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DIX-SEPTIME JOUR DE LA LUNE DE LESPOIR

Septime anne du Rgne du Trs Noble et Magnifique Gouverneur Cosgo

Premire anne de lAlliance Indpendantedes Marchands

De Detozi, Gardienne des Oiseaux, Trehaug, Erek, Gardien des Oiseaux, Terrilville

Vous trouverez ci-joint une intimation officielle duConseil du Dsert des Pluies pour un paiement qui-table des dpenses supplmentaires et imprvues quenous valent lentretien et la surveillance des cocons deserpents pour la dragonne Tintaglia. Le Conseil demandeune prompte rponse.

Erek,Une brusque inondation de printemps nous a touchs de

plein fouet. normes dgts subis par certaines coquilles dedragons, dont certaines ont disparu. Une petite pniche a cha-vir sur le fleuve, sans doute celle qui transportait les jeunespigeons que je vous envoyais, hlas; ils sont tous perdus. Jelaisserai mes oiseaux pondre davantage, et je vous ferai par-venir les petits ds quils semplumeront. On ne reconnatplus Trehaug, tant elle grouille de Tatous! Mon matre madit que je ne devais pas dater mes lettres en fonction de notreindpendance, mais je brave son interdiction; la rumeurdeviendra ralit, jen suis convaincue!

Detozi

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Lhomme du fleuve

TAIT LE PRINTEMPS, normalement, mais il fai-sait un froid de chien, surtout pour dormir sur lepont au lieu de passer la nuit dans le rouf. Hier

soir, rchauff par le rhum, avec un ruban dtoileslointaines qui scintillaient par une ouverture dans lavote de la fort vierge, lide lavait enthousiasm;lair ne lui avait pas paru trop frais, les insectes stri-dulaient dans les arbres, les oiseaux changeaient desgazouillis tandis que les chauves-souris filaient au-dessus du fleuve en ppiant: superbe nuit pour sallon-ger sur le pont du bateau, admirer le monde qui lentou-rait, savourer le fleuve, le dsert des Pluies, sa propreplace dans lunivers. Mataf le berait doucement, et touttait bien.

prsent, dans laube gris-fer, les vtements impr-gns de rose, les articulations ankyloses, il avaitlimpression de stre laiss aller une fredaine stupideplus digne dun adolescent que dun batelier qui appro-chait la trentaine. Il se redressa lentement et poussa un

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long soupir qui fuma dans lair immobile et froid, etquil fit suivre dun rot venu du cur et dautres tr-fonds, parfum au rhum de la veille. Puis, maugrant, ilse mit debout, vacillant, et parcourut les alentours duregard. Le matin; daccord. Il sapprocha du bastingageet se soulagea dans le fleuve en contemplant le jour quise levait. Au-dessus de lui, dans les hauts sommets desarbres, des oiseaux chantaient entre eux; mais, dans lesous-bois, au bord de leau, laube et lclat du jour narri-vaient quattnus. La lumire tombait peine, tamisepar des milliers de nouvelles feuilles et dpouille detoute chaleur. Quand le soleil monterait, il brillerait surle fleuve et ses rayons perceraient la vote de la fort,mais il sen fallait de plusieurs heures.

Leftrin stira puis fit rouler ses paules; sa chemiselui collait dsagrablement la peau. Ma foi, il lavaitbien mrit; si un de ses hommes avait t stupide aupoint de sendormir sur le pont, cest ce quil lui auraitdit. Mais aucun navait commis cette btise: les onzemarins dormaient dans les couchettes troites superpo-ses le long de la paroi arrire du rouf, tandis que sapropre couchette, plus large, demeurait vide. Crtin!

Ce ntait pas encore lheure du rveil; dans le four-neau de la coquerie, le feu restait sous la cendre, onnavait pas mis deau bouillir pour le th, nulle galettene mijotait sur la grille; et pourtant, il tait bienrveill, et il avait envie de retourner se promener sousles arbres, impulsion trange qui ne se fondait sur riende rationnel mais dont il connaissait lorigine: les rvesoublis de la nuit dernire. Il tenta de se les rappeler,mais les lambeaux de ses songes se murent en fils detoile daraigne et disparurent. Il tenait toutefois suivrecette inspiration rmanente; il navait jamais rien perdu couter ses envies subites, et il avait regrett presque

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invitablement les rares occasions o il ny avait pasprt attention.

