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LES 3N SONT SUR LA VOIE

par Roberte ARMAND

LA pensée de Nick et de Noël retenus prisonniers remplit Nathalie d'angoisse. Pourchassée elle-même, parviendra-t-elle au but saine et sauve ? Saura-t-elle les faire délivrer ?

Elle accélère sa course. Dans le long corridor désert, ses pas résonnent étrangement. Catastrophe ! Juste devant la sortie, elle aperçoit des jambes bottées qu'elle connaît bien... On lui barre le chemin. Pourtant, coûte que coûte, il faut échapper!...

Une fois encore, les ressources d'intelligence et de courage des Trois N sont mises à l'épreuve. Que d'embûches à traverser!

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Série les

1. Les 3N et les voleurs d’images 1971 062. Les 3N et la maison brulée 1972 043. Les 3N et l’étrange voisin1972 094. Les 3N et les jumelles 1972 11 5. Les 3N et le chien jaune 1973 036. Les 3N et le bouton d’argent 1973 107. Les 3N et la pêche miraculeuse 1974 058. Les 3N et l’épouvantail 1975 039. Les 3N tendent un piège 1975 0810. Les 3N et le puits hanté 1976 0411. Les 3N sont sur la voie 1977 0812. Les 3N et les trois cygnes 1978 0613. Les 3N et le serpent python 1979 0114. Les 3N et les chats birmans 1979 10

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ROBERTE ARMAND

LES

SONT SUR LA VOIE

ILLUSTRATIONS DE HENRIETTE MUNIERE

HACHETTE

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TABLE

I. Un morceau d'étoffe 6II. Monsieur X 18

III. Un coup de téléphone 31IV. Une piste 42V. Bus numéro 4 52

VI. Une étoffe tricolore 59VII. Rue Chopin 67

VIII. Une crevaison 76IX. La maison de garde-barrière 84X. Allô, mademoiselle Biche? 93

XI. Les rails 103XII. Le passage souterrain 113

XIII. La barre de fer 122XIV. Le tableau 130XV. Train spécial 138

XVI. Tout s'explique 145

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CHAPITRE PREMIER

Un morceau d'étoffe

« J'AI CHAUD! grogna Nicolas, dit Nick, en s'épongeant le front avec vigueur. — Et moi je suis fatiguée! » renchérit sa sœur Nathalie, dont les joues rondes étaient plus rouges que jamais, sous la chevelure blonde et raide.

Leur cousin Noël — presque leur frère, à vrai dire, depuis que les Renaud l'avaient adopté quand il était devenu orphelin — n'était pas plus à l'aise qu'eux. Mais ce grand garçon de douze ans acceptait sans protester les inconvénients d'une randonnée dans la banlieue de Brunières, au début du mois de juillet.

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En effet, les Trois N, c'est-à-dire Noël, Nicolas et Nathalie, avaient été invités par leur vieille amie Mlle Biche 1, qui avait emménagé depuis peu dans ce lointain quartier.

« A-t-on idée de s'installer au diable vauvert! reprit Nick du même ton maussade. Pourtant, elle nous avait affirmé que c'était tout près de chez nous! »

Noël se mit à rire.« Tout près, pour Mlle Biche qui est une fanatique de

la marche à pied, c'est au moins cinq ou six kilomètres. En tout cas, elle doit être heureuse d'occuper maintenant sa propre maison, au lieu d'un appartement loué.

— C'est vrai qu'elle a récupéré la demeure de ses ancêtres! » remarqua pompeusement Nathalie.

Son frère haussa les épaules.« Peuh! Tout juste une bicoque croulante et sans

confort, que son vieux locataire a laissée, paraît-il, dans un état lamentable.

— Ne t'en fais pas : Mlle Biche arrangera cette vieille maison, et je suis sûre qu'elle en fera quelque chose de très bien, affirma la fillette.

— En attendant, nous ne sommes pas encore arrivés. Si cette balade en plein soleil se prolonge, je vais devenir aussi sec qu'un hareng saur.

— Vite, de l'eau! s'écria Noël en mimant une vive inquiétude. Il faut absolument éviter à mon cousin ce triste... sort! »

Or, bien que la campagne fût proche, on n'apercevait ni fontaine ni ruisseau.

1. Voir Les 3 N et l'étrange voisin, dans la même collection.

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« Ça ne fait rien, dit Nathalie d'un ton consolant. Mlle Biche aura sûrement préparé des jus de fruits... peut-être même une glace? J'espère aussi qu'elle nous aura fait un biscuit de Savoie, sa spécialité. »

Nick leva les yeux au ciel.« Parler de biscuit quand on est soi-même... à moitié

cuit, c'est bien de ma petite sœur! »Nathalie eut la sagesse de ne pas riposter, et la

conversation en resta là.Au bout d'un moment, elle lut sur une plaque : «

Chemin des Tilleuls », un peu plus loin : « Allée des Pins».« En plein dans les arbres! remarqua Noël. Donc, nous

approchons : l'adresse donnée par Mlle Biche est 9, impasse des Acacias. »

Cette impasse se présenta bientôt : c'était presque un sentier, à peine assez large pour laisser passer une voiture et fort peu habité : quelques villas espacées, alternant avec des champs. Au numéro 9 se trouvait une propriété assez étendue, entourée d'une haie de charmes, haute et touffue. Sur un portail rouillé on pouvait lire : « Villa les Charmilles ».

Noël tira sur la sonnette, qui émit un son grêle. Comme personne ne venait, il poussa le vantail : un jardin apparut, rempli d'herbes folles et d'arbres touffus qui masquaient à demi une grande bâtisse quelque peu délabrée.

Nick fit la grimace.« Exactement ce que je m'attendais à voir : une

bicoque plutôt laide... »— ... mais bien située », rectifia son cousin.

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Quant à Nathalie, elle commençait à être vaguement inquiète.

« Où donc est Mlle Biche? Je pensais qu'elle viendrait à notre rencontre. »

A ce moment retentit un aboiement aigu, et un caniche nain au poil gris-brun tout frisé se précipita dans les jambes des arrivants avec de grandes démonstrations d'amitié.

« Tu vois, elle a délégué quelqu'un pour nous accueillir, remarqua Noël en se penchant pour caresser l'animal. Dis-moi, Hercule, ta maîtresse est-elle ici? »

Le caniche ne répondant que par un « ouah-ouah » sonore, le trio pénétra dans la villa, et visita sans succès le rez-de-chaussée. Alors Nathalie se posta au pied de l'escalier de bois qui conduisait au premier étage et cria d'une voix perçante :

« Mademoiselle, où êtes-vous? »Presque aussitôt il y eut un bruit de pas au-dessus de la

tête des arrivants, et bientôt la propriétaire des lieux apparut. Toujours aussi originale! Elle était drapée dans une blouse à fleurs trop grande pour sa petite taille, tandis qu'un foulard vert pomme, noué sur le front, ne laissait dépasser que quelques bouclettes grisâtres. Ainsi accoutrée, la vieille demoiselle brandissait un plumeau, tel un dragon sabre au clair! Nick se retint à grand-peine de pouffer.

« Vous? s'exclama-t-elle en s'arrêtant sur le palier intermédiaire. Par exemple, mes chers enfants, je vous avais complètement oubliés! »

Noël marmonna poliment : « Aucune importance, mademoiselle! »

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tandis que Nathalie, qui voyait s'envoler le goûter, dissimulait mal une moue de déception.

« Je suis impardonnable! poursuivait leur hôtesse. Mais vous savez, avec tout ce travail que me donne mon installation!... J'ai dû entreprendre le nettoyage complet de la maison.

— Une fois remise en état, elle sera très bien », assura l'aîné du trio.

Les yeux de Mlle Biche pétillèrent.« Oui, n'est-ce pas? Oh! J'ai des tas d'idées pour la

rendre plus agréable. D'abord, je ferai crépir la façade en rosé vif, avec des volets bleu ciel.

— Ce sera charmant! eut la force de murmurer Nick, pour ne pas être en reste avec son cousin.

— Et très gai! appuya Nathalie, pour dire quelque chose elle aussi.

— Je suis ravie que vous m'approuviez, affirma Mlle Biche avec un grand sourire. Si ça vous intéresse, montez donc au grenier où j'étais occupée quand vous êtes arrivés. Il y a des tas de vieilles choses qui datent de mes arrière-grands-parents. »

Et, faisant demi-tour, elle entraîna les Trois N au dernier étage de la maison. Ils pénétrèrent à sa suite dans une pièce mansardée où l'on respirait un air lourd et chargé de poussière.

« C'est le bouquet! » pensa Nick, dont la langue collait au palais, à force d'avoir soif.

Néanmoins il se mit à fureter, comme les deux autres, mais sans grande conviction, parmi les

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fatras de « vieilleries » assemblées là : fauteuils défoncés, sommiers crevés, tables bancales-Noël et Nathalie, eux, par contre, sous l'œil attendri de Mlle Biche, prenaient à ces fouilles un plaisir évident. A chaque découverte, Nathalie poussait des cris de joie.

« A croire que les toiles d'araignées remplacent pour elle les gâteaux et la limonade! » se dit Nick ulcéré.

Soudain Nathalie, qui venait d'ouvrir une malle au dos bombé, s'écria :

« Regardez : il y a des tableaux là-dedans. On se croirait vraiment dans un musée! »

Elle exhiba successivement trois toiles aux teintes criardes. Aucune n'était encadrée, mais un simple carton était fixé derrière le châssis. Les

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garçons s'approchèrent. Nick, devant ces paysages naïfs, faillit crier « Quelle horreur! »,, mais se retint juste à temps en apercevant la signature, en grosses lettres noires : « A. Biche ». « Par exemple! C'est un parent à vous qui a fait ça? demanda-t-il à la vieille demoiselle.

— Mais oui! Mon grand-père, Auguste Biche, était peintre à ses moments perdus.

— Voyons... euh... ce n'est pas mal du tout ». affirma Noël d'une voix molle.

A la surprise du trio, Mlle Biche éclata de rire.« Inutile de faire des politesses, mon garçon. Je ne suis

pas aveugle, tu sais. Même si ces tableaux sont l'œuvre de mon aïeul, ce sont des croûtes et rien d'autre.

— Quand même pas! réfuta Nathalie. Avec un joli cadre...

— Eh bien, justement, j'en ai fait encadrer un, quand je les ai découverts. Vous voulez voir? Il est dans ma chambre. »

Elle entraîna les enfants au premier étage. Dans cette pièce agréable, la vieille demoiselle leur montra une peinture accrochée au-dessus du lit : elle représentait une maison au fond d'un jardin.

« C'est « ma » maison, expliqua-t-elle. Voilà pourquoi j'ai conservé ce tableau. Il est moins mauvais que les autres, n'est-ce pas? »

C'était l'avis des enfants. Mais Nathalie avait des scrupules.

« Quand même, ces trois autres, vous n'allez pas les laisser au grenier, à la poussière? »

Mlle Biche se laissa convaincre.

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« Si ça peut te faire plaisir, allons les chercher, nous leur trouverons bien une place. »

Cinq minutes plus tard, les trois toiles, soigneusement dépoussiérées, étaient rangées sur la dernière planche du placard de sa chambre... et l'on n'en parla plus.

« Maintenant, déclara Mlle Biche, il est temps de goûter, n'est-ce pas?

— Je... je croyais que... bredouilla la fillette.— ... que j'avais oublié mon invitation? Ma foi oui,

mais ce n'est pas une raison pour que vous soyez privés de manger. Je compte vous emmener dans une pâtisserie : j'en ai repéré une pas très loin d'ici. »

Le visage de Nathalie, à l'idée des délices promis, se mit à rayonner.

« Allez m'attendre dans le jardin pendant que je m'habille correctement, proposa la vieille demoiselle. Et tenez, cherchez donc l'emplacement le meilleur pour y dresser un portique : j'ai l'intention de faire un peu de culture physique maintenant que je possède une villa. Vous-mêmes, quand vous viendrez me voir...

— Oui, oui, mademoiselle! » jetèrent les enfants en dévalant l'escalier.

Ils trouvaient que Mlle Biche exagérait un peu, avec sa chère culture physique!

Trois minutes plus tard, elle faisait son apparition, habillée d'une robe de coton aux couleurs gaies. Avant d'entraîner ses jeunes invités, elle appela : « Hercule! »

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Pas de réponse. Nathalie appela à son tour, mais en vain. La vieille demoiselle haussa les épaules.

« Depuis que j'habite la campagne, ce chien devient un vrai vagabond. Eh bien, tant pis!

Nous irons sans lui. »D'un pas décidé, elle prit la tête de la petite troupe.

Moins d'une heure plus tard, après une incursion à la pâtisserie (qui effectivement n'était pas très éloignée) les Trois N et leur vieille amie suivaient en sens inverse l'impasse des Acacias. Comme ils approchaient des « Charmilles », il leur sembla entendre aboyer un chien.

« C'est Hercule! s'écria Mlle Biche en fronçant les sourcils.

— On va voir! » jeta Nick, qui prit ses jambes à son cou, suivi de près par les deux autres « N ». Dans le jardin où ils pénétrèrent en trombe, les trois enfants aperçurent aussitôt Hercule. Il leur tournait le dos, paraissant fixer un point, et grognait sourdement.

« Quelque chose l'a effrayé, supposa Noël.— Ou peut-être quelqu'un? suggéra son cousin.— Ecoutez! dit Nathalie en levant le doigt. Il y a eu

comme un bruit de branches froissées, quelque part dans cette direction. »

Elle indiquait précisément l'endroit que fixait le chien. Nick voulut bondir, mais une exclamation de Mlle Biche le retint. La maîtresse d'Hercule, qui venait d'arriver, avait pris dans ses bras

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le caniche tout tremblant. C'est alors qu'elle s'écria vivement :

« Mais... qu'est-ce que c'est que ça? »« Ça », c'était un morceau d'étoffe que le petit animal

tenait serré entre ses dents.Tellement serré, même, qu'il fallut force caresses et

paroles apaisantes pour réussir à lui faire lâcher le bout de tissu. Aussitôt les Trois N l'examinèrent : c'était un morceau de lainage à petits carreaux où se mêlaient le gris, le jaune et le rosé.

Où l'avait-il pris? Il n'y avait qu'une réponse possible, et ce fut Noël qui la donna :

« Hercule a arraché ce bout de tissu à un vêtement...— ... sans doute à un pantalon, précisa Nathalie.— ... et ce pantalon, poursuivit Nick, était porté par

quelqu'un qui s'est introduit chez Mlle Biche. J'ajoute même que ce personnage a dû s'enfuir par là (il montrait le fond du jardin) juste avant notre retour. On va voir?

— Inutile! l'arrêta Noël. Ce qui presse le plus, c'est d'aller inspecter la maison.

— Tu crois que ce type est un cambrioleur? » Ce dernier mot fit dresser l'oreille à la vieille demoiselle, qui, tout occupée à calmer son chien, n'avait pas jusqu'ici pris part à la conversation. « Un cambrioleur, dites-vous? Mais oui, certainement! Hercule ne se montre jamais agressif sans raison. S'il s'est attaqué au visiteur, c'est que celui-ci avait de mauvaises intentions. » Elle posa le caniche sur ses pattes et fonça

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résolument vers la porte d'entrée. Les enfants la suivirent aussitôt. Au passage, la vieille demoiselle se baissa pour prendre la clef dissimulée dans un pot de fleurs, et remarqua : « Elle est toujours à sa place!

— Cela ne prouve rien, déclara Noël. Le type a pu guetter notre départ, et vous voir déposer la clef dans le pot. S'il s'en est servi, il l'a ensuite remise à sa place.

— Tu as raison », approuva Mlle Biche.Et, l'air soucieux, elle pénétra dans la maison, les

Trois N sur ses talons.La visite fut rapide : la vieille demoiselle possédait

peu de meubles, et la plupart des pièces étaient vides. Elle s'attarda surtout dans sa chambre, fouillant particulièrement un secrétaire qui occupait l'un des angles.

« C'est ici que je range mes quelques bijoux, expliqua-t-elle, et le peu d'argent liquide que je garde. »

Or, rien ne manquait. Aucune trace de cambriolage, ni dans cette pièce ni dans les autres.

« Il n'a donc pas visité la maison, conclut Nick.— Pas si vite! répondit Noël. Peut-être qu'au

grenier...?— Bah! Qui aurait l'idée de voler de vieilles choses

sans valeur?... riposta son cousin. Oh, pardon, mademoiselle, ajouta-t-il confus.

— Ne t'excuse pas, répliqua Mlle Biche en souriant. Je comprends qu'à ton âge on préfère les objets neufs à ces « vieilles choses » qui font souvent la joie des antiquaires.»

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La maîtresse d'Hercule se rassérénait à vue d'œil, en constatant que sa chère maison ne semblait pas avoir été pillée. Aussi, quel choc éprouva-t-elle en pénétrant au grenier! La pièce, qu'elle avait laissée presque rangée, était maintenant sens dessus dessous.

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CHAPITRE II

Monsieur X

«QUELQU'UN est bien passé par ici! constata Mlle Biche en inspectant d'un œil furibond les objets de toute sorte qui jonchaient le plancher, les meubles renversés, les malles ouvertes... le tout dans un grand envol de poussière.

— Mais enfin, pour prendre quoi? » s'ébahit Nick.Difficile à deviner, dans cet affreux bric-à-brac! Aussi,

ayant repris à grand-peine son sang-froid, Mlle Biche se contenta de proposer avec bon sens :

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« Nous le saurons en remettant chaque chose en place. Aidez-moi! »

Malgré les circonstances, ce fut avec une joyeuse ardeur que s'effectua ce rangement. Après quoi les quatre personnages se regardèrent mutuellement... et partirent d'un éclat de rire : tous avaient le visage maculé de stries noirâtres dues à un mélange de sueur et de poussière.

Une fois cet accès de gaieté calmé, Noël interrogea Mlle Biche.

« Alors?— Alors... rien!— Vous voulez dire que rien ne manque?

s'exclama Nick.— J'en suis à peu près sûre.— Donc, l'intrus n'a pas trouvé ce qu'il cherchait,

conclut Noël.— Ce qui m'étonne, remarqua Mlle Biche, c'est

qu'il n'ait pas poursuivi sa fouille hors du grenier, après cet échec. »

L'aîné du trio désigna la lucarne ronde éclairant la pièce qui donnait sur l'impasse des Acacias.

« On peut supposer, dit-il, qu'au moment de quitter le grenier, il nous a vus arriver par là. Du coup, il s'est hâté de fuir.

— Mais, une fois dans le jardin, poursuivit Nick, il s'est heurté à Hercule qui venait de rentrer et jouait les cerbères.

— Un bien petit cerbère, mais si courageux! s'attendrit Mlle Biche. Bravo pour vos déductions, mes enfants. Et maintenant, que diriez-vous

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d'aller procéder à un débarbouillage général? »Tout le monde fut d'accord, et c'est avec plaisir que les

Trois N et leur hôtesse, ayant repris figure humaine, allèrent s'installer dehors, sur des chaises longues, pour réfléchir à la situation.

« On peut résumer ainsi, dit Noël : profitant de notre absence, un individu que nous appellerons « Monsieur X » est entré dans le jardin, a pris la clef dans le pot de fleurs...

— ... ce qui prouve qu'il connaissait la cachette, interrompit Nick.

— ... sans doute parce qu'il vous espionnait depuis quelque temps, supposa Nathalie, en frissonnant de peur rétrospective.

— Plus moyen d'être tranquille chez soi! maugréa Mlle Biche en caressant Hercule qui s'était installé sur ses genoux.

— Monsieur X, enchaîna Noël, est monté droit au grenier, est reparti bredouille après avoir tout bouleversé...

— ... s'est esquivé par le fond du jardin, poursuivit Nick.

— ... en empruntant le portillon de bois qui donne sur les champs, précisa Mlle Biche.

— Mais tout de même, grâce à Hercule, il nous a laissé en souvenir un morceau de son pantalon. »

Le plus jeune des garçons sortit de sa poche le fragment de tissu à carreaux, l'agita triomphalement et déclara :

« Pièce à conviction numéro 1!

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— Comme indice, c'est plutôt maigre! remarqua son cousin.

— Eh bien, justement, je compte en chercher d'autres, décida Nick.

— Comment t'y prendras-tu? demanda Nathalie.— Suis-moi, et tu verras. »Le trio, Nick en tête, sortit du jardin, laissant Mlle

Biche en compagnie d'Hercule.« Allez sans moi. Trois détectives, c'est bien suffisant!

avait-elle déclaré.— Nous allons faire le tour de la propriété, décréta le

plus jeune des garçons. Moi d'un côté, vous deux de l'autre. En même temps, nous examinerons soigneusement la haie.»

Noël avait déjà compris : ce que cherchait son cousin, c'était le trou dans le feuillage par où Monsieur X avait pu voir Mlle Biche déposer la clef.

Les deux groupes se séparèrent donc. Cinq minutes plus tard, Nick entendit qu'on l'appelait : « Hep! Par ici! »

II se précipita : sa sœur et son cousin lui montrèrent à quelques mètres du portail, sur la gauche, un endroit où les arbustes laissaient entre eux un espace suffisant pour y passer la tête.

« D'ici, fit remarquer Nathalie, on voit nettement la porte et le pot de fleurs.

— Ce n'est pas tout, appuya Noël. Regarde, par terre, ces mégots de cigarettes : au moins une douzaine. Quelqu'un a dû faire le guet ici et fumer pour passer le temps.

