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Romain HUGAULT & YANN Supplément gratuit • Casemate 72, juillet-août 2014. © Casemate 2014. Tous droits de reproduction interdits.

Romain HUGAULT YANN - Casemate Magazinecasemate.fr/.../06/Casemate_72_Supp_AngelWings.pdf · Suite de l’interview de Romain Hugault, le dessinateur d’Angel Wings (32 pages spéciales

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Romain HUGAULT& YANN

Supplément gratuit • Casemate 72, juillet-août 2014.

© Casemate 2014. Tous droits de reproduction interdits.

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Combien de tempsdura le pont aérien au-dessus de l’Himalayaqui permettait aux

Alliés d’équiper la Chine dans soncombat contre le Japon ?Romain Hugault : Environ un an,jusqu’à la reprise de la base de Myit-kyina et de son aérodrome par lesforces du général Stilwell en mai 1944.Une bataille épique entre la Force Xchinoise, les Merrill’s Marauders, seulsAméricains à combattre au sol dans ceconflit, et les Japonais. Ensuite le rail

aérien peut enfin descendre plus ausud. Volant moins loin, moins haut,moins dangereusement, les pilotes deDakota ravitaillent encore plus effica-cement les forces chinoises. Un pre-mier pas vers la victoire.Avez-vous un droit de regard sur lescénario d’Angel Wings ?

Je vous ai expliqué (Casemate 72),qu’avant que Yann se mette à l’écriture,nous discutions beaucoup de l’histoire,confrontions nos sources, nos envies,les informations recueillies. Il est arrivéque je le trouve un peu trop massa-creur. Il adore malmener et tuer ses per-sonnages. Au début, dans mes albums,tout le monde crevait ! À la fin du GrandDuc, j’ai obtenu la vie sauve pour deuxpersonnages. D’accord, ils sont emme-nés au goulag, mais ensemble. Ils vonten baver, mais ils sont vivants. MerciYann ! Je lui suggère parfois un autrechemin, un changement de compor-tement. Sa réaction est soit « d’accord,c’est mieux » ou « non, on ne peut pas,parce qu’ensuite… » Mais jamais « c’estcomme ça, dessine et tais-toi ». Ilm’écoute et c’est bien agréable. Danssa première mouture, notre héroïnes’appelait Maureen. Je trouvais ce pré-nom moyen. Hop, il est devenu Angel,puis Angela. Je préfère ! De même, levoyage d’Angela en Dakota sur le railne devait pas être perturbé par deuxchasseurs japonais. J’avais envie d’unescène aérienne arrivant assez vite. Il mel’a écrite. En lisant Angel Wings, on pense évi-

I

Interview

Suite de l’interview de Romain Hugault, le dessinateur d’Angel Wings (32 pages spéciales dans Casemate 72). Trois tomes prévus qui fleurentbon l’aviation du temps des hélices, de l’huile chaude et des Zérojaponais en piqué. Scénario Yann, à paraître le 8 octobre chez Paquet.L’occasion de revenir sur la proposition qui fut faite à Hugault, lors d’un festival de Saint-Malo, de reprendre Buck Danny, la célèbre série de Charlier, Hubinon puis Bergèse…

DR

.

« Si on m’avait dit qu’on me proposerait BuckDanny, j’aurais fait des boucles et des saltos »

Romain HUGAULT

Buck Danny ?Plus de REGRETS

Hugault

Si Romain Hugault avoue un penchant pour les carlingues de la Seconde Guerre,

celle d’un Mirage IV ne l’effraie pas !

