s'écrièrent ensemble les deux cousins, tu l'as vendue ?

— Vendue ! fit en écho la voix navrée de Nathalie.

— Bien sûr, répondit Roland. Vous croyez que j'avais pris ce machin à Josiane pour le contempler ? Très peu pour moi !»

Noël reprit rapidement ses esprits.« Eh bien, tu vas nous dire à qui tu l'as vendue.

Et tu devras rembourser l'argent, naturellement !»Le grand dégingandé haussa les épaules.« Rembourser ? Il ne me reste plus rien. Avec

ces vingt francs j'ai acheté un nouveau phare pour ma mobylette, mais pour ce que ça m'a servi ! Le lendemain je me cassais la figure avec; et le phare a été en miettes. Et puis, tenez, regardez ! la grosse éraflure que je me suis faite à la jambe. »

Relevant son- pantalon, il montra la blessure et ajouta :

« C'est bien ma chance !— Et la nôtre ! s'écria Nick. Car enfin, ce n'est

pas toi qu'il faut plaindre, n'est-ce pas ? Alors, tu vas nous révéler le nom de ton acheteur? »

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L'autre croisa les bras et dit d'un ton buté : « Et pourquoi je vous le dirais?

— Parce qu'il vaut mieux le dire à nous qu'à la police », répondit Noël.

Cette fois, le garçon perdit contenance.« C'est bon, vous saurez tout : je l'ai portée

samedi dernier au marché aux puces, cette maudite icône, et c'est un vieux brocanteur qui me l'a achetée. Il tient une boutique en plein vent qui s'appelle « Aux cent mille occasions ». Mais après ça, hein, vous ne me dénoncerez pas ?

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— On tâchera, fit Noël, mais on ne peut rien promettre : n'oublie pas qu'il y a ces vingt francs que tu n'as pas rendus !»

Et il partit noblement, suivi de Nick et de Nathalie, tandis que Roland les suivait d'un œil sombre.

Rentrés à temps pour le dîner, les trois enfants se retrouvèrent un peu plus tard dans la chambre des garçons, et se mirent à discuter des derniers événements.

« Voilà que l'affaire rebondit une fois de plus ! grommela Nick.

— C'est le cas de le dire, remarqua Noël en souriant : nous voici obligés de faire un saut...

— ... de puce », compléta sa cousine. Nick n'était pas d'humeur à plaisanter.

« Ne vous fatiguez pas les méninges ! Au fait, où se tient-il, ce marché aux puces ?

— Sur la place Perrière, et il a lieu le Samedi seulement. »

Nathalie avait pris un air songeur, et son frère lui cria presque dans l'oreille : « A quoi penses-tu?

— A l'icône, répondit la fillette en sursautant.— Tiens ! comme c'est nouveau ! ironisa le

garçon. Peut-on connaître le fruit de tes profondes pensées ?

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— Bien sûr : je trouve qu'il y a quelque chose de bizarre là-dedans. Cette icône paraît nous fuir. Chaque fois que nous croyons la tenir, pfft ! Elle est partie ailleurs.

— Dis tout de suite que c'est une icône enchantée ! dit Nick, moqueur. Tu lis trop de contes de fées, ma fille ! »

Noël vint aussitôt au secours de sa cousine :« N'empêche qu'elle a raison. Si nous avions

appris l'existence de Josiane une semaine plus tôt, nous l'aurions récupérée, cette icône. »

Nick se mit à rire, et résuma ainsi la situation :« Si Mme Borinoff n'avait pas eu \ son

accident, si, lorsqu'elle l'a eu, Josiane n'avait pas ramassé l'icône, si Roland ne s'en était pas emparé, si...

— Grâce! s'écria Noël. Chacun sait qu'avec « si » on met Paris dans une bouteille. Attendons samedi, et espérons que le vieux brocanteur n'aura pas revendu l'icône.

— Même s'il l'a encore, il faudra lui rembourser les vingt francs qu'il a payés à Roland, remarqua Nick.

— Vingt francs, ce n'est pas une fortune, répondit son cousin : nous les trouverons facilement.

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— En tout cas, c'est moins que 4 752 francs », conclut Nathalie.

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CHAPITRE VII

«Aux cent mille occasions »

EN CE SAMEDI après-midi ensoleillé, l'animation était grande sur la place où se tenait le marche aux puces. Les trois N prirent plaisir à flâner un moment entre les étalages. Certains se réduisaient à une simple étoffe jetée par terre; d'autres, plus importants, étaient faits de planches posées sur des tréteaux. On y voyait exposés les objets les plus hétéroclites. Nick, amateur de

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bricolage, était fortement attiré par ces trésors offerts à bon prix. Noël eut toutes les peines du monde à le retenir de vider sa bourse.

« Ce que tu peux être casse-pieds ! protesta le plus jeune. Quel mal ferais-je en achetant un bouton de porte ou un ressort de montre ?

— Le fait est, répondit son cousin en riant, que cela risquerait moins de t'abîmer les dents que les bonbons ! Mais nous sommes venus pour autre chose. Nous cherchons un brocanteur dont la boutique ambulante s'intitule...

— ... « Aux cent mille occasions. ». Tiens, le voici justement », jeta Nick en montrant une enseigne en énormes lettres noires.

Il s'agissait d'un étalage de fortune. La marchandise exposée formait un inextricable fouillis, allant du simple clou à la chaise de paille défoncée, en passant par les « œuvres d'art ». Derrière les tréteaux, un petit vieux guettait la clientèle. Ses joues étaient piquées de barbe grise mal rasée, et ses yeux étroits luisaient de malice entre les paupières rougies. Comme Noël, Nick et Nathalie examinaient les tableaux pendus à des ficelles, il les interpella d'une voix éraillée :

« Vous voulez un chef-d'œuvre pour pas cher, mes enfants? Approchez et choisissez. La fête des mères est bientôt là, pas vrai? »

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A l'idée d'offrir à leur mère une des « croûtes » exposées, Nick et Nathalie firent la grimace. Noël, plus diplomate, répondit :

« Ces tableaux sont trop grands. Vous n'auriez pas des miniatures ? C'est une icône que nous cherchons.

— Une icône 1 Qu'est-ce que c'est ? demanda le vieux marchand en se grattant la tête. Ça serait-y pas ça, par hasard ? »

Après quelques recherches, il exhiba devant ses éventuels clients pleins d'espoir un tableautin dont la peinture à l'huile, noircie par le temps, représentait une quelconque scène champêtre.

Partagé entre la déception et l'envie de rire, Noël, se souvenant de la description de l'icône faite par Robert Brun, secoua la tête et expliqua :

« Il s'agit d'un petit tableau religieux représentant un patriarche barbu. Le cadre est entouré de pierres précieuses. »

Le marchand, plissant ses yeux rusés, déclara :« J'ai eu quelque chose comme ça. »Chez les trois N, une douche glacée vint

balayer l'espoir qui les avait soutenus dans leur démarche,

« Vous dites que vous l'avez eue ? Alors, vous ne l'avez plus ? questionna Nick avec vivacité.

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— Eh non, mon garçon. Je ne l'ai pas gardée longtemps, ce... cette icône. C’est samedi dernier que je l'ai achetée. Une heure plus tard, je la revendais. »

Noël, accablé, ne dit mot II n'en fut pas de même de Nick.

« Combien l'avez-vous fait payer ? Et à qui ? demanda-t-il fiévreusement.

— Voilà un garçon bien curieux, fit le vieux brocanteur. Oh ! et puis, après tout, je n'ai rien volé, pas vrai ? C'était de la belle marchandise* et j'en ai demandé 50 francs. Je peux dire que le client n'a pas fait d'embarras : il a payé sans marchander, et il est parti tout content.

— Quelle malchance 1 s'écria Nathalie.— Faut pas vous en faire pour un petit

tableau de rien du tout comme ça, déclara le vieux: d'un ton consolant. Tenez, en cherchant là-dedans, vous: trouverez sûrement quelque chose d'aussi joli. »

Ce disant, il désignait le bric-à-brac qui s'amoncelait devant lui. Noël répliqua poliment :

« Bien sûr, vous avez des tas de belles choses, mais... nous tenions à cette icône. Est-ce que par hasard vous connaîtriez le client qui vous l'a achetée? »

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Haletant d'émotion, les trois enfants attendaient la réponse. Le brocanteur, le front plissé, finit par dire :

« C'est une tête connue. Il est souvent à fureter dans les étalages, et il achète, par-ci, par-là, un objet d'art.

— Mais... son nom ? insista Nathalie.— Ah ! ça, vous m'en demandez trop. Je

crois bien qu'il travaille pour le compte d'un riche collectionneur. Lui, c'est seulement le secrétaire.

— Et ce collectionneur, vous le connaissez ? demanda encore Noël.

— Sûrement pas. »Les visages des trois N reflétèrent une telle

consternation, que le vieux commerçant, que ce questionnaire agaçait, s'adoucit et demanda :

« Vous tenez tant que ça à le rencontrer, ce secrétaire ?

— Bien sûr ! affirmèrent en chœur les trois N.— Dans ce cas, ne quittez pas le marché aux

puces : il y a une petite chance pour qu'il y vienne.— Comment le reconnaîtrons-nous ?

demanda Nick.— Facile : tenez-vous près de ma boutique. Si

je le vois» je vous fais signe. D'accord ?

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— D'accord », répondit Noël.Et, pour remercier le brocanteur, lui et ses

cousins se mirent à chercher, parmi le fouillis de marchandises, quelque chose à offrir à Mme Renaud, Ils finirent par dénicher une bonbonnière en porcelaine, au couvercle recollé, mais très finement ornée : ils l'obtinrent pour une somme minime.

Cependant, autour d'eux, le marché s'animait de plus en plus. Des gens examinaient les vieilleries exposées, et il y avait d'âpres marchandages pour faire baisser les prix.

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Tout cela était amusant, certes, mais les enfants s'en lassèrent bien vite. D'ailleurs, ils n'osaient pas trop s'éloigner de la boutique du vieux brocanteur, s'attendant à tout moment à se voir désigner l'acheteur de l'icône. Cependant le temps passait, personne ne venait. Allaient-ils enregistrer une déception de plus ?

Il était bientôt 5 heures, et le trio commençait à parler de rentrer à la maison, lorsqu'un appel leur parvint, provenant du propriétaire des « Cent mille occasions ».

« Hep ! les enfants. Vous voyez cet homme, là-bas ? C'est lui. »

Tournant la tête dans la direction indiquée, les enfants aperçurent un élégant jeune homme, occupé à regarder sur toutes ses faces une statuette qu'il venait de prendre dans un étalage formé par un grand parapluie renversé. Il était si occupé à cet examen, qu'il n'entendit pas s'approcher de lui les trois N.

« Excusez-moi, monsieur », dit Noël.Le jeune homme sursauta, et leva les yeux sur

ce garçon inconnu qui lui adressait la parole. « Vous désirez ?— Mon nom est Noël Renaud. Voici mon

cousin Nicolas et ma cousine Nathalie. »

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Le jeune homme salua, sourit et attendit la suite sans répondre.

« Nous voudrions vous poser des questions sur une icône », commença le garçon très mal à l'aise.

L'autre leva les sourcils.« Une icône ? Vous -voulez sans doute parler

de celle que j'ai achetée ici la semaine dernière ? Une belle occasion, ma foi, pour le prix que je l'ai payée, Une œuvre d'art très bien imitée.

— Imitée ? Sûrement pas ! protesta Nick. C'est une pièce de collection, parait-il.

— Vous plaisantez, sans doute ? répondit le secrétaire avec froideur. Evidemment, je l'ai payée au-dessous de son prix en déboursant cinquante francs, mais n'exagérons rien. »

Nick tenta d'élever une nouvelle protestation :« Mais enfin, le propriétaire du « Petit Louvre

» la vendait 4 800 francs !— Et le pauvre Robert doit rembourser 4 752

francs pour cette icône, ajouta sa sœur. Alors, monsieur, si vous trouvez qu'elle n'a pas de valeur, revendez-la-nous. »

Le jeune homme reposa la statuette dans le parapluie, et, se prenant la tête à deux mains, s'écria : « Je ne comprends rien à cette histoire.

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— Eh bien, nous allons tout vous raconter », proposa Noël.

Comme l'endroit était peu propice à la conversation, les enfants et leur nouvelle connaissance allèrent s'asseoir sur un banc ombragé, à l'une des extrémités de la place. Là, le plus grand narra les péripéties qui les avaient conduits, lui, son cousin et sa cousine, en présence du secrétaire. A la fin, celui-ci déclara d'un air ennuyé :

« Si vous dites vrai au sujet de cette icône, je regrette d'autant plus ce qui est arrivé. »

Allons, bon ! Quelque chose clochait encore ?" Habitués à rencontrer des obstacles à tous moments, les trois N réagirent à peine. D'un ton calme, Noël questionna :

« Qu'est-il arrivé ?— L'icône est perdue... noyée dans le canal.— Quoi !»Cette fois, c'en était trop ! Ces dernières

paroles, qui anéantissaient tout espoir, firent aux enfants l'effet d'un coup de massue. Et c'est au milieu d'un pénible silence que le jeune homme conta sa mésaventure :

« Samedi dernier, une fois l'icône en ma possession, j'ai fait d'autres achats, et c'est avec des paquets plein les bras que j'ai rejoint ma voiture

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garée à l'entrée de la ville. Il me fallait, pour m'y rendre, franchir le pont qui enjambe le canal. Les vannes étaient levées et le courant très fort. Intéressé par ce spectacle, je me suis arrêté brusquement, sans prendre garde à la personne qui me suivait : un ouvrier d'un chantier voisin portant des planches sur son épaule. Il n'a pu stopper à temps, les planches ont heurté mon dos, et... l'un des paquets I que je portais a été projeté dans l'eau: c'était l'icône. »

Nick secoua son accablement pour demander :« Vous n'avez rien fait pour essayer de la

récupérer ?— Impossible : elle a été aussitôt entraînée et

j'ai cessé de la voir. A l'heure actuelle, je suppose qu'elle est complètement détériorée par son séjour dans l'eau. Evidemment, si j'avais su sa vraie valeur... ! Désolé, mais je n'y peux rien. » Comme les enfants, découragés, restaient assis sans plus rien dire, le jeune homme se leva en murmurant un vague « Au revoir ». Nathalie fut la seule à le suivre des yeux. Elle vit le secrétaire tirer de sa poche un journal, en détacher la bande qu'il froissa et jeta dans une corbeille, puis continuer de marcher tout en lisant. Bientôt il disparut dans la foule.

