Rudolf Steiner-L Initiation

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L'InitiationPREMIERE PARTIECOMMENT ACQUERIR DES CONNAISSANCES SUR LES MONDES SUPERIEURS ?

Les conditions

Il sommeille en tout homme des facults grce auxquelles il lui est possible d'acqurir des connaissances sur les mondes suprieurs. Mystiques, gnostiques, thosophes, ont de tout temps affirm l'existence d'un monde des mes et d'un monde des esprits, pour eux aussi prsents que celui qu'on peut physiquement voir de ses yeux et toucher de ses mains. Si bien que chacun est en droit tout moment de se dire: Je puis faire aussi les expriences dont parlent ces hommes, si je stimule certaines forces qui sommeillent encore en moi aujourd'hui. Il ne peut donc s'agir que de savoir comment s'y prendre pour veiller en soi ces facults. Ceux-l seuls qui les possdent dj peuvent donner des conseils cet gard. Depuis qu'il existe une race humaine, il a exist des coles o des hommes dous de ces facults suprieures guidaient ceux qui cherchaient les veiller en eux. Leur enseignement, et la discipline qu'il impose, sont dits sotriques ou occultes. Ces termes veillent des malentendus, ce qui est naturel; ils donnent, en effet, penser que ceux qui pratiquent cet entranement veulent se placer au-dessus de leurs semblables, refusant de leur communiquer ce qu'ils savent. On peut aussi supposer que ce prtendu savoir masque un vide. Car, si son objet tait rel, il n'y aurait pas lieu d'en faire mystre: en le rpandant ouvertement, on en ferait profiter tous les hommes. Lorsqu'on est initi la nature de cette science cache, on ne peut s'tonner de ces rflexions du non-initi. Pourquoi existe-t-il, en effet, un secret, et en quoi consiste-t-il ? Seul peut s'en rendre compte celui qui a pntr, au moins jusqu' un certain degr, dans les mystres suprieurs de l'existence. Mais s'il en est ainsi, dira-t-on, comment le profane peut-il concevoir le moindre intrt pour ces connaissances mystrieuses ? Comment et pourquoi chercherait-il connatre ce dont il ne peut se faire aucune ide ? Parler ainsi, c'est poser le problme sous un jour tout fait faux. Car, au fond, il en est de la science secrte comme de tout savoir humain et de tout savoir-faire. Elle n'est pas plus mystrieuse pour le profane que ne l'est l'art d'crire pour celui qui ne l'a pas appris: il peut apprendre crire quand il en prend les moyens. De mme, si l'on suit la bonne voie, on peut devenir un disciple, voire un matre dans la science cache. A un seul point de vue celle-ci se distingue des autres sciences humaines: on peut se reprsenter qu'une grande pauvret, ou un milieu trs primitif, puissent empcher un tre d'apprendre crire, tandis que nul obstacle extrieur ne saura retenir sur le chemin celui qui aspire profondment acqurir le savoir et le savoir-faire dans les mondes suprieurs. On croit souvent qu'il est ncessaire de rechercher en quelque lieu les matres de la connaissance suprieure pour obtenir leurs conseils. Mais, en fait, mieux vaut tenir compte de deux choses: tout d'abord, celui qui avance srieusement vers la connaissance ne reculera devant aucun effort, aucun obstacle, pour dcouvrir un initi qui puisse l'introduire dans les secrets de l'univers; d'autre part, si son aspiration la connaissance est aussi sincre que noble, le moment de l'initiation viendra pour lui, dans quelque condition qu'il se trouve. Car nul esprit qui cherche ne doit tre cache la connaissance dont il a conquis le droit; c'est l une loi naturelle pour tout initi. Mais une autre loi, tout aussi naturelle, prescrit de ne livrer aucun secret qui ne s'est pas prpar pour le recevoir. Un initi est d'autant plus accompli qu'il observe plus rigoureusement ces deux lois. Le lien spirituel qui unit tous les initis n'a rien d'extrieur; mais ces deux prceptes constituent de solides attaches qui unissent entre eux les maillons de ce lien. Vous pouvez tre l'ami intime d'un initi; vous serez spar de lui tant que vous ne serez pas initi

vous-mme. Vous pouvez jouir de toute son affection, il ne vous confiera son secret que quand vous serez mr pour l'accueillir. Vous pouvez le flatter, le torturer; rien ne le dcidera trahir une parcelle de ce qu'il ne doit pas vous livrer parce que, au degr de dveloppement o vous vous trouvez, cette rvlation n'veillerait pas encore dans votre me la rsonance juste. Les voies qu'il faut parcourir pour acqurir la maturit qu'exigent ces rvlations sont tablies d'une manire prcise. Elles ont t traces d'avance, en caractres ternels et ineffaables, dans les mondes spirituels o les initis veillent sur les mystres suprmes. Dans les anciens ges, qui ont prcd les temps historiques, les hommes pouvaient encore voir extrieurement les temples de l'esprit. Aujourd'hui, la vie humaine ayant perdu sa spiritualit, ces temples ne sont plus visibles nos yeux. Mais ils existent partout sous une forme spirituelle et quiconque les cherche peut les trouver. L'homme ne dcouvrira qu'en lui-mme le moyen de faire parler un initi. S'il porte certaines qualits intrieures jusqu' un degr dtermin de dveloppement, il pourra prendre sa part des trsors de la sagesse.