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demment aux Tigres volants. Nevous a-t-on jamais proposé de des-siner Buck Danny ?Si. Lors d’un festival de Saint-Malo,quelqu’un de chez Dupuis est venum’en parler. Vous m’auriez dit, en 2005,lorsque je travaillais sur Le Dernier Envol,qu’on me proposerait un jour BuckDanny, j’aurais fait des boucles et dessaltos arrière ! À la réflexion, il m’a sem-blé que j’aurais eu un peu les pieds etpoings liés, que je ne me serais passenti libre. Yann a proposé un scéna-rio qui n’a pas été retenu. Je compre-nais qu’il faille conserver les lecteurstraditionnels, mais il me semblait quela série avait besoin d’un visuel plusmoderne. Des séries anciennes ont bienréussi ce virage.Qu’aviez-vous proposé ?Avec Yann, une histoire des annéestrente, au temps de la jeunesse de BuckDanny. Nous avions envie d’expliquerpourquoi il était devenu l’homme qu’ilest. Cela permettait d’explorer uneépoque beaucoup plus intéressante àdessiner, à mon avis, que les histoiresactuelles d’Afghanistan à grand renfortd’avions modernes. J’ai une passionpour tous les avions, mais je préfère,et de loin, dessiner les avions de laSeconde Guerre mondiale et leurs pré-décesseurs. Des regrets ?Plus aujourd’hui, ce que je dessine mecomble. Mais il me semble que BuckDanny mériterait d’être confié à desauteurs d’envergure en leur laissant carteblanche. C’est grâce à Buck Danny queje suis devenu un passionné d’aviation.Petit, le dessin de Francis Bergèse mesemait une myriade d’étoiles dans lesyeux. Pas Hubinon ?Bergèse dessinait déjà Buck Danny àcette époque. Son dessin est celui quime correspond le mieux, et j’estimeses avions mieux dessinés que ceuxd’Hubinon, même si celui-ci m’a aussibeaucoup fait rêver. Vous travaillez avec un scénariste

qui n’est pas pilote. Un handicap ?Non seulement Yann n’est pas pilote,mais je désespère de le faire monterdans mon Piper Cub. Sa réponse hor-rifiée est : « Non, encore non, toujoursnon. » Mais peu importe. Que vaut-ilmieux avoir comme scénariste ? Unancien pilote talentueux ou un formi-dable raconteur d’histoires ? De plus,

Yann est passionné d’aviation depuisl’enfance, a construit des maquettes,parfois m’apprend des choses. C’estgénial ! Quant aux côtés très techniquesdu vol, je m’en occupe. Lui, par sa pas-sion, nous amène un large public, tan-dis que je régale les lecteurs pointuspar mon souci de véracité et ma pho-bie du détail.Quels sont les pièges d’une séried’aviation, genre très couruaujourd’hui ?D’abord le manque de professionna-lisme. Je revois encore un auteur connuvenant me demander conseil. Son édi-teur lui demandait une série d’aviation,genre dans lequel il m’avouait son incul-ture. Personnellement, si on me deman-dait une histoire de sous-mariniers, ilme semble qu’il me faudrait plongerla tête dans la doc quelques annéesavant de m’y aventurer. Ensuite, il fautéviter d’étaler sa science ancienne outoute neuve. Les multiples petits enca-drés en bas de page dans Buck Dannyexpliquant le déroulement de tellefigure ou le fonctionnement de tel radar,c’était bon dans les années soixante.Aujourd’hui, les gamins ont le web.Grâce à lui, ils sont souvent plus poin-tus que nous, les pros. En dédicace,des lecteurs m’expliquent que tel bou-lon que j’ai collé à gauche est en fait àdroite. Nous avons décidé de ne jamaisnous lancer dans des images explica-tives et même d’éviter tout renvoi enbas de page. Et encore plus les mono-logues explicatifs ! Pensez-vous vrai-ment qu’un pilote qui va se crasher sedit dans sa tête : « Ciel, ma vitesse serapproche dangereusement de lavitesse de décrochage de mes ailes etil va m’arriver des misères » ? Bien sûrque non, il a les dents serrées et il chiedans son froc, obnubilé par une seulepensée, survivre.Il vous faut pourtant expliquer cer-taines manœuvres trapues !Dans ces cas-là, nous cherchons un arti-fice. Ainsi, dans Angel Wings #1, Rob,imitant une manœuvre désespérée et

IIII

Interview

Suite page suivante

« Mais à la réflexion, il m’a semblé que j’aurais été pieds et poings liés dans un schéma ancien »

Romain HUGAULT

Suite de l’épisode dramatique qui clôt la séquence de 22 planches d’Angel Wings #1, publiées

en avant-première dans Casemate 72.