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— Bravo! applaudit Nick. Tout « colle » parfaitement. »

Il se baissa pour ramasser un mégot et le brandit joyeusement sous le nez des deux autres, en annonçant :

« Pièce à conviction numéro 2! »Encouragés par ce succès, les Trois N cherchèrent des

traces de roues sur le chemin : ils espéraient pouvoir ainsi déterminer le type de véhicule employé par Monsieur X. Mais le sol trop sec n'avait pas gardé la moindre empreinte.

Le trio rejoignit Mlle Biche et lui fit part du résultat de 1' « enquête ».

« Bien travaillé! les félicita la maîtresse d'Hercule. Nous savons maintenant à quoi nous en tenir. Mais tout ça n'est pas rassurant : quand je pense à cet individu qui entre chez moi comme dans un moulin...!

— Est-ce qu'il ne faudrait pas avertir la police? suggéra Noël.

— Pas question! Je suis assez grande pour me défendre toute seule! protesta la vieille demoiselle en redressant fièrement sa petite taille. N'est-ce pas, Hercule?

— Ouah! Ouah! lança l'interpellé... ce qui pouvait passer pour un acquiescement.

— Ce qui me contrarie le plus, poursuivit Mlle Biche, c'est que je devrai sans doute renoncer à un agréable projet.

— Lequel?— Celui de vous inviter à venir tous les trois habiter

chez moi : ce serait un prélude à vos vraies vacances, en somme.

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— Mais pourquoi y renoncer? s'écria Nathalie consternée.

— A cause de Monsieur X, justement. Il peut revenir, et je n'ose pas vous faire partager ce risque. »

Nick sauta en l'air.« Au contraire, voyons! Séjourner ici, ce serait déjà

chouette. Mais avoir sous la main un mystère à éclaircir, quelle aubaine pour les Trois N! »

Les enfants rentrés à la villa de la rue des Jardins le soir même, obtinrent sans peine la permission des parents. Si bien que dès le lendemain, s'étant munis cette fois de leurs vélos, ils arrivaient avec armes et bagages chez Mlle Biche. Celle-ci mit à leur disposition deux chambres du rez-de-chaussée. Ayant étalé leurs sacs de couchage sur de vieux sommiers, et rangé leurs affaires dans les placards, ils se sentirent chez eux.

« Du camping sous un toit, en somme, fit remarquer Nick. Mais Brunières comme lieu de vacances, pour des habitants de Brunières, ce n'est guère original!

— Tout de même, nous avons changé de maison, rétorqua Nathalie. Et puis, c'est plutôt une chance d'habiter chez Mlle Biche! »

Les garçons ne purent qu'approuver : avec leur vieille amie, fantaisiste un peu bohème, on ne s'ennuyait jamais.

Ce fut encore vrai cette fois-ci : les quatre premiers jours s'écoulèrent avec une incroyable rapidité.

Le temps se maintenant au beau fixe, les occupants de la villa vécurent principalement au jardin... avec quelques

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intermèdes consacrés à des promenades, ou encore au nettoyage de la maison : une façon, pour les enfants, de remercier leur hôtesse.

Hercule n'était pas le dernier à profiter de cette existence libre. Il s'en donnait à cœur joie et courait dans le jardin, disparaissant parfois des heures entières sous les taillis. Sa maîtresse lui avait même offert une niche à sa taille, comme à un vrai chien de garde. Ce qui fit dire à Nick, grand amateur de jeux de mots :

« C'est un caniche qu'a niche! »Par contre, si les Trois N avaient escompté une suite à

l'incident qui avait marqué leur première visite, ils furent bien déçus : pas l'ombre d'une

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présence louche aux alentours des « Charmilles ». Pourtant, ce ne fut pas faute de surveillance de leur part : les rares passants étaient dévisagés avec méfiance, les voitures en stationnement soigneusement examinées. Chaque soir, une ronde était effectuée autour de la propriété.

Résultat : néant. Calme plat. Monsieur X aurait-il renoncé? Mais, le matin du cinquième jour-Mile Biche, levée tôt comme à l'accoutumée, avait exécuté quelques mouvements de culture physique au jardin. Rentrée dans sa cuisine, elle but une tasse de café, puis se mit à préparer la pâtée du caniche. Cela fait, elle apparut sur le seuil et claironna :

« Hercule, ta soupe! »Cette invite n'eut aucun effet. Un deuxième, puis un

troisième appel, pas davantage.« Etonnant! dit-elle tout haut. Depuis qu'il vit au grand

air, Hercule a un de ces appétits...! »Pendant ce temps, les Trois N s'étaient levés à leur

tour. Noël, le premier arrivé, saisit cette réflexion au vol et s'écria :

« Je vais voir s'il est dans sa niche! »La maisonnette du chien était vide, mais Mlle Biche

ne s'inquiéta pas outre mesure.« C'est un petit vagabond. Tant pis pour lui s'il jeûne!»

dit-elle seulement.Mais, les heures s'écoulant sans que le caniche

réapparût, la vieille demoiselle devint soucieuse. « Jamais il n'est resté absent aussi longtemps! » remarqua-t-elle.

Inquiets à leur tour, les Trois N décidèrent de

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partir à sa recherche. Ce fut en vain qu'ils fouillèrent le jardin, puis les chemins alentour.

Vers onze heures, Noël aperçut le facteur qui faisait sa tournée à bicyclette, et alla ouvrir la boîte aux lettres. Elle contenait peu de choses : un journal, deux prospectus et une lettre. Le jeune garçon remit le courrier à sa destinataire. Celle-ci jeta un coup d'œil aux prospectus, parcourut le journal, et, enfin, décacheta l'enveloppe. Elle en sortit une simple feuille blanche, qu'elle déplia. Et alors... ses yeux s'agrandirent, sa bouche s'ouvrit sans qu'un seul son en sortît. Les enfants l'observaient, intrigués, puis inquiets. Pourquoi la lecture de cette lettre lui faisait-elle un tel effet?

« Re... regardez! » put enfin articuler Mlle Biche.Sur le feuillet qu'elle tendit aux Trois N, il n'y avait

pas un seul mot d'écrit. Par contre, collée au beau milieu par un morceau de scotch, on voyait une touffe de poils d'un brun tirant sur le gris.

« Qu'est-ce que ça peut bien être? questionna la fillette ébahie. On dirait des cheveux!

— Pas des cheveux, mais des poils, rectifia Noël. Des poils d'Hercule.

— Hercule, bien sûr, répéta Mlle Biche. Voilà pourquoi il avait disparu.

— Vous voulez dire que... qu'on l'a . enlevé? demanda Nathalie accablée.

— Kidnappé, en quelque sorte? précisa Nick.— Sans aucun doute.— C'est donc bien Monsieur X, déduisit Noël.

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Il a dû venir très tôt ce matin, et si Hercule a aboyé nous n'avons rien entendu.

— Mais dans quel but? questionna son cousin. Et à quoi rime cette lettre sans paroles? C'est à Se demander s'il ne s'agit pas d'une mauvaise plaisanterie!

— Je crois au contraire que l'affaire est sérieuse, affirma l'aîné du trio. Si le type s'est donné toute cette peine, c'est pour obtenir quelque chose... cette chose qu'il avait cherchée en vain l'autre jour, de toute évidence. »

Nick s'empara de l'enveloppe (pièce à conviction numéro 3) et l'examina soigneusement : elle était blanche, très ordinaire, et portait une adresse écrite en caractères d'imprimerie, probablement découpés dans un journal.

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« De plus, elle n'est pas timbrée, remarqua-t-il.Preuve que c'est Monsieur X qui l'a glissée dans la

boîte, et non le facteur. »Il la rejeta d'un geste rageur et conclut : « Aucune

indication utile. Pas la moindre piste. Il n'y a donc rien à faire contre cet affreux bonhomme?

— S'adresser à la police, peut-être? » suggéra Noël.Mlle Biche protesta avec vivacité.« Certes non! Si je porte plainte pour l'enlèvement

d'un chien, on ne me prendra pas au sérieux! »Nathalie était au bord des larmes.« Le pauvre petit Hercule! Est-ce qu'on le reverra un

jour?— Mais bien sûr! affirma la vieille demoiselle, qui

semblait reprendre peu à peu son énergie coutumière. Vous verrez : nous aurons de ses nouvelles d'ici peu.

— Par une lettre? demanda Nick.— Ou par téléphone. Le ravisseur ne s'arrêtera pas là,

c'est évident. »Elle considéra le trio d'un air pensif et poursuivit : « Je

vous conseille même la prudence, mes enfants. Vous, les garçons, veillez particulièrement sur Nathalie. Et toi, ma fille, ne t'aventure pas dehors toute seule.

— On ne va tout de même pas l'enlever, elle aussi? » demanda Nick d'un air de doute.

Son esprit taquin reprenant le dessus, il ajouta : « Entre elle et Hercule, il y a une drôle de différence de poids!

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— On ne sait jamais! insista la vieille demoiselle. J'éprouve déjà beaucoup de peine pour mon chien, ce serait bien pis s'il s'agissait de l'un de vous! »

Elle se leva soudain, comme mue par un ressort. «Allons, inutile de nous laisser abattre. Cela ne ramènera pas Hercule. Nous avions un programme pour aujourd'hui? Suivons-le comme si de rien n'était. »

Entraînés par son exemple, les Trois N retrouvèrent courage et entrain. Et ce jour ressembla aux précédents, à ceci près que le joyeux petit caniche n'était pas là pour égayer les habitants de la villa.

Mlle Biche paraissait bien supporter l'épreuve. Une seule fois, Nathalie l'entendit soupirer en regardant la « lettre » du ravisseur. Donc, elle avait du chagrin, mais s'efforçait de ne pas le montrer.

Les Trois N, bien décidés à retrouver le ravisseur d'Hercule, redoublèrent de vigilance. Si Monsieur X se manifestait à nouveau, peut-être serait-il possible de le prendre sur le fait? La boîte aux lettres fut l'objet d'une surveillance toute spéciale.

Hélas! L'inconnu se montra plus malin qu'eux. Il dut profiter de leur sommeil, car, deux jours plus tard, à leur lever, ils trouvèrent une nouvelle missive. Elle était identique à la première : même enveloppe, même feuillet avec une touffe de poils collés par du scotch. Par contre, un texte l'accompagnait, écrit lui aussi en caractères d'imprimerie :

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MADEMOISELLE,

COMME VOUS L'AVEZ SUREMENT COMPRIS, VOTRE CANICHE EST ENTRE MES MAINS. SI VOUS VOULEZ QU'IL VOUS SOIT RENDU, IL FAUDRA ME REMETTRE LES TROIS TABLEAUX SIGNES «BICHE» QUI DEVRAIENT ETRE DANS VOTRE GRENIER. DES INDICATIONS VOUS SERONT DONNEES ULTERIEUREMENT SUR LA DATE ET LE LIEU DE CET ECHANGE.

C'était tout. Pas de signature. Une lettre parfaitement anonyme.

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CHAPITRE III

Un coup de téléphone

APRÈS un moment de silence oppressé, Mlle Biche commenta :

« Et voilà! Comme je le supposais, l'enlèvement d'Hercule avait pour but une demande de rançon. Nous voici donc fixés.

— Etonnant! D'habitude, on exige de l'argent, remarqua Nick.

— Et cette fois ce sont des tableaux, poursuivit Noël. Que comptez-vous faire, mademoiselle?

— Mais... les donner, naturellement! La vie d'Hercule est, à mes yeux, bien plus précieuse

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que ces trois mauvaises toiles. N'est-ce pas votre avis?— Je ne suis pas d'accord! déclara Nick en tapant du

pied.— Quoi! s'indigna sa sœur. Tu aimerais

mieux que Mlle Biche ne retrouve jamais son chien, mais garde ses tableaux?

— Pourtant, tu n'avais pas l'air de tellement les apprécier! ironisa Noël.

— Ce n'est pas ça, mais... céder aux menaces de ce type, ça me révolte.

— Le moyen de faire autrement? répondit son cousin. Moi aussi, je trouve ça écœurant. Cependant...

— A vrai dire, intervint Mlle Biche, tant pis pour les toiles puisque j'étais prête à les laisser au grenier. Mais je comprends mal la valeur que leur attribue le ravisseur d'Hercule.

— Une très grande, certainement, pour avoir monté tout ce scénario, commenta Noël. J'avoue que ça m'étonne.

— Peut-être que le grand-père de Mlle Biche était devenu un peintre célèbre? » supposa Nathalie.

La vieille demoiselle secoua la tête avec énergie.« Dans ce cas, tu penses bien que je l'aurais su! Non et

non! Mon aïeul peignait en amateur, et ses œuvres ne valent pas grand-chose.

— Alors, pourquoi? insista Nick.— Nous le comprendrons peut-être en les

regardant à nouveau? » proposa Noël.Tout le monde se rendit donc dans la chambre

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de Mlle Biche. Celle-ci décrocha le tableau suspendu au-dessus de son lit, l'inspecta soigneusement sous tous les angles et conclut :

« Je ne vois rien. »Ce fut au tour des Trois N de l'examiner. C'était une

peinture à l'huile, qui représentait une maison à demi cachée dans la verdure, et qui était rehaussée par un cadre blanc et or en relief. En retournant le tableau, on apercevait l'envers de la toile, d'un blanc uni, et le châssis sur lequel elle était clouée. Enfin, une cordelière fixée par deux pitons permettait de l'accrocher au mur.

Rien d'anormal là-dedans.« En somme, une honnête croûte sans mystère!

épilogua Nick, pompeusement.— Voyons les autres peintures », décida Noël.Mlle Biche les sortit du placard où elle les avait

reléguées, les regarda puis les passa aux enfants. L'une représentait un chalet de montagne devant lequel paissaient des vaches, l'autre un sous-bois en automne, la troisième un coucher de soleil sur la mer.

« La galerie des horreurs! » pensa Nick en riant sous cape.

Pour celles-ci, pas de cadre, mais, à l'arrière, un simple carton fixé au châssis par des punaises. L'examen fut donc rapide, et la conclusion identique.

Tandis que la vieille demoiselle remettait les tableaux dans le placard, Noël remarqua :

« Le plus étonnant, c'est que Monsieur X connaisse l'existence de ces toiles. Pour commencer, c'est le grenier qu'il fouille. Et maintenant,

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cette phrase : «... les trois tableaux signés Biche qui devraient se trouver au grenier. »

— Heureusement qu'ils avaient changé de place... grâce à moi! se rengorgea Nathalie.

— Tu devrais dire « par ma faute », rectifia Nick. S'ils étaient restés dans la vieille malle, le cambrioleur les aurait trouvés du premier coup, et n'aurait pas eu besoin de kidnapper Hercule. »

Voyant le visage de la fillette se rembrunir, Mlle Biche se hâta de prendre sa défense.

« Nathalie a cru bien faire. Le fautif, ce n'est pas elle, mais cet individu assez lâche pour s'attaquer à un petit chien sans défense. »

A voir le regard de la maîtresse d'Hercule, on devinait que l'amateur de « croûtes » passerait un mauvais quart d'heure, si elle le tenait!

Noël toussota discrètement.« Tout cela ne nous dit pas où Monsieur X a puisé ses

informations, remarqua-t-il. Qui pouvait savoir que vous possédiez ces tableaux dans votre grenier, mademoiselle?

— Eh bien... je ne vois pas du tout. Depuis mon emménagement, il y a deux semaines, je n'ai pas vu grand monde.

— Vos anciens locataires, peut-être? suggéra Nick.— Eux? Impossible. Un vieux couple que je connais

depuis vingt ans.— D'ailleurs, remarqua Noël, s'ils s'étaient

intéressés à ces tableaux, ils auraient pu s'en emparer avant leur départ.

— La femme de ménage, alors? supposa encore Nick.

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— Elle est partie en vacances avant que j'entre dans cette maison, répondit Mlle Biche.

— ... et ne porte sans doute pas des pantalons à carreaux, ajouta malicieusement Noël.

— Qui d'autre, alors? » demanda son cousin. Personne n'étant capable de lui répondre, il conclut d'un ton mélodramatique : « Le mystère est de plus en plus insondable! »

C'était vrai. Aussi les Trois N s'efforcèrent-ils, en attendant du nouveau, d'oublier « l'affaire des tableaux ».

Mais le lendemain les retrouva prêts à l'action.« En somme, remarqua Noël, le nœud de cette

histoire, ce sont les peintures. Il faudrait les regarder de plus près.

— D'accord! » acceptèrent ses cousins.

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Mais un nouvel examen des toiles ne leur permit pas de comprendre pourquoi Monsieur X y attachait tant de prix. Pourtant Nathalie, qui avait l'esprit très imaginatif, fit quelques suggestions :

« J'ai trouvé! dit-elle. Ce n'est pas la peinture qui importe, mais ce qu'elle représente.

— Oui, n'est-ce pas? ironisa son frère. Ces vaches, par exemple... je leur trouve un air assez louche. Peut-être détiennent-elles un secret? »

Il ajouta en gloussant de façon exaspérante : « Cette idée est tout simplement idiote.

— Bien sûr! Il n'y a que toi pour en avoir de géniales! protesta la fillette. D'ailleurs, tu n'as même pas compris ce que je voulais dire : peut-être qu'un des tableaux indique un endroit où il y a un trésor caché?

— Hum! douta Noël. Comment identifier un

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lieu quelconque? Un chalet, une forêt, la mer...— La mer surtout, c'est très... vague! » reprit Nick

pince-sans-rire.Et il conclut d'un ton catégorique : « Hypothèse

rejetée!— Alors, c'est la toile elle-même qui a de la valeur?

proposa encore Nathalie.— Une toile n'est jamais qu'une toile! riposta son

frère d'un air excédé.— Eh, eh! fit Noël, comme si une idée subite venait

de le frapper.— Que veux-tu dire avec ton « eh, eh? » s'irrita Nick.

Tu ne vas tout de même pas prendre au sérieux les élucubrations de ma sœur?

— Si, justement. Et j'ai très envie de vérifier quelque chose.

— Vérifier quoi? »Sans répondre, Noël s'empara de la toile représentant

une mer agitée, et, à l'aide de son canif, entreprit de gratter la peinture dans un angle.

« Dis donc, tu l'abîmes! s'indigna Nathalie. Que va dire Mlle Biche?

— Rien du tout, puisque de toute façon elle ne gardera pas ces tableaux. »

Mais il ne réussit qu'à mettre à nu un petit carré de toile blanche. Même résultat avec les trois autres tableaux.

« Résultat : néant! s'écria Noël déçu. « J'espérais...— ... qu'une autre peinture beaucoup plus précieuse

apparaîtrait en dessous? supposa Nick.— Exact. Il peut arriver qu'on peigne sur une toile déjà

peinte. Par exemple, quand il s'agit de

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transporter des tableaux volés. Il est facile ensuite de

faire disparaître le barbouillage superficiel.— Eh bien, nous nous sommes encore trompés, voilà

tout! » conclut Nick d'un air sombre.Un nouvel échec pour les Trois N, ce n'était pas pour

plaire à l'impatient jeune garçon!Au même moment, le téléphone sonna au rez-de-

chaussée. D'abord aucun des enfants ne bougea : Mlle Biche, qui était en bas, allait sûrement répondre. Mais comme la sonnerie persistait, Nick se décida. Il sortit de la chambre en courant et dévala l'escalier. Nathalie le suivit, et, dans sa hâte, accrocha au passage l'un des tableaux. Celui-ci tomba par terre, mais la fillette emportée par son élan ne s'en rendit pas compte. Par contre Noël, qui s'élançait à son tour, revint sur ses pas pour ramasser la toile.

Pendant ce temps, Nick arrivait près du téléphone à l'instant précis où Mlle Biche décrochait enfin. Elle lui fit signe de prendre l'écouteur. Après une série de « bip-bip-bip », une voix nasillarde se fit entendre :

« Allô! mademoiselle Biche?— Oui, c'est bien moi. Qui est à l'appareil?— Peu importe. C'est au sujet du chien. Vous avez

reçu mes lettres?— Ou... i, bredouilla la maîtresse d'Hercule.— Et vous acceptez mes conditions?— Bien obligée! »A cet instant précis, Noël pénétra dans la pièce en

coup de vent, bousculant Nathalie qui était restée sur le seuil. Il brandissait le tableau, et,

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contrairement à son habitude, paraissait très agité.Surprise, Mlle Biche mit sa main sur le micro et

l'interrogea du regard.« Essayez... de... gagner... du temps! » haleta le jeune

garçon.La vieille demoiselle hocha la tête pour dire qu'elle

avait compris, et se mit à réfléchir. A l'autre bout du fil, Monsieur X parut s'impatienter.

« Allô! Vous m'écoutez?— Oui, oui! se hâta de répondre la maîtresse

d'Hercule.— Je répète mes instructions : vous apporterez les

trois tableaux demain matin mercredi, à six heures, dans le square Jean-Jacques-Rousseau. Vous déposerez le paquet sur le banc le plus proche de la statue, et vous vous éloignerez sans vous retourner. Cinq minutes plus tard, vous reviendrez : le chien vous attendra, attaché au même banc.

— J'ai bien entendu, répondit Mlle Biche, mais le délai que vous me donnez est trop court.

— Et pourquoi donc?— Les toiles ne sont plus chez moi.— Quoi! rugit la voix à l'autre bout du fil. Vous les

avez données?— Non! prêtées seulement. Décidée à m'en

défaire, j'ai voulu auparavant demander l'avis d'une personne qui s'y connaît en peinture.

— Pouvez-vous les récupérer?— Oui, si vous m'en donnez le temps. Je ne

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suis pas sûre de pouvoir contacter cette personne ce soir, et...

— C'est bon! coupa l'interlocuteur invisible : je vous accorde vingt-quatre heures de plus. A jeudi matin donc, dernier délai. »

Une légère pause suivit, puis il ajouta d'un ton menaçant : « Surtout, ne vous avisez pas de mêler la police à cette affaire : vous vous en repentiriez. »

II y eut un déclic : Monsieur X venait de raccrocher. D'une main tremblante Mlle Biche fit de même. Après quoi elle se tourna vers Noël.

