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Roumanie — les Roms traités comme des moins que rien

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Depuis 2004, quelque 75 Roms, en particulier des familles avec de jeunes enfants, vivent dans des préfabriqués en métal ou des baraques à proximité d’une station d’épuration, dans une zone jugée impropre à l’habitation. Ils occupaient auparavant un immeuble décrépit du centre-ville de Miercurea-Ciuc, en Roumanie. On leur a dit que cette mesure de relogement était nécessaire pour des raisons de sécurité et qu’elle était provisoire. Cinq ans plus tard et bien que plusieurs procédures aient été engagées devant les tribunaux, leur droit à un logement convenable – parmi de nombreux autres droits – n’est toujours pas respecté et cette situation risque fort de perdurer.

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TRAITÉS COMME DESMOINS QUE RIENEN ROUMANIE, DES MAISONS DES ROMS SONTDÉTRUITES ET LEUR SANTÉ EST MENACÉE

LE LOGEMENT,C’EST UN DROIT HUMAIN

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E X I G E O N S L A D I G N I T ÉE X I G E O N S L A D I G N I T ÉG N I T É E X I G E O N S L A D I G N I T ÉE X I G E O N S L A D I G N I T É E X

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UNE POLITIQUE FONDÉE SUR LADISCRIMINATIONOn compte près de 2,2 millions de Roms enRoumanie, soit 10 % environ de lapopulation totale. Pourtant, la discriminationreste un problème largement répandu etprofondément ancré dans les mentalités,que ce soit au sein de l’administration oudans la société en général. Ainsi, 75 % desRoms vivent dans la pauvreté alors que cetteproportion est de 24 % chez les Roumainsdans leur ensemble et de 20 % chez lesHongrois, la plus importante minorité dupays. Les répercussions de cette situationsur leur état de santé et sur leurs conditionsde vie sont particulièrement graves.Lorsqu’ils tentent de se faire entendre et des’élever contre la discrimination dont ils sontvictimes, il n’est pas rare que leursdemandes soient tout simplement ignorées.

À travers tout le pays, des Roms sontexpulsés de force ou menacés de l’être.Cette pratique, bien établie, ne fait queperpétuer la ségrégation raciale. Leslogements qui sont parfois attribués par lespouvoirs publics en remplacement deshabitations d’origine sont souvent construitsdans des conditions précaires et nedisposent pas d’installations aussiessentielles que l’eau, le chauffage oul’électricité. Ces dernières années des

communautés roms ont été expulsées etrelogées à proximité de décharges, destations d’épuration ou de zones industriellesà la périphérie des villes. Les personnestouchées ne perdent pas seulement leurfoyer, elles sont également privées de leursbiens, de leurs réseaux sociaux et de l’accèsà l’emploi et aux services publics. Celles quisont déjà installées près de ces zonesréservent rarement un accueil chaleureux àleurs nouveaux voisins, et de nombreux casde comportements hostiles et de manœuvresde harcèlement à l’égard des nouveauxvenus ont été signalés.

L’expulsion de communautés roms contreleur volonté, sans qu’elles aient étévéritablement consultées, dûment informéeset se soient vu proposer une solution derelogement satisfaisante, constitue uneviolation des normes et traités régionaux etinternationaux – ratifiés par le gouvernementde Roumanie – tels que le Pacteinternational relatif aux droits économiques,sociaux et culturels et la Conventioneuropéenne des droits de l’homme.

Certains Roms vivent dans des constructionspermanentes et disposent d’un bail, mais denombreux autres logements occupés depuislongtemps par des Roms sont considérés parles autorités comme « temporaires » et nonofficiels. Leurs habitants ne possèdent pas

de contrat de location et risquent d’autantplus d’être expulsés.

Cette situation est par ailleurs contraire auxnormes juridiques régionales etinternationales selon lesquelles toutepersonne doit jouir d’un minimum de sécuritéd’occupation, qui lui apporte une protectionlégale contre une expulsion forcée, des actesde harcèlement ou d’autres menaces.

