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V. M. ROUDN I EFF Su/l_, ' i/u/ ou }JI'O('urrur ''" 1'ribuual tl'.trnHatli!'l.st•IJu•ul tfJ:ka/t'riuu.o;,luJI. (/(/ur/lt: l"" nrtln• ''" \lini.\lrt• dt· la Ju _ ,/in' n• , lr1 f:nuuui"'.\ÙUt dïu"'trw·liuu t•.r·tnwrdiuairf' JWIII' t'IUJllC:I,,r _,,,. k., u/.u.\ pHr ft•., r.r-utini.,lrr.,, du'{.., sliJit;rirur.\ 1'1 /('., uu/r·t·., ll_aul., {mtl"lioutwin·., , , LA VERITE sur la Famille Impériale Russe et les Influences occultes 1 :wcc zm A v ant - Propos ct liiJ C Intro duction de M. D. NETCHVOLODOFF t;éuù·••l - \lujor. tlllfil'll Comnu11uluul tlu 1 .... plâal t/1'! f. l rtiJt·;! flltJn 7 riUf t' rll.\"i,. .\Ill" ft• /itJII/ {rtll, 'dÎ.\, P ri x 1.50 EDITIOi':S ET LIB R \ !RIE F.. CH 1 R 0 N. 1-":d•l•ur PA R. l S 4 0, R ue de Seme, 40 - PARI S

Roudnieff V. M. - La vérité sur la Famille Impériale Russe et les Influences occultes (192) rare

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Un document fort rare et difficile à se procurer. Merci Lenculus pour cette recension.________________________Le 15 mars 1917, dans toute la Russie et dans l'univers se répandait la nouvelle de l'abdication du Tzar et, quelques jours après, l'on apprenait que le prince Lvoff venait de former un gouvernement provisoire. Il y a déjà de cela près de deux ans et demi. Le 16 juillet 1918, c'était tout un drame de sang et de carnage qui avait lieu dans la cave d'une maison d'Ekaterinbourg. Le matin de ce jour-là, sans jugement aucun, après une délibération qui prit la plus grande partie de la nuit, le Soviet local ordonnait l'assassinat de la famille impériale. Il y a déjà un peu plus d'un an que cette scène d'horreur se passait.Longtemps avant ces événements, et depuis, et aujourd'hui même pouvons-nous dire, les pires calomnies, calomnies odieuses, calomnies sans nombre, couraient dans le public sur la famille impériale. La presse, faisant sa partie dans ce concert, les colportait partout. Il eut été inutile de chercher, dans tous ces écrits, la moindre preuve pouvant établir la réalité de ces accusations.Ceux qui les répandaient n'étaient pas embarrassés de pareils scrupules et d'en fournir le plus petit témoignage, aucun n'avait cure. Tout au plus se contentait-on d'assurer, en toute circonstance, qu'il était impossible de dévoiler les noms des personnes compétentes dont on tenait ces renseignements. Et pourtant, que pouvaient-elles craindre, celles-là, à l'heure présente ? Le règne de l'absolutisme n'était-il pas fini? L'ère de la liberté, assurant l'impunité à tout délateur du régime déchu, ne venait-elle pas de s'ouvrir ?Quant à nous n'étions-nous pas certains qu'un jour viendrait où la justice aurait, elle aussi, son tour ?Aussi, jusqu'ici nous sommes-nous tus, ne voulant pas, comme l'ont fait tous les calomniateurs de la famille impériale, citer le moindre fait, apporter la plus petite affirmation sans en administrer immédiatement les preuves.En 1793, la France vécut de pareilles horreurs. Louis XVI et Marie-Antoinette avaient porté leurs têtes sur l'échafaud et le même cortège de calomnies avait précédé le supplice de la reine. Ce n'est guère que de notre temps, après plus d'un siècle écoulé, que la vérité commence à se faire jour sur le tissu de mensonges dont la vie de l'infortunée reine avait été enveloppé.

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V. M. ROUDN IEFF Su/l_, ' i/u/ ou }JI'O('urrur ''" 1'ribuual tl'.trnHatli!'l.st•IJu•ul tfJ:ka/t'riuu.o;,luJI.

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LA VERITE sur

la Famille Impériale Russe

et les Influences occultes 1 :w c c zm A vant-Propos c t liiJ C Introduction de

M. D. NETCHVOLODOFF t;éuù·••l - \lujor. tlllfil'll Comnu11uluul tlu 1 ,.,~~tifltj·nl .... plâal

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Prix 1.50

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Ce document, il est inutil<' dP soulig1wr

l'intérêt, a paru pour la première foi~ d <IIIS

"Les Archives de la Grande Guerre" qm publient les documents secrets relatifs ;'t

· · · · la Guerre de 1914 -1918. · ·

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La Vérité

sur la Famille Impériale Russe

et les Influences occultes

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V. M. ROUDNIEFF Sub8titut au Procureur du Tribunal rr Arrondissement d' Ekaterinoslafj,

détaché par ordre du Ministre de la Justice Kerensky à la Commiuion rrinstruction utraordinaire pour enquéter sur les abus commi.!

par les a-ministres, les chefs supérieurs et les autres hauts fonctionnaires.

La Vérité sur

la Famille Impériale Russe

et les Influences occultes

avec un Avant-propos et une Introduction de

M. D. NETCHVOLODOFF Géntral-Major, ancien Commandant du 1er rtgiment sptcial

de l'Armée Impériale russe sur le front français.

PARIS " E DITIONS ET LIBRAIRI E u

40, RUE DE SEI N E, 40

1920

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AVANT-PROPOS

Le 15 mars 1917, dans tou Le la Russie et dans l'univers se répand aiL la nouvelle de l'abdication du Tzar et, quelques jours après, l'on apprenaiL que le prince Lvoff venaiL de former un gouvernemenL provisoire. Il y a déjà de cela près de deux ans <'L demi. •

Le 16 juillet 1918, c'éLaiL touL un drame de sang et de carnage qui avait lieu dans la cave d'une maison d'Ekaterinbourg. Le matin de ce jour-là, sans juge­ment aucun, après une délibération qui prit la plus grande partie de la nuit, le Soviet local ordonnait l'as­sassinat de la famille impériale. Il y a déjà un peu plus d'un an que cette scène d'horreur se passait.

Longtemps avant ces événements, et depuis, et aujour­d'hui même pouvons-nous dire, les pires calomnies, calomnies odieuses, calomnies sans nombre, couraient dans le public sur la famille impériale. La presse, fai­sant sa partie dans ce concert, les colportait partout. Il eut été inutile de chercher, dans tous ces écrits, la moindre preuve pouvant établir la réalité de ces accusa­tions . Ceux qui les répandaient n'étaient pas embarrassés de pareils scrupules et d'en fournir le plus petit témoi­.gnage, aucun n'avait cure. Tout au plus se contentait-on d'assurer, en toute circonstance, qu'il était impossible de dévoiler les noms des personnes compétentes dont

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II AVANT-PROPOS

on tenait ces rcnseignemrnts. EL pourtant, que pouvaient­elles craindre, ePiles-là, à l'heure présente ? Le règne de l'absolutisme n'éLaiL-il pas fini? L'ère de la liberté, assu­rant l'impunité à tout délateur du régime déchu, neve­nait-elle pas de s'ouvrir ?

Quant à nous n'étions-nous pas certains qu'un jour viendrait où la justice aurait, elle aussi, son Lour ?

Aussi, jusqu'ici nous sommes-n0us tus, ne voulant pas, commr l'ont. fait tous les calomniateurs de la famille impériale, citer le miondre fait, apporter la plus petite affirmation sans en administrer immédiatement les preuves.

En 1793, la France vécut de pareilles horreurs. Louis XVI et Marie-Antoinette avaient porté leurs têLes sur l'échafaud et le même cortège de calomnies avait pré­cédé le supplice de la reine. Ce n'est guère que de notre temps, après plus d'un siècle écoulé, que la vérité com­mence à se faire jour sur le tissu de mensonges dont. la vie de l'infortunée reine avait été enveloppé<'.

A notre époque, les événements vont vil.<·, !'!. il n'rst plus nécessaire de laisser l'hisl.oire poursuivi'<' la marche lente et majestueusr qui lui <·sL hahiLuC'll<·.

Il ne nous est pas post;iblP, d'ailkurs, d'aU.cndrc de si longues années pour faire éelaL<'r la justice. Aussi croyons­nous de notre drvoir, saHs plus attendre, de liver au grand jour les documents qui tombent. entre nos mains et qui peuvent aider à manircst.er la vérité. Percer à jour la ca­lomnie et montrer tels qu'ils furent toujours notre au­guste maître ct son illustre compagne, tel est le seul but que nous poursuivions.

En prenant le pouvoir, le premier soin du gouverne­ment provisoire du prince Lvoff avait été de nommer une commission d'enquête qui serait chargée d'étudier les faits et gestes de la famille impériale, des personnages de la Cour et de la politique, en un mot de mettre en lumière toutes les influences, plus ou moins occultes, qui avaient pu s'exercer autour de l'Empereur et diriger sa politique. On espérait bien, par ce moyen, arriver à découvrir les preuves, qui jusqu'ici manquaient, de la véracité de.s

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AVANT-PROPOS Ill

accusations portées par la Révolution contre Nicolas II et l'Impératrice.

Kerensky, ministre de la justice et qui devait, trois mois plus tard, prendre en main le pouvoir, nomma donc une commission extraordinaire d'enquête, sous la prési­dence de l'avocat Mouraviefi et lui adjoignit, pour en­quêter spécialement sur les << forces occultes )), le subs­titut au Procureur d'arrondissement d"Ekatérinoslaff, Vladimir Roudnieff.

Le fait qu'il fut choisi par Kerensky marque assez qu'on le jugeait, pour le moins, être un libéral, un homme ayant le même état d'esprit que ceux qui avaient fait la Révolution, qu'il était, en un mot, de ceux sur lesquels on croyait pouvoir compter.