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CHAPITRE VIII

Le canal

LES TROIS N étaient bien incapables de rester longtemps silencieux. Ce fut Nathalie qui parla la première, d'un ton navré :

« Cette fois, c'est bien fini. Et j'avais raison de penser que cette icône...

— Tiens, tu penses quelquefois ? interrompit son frère. Eh bien, vas-y : cette icône... ?

— ... est un porte-malheur, acheva la petite fille.

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— Ce que tu peux être superstitieuse ! lança Nick moqueusement Gomme si un objet pouvait donner du bonheur ou du malheur !

— Pourtant, fit remarquer son cousin, il y a eu des exemples célèbres : un certain diamant, dont j'ai oublié le nom, faisait paraît-il mourir tous ses propriétaires successifs.

— Personne n'est mort, que je sache, dans le cas de l'icône », répliqua Nick.

Son cousin hocha la tête.« Sans aller jusque-là, reconnaissons que la

malchance a poursuivi tous ceux qui l'ont eue en mains : Robert Brun, pour commencer...

— ... Mme Borinoff ensuite, poursuivit Nathalie : pensez à son accident, survenu juste après l'achat de l'icône.

— C'est vrai, ça, admit son frère. Voyons pour les autres : Josiane ? Elle la ramasse mais se la fait voler peu après. Roland ? Il prend une bûche sur sa mobylette une fois l'icône vendue...

— ... et enfin, acheva Nathalie, le secrétaire débourse cinquante francs, et l'icône fait un plongeon dans le canal.

— C'est vraiment troublant, conclutNoël. Mais je crois qu'il s'agit d'un simple

concours de circonstances.

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— Eh bien, moi, avoua Nathalie, elle nie fait un peu peur, cette icône. Je préfère ne plus m'en occuper. »

Nick éclata d'un rire moqueur. , « Ha, ha ! Quelle froussarde tu fais ! C'est bien d'une fille, de croire, à ces sornettes. t

— Tu y croyais aussi il y a un instant, protesta Nathalie. D'ailleurs, que peux-tu faire de plus, toi qui es si courageux ?

— Moi ? Je suis pour l'action, répondit Nick en sautant sur ses pieds. Vous venez ? On va le voir de près, ce fameux canal.

— Avec plaisir, accepta Noël.— Puisqu'il le faut ! » soupira Nathalie.Le trio fut bientôt rendu au faubourg de la

Balme, où coulait un large canal qu'on franchissait sur un pont bordé de chaque côté par un parapet. Les enfants se penchèrent sur l'eau, qui était claire et transparente. Il y avait bien quelques objets au fond, tels que boîtes de conserves rouillées, savates éculées, mais, bien entendu, pas la moindre icône. De plus, ils observèrent que le canal n'était pas bordé en cet endroit par un trottoir, ce qui éliminait l'hypothèse qu’un promeneur ait pu récupérer l'icône après sa chute. Nathalie, très Imaginative, suggéra que le tableau avait peut-être été avalé par un poisson, et ce dernier péché, mais cette version

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n'eut aucun succès auprès des deux autres. Bref, cet examen ne leur apportait rien. Si bien que Nick, penché vers le canal, résuma l'opinion générale en déclarant :

« Hélas ! C'est bien ici que l'histoire s'achève... en queue de poisson. »

Les enfants s'éloignaient à regret pour rentrer chez eux, lorsqu'un bruit de coups de marteaux leur parvint : cela venait d'une maison en construction.

« Le chantier ! jeta Nick,— Quel chantier ? demanda sa sœur.— Celui où travaille le charpentier !— Voyons, Nathalie, intervint Noël, tu te

souviens que le secrétaire a parlé d'un ouvrier portant des planches, qui l'aurait bousculé, et...

— J'y suis ! s'écria ta fillette. Vous voulez vérifier si l'histoire est vraie ?

— Justement. »Déjà Nick avait pénétré dans le chantier, où

régnait un bruit assourdissant. Tout là-haut, des hommes travaillaient à la charpente du toit. L'un d'eux aperçut les arrivants.

« Filez d'ici, les gosses », cria-t-il d'un air fâché.

Au lieu d'obéir, Nick mit ses mains en porte-voix.

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« Nous voudrions un renseignement, s'il vous plaît. »

Le bruit des marteaux s'arrêta.« Qu'est-ce que c'est ? bougonna le premier qui

avait parlé.— L'un de vous se rappelle-t-il avoir bousculé

un homme, l'autre samedi, près du canal ?— Il s'agit peut-être du type que j'ai heurté

avec mes planches ? demanda un fort gaillard. J'espère qu'il ne vient pas se plaindre, dites donc : c'était sa faute, pas la mienne. »

Ce disant, l'homme était descendu de son perchoir. Noël s'empressa de le rassurer.

« II n'y a aucune plainte, monsieur, bafouilla-t-il. C'est... euh... seulement nous qui voudrions savoir...

— ... si c'est vrai qu'il a perdu quelque chose dans le canal, acheva Nick prenant la relève.

— Si c'est vrai ? Mais naturellement ! Il ne vous l'a pas dit ?

— Si, si. Nous cherchons seulement des précisions. C'était un gros, ou un petit paquet ? insista le garçon.

— Oh ! un tout petit : ça n'a pas été une grande perte, allez ! » fit l'homme d'un air réjoui.

Les deux cousins échangèrent un regard : quelle ironie dans ces paroles î

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« Etait-il emballé ? » demanda soudain Nathalie, qui n'avait pas perdu une miette de la conversation.

L'ouvrier prit le temps de réfléchir.« Oui, dit-il enfin : dans un papier brun, avec

une ficelle autour. Je le revois en train de flotter, ce paquet : je l'ai suivi des veux tant qu'il a été visible. J'étais embêté, vous pensez ! L'autre a bien pris la chose, somme toute.»

Les enfants remercièrent et quittèrent le chantier. Dès qu'ils furent assez éloignés, ils échangèrent leurs réflexions.

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« Une entrevue très intéressante, commenta Nick, et qui me fait douter de la sincérité du secrétaire.

— Moi aussi », dit son cousin. Nathalie les écoutait, bouche bée.

« Mais voyons, au contraire ! Ce charpentier a dit comme lui !»

Son frère leva les yeux au ciel.« Explique-moi, Noël, reprit la fillette en se

tournant vers son cousin. Au moins, toi, tu ne me prends pas toujours pour une idiote !

— Et tu es loin d'en être une, déclara Noël. Ta question au sujet du paquet était très pertinente.

— Admettons, dit Nick avec mansuétude. Nous avons appris de cette façon quelque chose d'intéressant : ce paquet bien ficelé ne contenait peut-être pas l’icône.

— Pourquoi donc ? demanda Nathalie.— Parce que, expliqua Noël, le brocanteur,

qui ne vend que des objets d'occasion, ne les emballe pas avec soin comme dans un vrai magasin. Tiens, regarde la bonbonnière que nous avons achetée : dans quoi est-elle enveloppée ?

— Dans un vieux journal, en effet ! s'exclama la fillette.

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— Autre chose, dit Nick. L'objet tombé dans le canal devait être sans valeur, sinon le secrétaire aurait montré- davantage de regret. N'oublions pas qu'il avait tout de même déboursé cinquante francs pour l'icône !

— En outre, intervint Noël, le charpentier a dit que le paquet avait flotté longtemps. Ce ne serait pas possible avec l'icône, dont le cadre est alourdi par des pierres précieuses.

— C'est vrai, ça, admît Nathalie. Ce que vous êtes astucieux, tous les deux !»

Son ton admiratif fut agréable aux oreilles de Nick, qui déclara :

« Attendez, ce n'est pas tout : il y a encore quelque chose de louche dans l'histoire du secrétaire. S'il est vraiment au service d'un collectionneur, comment se fait-il qu'il se soit trompé de cette façon sur la valeur de l'icône ? Il nous a affirmé qu'elle ne valait pas plus de cinquante francs. Que faut-il en déduire ?

— Qu'il n'y connaît rien en œuvres d'art, ou qu'il est menteur, conclut son cousin.

— A moins que l'icône ne soit qu'une imitation ? » suggéra Nick.

Dans ce cas, le propriétaire du « Petit Louvre » lui-même serait un malhonnête homme, et... »

Noël secoua la tête.

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« Impossible : j'ai entendu mon oncle dire que c'était un commerçant d'une excellente réputation. Non et non : l'icône est bel et bien une pièce de collection, et je maintiens mon opinion sur le secrétaire.

— Bref, conclut son cousin, ce beau monsieur s'est sans doute moqué de nous. Attends, mon bonhomme, que nous te retrouvions !

— Oublies-tu, objecta Noël, que nous ne savons ni son nom, ni son adresse? Quand je lui ai dit qui nous étions, j'espérais qu'il en ferait autant, mais il s'en est bien gardé.

— Ça alors, c'est une vilaine histoire », s'écria Nick consterné.

A sa grande surprise, sa sœur se mit à sautiller joyeusement.

« Eh bien, moi, je crois que je peux vous aider, la la la !

— Nous aider ? Alors, parle vite ! » lui dit son frère.

La fillette prit un malin plaisir à le faire attendre.

« Tu ne diras plus que je suis bête?

— Promis, juré ! Et maintenant, parle.— C'est simple, déclara Nathalie : il nous faut

retourner au marché aux puces, et fouiller dans la

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corbeille à papiers qui est près du banc où nous étions assis.

— Ah ! oui ? ironisa son frère. Ce monsieur y a glissé sa carte de visite à notre intention !

— Laisse donc parler Nathalie ! » dit Noël.La petite fille raconta comment elle avait vu le

secrétaire jeter la bande de son journal.« Bravo ! cria son cousin. Sur cette bande, il y

aura sûrement le nom et l'adresse que nous cherchons.

— En route pour la place Perrière ! » jeta Nick en changeant brusquement de direction.

Son enthousiasme tomba lorsqu'il lui fallut, avec les deux autres, fouiller les détritus. Enfin, parmi les pelures d'oranges, les papiers froissés et les mégots de cigarettes, les jeunes chercheurs virent apparaître une bande de papier blanc avec des mots imprimés. Noël lut tout haut :

Monsieur Jacques BonnierChâteau de la Motte

Malvert

Nathalie était impressionnée. « Pas possible !s'écria-t-elle, cet homme habite

un château ?

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— Pas lui, mais le collectionneur qui l'emploie, rectifia Noël.

— Châtelain ou pas, il aura de nos nouvelles», affirma Nick d'un ton décidé.

Son cousin émit une protestation.« Tu comptes aller le voir, comme ça, et lui

dire en face qu'il nous a menti ? Moi, mon vieux, je ne marche pas.

— Moi non plus, appuya Nathalie.— Vous êtes deux dégonflés ! leur reprocha

Nick indigné. C'est bon, je reprendrai l'enquête tout seul.

—i II n est pas question de te lâcher, rectifia Noël. Seulement il faut bâtir un plan.

— D'abord, où est-ce, Malvert ? » demanda Nathalie.

Nick fit un signe d'ignorance, mais son cousin expliqua : « J'y suis allé autrefois avec mes

parents : c'est un village situé aux environs de Brunières, un peu en altitude. Il est entouré de forêts, et je me rappelle y avoir cueilli du muguet.»

Nick bondit.« Du muguet, dis-tu ? Et nous sommes

justement au mois de mai : voilà un but de promenade tout trouvé. »

Il ajouta entre ses dents : « A nous deux, monsieur Bonnier ! »

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CHAPITRE IX

La longue marche

TES PARENTS ayant donné leur consentement à la promenade projetée, il fut entendu que les trois N prendraient, le jeudi matin, un car pour Fontagnac, petite localité à 8 kilomètres de Brunières. De là ils monteraient à pied jusqu'à Malvert.

Avant le départ, il y eut une discussion au sujet des sacs à dos, dans lesquels on mettrait le pique-nique.

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« Chacun portera sa part, décréta Nick.— Deux sacs suffiront, répliqua Noël. Je

propose que nous partagions la charge, toi et moi,— ... et que Nathalie ne porte rien ? Ah ! non,

alors ! s'écria son cousin. Elle mange tout autant que nous, alors pourquoi serait-elle dispensée de corvée ? »

Noël se montra diplomate. « Mais... parce que nous sommes les plus forts, toi surtout.

— C'est vrai, admit le garçon en gonflant ses biceps d'un air satisfait. C'est entendu, j'accepte. D'ailleurs, ajouta-t-il en clignant de l'œil, Nathalie devra se porter elle-même : ce n'est déjà pas mal, comme poids !»

La fillette ouvrit la bouche pour riposter, mais son cousin l'en empêcha en s'écriant très vite :

« Eh bien, puisque tout est prêt, on file. »Et le trio se mit en route, en agitant

joyeusement les mains à l'intention de Mme Renaud qui les regardait partir. Lorsque les trois jeunes excursionnistes eurent tourné le coin de la rue, Nick s'écria d'un ton théâtral qui impressionna fortement sa sœur :

« En route pour l'aventure ! »

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Pour le moment, l'expédition projetée s'annonçait sous un jour favorable : le temps était superbe, et le voyage en car jusqu'à Fontagnac fut sans histoire. A partir de là commençait la montée vers Malvert, et les enfants empruntèrent un sentier qui serpentait à travers champs. L'ascension, agréable au début, devint de plus en plus pénible à cause de la chaleur qui allait croissant. Les trois N ne tardèrent pas à être en nage, et Nathalie se mit bientôt à traîner en arrière-garde. Cela lui valut une remarque indignée de la part de son frère :

« Regardez-moi cette lambine : qu'est-ce que ce serait si elle devait porter un sac! »

Noël, par contre, essayait d'encourager la retardataire :

« Allons, Nathalie, encore un effort 1 II y a une fontaine un peu plus haut : nous pourrons y faire une halte. »

Cette perspective redonna des jambes à la fillette, et bientôt la récompense vint sous la forme d'un bassin de pierre dans lequel coulait sans arrêt une eau limpide. Quelle agréable musique pour les oreilles des trois grimpeurs fatigués ! Déjà les deux garçons posaient leurs sacs par terre pour en tirer les gobelets, et chacun se désaltéra longuement.

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« C'est la meilleure eau que j'aie jamais bue déclara Nick en faisant claquer sa langue. Et quelle fraîcheur !... Oh ! une idée !»

Et, se levant d'un bond, il ôta sa chemisette et plongea la tête et le torse dans le bassin, puis s'ébroua comme un caniche.