LE CAS DES HABITANTS DU27 RUE PICTOR NAGY IMREEn 2004, plus de 100 Roms ont été expulsésde force par les autorités municipales d’unimmeuble situé dans le centre-ville deMiercurea-Ciuc, la capitale du district deHarghita, situé dans le centre du pays.La plupart ont été relogés à la périphérie dela ville, au bout de la rue Primaverii, derrièreune station d’épuration. Certains ont décidéde s’installer près d’une déchargeà quelques kilomètres de là plutôt qued’habiter à proximité de la station d’épuration.

Des Roms vivaient au 27 rue Pictor NagyImre depuis les années 1970, époqueà laquelle une famille de la communautéy avait loué un appartement pour la premièrefois. En 2004, 12 familles roms occupaientlégalement des logements dans cet

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Depuis 2004, quelque 75 Roms, en particulier des familles avec de jeunes enfants, vivent dans despréfabriqués en métal ou des baraques à proximité d’une station d’épuration, dans une zone jugéeimpropre à l’habitation. Ils occupaient auparavant un immeuble décrépit du centre-ville deMiercurea-Ciuc, en Roumanie. On leur a dit que cette mesure de relogement était nécessaire pourdes raisons de sécurité et qu’elle était provisoire. Cinq ans plus tard et bien que plusieursprocédures aient été engagées devant les tribunaux, leur droit à un logement convenable – parmide nombreux autres droits – n’est toujours pas respecté et cette situation risque fort de perdurer.

« ILS NE NOUS FERONT PARTIR D’ICI QUE LORSQUE NOUS SERONS MORTS. »Regina, une habitante de la rue Primaverii, dans la banlieue de Miercurea-Ciuc (Propos recueillis par Amnesty International en mai 2009)

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immeuble, propriété de la municipalité deMiercurea-Ciuc. Au fil des années d’autrespersonnes s’y étaient installées ou avaientconstruit des baraques dans la cour sansdétenir de bail, si bien qu’en 2004 ondénombrait plus de 100 Roms vivant soitdans l’immeuble soit dans la cour, avec desstatuts d’occupation variables au regardde la loi.

Les autorités et les habitants ont reconnuque l’immeuble était délabré et qu’aucunstravaux de réparation n’avaient été effectuésdepuis nombre d’années. Sandor, un Romqui a occupé les lieux pendant trente ans,a raconté à Amnesty International : « Les

années ont passé et la municipalitén’a effectué aucuns travaux d’entretien.Nous sommes allés à la mairie pour leurdemander d’intervenir et de remettre en étatle bâtiment, en vain. Son état n’a cessé dese détériorer et nous sommes retournésmaintes fois à la mairie pour les informer dudélabrement [de l’immeuble], mais ils nousont répondu qu’ils ne pouvaient rien y faire. »

Les autorités ont commencé à évoquer avecles habitants la question de l’évacuation dubâtiment en 2001, arguant qu’elles devaientles déplacer pour garantir leur sécurité.Elles n’ont cependant pas mené de véritableprocessus d’information et de consultation

des habitants. Les autorités ont acheté en2001 huit préfabriqués en métal, mobiles,prêts à l’emploi, qu’elles ont installés àproximité de la station d’épuration. En 2003,le conseil municipal a approuvé la démolitionde l’immeuble. Selon les familles, lesautorités leur ont donné l’assurance que cespréfabriqués étaient une solution temporaire

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Soixante-quinze Roms, qui en juillet 2004 ontété expulsés d'un immeuble du centre-ville deMiercurea-Ciuc, vivent toujours dans huitpréfabriqués en métal et 14 baraques àproximité d’une station d’épuration des eaux.

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et que des logements décents seraient misà leur disposition ultérieurement.

La manière dont s’est déroulée l’expulsiondes habitants de la rue Pictor Nagy Imre enjuin 2004 n’était pas conforme aux normesinternationales relatives aux garanties àrespecter dans tous les cas d’expulsions,inscrites dans l’Observation générale n° 7 duComité des droits économiques, sociaux etculturels. Il s’agissait en effet d’uneexpulsion « forcée » ; or en agissant de lasorte, les autorités ont violé l’obligation quiincombe à la Roumanie en vertu du droitrégional et international relatif aux droitshumains d’empêcher les expulsions forcées,de ne pas recourir à cette pratique etde l’interdire.