« Eh bien, tu es satisfait? M'expliqueras-tu, enfin...— Il y a un fait nouveau, mademoiselle! dit

précipitamment le jeune garçon. J'ai découvert, sur l'envers d'une des toiles, une autre peinture signée « VINCENT ».

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CHAPITRE IV

Une piste

« QUE DIS-TU? Une autre peinture, au dos du \J tableau de mon grand-père! s'écria Mlle Biche, l'air abasourdi.

— Voyez vous-même », dit Noël, en lui tendant la toile retournée.

La vieille demoiselle s'en empara, et se mit à l'examiner. Pendant ce temps, Nick interrogeait son cousin:

« Comment as-tu fait pour découvrir ça?— Le hasard, simplement. Tout à l'heure, quand

Nathalie a fait tomber ce tableau...— Maladroite, comme toujours! interrompit le

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plus jeune des garçons. Mais cette fois, c'est une maladresse dont il faut peut-être la féliciter?

— En effet. J'ai constaté, en ramassant le tableau, que le carton fixé derrière s'était partiellement détaché pendant la chute. En glissant un œil, j'ai vu que l'arrière était peint, lui aussi. Alors j'ai enlevé complètement le carton, et la signature m'est apparue : Vincent.

— Peut-être que ce Vincent était un meilleur peintre qu'Auguste Biche? » supposa Nathalie.

A ce moment, une exclamation de la vieille demoiselle attira l'attention des Trois N :

« Pas de doute! Ce tableau est un Van Gogh. »Ces paroles produisirent un effet de stupeur.« Un... Van... Gogh! balbutia Nick. Vous... vous en

êtes certaine?— Absolument. Sans être moi-même artiste, j'ai

beaucoup fréquenté les musées, tu sais. Et je connais la manière de ce peintre... sa façon d'utiliser la couleur, surtout.

— Pourtant, objecta Noël, ce tableau n'est pas signé « Van Gogh », mais « Vincent ».

— Raison de plus. Je sais que l'artiste signait la plupart du temps de son prénom : Vincent, justement.

— Et les deux autres peintures, est-ce que ce sont aussi des Van Gogh? demanda Nathalie.

— C'est vrai qu'on les oubliait, celles-là! J'y vais! » lança Nick.

Il bondit hors de la pièce, et revint très vite avec les deux toiles. Fébrilement, il détacha l'un des cartons, tandis

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que Noël faisait de même avec l'autre. Il y avait bel et bien une peinture au dos de chaque tableau : la première représentait une nature morte, la seconde un portrait d'homme. Toutes deux également signées « Vincent ».

« Encore des Van Gogh! » triompha Nick.Il ajouta en se frappant le front : « Mais alors... ça

change tout! Si on l'avait su avant le coup de fil...— Cette découverte est venue trop tard!

regretta Noël.— Pourquoi trop tard? répliqua Mlle Biche. Même si

je l'avais su, j'aurais accepté les conditions du ravisseur d'Hercule. Je tiens à mon chien, figure-toi!

— Trois Van Gogh contre un caniche! commenta Nick. On peut dire de lui : « Mon cher petit chien! »

— Parce que, les Van Gogh, ça se vend très cher? demanda Nathalie qui n'avait que de vagues notions en peinture. Il s'agit bien... euh... d'un peintre belge?

— Hollandais, rectifia Noël. Qui a vécu au siècle dernier.

— Et pour ce qui est de la valeur de ces peintures, tu peux y aller! poursuivit Nick. Chacune d'elles vaut des centaines de milliers de francs.

— Oh! fit la fillette subjuguée. Ainsi, mademoiselle, vous possédiez toute cette fortune sans le savoir?

— Mais oui, et j'en suis la première étonnée, répondit la propriétaire des « Charmilles ». Sans toi, d'ailleurs, j'aurais probablement fini par me débarrasser de ces toiles. Eh bien, je t'avoue que j'aimerais mieux les savoir à la

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poubelle qu'aux mains de cet individu!— Le mieux, ce serait de les garder, VOUS! s'écria

Nick.— Impossible, à moins de sacrifier Hercule, ce à

quoi je me refuse catégoriquement.— Alors, il faut essayer de le délivrer sans remettre

les tableaux. Oh! Une idée : on pourrait en donner de faux?— Que tu te procurerais comment? objecta Noël.

D'ailleurs, tu penses bien que Monsieur X s'en apercevrait: c'est sûrement un connaisseur. »

II se tourna vers Mlle Biche : « Mais comment se fait-il que vous ayez ces toiles, mademoiselle? »

La maîtresse d'Hercule resta un instant songeuse.« Oui, dit-elle enfin, je crois savoir comment elles se

trouvent en ma possession. Mon grand-père, qui aimait protéger les arts, recevait souvent chez lui de jeunes peintres peu fortunés. Ensuite, il les oubliait généralement. L'un d'eux, cependant, avait laissé une trace plus profonde dans son souvenir. Il montrait un tel acharnement à peindre d'après nature, qu'un jour, voulant prendre un cheval comme modèle, il en a reçu un coup de sabot. Si bien que mon grand-père a dû l'héberger un mois entier dans cette maison pour lui permettre de se rétablir.

— Et celui-là, c'était Van Gogh? Votre grand-père vous a raconté l'histoire? questionna Nathalie.

— Pas à moi, mais à mon père qui m'a transmis ce souvenir.

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A vrai dire, mon grand-père lui avait seulement parlé d'un peintre pauvre et obscur qu'il connaissait sous le nom de « M. Vincent ». Bien entendu, ni mon père ni moi n'avons fait le lien avec Van Gogh, devenu célèbre. Cela nous aurait paru trop invraisemblable.

— Invraisemblable, mais vrai! remarqua Nick.— Mais alors... ces peintures? insista Noël.— Ah, oui! Eh bien, je suppose qu'après son séjour

ici, Van Gogh, pour remercier son hôte, lui a laissé ses dernières œuvres.

— Je vois! poursuivit Nick. Votre grand-père a dû un jour manquer de toile neuve et a tout bonnement retourné celles de Van Gogh, qu'il jugeait sans valeur.

— Si bien que ces tableaux sont devenus des

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« Biche », conclut Noël, et que personne n'a songé à les retourner.

— D'autant plus, ajouta la vieille demoiselle, que mon père s'est expatrié, et a fort peu séjourné dans cette maison. Aussi est-elle passée aux mains de locataires successifs... jusqu'à ce que je la récupère moi-même.

— ... et les Van Gogh par-dessus le marché, acheva l'aîné du trio.

— Pas pour longtemps! » soupira Nathalie. Nick tapa du poing sur la table.

« IL-NE-FAUT-PAS-LES-DON-NER! scanda-t-il avec force.

— C'est aussi mon avis renchérit son cousin.— Ah oui! répondit Mlle Biche. Et c'est sans doute

pour ça que tu m'as demandé de gagner du temps? Ce que j'ai fait, moyennant un gros mensonge...

— ... qui n'en est pas un, du moment que vous mentiez à un voleur! rétorqua vivement Nathalie.

— Légitime défense, en somme! ajouta Kick.— Je veux bien. Mais à quoi servira ce délai de vingt-

quatre heures que j'ai obtenu de Monsieur X? A prolonger d'un jour la captivité d'Hercule. Or, je tiens à le récupérer au plus vite... et surtout vivant.

— Laissez-nous au moins faire une enquête! s'exclama le jeune garçon.

— Je ne peux vous permettre de courir un danger quelconque. Si cet homme sans scrupule vous trouve sur sa route... »

Nick allait insister, mais Noël lui fit signe de se taire : mieux valait ne pas inquiéter leur vieille

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amie, déjà assez préoccupée du sort de son caniche.Par contre, un peu plus tard, les Trois N s'arrangèrent

pour se retrouver dans une partie du jardin où, parmi la végétation touffue, se trouvait un vieux banc. Les enfants, dès leur arrivée, avaient découvert ce coin et l'avaient annexé pour leurs délibérations secrètes.

Ils s'y installèrent donc, et la discussion reprit :« Je crois que nous sommes tous d'accord, déclara

Nick. Mlle Biche, par affection pour son chien, s'apprête à faire une énorme bêtise. Nous DEVONS l'en empêcher.

— Je pense comme toi », approuva Noël. Seule, Nathalie était hésitante.

« Oui, mais... Hercule, dans tout ça? En intervenant, nous le mettons en danger.

— Il ne craint rien pour le moment, répondit son cousin. Et nous avons un jour et demi pour agir, avant l'échange.

— C'est peu! dit la fillette.— Aussi faut-il nous y mettre sans tarder! décréta

Nick.— Excellente décision, mais que proposes-tu?

demanda malicieusement Noël.— Eh bien... euh... je ne vois pas tellement.— Moi non plus », avoua Nathalie. Noël éclata de

rire.« Drôles de chasseurs, qui ne savent pas où chercher le

gibier!— Et toi, tu le sais sans doute mieux que nous?

riposta son cousin, l'air vexé.

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— Mettons que j'aie un commencement de piste.— Dis vite!— L'encadreur.— Eh bien, quoi, l'encadreur?— Celui qui a encadré le quatrième tableau, pardi!— La peinture accrochée dans la chambre de Mlle

Biche, demanda Nathalie, et qui représente sa maison?— Tout juste.— Oh, alors, elle n'a rien de génial, ton idée!

remarqua Nick désappointé. Ce tableau-là, c'est le seul qui soit un Biche côté face, et rien côté pile.

— Justement! C'est un peu bizarre, vous ne trouvez pas?

— Non, rétorqua Nick. Il arrivait tout de même à Auguste Biche de peindre sur des toiles qui ne soient pas des Van Gogh retournés, tu ne crois pas?

— Evidemment, mais...— Ce que tu peux être mystérieux! Déballe-la

complètement, ton idée, et les demeurés que nous sommes pourront enfin comprendre. »

Noël secoua la tête.« C'est encore trop vague dans mon esprit... juste une

impression. Mais je CROIS que nous devrions rendre visite à cet encadreur.

— Après tout, nous n'avons pas le choix : allons-y! décida Nick en se levant d'un bond. Mais d'abord, il faut demander l'adresse à Mlle Biche.

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— Ah, non! protesta Nathalie. Tu sais bien que l'enquête doit rester secrète!

— C'est vrai. Alors comment faire?— Simple : il suffit de regarder dans

l'annuaire, suggéra Noël. Les noms et adresses des encadreurs de Brunières doivent s'y trouver.

— Lumineux... à condition qu'il n'y en ait pas une douzaine!

— Pour Brunières, ce serait beaucoup! » Effectivement, à la rubrique « encadrements »,

les enfants ne trouvèrent que deux noms. Et comme le dénommé Gustave Boudon tenait boutique rue de la Vannerie, et était le plus proche de l'impasse des Acacias, les Trois N décidèrent de commencer par lui.

Prétextant un achat d'illustrés, ils quittèrent donc la villa. Leurs emplettes furent vite expédiées, bien que Nick fît en plus l'acquisition d'un stock de chewing-gum. Puis le trio se rendit droit chez l'encadreur, dont le magasin minuscule attirait l'œil avec sa peinture d'un vert criard.

L'artisan, petit homme râblé, vif et souriant, raccompagnait un client chargé d'un grand tableau empaqueté. Il tint la porte ouverte aux arrivants, et demanda avec un fort accent méridional :

« Et pour ces jeunes gens, ce sera?— Euh... un renseignement, au sujet d'un

tableau que vous avez dû récemment encadrer pour Mlle Biche », expliqua Noël.

M. Boudon plissa le front, puis sa figure joviale s'éclaira.

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« Mlle Biche? Mais oui, je m'en souviens! Une personne toute menue, accompagnée d'un chien. Et le tableau était une peinture à l'huile représentant une maison.

— Exact! répondit Nick, qui pensa : « Quelle chance! Nous avons mis dans le mille du premier coup. »

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CHAPITRE V

Bus n°4

L'ENCADREUR parut réfléchir, puis fronça les sourcils.« Est-ce qu'il y a quelque chose qui ne va pas, pour ce

cadre?— Non, mais... »Noël n'eut pas à donner tout de suite les laborieuses

explications qu'il avait préparées en chemin, car son interlocuteur était lancé.

« Ah! bon, vous me rassurez! Parce que, ce travail, ce n'est pas moi qui m'en suis chargé. A ce moment-là j'avais des commandes par-dessus la tête, si bien que je l'ai confié à Bernard.

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— Bernard? interrogèrent les Trois N d'une seule voix.

— Eh, oui, Bernard Mallet, mon apprenti. Oh, il ne manque pas d'habileté! C'est plutôt le goût du travail qui lui fait défaut. Et des fois qu'il aurait bâclé ce cadre...

— Peut-on le voir, ce Bernard? demanda vivement Nick.

— Vous n'avez pas de chance, pechère! Il m'a quitté il y a juste une semaine, sous prétexte que le travail était trop pénible, justement. »

Le visage du petit homme exprima soudain la méfiance. « Mais enfin, qu'est-ce que vous lui voulez, à ce garçon? Puisque vous dites que pour le cadre, ça peut aller... »

Noël se hâta de débiter sa fable : « Eh bien, voilà. Quand Mlle Biche est venue apporter ce tableau, elle l'avait mis dans un sac en même temps que des papiers... euh... de Sécurité sociale. Or, elle ne les a plus retrouvés. Alors elle pense... elle suppose...

— ... qu'ils sont restés ici? acheva l'artisan. Des papiers, dites-vous? Moi, je n'en ai pas trouvé. Bernard non plus, sans quoi il me les aurait remis.

— Peut-être qu'en l'interrogeant lui-même... Au fait, vous pourriez nous donner son adresse? suggéra l'aîné du trio d'un ton qu'il voulait persuasif.

— Hum! Je ne sais pas si je dois... » hésita M. Boudon, tout en jaugeant du regard ses jeunes interlocuteurs. De toute évidence, il « gobait » mal cette histoire de papiers. Noël se

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dit qu'il aurait dû inventer autre chose, mais il était trop tard!

Soudain la physionomie de l'encadreur s'éclaira, comme s'il éprouvait une joyeuse surprise. Les enfants, remarquant qu'il avait les yeux fixés sur la porte, se retournèrent : ce fut pour voir un grand garçon blond, vêtu d'un blue-jean et d'un polo délavés, qui s'approchait de la boutique à longues enjambées.

« Té, le voici justement, Bernard! s'exclama le commerçant. Il m'avait bien dit qu'il reviendrait chercher ses affaires, mais sans préciser le jour. C'est une chance pour vous, pas vrai? Vous allez pouvoir lui poser votre question. »

Une chance? Les Trois N n'en étaient pas tellement persuadés. Si Bernard était impliqué dans l'affaire des tableaux, une rencontre n'était guère souhaitable. Mais comment l'éviter? Déjà le jeune homme ouvrait la porte, et, sans prêter attention au trio, lançait :

« Salut, patron! Je viens chercher ce que j'ai laissé chez vous, et vous dire adieu par la même occasion.

— Tu tombes bien, répondit l'encadreur. Il y a ici trois jeunes clients qui insistent pour te voir. Il s'agit d'une histoire de papiers égarés, et ces papiers, d'après eux, accompagnaient le tableau que tu as encadré pour Mlle Biche. »

Bernard tourna brusquement vers les Trois N un visage boutonneux où luisaient deux petits yeux bleus. Noël crut y voir passer un éclair de méfiance. Mais c'est d'un ton calme que le grand garçon répondit :

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« Des papiers? Je n'en ai pas vu. Mille regrets!— Ça ne fait rien, dit précipitamment l'aîné du trio.

Au revoir, et merci quand même. »Et il poussa les deux autres vers la porte, croyant

sentir dans son dos les regards moqueurs ou hostiles de l'encadreur et de son ex-employé.

Le trio n'échangea pas une parole tant qu'il fut en vue du magasin. Il remonta rapidement la rue, qui donnait sur une petite place où se dressait un marché couvert. Nick éclata :

« Pour une enquête ratée, c'est une enquête ratée! Désormais nous sommes brûlés, tant auprès de M. Boudon que de ce Bernard-je-ne-sais-quoi.

— Mallet, précisa Noël sans s'émouvoir.— Il ne me plaît pas, ce garçon! déclara Nathalie. Ce

qu'il peut être antipathique! »Nick haussa les épaules d'un air excédé.« Comme toujours, tu juges les gens sur la mine. Il ne

te plaît pas! Mais est-ce que ça prouve qu'il est coupable?— Certes non, intervint Noël. Par contre, il y a une

preuve bien meilleure : sa réaction lorsque son patron a parlé du tableau de Mlle Biche. J'ai nettement senti qu'il tiquait.

— Moi aussi, reconnut son cousin. Raison de plus pour regretter qu'il nous ait repérés. Comme je le disais, c'est une enquête manquée.

— Pas complètement, rectifia Noël. Nous avons au moins appris le nom de ce suspect.

— Mais pas son adresse. Il est vrai que ton histoire de papiers n'était pas très convaincante!

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— J'avoue qu'elle était plutôt tirée par les cheveux.— Dis donc, intervint Nathalie s'adressant à son frère,

tu n'avais qu'à en trouver une meilleure, toi qui as la langue si bien pendue! »

Noël sourit à la fillette et remarqua :« Nous serions tout de même parvenus à nosfins, si ce Bernard n'était arrivé comme un chiendans un jeu de quilles.— Et maintenant, bernique! » grommela Nick. Mais

soudain il se frappa le front et s'écria :« Suis-je idiot! Il y a quand même quelque chose à

faire : filer ce garçon, quand il sortira de la boutique.— J'y ai pensé, dit Noël. Mais maintenant qu'il nous

connaît, impossible de passer inaperçus.— C'est vrai qu'à trois nous sommes trop

voyants. Mais moi tout seul?— Pourquoi toi?— Réfléchis un peu : s'il en a repéré un, suggéra

Nick, c'est mon cher cousin, pour la bonne raison qu'il a été le seul à lui parler. »

Noël hésita, puis se rendit.« C'est d'accord, mais sois prudent, et reviens illico

dès que tu penseras qu'il a éventé ta présence.— Promis. »A ce moment, Nathalie, qui, depuis l'angle de la place,

guettait la rue de la Vannerie, annonça très excitée :« Le voilà qui sort! Et... il se dirige vers nous.— Vite, disparaissez! ordonna Nick avec de grands

gestes. Tenez, dans cette allée, là-bas! »

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Il ne fut rassuré qu'en voyant disparaître sa sœur et son cousin dans le passage obscur. Alors il courut jusqu'au marché couvert, s'adossa à un pilier et fit semblant de se plonger dans la lecture de l'illustré qu'il venait d'acheter. Bernard Mallet sortit de la rue de la Vannerie et traversa la place en oblique, passant tout près de Nick sans lui accorder un regard : preuve qu'il ne l'avait pas reconnu.

« Il a l'air préoccupé, se dit le jeune garçon. Sans doute l'histoire du tableau qui le travaille? »

Dès que le jeune homme se fut engagé dans une autre rue, Nick lui emboîta le pas. Ce fut une filature aisée : Bernard Mallet gagna une partie de la ville assez animée pour que son suiveur pût passer inaperçu. Une seule fois, Nick craignit de le perdre : l'ex-apprenti entra en effet dans un grand magasin d'alimentation où le jeune garçon n'osa pas le suivre. Il se contenta de l'attendre en inspectant la vitrine la plus proche, faisant des vœux pour que la boutique n'ait pas deux sorties. Mais l'adolescent reparut bientôt, les bras chargés de sacs en papier. Il repartit de sa même démarche allongée, sans tourner la tête une seule fois.

Et brusquement, -il s'arrêta, pour se mêler à un groupe de gens qui attendait sur le trottoir.

« Un arrêt de bus! » conclut Nick.Que faire? Se mettre à la queue, bien sûr.

Heureusement, pendant qu'il hésitait, un gros homme s'était glissé entre lui et Bernard. Caché par lui, le jeune garçon chercha dans ses poches de la monnaie pour payer sa place.

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Catastrophe! Il ne trouva que quelques centimes égarés dans le fouillis qui les encombrait. Par contre, elles étaient bourrées de paquets de chewing-gum.

A ce moment, dans un grand bruit de freins, le bus vint stopper devant les voyageurs. C'était le numéro 4. Tous ceux qui attendaient y montèrent... sauf Nick.

Celui-ci, la rage au cœur, vit Bernard Mallet s'installer à l'intérieur et il lui sembla que, derrière la vitre, il lui jetait un coup d'œil goguenard. Mais c'était sûrement une illusion.

Le jeune garçon, lui, resta planté sur le trottoir, à regarder s'éloigner le véhiculé qui emportait son « gibier ». Que faire d'autre? Il savait trop bien que les contrôleurs de bus n'acceptent pas d'être payés en chewing-gum!

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CHAPITRE

VI Une étoffe tricolore

NICK commençait à s'éloigner, du pas traînant de celui qui vient de subir une défaite, lorsqu'il se ravisa : il y avait tout de même quelque chose à tirer de l'aventure. A l'arrêt du bus, une affiche indiquait les endroits desservis. Le jeune garçon releva différents noms de rues, et, pour finir, celui d'un village : Lormier. Bien entendu il connaissait, pour y être passé à plusieurs reprises en auto ou à vélo, cette petite bourgade située à six ou sept kilomètres de Brunières. Mais, même en admettant que Bernard Mallet se rende jusque-là, le renseignement était vague!