La dvotion Tout d'abord une certaine disposition fondamentale doit s'tablir dans l'me. L'investigateur spirituel l'appelle le sentier de la dvotion dvotion envers la vrit, envers la connaissance. Seule cette attitude de l'me fait le vrai disciple. Celui qui possde de l'exprience en ce domaine sait quelles dispositions peuvent tre remarques ds l'enfance chez les futurs occultistes. Il est des enfants qui ressentent comme une vnration pour les grandes personnes qu'ils admirent. Ils les regardent avec un respect qui te jusqu'au fond de leur cur toute ide de critique, d'opposition. Devenus des adolescents, tout ce qui peut ranimer cette vnration leur est bienfaisant. C'est parmi ceux-l que se recrutent de nombreux disciples de la science spirituelle. Ftes vous parfois saisis de crainte sur le seuil d'un tre vnr qui vous alliez rendre votre premire visite, n'osant tourner la poigne de la porte, franchir l'entre du sanctuaire ? Dans le sentiment qui vous inspirait alors perait en germe ce qui peut vous conduire suivre un entranement occulte. C'est un bonheur pour l'tre en voie de croissance de possder ces dispositions et il ne faut surtout pas croire qu'elles inclinent la soumission, l'esclavage. Ce respect de l'enfant l'gard des hommes se mtamorphosera plus tard en respect l'gard de la vrit et de la connaissance. L'exprience montre que les hommes qui savent se comporter le plus librement dans la vie, sont aussi ceux qui ont connu la vnration l'gard de qui la mritait. Le respect est sa place partout o il jaillit du fond du cur. Si nous ne fortifions pas en nous ce sentiment profond qu'il existe une ralit qui nous dpasse, nous ne trouverons pas l'nergie ncessaire pour grandir jusqu' elle. L'initi n'a conquis la force d'lever sa pense vers les cimes de la connaissance que parce que son cur, en contrepartie, a pntr dans les profondeurs du respect et de la dvotion. Les sommets de l'esprit ne peuvent tre conquis que si l'on a pass par la porte de l'humilit. Tu n'acquerras un juste savoir que si tu as d'abord appris le respecter. L'homme possde, en principe, le droit de regarder en face la lumire; mais il faut qu'il gagne ce droit. La vie spirituelle a ses lois, comme la vie matrielle. Frottez une tige de verre avec une substance approprie et elle se chargera d'lectricit, acqurant la force d'attirer elle de petits corps. C'est la consquence d'une loi bien connue en physique. On sait, de mme, lorsqu'on connat les bases de l'occultisme, que si l'on cultive en soi la vraie dvotion, il en natra une force qui tt ou tard nous lvera la connaissance. Celui qui possde naturellement ces sentiments de dvotion, ou qui a eu le bonheur de les acqurir par son ducation, trouvera en eux, au cours de sa vie, un prcieux auxiliaire s'il cherche l'accs des connaissances suprieures. Tandis que si l'on ne possde pas cette prparation, on voit surgir des difficults ds les premiers pas, moins qu'on n'entreprenne, par une discipline nergique, de faire natre en soi cette disposition. Il est de toute importance d'insister sur ce point notre poque. La civilisation actuelle est plus encline critiquer, juger, condamner, qu' faire confiance et respecter. Nos enfants mmes, au lieu de croire ce qu'on leur dit, se livrent plus volontiers la contestation. Or, toute critique, tout jugement sans appel, chasse de l'me des forces qui l'auraient porte vers la connaissance suprieure, tandis que ces forces sont accrues par la dvotion. Il ne s'agit

