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1 II/ LA RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES : (ex. E. coli) 1) L’origine de réplication : - Le chromosome d’E. coli possède une seule origine de réplication : OriC. Il s’agit d’une séquence d’environ 245 pb. - OriC est caractérisée par la présence de séquences répétées de 9 et 13 nucléotides (appelées séquences 9-mères et 13-mères respectivement). Ces séquences constituent les sites de liaison de la protéine DnaA. - De part et d’autre d’OriC se trouve une séquence riche et paires A-T qui favorise le déroulement de la double hélice de l’ADN. 2) Les protéines et enzymes impliquées dans la réplication chez E. coli : (voir tableau ci-après) 2.1) DnaA : reconnait OriC et initie la réplication. 2.2) Hélicase : sépare les deux brins d’ADN (ouvre la double hélice de l’ADN) 2.3) SSB (single strand binding protein) : protéine se liant à l’ADN simple brin ; empêche la fermeture de l’ADN (maintient les deux brins d’ADN séparés) 2.4) Primase : synthétise les amorces d’ARN 2.5) ADN gyrase : introduit des super-enroulements négatifs dans l’ADN (et élimine les super- enroulements positifs diminuant ainsi la tension générée par la séparation des deux brins de l’ADN en aval de la fourche de réplication). 2.6) ADN polymérase III : - L’ADN ploymérase III est l’enzyme principale de la réplication chez E. coli. - Comme toutes les ADN polymérases, la séquence de l’ADN synthétisée par l’ADN ploymérase III est dictée par le brin parental (matrice) suivant les règles de complémentarité (A-T et G-C). - L’ADN ploymérase III catalyse la synthèse d’ADN sur les deux brins (avancé et retardé) dans le sens 5’ 3’ : elle possède une activité 5’3’ polymérase. La vitesse de synthèse par l’ADN polymérase III est de 1000 à 1500 nucléotides par seconde. - L’ADN ploymérase III possède une fonction d’édition (correction sur épreuve) qui permet la correction des erreurs d’incorporation. Elle vérifie si le nucléotide qu’elle vient d’ajouter est correct (selon les règles de complémentarité A-T et G-C), et en cas d’erreur, elle élimine le nucléotide ajouté par son activité 3’ 5’ exonucléase et le remplace par le bon. Cette activité de correction est à l’origine de la grande fidélité de la réplication de l’ADN.

RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES : (ex. E. coli

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Page 1: RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES : (ex. E. coli

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II/ LA RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES

RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES : (ex. E. coli)

1) L’origine de réplication :

- Le chromosome d’E. coli possède une seule origine de réplication : OriC. Il

s’agit d’une séquence d’environ 245 pb.

- OriC est caractérisée par la présence de séquences répétées de 9 et 13

nucléotides (appelées séquences 9-mères et 13-mères respectivement). Ces

séquences constituent les sites de liaison de la protéine DnaA.

- De part et d’autre d’OriC se trouve une séquence riche et paires A-T qui

favorise le déroulement de la double hélice de l’ADN.

2) Les protéines et enzymes impliquées dans la réplication chez E. coli : (voir tableau ci-après)

2.1) DnaA : reconnait OriC et initie la réplication.

2.2) Hélicase : sépare les deux brins d’ADN (ouvre la

double hélice de l’ADN)

2.3) SSB (single strand binding protein) : protéine

se liant à l’ADN simple brin ; empêche la

fermeture de l’ADN (maintient les deux brins

d’ADN séparés)

2.4) Primase : synthétise les amorces d’ARN

2.5) ADN gyrase : introduit des super-enroulements

négatifs dans l’ADN (et élimine les super-

enroulements positifs diminuant ainsi la tension

générée par la séparation des deux brins de l’ADN

en aval de la fourche de réplication).

2.6) ADN polymérase III :

- L’ADN ploymérase III est l’enzyme principale de la réplication chez E. coli.

- Comme toutes les ADN polymérases, la séquence de l’ADN synthétisée par l’ADN ploymérase III est dictée par le brin

parental (matrice) suivant les règles de complémentarité (A-T et G-C).