En fait, on était tombé sur un honnête homme. Son enquête, Vladimir Roudnieff devait la diriger avec soin, la mener avec une attention scrupuleuse. Il lut touL, il interrogea tous les témoins utiles, il n'hésita pas à procédez lui-même à toutes les perquisitions nécessaires, il ne négligea aucun détail.

Cet homme était fortement prévenu, il nous le dit lui­même, contre ceux qu'il devait enqut-Ler. Il eut cepen­dant le mérite d'être avant tout un homme d'honneur: il ne ferma pas les yeux à la lumière. Aussi, lorsque Mou­ravieff, président de la Commission, voulut l'obliger à agir contre sa conscience, il s'y refusa et ne crut pas devoir déguiser la vérité.

Le document que nous présentons aujourd'hui au public est un mémoire écrit tout entier de la main de Vladimir Roudnicff. C'est un cri qui s'échappe du cœur d'un hon­nête homme qui, se voyant entraîné dans une affaire malpropre, n'a pas cru pouvoir se taire plus longtemps. Et cela d'autant plus que sur l'affaire on cherchait à faire le silence. Il y a consigné en détail tous les résultats acquis ct les constatations auxquelles l'enquête avait abouti. Et ce n'est pas sans stupeur, en lisant ce travail, que l'on constate que cette longue instruction, qui devait, dans l'esprit de ceux qui l'ordonnaient, noyer la famille impériale dans un océan de boue et d'abjections, arrive,

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IV AVANT-PROPOS

· en. fait, à justifier celle-ci et de toutes les accusations lancées contre elle ne laisse rien subsister.

Cette cnqu~te, jusqu'ici, n'a jamais été publiée. C'est la première fois que le résultat en est livré au public.

Avant de parler au peuple russe, nous avons tenu à nous adresser au public français qui, en toutes circons­tances, a donné tant de témoignages de sympathie à Leurs Majestés l'Empereur et l'Impératrice de Russie et dont on n cherché parfois à tromper la bonne foi. Nous tenions à montrer à la France que nos augustes souve­rains n'avaient jamais cessé d'être fidèles à l'alliance et à l'assurer de notre propre fidélité.

M. NETCHVOLODOFF.

Paris, Décembre 1919.

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JNTRODUCTJON

En présentant au public français le mémoire de V. M. Roudnieff, << La Vérité sur la Famille impériale russe el les influences occulfes », nous croyons utile de rappeler au lecteur la série de calomnies répandues par les révolutionnaires et propagées dans le monde entier sur la famille impériale et sur les autres personnages dont il est question dans ce mémoire .

Le temps efface les détails des faits lus ct entendus; l'impression générale seule subsiste ; aussi recomman­dons-nous instamment au lecteur, avant de consulter le mémoire de V. M. Roudniefl, de prendre connaissance de notro introduction, que nous nous sommes efforcés de rendre succincte.

En étudiant ensuite le mémoire, le lecteur pourra com­parer impartialement les faits réels et les dires menson­gers. D'abord, les calomnies. Voici en traits sommaires les calomnies répandues depuis le début de la guerre, tant en Russie qu'à l'étranger

On a prétendu que l'Impératrice Alexandra Feodo­rovna, n'ayant jamais oublié son origine allemande et n'aimant guère sa nouvelle patrie, était durant la guerre de tout cœur avec l'ennemi. Lorsque la défaite finale de l'Allemagne devint évidente, elle aurait usé de toute son influence sur l'Empereur, afin de le contraindre à signer la paix avec l'Allemagne. Raspoutine et Mme Viroubova

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VI INTRODUCTION

auraient secondé ses efforts cL les ministres Protopo­poff et SLurmer auraient été ses collaborateurs zélés.

Dans la politique intérieure, dit-on, l'Impératrice ser­vait de rempart à la réaction ; c'est elle qui s'opposait à la nomination d'un ministère responsable.

Extrêmement ambitieuse, elle rêvait de devenir une nouvelle Catherine II. Dans cc but elle ourdit un com­plot, afin d'enlever le pouvoir au Tzar et de prendre en main la régence de l'Empire.

La calomnie ne s'en Lint pas là; elle LenLa de jeter une ombre malpropre sur les rapports entre l'impératrice et Raspoutine.

On a dit que Grégoire Raspoutine gagna la confiance de la famille impériale, notamment de l'Impératrice, en exploitant sa prétendue sainteté ct en usant de sa force hypnotique indéniable.

Il fut, dit-on, un ennemi de la Douma de l'Empire, un réactionnaire extrême cl un agent secret de l'Allemagne. De connivence avec l'Impératrice, il employait. !;On pou­voir sur l'Empereur, afin d'acc{·lércr la :-;ignal.url' d'une paix séparée.

Dans cc hui., 1 ou jour:; <Il- <"OJlllÏVf'Itc<' avc·c 1' 1 mp(•ra­lricc, Haspoul inr proposait :'t l'Empt•rf'ur, pour ks postes les plus (·Jrvl•:-;, dt·s gt•rmanophill's av(•r{·s.

Haspoul.in<' menai!. UIH' viP dl' dl·hauche::;, <·t avait des liaisons aV<'C' maint <'S danw:-; dl' la haut r société.

On a dit. qu'Anna Alexandrowna Viroubova Hait la favori! e el l':uni1' ÎJtl.irnl' de l' lm]lérat.ricc. Au début, les calomniai.Pur:; 1 Ptt! ~~l'Pli!. d'expliquer salcmrnt leurs rapports mulul'ls; <'llsuile, ils trouvèrent. plus d'intérêt à fair<' de Virouhova la maîtresse de Raspoutine. L'agent secrrL de I'Allrmagnr utilisait cette liaison amourcusr pour grandir son influence sur le couplr impérial cl atlrindrc ainsi son bul criminrl (paix s(•parée).

On a dit que le docteur en médecine thibétaine Badrnaeff, ami de Raspoutine, <'mpoisonnait syslémati­quemenl avec diverses drogues l'Empereur ct lui cnlevaiL ainsi la volonté. Par l'usage des drogues, Badmacff entretenaiL le mal du souffreteux Tzarevitch, ouvrant par

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INTRODUCTION VII

là le champ d'action à Raspoutine, qui exerçait une influence bienfaisante sur la santé du Tzarevitch.

Badmaeff favorisait ainsi l'intrigue générale. Enfin, les personnages les plus en vue ont eu également

leur part de calomnies. Le Ministre des Affaires inté­rieures Protopopoff, protégé de Raspoutine, était ger­manophile et rr-act ionnaire convaincu. D'accord avec Sturmer, il employait toute son influence sur l'Empereur pour l'amener à signer nue paix séparée immédiate eL Protopopoff orientai( dans ce sens toute la politique intérieure du pays.

Partisan de l'Impératrice, il complotait avec elle, afin d'enlever le pouvoir au Tzar.

Le Président du Conseil et Ministre des Affaires Etrangères Sturmer, ami eL protégé de Raspoutine, Hait lui aussi rallié au germanisme. Le but de sa politi­qu.e était la paix anc l'Allemagne à n'importe quel prix.

Le Commandant du palais général Voeikoff a\ aiL des opinions extrêmrmenl. r(•acl.ionnair('s sur la politique intérieure et une influence semblable su1· l'Empereur.

Enfin au fonctionnaire du Saint-Synode Prince Andronikoff, l'opinion publique attribuait une influrnce prépondérante sur les affaires de la politique intérieure ct le considérait comme un des familiers de la Cour Impériale.

Et maintenant que nous avons exposé les calomnies, passons à la ledure du mémoire de M. Rouduieff.

l\1. NETCHVOLODOFF.

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La Vérité

sur la Famille Impériale Russe et les Influences occultes

Me trouvant. adjoint au procurl'ur du Tribunal d'ar­rondissement. d'Ekatc·l'inoslaii, je fus appel(~, à la date du 11 mars, par· ordre du minisln· de la .1 ubl.icc Kercnsky, à Pétrograd, à la Commi~sion d'l'lllftll~l e l'Xl raordinaire, chargée de rechercher ll's abus ron11ui:; par le:; anciens ministres, les chefs supt."·riPurs 1'1. IP:; hauts fonctionnaires de l'administration.

A Pélrograd, t.ravaillanl dans C<'tl l' commission, je fus spécialement chargé de rechr.rchrr lt•s sourcrs des in­fluences irresponsables près de la Coul' Impériale. Cette section de la commission N.ait nommt'l' : Enquêll• sur le groupe de faits dils: << 1 nfluences ocmllt•s )).

Les travaux de la commission sc prolcmgèrent jusqu'à fin d'aoûL 1917. A ce moment., j'adrt•ss<.~i un r<.tpport en fin duqUI•I je donnais ma démission ; lr motif en était les tentatives du président. de la commi~sion, l 'avocat Mou­ravieff, pour mc faire agir d'une façon criminelle.

Ma qualité de délégué, muni des pouvoirs de commis­saire d'enquête, me donnait le droit de faire toute des­cente sur les lieux, d'interroger tous les coupables, etc .

Dans le but de faire une lumière complète et impar­tiale sur l<'s agissements de toutes les personnes désignées, soit par la presse, soit. par la rumeur publique, comme ayant eu une influence déterminant e sur la direction de la politique tant intérieure qu'extérieure, je compulsai

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2 LA vr':mTI·, SUH LA FAMILLE 11\tPÉRIAJ.E

toutes Jps archivC's du Palais d'Hiver, des palais de Tsarskoi·-SP!o Pl. de Peterhof, ainsi que la coiTrspondance pcrsoHnl'ilt: du Tzar, de 1' Impératrice, des Grands-Ducs ri les papÎPrs trouvés lors des perquisitions faites chC'z l'(~vt~ll'lf' Barnabé, la comtesse C. C. Ignatieff, le docteur Badm;u•ff, D. R. Voeikoff ct autres dignitaires de la Cour.