pas ici de faire le procs de notre civilisation. Ne devons-nous pas d'ailleurs toutes les grandes dcouvertes modernes l'esprit critique, l'observation indpendante, au souci d'prouver toutes choses pour ne garder que la meilleure ? Jamais les sciences, l'industrie, les transports, la lgislation n'auraient ralis les progrs que nous connaissons si l'homme moderne n'avait tout remis en question d'aprs sa propre norme; mais ce que nous avons ainsi gagn dans les formes modernes de la civilisation, nous avons d le payer d'une perte correspondante en connaissances suprieures, en vie spirituelle. Remarquons bien ici que ce respect envers les connaissances suprieures s'adresse non pas des personnes, mais la vrit et la connaissance elles-mmes. Il faut toutefois clairement se rendre compte que l'homme qui est entirement pris dans les formes extrieures de la civilisation d'aujourd'hui aura de trs grandes difficults pour remonter le courant et parvenir la connaissance des mondes de l'esprit. Il n'y parviendra qu'en travaillant nergiquement sur lui-mme. A une poque o les conditions matrielles taient plus simples, il tait aussi plus facile de prendre un essor spirituel. La sphre du sacr planait au-dessus des contingences de ce monde. Mais en un sicle d'esprit critique, l'idal s'est abaiss. D'autres sentiments ont pris la place de la dvotion, du respect, de la vnration, de l'admiration. Ces derniers, notre poque les refoule toujours davantage; la vie courante n'en fournit plus l'occasion que dans une trs faible mesure, il faut les faire natre en soi. Il faut en imprgner soi-mme son me. Cela, on ne peut pas le faire par l'tude. On ne le peut que par la pratique de la vie. C'est pourquoi celui qui veut devenir un tudiant en occultisme devra travailler nergiquement duquer en lui-mme l'attitude dvotionnelle. Partout, dans son entourage, dans les expriences qu'il fait, il devra rechercher ce qui peut forcer son admiration, son respect. Si, dans l'homme que je rencontre, je ne relve que ses faiblesses, pour les blmer, je me frustre d'une force de connaissance suprieure. Par contre, si je m'applique avec amour dcouvrir ses qualits, je concentre cette force en moi. Je ne dois perdre aucune occasion de suivre ce prcepte si je veux entrer sur le chemin. Des occultistes prouvs savent tout ce qu'ils doivent l'habitude de voir en toute chose le bon ct et de rserver leur jugement. Cette rgle ne doit d'ailleurs pas seulement s'appliquer nos rapports extrieurs. Elle doit aussi gouverner les profondeurs de notre me. L'homme tient entre ses mains le pouvoir de se perfectionner et mme, avec le temps, de se transformer entirement. Mais cette transformation doit atteindre sa vie intrieure, ses penses. Il ne suffit pas que son comportement extrieur tmoigne d'un certain respect envers quelqu'un. C'est dans les penses que doit vivre ce respect. L'tudiant en occultisme doit donc commencer par introduire la dvotion dans sa vie mentale. Il doit surveiller dans sa conscience ses mouvements de mpris, de critique destructive, pour cultiver mthodiquement la dvotion. Les moments de calme o, dans un retour sur soi-mme, on prend conscience de l'action dformante qu'exercent les critiques, les blmes, les prventions l'gard de la vie et de l'univers, ces moments-l nous rapprochent de la connaissance spirituelle. Et nous progressons rapidement si, dans ces occasions, nous ne laissons plus monter notre conscience que des ides imprgnes d'admiration, d'estime et de respect envers les choses et les tres de ce monde. Celui qui a l'exprience de ces questions sait qu'en ces instants il s'veille en l'homme des forces qui sinon seraient restes latentes. Par l s'ouvre le regard de l'esprit. Des ralits qui nous entourent et que nous n'avions pas su discerner auparavant commencent se rvler. Il devient clair qu'on n'a peru jusqu'alors qu'une partie du monde o l'on vit. Les tres humains que l'on rencontre apparaissent galement sous un jour nouveau. Certes, il ne suffit pas de cette attitude dvotionnelle pour percevoir dans un tre des phnomnes aussi subtils que par exemple son aura : une bien plus forte discipline est pour cela ncessaire. Mais prcisment pour acqurir celle-ci, le premier pas est de se mettre nergiquement l'cole de la dvotion (Note 1 : Dans le dernier chapitre du livre que j'ai intitul Thosophie, Introduction laconnaissance suprasensible du monde et de la destine humaine , on trouvera une description rapide du sentier de la connaissance . Nous en dcrivons ici en dtails les aspects pratiques.)