Entre 2001 et 2004, les habitants de la ruePictor Nagy Imre n’ont pas eu la possibilitéde contester la décision d’expulsion ni departiciper au processus décisionnel etchoisir leur avenir. Les autorités n’ont pasnon plus tenté d’examiner les autressolutions qui auraient pu être envisagées aulieu de l’expulsion. Même si, aprèsconsultation, cette solution a été estiméeincontournable en raison de l’état del’immeuble et de la nécessité d’assurer lasécurité des occupants, les personnesconcernées auraient dû avoir la possibilitéd’étudier les sites de réinstallationéventuels. Les autorités auraient dûinformer ces personnes des projets deréinstallation envisagés et les consultersérieusement sur ces projets, en suivantdes méthodes et protocoles de consultationappropriés, afin de leur permettre departiciper réellement à la prise de décision.

Amnesty International s’est entretenueavec de nombreux Roms qui ont vécu dansl’immeuble : ils ne souhaitaient pas partiret avaient clairement indiqué auxfonctionnaires municipaux qu’ils avaientrencontrés que la proposition derelogement dans des préfabriqués enmétal, mobiles, à proximité de la stationd’épuration ne leur convenait pas. Lamajorité de ceux qui avaient finalementaccepté cette proposition avaient comprisqu’il s’agissait d’une solution provisoire,en attendant qu’un logement convenablesoit construit.

« Le logement rue Pictor Nagy Imre étaitdécent. J’avais une chambre, une cuisineet une petite pièce de rangement. »

(Gyongi, janvier 2009)

« Lorsqu’ils sont venus nous annoncer quenous devions partir, ils nous ont dit quenous irions rue Primaverii. Ils ne nous ontpas donné d’autre possibilité Ils nous ont ditque, si on refusait d’y aller […], on devraitaller vivre dans la rue [...] car ils nemettraient pas d’autre logement à notredisposition. »

(Sandor, janvier 2009)

« Nous étions neuf : sept enfants, mon mariet moi. Cela ne me plaisait pas, mais c’étaittoujours mieux que d’être à la rue. »

(Erzsebet, janvier 2009)

Selon les pouvoirs publics, les habitantsont été informés oralement du projet derelogement près de la station d’épuration,peu après l’acquisition des préfabriqués enmétal en 2001. Cependant, aux termes de laloi, une notification détaillée écrite, précisantla date de l’expulsion, doit être envoyée dansdes délais suffisants à toutes les personnesconcernées.

Les habitants de la rue Pictor Nagy Imre ontaffirmé qu’ils avaient été avertis oralementvingt-quatre heures seulement avant quel’expulsion ne soit réalisée en juin 2004.Or, en vertu de la législation roumaine, lespersonnes menacées d’expulsion doiventdisposer de huit jours pour quitter leurdomicile de leur plein gré. À l’issue de cepréavis, elles peuvent légalement êtreexpulsées de force. Les autorités deMiercurea-Ciuc n’ont donc pas respecté

les principes du droit international ni lalégislation roumaine.

« Ils sont arrivés et ont dit que nous devionsdéménager le lendemain. Nous avons tousrassemblé nos affaires et sommes allés dansles baraques. Ils nous ont donné vingt-quatre heures pour déménager. Ils nous ontdit que si on ne partait pas, ils reviendraientavec des engins de démolition et raseraientl’immeuble de toute façon. »

(Sandor, janvier 2009)

Des fonctionnaires municipaux sont venusrue Pictor Nagy Imre le jour de l’expulsion.Les autorités ont déclaré que la plupart desoccupants roms de l’immeuble s’étaientconformés à l’arrêté et avaient déménagédans le calme, avec leur aide, àl’emplacement qui leur avait été réservé àproximité de la station d’épuration. Elles ontégalement indiqué que quelques famillesavaient refusé de quitter l’immeuble maisavaient fini par obtempérer lorsque lagendarmerie locale était arrivée.

Expulsés de force, ces habitants ont nonseulement dû s’installer dans un endroitinhospitalier et insalubre, mais égalementquitter le logement dans lequels ils vivaientdepuis longtemps ainsi que leur réseausocial élargi. « C’était bien. On pouvaitacheter à crédit dans une petite boutique,le gérant me donnait notamment du painpour mes enfants. On payait lorsqu’on avaitde l’argent. »

(Erzsebet, janvier 2009)

Sandor vit avec sa compagne et ses troisenfants dans un préfabriqué en métal àproximité d’une station d’épuration des eaux.