- L’ADN ploymérase III catalyse la synthèse d’ADN sur les deux brins (avancé et retardé) dans le sens 5’→3’ : elle

possède une activité 5’→3’ polymérase. La vitesse de synthèse par l’ADN polymérase III est de 1000 à 1500 nucléotides

par seconde.

- L’ADN ploymérase III possède une fonction d’édition (correction sur épreuve) qui permet la correction des erreurs

d’incorporation. Elle vérifie si le nucléotide qu’elle vient d’ajouter est correct (selon les règles de complémentarité A-T

et G-C), et en cas d’erreur, elle élimine le nucléotide ajouté par son activité 3’→5’ exonucléase et le remplace par le

bon. Cette activité de correction est à l’origine de la grande fidélité de la réplication de l’ADN.

Page 2: RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES : (ex. E. coli

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* Structure de l’ADN ploymérase III :

- L’holoenzme de l’ADN ploymérase III est un dimère asymétrique, elle est constituée de 10 polypeptides différents

(voir tableau ci-après). Chaque monomère contient un cœur catalytique.

- Chaque cœur catalytique (ou core) est formé par trois protomères : α, ε et θ (les rôles de ces sous unités sont illustrés

dans le tableau). Le core abrite les activités catalytiques de l’ADN polymérase III (activité 5’→3’ polymérase et

3’→5’ exonucléase).

- Le core catalytique a une nature distributive ; c’est-à-

dire qu’il est incapable de rester attaché à l’ADN ; il

se détache de l’ADN après avoir polymérisé de courts

segments de 10 à 50 nucléotides.

- Le rôle du reste de l’enzyme et de convertir le core

catalytique de sa nature distributive en une enzyme

processive. Cette dernière est capable de synthétiser

un fragment de pas moins de 105 nucléotides avant de

se détacher de l’ADN. Cette propriété processive est

indispensable pour la synthèse du brin avancé.

- Le caractère processif est assuré par le protomère β qui

forme un dimère appelé « clamp béta » qui se fixe

fortement à l’ADN et agit comme une bride mobile

entraînant avec lui le cœur catalytique.

- Le protomère τ assure la dimérisation des deux cores

de la polymérase

- Les cinq autres protomères (γ, δ, δ’, χ et ψ) constituent

le complexe γ ; ce complexe place le clamp bêta

autour de chaque brin d'ADN matrice comme des

pinces pour permettre à l'holoenzyme qui lui est liée

de glisser sur le brin matrice.

2.7) ADN polymérase I :

- Indispensable pour la réplication de l’ADN

- Elimine les amorces d’ARN des fragments d’Okazaki et les remplace par de l’ADN, elle possède aussi

une fonction de correction

- Possède donc les activités catalytiques suivantes :

a) 5’→3’ exonucléase (élimination des amorces dans le sens 5’→3’) ;

b) 5’→3’ polymérase (ajouter de l’ADN le sens 5’→3’ pour remplacer les amorces) ; et

c) 3’→5’ exonucléase (assure la fonction de correction).

Remarque : L’ADN polymérase III ainsi que l’ADN polymérase I sont douées de fonction d’édition (elles peuvent agir

comme des exonucléases 3’→5’). Elles relisent le dernier nucléotide mis en place. S’il existe par hasard une faute

d’appariement, elles retirent ce dernier nucléotide (grâce à leurs propriétés exonuclasiques 3’→5’), et rajoutent le

nucléotide approprié. C’est pour cette raison que les ADN polymérases ne peuvent pas commencer une chaîne d’ADN

et ont besoin d'une extrémité 3'-OH préexistante. Elles doivent obligatoirement vérifier que le dernier nucléotide mis en

place est bien complémentaire au nucléotide du brin antiparallèle avant d’ajouter un nouveau nucléotide. Ce mécanisme

assure une très bonne fidélité à la réplication.

2.8) ADN ligase : Elle crée une liaison phosphodiester entre l’extrémité 3’-OH et 5’-phosphate de deux fragments

d’Oazaki adjacents.