« Aïe ! tu m'asperges ! cria Nathalie.-—Eh bien, tu devrais me remercier pour cette

douche gratuite », riposta le garçon.Noël qui, étant l'aîné, se sentait responsable de

ses cousins, prit un ton grondeur.« C'est imprudent, ce que tu fais là ! Tu étais

en sueur, et...— Merci pour le sermon, vénérable aïeul,

riposta l'interpellé en esquissant une révérence ironique. Dites donc, est-ce qu'on va moisir ici ? Allez, oust ! On repart. »

Car l'impatient garçon n'avait qu'une hâte : parvenir au plus vite au château de la Motte.

« On était si bien ! » soupira Nathalie.Noël tempéra l'ardeur de son cousin :« Ton respectable aîné se permet un conseil :

celui de remplir les gourdes. Il se pourrait qu'on ne rencontre plus d'eau potable d'ici midi. »

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Nick regarda sa sœur avec malice et remarqua :« J'en connais une, de gourde, qui a fait son

plein d'eau !»Nathalie n'eut pas la force de riposter : il faisait

vraiment trop chaud !Chacun des garçons remplit donc son récipient

de matière plastique, et la montée reprit d'un pas plus vif... mais qui ne tarda pas à se ralentir. Une heure plus tard, on entra dans une forêt : dès lors, marcher devint un plaisir. Et lorsque Nathalie découvrit la première clochette blanche, ce fut une explosion de joie.

« Du muguet ! Du muguet porte-bonheur! » cria-t-elle à l'intention des deux autres.

Ceux-ci se mirent de la partie, et bientôt chacun eut confectionné un bouquet. Nathalie, elle, en avait fait trois petits.

« Un pour maman, un pour la maîtresse » un pour Mme Brun », expliqua-t-elle.

Son frère haussa les épaules.« Mme Brun n'a que faire de muguet : c'est

l'icône qu'il faudrait lui rapporter.— Eh bien, pourquoi pas l'icône aussi ?

répondit la fillette avec une belle assurance. Est-ce que nous n'allons pas la chercher au château de la Motte ? »

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Nick explosa :« Et tu crois, comme ça, que tu n'auras qu'à

entrer dans ce château, et dire au secrétaire : « Vous nous avez menti, au sujet de cette icône. Rendez-la-nous, sinon... »

Non vraiment, ma pauvre fille, tu ne manques pas d'illusions ! »

Nathalie, indignée, se croisa les bras et riposta:« Ah ! Parce que monsieur a déjà établi son

plan ? J'aimerais savoir lequel, par exemple.— Je suis d'accord avec Nathalie, intervint

Noël. Nous ne pouvons rien décider avant d'avoir

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vu le château, et obtenu des renseignements sur ses habitants.

— Alors, on y va tout de suite ? proposa Nick.— Ne t'emballe pas ! fit son cousin d'un

ton apaisant. D'abord, on ne se présente pas chez les gens le matin. Ensuite, nous aurons les idées plus claires quand nous nous serons reposés et restaurés.

— On va manger ? Chic, alors ! approuva aussitôt Nathalie, Je meurs de faim.

— Bon, bon ! Puisque vos petits estomacs vous font oublier les affaires sérieuses, va pour pique-niquer ! » maugréa Nick, qui au fond n'était pas fâché de cet intermède.

Un moment plus tard, les trois enfants, assis sur la mousse, dévoraient avec un bel appétit les abondantes provisions préparées par Mme Renaud. Pour boisson ils durent se contenter de l'eau des gourdes, un peu tiédie par son séjour dans les sacs : en parcourant la forêt, ils n'avaient rencontré qu'une mare, dont l'eau stagnante ne leur inspira pas confiance.

Après le repas, Noël se reposa, Nathalie cueillit encore quelques muguets et Nick explora les bosquets avec l'espoir d'y découvrir des nids. Puis le signal du départ fut donné, et les trois enfants se remirent en route.

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Noël ne s'était pas trompé : le village de Malvert leur apparut à la sortie du bois. Il semblait dormir au soleil : pas un chat sur la place.

« Les gens font la sieste, conclut Nick. Où s'adresser pour obtenir des renseignements ?

— J'aperçois une épicerie. On pourrait y acheter des bonbons ? suggéra Nathalie.

— C'est ça : joignons l'utile à l'agréable », accepta Noël.

La porte, en s'ouvrant, déclencha un tintement de carillon, et les enfants se trouvèrent dans une petite boutique regorgeant de marchandises diverses. On y vendait aussi des bonbons, que l'épicière puisa dans un grand bocal de verre. Pendant qu'elle s'absorbait dans cette tâche, Noël amena la conversation sur le sujet qui intéressait les trois N.

« Il y a bien un château historique dans le voisinage ?

— Historique ? Ça je ne sais pas. Mais un château, oui, il y en a un.

— Est-il habité ? intervint Nick. — Mais oui: par M. de la Motte. — Est-ce qu'il vit seul ?— Lui, vivre seul ? Le pauvre homme, il en

serait incapable ! » s'exclama la commerçante.

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Les enfants échangèrent un regard. Que signifiait cette réflexion ?

« Ils sont trois à occuper cette grande baraque, poursuivait l'épicière : M. de la Motte, son secrétaire et un domestique. Mais on ne les voit quasiment jamais, ces deux-là. Aïe ! je bavarde, je bavarde, et vous attendez vos bonbons, mes petits. Tenez, je vous ai fait bon poids : ce sera trois francs. »

Noël paya, et le trio sortit de la boutique, non sans s'être fait expliquer la direction du château.

« Vous prenez la route qui monte, et au bout d un kilomètre vous tournez à droite. »

Il fallut donc se remettre en marche sous un soleil devenu brûlant. Pas le moindre buisson en vue pour donner un semblant d'ombre. Le moral de la petite troupe ne tarda pas à s'effondrer. Chacun se plaignit d'avoir soif, et comme il ne restait plus qu'une demi-gourde d'eau, on se contenta de sucer des bonbons. Ce fut pire encore sur le chemin de terre que les enfants prirent sur leur droite : blanc et caillouteux, il réverbérait la chaleur et on se serait cru dans une fournaise. Alentour le paysage était désolé : des champs incultes où ne poussait que de la bruyère.

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« Un vrai désert! » remarqua Noël. Nick eut encore la force de plaisanter : «C'est moi qui joue le rôle du chameau... avec une bosse, dit-il en montrant son sac tyrolien.

— Dans ce cas, voici l'oasis », cria Nathalie.

Elle venait d'apercevoir une sorte d'îlot de verdure, d'où émergeait le toit d'un grand bâtiment.

« Enfin ! soupirèrent les garçons.— On y va ? proposa Nick déjà prêt à foncer.—Minute ! déclara son cousin. On se concerte

d'abord, et on agit ensuite.— Bien, chef. »Et l'impétueux garçon se laissa entraîner à

l'ombre d'un vieux chêne solitaire, qui s'élevait à proximité du château. Cachés derrière son tronc rabougri, les enfants purent à loisir examiner les lieux. Un haut mur entourait la propriété, mais il était interrompu par une ouverture en forme de voûte d'où partait une allée de graviers. Le bâtiment lui-même était formé d'un corps de logis massif flanqué d'une tourelle.

« Voilà ce que je propose, fit Noël avec une autorité soudaine : nous nous séparons en deux groupes...

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— Entendu, interrompit Nick avec malice. Nous sommes trois, nous nous divisons en deux, et ça fait...

— ... un et demi, acheva Nathalie en ouvrant des yeux ronds.

— Ce n'est pas le moment de plaisanter ! objecta le plus grand. L'un des groupes sera formé de Nathalie et de moi, et l'autre de toi, Nick.

— Ce qui veut dire que j'en vaux deux... ou gué ma sœur ne compte pas, poursuivit le bavard. Et alors?

— Alors, reprit patiemment Noël, Nathalie et moi essayons de rendre visite au propriétaire, du château. Toi, tu t'introduis dans le parc et tu restes en observation. Que dis-tu de ce plan ?

— Qu'il est admirable... pour vous deux, pas pour moi. Ainsi, je devrais poireauter pendant que vous ferez tout le boulot ? Ce n'est pas juste.

— Mais tu auras un rôle tout aussi important, expliqua son cousin. Le secrétaire, alerté par notre visite, réagira d'une façon ou de l'autre : à toi de le surveiller.

— Ah ! bon. Dans ce cas, j'accepte.— Bravo ! Nathalie et moi, nous allons donc

entrer au château. Toi, mets-toi en mouvement dès

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que nous atteindrons la porte. Bonne chance, Nick!»

Les trois N se serrèrent la main avec gravité. Puis Noël et Nathalie se dirigèrent d'un pas résolu vers l'entrée du domaine.

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CHAPITRE X

Le musée du châtelain

CACHÉ derrière le tronc du chêne, Nick suivit des yeux les deux silhouettes qui s'éloignaient en direction du château de la Motte, Parvenus au portail voûté, Noël et Nathalie le franchirent sans hésitation, puis remontèrent l'allée en pente douce conduisant à la grande demeure. Ils gravirent quelques marches de pierre, et Wick les vit s'arrêter devant une porte massive à deux battants. C'était le moment

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d'entrer en action. Là-bas, des yeux curieux suivaient sans doute les faits et gestes des deux visiteurs : personne ne s'aviserait d'en chercher un troisième. Le garçon prit son élan, et arriva en quelques enjambées jusqu'à l'entrée du parc. Dès lors, il fallait agir avec précaution. Il commença par un examen de la propriété. De part et d'autre de l'allée, il y avait des pelouses à l'herbe rare, avec ça et là de maigres buissons. Pas d'arbres, si ce n'est deux grands hêtres qui encadraient le château; c'était risqué d'aller jusque-là. Où se cacher ? Nick avisa un petit bassin plat, sans eau, qu'une haie de charmilles en demi-cercle entourait partiellement : voilà ce qu'il lui fallait. Se glissant de buisson en buisson, le garçon finit par gagner le pied des arbustes. Ceux-ci formaient un écran bien mince entre lui et la façade du château, mais il n'avait pas le choix. Avec un « Ouf ! » de soulagement il se défit de son sac, qu'il cacha sous le feuillage, puis il épia ce qui se passait de l'autre côté. Là-bas, Noël s'était décidé à sonner, en tirant sur un gros anneau qui déclencha une sonnerie grêle. Au bout d'un temps assez long, la porte s'ouvrit, et un homme de haute taille s'encadra dans le chambranle.

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Nick comprit que son cousin parlementait avec ce personnage, qui devait être le domestique. Mais sans doute Noël ne se montra-t-il pas assez convaincant, car l'homme fit mine de refermer la porte au nez des nouveaux venus.

C'est alors que le guetteur leva par hasard la tête vers la façade du château. Une fenêtre du premier étage attira son attention : le rideau en était écarté, et derrière la vitre il y avait un visage masculin. Ce que Nick distingua de cette apparition n était guère engageant : deux yeux proéminents sous des sourcils en broussaille, un nez busqué, une moustache grise hérissée. Pendant un court instant, le garçon se crut deviné. Mais non : le regard de l'inconnu était dirigé vers le perron où se tenaient Noël et Nathalie. Très vite, le rideau retomba, et Nick ne vit plus rien. Quelques secondes plus tard, la porte d'entrée s'ouvrit toute grande, et le domestique, avec un salut obséquieux, fit entrer les deux jeunes visiteurs. Lorsque le lourd vantail se referma derrière eux, Nick ressentit une impression désagréable : il lui sembla que sa sœur et son cousin venaient d'entrer dans une prison. Mais le garçon reprit vite son optimisme naturel. N'était-il

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pas là, justement, pour veiller à ce que rien de fâcheux n'arrive aux deux autres? Il choisit une position confortable à l'ombre de la charmille, et, les yeux rivés sur la façade grise, attendit les événements.

Noël suivait le domestique, et Nathalie marchait derrière lui. Le garçon se félicitait du revirement qui s'était produit de façon si opportune : au moment où il se voyait refuser une entrevue avec le maître des lieux, une voix forte venue d'en haut avait crié :

« Lucien, introduisez ces jeunes gens!» A qui appartenait cette voix? A M. de la Motte,

certainement. Il avait dû les voir arriver, et manifestait le désir de les recevoir : c'était une chance

Nathalie, elle, était terriblement intimidée : ce château l'écrasait par ses dimensions. En effet, à la suite du dénommé Lucien, les deux enfants traversèrent un hall dallé qui n'en finissait plus. Il était presque vide, à l'exception de deux vieilles armures qui semblaient monter la garde. A l'autre bout s'amorçait un large escalier aux marches de pierre usées par le temps.

« Montez, jeunes gens », répéta la voix impérieuse dont le propriétaire restait invisible.

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Noël et Nathalie obéirent, tandis que le domestique disparaissait derrière l'une des nombreuses portes s'ouvrant sur le hall.

Parvenus au premier étage, les nouveaux venus se trouvèrent au milieu d'un décor tout différent : cette partie du château avait été modernisée, comme le prouvaient le parquet ciré du long corridor, la peinture récente des murs et l'éclairage électrique au plafond. Sur le seuil d'une pièce faisant face à l'escalier se tenait un nouveau personnage, dont l'aspect rude effraya si fort Nathalie qu'elle se cacha derrière le dos de son cousin.

« Bonjour, monsieur », balbutia Noël, assez décontenancé lui-même, car il venait de se rendre compte que l'inconnu était assis sur un fauteuil roulant. Ses jambes disparaissaient sous une couverture.

L'homme ébaucha un sourire qui ressemblait à une grimace et répondit :

« Bonjour, mes amis. Vous désirez me parler ?— Oui, monsieur, murmura le jeune garçon.— Entrez dans mon bureau. »Ce disant, il manœuvra à la main les roues de

son fauteuil et précéda ses visiteurs dans une pièce relativement petite, dont les murs étaient tapissés

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de livres de haut en bas. Pour seuls meubles, un bureau et quelques fauteuils.

« Qui êtes-vous, et que me voulez-vous ? » demanda le châtelain lorsqu'ils eurent tous trois pénétré dans la pièce.

Noël déclina son nom et celui de sa cousine. Comme il allait se lancer dans des explications concernant le but de sa visite, leur hôte l'interrompit.

« Moi, je suis Adhémar Trenchin de la Motte, ancien officier de cavalerie. » Montrant ses jambes inertes, il ajouta d'un air sombre :

« C'est justement une chute de cheval qui m'a valu mon infirmité. »

Nathalie, apitoyée, osa ouvrir la bouche pour la première fois.