Au cours de l'enquête, une attention toute spéciale t'ut apportée aux personnalités eL agissements de G. E. Haspoutine ct Mme A. A. Viroubova, ainsi que sur le:; rapports existant eni re la famille impériale cL la Cour de Berlin.

Considérant que le résultat de mon enquête avait unC' importance considérabk, puisqu'elle apporlail la lumière sur les événcmenls d'a·vanl et pendant la Révolution, j'ai pris la copie de lous les procè:;-Yerbaux, compte:-. rendus d'enquf·tes ayant passé par mes mains, de tous les documents, ainsi que de tous le:; témoignages.

En quittant. Pétrograd, j't•mporlai foutes ces copies à Ekaterinoslaff où elles furcn' conserv(•es dans moJl appar­tement. Depuis, elles 0111 dû t'\( re vo!(·cs lors du pilla~e de ma maison par les Bolcheviks. Si, conf rairemcnl. à toute attente, ces documents n'ont pas été dNruits (ct. si je vis jusqu'au moment où il rentreront en ma posses­sion), je me propose de les publier intégralcmeul sans Je moindr·e commentaire.

Toutefois, je considère comme indispensable de pré­senter, dès à présent, une esqui,..,se rapide du caractère des principaux personnages de cc règne que l'opinion pu­blique cl la presse ont surnommé : << le règne des influ­ences occull cs )),

Ccli c Psquiss1· étant faite de mémoire, nombre de traits inLéressauts m'('chappcront peut-être.

Arrivt:· à Pl-I rograd à la Commission d'<'IHltH'\f <',je C()m­

mençai ma lâcllf• av<·<~ un s<·HI.imenl. d<' pri·,·<•nl ion irré­fléchie relali\'!•mcnl aux l'a us l':-. dl' l'influ<·nc<' de Raspou­tine, et ceci en raison dl' brochures, d'articles d1· journaux lus par moi ainsi qu~' des bru ils circulant. dans le public.

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LA VÉRITÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIALE 3

Une enquête min ut icusc ct impartiale m'obligea à recon­naître combien ces bruits ct les informations des jour­naux étaient loin de la vérité.

La figure la plus int érrssant c à laquelle on attribuait une influence décisivr sur la politique intérieure était Grégoire Raspoulinr. C<' personnage fut naturellement le cent re de mes recherches au cours de l'accomplisse­ment des fonctions qui m'incombaient.

L'un des documents les plus importants qui mit en lumière la personnalité de Ras pout inc mc fut fourni par le journal de la surveillance exercé<' par Ja police secrète, surveillance qui se maintint jusqu'à la mort de ce dernier. Cette surveillance était d'un double caractère : exté­rieure et intérieure. A l'extérieur, par une filature minu­t icuse lors de ses sorties, à son domicile par les agents spéciaux qui remplissaient, auprès de lui, les fonctions de gardes et de laquais.

Le journal dr C'!'!.l<• surveillance fui. trnu avec une exac­titude merveilleuse, mrnl ionnanl jour par jour ses dé­marches au d<>hors, mt~nH' l rè:s comtes, l'heure des sorties !'t des rentrées, ainsi qw• l out rs sN; rc•ncontres en cours de route. Quant à la survt>illaJl<"P (·! ahlic à son domicile, IPs noms des personnes vis il aul Haspoul inc étaient men­tionnés ct in:scrits régulièrt·meJlf. d;llls ee journal. Lorsque Je nom de certains vi::;itrurs Hait im•oJlllll dPs agent::>, leur signalement était minulieusemPnl. di·(')·it.

Après avoir pris connaissance d!' l'l's documrnls el en­I rndu les témoins dont lrs noms fi~uraü·nl. sur ces listes cl. en comparant wutrs ces donnérs, j'arrivai à la conclu­sion que la personnalité de Raspout in<', du point de vur. psychologique, ne fut pas aussi simplP qu'on l'avait prê­t cndu eL écrit.

Etudiant le caractère moral de Hm;pouLinc, je portai mon attention sur la succession historique des événe­ments qui lui ouvrirent enfin les porl.c•H de la Cour cL je constatai que la première étape de sa fort une fuL ses rela­tions avec les archevêques Théophane cL Hermogènc, hien connus pour leurs sentiments profondément reli­gieux et leur haute intelligence.

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4 LA VÉIUTÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIALE

Je fus convaincu à la suite de la lecture de ces mêmes· documents, que Raspoutine joua un rôle fatal dans la vic de ces piliers de l'Eglise orthodoxe. Il fut la cause de l'in­ternement de IIcrmogène dans l'un des monastères du diocèse de Saraloff et aussi de la disgrâce de Théophane, rétrogradé au rang d'évêque provincial. Ces évêques vraiment pieux avaient discerné les bas instincts de Raspoutine et.. él aient.. entrés en lutte ouverte avec lui .

J'arrivai ainsi à cette conclusion que certainement il y avait.. eu, dans la vic de Raspoutine, simple paysan de la province de Tobolsk, quelque épreuve, grande et pro­fonde, transformant complètement son âme et l'ame­nant.. à se tourner vers le Christ. C'est seulement en vertu de cette sincère recherche de Dieu chez Raspoutine, à cette époque, que peut-être expliquée son entrée en relation avec ces paskurs éminents .

CeLte hypothèse basée sur la convergence des faits, se trouve confirm(•e par les récits de ses pèlerinages, écrits par lui dans um' langne incorrrcl.r, cL qui respirent une simplicité IHlÏV<' c·t. utl<' Hinc(~rill· attendrie.

Fort de l'auloril {• dPs dc·ux archrvc~<JUCH déjà nommés, appuyé par rux, Haspoulitw l'ul. n'!:u à la Cour des grandcs-duchr:ssc::; Anusl asie el. MiliLza ( 1 ). Chez elles, il fil. la connaissance dr Mlle Taneïcva, plus Lard Mme Virou­bova, alors demoisPilc d'honneur de l'Impératrice. Il fit sur ceLte personne profondément religieuse une très vive impression. Il fut enfin reçu à la Cour ct c'est alors que se révrillèrcnL, clwz lui, les bas instincts, assoupis pour un Lemps. Il devint un exploiteur rusé de Leurs .Majestés, confiantes en sa sainteté.

Il faut remarquer qu'il joua son rôle avec une persé­vérance minutieusement calculée. Ainsi que l'a démontré toute la correspondance à ce sujet et comme l'ont, dans la suite, affirmé les témoins, Raspoutine refusa catégorique-

( 1) Les Grandes-Duchesses Anastasie Nicolaëvna et Militza Nico­laëvna, sœurs, sont filles du roi Nicolas de Monténégro. La première avait épousé le Grand-Duc Nicolas Nicolaïevitch, généralissime, la seconde est femme du Grand-Duc Pierre Nicolaïevitch, frère du précédent.

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LA VÉRITJ'; SUR LA FAMILI.I-: 1:\lPf.IUALE 5

ment tous subside~ cu argent, rrcomprnscsel honneurs, no­nobst.ant toutes ks propositions fait.t>s par Leurs Majestés voulant démonl.rt-r par 1:'1 son désintéressement. ct son pro­fond dévouPmPllt au Trône. Il déclarait en même temps à la famille impériale qu il était son unique intercesseur auprès de Dieu, que tous jalousaient sa situation, intri­guaient. contre lui, le calomniaient et que, pour toutes ces raisons il fallait rejeter toute dénoncial ion. La seule chose qu'autorise Raspoutine c'est que l'on paie son logement sur les fonds de la chancellerie privée de l'Empereur cL qu'on lui donne en cadeau des ouvrages faits par les personnes appartenant à la famille impériale, comme chemises, ceintures, etc.

Raspoutine n'entrait dans les apparf rmenls impériaux qu'avec une prière sur les lèvres, il tutoyait. le Tzar ct l'Impératrice et lrs <·mbrassaiL trois fois, suivant la cou­tume sibérienne. Il l'si., <'Il out.n·, i·f a lili qu il disait au Tzar: 11 Ma mort. sPra la l.ic11m' >> <'1. qu':'1 la Cour il jouis­sait de la répul.atiou d'un homm•· ayant 1<' don de pré­dire les événements sous dPs fonnui<'S mystérieuses, à l'instar de la pythonisse antiqu<'.

La source des revenus de Ras pouf ÎtH' r(·sidaiL dans lrs pétitions rédigées par diverst>s g<'ns sollidtanl. un chan­gement, une nomination, une grâc<', adn·ssécs à l'Empe­reur et qu'illui remettait de ses mains. Pour donner plus d'autorité à sa recommandatioll, l'Il nppuyant de telles demandes, dans ses enLreLicns aV('<' L<•urs Majestés, Raspoutine les enveloppait de corollairt'~ prophétiques, affirmant que leur donner satisfacf.ion (''Hait attirer du bonheur sur la famille impériale d . sur lt· pay~.

Ajoutons que Raspoutine possMait, ::;a rb nul doute, un pouvoir très puissant et inexplicable, <'Il<'«' srns qu'il exer­çait sur l'esprit d'autrui comme une sorte d'hypnotisme.

J'ai pu, entre autres, me rendre compte, par moi-même, d'un cas de guérison de la danse de Saint-Guy chez le fils d'un ami de Raspoutine, Simonovitch, étudiant de l'Institut commercial. Les symptômes de cette maladie disparurent pour toujours après deux séances où Raspou­tine endormit. le malade.

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6 LA VÉRITÉ Sllll LA FAMILLE IMPÉRIALE

Une autre manifestation de ccf.t.c puissance psychique arriva au cours de l'hiver 1914-1915. Il fut appelé dans la guérite d'une garde-barrière. Anna Alexandrowna Viroubova était étendue sans connaissance, les jambes fracturées, la tête fendue. A côté d 'elle sc trouvaient l'Em­pereur ct l'Impératrice. Raspoutine levant les mains vers le ciel s'adressa à Viroubova en ces termes: 11 Annouchka, ouvrt' les yeux ! '' De suite, elle ouvrit les yeux et jeta un regard circulaire autour de la chambre où elle reposair. Cela produisit naturellement une grande impression sur les assistants et particulièrement sur Leurs Majestés, fortifiant ainsi l'autorité de Raspoutine .