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Et c'est d'un cœur à peine plus léger que Nick reprit le chemin de la villa « Les Charmilles », très mortifié d'avoir à raconter aux deux autres comment il s'était fait semer, faute d'avoir su économiser.

Or, tout en marchant, il se dit qu'il y avait cependant quelque chose de plus à tenter : dans l'hypothèse où Bernard habitait Lormier, peut-être son nom figurait-il dans l'annuaire du téléphone?

« Une vérification à faire en rentrant », pensa-t-il.Mais au fait, pourquoi attendre d'être chez Mlle

Biche? A la poste, il obtiendrait tout aussi bien le renseignement. Et s'il trouvait l'adresse cherchée, sa rentrée serait moins piteuse.

Qu'à cela ne tienne! Un léger crochet, et le jeune garçon put bientôt feuilleter l'annuaire du département. Hélas! A Lormier, aucun des rares abonnés ne portait le nom de Mallet.

« J'aurais dû m'en douter, se dit-il, frappé par un souvenir. Ces « bip-bip-bip », quand le type a appelé Mlle Biche, prouvent qu'il téléphonait d'un poste public. »

Allons! Il fallait se résigner à affronter les moqueries des deux autres. Et même, pour en finir au plus vite, le jeune garçon prit un raccourci et traversa un jardin public, très animé à cette heure. Des enfants se poursuivaient en criant dans les allées, tandis que leurs mères tricotaient ou bavardaient en les surveillant.

Tout ce bruit, cependant, n'arrivait pas à troubler le sommeil d'un clochard qui dormait,

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allongé sur un banc. Il est vrai que l'endroit était un peu en retrait, car des haies de fusain l'entouraient sur trois côtés.

« En voilà un qui n'a pas de frais d'hôtel! » pensa Nick avec amusement.

Alors qu'il passait à la hauteur de l'homme endormi, il détailla son accoutrement assez pittoresque : un chapeau de paille à demi défoncé lui couvrait le visage, ne laissant dépasser qu'une barbe grise embroussaillée. Sa veste effrangée où manquaient deux boutons sur trois avait une teinte indéfinissable. Par contre, le pantalon...

LE PANTALON! Nick s'arrêta pile, figé de stupeur. Puis un sentiment de triomphe balaya d'un coup l'amertume de la défaite. Contrairement au reste, ce pantalon était presque neuf, et taillé dans un tissu à carreaux où l'on distinguait trois teintes : le blanc, le gris et le rosé.

« Ce clochard serait-il Monsieur X? » se demanda le jeune garçon.

C'était peu probable lui sembla-t-il. Pourtant, il était à peu près sûr de reconnaître cette étoffe. Pour mieux s'en convaincre, il chercha, et trouva, au fond d'une de ses poches, le fragment de tissu retiré de la gueule d'Hercule : c'était exactement le même.

Mais peut-être existait-il plusieurs personnes portant des pantalons semblables, dans la ville de Brunières? La preuve irréfutable, Nick l'obtiendrait en repérant l'accroc qu'y avaient fait les dents du chien. Or, l'examen était difficile, car l'homme était couché sur le dos, si bien que l'arrière du pantalon restait invisible. Avec précaution,

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et après s'être assuré que personne ne l'observait le jeune garçon souleva une jambe du dormeur, puis l'autre.

Victoire! Sur celle de gauche, il aperçut, à mi-mollet, une pièce grossièrement cousue dont la couleur rappelait de fort loin celle du pantalon. De toute évidence elle avait été placée là pour boucher un trou.

A ce moment le clochard se souleva si brusquement, que Nick, surpris, sauta en l'air. Une voix râpeuse grommela :

« Dites donc, vous gênez pas! En voilà des façons de tirer les pieds des honnêtes gens! Si c'est pour vous asseoir, y avait encore de la place au bout du banc. »

Tout en parlant, l'homme s'était redressé, et, d'un air digne, ajustait le vieux chapeau sur son crâne hirsute. Il avait le visage plissé, le nez rouge et les yeux malins.

« Je... je ne... voulais pas... m'asseoir! bafouilla le jeune garçon. Je... regardais... euh... votre pantalon.

— Eh bien, quoi, mon pantalon? Je ne l'ai pas volé, tout de même! Apprenez que le père Zidore n'a jamais fait de tort à personne.

— Bien sûr! se hâta d'approuver Nick. Seulement il... il est... particulier. Je suppose que quelqu'un vous l'a donné? »

Au lieu de répondre, le dénommé Zidore, de ses yeux malicieux, détailla longuement son jeune interlocuteur. Celui-ci, gêné, dansait d'un pied sur l'autre.

« On est curieux, hein? dit enfin le vieux bonhomme. Mais on a l'air sympathique, ça oui! Aussi, mon

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petit gars, je vais te dire d'où je le tiens, ce pantalon sélect.»

Il se pencha confidentiellement vers Nick qui s'était décidé à s'asseoir, et déclara : « Je l'ai trouvé dans une poubelle.

— Dans une poubelle! » répéta le garçon, un peu découragé. Une poubelle, c'est quelque chose d'anonyme, surtout si elle est commune aux occupants d'un immeuble. Il avait espéré que le père Zidore connaîtrait le nom du donateur.

« Eh oui! poursuivait ce dernier. Y en a qui sont pas économes, tout de même! Aller jeter un pantalon en si bon état, juste parce qu'il a un petit trou! Pourtant ce n'était pas précisément une maison de riches...

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— Vous vous souvenez donc de l'endroit? demanda Nick reprenant espoir.

— Mais naturellement! J'ai comme qui dirait mon quartier réservé, et la rue Chopin en fait partie.

— Rue Chopin... répéta Nick. Est-ce que par hasard vous vous souvenez du numéro?

— Non, mais je peux te dire que c'est tout près de la boutique d'un marchand de légumes. Justement, ce jour-là, j'y ai trouvé un cageot de pêches à peine abîmées.

— Eh bien, merci beaucoup, monsieur! » lança le jeune garçon, qui bondit sur ses pieds et partit en courant.

Mais il revint presque aussitôt : cet homme lui avait rendu un fier service, il convenait de le remercier. Seulement, voilà! La poche de Nick était toujours aussi vide... vide de monnaie, en tout cas. Alors, pour marquer le coup, il demanda au père Zidore :

« Ça vous ferait plaisir, un paquet de chewing-gum?— Pourquoi pas, mon gars? C'est toujours bon à

mâcher, pas vrai? »Le clochard et le jeune garçon se serrèrent la main,

comme de vieux amis.Ensuite, Nick vola plus qu'il ne courut jusqu'à la villa

« Les Charmilles ». Comme il s'y attendait, Noël et Nathalie faisaient le guet devant le portail. Leur visible soulagement, quand ils l'aperçurent de loin, lui prouva à quel point ils s'étaient inquiétés pour lui. Des exclamations fusèrent :

« Ouf, te voilà!— Alors, ça a gazé? »

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Nick répondit d'un air faussement navré :« Le type m'a semé en montant dans un bus. »Et il raconta sa filature plutôt mal terminée. Mais

personne ne lui fit de reproches.« C'est déjà bien que tu aies découvert la direction

dans laquelle allait ce Bernard! opina Nathalie.— D'ailleurs, renchérit son cousin, monter dans le bus

avec lui aurait été de la dernière imprudence. Descendre derrière lui, encore plus, surtout s'il se rendait dans un bled perdu. »

Touché par tant d'indulgence, le jeune garçon déclara dans un large sourire :

« Je ne vous ai raconté que le premier épisode. Voici maintenant le second... qui est aussi le meilleur. »

Et, devant ses auditeurs agréablement surpris, il parla de sa rencontre avec le clochard porteur d'un pantalon à carreaux.

« Si bien que pour connaître l'adresse de Monsieur X, conclut le narrateur, je n'ai finalement dépensé qu'un paquet de chewing-gum! »

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CHAPITRE VII

Rue Chopin

TANDIS que Nathalie battait des mains avec enthousiasme, Noël, lui, restait songeur. Nick s'en offusqua.

« Alors, c'est tout l'effet que ça te fait, mon histoire? Moi qui m'attendais à des félicitations!

— Je te les vote, mon vieux, et des deux mains! affirma aussitôt son cousin. Seulement... je me pose des questions, voilà!

— Peut-on savoir lesquelles?— D'abord, au sujet de l'adresse de Bernard Mallet.

La rue Chopin est dans le centre... et tu l'as vu prendre le bus n° 4, direction Lormier.

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— Peut-être pour rendre visite à quelqu'un? suggéra Nathalie.

— Ça m'étonnerait, puisqu'il venait de faire des achats d'épicerie. Je me demande plutôt s'il n'a pas repéré Nick, et cherché à le semer. »

Le plus jeune des garçons secoua la tête. « J'aurais pourtant juré qu'il ne m'avait pas vu.

— Alors, c'est nous qui nous fourrons le doigt dans l'œil, en le soupçonnant?

— Sûrement pas! D'abord, c'est lui qui a encadré le premier tableau. Ensuite, sa réaction, en entendant prononcer le nom de Mlle Biche, laisse penser qu'il peut être coupable.

— Dans ce cas, il n'est pas le seul, affirma Noël. Un peu trop jeune, on dirait.

— Un complice plus âgé, alors? supposa Nick. Mais bien sûr! La voix, au téléphone, n'était pas celle de Bernard. J'aurais dû y penser plus tôt. »

Le jeune garçon sauta sur ses pieds. « Une visite rue Chopin s'impose. On y va? »

Nathalie était d'accord, mais Noël refusa.« Pas aujourd'hui. Il est déjà bien tard. Et puis, nous

avons promis à Mlle Biche de laver les murs de la cuisine.— En avant pour le nettoyage! accepta son cousin

d'un air résigné. Mais demain matin, on reprend la piste aussitôt que possible. »

Si bien que mercredi, peu avant neuf heures, le trio, prétextant d'un achat de peinture destinée à la cuisine, se dirigeait vers la ville.

Le quartier de la rue Chopin était relativement neuf, avec des rangées de maisons presque toutes

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construites sur le même modèle. Il y avait quelques magasins, et les Trois N ne tardèrent pas à repérer la boutique d'un marchand de légumes.

« Pas de doute, c'est ici, déclara Nick. Et l'immeuble le plus proche porte le numéro 27. »

II ajouta en se frottant les mains : « Avec le nom et l'adresse, nous n'aurons pas beaucoup à chercher.

— Espérons-le! » dit Noël moins prompt à s'enthousiasmer.

Tout en grommelant « espèce de pessimiste! », Nick se dirigea résolument vers l'immeuble n° 27, suivi des deux autres. Quatre marches d'escalier à gravir, une porte vitrée à pousser, et le trio se trouva dans un petit hall carré. Sur le mur de gauche, il y avait une rangée de boîtes aux lettres. Hélas! les arrivants y cherchèrent en vain le nom « Mallet ». Nick n'était pas fier. Noël, aussi déçu que lui, se garda de triompher.

« Allons regarder dans les allées voisines », proposa le plus jeune.

Mais, au 25 comme au 29, il n'y avait aucun locataire portant ce nom.

« Retournons au 27, s'obstina Nathalie. Je sens que c'est la bonne adresse. »

Les intuitions de Nathalie étant souvent bonnes, le trio revint au point de départ. Mais il fut décidé qu'on monterait l'escalier, en s'arrêtant à chaque étage pour déchiffrer les noms sur les portes.

Toujours rien, bien que cet examen ait conduit les jeunes « détectives » jusqu'au quatrième et dernier étage, où s'ouvraient quelques mansardes.

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Après quoi il fallut bien redescendre, avec la conviction navrante que l'enquête prenait fin, définitivement fin.

Alors que les enfants atteignaient le palier du second, ils virent, montant vers eux, une grosse dame chargée d'un sac à provisions, et qui tenait un petit chien en laisse. Tandis qu'elle passait devant eux, la femme leur jeta un regard méfiant. Nathalie ne^s'en soucia pas : elle n'avait d'yeux que pour le chien.

« Oh, le charmant toutou! s'exclama-t-elle en avançant une main pour caresser l'animal.

— Attention! l'avertit la dame. Il n'aime pas beaucoup les enfants, et pourrait vous mordre. »

Mais au contraire le chien remua frénétiquement la queue en réponse aux caresses.

« Il faut croire qu'il a de la sympathie pour vous! remarqua la dame visiblement radoucie, en s'arrêtant sur le palier.

— Il sent que j'aime les bêtes, affirma Nathalie. Et ce petit chien est tellement mignon!

— Adorable! » renchérit Nick, qui n'en pensait pas un mot. Il jugeait même résolument antipathique ce cabot à l'air grognon, au museau écrasé. Mais cette rencontre pouvait être utile à l'enquête : mieux valait user de diplomatie. Il avança même la main pour flatter la tête du chien... mais faillit laisser un doigt dans l'aventure : apparemment, l'antipathie était réciproque!

Noël sauva la situation.

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« C'est un pékinois, n'est-ce pas? demanda-t-il l'air intéressé.

— Mais oui. Vous vous y connaissez donc en chiens?— Assez. Nous avons nous-même un caniche nain. »Le jeune garçon observait son interlocutrice. Si elle

réagissait, cela prouverait sans doute qu'elle en avait vu un récemment, peut-être même dans l'immeuble? Or, elle resta impassible. Alors Noël changea de tactique.

« Vous êtes la seule, dans cette maison, à posséder un chien? questionna-t-il.

— Jusqu'ici, oui, répondit la maîtresse du pékinois. Mais les locataires du quatrième ont eu la mauvaise idée d'en amener un chez eux. Toujours en train d'aboyer, cette sale bête! Et comme j'habite juste au-dessous...

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— Ils l'ont depuis longtemps?— Mais non : quelques jours tout au plus.— Est-ce un gros chien, ou un petit? demanda Nick à

son tour.— Je ne sais pas, moi! Je ne l'ai jamais vu. Mais

entendu... ça oui! »La dame se fit soudain soupçonneuse. « Mais dites

donc, pourquoi toutes ces questions à propos d'un chien? »L'aîné du trio décida de foncer.« A vrai dire... euh... nous connaissons un garçon qui

possède un caniche nain. Il se nomme Bernard Mallet, et... et... nous nous demandons s'il habite bien cet immeuble. »

La locataire du troisième répondit d'un ton pincé :« II y habitait en effet, avec son demi-frère, Simon

Rouvot.— Y habitait... répéta Noël. C'est donc qu'il n'y habite

plus?— Ils ont déménagé pas plus tard qu'hier

matin. »Patatras! Une fois de plus, la piste que croyaient( tenir

les Trois N s'effondrait. Les visages s'allongèrent, mais Noël n'en poursuivit pas moins son interrogatoire :

« Que faisait-il, ce Rouvot?— Il se disait artiste peintre, répondit la grosse

dame. Un individu peu recommandable, si vous voulez mon avis! »

Ce disant, elle reprit son ascension avec le pékinois sur les talons. Apparemment, elle semblait peu désireuse de poursuivre un-entretien avec

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des enfants qui avaient de si mauvaises fréquentations! Néanmoins Nick insista :

« Leur nouvelle adresse, vous la connaissez?— Absolument pas! » laissa tomber la locataire du

troisième, qui, au même moment, disparut au tournant de l'escalier.

Ce fut en silence que les Trois N redescendirent l'escalier. C'était trop bête. Chaque fois qu'ils croyaient tenir la victoire, elle leur échappait au dernier moment. Pourtant Noël émit encore une suggestion :

« Peut-être qu'ils ont laissé leur adresse au concierge?»

Mais ils eurent beau chercher la loge, ils n'en trouvèrent pas : c'était un immeuble sans concierge.

Par contre, au rez-de-chaussée, il y avait une cour intérieure vers laquelle Nick, distrait, se dirigea en croyant gagner la rue. Un adolescent s'y trouvait, occupé à réparer sa bicyclette. Les doigts enduits de cambouis, il essayait en vain de remonter un changement de vitesse compliqué.

« On peut t'aider? demanda Nick.— Hein? sursauta le garçon. Tu t'y connais?— Un peu. Fais voir! »Moins de dix minutes après, sous l'œil admiratif de

son propriétaire, le vélo était prêt à rouler. Mais Nick, à son tour, avait les mains pleines de cambouis. Le garçon lui tendit un chiffon et dit, l'air pénétré :

« Toi, alors, quel as de la mécanique tu fais! Merci beaucoup... euh... au fait, quel est ton nom?

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— Nicolas... mais Nick pour les copains. Et toi?— Marc.— Dis donc, Marc, tu ne connaîtrais pas un autre

garçon de l'immeuble, un peu plus vieux que toi, nommé Bernard Mallet?

— Ah, oui, Mallet? Il n'habite plus ici : il a déménagé.

— Pour où?— Je ne sais pas.— Tu n'en as pas la moindre petite idée?— Si, attends : il m'a dit un jour qu'il allait habiter

dans une drôle de bicoque. Une maison de garde-barrière désaffectée, je crois bien. C'est à quelques kilomètres d'ici, en pleine cambrousse. Son frère l'a achetée pour pas cher. »

Impossible d'en savoir davantage. Les Trois N, à demi satisfaits, prirent congé de Marc. En sortant, ils passèrent à nouveau près des boîtes aux lettres. Il y avait encore, sur l'une d'elles, une carte de visite à moitié déchirée au nom de Simon Rouvot.

« C'était Rouvot le nom cherché, remarqua Noël, et non pas Mallet. Tout ça parce qu'il s'agit de demi-frères.

— Un demi-frère... répéta Nathalie. Qu'est-ce que ça signifie, au juste?

— Que Simon et Bernard ont eu la même mère, mais pas le même père, expliqua son cousin. Voilà pourquoi leurs noms de famille sont différents.

— Et, ajouta Nick moqueur, il ne s'agit pas

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d'un frère coupé en deux, comme tu te l'étais sûrement imaginé. »

Vexée, Nathalie riposta du tac au tac :« Dommage que, moi, je n'aie pas la moitié d'un frère!

Il dirait moitié moins de bêtises. »Nick en eut le souffle coupé. Pas pour longtemps.« En tous les cas, il y a une chose qui saute aux yeux!

lança-t-il. C'est que, moi, je n'ai pas la moitié d'une sœur... question poids! »

La fillette ouvrit la bouche, puis la referma : suffoquée d'indignation, elle ne trouvait rien à répondre.

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CHAPITRE VIII

Une crevaison

LES TROIS N sortirent de l'immeuble et gagnèrent l'endroit où ils avaient posé leurs vélos. Prêts à enfourcher le sien, Nick se tourna vers son cousin.

« Que fait-on, maintenant? » A cette question, Noël répondit par une autre question :

« Les maisons de gardes-barrières, ça appartient à qui?— A la S.N.C.F., je suppose.— Si bien qu'il nous faut aller à la gare? demanda

Nathalie.

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— Evidemment.— Cette fois, je sens que nous tenons le bon bout! »

affirma Nick. 'Et il sauta sur son vélo, imité par les deux autres.

Arrivé place de la Gare, le trio pénétra dans le grand hall, où il n'y avait que deux personnes assises sur des bancs.

« Tu comptes voir le chef de gare en personne? questionna Nick.

— Oui, s'il consent à nous recevoir », répondit Noël.Les Trois N n'eurent aucun mal à accéder au quai où

se trouvait le bureau du chef de gare car aucun employé n'en barrait l'accès. Ils firent donc irruption sur le large trottoir désert qui bordait la voie ferrée, et se mirent en quête du chef de gare. Ils repérèrent bien vite son bureau, mais la porte vitrée en était grande ouverte, et la pièce vide.

« Cherchons ailleurs », invita Noël.Par chance, le sous-chef se trouvait, lui, dans son

bureau, assis devant une table et occupé à étudier un graphique.

« II n'a pas l'air commode! » jugea Nick en collant un œil contre la vitre.

Au coup frappé par l'aîné du trio, une grosse voix répondit : « Entrez! » Nathalie, intimidée, se fit toute petite derrière les garçons.

Pourtant, elle fut vite rassurée : l'expression bourrue du fonctionnaire disparut à la vue des trois enfants.

« Vous désirez? demanda-t-il presque aimablement.

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— Excusez-nous de vous déranger, monsieur, commença poliment Noël. Nous... enfin... nos parents... ont entendu dire qu'on vendait parfois des maisons de gardes-barrières désaffectées. Est-ce que par hasard...?

— A ma connaissance, rien en ce moment, répondit le sous-chef.

— Pourtant, hasarda l'aîné du trio, on nous a parlé de quelqu'un qui en a récemment acheté une. »

Le sous-chef fronça les sourcils, paraissant réfléchir.« Récemment, dites-vous? Pardi, ce doit être celle-ci.»Il alla vers un classeur, et fouilla quelques étagères

pour en extraire une affiche, qu'il montra aux Trois N, en disant : « Elle est restée placardée deux semaines sur les murs de la gare. Et justement, on l'a retirée parce qu'un acheteur s'est présenté. »

L'affiche annonçait la vente aux enchères d'une maison de garde-barrière « dont la S.N.C.F. n'avait plus l'utilisation par suite d'une modification à la voie ferrée ».

« On a construit un pont un peu plus loin pour supprimer le passage à niveau, expliqua complaisamment le sous-chef. La circulation se fait maintenant sur cette nouvelle voie, et les véhicules n'empruntent plus l'ancien passage à niveau. »

Les Trois N poursuivirent leur lecture : selon le texte imprimé, la maison possédait quatre pièces et un grand jardin, Elle était située à huit

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kilomètres de Brunières, sur l'ancienne route de Lormier à Narville.

« C'est sûrement de cette maison qu'il s'agit, dit Noël, continuant à jouer le jeu. Et... il n'y en a pas d'autre à vendre?

— Malheureusement non », répondit l'obligeant fonctionnaire.