« Alors, vous ne pouvez pas marcher ? Comme vous devez vous ennuyer ! »

Noël se hâta d'atténuer l'effet de cette réflexion sur l'ancien officier.

« Mais je suis sûr que vous avez quantité d'occupations intéressantes : la lecture,

par exemple, et aussi la peinture. » Il avait visé juste : les traits sévères

s'adoucirent, et le châtelain déclara :

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« Vous avez raison. Je ne peins pas moi-même, mais je possède une collection de tableaux assez remarquable. Comment le savez-vous ?

— Nous ayons fait la connaissance de votre secrétaire, expliqua le jeune garçon sans se compromettre.

— Quoi ! Jacques ? Pourtant il ne m'a pas fait part de cette rencontre ! Alors il vous a parlé de mon musée ? Et vous venez le Visiter ?

— Eh bien... oui, c'est à peu près ça », bafouilla Noël.

Mais l'ex-officier ne prit pas garde à son trouble : il était lancé sur son sujet favori et continuait ses explications :

« Hélas! je ne peux m'occuper moi-même des achats de tableaux, mais j'ai la chance d'avoir déniché un secrétaire qui est un véritable connaisseur. »

Les deux cousins se regardèrent : cette réflexion confirmait leurs soupçons concernant Jacques Bonnier. S'il s'y connaissait en peinture autant que l'affirmait M. de la Motte, aurait-il commis une telle erreur sur la valeur de l'icône ?

Noël décida de mettre les pieds dans le plat.« Est-ce que je peux vous poser une question

au sujet de votre secrétaire, monsieur? N'a-t-il pas

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justement fait l'achat d'une icône, ces derniers temps ?

— Mais bien sûr ! s'exclama le châtelain : un vrai petit chef-d'œuvre, qui figure déjà en bonne place dans mon musée. Vous désirez la voir ?

— Oh ! oui, alors ! » s'écria Nathalie. Son cousin la fit taire d'un signe et reprit :

« En effet, c'est pour elle que nous sommes venus. Il paraît que c'est une pièce de collection : vous avez du la payer très cher ?

_ Très cher, vous pouvez le dire : j ai remboursé à Jacques cinq mille francs pour cette icône; autrement dit, un demi-million d'anciens francs, admit le châtelain. Mais elle en vaut la peine.

— C'est trop fort ! Il l'avait payée cinquante francs », laissa échapper Nathalie au comble de l'indignation.

M de la Motte fronça les sourcils. « Cinquante francs ! Que voulez-vous dire? Et de qui parlez-vous ?

— De votre secrétaire, expliqua Noël plus posément. Nous savons qu'il a acheté

cette icône au marché aux puces pour cinquante francs. »

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Un changement effrayant se produisit chez l'infirme. De rouge brique, son teint vira au violet. Ses yeux s'exorbitèrent, et il aboya :

« Cinquante francs ? Le misérable, le... le... »Les mots s'étranglaient dans sa gorge, et les

enfants affolés crurent qu'il allait prendre une attaque. Il réussit pourtant à se maîtriser, et c'est d'une voix presque calme qu'il déclara :

« C'est une grave accusation que vous portez là, mes enfants. Est-ce que je dois vous croire ?

— Vous le pouvez, monsieur, déclara le jeune garçon en regardant son hôte bien en face. Mais sans doute serez-vous convaincu si je vous raconte toute l'histoire. »

Alors, devant le châtelain attentif, Noël narra les péripéties de la course à l'icône. Quand il eut terminé, le visage de son auditeur était empreint de tristesse.

« Jacques m'a donc trompé ! fit-il d'un ton accablé. Il m'avait raconté une histoire de vente aux enchères, où il se serait procuré ce tableau. Jacques... ce garçon auquel j'avais fini par m'attacher...! Lui, un voleur ? Ce n'est pas possible! »

Avec une soudaine énergie, il manœuvra de nouveau les roues de son fauteuil et sortit de la pièce en disant brièvement à ses jeunes visiteurs :

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« Suivez-moi. »Une fois dans le corridor, il le longea jusqu'à

une porte, qu'il ouvrit.« Mon musée », annonça-t-ilNathalie et son cousin, ébahis, virent une salle

immense dont les murs étaient presque entièrement couverts de tableaux. Quoique peu avertis en matière d'art, ils se rendirent compte qu'ils se trouvaient en présence d'œuvres de valeur. Déjà M. de la Motte avait pénétré dans la pièce, et en faisait le tour en inspectant ses trésors. Des exclamations de rage lui échappèrent :

« Mon Fragonard ! Mon Watteau ! Mon Matisse ! Le misérable ! Il a emporté les plus beaux !»

Les enfants le suivaient sans rien dire : la vue du châtelain en colère n'avait rien de rassurant. Et comme ils avaient contribué à déclencher cette colère, ils craignaient qu'elle ne se retourne contre eux. Il n'en fut rien. Soudain le fauteuil roulant s'immobilisa en face de la paroi du fond : quelques miniatures y étaient accrochées.

« Voici les icônes », dit M. de la Motte.Pointant son doigt vers une place vide, il

déclara d'un air sombre :« La vôtre était ici ! »

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CHAPITRE XI

Prisonniers

APRÈS un moment d'accablement, Noël reprit ses esprits.

« Enfin, monsieur, dit-il, il faut faire quelque chose! Si votre secrétaire s'est sauvé avec les tableaux, il ne peut être bien loin, à l'heure qu'il est.

— Et vous voudriez que je le poursuive, avec ces deux jambes-là ? s'exclama le châtelain. Vous n'y pensez pas, mes enfants !

— Mais nous, nous Bavons de bonnes jambes, remarqua Nathalie : elles pourraient remplacer les

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vôtres.— C'est vrai, approuva son cousin : nous

sommes prêts à vous aider. »Leur hôte les fixa l'un après l'autre de ses yeux

à fleur de tête- et parut s'adoucir.« Eh bien, essayons toujours, dit-il. Venez,

nous allons d'abord visiter la chambre de Jacques : je veux en avoir le cœur net. »

Suivi des deux enfants, il sortit de la pièce, remonta le couloir et s'arrêta devant une porte faisant face à celle du musée.

« C'est ici : entrons. »La chambre était vide, et témoignait d'un

départ hâtif : chaises déplacées, tiroirs ouverts, placards béants... Deux ou trois objets avaient été oubliés, dont une photo d'identité sur laquelle souriait un visage aux traits agréables : Noël et Nathalie reconnurent le jeune homme du marché aux puces. Le garçon mit la photo dans sa poche en déclarant :

« Ça peut toujours servir.— Vous voyez bien, il est parti : trop tard

pour agir ! constata le châtelain d'une voix lugubre.

— Nous pouvons essayer de suivre sa trace, répliqua Noël.

— De quelle façon ?

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— D'abord, en interrogeant votre domestique.— Ça, c'est une idée, opina l'infirme. Allons

dans mon bureau. »Quand il fut arrivé dans la petite pièce, il

appuya à maintes reprises sur un bouton placé près de la porte : il en résulta une sonnerie stridente, niais plusieurs minutes s'écoulèrent avant que l'homme qui avait introduit les enfants ne fasse son apparition.

« Eh bien, Lucien, vous en avez mis, du temps ! observa le maître des lieux d'un air mécontent.

— Excusez-moi, monsieur, j'étais à l'office, répondit le domestique. Monsieur désire quelque chose ? »

Le personnage parlait sur un ton mi-insolent mi-servile, et les enfants le jugèrent déplaisant.

« Savez-vous où se trouve Jacques ? demanda M. de la Motte.

— Je ne l'ai pas vu de l'après-midi, répondit l'homme, dont les yeux rapprochés avaient un regard fuyant.

— Vous ne savez donc pas s'il est sorti du château ?

— A vrai dire, monsieur, je crois avoir entendu démarrer l'auto, il y a un quart d'heure. »

Le châtelain bondit :

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« Vous en êtes certain ?— Pas absolument, monsieur. Mais je peux

aller m'assurer si l'automobile de monsieur est toujours au garage ?

— Allez, fit l'ex-officier. Et au pas de course, hein, Lucien ! Au pas de course !»

Lorsque le domestique se fut retiré, il tourna vers les enfants un visage grave.

« Je devrai donc me résoudre à téléphoner à la police », dit il.

Il alla jusqu'au bureau, saisit le combiné et appuya sûr une manette, en expliquant à ses jeunes visiteurs :

« Nous n'avons pas l'automatique, ici.»Au bout de quelques instants il raccrocha

rageusement.« Le téléphone ne marche pas !— Etait-il en dérangement auparavant ?

demanda vivement Noël.— Bien sûr que non : j'ai passé un coup de fil

juste après midi.— Alors, c'est que... on l'a saboté ! suggéra le

jeune garçon.— Je le crains fort, opina le châtelain. Nous

voici donc complètement isolés.

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Vous voyez, mes enfants, Jacques a pris ses précautions pour couvrir sa fuite. Que faire, maintenant?

— Aller téléphoner au village, suggéra Noël. — Vous voulez bien vous en charger ? Parfait,

mes enfants. Il y a un petit bureau de poste sur la place.

— Nous vous laissons nos sacs pour aller le plus vite possible.

Noël saisit la main de Nathalie, et tous deux dévalèrent le grand escalier, puis se ruèrent à travers le hall. Mais soudain, jailli on ne sait d'où, parut le domestique. Il leur fit signe, et les deux enfants stoppèrent leur élan, curieux d'apprendre ce que leur voulait le peu sympathique personnage. Sans doute allait-il leur parler de l'automobile ?

« Excusez-moi, monsieur et mademoiselle, fit l'homme d'un ton aussi respectueux que s'il s'adressait à un ministre, vous étiez bien accompagnés par un autre jeune garçon, en venant ici ?

— Mais oui, par Nick ! » répondit Nathalie sans réfléchir.

Noël lui serra la main pour la faire taire.

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« Mon cousin Nicolas n'est pas venu avec nous: il nous attend dehors, expliqua-t-il en s'efforçant de rester vague.

— Eh bien, justement, ce jeune homme est venu vous réclamer il y a un instant. Comme vous étiez en conversation avec monsieur, je l'ai prié d'attendre.

— Je n'ai pas entendu sonner, remarqua Noël méfiant.

— On entend mal la sonnerie quand on est en haut », répliqua l'homme, qui ajouta pour convaincre ses jeunes auditeurs : « Ce garçon qui vous a demandés a les cheveux bruns, il est vêtu d'un short beige et d'une chemise bleue. Enfin, il porte un sac tyrolien.

— C'est lui ! C'est Nick ! affirma Nathalie qui ne comprenait pas pourquoi son cousin se montrait si hésitant.

— Il vous attend ici, déclara Lucien en désignant une porte close ouvrant sur le hall.

— Eh bien, allons le rejoindre », dit Noël à contrecœur.

Le domestique entrouvrit le vantail, et Nathalie franchit le seuil la première. Ses yeux perçants eurent tôt fait d'inspecter la pièce : une sorte de réduit tout en longueur, éclairé par une fenêtre munie de barreaux. En tout cas, pas la moindre

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trace de Nick ! La fillette comprit aussitôt, se retourna tout d'une pièce et cria à l'intention de son cousin :

« N'entre pas ! C'est un piège. » Déjà Noël avait mis le pied dans le réduit. Au cri de sa cousine, il recula vivement et se heurta au domestique. Celui-ci, la main sur la poignée, s'apprêtait à refermer la porte sur les deux enfants. Le choc le fit chanceler, si bien que Nathalie put se glisser à son tour entre l'homme et le chambranle. Elle rejoignit son cousin, et les deux N tentèrent ensemble de contourner Lucien et de se précipiter vers la porte d'entrée.

Mais le domestique s'était déjà ressaisi : les bras étendus, il leur barra le passage. Devant cette grande silhouette menaçante qui les dominait, Noël et Nathalie comprirent qu'ils n'auraient pas le dessus. Pris de panique, ils tournèrent les talons et se mirent à courir en sens inverse, cherchant désespérément une autre issue. Une porte se présenta, et Noël l'ouvrit : au-delà il y avait un escalier qui s'enfonçait vers des profondeurs obscures. Le garçon s'y lança sans plus réfléchir, la fillette lui emboîta le pas. Tous deux n'avaient qu'un but : échapper au domestique. Hélas ! Celui-ci s'était élancé à leur suite, et son pas résonnait

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déjà sur les premières marches alors que les fuyards terminaient la descente.

L'escalier aboutissait à un palier dont ils distinguèrent vaguement les contours.

Des murs à droite et à gauche, et sous leurs pieds le sol en terre battue. En face d'eux, une porte fermée par un gros verrou. Que faire ? Le domestique était juste derrière eux. Noël n'hésita plus : il tira le verrou, poussa la porte et s'engouffra, ainsi que sa cousine, dans ce qu'il prit tout d'abord pour un couloir souterrain. Quoi de plus vraisemblable dans un vieux château ?

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Hélas ! il se trompait lourdement. A la lueur d'un petit soupirail haut perché les deux fugitifs se rendirent compte qu'ils se trouvaient dans une vaste pièce qui ne présentait qu'une issue : celle par laquelle ils venaient d'entrer. Trop tard pour reculer: Lucien venait d'atteindre la porte et s'empressait de pousser le verrou en criant très fort:

« Vous l'aurez voulu, petits imbéciles ! »Un rire triomphant de l'insolent personnage, un

bruit de pas qui s'éloignent, puis le silence.« Une fuite réussie ! commenta Noël avec

amertume. Echapper à un piège pour tomber dans un autre bien pire, c'est un comble !»

Il inspecta la pièce : il y avait un tas de pommes de terre dans un coin, des bouteilles poussiéreuses sur des casiers : c'était une cave !

D'ailleurs ils n'en étaient pas les seuls occupants : une petite bête velue frôla le pied de Nathalie, qui sauta en l'air avec un cri d'horreur :

« Un rat !— Une simple souris », rectifia Noël.Mais c'en était trop pour la petite fille, qui se

mit à pleurer à gros sanglots.Pour une fois, son cousin perdit patience.

« Gesse de pleurer, voyons !Si tu n'avais pas eu la langue si longue, aussi ! »

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La fillette oublia de verser des larmes pour protester.

« Allons bon, c'est de ma faute, ce qui nous arrive ? Qu'est-ce que j*ai dit de si mal?

— Tu t'es dépêchée de parler de Nick. Tandis que moi, j'étais décidé à faire l'idiot, comme si j'ignorais qui était cet autre garçon. »

Les pleurs de Nathalie reprirent de plus belle.« Tu as raison, admit-elle avec une humilité

qui aurait attendri un rocher. Je... suis... trop... bavarde.

