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L'ANALYSE DES MUSIQUES

ÉLECTROACOUSTIQUES:

MODÈLES ET PROPOSITIONS

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@ L'Harmattan, 2003ISBN: 2-7475-5609-3EAN : 9782747556095

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Stéphane ROY

L'ANALYSE DES MUSIQUES

ÉLECTROACOUSTIQUES:

MODÈLES ET PROPOSITIONS

Préface deJean-Jacques NATTIEZ

L'Harmattan5-7, rue de l'École-Polytechnique

75005 ParisFRANCE

L'Harmattan Hongrie L'Harmattan ItaliaHargita u. 3 Via Bava, 37

1026 Budapest 10214 TorinoHONGRIE ITALIE

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Univers MusicalCollection dirigée par Anne-Marie Green

La collection Univers Musical est créée pour donner la parole à tousceux qui produisent des études tant d'analyse que de synthèseconcernant le domaine musical.Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle etde promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pourmaintenir en éveil la réflexion sur l'ensemble des faits musicauxcontemporains ou historiquement marqués.

Déjà parus

JEDRZEJEWSKI Franck, Dictionnaire des musiquesmicrotonales,2003.BaYER Henri, Les mélodies de chorals dans les cantates deJean-Sébastien Bach, 2003.LOUISON-LASSABLIERE Marie-Joëlle, Etudes sur la danse.De la Renaissance au siècle des Lumières, 2003.MADURELL François, L'ensemble ars nova, 2003.GASQUET Lisou, Gainsbourg en vers et contre tout, 2003.GUILLON Roland, Musiciens de jazz New-Yorkais, 2003.ZIDARIC Walter, Alexandre DARGOM/JSKI et la vie musicaleen Russie au XIX, 2003.MARCHAND Guy, Bach ou la passion selon Jean Sébastien,2003.VERZINA Nicola, Étude historique et critique, 2003.HEINRICH Marie-Noël, Création musicale et technologiesnouvelles, Mutation des instruments et des relations, 2003.LEGRAS Catherine, Louise Fa rrenc, compositrice du X/Xesiècle, 2003.FAURE Michel, José Serebrier, un chef d'orchestre etcompositeur à l'aube du xxime siècle, 2002.Leiling Chang Melis, Métissages et résonances, 2002.JEDRZEJEWSKI Franck, Mathématiques des systèmesacoustiques. Tempéraments et modèles contemporains, 2002.GOMES RIBEIRO Paula, Le drame lyrique au début du .xXmesiècle. Hystérie et Mise en Abîme, 2002.BaYER Henri, Les cantates sacrées de Jean-Sébastien Bach,2002.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier Jean-Jacques Nattiez, qui a dirigé ma thèsedoctorat, pour les encouragements ainsi que les remarques éclairantes quiont grandement favorisé la mise aujour de ce travail. Merci également àma compagne de toujours, Claudine Jomphe, pour sa révision et laperspicacité de ses commentaires. Je suis particulièrement reconnaissantà Anne-Marie Green, directrice de la collection Univers musical, d'avoirsoutenu la publication de ce livre. Merci à Francis Dhomont pour avoirpartagé en toute amitié son univers poïétique.

Je suis reconnaissant au Conseil de recherche en scienceshumaines du Canada, au Fonds Les Amis de l'Art ainsi qu'à l'Universitéde Montréal pour le soutien fmancier qu'ils m'ont apporté tout au longde mes recherches.

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TABLE DES MATIÈRES

PRÉF ACE par Jean-Jacques Nattiez

INTRODUCTION

1. Électroacoustique ou acousmatique, le choix du terme juste 232. La sémiologie musicale 243. L'analyse sémiologique de la musique électroacoustique 284. Contenu de l'ouvrage 34

PREMIÈRE PARTIEEXAMEN CRITIQUE DE DIVERSES MÉTHODES

D' ANALYSE DES MUSIQUES ÉLECTROACOUSTIQUES

Chapitre I: La description typo-morphologique schœfferienne

1. Schreffer et la recherche musicale2. La phénoménologie, alma mater de la musique concrète3. Typologie et morphologie4. Conclusion