Les enfants le remercièrent, tout en se forçant à avoir l'air déçu. Pourtant, c'était tout le contraire qu'ils ressentaient! Ils avaient plutôt envie de chanter victoire. Mais c'est seulement après avoir quitté la gare qu'ils donnèrent libre cours à leurs joyeux commentaires.

« Pas de doute, nous savons où crèchent nos deux suspects! exulta Nick. Lormier, c'est justement le village desservi par le bus n° 4. Vive moi!

— Vive Noël, plutôt! rectifia Nathalie soucieuse de justice. Toutes les bonnes idées viennent de lui.

— C'est quand même moi qui ai réparé le vélo de Marc, non? protesta son frère, outré.

— Je te l'accorde, dit l'aîné du trio d'un ton conciliant. D'ailleurs, peu importe. Cette enquête est l'œuvre des Trois N réunis. L'essentiel c'est de pouvoir maintenant trouver les deux suspects...

— ... et par conséquent Hercule, poursuivit Nathalie.

— La visite surprise que nous réservons à ces messieurs aura lieu cet après-midi », décida Nick.

Les deux autres acquiescèrent : n'était-ce pas le dernier délai? On était mercredi, après-midi, et

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le rendez-vous fixé par les ravisseurs tombait jeudi matin.

La perspective de passer à l'action leur donnant un renouveau d'ardeur, les Trois N pédalèrent allègrement jusqu'à l'impasse des Acacias, non sans s'arrêter chez un droguiste pour faire l'achat d'un pot de peinture.

Le reste de la matinée se passa donc à barbouiller les murs de la cuisine. Et ce fut une excellente occupation, qui permit aux enfants de tromper leur impatience.

Enfin, le repas terminé, l'heure vint de partir en expédition. Cette fois encore, il avait fallu trouver un prétexte : les Trois N invoquèrent une prétendue visite à un camarade. Ils avaient un peu honte de mentir à leur vieille amie, si gentille avec eux. Mais comment faire autrement?

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Jamais, même par affection pour son chien, Mlle Biche n'aurait accepté que ses jeunes hôtes se lancent dans une dangereuse aventure.

Pourtant, ils y étaient bien décidés. Et c'est avec une égale impétuosité que les deux garçons et la fillette appuyèrent sur les pédales. Pour sortir de la ville, ils gagnèrent une longue avenue plantée d'arbres qui se prolongeait en route nationale, celle-là même qui passait à Lormier.

Ils n'avaient pas fait deux cents mètres sur cette voie que Nathalie s'écriait :

« Aïe! Aïe! Je suis à plat!— Toi, ou ton pneu? demanda ironiquement son

frère.— Idiot, va! C'est mon pneu arrière, et je crois bien

qu'il est crevé. »Elle descendit de vélo, et les deux autres en firent

autant.« Montre-moi ça », ordonna Nick.Il fit tourner la roue arrière, et s'écria : « Tu parles!

C'est un clou que tu as ramassé, et un beau!— Quelle malchance! gémit la fillette. Juste au

moment où j'avais tant besoin de ma bicyclette. Que faire?— Renoncer, répondit Nick péremptoire. Toi, bien

entendu, pas nous. Noël et moi partirons seuls et tu rentreras chez Mlle Biche.

— Ah, non, alors! protesta Nathalie au bord des larmes. Vous m'aviez pourtant promis...

— Ce n'est tout de même pas de notre faute si tu as crevé! »

Noël eut pitié de sa petite cousine.

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« Nous pourrions peut-être réparer la chambre à air? »Nick balaya cette suggestion.« Sans outils ni rustines? Impossible!— Alors, il n'y a qu'à en acheter, s'obstina la fillette.— Pas question : il nous faudrait retourner en ville

pour chercher un marchand de cycles. Ajoute à ça le temps de la réparation : tu vois d'ici le retard. Sans compter que ma petite sœur est une vraie lanterne, et pour faire huit kilomètres...

— Oh! » fit Nathalie, de plus en plus consternée.Noël donnait raison à Nick. Mais comme il n'aimait

pas faire de peine à sa petite cousine, il usa de diplomatie :« Tu sais, Nattie, que tu nous serais beaucoup plus

utile en retournant chez Mlle Biche?— Comment ça? demanda la fillette en relevant la

tête.— Facile à comprendre. Suppose que nous

partions tous en expédition, et que quelque chose cloche : personne ne saurait où et comment nous secourir. Tandis que si tu consens à rester, il y aura quelqu'un pour assurer nos arrières.

— C'est vrai! » admit Nathalie dont le moral remontait en flèche.

Du moment que son cousin lui démontrait l'importance de son propre rôle, elle ne demandait qu'à le croire. Mais tout de même, quelle déception de ne pas « en être »!

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« Alors, on y va? invita Nick qui trépignait d'impatience.

— Au revoir, Nathalie! Ne t'inquiète pas! dit Noël en donnant une tape amicale sur la joue de sa cousine.

— Au revoir! Soyez prudents! » cria la fillette aux deux garçons qui s'éloignaient déjà.

Elle les suivit un moment des yeux, puis soupira et se mit en route en poussant sa bicyclette. Retour peu glorieux! Mais une idée la consolait :

« Au moins, je vais retrouver Mlle Biche! »Ce serait une présence rassurante, même si la vieille

demoiselle ignorait l'escapade de Noël et de Nick.Or, à sa grande déception, Nathalie trouva porte close.

Heureusement, la clef se trouvait à sa place, derrière le tas de bois (cette nouvelle cachette, invisible depuis la rue, avait remplacé celle du pot de fleurs), et la fillette put entrer dans la maison. Mais elle y ressentit une telle impression de solitude, qu'elle ne put s'empêcher de frissonner.

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CHAPITRE IX

La maison de garde-barrière

LES DEUX garçons filaient comme des flèches sur la route de Lormier. Peu de circulation, en ce début d'après-midi; une route presque plate. Noël en eut du regret.

« Dommage que Nathalie n'ait pu venir! Des courses faciles comme celle-ci, elle en est très capable. »

Nick haussa les épaules.« Oh toi et tes scrupules! Dis-toi, au contraire, qu'il

vaut mieux qu'elle n'y soit pas. Ce n'est pas une simple promenade d'agrément que nous faisons.

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— C'est vrai, admit l'aîné. En un sens, je suis soulagé de savoir l'un des Trois N « hors circuit».

Les deux cousins continuèrent de pédaler avec ardeur. Nick paraissait très décontracté, mais Noël, lui, pensait à la maison de garde-barrière, certainement isolée en pleine campagne. En s'y rendant, ne se jetaient-ils pas tout droit dans la gueule du loup? Mais le jeune garçon préféra garder ses pensées pour lui.

D'ailleurs, pour le moment tout allait bien, et les kilomètres succédaient rapidement aux kilomètres. Bientôt Nick remarqua :

« J'aperçois un clocher : c'est déjà celui de Lormier! »Un peu plus loin, en effet, un panneau leur signala le

village. L'agglomération principale se trouvait à une certaine distance de la route. Mais de nombreuses villas, des restaurants et quelques magasins avaient poussé depuis, le long de celle-ci. Noël repéra une pâtisserie où on vendait des glaces.

« On s'en paie une? » proposa-t-il.Nick en mourait d'envie, mais il détourna stoïquement

la tête.« L'eau de la fontaine fera tout aussi bien l'affaire,

répondit-il.— Tiens! Tu n'aimes plus les glaces? s'étonna son

cousin. Ah oui, j'ai compris : le chewing-gum t'a ruiné. Allons-y quand même : c'est moi qui paie.

— Ma foi, si tu insistes, j'aurais tort de refuser!

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D'ailleurs, nous ferons d'une pierre deux coups, en interrogeant le vendeur. »

Tout en dégustant un sorbet à la fraise, les deux cousins posèrent des questions au pâtissier, qui ne demandait pas mieux que de répondre.

« La vieille route de Narville? C'est simple : vous faites encore un kilomètre et vous trouvez un croisement : c'est là. Mais vous savez, personne n'y circule plus. Oui, il y a une maison de garde-barrière... sans garde-barrière. Si quelqu'un d'autre l'habite? Possible. Pas depuis longtemps, en tout cas. »

Allons! Le but était proche. Noël et Nick, rafraîchis, repartirent d'un bel élan et ne tardèrent pas à trouver le croisement annoncé, qui n'était même plus signalé. Mais, ayant tourné à angle droit, ils ne doutèrent pas d'être dans la bonne direction en découvrant une borne renversée qui portait encore en lettres déteintes :

« NARVILLE, 3 km 400. »Quant à la route elle-même, son état d'abandon

prouvait bien qu'elle avait cessé de servir depuis quelque temps : le goudron était crevassé par endroits, des mauvaises herbes envahissaient les talus.

Brusquement, les deux garçons éprouvèrent un sentiment d'isolement. Jusqu'ici ils avaient traversé des lieux habités, des autos les avaient doublés ou croisés. Maintenant ils se trouvaient sur une route déserte, perdue dans la campagne. Aucune ferme n'était visible à l'horizon. En cas de danger, personne ne serait là pour les secourir.

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Ce fut presque à voix basse que Noël recommanda :« Ralentissons : le repaire des voleurs ne doit plus être

très loin, et il s'agit d'y arriver par surprise, »Nick, qui avait un peu perdu de sa belle assurance,

acquiesça. Mais la lenteur n'était pas de son goût, et il finit par prendre les devants. Noël, non sans inquiétude, le vit disparaître dans un tournant. Deux secondes plus tard il reparaissait, l'air très excité.

« Quelqu'un... est sorti d'une maison... là-bas! haleta-t-il. Bernard Mallet... je crois... bien.

— Il ne t'a pas vu, au moins?— Je ne pense pas. Mais il vient dans notre direction.

Vite, cachons-nous! »Les deux cousins jetèrent un regard affolé aux

alentours. Un fossé bordait la route sur la droite. Au-delà il y avait une ligne de peupliers. Noël et Nick dissimulèrent leurs vélos dans le fossé, puis, gagnant d'un bond l'autre bord, se cachèrent derrière les arbres.

Il était temps! Un jeune homme passait sur la route en sifflotant : c'était bel et bien l'ex-apprenti de M. Boudon. Les mains dans les poches, il regardait droit devant lui : les deux garçons en conclurent que le promeneur ne se doutait pas de leur présence.

Mais ils n'étaient pas au bout de leurs émotions : la rangée d'arbres dépassée, Bernard obliqua brusquement, et enjamba le fossé en prenant un petit pont. Il aboutit ainsi dans une prairie, celle-là même où se trouvaient Nick et Noël.

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Ceux-ci, comme un seul homme, opérèrent un mouvement tournant de façon à rester cachés derrière les peupliers. En même temps, ils observaient Bernard. Où se rendait-il? A leur grand étonnement, il rejoignit un autre personnage qui se tenait en plein milieu du pré, assis sur un pliant, devant un chevalet. Sur ce chevalet, une toile était posée. Et comme l'homme — un barbu aux cheveux longs — tenait un pinceau dans une main et une palette dans l'autre, les deux guetteurs n'eurent aucun doute sur son identité.

« Simon Rouvot, le demi-frère de Bernard! » souffla Nick.

Déjà, entre le peintre et l'arrivant, un conciliabule avait lieu à voix basse. Les deux garçons, trop éloignés, ne purent saisir un seul mot de la conversation.

« J'aimerais être une mouche pour écouter ce qu'ils se disent! murmura Nick. Peut-être parlent-ils de nous?

-— J'espère que non! répondit Noël. Cela voudrait dire qu'ils ont éventé notre présence...

— ...et cherchent un moyen de nous éliminer », acheva son cousin en frissonnant malgré la chaleur.

Pourtant, à première vue, Simon et Bernard échangeaient des propos tout à fait anodins. Pas une fois ils ne tournèrent leurs regards en direction des deux cousins. Ce qui eut pour effet de rassurer pleinement Nick. Noël, lui, restait soucieux.

« Partons! proposa-t-il bientôt. Ce voisinage est dangereux.

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— Et puis, remarqua le plus jeune, si l'ennemi est ici, il n'est pas ailleurs... comme dirait La Palice. Donc, la voie est libre : profitons-en. »

II s'agissait de regagner la route et d'y hisser les vélos... le tout sans être vu. L'opération fut menée avec la plus extrême précaution, pour ne pas attirer l'attention de l'adversaire. N'empêche que les garçons ne commencèrent à respirer librement qu'après le tournant. Ensuite ils foncèrent.

Or, quelques centaines de mètres plus loin, la route était barrée sur toute sa longueur par une double barrière rouge et blanc. Au milieu passaient les rails.

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« On la laisse baissée pour arrêter la circulation sur ce tronçon, expliqua Noël. Les autos sont forcées d'emprunter l'autre route.

— Si bien que personne ne passe plus ici, commenta Nick. C'est l'endroit rêvé pour des gens qui ont quelque chose à cacher. »

La maison de garde-barrière se dressait juste avant la voie ferrée, sur la gauche. De loin, elle faisait illusion avec son badigeon jaune et ses volets verts. Mais de près elle apparaissait moins pimpante. Le jardin qui l'entourait était bordé, du côté de la route et de la voie, par une barrière en ciment. Ailleurs, par une simple haie d'arbustes.

Un silence pesant régnait : l'atmosphère parut inquiétante aux arrivants. Pourtant, il leur fallait entrer dans le domaine interdit.

« Première chose : nous débarrasser des vélos, dit Nick.

— Glissons-les derrière la haie », proposa Noël.Revenus sur la route, les deux garçons pénétrèrent

dans le jardin par un petit portail de bois et suivirent sur leur droite une allée de gravier qui longeait la maison et aboutissait à une cabine en ciment à l'angle du jardin. Noël jeta un coup d'œil à l'intérieur à travers une vitre et expliqua rapidement :

« C'est ici que se trouve le mécanisme qui permettait de manœuvrer la barrière, au passage des trains. »

L'angle contourné, les deux cousins atteignirent l'avant de la maison, qui faisait face à la voie. On accédait à l'intérieur de l'habitation par une véranda vitrée. Fort heureusement, les portes n'étaient pas fermées ; preuve que ses occupants,

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confiants dans leur isolement, ne prenaient aucune précaution.

« Cela signifie également qu'ils ne sont pas partis longtemps, remarqua Noël en hésitant sur le seuil.

— Entrons tout de même, invita Nick, et voyons si Hercule ne serait pas bouclé à l'intérieur. »

Les garçons suivirent un étroit couloir dallé qui desservait deux petites pièces : la cuisine et la salle à manger. Dans cette dernière, presque dépourvue de meubles, une valise ouverte et des cartons étaient posés à même le plancher. Les arrivants visitèrent encore un réduit, une salle d'eau et des placards, après quoi Nick conclut :

« Pas trace d'habitant, ni à deux ni à quatre pattes. »Ce silence, ce vide, au lieu de rassurer les deux

enfants, leur causait une sensation de malaise. Et puis, l'absence d'Hercule commençait à les inquiéter.

« Il doit être dehors, conclut Noël. Sortons.— Pas avant d'avoir visité l'étage, tout de

même! »Un escalier de bois s'amorçait au fond du couloir. En

le montant l'un derrière l'autre, les garçons firent l'un après l'autre craquer une marche située à mi-hauteur. Ce bruit les fit sursauter, mais il n'éveilla pas d'écho.

Sur le palier supérieur, il y avait deux portes. Nick ouvrit l'une, puis l'autre. La pièce de droite était une chambre, sommairement meublée d'un lit de camp et d'une chaise. Celle de gauche, également chambre à coucher, comportait en plus une table où traînaient du matériel de peinture et quelques tableaux. Les deux cousins se précipitèrent pour les examiner : c'étaient des aquarelles, signées S. Rouvot.

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« Pas mal! jugea Nick. Oh, regarde! »Il venait de déplier un paquet plat enveloppé

grossièrement dans du papier journal/Une toile apparut : une peinture à l'huile, celle-là. Mais le plus extraordinaire, c'est qu'elle était en tous points identique au tableau que Mlle Biche avait suspendu dans sa chambre. D'ailleurs, la signature, « A. Biche », en témoignait. Seule différence : elle n'était pas encadrée.

« Co... comment... peut-elle se trouver... ici? » bégaya le jeune garçon.

Pour toute réponse, Noël retourna la toile. O surprise! Il y avait une autre peinture au dos, et elle était signée « Vincent ».

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CHAPITRE X

Allô, mademoiselle Biche?

« CE N'EST donc pas le même! s'ébahit Nick. ; M'expliqueras-tu, enfin?

— Tout à l'heure! chuchota son cousin. Ecoute! »

Un bruit léger venait d'éclater dans le silence : on aurait dit une série d'aboiements étouffés.

« Hercule! s'écria Nick. Il est enfermé quelque part.— Pas dans la maison, en tout cas.— Le bruit vient de ce côté, affirma le plus jeune en

désignant la fenêtre, qui ouvrait sur l'arrière. Mais pas du dehors. »

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A ce moment, les aboiements firent place à un grondement de colère. En même temps les deux cousins crurent saisir d'autres rumeurs indistinctes : grincement de porte, crissement de gravier... puis plus rien : Hercule s'était tu, et, dans le jardin, le silence était revenu.

Nick et Noël, figés par la peur, se secouèrent enfin et coururent à la fenêtre. De là ils apercevaient le portail et l'arrière du jardin. Personne. Ni homme, ni chien.

« J'avais cru... mais j'ai peut-être rêvé? supposa Nick.— Dans ce cas, nous aurions rêvé en chœur! réfuta

Noël. Une chose est sûre : un chien a aboyé, et c'était Hercule.

— Evident! Il n'y a que lui pour avoir une voix aussi aiguë.

— Je me demande où il peut se trouver.— Attends un peu! dit Nick, dont le nez était collé

contre la vitre. Oh, oh! Tu vois, juste au-dessous de la fenêtre, ce petit toit incliné? Ce doit être celui d'un appentis collé à la maison. Le bruit venait de là, j'en jurerais.

— Tu as sûrement raison, approuva son cousin.— Ce qui m'étonne, poursuivit le plus jeune, c'est que

nous ne l'ayons pas entendu en arrivant. »Noël réfléchit, et trouva la réponse :« Hercule aboie rarement quand il s'agit de gens

connus... nous, par exemple. Par contre, avec des étrangers... » Nick sauta en l'air.

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« Quoi! Tu voudrais dire que...?— ...qu'il faut filer dare-dare, si possible après avoir

mis la main sur le chien. »Les deux cousins quittèrent la pièce sur la pointe des

pieds. Dans l'escalier, Noël se souvint de la marche qui craquait, et la descente se fit sans bruit. De même la traversée du couloir. Ils ne rencontrèrent personne, et leur frayeur s'atténua. Mais à peine avaient-ils posé le pied dehors, que Nick poussa une exclamation de rage :

« Quels idiots nous faisons! La peinture...— Quelle peinture?— Le Van Gogh, voyons! Nous aurions dû le

reprendre.— C'est vrai, reconnut Noël consterné. Trop tard,

maintenant.— Espérons que nous aurons plus de chance pour

Hercule! » grommela Nick mal résigné.L'un derrière l'autre, les deux garçons reprirent le tour

de la maison dans le même sens qu'auparavant. Ils dépassèrent un coin, puis un autre, non sans jeter des regards circonspects dans le jardin. A cet endroit, la végétation exubérante semblait très propice à une embuscade. Pourtant, ils parvinrent sans encombre derrière la maison et l'appentis leur apparut, faisant saillie sur la façade : une petite construction peinte en jaune elle aussi, avec une lucarne minuscule et une porte de bois épais. Fermée à clef. Et la clef était sur la serrure.

« C'est d'ici que venaient les aboiements, répéta Nick.

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— Sans doute, mais ce qui est bizarre, c'est qu'on n'entende plus rien.

— Hercule se sera calmé, voilà tout. On ouvre? »

Noël était réticent. Mais déjà Nick avait la main sur la clef. La porte s'ouvrit sans difficulté vers l'extérieur, démasquant une ouverture sombre.

« Je ne vois rien », dit Noël en s'approchant.Il était de moins en moins rassuré. Ce réduit obscur, ce

chien fantôme... inquiétant, décidément! Aussi, quand son cousin franchit le seuil de la resserre, il tenta de le retenir :

« N'entre pas! »Sans l'écouter, Nick farfouillait déjà dans l'obscurité.« Hercule n'est pas ici! s'exclama-t-il. Pourtant, il y a

été : il y a une écuelle par terre, avec un reste de soupe. »Noël voulut répondre pour exhorter son cousin à

sortir, mais ne le put pas. A cet instant même, il se sentit poussé dans le dos par une main brutale. Son pied heurta le rebord inférieur de l'ouverture. Alors son agresseur inconnu le souleva pour le faire pénétrer de force dans le réduit. Tandis qu'il trébuchait contre Nick, on repoussa la porte et la clef tourna dans la serrure. Les deux « détectives» étaient pris au piège!

***

Nathalie, restée seule aux « Charmilles », décida de se distraire pour passer le temps. Elle

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aurait tellement voulu être plus vieille de quelques heures! L'inquiétude la rongeait, au sujet des garçons.

Alors elle chercha, au jardin, un endroit ombragé pour y installer un fauteuil pliant. Puis elle ouvrit un illustré et tenta de lire. Hélas! Le texte imprimé ne réussit pas à la distraire. Jusqu'aux bonbons, dont elle avait empli sa poche, qui ne lui procuraient aucun plaisir!

Malgré tout, le temps s'écoula. Il pouvait être quatre heures lorsque, à l'intérieur de la maison, le téléphone sonna. Qui pouvait appeler, à cette heure?