— Allons, calme-toi ! Fit son cousin qui se repentait de sa vivacité. Lucien est plus fort que nous : il aurait quand même trouve le moyen de nous boucler.

— Pourquoi a-t-il fait ça ?— Il veut nous empêcher d'aller téléphoner au

village, tiens ! Il a dû écouter à la porte, quand on en a parlé.

— Alors il est le complice du secrétaire ?— Sans aucun doute. » Nathalie réfléchit un

moment.« Dans ce cas, ils auraient dû fuir ensemble, tu

ne crois pas ? »Noël regarda sa cousine avec un brin

d'admiration.

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Cette fille l'étonnait souvent : capable de la plus grande naïveté, elle pouvait l'instant d'après sortir une réflexion pleine de bon sens : c'était le cas.

« Dis donc, c'est drôlement astucieux, ce que tu dis là !

— Ah ! Pourquoi ?— Parce que, expliqua le garçon, tu viens de

me prouver que le secrétaire n'a pas encore quitté le château.

— Mais Lucien a dit...— Tara ta ta ! Il a dit ce qu'il lui plaisait de

dire, et personne n'a pu vérifier. A mon avis, les deux complices font en ce moment leurs préparatifs pour s'esquiver en chœur, en emportant tous les objets précieux qu'ils trouveront. Personne ne les dérangera, maintenant que nous voilà emprisonnés.

— Et monsieur de la Motte ?— Que veux-tu qu'il fasse ? C'est un infirme. — Et Nick ? »Le visage de Noël s'assombrit. « Ce qui

m'inquiète, c'est que je me dis qu'il a sûrement été repéré. As-tu entendu avec quelle exactitude le domestique nous l'a décrit ?

— Alors il ne pourra pas venir à notre secours?

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— Je crains que non. »La petite fille baissa la tête : tous ses espoirs

s'effondraient. Quant à Noël, il se mit à inspecter la cave. Il ne s'était pas trompé : elle n'avait qu'une porte, celle qui était fermée au verrou. Et l'épaisseur du bois dont elle était faite vouait à l'échec toute tentative de fuite. D'ailleurs le garçon avait laissé son couteau dans son sac.

« II y a le soupirail ! remarqua-t-il en levant les yeux.

— Bien trop étroit ! Si au moins j'étais mince ! Nick se moque de moi parce que je suis joufflue : il a bien raison !

— De toute façon, un nouveau-né n'y passerait pas », déclara Noël.

Il réfléchit et ajouta : « On peut au moins y glisser un œil I

— A condition que tu me fasses la courte échelle. »

Ce qui fut fait. Mais ce n'était pas encore suffisant, tant l'étroite ouverture était haut perchée. Il fallut que les deux cousins unissent leurs efforts pour amener au-dessous du soupirail une lourde caisse, sur laquelle Noël grimpa avant de hisser Nathalie. '

« Cette fois, je suis juste en face, déclara la fillette.

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— Que vois-tu ?— Un morceau du parc, avec des

arbres. Juste devant moi, une allée. Attends que je me penche...

— Quoi encore ? s'impatienta Noël dont la position n'était pas précisément confortable.

__Chut, taisons-nous ! » lui conseilla sa cousine en retirant vivement la tête.

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CHAPITRE XII

Nick dans la tour

« Si ÇA CONTINUE, je suis changé en statue... ou bien on me retrouve fondu ! » pensa Nick, dont la position était de plus en plus inconfortable. En effet, avec le soleil qui tournait, l'ombre des charmilles allait s'amenuisant. Un petit lézard passa.

« Enfin de la compagnie ! » soupira le jeune garçon en tendant la main pour l'attraper. Le reptile

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s'éclipsa bien vite, heureux sans doute d'avoir conservé sa queue dans l'aventure.

La façade du château, que Nick n'avait cessé d'observer, était toujours aussi rébarbative, toujours aussi muette.

« On dirait que personne n'est vivant là-dedans», songea-t-il. Mais iKf remît à Tidée que sa sœur et son cousin y étaient bel et bien entrés, il y avait de cela... une éternité.

« Eh non, ma foi, rien qu'une demi-heure », rectifia-t-il après un regard à sa montre. « Mais ce qui m'étonne, c'est que le secrétaire ne fasse pas son apparition ! »

Or, juste à ce moment-là, il se montra : son buste plutôt, qui émergea d'une fenêtre du deuxième étage. L'homme examinait attentivement le parc. Pour y chercher quoi ? Ou plutôt qui ? Son regard s'attarda un peu sur les charmilles, et Nick fit ce qu'il ne fallait pas faire : il retira vivement la tête, trop vivement même : quelques branches en furent agitées.

« Idiot que je sois ! se dit le garçon. Pourvu qu il ne m'ait pas repéré ! »

Mais il se rassura vite : les yeux de l’homme étaient déjà posés ailleurs.

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Quelques secondes plus tard, il refermait la fenêtre et disparaissait.

Pas pour longtemps.Une porte qui s'ouvre, un homme qui sort

furtivement : c'était Jacques Bonmer quittant le château. Il portait une valise, qui paraissait lourde. Fuyait-il ? Nick le crut d'abord, mais il fut vite détrompé, car le secrétaire se dirigeait vers la tour ronde qui flanquait sur la gauche le corps de logis. Il marchait avec précaution, regardant de tous côtés comme s'il avait peur d'être découvert. Quant à la valise, elle devait décidément contenir quelque chose de bien pesant, car il la posa deux ou trois fois pour changer de main. L'un de ces arrêts se fit devant la haie de charmilles, et Nick, caché derrière, aurait pu s'emparer de cette fameuse valise en tendant le bras... ce qu'il ne fit pas, bien sûr. Il aurait même souhaité, à cet instant précis, se faire aussi petit que le lézard, son fugitif compagnon.

Ouf ! L'homme était passé sans l'avoir vu. Il se dirigea vers la porte qui s'encastrait dans le mur au bas de la tour, l'ouvrit et disparut à l'intérieur.

« Est-ce que j'y vais? » se demanda Nick.Bien entendu, il y alla.

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Cet homme l’intriguait, avec ses façons de conspirateur. Quant à ïa valise... ne contenait-elle pas des objets volés, que Bonnier allait cacher dans la tour?

Des objets volés... pourquoi pas Fieône ? Du coup toute hésitation fondit chez le garçon, qui ne demandait qu'à bouger.

Il avait déjà franchi la limite des arbustes et s'apprêtait à bondir, lorsqu'il se souvint de son sac.

« Mieux vaut le prendre, on ne sait jamais... »Cette fois, rien ne l'arrêta dans son élan. A la

vitesse de l'éclair il franchit la distance entre les charmilles et la tour. La porte s'ouvrit facilement, et dévoila une petit espace circulaire occupé en grande partie par un escalier en colimaçon. Ayant de s'y engager, Nick eut une hésitation.

« S'il redescend, je 'suis coincé », se dit-il.Mais lorsqu'il eut gravi un certain nombre de

marches, il se rassura : il avait repéré, de loin en loin, des espèces de renfoncements dans l'épaisseur de la muraille. Ils constituaient, en cas d'alerte, des cachettes acceptables. D'ailleurs, pour le moment, tout était calme. Un silence, que Nick jugea « sépulcral », régnait sur la vieille tour. Il continua de monter, marche après marche, au point que la tête lui tournait.

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Mais tout a une fin, même un escalier à vis, et le jeune explorateur atteignit un palier. Face à lui, une porte close. Il eut un brusque recul, car derrière cette porte il entendait nettement quelqu'un remuer. D'un instant à l'autre le secrétaire pouvait apparaître, et le découvrir. A pas de loup, Nick gagna le renfoncement le plus proche et s y blottit; c'était une sorte de niche obscure, et avec un peu de chance...

Il était temps : la porte s'ouvrit, un pas retentit dans l'escalier, et le cœur du garçon battit la chamade.

Une fois de plus, Nick et Jacques Bonnier ne furent séparés l'un de l'autre que par un espace de quelques centimètres. Cependant l'homme ne parut pas se douter de cette présence si proche. Il dépassa le renfoncement, balançant la valise à bout de bras.

« Donc, conclut Nick, elle est maintenant plus légère. Ce qui prouve que son .contenu a été déposé là-haut. »

Quel contenu ? Le garçon brûlait de l'apprendre, maintenant que le danger semblait passé. En effet l'homme avait disparu, happé par l'escalier.

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Nick jaillit silencieusement hors de sa cachette et escalada les dernières marches. La porte s'ouvrit d'une simple poussée, sur une pièce de forme ronde éclairée par une petite fenêtre sans châssis. Pas de plafond : on pouvait voir, en levant les yeux, l'intérieur du toit pointu qui coiffait la tour. Nick eut soudain un haut-le-corps : suspendue à une poutre, une chauve-souris aux ailes repliées dormait la tête en bas. La pièce — une sorte de grenier — était sale et poussiéreuse. Elle contenait tout un fatras de vieilles choses accumulées au cours des siècles.

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« Un drôle d'endroit pour cacher un butin précieux ! » pensa le garçon dégoûté, qui ne savait par où commencer la fouille. A tout hasard, il ouvrit une vieille armoire : rien à l'intérieur.

Au même moment l'ouïe fine du garçon l'avertit d'un bruit insolite : quelqu'un montait l'escalier à pas feutrés. Qui ? Etait-ce le secrétaire qui revenait ? Sans perdre de temps à chercher la réponse, Nick entra dans l'armoire et referma sur lui le battant. Précaution bien inutile, car la porte de la pièce ne s'ouvrit pas. Au contraire, le jeune garçon perçut un grincement métallique qu'il identifia sans peine : quelqu'un venait de tourner une clé dans la serrure.

Son esprit se mit à fonctionner à toute vitesse : une clé ! Il n'en avait pas vu sur cette porte, ni à l'extérieur ni à l'intérieur. Alors ? La réponse était claire : cette clé, Jacques Bonnier l'avait gardée pour être sûr de pouvoir enfermer Nick. Donc, il se savait suivi. Donc...

« Mais pardi! s'exclama le prisonnier en sortant de sa cachette. Cet homme m'a | joué la comédie dès le début; et j'ai marché ! Quel idiot je fais !»

La vérité lui apparaissait tout entière, peu flatteuse pour son amour-propre. Ce secrétaire était une fine mouche, un ennemi à ne pas sous-estimer.

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Il avait vu deux enfants entrer au château, or il se souvenait de trois : si bien qu'il avait cherché le troisième... et l'avait découvert derrière les charmilles. Restait à se débarrasser du gêneur.

« Génial, le coup de la valise! estima Nick avec un mélange de rancœur et d'admiration. Cette valise, je suis prêt à jurer qu'elle était vide. Mais cet air mystérieux qu'il avait en la transportant... les efforts qu'il feignait de faire pour la soulever... j'aurais juré qu'elle contenait un trésor. Et je l'ai suivi : c'est ce qu'il espérait. Maintenant, je suis coincé. Ah ! il doit bien rire, M. Jacques Bonnier!»

Mais une blessure d'amour-propre, ça se cicatrise. Le plus grave, c'était d'être enfermé dans cette vieille tour, et de ne plus pouvoir aider les deux autres.

« Me voilà frais ! » conclut Nick.Ce qui était une façon de parler, car il

transpirait à grosses gouttes : cette petite pièce placée directement sous le toit était une véritable étuve.

Assis sur une vieille malle, le garçon resta bien deux minutes à ruminer de sombres pensées. Deux minutes, pas plus» car son naturel dynamique reprit vite te dessus. Il se remit debout comme mû par un ressort.

« Je sortirai d'ici ! » décida-t-il.

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Il envisagea d'abord de s'attaquer à la serrure. Il avait son sac, et dans ce sac un couteau. Il renonça Vite à ce projet en songeant à une autre serrure, celle de la porte d'en bas. De toute évidence, le malin secrétaire avait dû la fermer elle aussi, et elle paraissait solide.

Son regard fit le tour de la pièce.« La fenêtre ! Pourquoi pas ?»C'était une ouverture haute et étroite, par

laquelle un homme n'aurait certainement pas pu passer; un garçon de onze ans, si. Cependant, quand Nick y glissa la tête, il aperçut le sol à une telle distance au-dessous de lui qu'il en fut découragé : impossible d'envisager pareil saut. Sur les murs faits de gros moellons, pas la moindre plante grimpante.

Par contre, un grand arbre, près de la tour, attira son attention : l'une de ses branches passait à un mètre à peine de la fenêtre. Cette fois Nick, qui était bon en gymnastique, fut tenté de sauter : agripper la branche avec les mains, c'était faisable...

« ... pour un singe ou un acrobate, d'accord, conclut-il après examen. Hélas ! je ne suis ni l'un ni l'autre. »

Il renonça... du moins provisoirement, et s'accorda un temps de réflexion, regrettant que

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Noël, le cerveau de la bande, ne soit pas auprès de lui.

« Il faudrait savoir comment cette tour se raccorde au reste du bâtiment », fut le fruit de ses réflexions. « Dommage que je n'aie pas davantage de châtelains parmi mes relations !»

Après avoir torturé sa mémoire, faisant appel à ses souvenirs de lectures, il conclut que cette communication devait exister. Dans ce cas, il fallait chercher une deuxième porte.

Alors ce fut un beau remue-ménage : dans une envolée de poussière, Nick déplaça des quantités d'objets et de meubles anciens qui auraient fait les délices d'un antiquaire... mais pas les siens, car ils représentaient pour lui autant d'obstacles sur le chemin de la liberté.

Son obstination fut récompensée : un panneau lui apparut, dissimulé jusque-là par un amoncellement de vieux bois de lits. Mais, après cette opération, il n'était plus question du short beige et de la chemise bleue qu'avaient décrits le domestique : Nick était gris de la tête aux pieds.

Qu'importait ? L'issue tant espérée s'offrait à lui, sous la forme d'une porte étroite.

« Pourvu, se dit-il, que je n'aie pas encore à lutter contre une serrure ! »

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Or il n'eut pas à le faire : il y avait bien une clé, mais elle se trouvait de son côté. Il la tourna, et la porte s'ouvrit sans peine, démasquant trois marches d'escalier gui descendaient jusqu'à un petit couloir obscur.

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CHAPITRE XIII

Un morceau dé sucre

AVEC un soupir de soulagement, Nick ferma derrière lui la porte de sa prison. II y était resté vingt minutes à peine, mais ce court séjour n'était pas près de s'effacer de son esprit.