Chapitre II: L'analyse des conduites de production et d'écoute

1. Jean-Jacques Nattiez: l'analyse des conduites de productionAnalyse du niveau neutre des propos de Bernard ParmegianiL'analyse poïétique: les conduites de productionConclusion

2. Christiane Ten Hoopen: L'analyse des stratégiesd'écoute polariséesLes écoutes référentielle et morphologiqueLes niveaux d'analyseConclusion

3. François Delalande: les conduites de réceptionLa significationAnalyse interne et analyse externeLe programme d'analyse sémiologique

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Quelques conduites-typesAnalyse de « Sommeil» de Pierre HenryConclusion

4. Thomas, Vande Gome et Mion: poïétique etesthésique externe

Analyses de « La Langue inconnue»Conclusion

Chapitre III: L'analyse d'inspiration phonologique

1. Henri Chiarucci: l'analyse structurale des œuvres musicalesLes différentes étapes de l'investigationAnalyse de Carré de Karlheinz StockhausenConclusion

2. Robert Cogan: les images du son musicalL'analyse formelleL'analyse du niveau d'activité énergétiqueAnalyse d'Ensemblesfor Synthesizer de Milton BabbittConclusion

3. Wayne Slawson: les couleurs sonoresLa théorie des couleurs sonoresL'analyse musicaleConclusion

4. Francesco Giomi et Marco Ligabue: l'analyseesthético-cognitive.Les cinq opérations d'analyseConclusion

Chapitre IV: L'analyse des structures

1. John Dack: la typo-morphologie à la croisée desintentions compositionnelles et des stratégies de réception

La pensée analogiqueLa transcriptionLes tables de comparaisonConclusion

2. Denis Smalley: la spectromorphologieet les processus structurants

La typologie spectraleLes archétypes morphologiquesLes progressionsLes styles de progressionGeste et textureLes fonctions structurales

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Les relations structuralesConclusion

3. Andrew Lewis: L'analyse statistique des morphologieset des profils

Classement des typologies sonores caractéristiquesClassement selon l'état des variationsL'analyse statistiqueConclusion

Chapitre V: Les modèles d'analyse des musiquesélectroacoustiques: un bilan

DEUXIÈME PARTIECINQ PROPOSITIONS POUR L' ANALYSE DE LA MUSIQUE

ÉLECTROACOUSTIQUE

Chapitre VI: La construction de la transcription et l'analysedu niveau neutre (ANN)

1. Le gestaltisme2. Convergence et divergence entre les lois gestaltistes3. La segmentation des courants auditifs4. La transcription5. Méthodologie de l'analyse6. ANN de Points defuite7. Conclusion8. Remarques terminologiques

Chapitre VII: L'analyse paradigmatique de la musiqueélectroacoustique

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1. La position théorique de Ruwet2. La répétition, critère de segmentation3. Les éléments paramétriques et non paramétriques4. Le point de vue d'analyse5. Le rôle des processus cognitifs dans le repérage

des répétitions 2686. Les Conformant Relationships de Meyer 2737. Hypothèse pour une hiérarchie des unités paradigmatiques 2768. Vers l'analyse paradigmatique de la musique

électroacoustique 2789. Évaluation des procédures de vérification 28710. Retour sur les éléments paramétriques et non paramétriques 295Il. Analyse paradigmatique de Points defuite 297

Il

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12. Vérification de l'analyse13. L'identification du prototype paradigmatique14. Conclusion

Chapitre VIII: L'analyse fonctionnelle de la musiqueélectroacoustique

1. La grille fonctionnelle2. Les catégories fonctionnelles3. Défmition des fonctions4. Analyse fonctionnelle de Points defuite5. Conclusion

Chapitre IX: L'analyse dite générative de la musiqueélectroacoustique

1. La position théorique des auteurs de la GTTM2. Deux piliers de la théorie générative: stabilité et relief3. Survol de la méthode générative4. Quelques remarques sur la théorie générative5. Vers l'analyse générative de la musique électroacoustique6. Évaluation des règles génératives7. Méthodologie de l'analyse8. Analyse générative de Points defuite9. Conclusion