Angoissée, la fillette se leva brusquement. En un clin d'œil elle fut dans le bureau et saisit le combiné. Elle entendit d'abord le « Bip-bip-bip »

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prouvant que son correspondant parlait d'une cabine publique. Ensuite une voix masculine inconnue prononça : « Allô? mademoiselle Biche à l'appareil? »

La fillette réfléchit à toute vitesse. Il fallait absolument qu'elle reçoive le message, sans dévoiler son identité à Monsieur X — car c'était lui, à n'en pas douter. Elle réussit à émettre un son qui pouvait passer pour un acquiescement:

« Hmm... »Son correspondant dut s'y tromper, car il poursuivit :« Apprenez, mademoiselle, que je tiens en mon

pouvoir, non seulement votre chien, mais aussi vos deux jeunes amis qui ont eu l'imprudence de venir jusque chez moi. »

Il y eut un silence durant lequel Nathalie se retint à grand-peine de sangloter. Mais sa respiration haletante dut faire comprendre à l'homme que son message avait porté, car il reprit :

« Cette nouvelle vous bouleverse, n'est-ce pas? Sachez pourtant que, de nous deux, le plus ennuyé, c'est moi. Si je relâche ces deux garçons, il me faudra fuir, car je ne pourrai pas compter sur leur silence. Et si je fuis, ce doit être le plus vite possible. Avez-vous récupéré les tableaux?

— Ou...i, acquiesça Nathalie.— C'est bon, reprit la voix. Dans ce cas, ce n'est plus

demain qu'aura lieu notre rendez-vous, mais ce soir même, à l'endroit prévu. Minuit, dernier délai. »

Encore un silence, puis une dernière recommandation, faite d'un ton menaçant : « N'oubliez

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pas, mademoiselle, qu'il y va du sort de vos protégés. Aussi, je suis persuadé que vous viendrez... SEULE! »

Ayant reposé le combiné d'un geste machinal, Nathalie resta un moment immobile et accablée. Ses yeux firent le tour de la pièce, puis se posèrent sur le jardin désert, et elle se sentit très seule. Son frère et son cousin s'étaient fait prendre, et, face à cette situation, il n'y avait plus qu'elle. Pas question d'alerter les parents, bien sûr. Quant à Mlle Biche, elle n'aurait même pas su où la joindre.

En tout cas, aucun doute dans son esprit : il lui fallait agir, et sans tarder. Mais comment?

« Aller là-bas, décida-t-elle. Sur place, j'aviserai. »Levée d'un bond, elle se précipita vers la remise où

était garée sa bicyclette... mais s'arrêta net avant même d'y parvenir : elle venait de se rappeler la crevaison.

Catastrophe! Comment, dans ces conditions, voler au secours des deux garçons? Soudain elle se frappa le front, saisie d'une idée :

« Le bus...! Le bus n° 4, qui va jusqu'à Lormier! »Elle se munit hâtivement d'un peu de monnaie, d'un

chandail, sortit de la villa sans même fermer à clef et courut rejoindre l'avenue plantée d'arbres où elle s'était séparée de Noël et de Nick. Là, elle ne tarda pas à trouver un arrêt de bus : c'était bien le 4, et elle n'eut qu'à l'attendre.

Pas longtemps : par chance, il en vint un quelques minutes plus tard.

La course lui parut interminable. Pourtant le contrôleur finit par annoncer : « Terminus! Tout le monde

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descend. » On était à Lormier. Dans la longue rue bordée de boutiques, elle avisa le marchand de glaces et s'approcha.

« S'il vous plaît, monsieur, où se trouve la vieille route de Narville? demanda-t-elle. Je cherche une ancienne maison de garde-barrière. »

Le pâtissier parut étonné.« Tiens! remarqua-t-il, c'est la deuxième fois cet

après-midi qu'on me demande ce renseignement. Les deux garçons, eux, m'ont acheté une glace. »

Nathalie se crut obligée d'en faire autant, sans en avoir la moindre envie : chez elle, l'angoisse avait chassé la gourmandise. Pourtant, de savoir que son frère et son cousin étaient passés par là

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lui causait un certain soulagement. Car le commerçant avait parlé de deux garçons : il ne pouvait s'agir que de Noël et de Nick. Quelques minutes plus tard, dûment renseignée, elle suivait à grands pas le trajet indiqué.

Ce fut facile : sur le tronçon de route abandonnée, la fillette ne fit aucune mauvaise rencontre. Et bientôt elle arrivait en vue de la barrière baissée et repérait la maisonnette tapie au bord de la route.

Son cœur battit à grand coups : Noël, Nick et Hercule étaient certainement prisonniers de cette baraque, et leur sort dépendait uniquement d'elle, Nathalie.

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CHAPITRE XI

Les rails

LA HAIE dépassée, la fillette put observer l'intérieur de la propriété par-dessus la barrière de ciment : son air abandonné la frappa. Mais il ne fallait pas s'y fier! C'est avec des gestes précautionneux qu'elle ouvrit le petit portail et pénétra dans le jardin. Tout naturellement, elle suivit l'allée de gravier qui aboutissait, à la cabine vitrée. Parvenue à l'angle de la façade, elle avança la tête... et la retira bien vite! A l'intérieur d'une véranda, deux hommes assis sur un banc étaient en train de discuter. Nathalie dressa l'oreille et réussit à capter quelques mots :

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« Sale affaire! » disait une voix désagréable, qu'elle reconnut pour l'avoir entendue au téléphone. « ...ces maudits gamins... obligés de fuir... le cabot... »

Bien qu'entrecoupée, cette conversation avait un sens pour elle : les deux complices commentaient la situation, qui n'avait rien de réjouissant à leurs yeux. Pour Noël et Nick, encore bien moins! N'étaient-ils pas comme Hercule, gardés en otages? Une phrase prononcée par Simon revint à la mémoire de Nathalie :

« Ce soir... dernière limite... dernière limite... »« II faut que je les délivre! » pensa-t-elle.Elle se hâta de longer la façade, courbant le dos pour

franchir l'obstacle de la véranda. Comme elle arrivait au coin, une explosion de jappements joyeux rompit le silence.

Hercule! Ce ne pouvait être que lui. Mais oui! Elle l'apercevait à quelques pas d'elle, attaché par une corde à la palissade. Il l'avait reconnue, et ses manifestations d'amitié risquaient fort de la faire découvrir. La fillette courut jusqu'au caniche et le caressa en murmurant : « Hercule, tais-toi, je t'en prie! »

Comme s'il comprenait, le petit animal cessa aussitôt de japper. Ce qui n'empêcha pas Nathalie de se jeter derrière une rangée de framboisiers. Bien lui en prit! Rouvot sortit brusquement de la véranda et se dirigea vers le chien. Après un coup d'œil circulaire qui sembla le rassurer, il s'adressa au caniche d'un ton furieux :

« Qu'est-ce qui te prend, sale bête? »Et comme cette question était accompagnée

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d'un coup de pied, Hercule se remit à japper, de douleur cette fois.

« La brute! » pensa la fillette révoltée.Fort heureusement pour elle, le peintre barbu

réintégrait déjà la véranda. Elle reprit son exploration, longeant cette fois la troisième face de la maison. Enfin elle atteignit l'arrière, où s'ouvrait une unique fenêtre qui dominait le toit d'un appentis.

Occupée à scruter la fenêtre, avec l'idée que les captifs se trouvaient peut-être derrière, Nathalie sursauta soudain en entendant un « Pssit! » murmuré à peu de distance. D'où provenait cet appel? Pas de la chambre du haut, elle en était sûre. De l'appentis, alors?

Un nouveau « Pssit! » retentit; la voix était celle de Noël, et sortait de la petite bâtisse accolée à la maison.

« Enfin, je t'ai trouvé! murmura-t-elle. Mais... où est Nick?

— Avec moi! » chuchota le prisonnier.• Comme pour donner une preuve de sa présence, le

plus jeune passa quatre doigts à travers la fente en les faisant remuer.

« Approche! » ordonna Noël.Nathalie obéit. Plaquée contre la porte, elle réalisa

qu'une simple épaisseur de bois la séparait des deux autres. Oui, niais ce bois était épais, et il n'y avait pas de clef sur la serrure. .

« Comment se fait-il que tu sois là? demanda anxieusement Noël.

— Un coup de téléphone... destiné à

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Mlle Biche. Je vous raconterai... après... qu'est-ce que je peux faire pour vous délivrer?

— Rien! grogna Nick à travers le panneau. File d'ici dare-dare, si possible avec le chien.

— Je ne veux pas vous laisser! s'entêta la fillette, pleurant presque.

— Ecoute! intervint son cousin. Si tu pouvais dénicher une barre de fer... quelque chose de rigide...

— Je vais essayer. »A vrai dire, cette tâche lui paraissait difficile.

Impossible d'entrer dans la maison. Le jardin? Elle n'y voyait que des plates-bandes en friche.

Et puis, un souvenir surgit dans sa mémoire. Un moment plus tôt, accroupie derrière les framboisiers, elle avait aperçu une espèce de petit hangar à demi écroulé. C'était à l'angle de la barrière et de la haie : elle se hâta dans cette direction.

Elle ne s'était pas trompée : la minuscule cabane lui apparut. Elle servait de garage à une grosse moto reposant sur sa béquille. Mais le plus intéressant, c'était le tas de ferraille qui se trouvait dans un angle du minable abri.

Nathalie entreprit une fouille rapide. Il y avait de tout là-dedans : fil de fer mangé par la rouille, planches vermoulues, clous tordus... jusqu'à une vieille carcasse de lanterne. Parmi ces débris, la fillette eut tôt fait de dénicher une barre à mine. Rouillée, elle aussi, mais solide. Voilà qui allait peut-être satisfaire son cousin?

Au fait, à quoi allait-elle servir? Pressée par le temps, Nathalie n'avait pas posé de question.

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D'ailleurs, aucune importance : elle faisait confiance à l'esprit d'initiative de Noël.

La barre était lourde à porter. Mais la fillette fut récompensée de ses efforts par l'approbation de l'aîné des Trois N.

« Bravo, c'est parfait. Maintenant, passe-la-moi. »Aïe! C'était encore plus pénible à soulever. Enfin,

deux paires de mains saisirent la barre à mine, qui disparut bientôt dans l'appentis.

« Et maintenant? demanda la fillette.— On te l'a dit : tu files en emportant le chien.— Et vous deux, alors? »La voix de Noël se fit plus pressante : « Va, je te dis,

et ne t'inquiète pas : nous saurons nous débrouiller, maintenant. Bonne chance!

— Décampe, et en vitesse! » appuya Nick dont la voix était assourdie par la cloison de bois.

Ils avaient raison, tous les deux : en restant, Nathalie ne ferait que les gêner. Tout de même, elle posa une dernière question :

« Est-ce que je dois avertir la police pour qu'on vienne vous délivrer?

— N'en fais rien! protesta Noël. Laisse-nous opérer seuls. Ou plutôt... convenons d'une chose : si d'ici à deux heures nous ne sommes pas rentrés, adresse-toi au commissaire Carrier, qui est l'ami de mon oncle. »

Cette fois, la fillette n'insista pas : elle était bien décidée à fuir. Mais auparavant, il lui fallait s'emparer du chien. Après un au revoir ému jeté aux deux captifs, elle contourna de nouveau la

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maison et jeta un coup d'œil sur la véranda : rien! Alors elle entreprit de détacher le caniche qui n'avait pas changé de place. Ce faisant elle lui parlait bas :

« Sois sage, mon petit Hercule. Je vais t'emmener avec moi, loin de ces deux méchants bonshommes. Et tu retrouveras ta maîtresse, qui sera contente de te revoir. »

Le chien écoutait ce discours en dressant les oreilles. Comprenait-il? Sans doute pas. Mais il restait muet, ce qui était l'essentiel. La corde enfin détachée, la fillette enveloppa Hercule dans son chandail de façon que seule émergeât la tête frisée. Ainsi emmailloté, il était attendrissant. Mais ce n'était pas l'heure de s'attendrir! Dans la maison, une porte venait de claquer. Vite, il fallait fuir! La fillette atteignit le portail

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sans encombre et le franchit avec un soupir de soulagement.

Mais où se rendre, maintenant? Le plus sage était évidemment de courir à Lormier et d'y attendre le bus. Au moment où elle prenait son élan, Nathalie entendit un brouhaha de voix suivi d'un bruit de galopade. Elle comprit aussitôt que la disparition d'Hercule avait été remarquée : les bandits allaient se lancer à sa poursuite... ils seraient bientôt là! Vite, une cachette!

Elle traversa la route, se faufila entre les taillis qui la bordaient et s'accroupit dans l'herbe. Sauvée!... enfin, provisoirement. Car, entre les branches, elle pouvait apercevoir Simon qui sortait à son tour et scrutait la route. Bernard le rejoignit.

« Les garçons sont toujours enfermés, déclara-t-il d'un air sombre. Ils n'ont pas pu s'emparer du cabot.

— Qui, alors?— Je ne sais pas, moi. La gamine, peut-être? Je t'ai dit

qu'ils étaient trois.— Dans ce cas, elle ne doit pas être loin. Je file à sa

recherche.— A pied?— Non. Je vais prendre la moto. »Deux minutes plus tard il reparaissait, poussant

l'engin. Avant de l'enfourcher il se tourna vers son demi-frère :

« Toi, Bernard, reste ici. Et tâche d'avoir l'œil sur les deux gamins.

— D'accord! dit le jeune homme. Bonne chasse! »

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La fillette frémit : Simon était le chasseur, et elle, Nathalie, jouait le rôle du gibier. Déjà la moto fonçait vers Lormier. Elle comprit que, de ce côté-là, l'issue était coupée. Alors elle se tourna du côté opposé : celui où passait la voie ferrée. En effet, le pré où elle avait trouvé refuge bordait les rails.

LES RAILS... la voilà, la solution! En les suivant — à condition de choisir le bon sens — elle aboutirait forcément à Brunières. Une longue, longue marche en perspective, certes! Mais un moyen sûr pour ne pas se perdre.

Sans plus hésiter, Nathalie gagna le ballast et avança entre les rails. Pendant un moment elle s'astreignit à marcher courbée. Puis, quand elle fut suffisamment éloignée, elle se redressa et se mit à courir. Evitant les cailloux, elle sautait légèrement de traverse en traverse. Hercule, toujours enveloppé dans le tricot, était une charge bien peu gênante! Il restait tout à fait tranquille, et elle sentait le petit cœur du chien battre contre le sien.

Les minutes s'écoulaient : la lassitude commençait à se faire sentir. Nathalie avait cessé de courir pour marcher à grands pas. Une sorte d'engourdissement la gagnait, à progresser ainsi entre ces rails rectilignes.

Hélas! Un brusque réveil l'attendait. Elle venait d'arriver à un endroit où la voie ferrée longeait la route, quand un bruit de moteur lui parvint. D'abord lointain, il augmenta peu à peu. L'engin se rapprochait donc. C'était... un véhicule à deux roues... UNE MOTO! Bientôt elle

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distingua le conducteur et reconnut l'homme entrevu dans la véranda.

Quoi? Elle ne l'avait donc pas « semé »? Il fallait croire que non! L'ayant sans doute cherchée en vain sur la route de Lormier, il avait continué vers Brunières.

En tout cas, Simon ne pouvait pas ne pas la voir : perchée sur le monticule où passaient les rails, elle servait de point de mire. En effet, le conducteur de la moto paraissait la fixer. Comme il devait triompher, à l'idée d'une victoire si facile!

Elle se remit à courir, décidée à lutter... même si cela ne la sauvait pas. Et soudain... un grondement la fit tressaillir, semblable à un roulement de tonnerre lointain. Le bruit, qui se produisait derrière elle, allait s'amplifiant. Elle comprit vite : le train! Un train se dirigeant vers Brunières, et qui serait là dans quelques instants.

La fugitive tourna la tête : la locomotive n'était plus qu'à une centaine de mètres d'elle. Spectacle hallucinant! On aurait dit la face d'une énorme bête, prête à dévorer Nathalie. Celle-ci resta figée une fraction de seconde, incapable de fuir. La machine se mit à siffler, à titre d'avertissement sans doute.

Alors, chez Nathalie, l'instinct de conservation se déclencha. Elle se jeta hors des rails, dévalant le talus à si vive allure qu'elle perdit l'équilibre et atterrit sur le dos, en plein milieu d'un amas de ronces. Elle était tout écorchée, mais sauvée!

Doublement sauvée, d'ailleurs. Car, sans même

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réfléchir, elle avait quitté les rails du côté opposé à la route. Le train, qui continuait à défiler, la séparait pour un moment de son dangereux adversaire.

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CHAPITRE XII

Le passage souterrain

A VRAI DIRE, pour la fugitive, le salut n'était que provisoire. Bien qu'il s'agît d'un train de marchandises aux nombreux wagons, le moment viendrait vite où il aurait disparu. Il fallait sans tarder profiter de cet écran providentiel pour échapper à l'ennemi.

Après un regard à Hercule, qui ne semblait pas avoir souffert de la chute, Nathalie, redressée d'un bond, se mit à courir en s'éloignant de la voie. Elle traversa un terrain découvert, pour gagner enfin l'abri d'un petit bois. Zigzaguant

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entre les arbres, elle finit par croiser un sentier : elle le prit dans le sens qu'elle jugea être le bon, c'est-à-dire vers Brunières.

La fillette marcha pendant un temps qui lui parut terriblement long. La fatigue l'envahissait, ses jambes se faisaient raides, mais elle avançait toujours : la pensée de l'homme à la moto l'empêchait de faiblir.

Et pourtant, comme elle aurait été tentée de s'asseoir sur un talus, et de rester là sans bouger! Quant à Hercule, il demeurait parfaitement immobile, sa tête minuscule émergeant du chandail. Même légère, cette charge donnait des crampes au bras de Nathalie : elle dut changer à plusieurs reprises la position du caniche.

Après le bois, le sentier devint un chemin de terre bordé de quelques fermes : un voisinage rassurant pour la fugitive. Elle craignait cependant de s'être égarée, mais eut bientôt la preuve du contraire. Les habitations se firent plus nombreuses, plus serrées : elle avait atteint une banlieue de Brunières. Une petite rue tranquille, prise au hasard, l'amena le long de la voie ferrée. Bien que ce voisinage lui rappelât désagréablement l'homme à la moto, elle décida de suivre le trottoir bordant le remblai : les rails la guideraient, et elle n'aurait pas besoin de demander sa route. Une ou deux fois, elle fut dépassée par un deux-roues, et sursauta. Heureusement, c'étaient de fausses alertes! Peu à peu, d'ailleurs, ce quartier devenait plus familier à Nathalie : elle était sûre d'être déjà passée par là. Quant à la maison de Mlle Biche...

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« Pour la retrouver, je devrai traverser la voie ferrée », conclut la fillette.

Seulement, il n'y avait aucun passage à niveau en vue. Par contre, un peu plus loin, ce fut l'entrée d'un passage souterrain qui lui apparut. Elle décida de l'emprunter.

Au moment où elle commençait à s'enfoncer sous terre, un ronronnement de moteur frappa ses oreilles. Pas de doute : il était produit par une moto, et le bruit venait de l'autre côté de la voie. Il cessa d'ailleurs soudainement, et la fillette se rassura.

« J'ai trop d'imagination! se dit-elle. Nick a bien raison de se moquer de moi! »

Nick... Noël... la pensée des deux captifs la remplit d'angoisse. Arriveraient-ils à s'échapper? Sinon ce serait à elle, Nathalie, de faire le nécessaire. Pour cela il lui fallait arriver saine et sauve aux « Charmilles ».

Elle accéléra sa descente le long du boyau souterrain aux murs carrelés de jaune. Il était absolument désert. Les pas de la fillette résonnaient étrangement dans le silence : elle se sentit mal à l'aise.

Maintenant, le couloir se remettait à monter. Après un léger coude, la sortie apparut à Nathalie. Catastrophe! Elle vit un homme, ou plutôt les jambes d'un homme. Et cet individu, parfaitement immobile, était posté en plein milieu de l'ouverture.

Pour attendre qui? La réponse lui parut évidente. Cet homme était Simon, et c'était elle, Nathalie, qu'il guettait patiemment : il l'avait vue

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entrer dans le souterrain, et savait bien qu'elle finirait par en sortir.

Que faire? Retourner? La solution n'était guère meilleure.

« II me verra de loin, pensa-t-elle, et aura tôt fait de me rattraper. »

Tout de même, cela valait mieux que de se jeter dans les bras de l'ennemi. Nathalie repartit en sens inverse au pas de course. Et c'est alors qu'elle aperçut le petit couloir latéral devant lequel elle était passée un moment auparavant sans le remarquer. Impulsivement la fillette s'y jeta, gravit une volée d'étroites marches et retrouva l'air libre.

Bien sûr, elle évita de se redresser. D'ailleurs une corbeille ajourée peinte en vert — de celles où on jette les détritus dans un jardin public — plantée à côté de l'orifice, lui assurait un relatif abri. De là elle observa le guetteur : c'était bien Rouvot. Une roue de sa moto était même visible, dépassant d'un mur. Fort heureusement, l'homme fixait l'entrée du souterrain et ne regardait donc pas du tout dans la direction de la fugitive.

Nathalie observa l'endroit où elle se trouvait : c'était un terrain où s'élevait un groupe .d'immeubles. Il y avait des pelouses, des massifs d'arbustes, des allées sablées. Un peu plus loin, une aire également recouverte de sable servait de terrain de jeux. Un groupe d'enfants y formait un cercle : en majorité des filles, qui avaient à peu près l'âge de Nathalie. L'une d'elles, placée au centre, essayait d'intercepter un ballon que les

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autres se lançaient par-dessus sa tête. On entendait des rires, de joyeuses exclamations.