En prenant beaucoup de précautions, il descendit les trois marches et se trouva dans le petit couloir, dont le plancher non ciré gémit sous ses pas. Apparemment il était au troisième et dernier étage du château, étage qui devait être

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autrefois réservé au logement des domestiques. Il passa devant quelques portes fermées mais n'en ouvrit aucune malgré sa curiosité : le temps pressait.

Bientôt se présenta un escalier aux marches usées. Tout ici, d'ailleurs, respirait l'abandon le plus complet : sans doute n'avait-on rendue habitable que la partie du bâtiment où vivait M. de la Motte.

Le jeune garçon allait dépasser le deuxième étage lorsqu'un murmuré de voix lui parvint. Ce bruit provenait du fond d'un couloir qui prolongeait le palier à droite et à gauche. D'où il était, Nick ne distinguait qu'une sorte de bourdonnement confus : il décida d'en apprendre davantage. Sur la pointe des pieds, il se dirigea vers la porte derrière laquelle on parlait, et y colla l'oreille. Il s agissait d'une conversation entre deux hommes. L'une des voix lui était connue : c'était celle du secrétaire. Mais elle avait perdu toute trace de distinction et de politesse.

« Alors, tu te dépêches ? disait-il au deuxième personnage. Tu prétendais savoir faire un emballage correct? Tu parles ! Tu n'es qu'un... »

Il y eut un échange de mots violents : l'interlocuteur de Jacques Bonnier avait la langue

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alerte, lui aussi. Qui était-il ? Le domestique sûrement, car le jeune garçon l'entendit déclarer :

« De toute façon, on a le temps ! le patron est bouclé dans son bureau, les deux gosses en bas...

— ... et le troisième au sommet de la tour : voilà où mène l'envie de fourrer son nez dans les affaires des autres ! » ricana le secrétaire.

Nick retint à grand-peine une exclamation de rage, fi lui fallait pourtant se taire à tout prix : s'il devait en croire les deux individus enfermés dans cette pièce, n'était-il pas le seul des trois N à demeurer libre ?

« A propos, reprenait la voix du domestique, le patron a cessé son tapage. Si tu 1 avais entendu cogner contre la porte en criant comme un vrai diable ! Je suppose qu'il a dû se fatiguer... »

Un silence, puis de nouveau le secrétaire :« Dis donc, c'est le dernier paquet, hein ? La

voiture est pleine jusqu'au toit : on va se faire repérer !

— Dommage ! Pendant qu'on y était.., répondit l'autre. On n'a pas idée de partir en catastrophe comme ça !

— Voyons, tu sais bien que sans ces maudits gamins, on continuait à s'engraisser sur place aux dépens du vieux. Maintenant nous voilà brûlés : plus moyen de rester. Console-toi : j'ai

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ramassé les plus beaux tableaux, sans compter tout l'argent liquide du coffre-fort. On en a pour un bout de temps à se la couler douce !

— Faudra voir à partager le gâteau équîtablement ! menaça le deuxième interlocuteur. Moitié moitié, pas vrai?

— Ça va, on réglera ça plus tard. Pour le moment on part, et en vitesse. Ecoute, je vais sortir l'auto, et tu me rejoins devant le garage avec le colis. Vu ?»

Ces dernières paroles, nettement plus distinctes que les précédentes, avertirent Nick du danger : l'indélicat secrétaire les avait prononcées la main sur le loquet. La porte s'entrouvrit presque aussitôt, et le garçon n'eut que le temps de faire un bond en arrière, puis de détaler en rasant les murs.

Lorsque l'autre apparut, il tournait le coin. Il descendit les marches d'escalier quatre à quatre, traversa le hall comme une flèche, ouvrit la porte qu'il referma sans bruit et se retrouva dehors.

« Enfin libre ! » Telle fut sa première pensée. Mais une autre lui vint, moins agréable : celle de Noël et de Nathalie qui attendaient encore leur délivrance, ainsi que M. de la Motte. Impossible de s'en occuper pour le moment.

« Vite, au garage ! se dit-il. Où peut-il se trouver ?»

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Tandis qu'il guettait derrière les charmilles, il s était fait une idée de la disposition du château. A gauche, la tour. A droite, les communs sans aucun doute : une bifurcation de l'allée paraissait y conduire. Et on y voyait des traces de roues dans le gravier. Nick fonça donc dans cette direction, angoissé à l'idée qu'une fausse manœuvre ferait tout échouer. Echouer quoi, au fait ? Il n'avait encore aucun projet dans l'esprit pour faire obstacle aux bandits. Bah ! Il verrait bien, une fois sur place.

Il ne s'était pas trompé; une grande porte entrebâillée lui montra une sorte d'ancienne écurie

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dans laquelle deux automobiles étaient garées. L'une était une Mercedes noire d'un modèle relativement ancien, l'autre une Dauphine jaune. Nick n'eut pas à se demander longtemps laquelle de ces voitures allait servir aux voleurs pour leur fuite : la Mercedes, dont les portières étaient grandes ouvertes, regorgeait de colis, tant sur la banquette arrière que dans le coffre.

« Il faut trouver quelque chose pour les arrêter!» se dit Nick.

Jamais il n'avait réfléchi si rapidement. D'un instant à l'autre le secrétaire pouvait apparaître et le découvrir.

« Crever un pneu ? C'est faisable, mais... les bandits se douteront qu'un des trois N est responsable de cette farce; or mieux vaut qu'ils continuent à nous croire bouclés. Même résultat si je me contente de dégonfler les pneus. Non, décidément, il faut trouver un autre moyen... quelque chose qui ne les empêche pas de partir, mais qui provoque une panne un peu plus tard. J'y suis : du sucre dans l'essence.

Fébrilement, le garçon défit le sac tyrolien qu'il avait gardé sur son dos, et ouvrît le petit cornet qui avait contenu des morceaux de sucre : quelques grains blancs au fond, c'est tout ce qu'il en restait.

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« Calamité ! Je me souviens maintenant que c'est Nathalie qui a tout croqué, sous prétexte de se donner de l'énergie. Si je la tenais, cette gourmande, cette... »

Mais le moment était mal choisi pour se livrer à la colère, surtout contre l'un des trois N, N'étaient-ils pas tous unis pour lutter contre l'adversaire commun ?

D'ailleurs une autre idée lumineuse venait de jaillir dans sa tête ;

« De l'eau! De l'eau dans l'essence : voilà ce qu'il faut. »

Oui, mais... où en trouver ? Peut-être dans la gourde que Nick portait dans son sac? Hélas ! celle-ci était vide : deux ou trois gouttes peut-être, qu'il vida rageusement par terre.

Soudain, à l'extérieur, un pas fit crisser te gravier.

« Déjà le secrétaire qui arrive, et je n'ai rien pu faire ! se dit Nick. Pour le moment, c'est une cachette qu'il me faut. »

II fit des yeux le tour du garage, fut tenté de se dissimuler dans la Dauphine mais trouva la chose plutôt risquée. Alors il découvrit, chiffonnées dans un coin, deux vieilles couvertures maculées de graisse sous lesquelles il se glissa.

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Il était temps : Jacques Bonnier entrait à son tour dans l'ancienne écurie. Il y eut un moment d'angoissant silence. Que faisait le secrétaire ? Sans doute vérifiait-il le chargement. Enfin la portière s'ouvrit, fut bruyamment refermée, et le moteur mis en marche. Nick comprit que le secrétaire faisait reculer la Mercedes, qui stoppa bientôt hors du garage.

Bien entendu, le jeune garçon n'osa pas quitter son incommode position. Il s'arrangea cependant pour dégager une oreille des couvertures, afin de mieux entendre ce qui se passait à l'extérieur. Lucien arriva bientôt, et fut aussitôt interpellé par le secrétaire :

« Allez, case ça en vitesse et on file. Je te répète que nous sommes déjà trop chargés.

— Tu seras bien content de toucher l'argent quand je revendrai ces bibelots, riposta l’autre. Alors accorde-moi cinq minutes supplémentaires : juste le temps de rapporter un ou deux objets.

— C’est bon, dit le secrétaire. Je t'accompagne: ça ira plus vite. »

Avec un intense soulagement, Nick entendit leurs pas s'éloigner. Il rejeta les couvertures et se précipita dehors.

La Mercedes était là, prête à partir, et il restait au jeune garçon moins de cinq minutes pour

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trouver le moyen de l'empêcher d aller loin. Il demeura perplexe, cherchant l'inspiration qui ne venait pas.

………………………………………………..

« Taisons-nous ! » avait crié Nathalie à son cousin.

C'est qu'en penchant la tête elle avait vu, stationnant dans l'allée, une grosse automobile noire qu'elle reconnut pour une Mercedes. Un homme en sortait : Jacques. Un autre s'en approchait, portant une caisse sur ses épaules : Lucien. Il y eut une discussion entre les complices, mais elle ne put saisir ce qu'ils disaient. Puis tous deux repartirent et elle cessa de les voir.

« Ouf ! laissa échapper la fillette.— Enfin, me diras-tu ce que tu as vu ?

chuchota Noël dévoré de curiosité.— Les deux bandits, mais ils ont

disparu. Et une Mercedes pleine d'un tas de choses. Oh ! par exemple !

— Eh bien, parle donc !— J'aperçois Nick. Il s'approche de l'auto,

mais il a le dos tourné. »D'étonnement et de joie, son cousin faillit la

laisser tomber. Nathalie se rattrapa de justesse au rebord du soupirail et cria, mais pas trop fort :

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« Nick ! Nick ! »Le garçon se retourna brusquement, tout de

suite sur la défensive. Il se rassura vite : cette voix, qui paraissait sortir de terre, appartenait a sa sœur, il en aurait mis la main au feu. Où se cachait donc Nathalie?

« Nick ! » répéta la fillette en agitant une main par 1’ouverture.

Il aperçut cette main et s'approcha.« Qu'est-ce que tu fais là ?— Prisonniers dans la cave ! » fit une autre

voix qui venait de plus bas encore : celle de Noël.« Et toi ?

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— Pas le temps de vous raconter. J'irai vous délivrer tout à l'heure. Vous n'auriez pas de l'eau, ou du sucre ? C'est pour l'auto.

— Ma gourde est restée dans mon sac, répondit lugubrement Noël, qui avait compris où Nick voulait en venir et rageait de ne pouvoir l'aider.

— ... niais moi j'ai un morceau de sucre dans ma poche, » s'écria Nathalie triomphante.

Elle le tendit à son frère à travers le soupirail.Nick ne perdit pas une seconde ; il se rua vers

la Mercedes, dévissa le bouchon du réservoir et y jeta le sucre. Puis il revissa le bouchon avec des gestes précis malgré le tremblement qui l'agitait Ensuite il se dissimula derrière un buisson, juste à temps pour voir les deux complices qui tournaient le coin, les bras chargés de leur ultime butin.

Deux portières qui claquent, un moteur qu'on met en marche : la Mercedes démarra sans anicroche et un même soulagement envahit Noël et Nathalie au fond de leur cave, et Nick derrière son buisson.

Quand la grosse automobile se fut éloignée en direction de l'entrée du parc, le jeune garçon sortit de sa cachette et cria joyeusement :

« Bon voyage, et la panne pour bientôt ! »

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CHAPITRE XIV

Un chocolat chaud

A PEINE l'automobile eut-elle disparu que la pensée de Nick revint à sa sœur et à son cousin.

« Il s'agit de ne pas les laisser moisir dans cette cave ! » se dît-il.

Et il se mit à courir vers le château, où il pénétra en trombe.

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« Voyons, où peut être la bonne porte ? » se demanda-t-il en ouvrant les unes après les autres toutes celles qui donnaient sur le hall.

Enfin, l'une d'elles lui dévoila l'escalier qui s'enfonçait au sous-sol. Dès lors ce fut un jeu d'enfant : l'énorme verrou céda sans trop de peine à ses efforts, et les deux captifs jaillissant hors de la cave entourèrent leur sauveteur avec des démonstrations de reconnaissance.

« Eh là ! Ne me jetez pas par terre sous prétexte de me remercier ! protesta le jeune garçon. En tout cas, je suis rudement content de vous revoir !

— Et nous donc ! On te croyait tombé aux mains des voleurs, comme nous », répondit Noël.

Nick bomba le torse, assez fier de lui. « Ils m'ont eu, mais j'ai réussi à leur échapper.

— Oh ! raconte ! » supplia Nathalie. Tout en gravissant l'escalier, son frère narra ses aventures en quelques phrases.

« Les détails pour plus tard : le temps presse ! » dit-il en conclusion.

Arrivés dans le hall, les trois N se concertèrent.« Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demanda

Nick.— On reprend nos projets là où ils ont été

interrompus, décida Noël.

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— C'est-à-dire ?— On va téléphoner au village.— Pourquoi pas d'ici ?— Les bandits ont saboté le téléphone. Moi

aussi, j'ai des choses à te raconter. »Il y eut un soudain vacarme au premier étage :

les enfants perçurent des cris et des coups sourds.« M. de la Motte! s'exclama Noël. Ils ont dû

l'enfermer, lui aussi.— Bien sûr, approuva Nick avec quelque

remords : j'ai entendu Lucien parler e lui au secrétaire. Dire que j allais l'oublier ! »

Les trois N, stimulés par le bruit qui provenait d'en haut, grimpèrent quatre à quatre les marches du grand escalier. La porte du bureau était fermée à double tour, cependant la clé était restée sur la porte. Nick la fit jouer, mais les efforts conjugués du trio ne réussirent pas à faire tourner le panneau : le châtelain et son fauteuil roulant devaient faire obstacle.

« Ouvrez-moi, traîtres, crapules, scélérats ! » criait Adhémar de la Motte d'une voix enrouée.

Malgré la gravité de la situation, les enfants échangèrent des regards amusés.

« Monsieur! appela Noël, c'est nous,Nathalie, Nick et moi. Laissez-nous entrer.

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— Vous ? murmura le prisonnier. Attendez, je m'écarte. »

Les trois N pénétrèrent dans la pièce. M. de la Motte était tout rouge et fronçait ses épais sourcils en accent circonflexe. Vraiment, la colère ne l'embellissait pas !

« Alors, gronda-t-il, ils sont partis, ces vauriens?

— Oui, monsieur », répondit Nathalie en surmontant sa timidité.

Sa sympathie allait tout naturellement à cet homme qui était la victime de deux astucieux voleurs.

« Et, bien entendu, poursuivit le châtelain, ils ont emporté mes trésors ?