Il traversa le rouf puis la petite coquerie pour gagnersa cabine lavant. L, il changea ses chaussures depont contre des bottes; le cuir graiss des cuissardestait quasiment trou force dusure: les eaux acidesdu fleuve du dsert des Pluies agressaient souliers, vte-ments, bois ou peau. Mais ses bottes supporteraientencore une vire ou deux terre, et par consquent sapeau aussi. Il dcrocha sa veste, la jeta sur son paule etrentra dans le rouf, o il donna un coup de pied dans lacouchette du timonier. Souarge leva brusquement la tteet le regarda dun air vague.

Je descends terre me dgourdir les jambes; jeserai sans doute revenu pour le petit djeuner.

Bien, fit Souarge, ce qui reprsentait la fois laseule rponse acceptable et la limite de ses talents enmatire de conversation. Avec un grognement, Leftrinquitta le rouf.

La veille, ils avaient chou la pniche sur une rivemarcageuse et lavaient attache un arbre pench.Leftrin se laissa glisser le long du bout depuis la prouecamarde jusquaux roseaux crotts de boue; les yeuxpeints de la pniche contemplaient la pnombre du sous-bois. Dix jours plus tt, un vent chaud et de violentsorages avaient gonfl le fleuve du dsert des Pluies, dontles eaux avaient dbord de leur lit pour inonder lesberges basses. Depuis deux jours, elles avaient baiss,mais la vgtation avait souffert dtre reste plusieursjours sous les flots limoneux de la crue. Les roseauxployaient sous le poids de la boue, qui avait cras la plu-part des herbes, et des mares demeuraient sur la rive;quand Leftrin se mit en route, ses pieds senfoncrent etleau remplit peu peu les empreintes quil laissait.

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Il ignorait o il allait et pourquoi il y allait; le nez auvent, il sloignait du fleuve pour senfoncer danslombre des arbres festonns de plantes grimpantes. L,les signes de la rcente inondation taient encore plusmanifestes: branches prises entre les troncs, amasboueux de feuillages et de lianes accrochs aux arbreset aux buissons, dpts de limon sur la mousse paisseet la vgtation rase. Les fts normes des gants quisoutenaient le toit du dsert des Pluies ne craignaientgure les crues, mais les taillis qui poussaient en abon-dance dans leur ombre ny rsistaient pas; par endroits,le courant y avait ouvert des chemins tandis qudautres la fange alourdissait tant leur feuillage quonne voyait plus deux que des buttes boueuses.

Quand il le pouvait, Leftrin empruntait les passagesouverts dans les broussailles par linondation; et, quandle sol devenait trop mou, il se frayait un chemin dansles sous-bois englus de boue. Trs vite, il se retrouvalui-mme couvert de vase et tremp. Une branche quilavait carte lui revint en plein front et le moucheta delimon; il essuya vivement la matire piquante de sonvisage. Comme chez beaucoup de bateliers, lexpositionaux eaux acides du fleuve du dsert des Pluies avaitendurci la peau de ses bras et de sa figure laquelleelles donnaient un aspect de cuir tann en contraste sai-sissant avec ses yeux gris, et il avait la conviction quecela expliquait quil arbort si peu des excroissances etencore moins des cailles qui affligeaient la plupart deses frres du dsert des Pluies. Nanmoins, il ne seregardait pas comme un sducteur, ni mme comme unbel homme. Cette rflexion inattendue fit natre un sou-rire de regret sur ses lvres; il lcarta de ses penses,en mme temps quune branche de son visage, et pour-suivit son chemin.

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Soudain, il sarrta. Une sensation quil net sudcrire, une odeur ou un spectacle quil navait pas peruconsciemment, lavertirent quil approchait. Il se tintimmobile et balaya lentement la zone des yeux; les poilsse dressrent brusquement sur sa nuque, et il tourna latte. L! Des dbris vgtaux emptrs de boue dis-simulaient lobjet, et les flots dchans du fleuvelavaient couvert de vase, mais une veine grise transpa-raissait nanmoins: un bloc de bois-sorcier.