L'esprit de Nathalie se mit à travailler : les joueuses allaient peut-être l'aider à sortir de sa fâcheuse position?

Oui, mais de quelle façon? Or, juste à ce moment, son regard fut attiré par des vêtements que l'une des petites filles avait négligemment jetés sur l'herbe, non loin d'elle : il s'agissait d'un polo de teinte orange, et d'une casquette en toile de même couleur.

« Tant pis! Je vais les emprunter », décida-t-elle.D'abord, il lui fallait se débarrasser du chien. Ce

qu'elle fit, tout simplement en le déposant dans la corbeille.

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Celle-ci, heureusement, ne contenait que quelques papiers et une bouteille de plastique. D'ailleurs, le caniche était toujours enveloppé dans le chandail.

« Sage, Hercule! » recommanda-t-elle à voix basse.L'interpellé la fixa de ses yeux humides et resta

parfaitement tranquille.Brave toutou! Nathalie lui fit une caresse. Ensuite,

toujours courbée, elle saisit les vêtements et les enfila par-dessus sa robe légère, en coton bleu. Le polo orange était un peu grand. Tant pis! Quant au chapeau, elle l'enfonça le plus possible sur sa tête pour cacher ses cheveux blonds.

« Maintenant, je suis méconnaissable », pensa-t-elle.Alors seulement elle jeta un regard en direction du

guetteur : il montrait nettement des signes d'impatience, piétinant sur place, observant tantôt l'entrée tantôt la sortie du couloir souterrain. D'ici peu il trouverait louche la disparition de son « gibier », et se remettrait en chasse : plus une seconde à perdre!

Nathalie se décida subitement : en trois bonds, elle gagna le cercle enfantin, et, tout naturellement, y prit place. Il y eut un instant de stupeur parmi les joueuses. Une fillette brune, en robe orange rayée de blanc, prit un air scandalisé en examinant l'arrivante : la propriétaire des vêtements « empruntés », sans aucun doute. Elle ouvrit la bouche, et protesta : « Dis donc, toi...! », mais n'alla pas plus loin : Nathalie venait de lui jeter un regard suppliant. En même temps elle

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désignait du pouce, par-dessus son épaule, l'homme aux aguets.

La petite brune avait l'esprit vif. Comme le ballon venait de lui parvenir, elle le lança en direction de Nathalie tout en lui criant :

« Attrape! »Du coup, la nouvelle venue était adoptée. Sans que

personne ait posé de question, le jeu à peine interrompu reprit. Simplement, il y avait une joueuse de plus.

Et quand, cinq minutes plus tard, le barbu — qui entre-temps avait dû fouiller en vain le souterrain — s'approcha du groupe, personne ne broncha. Pas même Nathalie, qui pourtant n'en menait pas large. Elle pensait à ce qui pourrait advenir s'il la reconnaissait!

Or, ses craintes ne se réalisèrent pas : ayant regardé les fillettes les unes après les autres, le guetteur finit par s'éloigner. Nathalie aurait bien voulu se retourner pour le suivre des yeux, mais ne s'y risqua pas.

Un instant plus tard, elle entendit la pétarade d'un moteur de motocyclette. Le bruit décrut, puis disparut. La tension avait été telle, chez la fillette, que ses jambes tremblantes refusèrent brusquement de la porter. Elle gagna la pelouse voisine et s'y laissa choir. Aussitôt ses compagnes de jeu l'entourèrent, et cette fois les langues se délièrent.

« Pourquoi te cherchait-il, ce vilain bonhomme?— Il avait l'air drôlement furieux en repartant!

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— Bien fait pour lui!— Raconte-nous vite!— Laissez-la donc tranquille, vous voyez bien qu'elle

est toute pâle! » intervint la petite brune, qui paraissait avoir de l'autorité sur les autres.

Nathalie, éperdue de reconnaissance, fit un effort sur elle-même : ces filles l'avaient sauvée, il était normal de satisfaire leur curiosité. Mais, ne voulant pas raconter toute l'histoire, elle se contenta d'expliquer :

« Cet homme... m'avait volé... mon chien.— Ton chien! répétèrent plusieurs voix sur un ton où

perçait l'incrédulité.— Mais tu n'en as pas, de chien! ajouta la fillette à la

robe orange.— Bien sûr que si : là! répondit Nathalie en montrant

du doigt la corbeille à détritus. Oh, je .ne vous raconte pas de blagués! Allez donc voir. »

Déjà plusieurs d'entre les joueuses se précipitaient à l'endroit indiqué. Il y eut des exclamations d'étonnement quand elles découvrirent le caniche blotti au fond de cette niche improvisée. Aussitôt ce fut à qui le cajolerait.

« Qu'il est mignon!— Mais il tremble comme une feuille, le

pauvre! »En effet. Hercule subissait maintenant le contrecoup

des mauvais traitements et de la peur. Il ne réussit à se calmer qu'une fois dans les bras de Nathalie.

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« Il faut que je le ramène à la maison, déclara celle-ci en se relevant. Ah! Il y a quelque chose que je ne dois pas oublier. »

Elle quitta le polo, la casquette, et les tendit à leur propriétaire, en disant :

« Excuse-moi de te les avoir empruntés. Merci beaucoup! Merci à vous toutes. »

Elle voulut prendre congé, mais ses nouvelles amies n'entendaient pas la lâcher si vite.

« Nous t'accompagnons, décida la brune. Le méchant type pourrait revenir, et alors...!

— Avec plaisir! » accepta la fillette que cette seule idée remplissait d'effroi.

Si bien que Nathalie et le chien Hercule furent gratifiés d'une haie d'honneur jusqu'à la porte de la villa « Les Charmilles » où enfin ils se sentirent en sécurité.

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CHAPITRE XIII

La barre de fer

Aux AGUETS dans leur réduit, Nick et Noël n'avaient rien perdu de la scène qui se déroulait à l'extérieur. D'abord ils notèrent avec soulagement le départ de Nathalie emportant Hercule. Puis, presque immédiatement, les cris de rage, les bruits de pas précipités leur firent comprendre que la fuite de la fillette était éventée. Quand ils entendirent Simon sortir sa moto pour poursuivre la fugitive, le découragement les submergea : les chances de Nathalie leur apparaissaient quasiment nulles. Et dire qu'eux-mêmes, pendant ce temps, étaient condamnés

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à l'inaction! Nick en trépignait presque de rage impuissante.

« Il faudrait nous échapper tout de suite! chuchota-t-il. La barre à mine?

— Impossible, avec Bernard qui reste planté là », répondit son cousin.

En effet le jeune homme, obéissant aux ordres de son demi-frère, arpentait sans arrêt l'allée qui longeait l'appentis.

De longues, longues minutes s'écoulèrent sans qu'aucun changement ne se produisît. Noël, jetant un coup d'œil par la fente, vit que Bernard avait fini par s'asseoir sur un cageot renversé pour fumer une cigarette. Ses yeux fixaient obstinément le portail : sans doute s'inquiétait-il de l'absence prolongée de Simon?

« Drôle que Rouvot ne soit pas encore revenu! remarqua l'aîné des Trois N.

— C'est de bon augure, répondit le plus jeune avec espoir. Nathalie est assez dégourdie pour lui avoir échappé.»

Noël se garda de lui faire remarquer qu'en d'autres circonstances, Nick avait souvent traité sa sœur de « grosse gourde" ».

Bref, plus le temps s'écoulait, plus les deux captifs reprenaient confiance. C'était le contraire pour Bernard Mallet, qui devenait de plus en plus nerveux. Il finit par aller se poster devant le portail. Noël en profita pour murmurer :

« Maintenant qu'il s'est éloigné, nous pourrions commencer les préparatifs?

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— Des préparatifs... pour sortir d'ici? s'enquit le plus jeune très excité. Tout de même, tu ne prétends pas enfoncer la porte avec cette barre à mine?

— Non, bien sûr : elle est trop solide.— On pourrait plutôt forcer la serrure? suggéra Nick.

Il suffirait pour ça de glisser le bout dans la fente. »Déjà il joignait le geste à la parole, mais son cousin

l'arrêta.« Pas maintenant! Le bruit attirera Bernard, et...— Qu'est-ce que tu crois? C'est seulement une

répétition. »Et le plus jeune reprit sa tentative, cherchant à

introduire la pointe de la barre à mine entre le vantail et le chambranle, côté serrure.

Hélas! La porte était si bien plaquée contre son cadre, qu'il ne put y parvenir. D'autant plus que l'outil était très émoussé. Le jeune garçon laissa échapper une exclamation de colère. Noël était tout aussi déçu.

« C'est plutôt un pied-de-biche qu'il nous faudrait, conclut-il.

— A propos de biche, remarqua Nick, j'espère que Nathalie est enfin chez elle... je veux dire : chez mademoiselle Biche. »

Cette association d'idées fit sourire Noël. Mais les deux cousins étaient soucieux. Si la barre à mine était inutilisable, comment s'échapperaient-ils?

Nick, le front plissé, se mit à arpenter l'étroit espace, cependant que Noël restait immobile, paraissant réfléchir.

Soudain son regard s'éclaira.

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« Je crois que je tiens le bon moyen! s'écria-t-il.— Lequel? Dis vite!— Trouve-moi d'abord quelque chose comme un gros

caillou... quelque chose qui puisse servir de point d'appui, et tu verras. »

En furetant dans un coin de la resserre, Nick mit la main sur un parpaing. « Est-ce que ça ira?

— Parfait. Maintenant, pose-le par terre. Non, pas à plat : sur la tranche. Un peu plus près : c'est bon. Allons-y!»

Nick avait deviné l'intention de son cousin : utiliser la barre comme un levier. Effectivement, il la fit reposer sur le parpaing, puis engagea l'extrémité la plus mince sous la porte : comme celle-ci joignait mal au sol cimenté, il y avait juste la place nécessaire.

« Et maintenant, il nous faut attendre l'aide de nos geôliers, déclara-t-il.

— Tu plaisantes?— Pas du tout. Tu n'as qu'à réfléchir. »Et Nick réfléchit. Le résultat vint au bout de quelques

minutes.« J'ai tout compris : ce truc ne peut pas fonctionner en

ce moment. Si on essaie de soulever le panneau avec le levier, la serrure le retiendra d'un côté. Mais si un des types ouvre cette porte, alors...! »

A l'idée de ce qui se passerait, il éclata d'un rire vite réprimé.

De nouvelles minutes s'écoulèrent. Mais cette fois, l'espoir soutenait les deux captifs. Certes,

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ils s'inquiétaient encore pour Nathalie, mais cette inquiétude diminuait avec le temps. Pour que Rouvot s'attarde ainsi, la fillette lui donnait certainement du fil à retordre!

Un quart d'heure plus tard, le bruit de pétarade d'une moto parvint à leurs oreilles, alla croissant puis s'arrêta. Noël colla son œil contre la fente, et annonça d'un ton triomphant :

« C'est Rouvot qui rentre... NATHALIE N'EST PAS AVEC LUI! »

Le soulagement fut si intense, chez les deux cousins, qu'ils en oublièrent leur situation précaire. Ils prêtèrent l'oreille à la conversation des deux complices.

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« Quoi! Tu reviens sans la gamine? s'exclama Bernard d'un ton fâché.

— Eh bien, oui, là! Elle s'est quasi volatilisée à l'entrée de la ville.

— Chapeau! ironisa le plus jeune. Elle est à pied, toi à moto, et c'est elle qui te sème!

— J'aurais voulu t'y voir! En tout cas, pour nous, c'est une sale histoire.

— Je te crois! La fille va alerter la police, et...— ... et nous sommes cuits si nous ne filons pas dare-

dare, conclut Simon.— Filer? Je veux bien, acquiesça le plus jeune. C'est

d'ailleurs la seule solution. Mais que ferons-nous des deux garçons?

— C'est vrai qu'il y a encore ceux-là! maugréa le peintre. Pas question, bien sûr, de les libérer en partant.

— Alors?— Alors, le mieux, c'est de les laisser où ils sont. »Apparemment,' Bernard n'était pas d'accord. « Tout de

même, les abandonner comme ça! Est-ce que tu crois...— Ce que je crois, c'est qu'on perd du temps à faire

du sentiment. Ne crains rien : la fille en liberté, ils seront vite délivrés... trop vite pour mon goût. »

A l'intérieur du réduit, les deux garçons se regardèrent avec consternation. La résolution de Simon de les abandonner dans leur prison détruisait tous leurs espoirs : les voleurs allaient partir impunis, tandis qu'eux-mêmes devraient attendre, des heures peut-être, les secours que finirait par leur envoyer Nathalie. Sans compter

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que le piège prêt à fonctionner n'aurait été d'aucune utilité!

Nick tapa du pied avec rage.« II ne faut pas accepter ça! »C'était bien l'avis de Noël, qui, une fois de plus, fit

travailler son cerveau à toute vitesse. Et l' « idée » lui vint. Oh! Elle ne lui plaisait pas tellement! Il allait profiter de ce que Bernard Mallet, plus jeune, moins endurci que son frère, paraissait mieux disposé que lui envers les prisonniers.

Le jeune garçon se mit à tambouriner sur la porte pour attirer l'attention des deux hommes, déjà en train de s'éloigner.

« Eh, là! grommela Rouvot en se rapprochant. Ça va finir, ce boucan?

— J'ai entendu que vous alliez nous laisser enfermés, expliqua Noël. On étouffe, là-dedans. Alors, s'il vous plaît, donnez-nous à boire avant de partir.

— Si vous croyez qu'on a le temps! répondit le peintre.

— Mon cousin n'est pas bien, insista le captif. Rien qu'un verre d'eau! »

Nick entra dans le jeu :« J'ai chaud! J'ai soif! » gémit-il d'un ton lamentable.Comme Noël l'avait escompté, Bernard intervint en

leur faveur.« On ne va quand même pas leur refuser de l'eau! »Rouvot se laissa fléchir.« C'est bon, vas-y, mais dépêche! »

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Le moment attendu allait venir! Noël vérifia son «système » : il paraissait prêt à fonctionner. Alors il se tint debout contre la porte, guettant le retour du jeune Mallet. Quant à Nick, il prit position à l'autre bout du levier improvisé, ses deux mains posées sur le métal.

Bernard fut bientôt là, porteur d'un pot à eau et d'un verre.

« Tenez, attrapez ça! » dit-il.Noël tendit la main à travers la fente, sachant

pertinemment qu'elle était trop étroite pour laisser passer l'un ou l'autre des récipients. Bernard poussa une exclamation de dépit, tandis que l'aîné ricanait :

« Tu vois bien! Il vaut mieux les laisser moisir là-dedans, et filer. »

Mais le plus jeune s'obstina.« Ouvre la porte. J'introduis le pot, et tu refermes. »Simon dut s'exécuter, car, sous l'œil attentif des deux

prisonniers, la clef fut introduite dans la serrure. Au moment précis où elle se mit à tourner, Nick appuya de toutes ses forces sur l'extrémité du levier. Le panneau sortit de ses gonds. Et comme la lourde porte n'était plus retenue par le pêne, elle s'effondra d'un coup vers l'extérieur.

Un double cri de douleur jaillit : la chute de la porte n'avait pas été sans dommages pour les voleurs de tableaux!

Mais Nick et Noël ne voyaient qu'une chose : devant eux s'ouvrait le chemin de la liberté.

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CHAPITRE XIV

Le tableau

LEURS ADVERSAIRES, heureusement, n'étaient guère dangereux, pour le moment du moins. Le choc de la porte avait dû faire tomber Simon, car il se relevait péniblement. Sur son front, apparaissait une grosse bosse. Quant à Bernard, il sautillait sur son pied gauche en tenant l'autre à deux mains : sans doute celui-là avait-il été coincé sous le panneau?

Toujours est-il qu'aucun des éclopés ne songea à barrer la route aux fugitifs. Ceux-ci gagnèrent donc la route sans encombre, et récupérèrent leurs vélos restés derrière la haie.

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Nick allait sauter en selle, quand il se ravisa.« Dis donc, et le tableau? »Catastrophe! Le Van Gogh était resté dans la

chambre du haut. Que ne l'avaient-ils emporté, tout à l'heure!

« Il ne faut pas le leur laisser! ajouta le jeune garçon.— Bien sûr! admit Noël consterné. Mais le

reprendre paraît impossible. Ils ne vont pas tarder à nous poursuivre : nous devrions déjà être loin!

— Tant qu'ils s'occupent de leurs bobos, rien à craindre, remarqua Nick. Cachons-nous, au lieu de partir.

— Où ça?— Dans un endroit où ils n'auront pas l'idée de nous

chercher : près de leur maison, par exemple. Suis-moi!»

Poussant leurs vélos, les enfants traversèrent un pré qui longeait l'arrière du jardin. A travers la haie qui les dissimulait, ils entendirent un bruit de dispute.

« Imbécile! criait l'aîné. C'est de ta faute, ce qui nous arrive. Si tu ne t'étais pas montré aussi sentimental.

— Je ne pouvais pas deviner qu'ils nous préparaient cette mauvaise surprise! se défendit Bernard. Mais qu'est-ce que tu attends pour les prendre en chasse? Pour moi, impossible, avec mon pied en compote.

— Et moi, regarde ma tête! »Nick émit un gloussement discret et chuchota à

l'intention de son cousin :

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« Je te l'avais bien dit! »Noël lui fit signe de se taire : dans le jardin proche, la

conversation reprenait.« De toute façon, ils sont déjà loin, disait Simon. Nous

n'avons plus qu'une chose à faire : prendre le large avant qu'eux ou la gamine aient mis la police à nos trousses. »

Nick fit la grimace et murmura :« C'est bien ce que je craignais : pas un instant à

perdre!»Après l'angle de la haie, le pré s'abaissait jusqu'au

talus sur lequel passait la voie ferrée. Au pied de la voie avait poussé une folle végétation d'herbes hautes et de buissons.

« Exactement ce qu'il faut pour te dissimuler avec les vélos, remarqua le plus jeune.

— Pourquoi moi, et pas toi? protesta son cousin.— Parce que je suis le plus doué en culture physique,

et tu le sais très bien, répondit Nick sans modestie. Allons, laisse-moi faire, et attends mon retour: je ne serai pas long... enfin, je l'espère. »

Trois secondes plus tard, il se faufilait sans trop de difficulté à travers la haie et disparaissait aux regards de son cousin. Passant une tête prudente à l'angle de la maison, côté resserre, il vit que Simon et Bernard avaient quitté les lieux. La porte, cause de leur mésaventure, gisait encore sur le gravier.

« Ils sont sûrement à l'intérieur pour emballer leurs affaires », pensa Nick.

Marchant sur la pointe des pieds; il gagna la

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véranda, la traversa sans encombre et atteignit le petit couloir. Là, un bruit de voix lui parvint, depuis la pièce du fond dont la porte était restée ouverte. Mauvaise affaire! Il devait passer devant pour gagner l'escalier. Rasant les murs, il s'approcha du chambranle et attendit un moment, guettant les demi-frères occupés à jeter pêle-mêle des objets dans une valise. Nick profita de ce qu'ils lui tournaient le dos pour faire un grand pas qui l'amena de l'autre côté de la porte. Victoire! Les adversaires ne s'étaient aperçus de rien.

Le jeune garçon s'élança dans l'escalier. Nick se voyait déjà au bout de ses peines, lorsque, sous ses pieds, une marche craqua : la même que

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la première fois, bien sûr! Pourquoi n'y avait-il pas pensé?

Trop tard! Dans le silence, le craquement parut énorme. Aussitôt, tout se déclencha : les deux frères sortirent de la pièce du bas, stupéfaits. Nick, rejetant alors toute précaution, enjamba les dernières marches et pénétra en trombe dans la pièce de gauche où Noël et lui avaient vu le tableau. Par bonheur, il s'y trouvait toujours. Le jeune garçon s'en empara et regagna le palier avec son butin serré contre lui. Maintenant, il s'agissait de repartir avec!

L'issue vers le bas était coupée : Simon grimpait à son tour, et, déjà, se trouvait à mi-hauteur. Par contre, Bernard n'était pas visible : mais un seul ennemi suffisait amplement! D'ici une fraction de seconde il l'aurait rejoint, et alors...!

« II ne m'aura pas! » décida farouchement Nick, et il bondit dans la petite chambre qui donnait sur la voie ferrée.

Vite, la fenêtre! Une fois ouverte, elle lui permit de voir, à un mètre à peine au-dessous de lui, le toit vitré de la véranda. Des ferrures parallèles en assuraient la solidité.

« Possible d'atterrir là-dessus, à condition de ne pas crever le verre », pensa le fugitif.

Il enjamba le rebord et, s'y cramponnant d'une seule main — car l'autre maintenait contre lui le précieux tableau — se laissa glisser jusqu'au toit, prenant bien soin de poser ses pieds sur les barres métalliques. Il lâcha la bordure au moment même où le buste de Simon s'encadrait dans l'ouverture. Le peintre tendit le bras.

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Pour lui échapper, le jeune garçon marcha de ferrure en ferrure jusqu'à l'extrême bord de la verrière.

Arrivé là, il s'apprêtait à sauter par terre, lorsqu'un cri jaillit au-dessus de lui :

« A toi, Bernard! Il me file sous le nez.— Ne crains rien : je vais le cueillir! » répondit une

voix venue de l'intérieur.Au même moment, la tête du plus jeune des deux

frères émergea de la véranda, et Nick n'eut que le temps de freiner son élan. Un peu plus, il tombait dans les bras de l'adversaire!

Sa situation n'était pas moins critique : un ennemi au-dessus de lui, un autre à ses pieds... quelle chance avait-il de s'en tirer?