L'entre du disciple sur le sentier de la connaissance s'accomplit sans bruit, inaperue de son entourage mme. Personne ne remarque en lui le changement. Il assume ses devoirs, s'occupe de ses affaires comme l'ordinaire. La mtamorphose ne se passe que dans l'intimit de son me, soustraite aux regards extrieurs. L'attitude dvotionnelle l'gard de tout ce qui en est vraiment digne rayonne sur l'ensemble de sa vie affective; toute sa vie psychique trouve l son centre. Comme le soleil anime de ses rayons tout ce qui vit, cette facult de vnrer vivifie toutes les fibres de la vie affective. Au dbut, on a peine croire que des sentiments comme le respect, l'estime, la vnration, aient un rapport avec la connaissance. La raison en est que l'on est enclin considrer la connaissance comme une facult en soi, indpendante de tout ce qui se passe dans la vie intrieure. On oublie que

c'est l'me qui connat. Et les sentiments sont la nourriture de l'me tout comme les aliments sont celle du corps. Si l'on donne au corps des pierres au lieu de pain, son activit s'teint. Il en va de mme pour l'me. Le respect, l'estime, la dvotion sont des substances nutritives qui assurent sant et vigueur l'ensemble de ses activits, et avant tout celle de la connaissance. Au contraire, le mpris, l'antipathie, le dnigrement l'gard de ce qui est estimable paralysent et tuent la force de connatre. Ce fait se traduit pour le chercheur spirituel jusque dans les couleurs de l'aura. Un changement se produit dans l'aura du disciple qui s'assimile des sentiments de vnration, de dvotion. Certaines tonalits spirituelles comparables au rouge-jaune, au rouge-brun, disparaissent pour faire place au rouge-bleu. Cette transformation est le signe que le pouvoir de connatre s'est ouvert: certains vnements que jusqu'ici le disciple n'avait pas remarqus dans son entourage lui deviennent accessibles. La dvotion a veill dans l'me une force de sympathie par laquelle nous attirons, dans les tres qui nous entourent, la manifestation de qualits qui sans cela demeureraient caches.

La vie intrieure Ce qui doit tre obtenu par le moyen de la dvotion devient encore plus efficace quand un autre genre de sentiment s'y ajoute. Il consiste en ceci: on apprend se livrer de moins en moins aux impressions du monde extrieur et dvelopper en revanche une vie intrieure plus intense. L'homme qui qute sans cesse des sensations nouvelles et court de l'une l'autre, qui cherche se distraire, ne saurait trouver le chemin de la science spirituelle. Le disciple ne doit pas pour cela devenir moins sensible l'gard du monde extrieur; mais sa vie intrieure doit tre assez richepour lui dicter la juste manire de se livrer aux sensations extrieures. Par exemple, un homme dont les sentiments sont intenses et profonds prouve autre chose devant un beau paysage de montagne qu'un homme au cur pauvre. Ce qui se passe en nous peut seul nous donner la cl des beauts de ce monde. Un voyage en mer laisse les uns presque indiffrents, tandis qu'il rvle aux autres le langage ternel de l'esprit de l'univers; les mystres de la cration se dvoilent alors. Il faut apprendre aller vers le monde extrieur avec des sentiments, des ides, dous de vie personnelle intense, si l'on veut dvelopper un rapport rel avec lui. Dans tous ses