2.9) Topoisomérase IV : A la fin de la réplication d’un chromosome circulaire, il se forme deux molécules filles

circulaires entremêlées (caténanes). La topoisomérase IV permet la séparation des deux ADN fils, un

processus appelé « décaténation ».

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3) Mécanisme de la réplication chez E. coli :

3.1) Initiation : la réplication chez E. coli est contrôlée par

l’état de méthylation de l’ADN. Pour que la réplication

puisse commencer, les deux brins d’ADN doivent être

méthylés sur l’adénine des séquences GATC.

- L’ADN gyrase introduit des superenroulements négatifs

permettant le déroulement de la double hélice ; ceci est

nécessaire à l’assemblage du complexe d’initiation.

- La réplication est initiée par fixation de plusieurs copies de

la DnaA sur le site OriC, plus précisément sur chacune des

4 séquences 9-mères. Ceci crée une tension qui force

l’ADN s’ouvrir au niveau des régions 13-mèrs adjacentes

riches en paires A-T.

- l’hélicase (DnaB) vient par la suite se fixer sur l’ADN, cette

fixation est assurée par la protéine DnaC.

- l’hélicase commence à se déplacer tout au long de l’ADN

comme un curseur d’une fermeture éclair séparant ainsi les

deux brins de l’ADN. Les protéines SSB viennent

immédiatement se fixer sur les deux ADNs simple brins

empêchant leur réassociation.

- La primase intervient ensuite et synthétise les amorces

d’ARN. Le complexe [Hélicase+SSB+Primase] est appelé

« primosome » ; il assure (1) la séparation des 2 brins

d’ADN et (2) l’attachement de l’ADN polymérase III en

fournissant les amorces.

- Au niveau du site d’initiation se forme une structure appelée

« bulle de réplication » ou « œil de réplication ». A chacune

des extrémités de la bulle, se trouve ce que l'on appelle une

fourche de réplication. Les deux fourches de réplication

progressent simultanément et dans deux sens opposés : on

parle de réplication bi-directionnelle.

Page 4: RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES : (ex. E. coli

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3.2) Elongation :

- Dans chaque fourche de réplication, les deux brins d’ADN (brin avancé et brin retardé) sont synthétisés

simultanément par l’ADN polymérase III.

- La réplication des deux brins doit se faire dans le même sens global de la progression de la fourche de réplication.

Or, les deux brins d’ADN sont anti-parallèles, et l’ADN polymérase synthétise l’ADN uniquement dans le sens

5’→3’. Le brin matrice 3’→5’ est répliqué sans problème car le sens de synthèse (5’→3’) coïncide avec la

direction de la progression de la fourche de réplication (sens général de réplication), il est synthétisé d’une

manière continue. Le problème se pose pour l’autre brin dont le sens de synthèse est l’inverse du sens global de

la progression de la fourche de réplication. Ce brin (retardé) doit être synthétisé par morceaux d’une manière

discontinue.

a) Synthèse du brin avancé : Le brin servant de

matrice pour cette synthèse est le brin parental

3’→5’. Une seule amorce est nécessaire pour

initier la synthèse. L’ADN polymérase ajoute des

nucléotides sur le 3’-OH de l’amorce dans le sens

5’→3’ continuellement sans avoir à se détacher de

l’ADN matrice.

Page 5: RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES : (ex. E. coli

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b) Synthèse du brin retardé : Le brin servant de matrice pour cette

synthèse est le brin parental 5’→3’. La synthèse du brin retardé

se fait également dans le sens 5’→3’, mais son sens ne coïncide

pas avec la direction de la progression de la fourche de

réplication. Sa synthèse est donc discontinue selon la séquence

d’événements suivante :

1) Le primosome synthétise une amorce ;

2) L’ADN polymérase III s’attache à l’ADN matrice par le

clamp bêta et allonge l’amorce par de l’ADN dans le sens

5’→3’ ;

3) La synthèse d’ADN se poursuit (1000 à 2000 nucléotides)

jusqu’à ce que l’ADN ploymérase III rencontre une zone

d’ADN double brin, le clamp bêta s’ouvre et l’ADN

polymérase quitte l’ADN. Le fragment ainsi généré est appelé

« fragment d’Okazaki » ;

4) L’ADN polymérase III se fixe sur la prochaine amorce pour

commencer un autre cycle de synthèse ;

5) En parallèle, l’ADN polymérase I intervient pour dégrader

l’amorce du fragment d’Okazaki et remplacer les

ribonucléotides éliminés par des désoxyribonucléotides ;

6) Une ADN ligase intervient ensuite pour souder les extrémités

libres

- Les étapes (1) à (6) sont répétées jusqu’à ce que les fourches

de réplication se joignent.