Eh bien, non! Tout n'était pas perdu : à l'angle du jardin, et séparée de la véranda par une distance d'un mètre cinquante à peine, se trouvait la cabine au bord de la voie ferrée. Nick, cette fois encore, n'hésita pas : se détendant comme un ressort, il passa par-dessus la tête de Bernard et aboutit sans difficulté sur le toit plat de la minuscule bâtisse.

Un double cri de rage jaillit.« Attrape-le! rugit Simon toujours penché à la fenêtre.

Il va sauter sur la voie! »C'était, en effet, l'intention du fugitif. Mais, par le plus

grand des hasards, un train passait au même moment.Un train pas comme les autres, à vrai dire. Il roulait à

petite vitesse, et ne comprenait qu'une petite locomotive et deux wagons.

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Dans la première, le jeune garçon eut le temps d'apercevoir deux hommes, dont l'un devait être le conducteur. Quant aux wagons, c'étaient de simples plates-formes remplies de sable.

« Un train de service, destiné à des réparations sur la voie», pensa machinalement le jeune Renaud.

Cependant Bernard cherchait à grimper sur le toit de la guérite. Une fois de plus, Nick fit la seule chose possible pour échapper à son poursuivant : il sauta dans la direction opposée.

Et ce nouveau bond le fit atterrir sur le wagon de queue, qui passait précisément à sa hauteur. Il tomba, mais sans se faire de mal, car le sable amortit sa chute. Quant au Van Gogh, il le tenait toujours serré contre lui.

« Sauvé! » s'écria le fugitif à voix haute.Ses paroles furent couvertes par le bruit des roues.

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CHAPITRE XV

Train spécial

LES PROUESSES acrobatiques de Nick avaient eu trois spectateurs. L'un d'eux était Noël, qui, ayant rampé hors de sa cachette, se trouvait maintenant près de la voie ferrée. Les deux autres : Rouvot et Mallet. Quant aux hommes du train, l'incident leur avait tout bonnement échappé.

Le premier sentiment de Noël fut l'admiration. Ce Nick, tout de même, quel cran! Décidément on pouvait lui faire confiance, même quand la situation paraissait sans issue.

Pourtant, l'aîné des Trois N était loin de se

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réjouir de la tournure des événements. Les ravisseurs d'Hercule ne laisseraient sûrement pas leur échapper le Van Gogh, leur seul butin. Ils se lanceraient donc à la poursuite de Nick. Or, le train S ni emportait le jeune garçon était peu rapide : leur serait aisé de le rattraper.

Effectivement, quelques minutes plus tard, Noël entendit démarrer leur moto. Chose curieuse, elle se dirigeait vers Lormier. Les bandits fuyaient-ils, résignés à ne pas reprendre leur butin mal acquis?

« Ça m'étonnerait! conclut le jeune garçon après un instant de réflexion. Ils cherchent plutôt à rejoindre là voie ferrée à quelque passage à niveau. Et tiens... pourquoi pas à ce « passage supérieur » dont nous a parlé le sous-chef de gare? »

A cet endroit, en effet, la route de Lormier à Narville devait enjamber les rails, donc s'en rapprocher.

Décidément, Nick n'était pas tiré d'affaire!Comment lui venir en aide? « En lui donnant le moyen

de fuir à vélo », décida le jeune garçon.Pour cela, il lui fallait longer les rails en poussant les

deux engins. Il prit donc un guidon dans chaque main, remonta la pente herbue et se retrouva sur la route. Comme elle était coupée par la double barrière, il emprunta les portillons. Au-delà la route continuait vers Narville, mais il la quitta pour un petit sentier qui suivait grosso modo la direction des rails : exactement ce qu'il cherchait. Noël avançait lentement, avec les

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deux bicyclettes à pousser sur l'étroit chemin. Mais au moins, il avait la sensation de faire quelque chose!

Nick, s'étant redressé, entreprit de s'installer confortablement dans le wagon où le hasard — et son agilité — l'avaient conduit. Son premier soin fut de vider ses sandales qui s'étaient remplies de sable. En même temps il riait tout seul à l'idée de la « drôle de tête » que devaient faire les deux bandits, et peut-être aussi Noël, si toutefois il avait suivi l'incident.

« Quelle bonne histoire à raconter! pensa-t-il. Moi, Nicolas Renaud, transporté gratis en train spécial. »

Mais, à la longue, sa gaieté se dissipa. C'était bien beau d'avoir emprunté ce moyen de locomotion, mais encore faudrait-il le quitter, et le plus tôt possible!

Dans ce but, il chercha pour le précieux tableau une place plus commode, sans pour autant s'en séparer. Fort heureusement, c'était une toile de petites dimensions... pas une miniature, malheureusement, sinon elle aurait tenu dans une de ses poches.

Il finit par la glisser sous son polo, en la serrant solidement contre lui à l'aide de sa ceinture. Pas très agréable, ce contact de la toile rugueuse contre sa peau, mais au moins garderait-il les mains libres.

Alors seulement Nick examina les moyens de se tirer de là. Sauter en marche? Pas question

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pour le moment. Certes, le train n'allait pas vite. Mais les talus étaient en pente raide de chaque côté.

« Et, conclut le jeune garçon, si je me paye une glissade ce ne serait pas si terrible... pour moi. Mais ça pourrait l'être pour le Van Gogh. »

Avant de sauter, il attendrait qu'une occasion favorable se présente : un ralentissement du train, par exemple. Or, celui-ci avançait toujours à la même allure modérée, et le jeune garçon avait beau se dévisser le cou, il voyait les rails s'allonger sans fin devant la locomotive.

Tout de même, au bout de quelques minutes, il y eut du changement : à deux cents mètres en avant du train, le jeune garçon apercevait une sorte de court tunnel. Une route l'enjambait, formant dos-d'âne au-dessus de la voie ferrée et se prolongeant de part et d'autre de celle-ci. Apparemment, le pont n'était pas tout à fait achevé, Nick voyait des échafaudages dressés contre l'une de ses faces. Des hommes étaient juchés dessus. Il y avait aussi, à peu de distance, une bétonneuse et des sacs de ciment.

« J'ai tout compris! se dit le jeune garçon. Ce train où je voyage gratis transporte du sable destiné à ces travaux. Donc, il va s'arrêter. Donc, je pourrai sauter... si possible un peu avant, pour n'être pas repéré. »

Effectivement le train ralentit, à la grande satisfaction de Nick. Celui-ci s'apprêtait à sauter, lorsque son regard fut accroché par quelque chose qui brillait au loin sur la route, à l'endroit où celle-ci s'abaissait presque au niveau de la

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voie. Et cet objet n'était autre que le guidon d'une moto appuyée contre le parapet. D'ailleurs, juste à côté, les yeux perçants du jeune garçon décelèrent une silhouette immobile à moitié dissimulée derrière un arbre :

« Sûrement un des deux frères, pensa-t-il. Donc, ils sont venus ici parce qu'ils savent que le train s'arrête, et ils s'apprêtent à me cueillir. »

Il lui parut même évident qu'il s'agissait de Bernard, et qu'il faisait simplement le guet, puisque son pied en mauvais état lui interdisait de courir. Par contre, Simon avait dû s'attribuer le rôle actif. Sans attendre l'arrêt complet — pour ne pas attirer l'attention du mécanicien ou des ouvriers — il bondirait sur l'occupant de la plate-forme et lui reprendrait le Van Gogh. Qui sait s'il ne se cachait pas derrière l'un de ces buissons qui bordaient la voie ferrée?

La panique poussa Nick à quitter le wagon sans attendre. Il inspecta les abords de la voie : sur sa gauche, une prairie marécageuse; sur sa droite, le remblai en pente raide qui aboutissait aux berges d'un ruisseau. Instinctivement il choisit ce côté-là.

Sans plus hésiter, ses deux bras croisés devant lui pour protéger le Van Gogh, Nick sauta dans l'herbe et tomba de côté, éprouvant une vive douleur à la cheville. Etait-elle foulée? Cessant de se poser des questions, le jeune garçon se laissa glisser jusqu'au bord du petit cours d'eau, où, à l'ombre des noisetiers qui le bordaient, il se sentit presque en sécurité. Sans se donner la peine d'enlever ses sandales, il y trempa les pieds : ce

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bain rafraîchissant fit le plus grand bien à sa cheville endolorie.

Tout de même, il ne s'agissait pas de « moisir » en cet endroit. Simon l'avait certainement vu quitter la plate-forme. Il examina les lieux : au-delà du ruisseau, une pente herbeuse aboutissait à un petit bois. Quel meilleur abri que des arbres? Oui mais... pour les atteindre, il devrait passer à découvert.

« Pas le choix! » se dit-il en commençant à grimper.D'abord tout alla bien. Mais, à mi-pente, Nick entendit

derrière lui un crissement de gravier. Simon! C'était bien lui qui traversait les rails à la poursuite de son ex-prisonnier.

Vite! Plus vite! Hélas, la montée était rude, et la cheville du fugitif trop douloureuse pour qu'il puisse forcer l'allure. Par contre, l'adversaire progressait. Nick, qui n'osait pas se retourner, croyait l'entendre haleter un peu au-dessous de lui.

L'orée du petit bois, enfin! Sur la mousse, la marche devint plus facile. Il prit soin de zigzaguer entre les arbres, pour égarer son poursuivant parfois il était obligé de ramper sous les taillis, insensible aux piqûres des ronces. Mais, de plus en plus, il avait la conviction que Simon avait perdu sa trace. Quand il eut parcouru une assez longue distance, il s'accorda une halte, afin de reprendre son souffle et de masser sa cheville malmenée. L'endroit était bien choisi : un tronc d'arbre renversé lui servait de siège. Une haie d'arbustes le séparait d'un sentier.

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Jusqu'ici, par prudence, il avait évité de le suivre. Mais puisque l'ennemi paraissait semé, peut-être pourrait-il...

Soudain un bruit de pas le fit sursauter. Il tendit l'oreille : pas de doute! Quelqu'un approchait. Il eut un instant de frayeur intense. S'était-il réjoui trop vite?

Pourtant, ce bruit... ce n'était pas seulement celui d'un pas. Un cliquetis, plutôt, comme si...

« Comme si quelqu'un poussait un vélo, se dit-il dans une illumination. Ce que j'entends, c'est la roue libre. »

Un vélo, sur ce sentier? Bizarre! Mais possible, après tout. En tout cas, il ne s'agissait pas de Simon.

Qui alors?Nick se souleva péniblement, et, avec d'infinies

précautions, écarta les branches d'un des arbustes.Il vit alors, non pas un, mais deux vélos. Et celui qui

les poussait, c'était... Noël en personne. Alors, le fugitif jaillit littéralement du sous-bois, vint se planter devant l'arrivant et lança :

« Comme c'est chic d'avoir un cousin! Jamais, jusqu'ici, je ne m'en étais rendu compte à ce point! »

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CHAPITRE XVI

Tout s'explique

MLLE BICHE, l'air bouleversé, écoutait le récit que lui faisait Nathalie. Elle venait de rentrer à la villa, une heure après la fillette, et le retour de « l'enfant prodigue» (c'est-à-dire du caniche), l'avait d'abord emplie de joie. Mais quand elle connut les circonstances de ce retour, son allégresse se changea en anxiété.

« Pour retrouver Hercule, j'aurais préféré perdre mes tableaux que vous voir courir de tels risques! déclara-t-elle avec conviction.

— Ne craignez rien, mademoiselle : Nick et Noël vont certainement s'échapper, affirma

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Nathalie. Ils étaient sur le point de le faire, quand je les ai quittés.

— N'empêche que je vais prévenir la police dare-dare! décida Mlle Biche.

— Pourtant, protesta la fillette, Noël m'a dit : « Pas avant deux heures ». A six heures donc et il est à peine cinq heures un quart. »

Sans l'écouter, la maîtresse d'Hercule se dirigea vers " le téléphone et forma le numéro du commissariat. A l'inspecteur de service, elle demanda le commissaire Carrier.

« II n'est pas là pour le moment, lui répondit-on. De quoi s'agit-il? »

Mlle Biche expliqua l'affaire, insistant sur la nécessité de délivrer au plus vite les deux garçons séquestrés dans une maison de garde-barrière.

« J'ai pris note de votre déclaration, affirma l'inspecteur. Nous n'avons pas d'hommes disponibles pour le moment. Mais dès qu'une équipe sera de retour, je vous l'enverrai.

— Pourquoi pas directement là-bas?— Il y a une fillette qui connaît l'endroit, m'avez-

vous dit? Nous passerons la prendre pour qu'elle nous guide. »

La vieille demoiselle, à demi satisfaite, reposa le combiné.

« Alors? demanda Nathalie.— Ils vont venir... quand ils pourront. »Les minutes s'écoulèrent dans un silence tendu. Mlle

Biche, l'air 'sombre, arpentait le plancher du salon, passant et repassant devant Nathalie. Celle-ci était assise dans un fauteuil avec le chien

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Hercule sur les genoux. Pour une fois, le caniche n'imitait pas sa maîtresse, se contentant de la suivre des yeux. Sans doute était-il fatigué!

Plus le temps passait, plus la belle assurance de Nathalie, concernant l'évasion des garçons, allait diminuant. Son frère et son cousin auraient dû être revenus depuis longtemps! Que signifiait leur retard? Que des complications nouvelles étaient survenues, à n'en pas douter.

Il pouvait être six heures moins vingt lorsque la fillette vit Hercule dresser les oreilles. En même temps il remuait la queue.

« Quelqu'un vient! s'écria-t-elle. Mais oui! Je les entends: CE SONT EUX!

— Qui, eux? demanda Mlle Biche.— Nick et Noël, bien sûr! Ils sont ici! » Suffoquée

de bonheur, la vieille demoiselle seretourna : les deux garçons se tenaient bel et bien sur

le seuil, l'air exténué. Nick, en particulier, avait les vêtements froissés et les cheveux en bataille. De plus, son polo était bizarrement distendu par un objet rectangulaire.

Aussitôt ce fut un beau tohu-bohu! Nathalie se leva brusquement et se mit à sangloter d'émotion. Le chien, projeté sur le tapis, aboya de toutes ses forces, tandis que Mlle Biche embrassait et grondait à la fois les deux cousins. Ensuite ils furent sommés de raconter sur-le-champ leurs aventures. Et ce furent des « Oh! », des « Ah! » de la part des auditrices éberluées. Nathalie à son tour fut dûment félicitée pour la façon dont elle s'était jouée de son poursuivant... et de nouvelles exclamations fusèrent.

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Le calme à peine revenu, Hercule, le museau tourné vers la porte, poussa un nouvel aboiement. En même temps il y eut un bruit de moteur, qui s'arrêta. Nathalie devina aussitôt :

« La police! s'écria-t-elle.— Vous l'avez donc appelée? s'étonna Noël.

Pourtant, j'avais dit...— C'est moi qui l'ai fait, répondit Mlle Biche, parce

qu'il le fallait. »Et comme on sonnait au portail, elle alla ouvrir,

suivie par les enfants. Une fourgonnette noire était arrêtée, avec plusieurs hommes à l'intérieur. L'un d'eux descendit et se présenta :

« Inspecteur Minet. C'est vous qui avez appelé, à propos de deux garçons séquestrés?

— C'est bien moi. Mais les garçons... euh... se sont délivrés tout seuls.

— Ah! fit le policier ahuri. Mais tout de même, il y avait vol de tableaux, non? »

Ce fut encore Nick qui se chargea de répondre. Tout d'abord, il passa la main sous son polo pour faire disparaître la drôle de bosse qui le déformait. Un tableau apparut : il le montra à l'inspecteur.

« Un seul avait été volé : nous l'avons récupéré », dit-il simplement.

De plus en plus interloqué, le policier se tourna vers Mlle Biche.

« Alors, vous retirez votre plainte?— Eh bien, je... je pense que oui. »Dans leur for intérieur, les garçons l'approuvèrent.

Qu'avaient récolté les voleurs dans cette histoire? Rien. Et même ils y avaient perdu

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leurs affaires, et jusqu'à leur maison, où ils n oseraient pas retourner avant longtemps.

« Dans ce cas, conclut l'inspecteur, je n'ai plus rien à faire ici. Au revoir, mademoiselle.

— Au revoir, inspecteur, et merci quand même. »

Une fois le portail refermé, Nathalie remarqua :« II n'avait pas l'air content!— On le comprend! répondit la vieille demoiselle.

Lui et ses hommes ont été dérangés pour rien. Mais je me propose d'aller dès demain présenter nos excuses à l'inspecteur Carrier, en lui racontant toute l'histoire. »

Une fois les enfants et leur hôtesse réinstallés au salon, cette dernière se tourna vers Nick.

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« Dis donc, il y a quelque chose qui me chiffonne. Tout à l'heure, tu as prétendu avoir récupéré un Van Gogh. Or, le tableau que tu rapportes est identique à celui qui se trouvait dans ma chambre!

— ...et qui s'y trouve toujours, affirma l'interpellé.— Que... que signifie? » questionna la vieille amie

des Renaud.Son ahurissement fut à son comble lorsque Noël, qui

s'était esquivé, revint avec le deuxième tableau qu'il était allé chercher au premier étage.

« Ce sont exactement les mêmes! » s'écria-t-elle.Effectivement, il n'y avait à première vue qu'une seule

différence entre les deux peintures : l'une — celle que tenait Noël — était encadrée, l'autre non. Mais le paysage, une maison cachée par les arbres, semblait parfaitement identique.

L'aîné du trio, ayant pris une inspiration, déclara :« Tout a commencé, mademoiselle, lorsque, ayant

retrouvé les toiles de votre grand-père, vous avez décidé de faire encadrer l'une d'elles : celle-ci. Vous vous êtes bien rendue chez un encadreur nommé Boudon?

— C'est vrai, acquiesça Mlle Biche.— Et, tout en discutant avec lui, vous avez parlé des

trois autres toiles signées Biche qui se trouvaient encore dans votre grenier?

— Exact. Mais... tu ne vas tout de même pas soupçonner ce brave homme? s'indigna la vieille demoiselle.

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— Lui? Certainement pas. Seulement il y avait, dans l'arrière-boutique, un apprenti nommé Bernard Mallet qui vous a entendue. Le hasard a voulu que son patron le charge de l'encadrement. Pour faire ce travail, Bernard a dû enlever le carton fermant l'arrière de la toile. Alors il a vu...

— ...un Van Gogh, poursuivit Nick. J'ai tout pigé!— Moi aussi, ajouta Mlle Biche.— Moi pas! fit Nathalie dans une moue.— Ben voyons! Tu n'es qu'une petite tête! » se moqua

son frère.La fillette ne se fâcha pas : c'était si bon d'être

taquinée à nouveau!« Je vais t'expliquer, lui dit son cousin. Rappelle-toi

d'abord que le demi-frère de Bernard, Simon Rouvot, est lui-même peintre. Notre apprenti encadreur découvre donc le Van Gogh, ou plutôt une peinture signée « Vincent » dans laquelle il flaire une œuvre de valeur. Il la rapporte à Simon, qui reconnaît bel et bien un Van Gogh, et se charge d'en faire une copie...

— ...très bien imitée, il faut l'avouer, interrompit Nick.

— Ce Rouvot ne manque pas de talent, enchérit Mlle Biche. Dommage qu'il l'utilise pour de mauvaises causes! En tout cas, ce deuxième tableau est tout à fait semblable au modèle...

— ...à ceci près que cette copie ne porte pas sur son envers une peinture de Van Gogh, fit remarquer Noël, qui enchaîna : Bref, Mlle Biche revient chercher son tableau encadré... et n'y voit que du feu. L'affaire aurait pu s'arrêter là si, au

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lieu de se contenter d'un seul Van Gogh, les deux complices n'avaient eu envie de s'approprier les trois autres. D'où la visite dans le grenier de la villa.

— A partir de là, les Trois N entrent en scène... et tout finit par une victoire! » déclara Nick avec son habituel manque de modestie.

Mlle Biche le menaça gentiment du doigt.« II me semble, mon cher garçon, que tu sautes bien

vite aux conclusions... oubliant qu'avant la victoire finale il y a d'abord eu la défaite!

— Hum! Comme dit le proverbe, « Tout est bien qui finit bien! » Nous sommes sains et saufs, vous avez récupéré Hercule et le Van Gogh, n'est-ce pas l'essentiel?

— A propos, que comptez-vous en faire, de ces quatre précieux tableaux? questionna Noël. Avez-vous l'intention de les garder, mademoiselle? »

La vieille amie des Renaud, ayant réfléchi un moment, secoua la tête.

« Eh bien... je ne sais pas encore. A vrai dire, je crois qu'ils seraient mieux dans un musée : là, au moins, ils ne tenteront pas les voleurs. »

Nathalie était songeuse.« Quand même, nos voleurs à nous, que de hasards il a

fallu pour qu'on les retrouve dans leur maison de garde-barrière!

— Parle plutôt de déductions! protesta Nick. Les Trois N se sont montrés bons détectives... comme toujours! »

Mlle Biche caressa le caniche qui s'était réfugié sur ses genoux et fit remarquer :

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« Le meilleur détective, c'est encore Hercule.N'est-ce pas grâce à lui que vous avez pu commencer

votre enquête? Ce morceau d'étoffe qu'il a courageusement arraché au pantalon du cambrioleur...

— ...nous a mis sur la voie, acheva Noël.— Mais oui! On peut même dire : sur la voie... ferrée!

» lança Nick en riant.Et ce « mot de la fin » fit rire à leur tour les deux

autres « N » et Mlle Biche. Jusqu'à Hercule qui s'associa à la gaieté générale en poussant une série de jappements joyeux.

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Les

Noël, Nathalie et Nicolas (Nick).

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de Roberte Armand

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LES de Roberte Armand

Série intégrale

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