phnomnes, ce monde est rempli de splendeur divine; mais il faut avoir fait en sa propre me l'exprience du divin pour le retrouver dans ce qui nous entoure. Il est recommand de se mnager des moments de silence et de solitude pour se plonger en soimme. On ne doit toutefois pas se mettre alors l'coute de son moi propre. L'effet serait juste l'oppos de ce qui doit tre obtenu. A ces moments de silence, on doit au contraire laisser rsonner en soi l'cho de ce que le monde extrieur vous a dit. Toute fleur, tout animal, tout vnement va vous dcouvrir, dans ce silence attentif, des secrets insouponns. On se prpare ainsi aller au-devant des nouvelles impressions du monde extrieur avec de tout autres yeux qu'auparavant. Si l'on ne cherche qu' jouir des impressions, l'une chassant l'autre, la facult de comprendre s'mousse. Quand on tire la leon de ce que la jouissance peut rvler, on exerce et lve son pouvoir de connaissance. L'exercice ne consiste pas seulement prolonger l'cho d'une jouissance ressentie; il faut mme renoncer cette jouissance pour laisser l'activit intrieure laborer librement la sensation. Ici peut se prsenter un grave cueil, un vrai danger: au lieu de travailler sur soi-mme on peut facilement s'attarder au contraire puiser aprs coup la jouissance passe. Des sources d'erreurs ce n'est pas sous-estimer s'ouvrent ainsi perte de vue. Il faut aller son chemin malgr les nues de tentations qui assaillent le chercheur. Toutes tendraient endurcir son moi, l'enfermer en lui-mme. Lui, au contraire, doit l'ouvrir tout ce qui vient du dehors. Il doit certes rechercher la jouissance, car c'est par elle que le monde extrieur vient au-devant de lui; s'il se ferme elle, il devient pareil une plante qui n'a plus la force de tirer du sol les sucs nourriciers. Mais d'autre part, s'il s'arrte la jouissance, il se confine en lui-mme. Ds lors, il ne signifiera plus rien pour l'Univers et n'aura plus d'importance que pour lui-mme. Qu'il continue ainsi se confiner en soi, qu'il consacre son moi tous les soins qu'il voudra: l'univers le rpudie; il est mort pour l'univers. Le chercheur ne considre la jouissanceque comme un moyen, une manire de s'ennoblir pour l'univers. La jouissance lui sert d'information qui le renseigne sur le monde. Mais, une fois l'enseignement reu, il faut au moyen de la jouissance se mettre soi-mme l'uvre. Si l'on apprend, ce n'est pas pour accumuler en soi des trsors, mais pour mettre cet acquis au service du monde.

C'est l un principe de la science occulte. Nul n'a le droit de le transgresser, quel que soit le but atteindre. Il doit s'imprimer au cur des nophytes dans toute discipline occulte. Il s'nonce ainsi: Toute connaissance que tu recherches dans l'unique but d'accrotre ton savoir, d'accumuler en toi des trsors, te dtourne de ton chemin. Au contraire: Toute connaissance que tu recherches pour tre prt mieux servir l'ennoblissement de l'homme et l'volution de l'univers, te porte un pas en avant. Il faut que cette loi soit observe rigoureusement. On ne sera pas un disciple avant d'en avoir fait l'axe de son existence. On peut condenser cette vrit fondamentale en cette simple phrase: Toute ide qui ne devient pas en toi un idal tue en ton me une force: toute ide qui devient un idal cre en toi des forces de vie.