Chapitre X: L'analyse implicative de la musiqueélectroacoustique

1. La position théorique de Meyer2. Triptyque de l'analyse meyerienne: implication,

déviation et résolution3. Autres concepts complémentaires de l'approche implicative4. La hiérarchie musicale: de la forme vers le processus5. Pour une syntaxe des paramètres musicaux6. Vers l'analyse implicative de la musique électroacoustique7. Méthodologie de l'analyse8. Analyse implicative de Points defuite9. Au carrefour du contenu programmatique

et du phénomène implicatif dans l'œuvre Points de fuite10. Conclusion

Chapitre XI: L'analyse esthésique inductive de la musiqueélectroacoustique: un bilan

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CONCLUSION

ÉPILOGUE

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INDEX DES MOTS CLÉS 563

INDEX DES NOMS PROPRES 569

BIBLIOGRAPHIE ET DISCOGRAPHIE 573

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PRÉFACE

L'ouvrage de Stéphane Roy me semble marquer une étapedécisive dans le développement de la musicologie et de l'analysemusicale, et ce, pour quatre raisons principales.

Tout d'abord, il est le premier livre que l'on peut véritablementconsidérer comme un traité d'analyse de la musique électroacoustique.Et celui-ci manquait cruellement. Il est assez étonnant de constater lesilence, on serait presque tenté de dire la surdité, des ouvrages d'analysemusicale à propos des musiques électroacoustiques, alors que la musiqueatonale, au travers du modèle d'Allen Forte (la « set-theory »), y estlargement présente. La toute dernière édition (2001) du New GroveDictionary of Music and Musicians n'a pas conigé la situation. Serait-ceparce que la musique électroacoustique n'a pas donné lieu à une littératureaussi développée et à un modèle d'analyse aussi spécifique que lamusique atonale? Stéphane Roy fait la preuve du contraire. Au-delà ducapital Traité des objets musicaux de Pierre Schaeffer (1966), largementignoré de la « music theory» anglo-saxonne, Roy consacre toute lapremière partie de son ouvrage à un bilan critique des différentesméthodes proposées pour l'analyse des musiques électroacoustiques.Peut-être que la « discrétion» des ouvrages spécialisés à l'égard de cesmusiques s'explique, de façon plus globale, par la place qui leur estréservée dans l'institution musicale. Or, quelle que soit l'opinion quel'on a des musiques électroacoustiques et acousmatiques du point de vueesthétique, et l'auteur de ces lignes ne s'est jamais privé d'exprimer sonsentiment à ce sujet, il n'est pas d'entreprise musicologique et analytiquevéritablement générale qui puisse se permettre de jeter l'ostracisme oud'ignorer quelque secteur que ce soit de la production musicale. Cettelacune de la musicologie est d'autant plus criante aujourd'hui que, au-delà de la musique « sérieuse», le médium électroacoustique estdésormais omniprésent: dans les musiques de film, à la radio, dans les

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musiques populaires. L'ouvrage de Stéphane Roy contribue à réparer uneinjustice.