En résumé, on peut dire que Raspoutine, malgré son peu d'instruction, ne fut pas un homme ordinaire. Il sc distinguait par une intelligence très vive, une grande présence d'espril, une faculté d'observation ct une justesse d'expression extraordinaires, surtout lorsqu'il avait à ca­ractériser quelqu'un.

Sa grossièreté apparente et sa façon familière de s'adres­ser aux autres, rappelant parfois c<•rtains << innocents "• étaient sans aucun doute calculées en vue de souligner son origine plébéienne et ::;on ignunm<'P .

Etant donnl· <{tH' la prc~se périodΫ[lH' s'l•l ait. bcuucoup occupée du l.Pmp!·l'am«·HI Sf'Xtwl d•· Haspoul ine, dont. If' nom était dcvPnu syuouymt• Ù«' ùl'hauch!·, les enquêteurs apportèrent. la plus graudt• al.l.•·ul iun sur CP point. Nous t.rouvâm«'S tllll' mi1w d•·s plus richPs pour ~~clairer sa pcr­sonnalitù dl' t'l' •·111 (·, dans lrs indieal.ions de ces agcm.s secrets qw· la pQlict• avaiL plac(·s aul.our de lui. Il rn ressort que k s :\Vf'nl.urcs amour~uses de Raspoutine ne dépal;sèrent. pas le cadre d'orgies nocturnes avec dr8 femmes légères f't des chanteuses el, parfois, avec tellP ou telle de ses quémandercsses.

De ses rapports intimes avec les damrs de la haute so­ciété, il n'y a aucun fait positif, aucune remarque, aucune trace à la suite de notre enquête ou antérieurement. Par contre, il y a des preuves que, étant. ivre, il s'efforçait. de donner illusion sur son intimité avec les personnes de la haute société, surtout devant ceux avec qui il se trou-

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LA V~;RJTÉ SUn LA FAMILLE IMPÉHIALE 7

vait en relations int.imrs ct auxquels il était redevable de son élévation.

Ainsi, par exemple, lors des perquisiLions faiLes chez l'évêque Banwbt\ on 1 rouva un t i•l(>~ramme de Raspou­tine ainsi conçu : <t l\Io11 chrr, jr nr peux pas venir, mes folles pleurrnl. et ne mc laissent pas partir. »

Quant au fait que Raspoutine, <'11 Sibérie, se lavait aux bains en compagnie des femmes, on en conclut qu'il apparte11ait à la secte des « Flag<'llanls ,,,

Afin de résoudre cet! e question, la HauLe Commission d'enquête convoqua le professeur à la chaire des Sectes religieuses de l'Académie théologique de Moscou, Gro­moglassoff. Celui-ci, connaissanre prise des pièces de l'enquête, déclara que les bains en commun des hommes et des femmes paraissait être, en certains endroits de la Sibérie, une coutume admise ; mais il ne trouva pas la moindre preuve que Raspoutine appartint à la secte des « Flagellanls ,,, Ayant mèmr pris connaissance de ses écrits rcligeux, Gr·omogla~soff n'y releva aucun indice de la secte des << Flagellauts ».

En sommr, Raspoul in!' nppara11. de son naturel un homme aux gestrs larges. LPs portes de sa maison étaient toujours ouvertes, il s'y trouvait. sans C«'sse une foule de gens de toutes sortes, mangeanl ü srs déprns. En vue de se créer une auréole dr bienfait Ptll', suivant la parole de l'Evangile la main de celui qui donnr JI«' s'appauvrit pas », Raspoutine, qui recrvait ('Ons! amnwnL de l'argent de solliciteurs pour appuyer leurs ùcmaJidrs, le distri­buait largement aux indigents Cl, t'JI ght(•ral, aux gens des classes pauvres qui recouraient :'llui pour des besoins n'ayant. pas toujours un caractèrP malériel.

Il se créa ainsi un renom de bicnfail Pur cl d'homme dé­sintéressé. En outre, Raspoutine dépPnsa follement de grosses sommes dans les rrstauranl.s cL les jardins-con­certs, de sorle qu'après sa mort, sa famille, en Sibérie, ne reçut rien.

Des matériaux importants furent rassemblés au sujet des demandes que Raspoutine pré~ent.ait à la Cour. Toutes ces demandes, ainsi qu'il a été dit plus haut,

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8 LA VÉIUTÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIALE

avaient trait il des changements, des nominations, des ~rAces, des concessions de chemins de fer et autres affaires, mais rien ne fut trouvé relativement à l'immixtion de Raspoutine dans la politique, bien que son influence à ln Cour ait été énorme.

Les exemples de cette influence sont nombréux. C'est ainsi qu'au cours des perquisitions faites à la chancellerie du commandant du Palais, le général Voeikoff,ontrouva quelques lettres adressées à celui-d ainsi conçues : u Au général Faveik : cher ami, procure-lui une place •· Sur des lettres semblables se trouvèrent des annotations, écrites de la main de Voeikoff, qui se bornaient à indiquer les noms des quémandeurs, leur lieu de résidence, ce que contenait leur demande, des annotations donnant satis­faction avec avertissement aux quémandeurs.

Quelques lettres analogues ont été trouvées chez l'ex­ministre Sturmer, ainsi que chez d'autres personnages haut placés. Mais toutes ces lettres n'avaient trait qu'à des demandes de protection privée, pour des cas déter­minés, et concernant les personnes auxquelles s'inté­ressait Raspoutine.

Raspoutine donnait des sobriquets à tous ceux avec qui il était en contact plus ou moins étroit. Quelques-uns de ceux-ci reçurent droit de cité à la Cour. Ainsi il appelait Sturmer «le vieux n, l'archevêque Barnabé u le papil­lon », l'Empereur ''Papa n, l'Impératrice « Maman ''· Le sobriquet de Barnabé, « papillon "• fut trouvé dans une lettre de l'Impératrice à Mme Viroubova.

Reconnaissons-le, d'après touR les documents exa­minés, il est certain qu'il exerça une très grande influ­ence sur la famille impériale et que la cause première de l'influence de Raspoutine à la Cour fut le profond sen­timent religieux de Leurs Majestés et leur sincère convic­tion de la sainteté de Raspoutine, l'unique avocat du Tzar, de sa famille et de la Russie devant Dieu.

La démonstration de cette sainteté ressortit pour la famille impériale, de certains faits particuliers où s'avéra l'influence extraordinaire de Raspoutine sur l'esprit de quelques personnes de la Cour. Par exemple, lorsque

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LA VÉRITÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIALE 9

Mme Viroubova s'(>vanouiL ainsi que nous l'avons men­tionné plus haut, eL qu'il la lira de cet évanouissement. De même son influcH<'<' Bal ut airl' sur la santé de l'héritier du trône cl. tmc s(~rir dP pr(·dicl ions heureuses.

Son influ<'IIC<' psychique s'explique par la présence chez RaspouLÎIH' d'urte fore<' magnéf ique extraordinaire cL la véracité de ses prédictions par sa connaissance ap­profondie de la vie de la Cour cL son gr;wd sens pratique.

De celte influence sur la familk impérial<•, des gens habiles s'efforcèrent de se servir, en aidant. par là même au développement. des bas instincts qui sc trouvaient en lui. CeLLe Lactique sc manifesta surtout dans les agisse­ments de l'ancien ministre de l'Intérieur, Kvostoff, ct du directeur du département de police, Biéletzky. Pour consolider leur situation à la Cour, ils entrèrent en accord avec Raspoutine cL lui offrirent les avantages suivants : ils lui donneraient, tous les mois, prélevée sur les fonds secrets du département de police, une somme de trois mille roubles, cl en cas dr nécessité, des subsides supplémentaires, de quoi itt· variable ; en échange, Ras­poutine placerait à la Cour les candidats indiqués par eux, à des postes désignés pal' l'ux.

Raspoutine accepta ceLLe proposition ct les deux ou trois premiers mois, il exécuta ks <'ngag<'BH'llls pris. S'é­tant ensuite rendu compte qu'ull accord sPmblahlf' n'était pas avantageux pour lui, l'ar il rN.rrC'issail k cercle de sa clientèle, sans prévenir I\vosloff 11i DiNctzk) il commenca à agir, à ses risques d . p(·rils, pour so11 propre compte. Kvostofi ayant découvrit son manque dP. loyauté et craignant que, dans la su if.<·, Haspoulinc pût agir contre lui, résolut de le comball re ouvPrl cmenl. Il comptait d'un côté, sur la bonne disposition en sa faveur <le la famille impériale et, d'un autre côté, sur l'appui de. la Douma dont il était l'un des membres ; celle-ci avait pour Raspoutine une haine extrêmr. Biéletzky qui, lui, ne croyait pas à l'influence de Kvosloff à la Cour, mai~ appréciait le pouvoir prépondérant. de Haspoutine sur la famille impériale, se trouva dans une position difficile. Il réfléchit, et résolut de trahir son chef et protecteur

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10 LA VÉRITÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIAU~

Kvostoff en ~c rangf'ant du côté de Raspoutine. En pre­nant cette position, selon l'expression de Raspoutine, il sc donna comme tâche de «culbuter le ministre Kvos­toif >>.

Le I'(•sull al final de la lutte de Raspoutine et Biéletzky contre KvoHtoff, fut le complot organisé contre la vie du << vieillard >> qu'ont relaté tous les journaux. La mise en scène I'Jl fut organisé par Biélelzky de la façon sui­vante:

Il engagea pour cette affaire un déclassé, l'ingénieur lieiiH', I.Pnnncier de maison de jeu à Pétrograd, et l'en­voya en H<'<Tcl à Christiania chez un autr<> déclassé, moine dHroqu(·, Je célèbre lliodore Serge Troufanoff, ex-ami de Haspout iiH'. Le r(·sull at. dr cc \.Oyage fut l'expédition, Ho us la si~rt:tlurc d' lliodore, d'une série de dépêches de Chrisliaui:t à JfPÎllf', ù Pt•lmgrad, dans lrsquellesonpar­laiL d'unt· I':H:on II'ÙS d:tin· d'un attentai qui sc préparait. conl.rr l;1 v il' dt· H:1 poul i1w.