Le calme intrieur Pratiquer le sentier de la dvotion, dvelopper la vie intrieure, telles sont les premires indications donnes au dbutant. La science spirituelle donne en outre des rgles pratiques dont l'observation permet l'accs du sentier et l'intensification de la vie intrieure. Ces rgles n'ont pas t conues arbitrairement. Elles reposent sur une exprience et un savoir des plus anciens. Elles sont donnes de mme partout o l'on indique le chemin vers la connaissance suprieure. Tous les vritables instructeurs de la vie spirituelle sont d'accord sur le contenu de ces rgles, mme s'ils ne les noncent pas toujours dans les mmes termes. Les diffrences ne sont d'ailleurs qu'apparentes et proviennent de causes qui n'ont pas tre commentes ici. Nul matre en vie spirituelle ne voudra par ces rgles exercer une domination sur ses semblables, ni les entraver dans leur indpendance. Car nul ne sait mieux que lui estimer et prserver l'autonomie. Nous avons dit plus haut que le lien unissant tous les initis tait de nature spirituelle et que deux lois conformes la nature de la chose soudaient entre eux les maillons de ce lien. Or, si un initi sort de son domaine purement spirituel pour entrer dans la vie publique, une troisime loi s'impose immdiatement lui. C'est celle-ci: Fais en sorte qu'aucun de tes actes, aucune de tes paroles ne puisse attenter au libre arbitre de qui que ce soit. Un vritable matre de la vie spirituelle est pntr de cet esprit. Quand on en a acquis la conviction, on se rend compte galement qu'on ne perdra rien de son indpendance en suivant les rgles pratiques indiques par lui. Voici comment l'une des premires rgles donnes peut se revtir des mots du langage: Assuretoi des moments de calme intrieur et mets-les profit pour apprendre distinguer entre l'essentiel et l'accessoire. Du moins est-ce ainsi qu'on peut exprimer par des mots du langage cette rgle pratique. Sous leur forme originelle, toutes les rgles et leons de la science spirituelle sont donnes dans un langage de signes et de symboles. Pour en comprendre le sens et la porte, pour en avoir l'intelligence, il faut avoir dj fait ses premiers pas dans la science occulte. Or ces premiers pas peuvent tre accomplis si l'on observe avec exactitude ces rgles sous la forme o elles sont donnes ici. Le chemin est ouvert tout homme fermement rsolu y entrer. Simple est la rgle nonce ci-dessus, concernant les moments de calme intrieur. Simple aussi est son observation. Mais elle n'a d'efficacit que si on l'applique avec une rigueur gale sa simplicit. Il faut donc expliquer ici sans dtour comment elle se pratique. L'tudiant en occultisme s'isolera de sa vie quotidienne pour un court moment et se concentrera alors sur un objet absolument tranger ses proccupations habituelles. La nature de son activit galement doit tre alors tout autre qu' l'ordinaire. Il ne doit pourtant pas croire que ce qui se passera dans ces moments privilgis n'ait rien voir avec son travail quotidien. Au contraire: celui qui recherche de la manire juste ces instants d'isolement remarquera bientt qu'eux seuls lui procurent toute la force d'accomplir sa tche journalire. Il ne faudrait pas croire non plus que l'observation de cette rgle nous porte sacrifier du temps l'accomplissement de nos devoirs. Car si vraiment on ne disposait pas de plus de cinq minutes par jour, cela suffirait dj. Tout dpend de l'usage qu'on ferait de ces cinq minutes.

Pendant ce temps, il faut compltement s'abstraire de sa vie de tous les jours. Le mouvement des penses et des sentiments doit prendre une nuance tout autre. On fait alors repasser devant son me ses joies, ses douleurs, ses soucis, ses expriences, ses actions. Et l'on doit gagner, pour le faire, un point de vue qui vous lve au-dessus du niveau o on les ressent habituellement. Rappelez-vous combien les choses peuvent vous apparatre diffrentes dans la vie courante, si vous les avez vcues ou accomplies vous-mme, ou bien si elles sont le fait d'autrui. Il ne saurait en tre autrement, car on est soi-mme engag dans ce qu'on ressent, ce qu'on fait, tandis que ce que fait ou prouve un autre, on l'observe seulement. Or, dans les moments d'isolement, on devra s'efforcer d'envisager et de juger les vnements de sa propre vie et