Il ntait pas norme, pas aussi gros quils pouvaientltre, daprs ce quil avait entendu dire: il avait undiamtre d peu prs les deux tiers de sa taille, orLeftrin navait rien dun gant; mais il jugeait sadcouverte dune taille suffisante pour faire sa fortune.Il jeta un regard derrire lui, mais les taillis qui lui bar-raient la vue du fleuve et de sa pniche amarre le pro-tgeaient aussi des yeux indiscrets; de toute manire,aucun de ses hommes navait d avoir la curiosit de lesuivre: ils dormaient son dpart et devaient encorelzarder sur leur couchette. Le trsor ntait qu lui.

Non sans peine, il traversa la vgtation jusqu cequil pt toucher lobjet: il tait mort; Leftrin le savaitavant mme de poser la main dessus. Enfant, il tait des-cendu dans la salle du Coq couronn, il avait vu le coconde Tintaglia avant quelle net clos, et il navait pasoubli les fourmillements que sa proximit avait veillsen lui. Dans la bille de bois-sorcier quil avait sous lesyeux, le dragon avait pri et ne verrait jamais le jour; peuimportait Leftrin quil et succomb sur la berge du ter-rain dencoconnage ou que les chocs provoqus par lacrue leussent tu: il tait mort, le bois-sorcier tait sadisposition, et lui seul savait o il se trouvait et, par unechance extraordinaire, il faisait partie des rares qui sussentcomment en tirer le meilleur parti.

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lpoque o la famille Khuprus avait constitu unepartie de son immense fortune partir de lexploitationdu bois-sorcier, avant que quiconque ne st ou nereconnt la vritable nature du bois, les frres de samre travaillaient dans ce domaine. Petit garon, il sepromenait dans le btiment bas o les scies de sesoncles mordaient lentement dans le matriau durcomme le fer, et il avait neuf ans quand son pre lavaitjug assez g pour venir travailler avec lui sur lapniche; il avait alors entam sa carrire de marin, et ilavait appris son mtier en suivant tous les chelons.Puis, comme il venait davoir vingt-deux ans, son pretait mort, et il avait hrit de la pniche. Il lavait com-mande le plus clair de son existence, mais, du ct desa mre, il connaissait les ficelles du commerce du bois-sorcier et il savait comment les utiliser.

Il fit le tour du bloc, avec difficult car les eauxlavaient coinc entre deux arbres, une extrmit pro-fondment enfonce dans la boue tandis que lautre sedressait loblique, festonne de dbris vgtaux. Leftrinenvisagea de le dgager afin de mieux le voir, puis ildcida de lui laisser son camouflage. Il revint rapide-ment la gabare, se rendit pas de loup au caisson dontil sortit un long bout puis retourna en hte attacher satrouvaille; ctait un travail salissant, mais, quand il euttermin, il avait la conviction que mme une nouvellecrue ne pourrait dloger son trsor.

Comme il reprenait le chemin de la gabare, il sentitune de ses paisses chaussettes en feutre prendrelhumidit et son pied commencer le piquer. Il acc-lra le pas en jurant tout bas; il devrait acheter une nou-velle paire de bottes lors du prochain arrt du bateau.Papegai tait un des villages les plus petits et les plusrcents du fleuve du dsert des Pluies, tout sy payaitcher, et il aurait du mal y trouver des bottes de cuir

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importes de Chalcde; il serait la merci de qui-conque en aurait vendre. Puis un sourire amer luitordit les lvres: il venait de dcouvrir une bille debois-sorcier qui valait plus de dix annes de travail sursa gabare, et voil quil sinquitait de ce quil allaitdevoir payer pour une paire de bottes! Une fois le boisdbit en planches et vendu discrtement, il naurait plusjamais de soucis dargent.