DanH l'u1ll' dt• c«'s d!•pt\·hes d'JliodorP à Heine fuL menl.ionn(• prcsqu«' lill t'·ra lt•uwul <""qui su il : u Quarantf' hommrs PJJ~at;(•s ai.I.PIIÙ«'III, ri•danwul ; t'Hvoyt·z t r<·lll <' mille. >> Tous c<'s Lélt•grammt·H, co mm«' "~"ll<lnl d'un pa y:' n<•uLre, avant. d'N rP remis au dt•sl.inal.airc élai<'JII com­muniqués au départ<'ment de la police ~ccrèl.<' cl. après, av<•c cnquête, ainsi t{u'il était de coutume pendant la guPrre, ils (·Laient remis à Heine.

Un beau jour enfin, ayant rn main ces télégrammes, 1 !eine se présenta en coupable repentant chez Raspou­tine, et, pr(•::;entanf comme preuves les dépêch<'s appor­tées, avoua franchement au << vieillard >> qu'il prenait part à un complot contre sa vie. Il en rapporta Lous les détails ct finit par d(·clarer qu'à la tête de cc complot était le ministre de l'Intérieur Kvostoff.

TouL ccci fut communiqué à la famille impériale par Raspoutine Pl. la disgrâce de Kvostoff s'cnsuiviL.

Comme Ml ails de la mise rn scène de ce complot, le fait suivauf r~t. trb :-;ug~<'stif : parmi les dépêches que Heine receY ail de Ch risi iania, l'une relatait une s(•ric de noms de personnes se lrouvanl. ù Tzaritzine ct soi-disant

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LA VÉRITÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIALE 11

en relation avec Iliodor<' cl, même, faisant le voyage d<' Christania en vu<' d<' la réalisation de c<' complot. L'enquête immédiate ouverte à ce sujet par la police non seulement ne put confirm<'r la ". éracil é de ces indications, mais démon! ra, sans contestation possible, que l<'s per­sonnes désignées n'avaient jamais quitté Tzarilzinc. De ce fait témoignèrent le livre de maison et d'autres re­gistres.

Il faut mentionner que Kvostoff était très estimé et trf>_s apprécié par l'Empereur ct tout. particulièrement par l'Impératrice qui, d'a près les témoignages des personnages approchant la Cour, le tenaient pour très religieux ct dévoué au plus haut degré à la familleimpériale,ainsiqu'aupays. Le fait suivant, cependant., montre combien Kvost off pre­nait soin, a" a nt toul., d' l·clairer ses proprl's cufr<'priscs.

Il invita un jour !1- !'ommandaut. dP !:1 gcndanncrie, le général KornmissuroJ'f, Pl. lui proposa dP sP Tlll'f t re en ch·il Pl d'all<-r immt'·diat PillPilf ch«'z Ha~ pout in<• pour l'amener ch1•z l1• m(·l ropolit <' Pit iriuu·, ''"qui' fil c<'lui-ci. Exécutant l'ordr<' dP h\o:-;l.off, hon1mio.sarofr viul avec Raspoutine chez Pit irimc où, dnn, l'nJH' dP,; piècl's, il rencontra lrvaletdechambrcqui,aprùs IPs avoir t'I'Ç:us, alla annoncer leur arrivée à sa Saint pf (•. BiPnt ôt. a prè.-; arriva Pitirime eL lorsque Raspoutine lui pré!-wnt a fp gl·néra! KommissaroH, ce dernier remarqua <rue la pri·sPrH'<' dans ses apparl.<'ments d'un général de gendarmeril' fut. à cP momenl. désagréable au mélropolit.r qui le!; invita néanmoins à le suivrl' au salon où ils 1 rouvèrent Kvos­loff assis sur un divan. A la vue de Raspoutine, Kvos­toff se mil à rire nerveusement e1 à chuchoter avec Piti­rime, après quoi étant resté très peu de temps, il pna Kommissaroff de l'accompagner jusque chez lui.

Kommissaroff se trouvait. dans une situation très gênante et. ne comprenait rien à C<' qui se passait. Pen­dant le trajet en aulo l(voslof! demanda à Kommissaroff «Comprenez-vous quelque chose, général '? '' El, ayant

reçu une réponse négative, il ajouta : « Nous savons main­cc lenanL quels rapports existent <'nt.re PiLirime et Ras­« pout.ine, car lorsque vous êles arriv(•s dans les appar-

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12 LA YÉRITÉ SllH LA FA:\IILLE 11\IPÉHIALE

<< temrnf s du métropolite et que Je laquais lui annonça << votre v isil e, ccL homme qui n'avait, selon lui, rien de « commun avec Raspoutine, m'a dit : Permettez-moi ,, de m'absenter pour quelques instants car je viens de ,, rrct'voir la visite d'un notable Géorgien, et maintenant « nou:-; savons quel Géorgien vient chez sa Sainteté. >>

Cd {·pisoclr fut connu lors de l'interrogal oirc du généra! Konmli:-;saroff. De Lous les hommes politiques, Kvostoff fui l'l'lui qui approcha Raspoutine de plus près.

E11 ''" qui t'once mc les relations de Ras pouLine avec Sturmer, qui ont fait tant de bruit, elles se bornèrent en rt;alif ô:\ d1: simples {•chaugc::; de politesses. Tenant compte d1· l'infhll'tll't' dl' Haspoutine, Sturmer faisait droit. à ses denwudes ro!lt'l'rllnnf. ll's différentes personnes qu'il avait ù pla('l'l'. Il lui Pnvoyait quelquefois du vin, des fruits, 1-lr ... Mais iltw l'ut. rl·vl·ll· par l'enquête aucun fait prouvant. u!ll' i ul'luPtll'l' d" Haspout.ine sur la direclion cil' la polii.Îifltl' (·frangi·n· dt• Sf.ur!IH't'.

LPs t'Piaf ions dl' Haspoul ÎIIP 1'1 du miuislrc de l'Inté­rieur Protopopoff, q tw H:ts pou 1 iw "ppP lait., on ne sait pourquoi, « l{aliuine >> nP l'tll'l'llf pas lwauconp plu..; intimes. Il convient de din• I(UI' Hnspoul ill(• avait. beau­coup de sympathie pour Protopopoff, le dt'fendait de SOH

mirux et le louait devant l'Empereur chaque fois que la situation de Protopopoff éLait chancelante. Raspoutine procédait toujours à cef.Le défense lorsque l'Empereur était absent de Tsarskoe-Selo, sous forme de prédictions à l'Impératrice ; ces prédictions revêtaient la forme des oracles de la pythie. Il y parlait d'abord d'aut.res gens pour ensuite vanter la personnalité de Protopopoff comme d'un homme dévoué et fidèle à la famille impériale. Cetl.e conduite de Raspoutine à l'égard de Protopopoff valut à celui-ci la bienveillance de l'Impératrice. A l'examen des papiers de Prot.opopoff, on trouva quelques lettres typiques de Raspoutine qui commençaient par u mon cher » mais où il n'était question que des inU·­rêts de personnes privées recommandées par Raspou­tine.

Dans lœ papiers de Prolopopoff ou de Lous autres per-

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LA VÉRITÉ SUR LA FAMILLE I:'\1PÉRIALE 13

sonnages importants, on ne trouva aucun document indiquant une influence dC' Raspoutine sur la politique intérieure ou exl érieurC'.

Protopopo ff sr distinguait. par une faiblesse extraor­dinaire de caractère, bien que, pendant toute sa longue carrière jusqu'au poste de ministre, il ait été choisi comme rrprésentant de différents groupes jusqu'à être vice-président de la Douma.

La presse périodique attribua à Protopopoff la cruelle tentative d'étouffPment de l'agitation populaire dans les premiers jours de la Révolution. Cette tentative se mani­festa, soi-disant, par le placement sur les toits des maisons de mitrailleuses pour tirer sur la Ioule des manifestants désarmés.

Lors de l'enquête préalabk, l'attenl ion du président de la Commission, Mouravieff, IuL touL particulièrement attirée sur ce fait, il en confia l'examen à un spécialiste, louvjik Kompanectz. Celui-ci établit, après avoir inter­rogé plusieurs centaines dr personnes ct après avoir vérifié le provenance des mitrailleuses trouvées dans les rues de Pétrograd, que celles-ci appartenaient à diverses unités de l'armée et que pas une mitrailleuse de police ne se trouvait sur les toits des maisons, si ce n'est un petit nombre placées dès le début de la guerre sur des maisons très hautes pour la défense contre avions.

En résumé l'on peut. dire que, dans les jours critiques de février 1917, Protopopoif montra un manque absolu d'initiative et une faiblesse que la loi d'alors eût. 1 raitée de criminelle .

Dans la presse eL dans le public, à Pélrograd, l'opinion crut naturellement aux rrlations (>f.roif.rs dt• Haspoutine avec les deux avPnturirrs poliLÏ({urs, k ùoeiC'ur Badmaeff eL le prince Andronikoff qui, soi-disa ni, 1 <'liaient dr lui leur influcHct· t•n polit iqu<•. P:u· l'PnquêLe la parfaite fausseté de ces ru nwun; appaml .. On peut seulement dire que ces deux individus s'dforcèrl'nl. d'Hre de la suite de Raspoutine, en profit.ant. drs miettrs qui tombaient de sa table eL en essayant d'exagérer, auprès de leurs clients, leur influence sur lui, influence qu'ils n'avaient pas, afin

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14 LA VÉIUTÉ SUH LA FA~ULLE IMPÉRIALE

de garder aim;i dans l'opinion publique leur réputa­tion usurpée d'influence à la Cour, par l'intermédiaire de Rm;poul iru•.