ses propres actions comme s'ils n'taient pas notre fait, mais celui d'autrui. Imaginons que quelqu'un soit frapp d'un terrible coup du destin: ne se comporte-t-il pas d'une tout autre manire que lorsqu'un coup semblable frappe quelqu'un de son entourage ? Personne ne peut considrer cela comme injustifi. Cela tient la nature humaine. Et il en va de mme dans les cas exceptionnels aussi bien que dans les circonstances ordinaires de l'existence. Le disciple doit chercher possder la force de se placer certains moments en face de lui-mme comme en face d'un tranger. Il doit se considrer lui-mme avec la srnit d'un juge. S'il y parvient, toutes ses expriences personnelles lui apparaissent sous un jour nouveau. Tant qu'il tait pris dans leur rseau, il lui tait impossible de distinguer ce qui est essentiel de ce qui ne l'est pas. Ds que l'on possde le calme intrieur qui permet de s'observer avec dtachement, l'essentiel se dgage de l'accessoire. Soucis et joies, penses, dcisions, prennent un autre aspect pour qui les contemple du dehors. C'est comme si, aprs avoir march toute une journe travers une contre, en observant d'aussi prs les petites choses que les grandes, on montait, le soir, sur une minence d'o l'on dcouvre d'un seul coup le panorama. Les rapports entre tel ou tel point du paysage prennent alors de tout autres proportions. Un regard aussi libre ne peut s'obtenir l'gard des circonstances du destin dans lesquelles on est personnellement plong; et cela n'est d'ailleurs pas ncessaire. Mais il faut y tendre l'gard des vnements passs. Ce qui fait la valeur du calme regard intrieur qu'on porte sur soi-mme tient d'ailleurs moins ce qu'on observe qu' la force qu'il faut exercer pour faire rgner en soi-mme cette srnit. Car tout tre humain porte en lui, ct de sa personnalit de tous les jours, une nature suprieure. Cet homme suprieur ne se manifeste pas tant qu'on ne l'a pas veill. Chacun peut l'veiller, mais lui seul. Tant que cet homme suprieur sommeille, toutes les possibilits d'acqurir des connaissances suprasensibles dorment en lui. Aussi longtemps qu'on n'a pas ressenti les fruits du calme intrieur, il faut persvrer dans l'observation de cette rgle il faut bien se le dire. Pour celui qui persvre ainsi, le jour viendra o la lumire spirituelle le pntrera, o un il dont il ignorait en lui la prsence verra s'ouvrir un monde entirement nouveau. Le chercheur qui commence suivre cette rgle n'a rien changer dans sa vie extrieure. Il s'acquitte de ses devoirs comme auparavant, il subit les mmes peines, ressent les mmes joies. Il ne peut en aucune manire devenir par l tranger la vie . Bien plus, il peut y prendre part, pendant le reste de la journe, avec d'autant plus d'intensit qu'en ces moments privilgis il s'adonne une vie suprieure . Celle-ci influence peu peu la vie courante. La srnit de ces instants d'exception s'tend sur l'ensemble de l'existence. L'tre entier devient plus paisible; il acquiert de la sret dans toutes ses actions et ne se laisse plus dcontenancer par les contrarits. Progressivement, celui qui s'engage dans cette voie sait toujours mieux se guider lui-mme et dpend de moins en moins des contingences et des circonstances extrieures. Il remarque bientt quelle source de forces lui procurent ces moments privilgis. Tout ce qui auparavant le mettait en colre ne l'irrite bientt plus; d'innombrables dtails qui le terrifiaient ne lui causent plus de crainte. Il conoit la vie sous un angle tout nouveau. Auparavant, il n'abordait pas certaines tches sans une secrte apprhension. Il se disait: Jamais je n'arriverai faire cette chose comme je le voudrais. Maintenant cette pense ne lui vient plus et il se dit en revanche: Je veux rassembler toutes mes forces pour accomplir ma tche aussi bien que possible. Il rprime les doutes qui l'affaiblissaient. Ne sait-il pas maintenant en effet que la seule crainte de ne pas tre la hauteur de sa tche le paralysait et n'exerait en tous cas aucune bonne influence sur son activit ? Ainsi, l'une aprs l'autre, des penses fcondes, stimulantes, pntrent dans sa vie et l'ide qu'il s'en fait. Elles prennent la place de celles qui le paralysaient. Il commence savoir d'une main sre diriger sa barque au lieu de la laisser ballotter par les flots.