Il se pencha sur les problmes de logistique. Tt outard, il devrait dcider qui faire confiance et avec quipartager son secret; il aurait besoin de quelquun lautre bout de la scie en long, et dhommes pour laider transporter les lourdes planches jusqu la gabare. Sescousins? Probablement. La voix du sang parle toujoursplus fort, mme que les grondements du fleuve dudsert des Pluies.

Sauraient-ils se taire? Il le pensait. Il faudrait aussi semontrer prudent: le bois-sorcier frachement dcoup sereconnaissait aisment son lustre argent et sonodeur qui ne ressemblait aucune autre. Quand lesMarchands du dsert des Pluies avaient dcouvert cematriau, ils navaient attach son prix qu sa capacit rsister aux eaux acides du fleuve. Le propre bateaude Leftrin, le Mataf, faisait partie des premiers bateaux coque recouverte de planches de bois-sorcier. Lescharpentiers de lpoque ne se doutaient pas des pro-prits magiques de cette matire et tiraient simplementprofit dune rserve miraculeuse dun bois parfaitementvieilli, arrach la cit enfouie quils avaient dcou-verte.

Cest seulement aprs avoir construit des navirescomplexes de grande taille, capables de naviguer aussibien sur le fleuve que dans les eaux sales de la cte,quils avaient mesur toutes les possibilits de cematriau. la surprise gnrale, les figures de proue de

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ces btiments, plusieurs gnrations aprs leur construc-tion, avaient commenc prendre vie et bouger pourlmerveillement de tous. Les vivenefs ntaient gurenombreuses, et leurs propritaires les gardaient jalouse-ment; on ne les vendait jamais en dehors de lalliancedes Marchands: seul un Marchand de Terrilville pou-vait en acheter une, et seules les vivenefs pouvaientremonter sans danger le fleuve du dsert des Pluies, carla coque des navires classiques cdait rapidement souslacidit des eaux. Quel meilleur moyen pouvait-onimaginer pour protger les villes secrtes du dsert desPluies et leurs habitants?

Enfin, beaucoup plus rcemment, on avait dcouvertla vritable nature du bois-sorcier. Les immenses troncsde la salle du Coq couronn ntaient pas en bois, maisconstituaient en ralit les cocons protecteurs de futursdragons, placs labri de la cit pour les prserver lorsdune ruption volcanique des temps anciens. On nvo-quait quavec rticence ce que cela entranait. Tintagliala dragonne avait merg vivante de sa coquille; desautres troncs quon avait dbits en planches desti-nes aux navires, combien contenaient des dragonsviables? Nul nen parlait; mme les vivenefs ren-claient discuter des dragons quelles eussent pu tre,et Tintaglia elle-mme navait jamais dit un mot sur cesujet. Nanmoins, de lavis de Leftrin, si on apprenaitquil avait dcouvert un bloc de bois-sorcier, on le luiconfisquerait; il ne fallait surtout pas que la nouvelle serpandt Trehaug ni Terrilville, et que S le protgesi la dragonne en entendait parler! Non, il ferait toutpour garder sa trouvaille secrte.

Jadis, il et pu vendre son trsor aux enchres, maisaujourdhui il devait lcouler discrtement, linsu detous, et cela le contrariait; nanmoins, les dbouchs,les bons dbouchs, ne manquaient pas: dans une ville

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aussi concurrentielle que Terrilville, il y avait toujoursdes ngociants prts acheter des biens sans se montrertrop curieux de leur origine, ou un Marchand ambi-tieux prt se lancer dans le commerce dobjets illgauxdans lespoir de gagner les faveurs du gouverneur deJamaillia.