QU’ENTEND-ON PAR« EXPULSION FORCÉE » ?L’expulsion forcée consiste à faire partir desgens de leur domicile ou de la terre qu’ilsoccupent, contre leur volonté et sans aucuneprotection juridique ni autre garantie. Touteexpulsion menée de force ne constitue pasnécessairement une expulsion illégale : si lesgaranties effectives sont respectées, uneexpulsion opérée dans la légalité, même avecle recours à la force, n’enfreint pasl’interdiction des expulsions « forcées ».

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« ILS NOUS ONT DONNÉ VINGT-QUATREHEURES POUR DÉMÉNAGER. ILS NOUSONT DIT QUE SI ON NE PARTAIT PAS,ILS […] RASERAIENT L’IMMEUBLE DETOUTE FAÇON. »

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DU STATUT DE CITADIN À CELUIDE PARIADes normes juridiques régionales etinternationales prévoient que toutepersonne doit jouir d’un minimum desécurité d’occupation, qui lui apporte uneprotection légale contre une expulsionforcée, des actes de harcèlement oud’autres menaces. Or, ceux qui n'avaientpas de bail lorsqu’ils vivaient dansl’immeuble du centre-ville n’ont pas étédavantage en sécurité après leur expulsion.

Seules les familles qui disposaient d’un baillorsqu’elles vivaient dans l’immeuble de larue Pictor Nagy Imre ont pu obtenir descontrats de location provisoires pour lespréfabriqués. Aucun nouveau logement n’aété proposé aux autres familles, maiscertaines ont choisi de construire desbaraques à l’aide de matériaux qu’ellesavaient récupérés et de s’installer près despréfabriqués. Privées de toute sécuritéd’occupation, elles risquent davantaged’être déplacées à nouveau sans êtreconsultées ni recevoir de réparations. Lespouvoirs publics ont indiqué à AmnestyInternational qu’ils toléraient leur présencemalgré une interdiction de construire àproximité de la station d’épuration car cesbaraques étaient « informelles ».

Le relogement rue Primaverii, à proximité dela station d’épuration, était censé êtreprovisoire, même dans le cas des famillesroms disposant d’un bail. Pourtant, plus decinq années ont passé et les famillesexpulsées vivent toujours dans desconditions d’extrême précarité qui ne

respectent pas le droit à un logementdécent, en termes de sécurité d’occupation,d’existence de services, de matériaux,d’équipements et d’infrastructures, delocalisation et d’habitabilité. Elles continuentd’être exclues, rejetées à la périphérie de laville, pourtant la leur.

Ces conditions de vie aggravent ladiscrimination à l’égard des Roms etrenforcent leur exclusion de la société quiles entoure. Les difficultés qu’éprouvent lesfamilles roms à faire face à la discriminationraciale dont elles souffrent en Roumaniesont d’autant plus grandes pour celles quivivent près de la station d’épuration enraison du manque de commodités. Lespréfabriqués en métal sont surpeuplés ; iln’est pas rare que le nombre de personnesoccupant l’une de ces habitations soitsupérieur à la capacité maximale qui est desix personnes. Les installations sanitairessont totalement insuffisantes, quatrecabinets de toilette seulement ont été mis àla disposition de l’ensemble des habitants.

« On est à l’étroit. Lorsque toute la familleva se coucher, il n’y a pas assez de place.On ne peut pas prendre de bain, on nepeut pas se laver. C’est trop petit. On neveut pas que les jeunes filles se laventdevant leur père. »(Erzsebet, janvier 2009)

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Ci-dessus : Les préfabriqués en métal que lamunicipalité a fourni aux Roms expulsés sontsurpeuplés et ne protègent pas contre la pluieet le froid.

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« ON EST À L’ÉTROIT. LORSQUE TOUTE LA FAMILLEVA SE COUCHER, IL N’Y A PAS ASSEZ DE PLACE. »

Erzsebet vit dans un préfabriqué en métal avec son compagnon et ses neuf enfants, près de la station d’épuration des eaux.