On sait que Pierre Schaeffer avait caressé l'idée, après son Traitédes objets musicaux, d'entreprendre un deuxième TOM, un traité desorganisations musicales qui ne vit jamais le jour. Le deuxième grandmérite du livre de Stéphane Roy est de montrer que si, à la différence desmusiques tonales ou sérielles d'aujourd'hui, la musique électroacoustiquen'obéit pas à une syntaxe a priori, en revanche, son discours est biensyntaxiquement organisé, et cette organisation ne repose pas sur laconcaténation de hauteurs et de durées. Et ici, pour le démontrer, l'auteura osé l'impensable. Il s'est appuyé, dans la deuxième partie, sur lesgrands modèles élaborés par l'analyse musicale pour les musiques tonaleset modales: la technique paradigmatique de Nicolas Ruwet (1972), lemodèle dit génératif de Lerdahl-Jackendoff (1983) et le modèleimplicationnel de Leonard B. Meyer (1973). Il s'agit là d'un véritablecoup d'État intellectuel, mais qui, cette fois, s'adresse peut-être davantageà ceux qui ont eu le mérite de prendre l'analyse des musiquesélectroacoustiques au sérieux: comment, pourraient-ils penser, peut-onleur appliquer des méthodes qui ont été élaborées pour rendre compte dece que l'on appelle parfois, avec une certaine ironie dans le milieu de lamusique acousmatique, «les musiques de notes », instrumentales ouvocales? Et pourtant... Peut-on vraiment considérer que l'on ne puisseappliquer aux musiques électroacoustiques les concepts de répétition, detransformation, de hiérarchie, de causalité, de résolution, de déviation, deprolongation? Les conséquences du pari de Stéphane Roy sontconsidérables du point de vue d'une musicologie générale. D'une part, leprésent ouvrage devait permettre aux «music theorists », férus deSchenker et d'autres modèles d'analyse devenus classiques, de faire lelien qui leur manquait avec l'étude des musiques électroacoustiques.D'autre part, si les méthodes fondées sur ces concepts et élaborées pourles musiques tonales et modales peuvent s'appliquer à un type demusique qui refuse délibérément de se fonder sur la hauteur et le rythmecomme paramètres premiers, cela signifie que ces méthodes ont uneportée universelle, au moins partiellement: il faudra vérifier un jour sielles peuvent aussi s'appliquer aux musiques de tradition orale. Du reste,LerdaW et Jackendoff avaient fait l'hypothèse que seulement 13 des 56règles qu'ils proposaient dans leur Generative Theory of Tonal Music,étaient « idiom-specific », propres à la musique tonale. Et si, à mon avis,Stéphane Roy est parvenu à appliquer des aspects essentiels de cesmodèles à un type de musique auquel ils n'étaient pas destinés, c'est

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parce qu'il a entouré son entreprise des plus grandes précautionsméthodologiques et épistémologiques: l'auteur a pris soin de vérifier unepar une si les règles proposées par Ruwet, Lerdahl-Jackendoff et Meyerétaient applicables au médium électroacoustique, si elles respectaient cequ'elles ont de spécifique, en particulier en raison de ce qu'il appelle lasignature timbrale et les profils de variation. Au besoin, il a ajoutéd'autres règles que cette spécificité commande, comme l'inventaire destransformations propres à la musique électroacoustique. Si, au-delà de sacontribution à leur analyse, cet ouvrage me paraît important pour ladiscipline analytique dans son ensemble et pour la musicologie générale,c'est parce qu'il apporte une contribution positive à la question tantdébattue des universaux de la musique, et une preuve de plus, sanséquivoque, de leur existence.

Stéphane Roy était d'autant mieux placé pour procéder à cettetransposition généralisée mais prudente, qu'il est lui-même un (très bon)compositeur de musique électroacoustique (et je m'en voudrais de ne passignaler au passage le courage qui a été le sien d'entreprendre un doctoraten musicologie après avoir brillamment réussi un doctorat encomposition; cet effort supplémentaire a été récompensé par l'octroi, à lathèse qui est à l'origine du présent livre, de la plus haute distinctionaccordée, en 2001, à une thèse de doctorat dans les humanités soutenuedans une des quatre universités montréalaises: le prix des GrandsMontréalais). Stéphane Roy pourra d'autant moins être accusé dedistordre son objet d'étude que, dans l'examen des modèles qu'il proposede lui appliquer, il a lui-même élaboré un modèle original d'analysefonctionnelle qui démontre une familiarité remarquable avec le médiumélectroacoustique. Quarante-quatre fonctions sont ainsi proposées,représentées par un symbole spécifique: c'est là une contributionessentielle au problème de la transcription écrite, nécessaire aux fmsd'analyse, de musiques non écrites. On peut penser aussi que cesnouvelles fonctions permettront à l'analyste des musiques vocales etinstrumentales, notamment dans les musiques du XXème siècle et lesmusiques contemporaines, de prendre en charge des dimensions que lafocalisation sur les seules structures de hauteur et de rythme a occultées.