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authentique de Philip Adair (Case-mate 72), va revenir au terrain en pas-sant en vol dos toutes les dix minutes.Comme nous ne voulions pas demonologue, nous avons imaginéqu’Angela, depuis un autre lieu, luiexplique la manœuvre.Avantage supplémentaire, leurséchanges radio ajoutent de l’émotion,de la chair. Une bonne BD est une his-toire humaine avant d’être une histoirede machines. Dans une BD sur Mer-moz, l’intéressant c’est Mermoz, pasla puissance du moteur de l’appareildans lequel il s’est crashé. Le secret de votre enthousiasme ?Le même que celui de Yann. Se faireplaisir. Quand nous avons lancé Le Piloteà l’Edelweiss, ce ne fut pas en pro-grammant que le dernier tome tombe-rait l’année du centenaire. Cela fut uncoup de bol et non le résultat d’unevingtaine de réunions marketing. J’avaissimplement, à ce moment-là, envie dedessiner des avions de la PremièreGuerre mondiale. On m’a raconté quecertains éditeurs mettent sur la tabledes albums de notre collection Cock-pit et convoquent les gens du marke-ting. « Tiens, là, il faudrait reprendre le

même ciel que dans cet album. » Parceque les nôtres se vendent bien ! Jeregrette ce genre de comportementparce qu’il tue la créativité. Que cha-cun fasse sa propre tambouille, sans sepréoccuper de plans marketing débiles.Vos jolies filles ne doivent pasdéplaire au marketing de Paquet…Peut-être, mais elles ne sont pas là pourça. Nous n’avons aucune contrainte.Nous mettons du cul dans nos histoiresparce que j’aime ça et que Yanns’amuse à coller un côté sexy sur unalbum de guerre. Nous sommes libres,ne cherchons pas à tomber dans la BDhistorique. La recette nous réussit etnous ravit trop pour qu’on essaye d’enchanger.Vous créez aussi des affiches, desillustrations.J’aime, ça me permet de sortir dumonde de la bande dessinée et merapproche du monde de l’aviation. J’airéalisé une affiche pour la patrouille deFrance, je dessine tous les ans l’affichedu meeting de La Ferté-Alais et, cetteannée, celle de Flying legends qui setient à Duxford près de Londres. Je suistrès flatté de cette confiance. On m’asollicité également pour des affichesde festivals BD, je réalise par exemplecelle de Chambéry. Et il y a bien davan-tage de festivals BD que de meetingsaériens !Vous-même volez régulièrement ?Chaque fois que possible. Je baignedans ce milieu depuis ma jeunesse,mon père était colonel pilote dans letransport. Je partage un Piper Cub avecun copain pilote chez Air France. Unbiplace de 65 chevaux construit en

1942, et arrivé en France en 1945 alorsqu’on manquait de petits avions d’ob-servation pour terminer la guerre. LesAméricains les considéraient commedes produits jetables. La guerre finie,ils ne les ont pas ramenés chez eux etles ont offerts aux aéro-clubs.Verra-t-on votre Piper Cub dans unede vos BD ?Dès le prochain album d’Angel Wings.Je suis déjà comme un fou en y pen-sant. Sur le front d’Asie, avant les pre-miers hélicoptères (Casemate 72), cespetits avions se posaient dans des clai-rières minuscules pour récupérer lespilotes perdus. Le Piper décolle sur detoutes petites distances, c’est vraimentla Jeep de l’air. Autre avion d’époque qui voleencore, le Dakota. Et, pour l’abattre, il ne fallait pas avoirle doigt paresseux sur les mitrailleuses,on le voit dans l’album. J’ai galéré pourretrouver le tableau de bord del’époque, car il a évidemment évoluéau fil des décennies. Le Dakota exposéau Musée de l’Air est très bien, maisc’est un ancien d’Air France. Heureu-sement, les manuels de vol del’époque sont généralement très com-plets avec beaucoup de photos et dedessins.Vos lecteurs vous parlent-ils d’au-tres choses que d’aviation ?Il m’arrive régulièrement de voir unedame arriver Le Pilote à l’Edelweiss àla main, m’avouer ne rien connaître àl’aviation, mais être tombée sous lecharme de l’histoire romantique de cesdeux pilotes jumeaux. C’est ma plusgrande fierté. OK, l’histoire se dérouledans un environnement aérien, maisc’est d’abord une histoire d’émotions.Une histoire que Yann et moi avionsenvie de lire. Si ensuite elle touche unlarge public, tant mieux !