De cc:; deux individus, le plus inU·ressant, à notre point de vue, fut le prince Andronikoff, parce que les relations, tant soit peu importantes, de Badmaeff avec le~ ct•rcles dirigeants se rapportent. au règne de l'empereur Alexandre III.

Le <"aractère ct la qualitô des agi::;sements du prince Andronikoff apparurent rlairemcut à l'enquête, par la lecture de la grande quantité de documents recueillis par moi lor:; de la perquisil ion faite chez lui en mars 1917 ; cette perquisition m'occupa deux jours entiers. Du loge­ment d'Andronikoff, j'ai amen(• dan:; le Palais d'Hi' er, au bureau de la commission, SUI' deux aulos, des archives considl·rables.

11 fant n•rHlrt• cd lt· jus( icr. à Anùronikoff que ses pa­pil·rs SI' 1 rouvait>ul rau~(·:; d:tus un ordre impeccable. Toul t'S ~~·s affairt·s i·l aiPul l'iassi•Ps dans dt>s ('hemises par mi11bl t'l'l' d . p;11· dl·parf l'lllt'llf avt•f· df's t•n-têlcs approprii·s, t·ousut·s, uuu•i·rol i·Ps, 1'(. 1 t'•moigu:1 ienl de l'inl(·n~l. minul.it•ux apport i• JHII" lui il !Pur· ho111w marche.

En prenant connaissnuct· ÙP t'l'S papit•r-:;, il fui prouvé que le prince, pour un pot-de-vin assuré, ne dédaignait de faire aucune d(•marche. C'est ainsi que, simultaném<'nt, il s'efforçait de faire obtenir une pension à une 'cuve d<' fonctionuairc n'y ayant pas droit, PL qu'il fai:;aiL pa:;:;cr par le ministère des Finances rt cl'lui de l'Agriculture un projcl, lrè:s complexr, d'une sociN,é par actions dans laquelle, d'après le contrat, il jouait. personnellcmt>nl un très grand rôle. Il s'agissait, si je mc rapp<'llc bien, de travaux d'irrigation des sleppt>s de Mourgabe.

Le sysl 1\me adopté par le prince Andronikoff, qui occupaiL un simpl<' poste de fonctionnaire des missions spéciales aupn's du Saint-Synode, pour faire aboulir ses démarchc·s, était. Ù<'s plus simple. '

D'après son propre aveu, ayant eu connai~sance de la nomination d'une pe!'l>onne, qui lui était d'ailleurs com­plètement inconnue, au poste de directeur du départe-

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LA VÉRITÉ SUH LA FAMILLE IMPÉRIALE 15

ment dans un minis! èrr qudconqur, il lui envoyait une leU re de félicitat.ious. Ct·llt>-ci eonnnrrll'ail invnriablement ainsi : « Enfin }p soh•il hrillt~ sur la Hussic l'f, un poste <·levé el important. f'sL t•ufin coufii: à Votre Excellence. '' SuiYaient f'Jisuil.e ks épit hèLes les plus flatteuses qui décoraiPut ct~ pcrl"olllwgc de talents ct de vertus, ct même pm·fois, le princr joignait une sainte image avec sa béné­dict ion. La réception d'une semblable missive obligeait ual.urcllemcnL le dit personnage, par délicatesse et pour remercier, à répondre au prince et le résultat était la v isit.e de ce dernier au dit fonctionnaire, dans son bureau, d'où premiers rapports établis.

Ces visites du prince, aux personnages administratifs, d'un assez haut rang, persuadaient les employés qui servaient dans les bureaux des bonnes relations du prince avec leur chef. La conséquence en était que l'on appor­t ail une plus grande attention aux dossiers transmis par le prince dans crs départements.

Le prince Andronikoff, dans son Msir de faire croire davantage à son influPJICI' ficlivP à la Cour, ne dédai­gnait aucun moyen cL al1~1iL jusq u'ù :w familiariser avec ks messagers dP la Cou!' qui, t•n Lransnwl 1 ant les prikazes du Tzar relatifs à df's grfH'Ps, IH' lllaJH{llaÎ<'lll jamais de s'arrèl cr chez l<'ur ami le priuct•. Cdui-ci lt·s gorgeait. de vin cL de mangl'aille d, pendant. <·e t.<'Ill}l", ouvrait. ks pli", cl, ayanL ain::;i connu leur tenrur rP!at iv~ à quehrue laveur inattendue, gardait le mr~sagPr ivrr. dans sa sa Ile à manger, courait au 1 é)(•phonc féliciLr.r Ir. bénMiciairc qui attendait ou n'attendait pas ccL I.e haute distinction, lui faisait comprrndrc que la chose lui ét.aitcommuniquéc directement par la source suprême. Il créait. ainsi chez le haut dignitaire, loJ-:-qu'il apprenait. plus tard sa nomina­tion par le messager. une conviction des liens étroits qui existaient entre Andronikoff et la Cour.

TouL en flattant. Jps hauts fonctionnaires de PéLrograd, le pl'ince Andronikoff faisait cc qu'il pouvait pour con­tenter Raspoutine. Ainsi, il est établi par les din•s du domestique d'Andronikofl, qu'il prêtait son lngemcnt pour les rendez-vous secrets de Ras pout inc avec Kvosloff

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16 LA VÉRITÉ SUR LA I•'A!\ULLE JMPI~RIALE

et Biéletzky, ainsi qu'avec l'évêque Barnabé. Eu même temps, désirant se hausser au ton myst.iquf! de la Cour et. faire naître unf' légende favorable de ses senliments religieux, il installa dans sa chambre à coucher, derrière un paravent, un oratoire, y plaçait un grand crucifix, un autel, une petite table avec un bénitier, un goupillon, une série d'images saintes, des candélabres, des ornements sacerdotaux, une couronne d'épines qu'il enfermait dans le tiroir de la table-autel, Pte ...

Il est à remarquer, ainsi que je l'ai constaté lors de la perquisition faite à son domicile et comme cela a été con­firmé par les dépositions de ses domestiques, que dans cette même chambre à coucher, de l'autre côté du para­vent, sur son lit. à drux places le prince sc livrait aux plus abjects ......... avec des jeunes gens qui le gratifiaient de lrurs faveurs dans l'espoir de bénHicier de sa protec­tion.

Crs dcrui<'r~ fa ils onl. 1 rouv(: leur confirmation dans UJH' s(·ril: dt• Id 1 n•s quP j'ai saisit•s au cours de la perquisi­tion. C<•s ll'l.l.ri'S i·mauail'ul de· jl'tllH's gPns, s(•duil s par le prince 1'1. l{ui si' plaignait• JI!. dt• t'l' qu'ille•:-; av:til. 1 rompé~.

Lors dP l'in! I'JTogal oin· l(tll' j1· fi:-; '-'nhir au prin<"C Andronikoff, ils 'dforça de gardt·r lt• sikuce sur plusieurs choses, mais prh; rJL Ilagrmlf. délit dP mrnsonge, il me dit «Vous êtrs ma consci<·nce ! »Ayant fait serment de nr plus mentir par la suite, il fut. bientôt. convaincu par moi de dénaturer à nouveau la vérité. Il se tourna alors vers moi et me pria de lui dire mon prénom. J'agréai à sa de­mande ct il mc déclara qu'il fais aiL ccli c qu~'slion pour inscrire mon nom sur les tablettes de l'Eglise et prier pour moi comme pour un saint homme.

D'après l'iut Prrogaloin· de personnrs de la Cour, comme par cxl'mpl~:, la famille de Taniéeff, Voeikoff, ct d'autres, j'ai su qu(' le prince Andronikoff, non srulement ne jouis­sait d'aucun cri·dit. auprès de la famille impériale, mais que crlle-ei le 1 rail ait d'une façon méprisante.

Le docteur en médecine lhibélaine Badmaeff étai!. en relations avec Haspoul iue, mais ePs rd at ion~ sc bornaient à de menus serviers pour sai isfairC' les rarl"> demandes de

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LA VÉRITÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIALE 17

Badmae!f qui, étant Bourial.e, composait des brochures sur son pays et, pour ct·! I.e raison, obtint de l'empereur quelques audiences, mais sam; aucun caractère intime. Bien que Badmacff fut. IP rnM<·cin du ministre Proto­popoH, la famille impériale (•! ait à ~on {·gard assez scep­tique. Raspoutitw n'i·l ail. pa::; tut partisan dcs méthodes médicales thibNaiws dl' H:HJruat'll' d, d'après les inter­rogatoires dt•s ~··nif t urs dl' la famillt· impériale, il fut établi <JU I' H<Hlm:H•I'f n':• j:11uais 1•1 é :.p1wli• comme méde­ein aupn\:.; dl':; f'ufaufs dl' ln fnruiiiP imp{•I'Ï;tlP.

Le Conllnmuhml dtt fHtlais Voeikoff fui int.crrogé par moi :\ di fft"·n·rll t•s n·pr·rsf'f4, :'• la fort t•rc•ssP dt• Pctropaw­lowsk où il {•1 ~111 rttf t'l ill', J l'apn'>:; la ront·::.pondance sai­sic c·ht·z lui, lor·s dt • l:t fi~"I'IJIIÏ il ion, 1'1 compu:;éP princi­palcm<·nf dl' 11'1 1 res dt• sn t'Pnllllf', filiP du ministre de la Cour, coml c· FrPdtr i··l,fi, dai ,.,,s dt· HJ14, HH5 cL 1916, il ne joui:,;sait pas d'unf• nul or il 1· 1'1 d'une• in!lucnce spé­ciales à la Cour. Il {·1 ail Psi iu11· t·onurw tlll homme dévoué, du moim; la famillt• impt r·i:dP lt· t•ompf ail pour tel, quoique, après de nombn·11x l'tl! ri'! Ît'll» avl't: lui, je n'aie point conservé celte impri'SSion.