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« Nous avons besoin d’une maison où nouspouvons nous lever le matin et nous laver.Nous sommes si sales qu’on ne nous laisseentrer nulle part, on nous dit qu’on sentmauvais. Nous voulons avoir accès auxétablissements et aux magasins. En hiver,nous devons nous laver à l’eau froide. »

(Tibor, mai 2009)

Des habitants affirment s’être plaintsà plusieurs reprises auprès des autorités,en vain. La municipalité rétorque que lesmesures de relogement de ces habitants ontéchoué car le conseil municipal n’a pasapprouvé un projet d’acquisition de terrainset de construction d’habitations à la suite deplaintes des voisins qui ne souhaitaient pasvivre près de Roms.

LE DROIT À UNENVIRONNEMENT SAIN« Cette odeur s’infiltre partout dans lesmaisons. La nuit aussi [...] les enfants secachent la tête sous l’oreiller. Elle nouscoupe l’appétit. [...] Je voudrais partir d’ici,c’est tout. »

(Ilana, mai 2009)

L’un des principaux problèmes posés parl’emplacement des préfabriqués en métal etdes baraques est leur proximité de la stationd’épuration. Ils sont situés dans le périmètrede protection de 300 mètres de rayon établipar la législation nationale afin de protéger leshabitations contre les risques d’intoxicationéventuels. Un panneau d’avertissement dudanger a été installé près des préfabriqués.

En vertu de la législation nationale, laprésence d’habitations dans un rayon de300 mètres d’une station d’épuration est

interdite à moins qu’une étude sur sesconséquences sur la santé ne soit réalisée.Cette étude peut recommander l’extensiondu périmètre de protection, sa réduction, ouestimer que la zone est sûre. Dans ce cas,rien n’a été fait. Les autorités ont directementinstallé les Roms de la rue Pictor Nagy Imredans un secteur susceptible d’être dangereuxpour leur santé, sans prendre au préalablede mesure en vue d’évaluer les risquespotentiels. – ce qui constitue une violationde la législation roumaine. Pourtant, lorsd’entrevues avec les représentants d’AmnestyInternational, elles n’ont pas hésité à soutenirqu’elles avaient fait preuve de bonne volontéen autorisant les familles roms à rester dansune zone dont l’occupation à des finsd’habitation est illégale.

Une odeur désagréable d’excrémentshumains – particulièrement insupportablel’été – imprègne l’air autour des préfabriquéset des baraques. Nombre de Roms quivivent là ont fait part à Amnesty International

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Ci-dessus : Près de la station d’épuration deseaux, on dispose de peu d’espace pour laverson linge, jouer et s’occuper des animaux.

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des conséquences directes de cette odeursur leur vie au quotidien. Ils ont exprimé lacrainte qu’elle soit néfaste pour leur santé etcelle de leur famille et qu’elle témoigne de laprésence de quelque chose d’extrêmementnocif pour leurs enfants.

« Je voudrais partir d’ici. Les gens n’ont pasd’appétit ici, surtout les petits enfants. »

(Zita, mai 2009)

« Cette odeur, on peut parfois la sentir dansla ville également. C’est pourquoi il y a unpanneau avertissant qu’il s’agit d’une zonecontaminée, mais ils s’en moquent, ils nousdisent : “Vous êtes roms, vous mourrez ici.” »

(Regina, mai 2009)

Les préfabriqués et les baraques sontraccordés au réseau électrique et il n’y aqu’une seule arrivée d’eau potable. Lesordures sont collectées par la municipalité,

qui ne prélève pas de taxe pour ce service.Un service de bus est assuré gratuitementpour que la plupart des enfants puissent serendre dans une école réservée aux Roms, oùles repas leur sont offerts. Malgré tout, tant lespréfabriqués que les baraques restentimpropres à l’habitation car ils n’offrent pas unespace suffisant ni ne protègent de l’humidité,de la chaleur, de la pluie et du vent. En hiver,à Miercurea-Ciuc, les températures peuventatteindre -15 °C. La municipalité fournit unpeu de bois pour les poêles à bois, mais leshabitants affirment que les quantités sontinsuffisantes pour tout un hiver si bien qu’ilsdoivent brûler des bouteilles en plastique ettout ce qu’ils peuvent trouver pour se chauffer.Les préfabriqués en métal sont dépourvus desystème d’aération et ne protègent pas contrele froid.