JPF & FV

III

Interview

« Je suis comme un fou à l’idée de dessinermon Piper Cub à moi dans l’épisode suivant… »

Romain HUGAULT

Hugault père et fils.© Hugault.

Angel Wings #1,Romain Hugault, Yann,Paquet, 13,50 €,8 octobre.

ArchivesDe la haine dans leur moteur (planches), Casemate 54, Le grand duc, le paon et la louve (planches), Casemate 16, Leur premier envol, Casemate 8.

Marilyn. Quand les pilotes rêvent d’un petit Boop Oop A Doop !

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Comment se fait-il quel’épisode des Wasp soitsi peu connu ?Yann : Ces femmes

pilotes qui ont tenu absolument à ser-vir leur pays étaient regardées de hautpar les militaires. Ainsi, en cas de décès,pas d’honneur militaire, pas de son-nerie aux morts, pas de drapeau surleur cercueil. Interdit. Cela n’empêchaitpas les gens du pays de le faire, la fan-fare municipale de rendre un hom-mage. Mais avec un peu de honte,puisqu’il fallait se taire. Romain Hugaultraconte dans Casemate qu’en cas dedécès, la famille devait payer le rapa-

triement du corps ! Quand la pénuriede pilotes s’est estompée sur le terri-toire américain, les Wasp ont été ren-voyées du jour au lendemain, commedes chiennes, sans un discours deremerciement, rien. Personne ne les défendait ?Si, plus tard, le sénateur Barry Goldwa-ter, pilote pendant la guerre et dont unmembre de la famille, si mes souvenirs

sont bons, avait fait partie des Wasp. Ila obtenu qu’on déclassifie leurs dos-siers et qu’on en parle enfin. Bien plustard, lorsque des femmes pilotes amé-ricaines ont commencé à se glorifierd’être les premières, elles ont vu arriverune poignée de mamies, d’anciennesWasp, pas d’accord du tout, et rappe-lant que les pionnières, ce furent elles.J’ai vu leurs photos, ces dames étaientencore fort bien conservées.Comment s’entendaient les pilotesalliés qu’on voit dans Angel Wings ?Il régnait une certaine tension entre ceuxdes Dakota, avions de transport, et leschasseurs sur P-40. Du genre qui prend

« Des Wasp enterrées sans honneur militaire,sans sonnerie aux morts et sans drapeau ! »

YANN

IV

Interview

S’il s’est passionné pour les femmes pilotes américaines, les Wasp, le scénariste Yann aurait adoré mettre en scène une autre femme, la fille de Lady X. En lutte, elle aussi, contre un certain Buck Danny…Suite de l’interview de Yann, parue dans Casemate 72,

dans le dossier spécial Angel Wings, avant la sortie du premier tome, le 8 octobre chez Paquet.

© H

aulo

t.

Quatre Wasp devant leur B-17.DR.

Yann rêvaitde la fille de LADY X

Pochette d’un album de Michel Sardou.

© Hugault.

ArchivesYann à tire-d’aile, Casemate 58, De plume et de boue, Casemate 55,De la haine dans leur moteur, Casemate 54,etc.