* Synthèse simultanée sur les brins avancé et retardé

- Dans une fourche de réplication, la synthèse du brin avancé et du

brin retardé se fait par la même ADN polymérase III. Le brin avancé

étant synthétisé par un core catalytique, et le brin retardé par l'autre

core.

- La dimérisation des deux cores est nécessaire à leur activité

enzymatique (c'est à dire que si les deux cores sont séparés leur

activité est perdue).

- La synthèse des brins avancé et retardé se fait

dans deux sens opposés, les deux cores de l'ADN

polymérase III ne peuvent pas progresser dans

deux sens opposés puisqu'ils doivent rester

attachés l'un à l'autre pour être actifs. Les études

ont montré que le brin parental 5'→ 3' (brin

servant de matrice pour la synthèse du brin

retardé) tourne à 180° sur

lui-même formant une

boucle, pour que le sens de

polymérisation du brin

retardé coïncide avec le

sens global de réplication.

Page 6: RÉPLICATION DE L’ADN CHEZ LES PROCARYOTES : (ex. E. coli

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3.3) Terminaison :

La réplication du chromosome circulaire d’E. coli se termine

lorsque les deux fourches se rencontrent, dans une région

diamétralement opposée au site d’initiation de la réplication

oriC. La région terminale de la réplication chez E. coli, de même

que chez plusieurs autres bactéries, possède des séquences

spécifiques d’arrêt de réplication. Ces séquences appelées

« Ter » sont reconnues par une protéine « Tus » qui, en se fixant

sur les sites Ter, arrête la progression de la fourche de réplication.

A la fin de la réplication du chromosome circulaire d’E. coli, il en résulte deux molécules filles entremêlées

qui doivent être décaténées (séparées par mécanisme dit décaténation). Cette réaction est réalisée par la

topoisomérase IV. Les chromosomes sont alors répartis dans les deux futures cellules filles, processus qui est

couplé la division cellulaire.

LA RÉPLICATION UNI-DIRECTIONNELLE (en cercle roulant)

Chez certains plasmides, comme le plasmide F, et certains virus, comme le bactériophage lambda, la réplication

de l'ADN se fait de manière "Unidirectionnelle" en "Cercle roulant" :

- Un des deux brins d'ADN est coupé créant une extrémité 3'-OH et une extrémité 5'-P.

- Une ADN polymérase ajoute les nucléotides sur l'extrémité 3'-OH libre du brin coupé, en utilisant le brin intact

comme matrice. Ceci déplace à fur et à mesure l'extrémité 5'-P qui ressort comme une queue.

- Lorsque la polymérase fait un tour complet l'ADN est coupé pour libérer le brin d'ADN simple brin déplacé.

- La synthèse peut se poursuivre au-delà d'un seul cercle et le cycle peut être répété plusieurs fois.

- L'ADN linéaire libéré après chaque cycle de réplication peut être circularisé puis converti en duplex par la

synthèse d'un brin complémentaire.

RÉGULATION DE LA RÉPLICATION CHEZ LES PROCARYOTES

Chez E. coli, la réplication est contrôlée à deux niveaux :

- Au début de la phase d'initiation : Par la quantité et l’activité de la protéine DnaA (DnaA existe sous forme

active ou inactive).

- Au début de la phase d'élongation : Par l’état de méthylation de l’ADN : L'origine de réplication est hémi-

méthylée (la méthylation du brin néosynthétisé n'est pas immédiate) ; cet état empêche sa réutilisation immédiate.