Certains toits ne protègent pas contre la pluieet même les plus solides risquent d’êtreinondés. Des Roms ont raconté à AmnestyInternational que, pendant la saison pluvieuse,

le niveau du ruisseau qui serpente derrière lespréfabriqués et les baraques monte, inondantles habitations.

« C’est une situation désastreuse. Il y a unruisseau tout près. Lorsqu’il pleut, le niveaude l’eau monte et elle s’infiltre dans lesbaraques [...] Nous avons de l’eau jusqu’auxgenoux. L’année dernière, [...] dans l’unedes baraques, l’eau a même atteint la taillede ma petite fille de trois ans. »

(Sandor, janvier 2009)

« La rivière était en crue et a inondé lescabanes. Nous avons évacué l’eau de lamaison et creusé une rigole tout autour. »(Csaba, mai 2009)

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Ci-dessus : Des enfants roms jouent près de lapancarte apposée sur la clôture entourant lastation d’épuration des eaux et sur laquelle onpeut lire, en roumain et en hongrois, « risquesd’intoxication ».

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Les préfabriqués et les baraques sont raccordés au réseau électrique. Ils sont néanmoins impropres à l’habitation car ils n’offrent pas un espacesuffisant ni ne protègent de l’humidité, de la chaleur, de la pluie et du vent.

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FAIRE ENTENDRE LA VOIX DES ROMS« Je souhaiterais de meilleures conditionsde vie pour moi, ma famille et tous leshabitants. Aucun enfant ne mérite cela.Et les gens devraient faire preuve decompréhension, [au lieu de cela] ils noustraitent comme des animaux, ils refusenttoujours de nous ouvrir la porte. »

(Gabor, mai 2009)

Les expulsions forcées sont illégales etles habitants de la rue Pictor Nagy Imreauraient dû avoir le droit de demanderréparation. Le Comité des droitséconomiques, sociaux et culturels desNations unies rappelle l’obligation quiincombe à l’État de proposer des voies derecours légales et, dans la mesure dupossible, une aide judiciaire aux personnesqui en ont besoin pour introduire un recoursdevant les tribunaux. À la connaissanced’Amnesty International, aucun deshabitants expulsés n’a bénéficié d’une telleassistance pour porter plainte contre lesdécisions et actes des autorités municipales.

Le 23 août 2005, le Conseil national de luttecontre les discriminations, organeindépendant chargé de surveiller la mise enœuvre de la législation nationale contre ladiscrimination, a estimé que le relogementà proximité de la station d’épuration deshabitants roms de la rue Pictor Nagy Imreétait un acte de discrimination, qui violait ledroit au respect de la vie privée et,implicitement, le droit à un environnementsain. Le Conseil a également demandé à lamunicipalité de Miercurea-Ciuc de payerune amende, mais les délais légaux ayantété dépassés, cette décision n’a pas étéappliquée. À la fin de l’année 2008, leshabitants de la rue Pictor Nagy Imre –soutenus par le Centre rom pourl’intervention et les études sociales (CRISS),une organisation non gouvernementalelocale – avaient épuisé toutes les voies derecours internes.

En décembre 2008, toujours soutenus parle CRISS, ils ont alors saisi la Coureuropéenne des droits de l’homme aumotif que les droits humains inscrits dansla Convention avaient été bafoués.

Un an plus tard, ils attendent toujours desavoir si leur requête est recevable. Aucunedes 100 personnes expulsées de la ruePictor Nagy Imre n’a été relogée de manièresatisfaisante. Celles qui ont pris le risque des’installer près de la décharge attendenttoujours que leurs droits soient concrétisés.Il en va de même pour les 75 autres qui ontaccepté d’occuper les préfabriqués« temporaires » proposés par la municipalitéprès de la station d’épuration, ou qui ontconstruit leurs propres baraques. EnRoumanie, de nombreux autres Romsattendent eux aussi de pouvoir exercer lesdroits qui sont les leurs. Il faut que lasituation évolue sans tarder. Il faut créer unprécédent et donner l’exemple.

« Nous sommes gitans, c’est pour celaqu’ils ne nous écoutent pas. »

(Monika, mai 2009)

Ci-dessus : Ilana vit avec son compagnon etses deux enfants dans une des baraquessituées à proximité de la station d’épurationdes eaux.