Mais au-delà de l'analyse, et même si l'auteur ne le dit pas, parmodestie probablement, je parierais volontiers que ce chapitre retiendraaussi l'attention des compositeurs de musique électroacoustique, même sil'on sait gré à Stéphane Roy de ne pas être tombé dans le péché mignondes analystes-compositeurs, trop souvent enclins à considérer leursthéories comme justifications de leurs compositions... Confrontés au

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caractère aveugle des supports numériques sur lesquels ils enregistrentleurs matériaux de base, juxtaposés, superposés, mixés, transformés, lescompositeurs de musique électroacoustique ne doivent-ils pas passer, àun moment donné de l'élaboration de leurs œuvres, par une représentationau moins schématique de leur projet? Et dans la mesure où l'un despostulats de base de l'entreprise électroacoustique est de concevoir desentités et des constructions sonores qui seront reçues par les auditeurscomme elles ont été intentionnées, les outils explicitement proposés parStéphane Roy comme pertinents perceptivement devraient intéresser nonseulement les musicologues mais aussi les créateurs.

Je viens de parler de perception. Et ici, il me faut aborder latroisième originalité de l'entreprise de Stéphane Roy: il situeexplicitement tout son projet dans le cadre de la sémiologie musicale,plus spécifiquement le modèle qualifié de tripartite, originellementproposé par Jean Molino, (1975) et qui propose de distinguerrigoureusement l'analyse du niveau neutre, l'analyse des stratégies decomposition (poïétique) et l'analyse des stratégies de perception(esthésique). Ici encore, le propos de Stéphane Roy est parfaitementscandaleux. Car, et on le verra à la lecture de la première partie, plusieursdes auteurs qui ont proposé des méthodes d'analyse pour les musiquesélectroacoustiques ont affmné qu'elles devaient se concentrer sur lesstratégies de réception qu'elles déclenchent, puisque ces musiques « sontfaites pour être entendues». Certes, c'est également le point de vue qu'aretenu notre auteur, puisque la deuxième partie du livre, celle où ilpropose des modèles spécifiques et originaux pour leur analyse,développe un seul aspect du programme de la sémiologie musicale, œque j'ai appelé dans mon jargon « l'esthésique inductive », c'est-à-dire laconstruction d'hypothèses sur les stratégies perceptives déclenchées parl'écoute d'une œuvre, élaborée à partir de l'observation de sesconstituants de base, et non à partir des témoignages d'auditeurs. Pour œfaire, Stéphane Roy n'a pas hésité à commettre un crime de « lèse-acousmatique »: convaincu que, pour entreprendre cette construction dufonctionnement perceptif, il fallait, à titre heuristique, s'appuyer sur unereprésentation écrite des œuvres électroacoustiques, il a pris au sérieux laproposition sémiologique d' « analyse du niveau neutre» (ANN) et en aapporté, en s'appuyant sur la théorie de la Gestalt, la toute premièreélaboration dans le domaine électroacoustique, non sans avoir montré aupassage que ceux qui en dénient la nécessité ou l'utilité, étaient amené ày recourir sans même s'en rendre compte... Et méthodologiquement, il apris soin - c'est capital - de bien distinguer entre la perception

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nécessairement à l' œuvre dans la construction de l'analyse du niveauneutre- comme dans toute pratique scientifique... - et l'étude spécifiquedes stratégies esthésiques déclenchées par l'écoute d'une œuvre.