Les rapports de VcH·ikoff ~~\ •·c 1 (a s poul irw, d'oprès ces lettr<'s , furent négatif~. Dau:s cpwltpws· ttlll' d't•nf re elles, Voeikoff l'appelle le mauvuis gt•ni · d,.la faruillt· impériale l't de la Russie, trouvant qtw t'l'(, ltoruttH', par ::H'S affinil(•s avec la Cour, jetait un discr(·dit. sur 1 .. Trùnt• 1'1 donnait une base apparentf' aux i:iUJlJIO il ious rrwlvPillnnLI's des partis anti-impérialistes. En rnt·m•· 1 t·mps, tenant. compte de l'influence indisculahiP d,. Ho poul irH' sur ln famille impériale, il n'avait pa~ as:;t z dt• t·ourage pour refuser satisfaction aux demandes qut• llaspouf ine lui adressait de promotions, subsides, Pl l'. Lf's nombrcu::.es annotations de Voeikoff sur les demarrdPS adn•ssées par Raspoutine le prouvent.

En somme, Voeikoff mc fill'imprcssion d'un arriviste, tenant à sa place, ct. incapable d'appr(•cit•r l'attention et l'inclina! ion véritables qu'avaient pour lui le Tzar et l'Impératrice.

Dans Je.; lettres que c;a femme lui adressait en 1915, elle

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18 LA \ÉIUTÉ SUR LA FAMILLE ntPÉRIALE

le suppliaitde quiLler le service el, vu l'agitatiou révolu­tionnaire, t•llc a\; crtis~;ait son mari qu'à la chute de l'cm­pire un sort terrible lui éLait réservé. Toutes ces lettres de madame Voeikoff sont cmpreinte d'une haine mala­dive cnvPrs Raspoutine qu'elle considérait comme la cause de cat asl rophes imminentes.

Tout <·u partageant l'opinion de sa femme à l'égard de HaspouLinc, Voeikoff restait à son poste. Il ne fit rien pour démasquer Raspoutine eL le montrer sous son véri­table jour à la famille impériale.

Ayant beaucoup entcndu parler de l'influencc particu­lière de Mme Viroubova à la Cour, de ses relations avec Raspoutine, étant imprégné des insinuations répandues par la presse sur celte femme et des bru ils publics, je mc trouvais très mal disposé à son égard lorsque j'allai inl errogcr Mme Viroubova dans la forteresse de Pierre eL Paul. Ce senl imcnl d'hostilité ne m'a pas quillé, même daus la rham·t>lkriP d<' la fort t•rp;-;sc, jusqu'au moment où Mme \îrouhova 111'app:md escorl ~~~· de deux soldats . .!\lais, quand Pllt> l'Ill ra, ji' fu~ frappt• par l't·xpression toute pari irulit:•n• dt> sPs )l'li:-\; ils P:>.:primait·ul. une dou­crur célPsl.<·.

CeLle premiën· impn·ssiou faYomhll' Ill' fil qw· s<' con­firmer dans mc•s cnt retiens avec elle. Dès le premiPr Pl. court enlretieu que nous cûmc~; ensemble, je fus persuadé qu'elle ne pouvait avoir, élant donné sa meut ali! é, au­cune influence non seulement sur la poliLiquc extérieure, mais aussi sur la politique intériPurc du gouvernemrnl.. Sa façon iouLe féminine d'envisat;rr les événements poli­tiques dont nous parlâmes, sa volubilité et ~;on incapacité de garder le moindre secret, même des faits qui pouvaient à première vue jeter du discrédit sur cll('-même, la ren­daient incapable de toute influence. Dans ces conversa­tions, je mc suis rendu compte que demander à Mme Vi­roubova dr garder un secret, c'était nécessairement sorl ir sur la place publique el proclamer ce secret. Elle divul­guait, ('Il effel , cc qui lui paraissait important,non seule­ment à S('~ proches, mab même à de~; inconnus.

Après m'être rendu compte de ccl élat d'esprit parti-

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LA VÉRITÉ SUR LA FA:\ULLE L'\tPÉRIALE 19

cu lier de Mme Viroubova, j'ai porté mon attention sur deux points principaux :

1° Les causes de son rapprochrmcnt moral avec Ras­poutine;

2<> Les causes de son i11timité avre la famille impériale. En vou iant résoudre la premièn• qurstion ct en cau­

sant avec st~ parents (le secrétaire d'Et at S. Taniédf, chef de la chancellerie de Sa :Majesté, marié à la com­tesse Tolstoï), jr mc suis arrêté à un épisode survenu dans la vic de leur fille <'t qui, d'après moi, a joué un rôle fatal quant à la subordination de sa volonté à l'influence de Raspoutine.

Mme Viroubova, étant enr·ore une fillette de 16 ans, fut atteint<' d'une fièvre typhoïde très aiguë. Celte maladie dégénéra bien! ôL en péritonite et les médecins déclarèrcul. son élat sans espoir. Lrs Taniér If, grands admirai rurs de l'archiprêtre .Jran de Cronst.adl, don! la rl·pul.al.ion était consid<-rab!P ùam; Ioule• la Hussil·, lui d<·nHHHlèrcnl. de dire de::; prières au ('hcvl'l d<' lt>ur filiP malade•. \près ces prières, la malade~ c•uL llllf' nist• ht'tll'f'IISI' d. sP rl·l.a­blit. Ce fait. imprcssiouna for! c·nwnl. l'l':.;pril. <k <'<•Il ~~ jeune fille très religieuse cl., ;\ pari ir dP ct• nwmenl., ses sentiments religieux devinrent prl·dominaul s dans la solution de tous les problèmes de la vi<'.

Mme Viroubova fit la connaissanc<· dt• Haspoutiue dans les salons de la grande-duchesse l\Iilit.za Niko­laievna et elle n'eut pas un caractère imprévu. La grande-duchesse prépara, en effet, cette entrevue par des causeries sur des thèmes religieux, lui prêtant en même temps des livres de la littérature occultiste française. La grande-duchesse invita alors Mme Viroubova, en l' aver­tissant qu'elle rencontrerait un grand intercesseur du peuple russe, doué d'un don de divination et de la faculté de guérir.

Cette première rencontre de Mme Viroubova, à cette époque encore Mlle Taniéeff, produisit sur elle une grande impref;sion, d'autant plus forte qu'elle pensait alors épouser le lieutenant de vaisseau Virouboff.

A cette première rencontre, Raspoutine parla beaucoup

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t

20 LA VÉRITÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIALE

sur des thèmes religieux, et ensuite, à la question de son interlocutrice << lui donnera-t-il sa bénédiction pour son mariage ? n, Il lui répondit allégoriquement, en objec­tant que « le chemin de la vie était semé non de roses mais d'épines, qu'il était très pénible, que l'homme se perfectionne dans les épreuves et les revers de la fortune n.

Cc mariage ne tarda pas à être des plus malheureux. D'après les dires de Mme Taniéeva, le mari de sa fille était complètement impuissant et de plus un perverti sexuel. Cette perversion sc manifestait sous diverses formes de sadisme, de sorte qu'il causa à sa femmed'in­descriptibles tortures morales ct qu'elle éprouvait, à son égard, un profond dégoût. Mme Viroubova, cependant, se souvenant des paroles de l'Evangile:<< Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni >>, cacha longtemps ses souffrances morales eL ce ne fut seulement que lorsqu'elle manqua de mourir, à la suite d'un excès sadique de son mari, qu'dlr sc résolut à révéler à sa mère ce terrible drame de famille. D'où divorce légal.

Par la suill', lrs ('xplicaLions de Mme Taniéeva, en cc qui concrmait la maladie dt• sa fi li', l rou> èrent une con­firmation complèlP. En mai HH7, lu Haute Cour d'en­quête ordonna un examen médical dont le résultat fut la constatation irréfragable que Mme Viroubova était restée vierge.

La conséquence de ce mariage mal assorti fut l'exal­tation du sentiment religieux chez Mme Viroubova et sa transformation en manie religieuse. Les prédictions de Raspoutine, au sujet des ronces de la vie, lui apparais­saient comme une prophétie. Aussi devint-elle la plus sincère adepte de Raspoutine qui, jusqu'au dernier jour de sa vie, se présenta à elle comme un saint homme désin­téressé et faiseur de miracles.

En ce qui concerne la seconde question mentionnée plus haut : ayant expliqué la personnalité morale de Viroubova, ayant pris connaissance, au cours de l'en­quête, des conditions de vie de la famille impériale et dl> la personnalité morale de l'Impératrice, je me suis appuyé sur ce fait, admis en psychologie, que les extrêmes se

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LA VÉRITÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIALE 21

touchent et en se complétant. ;l'un l'autre se font un équilibre mutuel.

L'esprit peu profond de Mme Viroubova ella façon de penser purement philosophique de l'Impératrice, cons­tituaient deux extrêmes qui se complétaient l'un l'autre.

La vie brisée de Mme Viroubova la forca à rechercher une satisfaction morale au sein de la fn~ille impériale qui menait une vie si idéalement unie eL calme. La na­ture sociable et naïve de Mme Viroubova apportait ce dévouement sincère ct cette affabilité dou(:e venue du dehors qui ne se manifestait que rarement au foyer im­périal, assez fermé, de la part de l'entourage.

Ces deux femmes, totalement différentes, avaient le même amour de la musique. L'impératrice avait. un so­prano agréable, Mme Viroubova un bon contralto d, dans leurs loisirs, elles chanLairnL souvent des duos.