Mais le bel et bon argent, les meilleures offres vien-draient des ngociants chalcdiens. La paix instableentre Terrilville et Chalcde nexistait que depuis peu;des traits partiels avaient t signs, mais les grandesdcisions concernant les frontires, les changes commer-ciaux, les tarifs douaniers et les droits de passage res-taient en ngociation. Leftrin se disait aussi que la santdu chef suprme de Chalcde dclinait, et des mis-saires avaient dj tent de remonter le fleuve du dsertdes Pluies bord de vivenefs loues; on leur avait barrla route, mais chacun savait quelle tait leur mission:ils souhaitaient acheter des chantillons de dragon:sang de dragon pour les lixirs, chair de dragon pour lerajeunissement, dents de dragon pour fabriquer desdagues, cailles de dragon pour crer des armures lgreset souples, verge de dragon pour la virilit. Apparem-ment, toutes les histoires de bonne femme propos despouvoirs mdicinaux et magiques des extraits de dragontaient parvenues aux oreilles de laristocratie chalc-dienne, et les nobles rivalisaient dardeur pour gagnerles faveurs de leur duc et semployaient lui procurerun antidote au mal dbilitant qui le terrassait peu peu.Ils ignoraient que Tintaglia avait clos du dernier blocde bois-sorcier que possdaient les habitants du dsertdes Pluies, et quil ne restait aucun embryon de dragon dissquer puis envoyer en Chalcde. Tant mieux;Leftrin partageait lopinion de la majorit des Marchands:plus tt le duc de Chalcde descendrait dans son tom-beau, mieux cela vaudrait pour les affaires et lhumanit.

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Mais il partageait aussi leur point de vue pragmatiqueselon lequel, en attendant, autant faire du profit sur ledos du vieux guerrier malade.

Sil dcidait demprunter cette voie, il lui suffisait detrouver le moyen de transporter intact le bloc pesantjusquen Chalcde; coup sr, les restes du dragon demi form quil contenait atteindraient l-bas un prixastronomique. Il ny avait qu convoyer le coconjusquen Chalcde Sil ne rflchissait pas trop,lopration pouvait paratre simple, comme sil nyavait pas besoin de treuils ni de poulies pour le dlogerdes arbres qui le bloquaient puis le hisser sur la gabare sans parler du secret dont il faudrait entourer cettecargaison ni de la difficult darranger secrtement sontransport depuis le fleuve du dsert des Pluies jusquenChalcde. Son bateau ne parviendrait jamais effectuerun tel voyage, mais il pouvait lorganiser, et, sil nefinissait pas dpouill ni assassin laller ou au retour,il pourrait sortir extrmement riche de cette aventure.

Il acclra le pas malgr sa claudication: la sensationde piqre dans sa botte se muait en brlure. Quelquescloques nauraient rien de grave, mais une plaie ouvertesulcrerait rapidement et le laisserait boiteux pendantplusieurs semaines.

Au sortir de la broussaille des sous-bois, dans la zoneplus dcouvert qui bordait le fleuve, il perut la fumedu fourneau de la coquerie et entendit les voix de seshommes; des crpes taient en train de cuire et le cafinfusait. Il tait temps de remonter bord et de leverlancre avant quon se demandt ce que cachait la pro-menade matinale du capitaine. Quelquun avait eu laprvenance de jeter une chelle de corde son intention;sans doute Souarge: le timonier avait toujours quelquespas davance sur le reste de lquipage. Assis sur lebastingage de proue, Eider, taciturne et massif, fumait

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sa pipe du matin; il hocha la tte et souffla un rond defume en guise de salut Leftrin. Sil tait curieux desavoir o son patron tait all et pourquoi, il nen mani-festa rien.

Leftrin rflchissait encore la meilleure faon detransformer le bloc de bois-sorcier en espces sonnanteset trbuchantes lorsquil posa sa botte boueuse sur lepremier barreau de lchelle. Le regard des yeux peintsde Mataf croisa le sien, et il se figea: une pense radi-calement nouvelle venait de faire irruption dans sonesprit. Garde-le; garde-le et sers-ten pour toi-mme etton bateau. Pendant un long moment, immobile surlchelle, il contempla les possibilits qui se dployaientdans sa tte comme des fleurs spanouissant la pre-mire lueur de laube.

Il tapota de la main le flanc de la gabare. Ce nestpas impossible, mon vieux. Pas impossible du tout.Puis il acheva sa monte, prit pied sur le pont, ta sabotte qui prenait leau et la jeta dans le fleuve pour quilla dvort.

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Hobb T.1-Dragons et serpents.pdfDragons et serpents_chap1

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