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le plus de risque. Normal, c’étaient tousde jeunes garçons parfois de moins de20 ans.Étaient-ils superstitieux ?Beaucoup. On trouve des tas de sou-venirs sur le sujet dans des bouquinsécrits par des pilotes. Ils ont des rituels,des habitudes. Manger des œufsbrouillés et pas au plat, car le derniergroupe qui en a mangé a été attaqué.Ne pas décoller sans la dernière lettrede sa fiancée dans la poche gauche,car untel qui un jour l’a oubliée a reçuune balle justement à l’emplacementoù il la glissait d’habitude…Vous montrez un Dakota avec lapeau d’un Oscar japonais, est-cecrédible ?Je suis tombé sur la photo d’un de cesavions de transport arborant un dra-peau japonais sur sa carlingue, signede victoire. J’ai foncé. Il faut toujourspartir d’un point véridique. Ensuite, onpeut romancer, ce n’est pas grave, tantqu’on reste crédible.Ce Dakota est-il réellement passésous les câbles d’un téléphérique ?Non, Hugault a eu cette bonne idée(Casemate 72) alors que j’avais sim-plement imaginé que le Dakota réus-sissait à redresser de justesse devantune paroi tandis que le Japonais per-cutait. Une manière vue cent fois dansd’autres BD, je le reconnais. MerciHugault. Une bonne idée, je la prendstout de suite. Pas fou, je n’ai pas d’étatd’âme. D’autant qu’en aviation Romainen connaît un million de fois plus quemoi. Il baigne, vit littéralement dedans.Je cultive davantage un petit côté his-torien, je lis énormément. Mais je n’aipas son vécu, son ressenti, lui-mêmepilote, fils de pilote.Il paraît que l’acteur Mifune Toshiro,

des Sept Samouraïs apparaîtra dansle triptyque.Oui, il était effectivement observateurphotographe dans l’aviation impériale.Toshiro est né de parents japonais dansune ville chinoise plus ou moins alle-mande avant la guerre de 14, où étaitfabriquée la célèbre bière Tsingtao.Vous montrez des Japonais dans lecamp allié. Véridique ?Bien sûr. Des Japonais nés aux États-Unis revêtaient des uniformes nipponset se glissaient dans les lignes enne-mies, ramenant des renseignementsque les Alliés utilisaient pour monterde fructueuses embuscades. Desmissions hyper dangereuses,les Japonais les massacrantaussitôt capturés. Beau-coup sont revenus cou-verts de médailles.Par rancuniers, vu lamanière dont lescivils d’originejaponaise étaienttraités aux États-Unis…Par crainte de la cin-quième colonne– Pearl Harbor pullu-lait d’espions japonaisavant l’attaque –, ilsfurent envoyés dans descamps d’internement. Beau-coup avaient honte de l’atti-tude de leur pays d’origine, esti-mant que l’attaque de Pearl Harbor,avant toute déclaration de guerre, était

une infamie. Alors que la même, aprèsdéclaration de guerre, les aurait peut-être emplis d’orgueil.D’où vous vient cet amour de l’avia-tion ?J’ai cette passion depuis toujours, etdepuis toujours aussi des projets descénarios originaux dans ce domaine.J’ai découvert assez vite que le seulmoyen de les placer est de ne faire del’aviation qu’un sujet secondaire. Dansla série Pin-up, ce sont les personnagesqui comptent, les avions sont desbonus. Puis est arrivé le fameux BoDoïqui publia en 2006 une histoire com-plète de Romain. J’en suis tombé parterre. Enfin un grand digne de FrancisBergèse ! Mais pour que nous travail-lions ensemble, j’ai dû attendre qu’ilréalise Au-delà des nuages, son dip-tyque avec Régis Hautière.Pourquoi ce renouveau d’intérêtpour l’aviation ?C’est cyclique. Jeune, je plaçais sanstrop de problèmes des séries humo-ristiques gros nez, mais pas une seuleréaliste. Aujourd’hui, c’est l’inverse, per-sonne ne veut de mes projets d’hu-mour. Un jour, les gens en auront pardessus la tête du polar, des serial killerset des corps mutilés. Le genre passeraà la trappe jusqu’à ce qu’un auteur yrevienne avec un angle différent et lepolar revivra. Hier, les éditeurs ne vou-laient pas entendre parler d’histoiresd’aviation qui les faisaient bâiller d’en-nui. Aujourd’hui, ils en redemandent.Je ne mets pas leur discernement en

cause, l’éditeur n’est que la caisse derésonance du public. C’est lui qui

réclame. C’est lui qu’on veutcontenter.