Voici les faits qui dcvaie111. faire naître, chez ceux qui ignoraient le motif secret des rdations amicales entre l'impératrice eL Mme Viroubova, les bruits de l'influence exclusive de ceLLe dernière sur la famille impériale. En fait, ainsi que nous l'avons dit précédemment, Mme Virou­bova ne jouissait d'aucune influence à la Cour. EL cela, parce que l'intelligence ct la volonté de l'Impératrice étaient trop supérieures à la faiblesse de caractère et. à la simplicité d'esprit de .Mmf' Viroubova. Celle-ci ne fut jamais qu'une dévouée cL sincère dame d'honneur, deve­nue enfin une intime de la famille impériale. On peut définir les sentiments de l'Impéral.rice à l'l•gard de Mme Viroubova comme ceux d'une mère pour sa filiP. Un autre lien qui les unissait. éf.ail. le S<'lll inwnl n'ligi<•ux, développé à l'cxcè"i chez l'une 1'1. l'autre, qui )Ps :nn<·na à l'idolâtrie tragique de Haspoul in<'.

En cc qui COHC<'l'IH' ]p:-; qualit.(·s mor:dPs d<' Mme Virou­bova, au cours (ks longu<·s t'OIIV<'l'sal iow; <fu<' nous eûmes cnsPmble, ~oit. daw; la l'ori,Pn·ss<• d<· Jl(•l.rograd où elle était aux urn'\ls, soit au 1':1lais d'J livPr où elle venait sur mon ordrP, nu's suppositions sP confirmèrent pleine­ment en voyant sa miséricordc 1 out. à fait chrélienne

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vis-à-vis de ceux dont elle avait tant. à ~ourfrir dans lt·s murs de la forteresse.

Les outrages auxquels elle était en butte de la part dt~ la garde de la forteresse m'ont été révélés non par ellr, mais par Mme Taniéeva. Cc ne fut qu'après, que Mme Vi­roubova mc confirma ce qu'avait dit sa mère. Elle le fil avec calme et sans colère, en disant : « Ils ne sont pas cou­pables, car ils ne savent pas cc qu'ils font. »

Ses gardiens lui crachaient à la figure, la dépouillaient de ses vêtements, flagellaient le corps de crt.te femme malade marchant avec des béquilles et la menaçaient de mort comme l'ex-maîtresse du Tzar ct de Raspoutinr. Tous ces sévices dont elle était l'objet obligèrent la com­mission d'enquête à mettre .Mmr Viroubova aux arrêt.s à l'ancienne direction de la gendarmerie en vue de lui épargner, à l'avenir, ces torLures auxqurlles elle élaiL exposée à la forteresse.

Mme Viroubova apparaît à nos yeux comme l'opposé du prince Androniko!f. Toutes ses rxplications, pendant l'enquPlt•, ont 1 oujours N (• eonfirmé<·~ <'lr<•connucs vraies. Le ~c·ul d<·fauL <k st•s ùt'•claral ioJis t'•t ait. l'cxagérnLion de ses parol<•s, sa volubiliLé, <·L aussi de sauter d'un suj<·L à l'autre sans s'rn n•tulre compte. C<· qui prouv~, encore une fois, qu'elle élàit Îltcapablc d'être une figure politique.

Mme Viroubova in! ervenait pour tout le monde auprè..;; de la famille impériale ; aussi ses demandes étaient-elles accueillies avec circonspection, car on exploitait sa can­deur.

La fi~u re moral c del' Irnpéra triee Alexandra Féodo­rovna m'apparut clairement dans sa correspondance avec le Tzar et .Mme Viroubova. Cet.te correspondance, en français et en anglais, était empreinte d'un grand. amout· pour son mari eL ses enfants.

L'Impératrice s'occupait personnellement de l'éduca­tion et de l'instruction de ses enfants, à l'exception drs branches tout à fait spéciales. Dans cette correspondance, l'Impératrice mentionne que l'on ne doit pas gâter lrs enfants par des cadeaux, ni exciter chez eux la passion du luxe.

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J,A Vf:nrrf.: SUl\ LA FAMILLE IMPÉRIALE 23

f '" l'orn•:;.;ponda tt('t' t'Hf, ('tl mêm<' Lrmps, imprégnée d'un rr:utd Hl'nl.inwul. rPligit•trx, Souvent, dans ses lettres à Hon rnnri l' lntpt'·ml.rin df·niL ]rs impressions qu'elle res­hl' ni, :111 C'«lltl'f:l dr·fi Ht·rvict·s n·ligieux auxquels elle assiste f 1 l'"''' r, r'-qlltlllllllf'llf dl' l'entière satisfaction et du '''l'"' "'"':d cp•'"llr· ~o(rl.c• après unr ardente prière.

llcwl irtttllo~tqtl"' qrw clanstoutecrtLcvolumineuse ''"''' !""'"'" .. ,, ri 11

1) :t pn·sqtlf' pas d'allusion à la poli­

''"'''. 1 :,.,,,. c "'''' l'""d:IIH'I' av:til. un caractère intime f 1 flllllrltld.

I.1·H prtfHwg•·s d•· •. , . ., Id lrc·H dnnK lf'K!ftlf'ls on parle de 1!11 poul itw, qrr'nn :'l'l'''"'' lt· vi .. ill:ml, l·f'lairrnt suffi­H:Iflllllf'lll. 11'1' r:tpjHtl'ls dr· l'lrnphnf rÏI't' :•v•·c· c·f'f. hommr. l•:lf,. Ir· c•onsirl!\1'1' c·omHII' 1111 prr'·dtl':il t'Ill', :tppod.:ml. la p:l!'ldr· dt· J)ÏI'II, !'OIIIIIH' 1111 prophCI t' pria ni sllr!'è-rc•mcllt fHIIII' la f~millr imp(•ria!P.

Pat tH louLr <'<'LI c corn•spoitd:wcP, qrri s'(•l t•nd Hrll un t'Hpac·P dn pr·ès de dix années, je n'ai l.rouvé· au!'IIJI<' kl.l.rc r'•('f'Ïf.r <'JI allemand. Je SUS d'autre pari 1 ('IJ ini.PI'l'OgP:lltf.

lt·s IH'rsonnes admisrs à la Cour, que, longtemps dé,jà :tv ani. cette guerre, la langue allemande nes' employai(. pas.

Hclativement aux bruits qui ont couru au sujPt de la 1-1ympathie exclusive pour les Allemands et de la pr<'­lii'Hcc dans les apparLcmenLs impériaux~ de la télégraphie ~ans fil avec Berlin, j'ai moi-même perquisitionné très minutieusement dans les appartements de la famille impériale, et n'y ai rien trouvé de semblable pas plus qu'aucune trace de rapports avec les Allemands.

Quant aux bruits concernant sa bienveillance exclu­sive à l'égard des blessés allemands, j'ai constaté que l'accueil fait par l'Impératrice aux blessés allemands pri­sonniers n'était. pas plus bienveillant que celui fait aux hlcssrs russes. Au chevet des uns et des autres elle :::e fiouvcnait simplement de la parole du Sauveur que « visi­ter un malade, c'éLaiL visiter Dieu lui-même ».

En raison des circonstances et de la maladie de cœur de l'Impératrice, la f<tmille du Tzar menait une vie très retirée. Ceci devait nécessairement développer chez l'Im­pératrice le sentiment religieux et la vie intérieure. Cela

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24 LA VÉRITÉ SUR LA FAMILLE IMPÉRIALE

finit par devenir chez elle prédominant. Sur cc Lerrain, l'impératrice Alexandra Feodorovna introduisait l<'s règles mollacalcs dans le service des églises de la Cour. C'est avec délices, en dépit de son étal maladif, qu'elle restai! debout pendant, les longues heures que duraient ces offices solennels.

CeLLe inclination, toute religieuse, de l'Impératrice, fut la cause unique de sa vénération pour Ras pouLine qui, sans conteste, ainsi que nous l'avons dit précédemment, était doué d'une force magnétique qui influença, en cer­I ains cas, l'état de santé de l'héritier du trône, grave· ment malade.

Dans tout cela, étant donné son mysticisme, l'Impé­lricc considérait que la source de cette influence heureuse de Ra,; pou tine sur la santé de l'héritier du 1 rône prove­nait uniqurmenf, non d'une source purement extérieure (magnétisme), mais d'une source céleste. RaspouLüw f cnait. crs pouvoirs dr sa sainl.eL(·.

Un an cL ÙNni av:u1L ln; Lroubl<•s dc> 1917, l'ancien e(. fameux m(line Iliodon.' Troufmwrr envoya sa femme, de Christiania à PétrogrnJ, avPc mission de proposer à la famille impériale de lui vendre un manuscrit édité plus tard sous le titre <<Le Diable Saint». Il y décrit les rap · ports de Raspoutine avec la famille impériale, sous des couleurs scabreuses.

Le rapport intéressa le département de la police qui, spontanément, entra en relation avec la femme d'Ilio­dore en vue d'acquérir le manuscrit, dont il demandait, .ie crois bien, 60.000 roubles.

Cette affaire fut soumise, finalement, à l'Impératrice Alexandra Féodorovna. Elle repoussa :wec dédain l'igno­ble proposition d'Iliodore en disant : « Le blanc ne de­viendra pas noir ct l'homme honnête ne peuL être noirci.»

Je Lrouve nécessaire, en finissant cette étude, de noter que l'introduction de Raspoutine à la Cour eut lieu grâce à la chaleureuse inlcrvenLion des personnes sui­vantrs : !f's grandrs-duchPssrs Anastasie et Militza Nikolaievna, k conf<>ss<'ur de Leurs l\Iajcstés, l'évêque Théophane et l'évêque Hcrmogène. Ceci explique pour-

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quoi l'accuril de Raspoutine par l'Impératrice fut d'a Lord confiant et comment, avec le temps, cette bicn­VPillancc dr l'tmp(:ratrice s'accrut rn raison des faits quP nous venons de raconter.

Vladimir Michaïlovitch RounNIEFF. Substitut au Procureur du Tribunal d'Arrondissement d'Ekatcrinoslaff,

détaché pour l'enquête sur les abus commis par les er-ministres, les chefs supérieurs ct autres fonctionnaires,

aCJcc droit d'instruction.

Ekutnrinodar, 28 mars 1919.

Ont.{'AN~.- IMP. B. TESSIER

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