Nous sommes donc en présence, pour cette raison, d'unecontribution majeure et nouvelle au projet de sémiologie musicale. Maisl'originalité de Stéphane Roy ne s'arrête pas là. Dans la mesure où sonprojet est de remonter inductivement d'une analyse du niveau neutre à deshypothèses esthésiques, il ne pouvait pas ne pas être amené à apporter dessuggestions novatrices. C'est ainsi que la méthode paradigmatique, outilde l'analyse du niveau neutre dans les musiques vocales etinstrumentales, est ici appliquée aux unités gestaltistes d'abord mises enévidence dans le niveau neutre. Du coup, le modèle de Ruwet estréinterprété esthésiquement. Roy est amené à ajouter des règles à cellesque son initiateur avait proposées. La remarquable règle proposée parMeyer pour rendre compte des relations d'équivalence est égalementcomplétée. Il suggère de distinguer entre «poïétique prospective» et«poïétique rétrospective» (une proposition éclairante dont je vaism'emparer gloutonnement...) et il ajoute aux six situations analytiquespar lesquelles j'ai développé le modèle original de sémiologie tripartite,une septième qui me paraît particulièrement pertinente: le passage del'esthésique inductive à la poïétique... Non seulement Roy transpose,mais il invente, et ce n'est pas le moindre de ses mérites.

On pensera peut-être que Stéphane Roy a une vision « limitée»de la sémiologie musicale tripartite, puisque c'est «seulement» leniveau neutre et l'esthésique inductive qui font l'objet de soninvestigation. Ce serait oublier que la totalité du modèle resteconstamment présente à son esprit. Les six «situations analytiques » (etmême une septième !) lui servent de cadre pour procéder à l'examencritique des méthodes d'analyse des musiques électroacoustiques étudiéesdans la première partie. Elles lui permettent de souligner le déphasageentre ce que certains musicologues croient faire et ce qu'ils fontréellement. Il ne manque jamais une occasion, lorsqu'une unité relevéepar l'analyse du niveau neutre ne semble pas pertinente esthésiquement,de souligner qu'elle pourrait l'être poïétiquement, preuve supplémentairede la nécessité propédeutique de l'ANN. Et lorsqu'il parvient au terme del'analyse implicative et esthésique inspirée de Meyer, Stéphane Roy faitentrevoir la pertinence poïétique qu'elle pourrait avoir pour comprendre leprojet du compositeur à l'origine de Points de fuite de FrancisDhomont, l' œuvre examinée ici. Certes, le sémiologue féru de tripartitionregrette que l'ouvrage s'arrête là, mais le peut-il alors qu'il vient

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d'atteindre la page 560 ?! Il peut seulement exprimer le vœu queStéphane Roy analyste et compositeur propose un jour, et avec le mêmebrio, un modèle d'analyse des stratégies poïétiques spécifiques, à l'œuvredans le domaine de la musique électroacoustique.

L'évocation de l'œuvre de Francis Dhomont me conduit àsouligner un dernier aspect, important, du présent ouvrage: la présencecentrale des œuvres de musique électroacoustique tout au long del'entreprise. Dans la première partie, les méthodes examinées sontconstamment rapportées aux œuvres analysées par les auteurs convoqués.Au passage, on aura ainsi glané de précieux aperçus sur le De NaturaSonorum et Aquatisme de Bernard Parmegiani, « Sommeil» de PierreHenry, Carré et Kontakte de Karlheinz Stockhausen, Incontri di FasceSonore de Franco Evangelisti, Novars de Francis Dhomont et « LaLangue inconnue» de François Bayle. Dans la deuxième partie, ets'inspirant de la démarche souvent pratiquée dans les forums comparatifsd'analyses, Roy applique les cinq méthodes d'analyse originales qu'ilpropose à une seule œuvre, Points defuite précisément, ce qui donne uneprofonde unité à son ouvrage et foumit l'occasion au lecteur-auditeur dedécouvrir ou d'approfondir une œuvre électroacoustique essentielle. Ai-jeassez dit, avec ces dernières observations, que le livre de Stéphane Royn'est pas seulement le fruit de la détermination d'un musicologue et d'unanalyste de talent, mais également celui d'un musicien? C'est cetteélégante symbiose qui donne à cet ouvrage tout son poids, et on sort decette lecture avec le sentiment que, pour appréhender les œuvres difficiles,et au-delà des considérations méthodologiques nécessairement présentesdans un livre de pionnier, l'analyse est essentielle pour en faciliter à lafois l'écoute et la compréhension.

Jean-Jacques Nattiez