— Oui, mais je vous garantis qu'ils n'iront pas loin ! lança Nick.

— Comment ça ? »Le garçon aurait volontiers raconté sa ruse,

mais son cousin intervint :« Nous n'avons pas encore pu téléphoner à la

police : il faut nous dépêcher d'aller au village. Au retour, nous vous raconterons toute l'affaire. »

Le vieil homme fit la grimace.« Vous allez me laisser seul? »Nathalie eut un accès de dévouement.

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« Si vous voulez, moi, je reste. »Et la fillette ajouta avec humilité :« On dit toujours que je suis lambine. Sans

moi, les garçons iront plus vite.— Bonne idée ! approuva , M. de la Motte.

Nous allons nous faire un bon chocolat chaud, et cette jeune personne passera au rapport. »

Nick et Noël partirent donc sans tarder, tandis que Nathalie, très affairée, commençait déjà à faire chauffer du lait dans la cuisine.

« Laisse-nous-en quand même un peu ! » jeta son frère au passage.

Puis, avec .son cousin, il franchit la porte du château.

Deux kilomètres au pas de course, et par cette chaleur, ce n'était pas une perspective bien agréable. Mais les deux garçons s'y lancèrent courageusement, et profitèrent même de cette promenade forcée pour se faire mutuellement le ré-cit de leurs aventures. Quand ils eurent terminé, les premières maisons de Malvert étaient en vue.

Ils trouvèrent sans peine le petit bureau de poste. Fort heureusement il n'y avait personne hormis la postière. Celle-ci, occupée à tricoter, fut quelque peu effarée en voyant entrer ces jeunes

clients haletants et poussiéreux. Elle le fut. plus encore quand elle eut vérifié que le numéro

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qu'ils demandaient était celui du commissariat de police de Brunières. Elle en conclut qu'il se passait « quelque chose de louche » au village.

Cependant, dans l'unique cabine où les deux cousins étaient entrés, la conversation fut brève. Le commissaire Carrier, qui était un ami de M. Renaud, n'eut pas de peine à croire au récit quelque peu décousu de Noël, le porte-parole de la troupe. De la part des trois N, rien ne l'étonnait plus. Il promit d'arriver dès que possible avec une voiture de police. Il ajouta :

« Je préviens d'abord l'adjudant dé gendarmerie de Fontagnac : ses hommes seront là-haut plus vite que nous. »

Soulagés, les garçons reprirent le chemin du château. Nick musardait en route. Noël, malgré sa fatigue, se montrait pressé.

« Qu'est-ce qui te prend de filer si vite ? protesta le plus jeune. Nous avons bien mérité de souffler un peu, tu ne crois pas ?

— J'ai hâte de retrouver Nathalie. Je suis inquiet de l'avoir laissée seule.

— Pas seule : elle est avec M. de la Motte.

— Il ne serait pas d'un grand secours, au cas où...

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— Qu'est-ce que tu vas encore imaginer ? Les bandits sont loin, à l'heure qu il est...

— Bien sûr, mais... », commença Noël, qui finit par se taire.

Cependant Nathalie s'ennuyait. Certes, le chocolat était délicieux, et M. de la Motte avait ponctué le récit qu'elle lui avait fait de toutes sortes d'exclamations flatteuses. Mais, depuis un moment, la conversation languissait entre elle et l'ex-officier de cavalerie. Au début il l'avait interrogée sur elle-même, sur sa famille, sur son école. Puis on avait parlé de l'icône, et le visage de M. de la Motte s'était rembruni.

« Jacques, un voleur ? C'est trop fort ! Il avait tout : une bonne paie, une voiture à sa disposition, la liberté. Et Lucien, une fripouille, lui aussi ! Tous pareils ! Pas un à qui se fier !»

Ces paroles — ce monologue, plutôt — ne s'adressaient pas particulièrement à

Nathalie. Mais celle-ci, saisie d'une idée, crut bon d'y répondre.

« Pourtant, monsieur, il y a encore des jeunes gens honnêtes. La preuve, c'est que j'en connais un, moi !

-— Qui donc ? s'enquit l'ex-officier en haussant ses sourcils touffus.

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— Robert Brun, le fils de notre femme de ménage... celui qui a vendu l'icône, justement.

— Eh bien, répliqua M. de la Motte, il n'a pas fait preuve d'un grand juge-mept, en ce qui concerne ce tableau. »

Nathalie, les poings aux hanches, se lança dans une plaidoirie véhémente.

« II ne demande qu'à apprendre. Et puis, un secrétaire honnête et qui fait des erreurs vaut mieux qu'un bandit qui... qui...

— ... gui dépouille son patron. Vous avez raison, ma petite fille, acquiesça le châtelain avec l’air de s'amuser. C'est bon, je vais noter le nom et l'adresse de cet oiseau rare. »

Dès lors, le silence était retombé entre les deux interlocuteurs. Chacun d'eux, sans rien dire, attendait impatiemment le retour de Noël et de Nick.

N'y tenant plus, Nathalie alla guetter derrière la fenêtre le retour de son frère et de son cousin. C'est alors qu'elle vit, au lieu des deux silhouettes familières, celles de deux hommes qui traversaient le parc d'un pas pressé : le secrétaire et le domestique. Bien vite, elle laissa retomber le rideau et se recula... mais il était déjà trop tard. Jacques Bonnier levait la tête à cet instant précis, et son regard se posa durant une fraction de seconde

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sur Nathalie. Celle-ci, affolée, se tourna vers M. de la Motte.

« Ce sont eux... « ils » reviennent. Et je crois qu' « ils » m'ont vue. »

Le ton de sa voix était si angoissé, que le châtelain n'eut pas besoin d'explication.

« Nos bandits ? Alors il faut vous cacher, mon enfant. Et sans perdre un instant.»

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CHAPITRE XV

La malle d'osier

COMME Nathalie ne bougeait pas, l’ex- officier prit un ton autoritaire, celui-là même qu'il devait avoir pour commander l'exercice :

« Je vous ordonne d'aller vous cacher. — Mais vous, monsieur ?

- Moi, ils ne me feront rien. Sortez de cette pièce ! Trouvez un coin où vous dissimuler ! Ce n'est pas ce qui manque, dans cette vieille bâtisse.»

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Elle obéit sans plus résister. Sortie du bureau, elle chercha une issue avec des yeux affolés. Mais elle avait trop attendu : déjà, le secrétaire montait l'escalier. Il la rattrapa au fond du couloir, la saisit durement par le bras et l'entraîna sans rien dire. Il marchait si vite qu'elle dut courir pour le suivre. Au passage, l'homme referma à clé la porte du bu-reau. .

Nathalie comprit bientôt où l'autre remmenait : une automobile stationnait déjà devant la porte du château : c'était une Dauphine de teinte jaune clair. Le moteur était en marche, et Lucien tenait le volant.

« Monte ! ordonna Jacques Bonnier en désignant le siège avant. Là au moins, tu ne te sauveras pas ! »

Le conducteur démarra, et tandis que l'automobile rejoignait la route, les deux complices échangèrent des commentaires.

« Ces maudits gamins s'étaient donc échappés ! constata le domestique. Je me demande comment ils pu faire. »

Bonnier prit un air moqueur.« Leur fuite prouve que tu t'es montré un

imbécile, une fois de plus !»Regardant Nathalie avec sévérité, il ordonna :

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« Réponds : comment vous êtes-vous sauvés ? — C'est... Nick... qui nous a... délivrés,

expliqua tant bien que mal la pauvre fille.— L'autre garçon ! s'exclama Bonnier. Alors

il a réussi à s'enfuir de la tour ? Parle, gamine !»La petite fille opina de la tête, et Lucien eut un

gloussement de triomphe.« Tu vois bien que ce n'est pas moi, l'imbécile!

En tout cas, chapeau ! Ces gosses sont de vraies anguilles. »

Son. complice le foudroya du regard.« Ce n'est pas le moment de plaisanter!

remarqua-t-il sèchement. Il y a toutes les chances, dans ces conditions, pour que ce soit eux qui aient provoqué la panne.

— Si je les tenais ! » maugréa le conducteur d'un ton si menaçant que Nathalie sentit redoubler sa peur. Ces individus lui paraissaient capables de tout, et elle était à leur merci. Que comptaient-ils faire d'elle ? Elle n'allait pas tarder à l'apprendre.

« Heureusement, nous avons la Dauphine, et ils n'ont pas dû la saboter, remarqua Bonnier. Avec la gosse comme otage, je crois qu'on s'en tirera. Si les garçons ont alerté les flics, ceux-ci nous ménageront, à cause d'elle.

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— D'accord, fit Lucien. Mais cette voiture-là est bien plus petite, et il faudra qu'on abandonne une partie du butin.

— Tant pis : sauvons d'abord notre peau. Surtout, pas d'affolement en transportant les marchandises d'une auto à l'autre. Compris?

— Compris », répondit le deuxième compère, subjugué par ce ton autoritaire.

De toute évidence, dès lors qu'il y avait danger, il admettait la supériorité intellectuelle de Jacques Bonnier. Celui-ci se hâta de profiter de son avantage.

« Bon. Voici Ce que je propose : on emporte tous les tableaux qui sont dans le coffre, et on laisse Je reste.

— Même l'argenterie, que j'ai misé sur le siège arrière ? Et les bibelots, et...

— L'argenterie si tu veux, mais ne t'avise pas de vouloir emmener la grosse malle d'osier où tu as emballé la vaisselle.

— De la porcelaine si précieuse î soupira Lucien.

— Suffit ! gronda le secrétaire. La plus précieuse des marchandises, c'est celle-ci, qui nous servira de passeport. »

Ce disant il désignait Nathalie, et son

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regard narquois posé sur la petite fille la fit se replier, sur elle-même.

Le domestique, qui venait enfin de comprendre, se mit à ricaner.

Sans bien savoir pourquoi, Nick et Noël avaient hâté le pas en approchant du château. A toute allure, ils remontèrent l'allée de graviers et franchirent la porte. Une angoisse indéfinissable les avait saisis, même Nick l'optimiste. Ce hall lugubre qui n'en finissait pas... cet interminable escalier... Enfin, ils se trouvèrent devant la porte du bureau. Tout était silencieux.

« Tiens ! Tu les avais enfermés ? s'étonna le plus jeune des garçons en faisant tourner la clé.

— Moi ? Je ne crois pas. Oh! »Le vantail ouvert, ils Avaient devant eux M. de

la Motte, qui les regardait d'un œil hagard.« Où est Nathalie ? cria Noël oubliant toute

politesse.— Elle n'est plus là... ils sont revenus et l'ont

emmenée, gémit le vieillard. Et je n'ai pas été capable de les en empêcher », ajouta-t-il d'une voix morne.

Déjà les enfants ne l'écoutaient plus.

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Ils s'étaient rués dans l'escalier et fonçaient en direction du garage. Là, une surprise attendait Nick.

« La Dauphine a disparu ! s'exclama-t-il.— Quelle Dauphine ?—L'autre voiture, qui était dans le garage

avec la Mercedes.— Je comprends tout ! expliqua Noël. La

panne a eu lieu plus tôt que nous ne l'espérions. Ils sont revenus à pied et ont repris la deuxième voiture. Le plus grave, c'est qu'ils ont aussi emmené Nathalie.

— C'est ma faute, déclara Nick, l'air malheureux, Cette idée de mettre du sucre dans l'essence, elle est de moi...

— Mais c'est Nathalie qui a donne le sucre, objecta son cousin. A quoi bon se faire des reproches ? Les coupables, ce sont ces deux hommes.

— Il faut absolument les rattraper, mais comment ?

— Pas à pied en tout cas, dit Noël songeur. Non, vois-tu, le meilleur moyen avancer les choses, c'est...

— ... d'aller à la rencontre des gendarmes, enchaîna Nick qui venait de comprendre.

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Comme ça, pas de temps perdu : on leur fait signe» on leur explique... »

Mais ce discours fut perdu pour Noël, qui avait déjà pris son élan. Toute fatigue oubliée, son cousin lui emboîta le pas.

Nathalie et ses ravisseurs arrivaient en vue de la Mercedes, abandonnée sur le bord de la route avec son chargement. La Dauphine vint stopper juste derrière. Les deux hommes en jaillirent, non sans que Bonnier eût jeté un ordre à sa prisonnière:

« Toi, la môme, ne bouge pas d'où tu es, sinon... »

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Les coffres des deux voitures une fois ouverts, les bandits commencèrent alors le transbordement. Tour à tour, les colis bien emballés quittèrent la Mercedes pour venir s'empiler dans la Dauphine. Pendant ce travail, pas un mot ne fut échangé entre les deux hommes.

Tout d'abord, Nathalie resta bien tranquille à sa place. Mais au bout d'un moment s'éveilla en elle une envie de fuir qui alla en grandissant.

Restait à en trouver le moyen. Or la campagne alentour, désespérément déserte, n'offrait ni arbre, ni buisson, ni obstacle d'aucune sorte qui puisse la dissimuler. Alors une inspiration lui vint : c'est dans la Mercedes elle-même qu'elle irait se cacher. Plus précisément dans la malle d'osier qui, au dire des deux hommes, contenait de la porcelaine. Qui aurait l'idée de la chercher là ?

Par chance, les portières des deux voitures étaient restées ouvertes. A travers le pare-brise, la fillette guetta les mouvements de ses ravisseurs. Quand elle les vit contourner la Dauphine, elle se glissa hors de son siège et eut tôt fait de gagner l'arrière de la Mercedes» Accroupie à l'intérieur, dissimulée tant bien que mal par des paquets, elle souleva le couvercle de la malle d'osier. Catastrophe! Celle-ci était aux trois quarts pleine d'assiettes, 4e coupes de porcelaine et de plats,

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calés par une couverture. Elle faillit renoncer devant la difficulté de la tâche. Mais la pensée de son frère et de son cousin la soutint. Résolument, elle retira la couverture, saisit une pile d'assiettes et la glissa sous un siège. Ayant recommencé deux fois ce manège, elle dut cesser : de nouveau, les deux hommes revenaient vers la Mercedes. Une phrase lui parvint, prononcée par le secrétaire :

« C'est le dernier voyage. Après ça, on file. »II n'y avait plus un instant à perdre. Cependant,

par la vitre arrière, Nathalie observa les deux compères. N'allaient-ils pas, en passant près de la Dauphine, s'apercevoir de sa fugue? Or ils étaient bien trop occupés à transporter leurs charges. Allons, elle disposait encore de

Quelques minutes, car ils venaient de disparaître derrière l'autre voiture. Encore une pile d'assiettes, puis une autre- le vide était-il suffisant pour qu'elle puisse entrer dans la malle?