Comment peut-on enparler avec autant depassion et refuserde poser sonarrière-train dansun baquetd’avion ?Je n’aime pas nonplus les voitures etles grandes rouesdes fêtes foraines.

Et je me refuse àmonter dans l’avion

de Romain. J’ai latrouille. Prendre un avion

de ligne me rend malade.J’ai eu le malheur, dans un

moment d’aberration, d’ac-cepter de monter dans un petit

sous-marin à Marseille. Je hurlais de

« Oui, je refuse de monter dans le Piper Cubde Romain. En avion, j’ai une sacrée trouille »

YANN

V

InterviewSur son P-40, Philip Adair le pilote qui inspira le personnage de Rob.

Romain Hugault lui envoie régulièrement les planches d’Angel Wings…© Adair.

Le Piper de Romain Hugault où Yann n’estpas près de poser les fesses !

© Hugault.

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panique ! En revanche, quand j’écrismes histoires, je suis réellement dansmes avions et je m’y sens bien. Jamaismalade.Il paraît que vous allez renoncer àune séquence montrant un piloteperdu « ramassé » par un Dakotaen vol.Oui, depuis que quelqu’un m’a faitremarquer que c’était la séquence finalede Buck Danny, La Revanche des fils duciel. J’avais oublié.Buck Danny que vous avez, untemps, espéré reprendre…J’ai été contacté par Dupuis qui savaitque j’en rêvais. Pas de reprendre BuckDanny dans l’actualité d’aujourd’hui,mais d’utiliser son potentiel vintageincroyable. Remplir les trous dans sabiographie. J’avais encore en tête lespropos de Jean-Michel Charlier regret-tant de n’avoir pas pu en faire davan-tage sur la guerre de Corée, n’avoir paspu aborder la guerre du Vietnam. L’ac-cord avec Dupuis ne s’est pas fait.Pas d’idée de scénario pour unDanny se déroulant de nos jours,vraiment ?Si, quand même, j’ai eu un projet surla guerre par drones interposés, pro-jet lui aussi refusé. Je voyais Buck Dannydirigeant les opérations drones depuisun bureau. Je suis tombé sur une séna-

trice qui voulait faire interdire cette pra-tique de mort personnalisée et pro-grammée à grande distance. J’imagi-nais donc que Lady X avait eu une fille– ne me demandez surtout pas quiétait le père ! – du côté des bons, maisvouant une haine tenace à Buck Danny.Elle sautait sur l’occasion pour l’envoyersous les verrous, inculpation de meur-tres aux fesses. Du moderne à cettesauce-là, oui, ça me passionnerait. Maisvraiment, les sempiternelles histoiresde Danny aux commandes de son zincne me passionnent pas.Que deviendra Angela à la fin dutriptyque ?J’espère bien qu’elle continuera. Noussommes partis pour une série. J’ai com-mencé à réfléchir à une suite. Elle estpilote, ce ne sont pas les jobs qui luimanqueront. Je m’amuse parfois à fairede la recherche automatique. Sur leNet, je tape « women », le nom d’unpays, « mercenary » et une date. Ça nedonne rien un temps puis on tombesur un truc hallucinant. Je note, jenote…Aventures forcément guerrières ?Oui, Angela participera à d’autresconflits. Il n’y a que dans les guerresque tout est possible.

JPF

VI

Interview

« La fille de Lady X aurait poursuivi Buck Danny,responsable des attaques de drones… »

YANN

La belle Jinx Falkenburg. Même avecun masque à oxygène, Yann lui trouve

un charme fou, fou, fou…DR. Ill

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