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AGISSEZ MAINTENANTPOUR LES ROMS DE MIERCUREA-CIUC :

Veuillez écrire au maire et à l’adjoint aumaire de Miercurea-Ciuc (Csíkszereda enhongrois) pour les engager à :

! mener un véritable processus deconsultation auprès des Roms qui viventrue Primaverii – et ceux qui ont déménagéprès de la décharge – pour identifier unsite de réinstallation et une solution derelogement qui respectent les exigencesdéfinies dans les normes et traitésrégionaux et internationaux relatifs auxdroits humains ;

! fournir un logement décent situé dansun lieu sûr et sain à tous les Roms habitantrue Primaverii, quel que soit leur statutd’occupation au regard de la loi ;

! élaborer un projet d’aide à l’intégrationdes Roms au sein de la population deMiercurea-Ciuc.

Ráduly Róbert KálmánMayor of Miercurea Ciuc/ CsíkszeredaMiercurea Ciuc/ Csíkszereda City HallVár tér 1, 530110,Miercurea Ciuc/ CsíkszeredaHarghita CountyRoumanie

Szöke DomokosVice-Mayor of Miercurea Ciuc/ CsíkszeredaMiercurea Ciuc/ Csíkszereda City HallVár tér 1, 530110,Miercurea Ciuc/ CsíkszeredaHarghita CountyRoumanie

Amnesty International est un mouvement mondial regroupant 2,2 millions depersonnes dans plus de 150 pays et territoires qui luttent pour mettre fin auxatteintes graves aux droits humains.

La vision d’Amnesty International est celle d’un monde où chacun peut se prévaloir detous les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dansd’autres textes internationaux relatifs aux droits humains.

Essentiellement financée par ses membres et les dons de particuliers, AmnestyInternational est indépendante de tout gouvernement, de toute tendance politique, detoute puissance économique et de toute croyance religieuse.

Janvier 2010Index : EUR 39/001/2010

Amnesty InternationalSecrétariat internationalPeter Benenson House1 Easton StreetLondres WC1X 0DWRoyaume-Uni

www.amnesty.org

WWW . D E M A N D D I G N I T Y . O R G

LE LOGEMENT,C’EST UN DROIT HUMAIN

©Zsuzsanna

Ardó

Fillettes roms montrant les dessins qu’elles ont réalisés sur le thème « Où j’aimerais vivre », à lasuite d’un atelier organisé par Amnesty International à Miercurea-Ciuc, Roumanie, 2009.

TRAITÉS COMME DES MOINS QUE RIENEN ROUMANIE, DES MAISONS DES ROMS SONT DÉTRUITES ET LEUR SANTÉ EST MENACÉE

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RECOMMANDATIONSÀ L’INTENTION DES AUTORITÉSROUMAINES

Amnesty International exhorte legouvernement de Roumanie, en particulier leministre du Logement, à :

! faire en sorte que toutes les personnesexpulsées de force aient accès à des voiesde recours efficaces et droit à desréparations, qui peuvent prendre la formed’une restitution, d’une réadaptation, d’uneindemnisation, d’une réhabilitation et degaranties de non-répétition ;

! veiller à ce qu’il ne soit procédé à desexpulsions forcées qu’en dernier ressort,après examen de toutes les autres solutionsenvisageables et uniquement si les garantiesde procédure prévues par le droitinternational relatif aux droits humains ontété mises en place ;

! mettre fin à toutes les expulsions forcées ;

! modifier les lois, les politiques et lespratiques relatives aux expulsions afinqu’elles se déroulent dans le respect desgaranties de procédure définies dans le droitinternational et régional, qu’elles n’aientaucun caractère discriminatoire et qu’aucunindividu ni groupe, qu’il soit rom ou non, nesoit touché de manière disproportionnée parces mesures ;

! reformuler et appliquer les texteslégislatifs sur le logement en intégrant lesnormes internationales relatives aux droitshumains dans la législation nationale,notamment les Observations générales n° 4et n° 7 du Comité des droits économiques,sociaux et culturels et la Recommandationgénérale n° 27 sur la discrimination à l’égarddes Roms adoptée par le Comité pourl’élimination de la discrimination raciale, ettout particulièrement les paragraphes 30 et 31concernant le logement.