« Les voilà déjà ! Tant pis ! Il faudra bien que je me case là-dedans ! » Elle enjamba le rebord, et quelque chose se brisa sous ses pieds. Machinalement, elle pensa :

« M. de la Motte me pardonnera bien, si je casse sa vaisselle. »

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Puis elle rabattit le couvercle et ne bougea plus.

Les hommes s'approchaient en discutant. Ils s'arrêtèrent tout près de Nathalie. Sans doute examinaient-ils l'intérieur de l'automobile.

« Le principal (.est enlevé : on ferme tout et on repart, décida le secrétaire.

— Alors, vrai, on laisse tout ça ? plaida Lucien d'une voix chargée de regrets. Tu sais, il y aurait encore de la place pour quelques assiettes... »

Nathalie, figée de terreur, sentit la main de l'homme se poser sur le couvercle d'osier. Son geste s'arrêta là, car Bonnier riposta froidement :

« Ou tu renonces, ou je pars sans toi.— Ça va, ça va ! » fit l'autre en s'éloignant.Puis, peu après, un cri de rage : « La gosse s

est taillée !— Il faut la retrouver, et en vitesse ! Elle n'a

pu s'éloigner beaucoup. »II y eut des bruits de pas, des jurons... une

portière de la Mercedes fut rouverte, puis refermée presque aussitôt.

« Ni dedans, ni dessous. C'est un peu fort !— Une anguille, je te dis, répéta Lucien.

On ne la trouvera pas, c'est sûr. Qu'est-ce qu'on fait?

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— On file, répondit Jacques Bonnier comme à regret. Tout ce temps perdu, déjà !»

Avec un immense soulagement, Nathalie perçut le claquement des portières de la Dauphine, puis le grondement du moteur. Le bruit alla s'affaiblissant, puis disparut tout à fait.

Alors seulement elle osa soulever le couvercle.

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CHAPITRE XVI

Du muguet et une icône

NOËL ET NICK étaient repartis au pas de course sur la route de Malvert. A peine avaient-ils fait 500 mètres qu'ils virent, fonçant dans leur direction, une fourgonnette noire avec un feu clignotant orange sur le toit.

« Les gendarmes de Fontagnac ! Pourvu qu'ils s'arrêtent ! » cria Nick.

Les deux garçons se postèrent en plein

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milieu de la voie en agitant les bras. La voiture stoppa dans un grand bruit de freins, et le conducteur se pencha au-dehors. « Qu'est-ce que vous voulez ?

— C'est nous qui avons téléphoné à la police de Brunières, au sujet d'un vol au château de la Motte, se hâta d'expliquer Noël.

—Alors, montez ! fit l'homme. Vous nous montrerez le chemin. »

Les deux cousins se hâtèrent d'obéir. Il y avait là quatre hommes, sans compter le chauffeur. Un brigadier à grosses moustaches les interrogea.

« On nous a dit de prendre en chasse deux hommes en Mercedes. Y a-t-il longtemps qu'ils sont partis ?

— Trois quarts d'heure à peu près. Seulement... ils ne sont plus en Mercedes mais ;en Dauphine. Et ils ont emmené Nathalie », bredouilla Nick.

Le gradé fronça les sourcils,«? Qu'est-ce que c'est que cette salade ? Il

s'agirait de s'entendre sur la marque de la voiture, et sur le nombre de passagers, hein ? D'abord, qui est cette Nathalie dont vous parlez ?»

Noël vint à la rescousse.« C'est ma cousine, qui a neuf ans.

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Les deux bandits sont d'abord partis en Mercedes : nous sommes allés téléphoner dès qu'ils ont eu démarré. Pendant notre absence ils sont revenus : leur auto avait une panne...

— ... à cause du sucre dans l'essence, crut bon de préciser Nick.

— ... alors ils ont pris la Dauphine, et emmené Nathalie comme otage », enchaîna son cousin, qui ajouta d'un ton angoissé : « C'est pourquoi nous n'avons pas un instant à perdre !»

De ce récit embrouillé, le brigadier dégagea d'abord un renseignement important : les malfaiteurs avaient avec eux une petite fille.

« Diable ! fit-il, l'air ennuyé. La présence de cette fille va nous gêner ! Enfin, nous ferons tout notre possible pour qu'il ne lui arrive rien. »

Il posa encore quelques questions et finit par se faire une idée à peu près nette de la situation. De plus, Noël lui remit la photo d'identité représentant Jacques Bonnier : elle lui serait très utile, le mo-ment venu.

Entre-temps la fourgonnette avait dépassé l'embranchement d'où partait le chemin conduisant au château. Moins d'un kilomètre plus loin apparut une voiture abandonnée sur le bas-côté de la route.

« La voilà ! C'est elle ! C'est la Mercedes î cria Nick.

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— Stop ! ordonna le brigadier. Allons y jeter un coup d'oeil. »

A première vue, il n'y avait personne dans la puissante automobile. Une grosse malle d'osier au couvercle rabattu était restée sur la banquette arrière, ainsi que quelques objets de moindre importance. Tout cela paraissait d'un intérêt assez mince.

Nick et Noël étaient descendus à leur tour et s'étaient approchés de la voiture.

« Allez, en route ! » décida le brigadier en remontant dans la fourgonnette.

Le plus jeune des garçons l'imita aussitôt : il brûlait de repartir et de rattraper la Dauphine. Mais son cousin, plante, air songeur, auprès de la Mercedes, n'avait pas bougé.

« Hep ! Tu te dépêches de venir ? » cria Nick avec impatience, tandis que te chauffeur klaxonnait.

Alors se produisit un événement inattendu : brusquement, le couvercle de la malle d'osier se souleva, et une tête blonde ébouriffée en émergea prudemment : on aurait dit un escargot sortant de sa coquille. Noël en eut le souffle coupé.

« Nathalie ! Nathalie est retrouvée ! annonça-t-il enfin d'une voix étranglée.

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— Quoi ! Qu'est-ce que tu dis ? » jeta son cousin en quittant d'un bond la fourgonnette.

Alors, sous l'œil étonné des gendarmes, les deux garçons unirent leurs efforts pour extraire de la malle une Nathalie toute courbatue qui, une fois sur la terre ferme, se mit à marcher en se frottant les côtes et en boitillant. Pour masquer l'attendrissement qui le gagnait, Nick lâcha une plaisanterie.

« Ma parole ! fit-il en contemplant l'intérieur de la malle : c'était un éléphant dans un magasin de porcelaine ! »

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Nathalie n’eut pas envie de se fâcher : c'était si réconfortant d'entendre à nouveau les taquineries de son frère !

Cependant le brigadier s'impatientait.« Vous l'avez retrouvée ? Tant mieux ! Dans ce

cas, on reprend la chasse sans vous. Au revoir, les enfants.

— Bonne chance ! » crièrent les trois N. Les deux garçons étaient un peu déçus de se voir évincés de la poursuite, mais non pas Nathalie, qui avait eu son compte d'aventures pour un bon bout de temps.

Il ne restait au trio qu'à rebrousser chemin, ce qu'il fit. La fillette s'était redressée, et marchait maintenant de façon normale.

« Chic ! Elle est dépliée ! remarqua l'incorrigible Nick.

— Tu te sens mieux ? Alors, raconte», demanda Noël.

Nathalie s'étendit avec complaisance sur son angoissante équipée. Après quoi, elle eut droit aux félicitations des garçons pour la façon astucieuse avec laquelle elle avait faussé compagnie à ses ravisseurs.

« Cette idée de se fourrer dans une malle est purement admirable ! déclara son cousin qui s'extasiait.

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— Il n'y a qu'une victime dans l'histoire : la vaisselle de M. de la Motte ! remarqua Nick d'un air faussement désolé.

— Oh ! tu sais, protesta sa sœur, je îi'ai pas cassé grand-chose... Ma liberté valait bien une douzaine d'assiettes, non ? »

Les deux garçons en convinrent. Et soudain Nick remarqua :

« Dis donc, est-ce que tu jouais à cache-cache, quand nous sommes arrivés avec les gendarmes ? Pourquoi ne t'être pas montrée tout de suite ?

— Ah ! oui ! J'oubliais de vous expliquer... »Nathalie évoqua en frissonnant le moment

terrible qu'elle avait passé dans sa prison d'osier, et son appréhension au moment d'en sortir. Or elle venait de s'y décider lorsqu'elle entendit s'arrêter une voiture. Une voix d'homme jeta un ordre : elle crut à un retour de ses ravisseurs. Vite, elle rabattit te couvercle et ne bougea plus. Puis, au bout d'un moment, une voix jeune avait crié quelque chose : c'était celle de Nick ! Alors seulement elle avait compris que tout danger était écarté.

« Et les trois N sont de nouveau ensemble », conclut-elle en allant embrasser son frère, puis son cousin.

Nick, ennemi de toute sentimentalité — du moins l'affirmait-il — , changea bien vite de sujet.

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« Et maintenant, quel est le programme ?»Les trois enfants se trouvaient de nouveau à

l'orée du chemin menant au château.« On va rassurer M. de la Motte, suggéra Noël.

Il paraissait si bouleversé !— Oh ! oui, on y va », s'écria Nathalie. Nick

émit une objection de poids :« Il faudrait pourtant que quelqu'un attende le

commissaire Carrier pour le mettre au courant.— Eh bien, je rentre seule au château, proposa

Nathalie.— Seule ? Sûrement pas ! décréta Noël

péremptoire. Une fois suffit. Je t'accompagne.— Bon, alors moi je reste, proposa Nick.

Je vous rejoindrai quand... »A ce moment précis, on vit apparaître une

Peugeot noire qui roulait à vive allure, et vint stopper devant le trio. M. Carrier en sortit et s'adressa aux enfants :

« Alors ?— Les bandits ont pris la fuite de ce côté-là,

expliqua rapidement Nick, alors que son cousin n'avait pas eu le temps d'ouvrir la bouche. Ils sont maintenant dans une Dauphine jaune, et la fourgonnette des gendarmes les suit.

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— Merci. On va essayer de la rattraper, déclara le commissaire en se rasseyant au côté du chauffeur.

— Mais, monsieur, vous ne voulez pas de nous ? demanda le jeune garçon, tout déconfit d'être laissé pour compte une seconde fois.

— Non, mes enfants. Allez au château, je vous y rejoindrai bientôt », jeta M. Carrier par la portière, comme la voiture s'ébranlait déjà.

Et les trois N, immobiles sur la route, regardèrent l'automobile noire qui disparaissait à l'horizon.

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Après un silence, Noël proposa dans un soupir:« Allons retrouver M. de la Motte. »En moins d'une heure tout était terminé : les

enfants, qui avaient rejoint le châtelain dans son bureau, virent tout d'abord, par la fenêtre, arriver la fourgonnette noire avec la Mercedes en remorque.

Puis ce fut, peu après, la voiture de police de Brunières qui vint se ranger devant le château; les deux voleurs s'y trouvaient sous bonne garde, et on leur avait passé les menottes. Enfin ce fut le tour de la Dauphine, conduite par un des hommes du commissaire Carrier.

Les trois N, pour ne rien perdre du spectacle, s'étaient dépêchés de descendre. Ils offrirent leur aide pour remettre en place les objets dérobés par le secrétaire et son complice. Parmi les tableaux, tous de grande valeur, ils dénichèrent l'icône. Une même émotion les gagna : cette insaisissable miniature était enfin entre leurs mains !

« On la rapporte à Robert Brun dès ce soir, décréta Nick.

— Mais» niais..., fit Noël hésitant, en a-t-on le droit? M. de la Motte a versé beaucoup d'argent pour l'avoir !

— C'est vrai, ça, admit Nathalie. Alors, comment faire ? Il y aura toujours quelqu'un de volé, dans l'histoire. »

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Perplexes, les enfants décidèrent de soumettre le cas au principal intéressé. Or l’ex-officier trancha aussitôt la question à la satisfaction générale.

« Je tiens à cette icône, dit-il : j'en offre deux fois son prix pour la garder. Combien votre ami doit-il rembourser ?

— 4 752 francs ! répondit aussitôt la fillette.— Je vais vous faire un chèque de ce montant,

et vous le porterez au propriétaire du « Petit Louvre ». N'oubliez pas de dire à ce Robert Brun de venir me voir le plus tôt possible ! »

Cependant Noël était plongé dans de grands calculs. Il finit par hasarder timidement :

« Il y a aussi les 48 francs déboursés par Mme Borinoff...

— C'est bon : j'arrondis à 4 800 francs, répondit le châtelain. J'espère bien récupérer une partie de cette somme sur mes deux larrons. N'est-ce pas, commissaire ?»

Ce dernier acquiesça, et M. de la Motte alla rédiger le chèque, qu'il tendit aux trois N.

« Nous le porterons dès ce soir », promirent-ils, très fiers de se voir confier une pareille somme — mais un peu inquiets à l'idée qu'ils pourraient la perdre sur le chemin du retour.

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Le commissaire Carrier intervint juste à point pour leur enlever ce souci :

« De toute façon, je vous ramène à Brunières, et nous passerons en premier lieu au « Petit Louvre». Ensuite je vous reconduirai chez vous, et je vous remettrai sains et saufs à vos parents en leur racontant vos hauts faits. Grâce à vous, deux malfaiteurs seront hors d'état de nuire pour un bout de temps. » Nick rougit de plaisir, Noël murmura d un air gêné : « Oh ! nous n'avons rien fait d'extraordinaire ! Ce sont les circonstances qui... »

Quant à Nathalie, elle était occupée a sortir d'une poche du sac de son frère un bouquet flétri, à l'aspect lamentable.

« Mon pauvre muguet ! dit-elle avec une moue chagrine.

— Il reviendra quand tu le mettras dans l'eau », assura son cousin.

Le visage de Nathalie se rasséréna, et elle ajouta :

« En tout cas, il nous a porté chance, puisque nous avons finalement retrouvé l'icône. »

Le commissaire secoua la tête en souriant.« Hum ! Je ne sais pas s'il s'agit de chance. Je

dirais plutôt que la persévérance et l'esprit d'initiative dont vous avez fait preuve sont venus à

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bout de tous les obstacles. Et, croyez-moi, c'est beaucoup plus méritoire de votre part ! »

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Les

Noël, Nathalie et Nicolas (Nick).

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LES de Roberte Armand

Série intégrale

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