L'effet de ce calme sr et tranquille se rpercute sur l'tre tout entier. L'homme intrieur grandit. Et en mme temps mrissent ces facults de l'me qui conduisent aux connaissances les plus hautes. Car les progrs qu'il accomplit dans cette direction permettent progressivement au chercheur de dterminer par lui-mme dans quelle mesure les impressions du monde extrieur doivent agir sur lui. Par exemple, on lui dit une parole dans l'intention de le blesser ou de l'irriter; et de fait, avant de suivre une discipline intrieure, il se serait bless ou fch. Mais depuis qu'il est sur le sentier de l'occultisme, il est en mesure de retirer cette parole sa pointe blessante ou irritante avant qu'elle n'ait trouv le chemin de son me. Encore un exemple: Quelqu'un s'impatiente facilement quand il doit attendre. Mais le voici qui commence son apprentissage intrieur. Le sentiment de l'inutilit de ses nervements s'impose si bien, dans les moments de calme, que cette conviction lui devient prsente ds qu'une occasion concrte d'impatience survient. L'nervement qui commenait poindre s'vanouit et les minutes qui eussent t par lui stupidement consumes se reprsenter les motifs de l'impatience peuvent tre mises profit pour des observations fructueuses. Rflchissez la porte de tout ce qui vient d'tre dit. Songez qu'en vous l' homme suprieur est en constante volution. Mais seuls le calme et la sret tels qu'ils ont t dcrits lui assurent une volution normale. Les remous de la vie extrieure viendraient perturber l'me de tous cts si l'individu, au lieu de rgler cette vie, se laissait gouverner par elle. Il est comme ces plantes qui doivent pousser travers les fentes d'un rocher. Elles s'tiolent jusqu' ce qu'elles aient une sortie l'air libre. Pour l'tre intrieur, nulle force ne peut du dehors crer ce dgagement. Seul le peut le calme intrieur qu'il procure son me. Des conditions extrieures peuvent seulement modifier la forme externe de vie, mais elles ne sauraient jamais veiller l' homme spirituel . L'tudiant en occultisme doit engendrer en lui le nouvel homme par son activit interne. L' homme suprieur , une fois n, prend en mains le gouvernail et dirige avec sret le comportement de l'tre extrieur. Tant que ce dernier menait la barque, l' homme intrieur tait son esclave et ne pouvait videmment pas panouir ses forces. Car, tant qu'une intervention du dehors peut m'irriter, je ne suis pas mon matre, ou, pour mieux dire, je n'ai pas encore trouv le matre en moi. Je dois dvelopper la facult de ne me laisser impressionner par le monde extrieur que dans les limites que j'ai moi-mme fixes. Alors, seulement, je pourrai devenir un disciple. Le disciple ne peut atteindre son but que s'il recherche consciencieusement cette force. L'essentiel n'est pas qu'il y arrive en un temps donn, mais uniquement qu'il y tende avec persvrance. Beaucoup ont lutt et persvr pendant des annes sans remarquer en eux de changement apprciable; mais ceux qui n'ont pas dsespr, qui ne se sont pas laiss branler, ont tout coup remport la victoire intrieure . Certes, une grande nergie est ncessaire pour crer, dans certaines situations, quelques instants de calme intrieur. Mais plus grande est la force ncessaire, plus important aussi le rsultat obtenu. Tout dpend, en ce domaine, de la condition suivante: savoir nergiquement se placer en face de soi comme un tranger, pour observer son comportement entier en toute bonne foi et en pleine lucidit. Par cette naissance de son propre tre suprieur, on n'a dcrit toutefois qu'un ct de l'activit intrieure. Il faut y ajouter autre chose encore. Lorsqu'on se place en face de soi-mme comme un tranger, on ne considre encore que soi-mme. On revoit ce qu'on a vcu et accompli, tout le milieu dans lequel on est engag. Il faut dpasser cet horizon. Il faut s'lever vers une sphre globalement humaine qui ne dpende plus d'une position personnelle. Il faut atteindre le niveau de ce qui vous concerne en tant qu'tre humain en gnral, si mme on menait une tout autre existence dans des conditions entirement diffrentes. C'est ainsi qu'merge une vue des choses qui dpasse l'lment personnel. Le chercheur dirige ainsi ses regards vers des mondes suprieurs ceux o se droule sa vie journalire. Il commence faire alors l'exprience d'appartenir ces mondes. Certes, ni ses sens, ni ses contacts quotidiens ne lui enseignent rien leur sujet. C'est dsormais dans sa vie intrieure qu'il place son centre de gravit. Il coute alors les voix qui lui parlent dans les moments de calme et cultive en lui des rapports avec le monde spirituel. Il s'abstrait du milieu extrieur, dont le bruit ne l'atteint plus. Tout fait silence autour de lui. Il carte les penses qui lui rappelleraient des impressions du dehors. Il est intrieurement rempli par cette paisible contemplation intrieure, par ce dialogue avec les ralits de l'esprit. Une telle contemplation silencieuse doit devenir naturelle: un besoin vital pour le chercheur. Tout d'abord il est entirement plong dans un monde de penses. Puis il doit prouver pour ce tranquille

mouvement des penses un sentiment vivant. Il doit apprendre aimer ce que l'esprit dverse en lui. Bientt il cesse de ressentir ce monde des penses comme quelque chose de moins rel que les choses qui l'entourent dans la vie; il commence faire cheminer ses penses comme il manierait des objets dans l'espace. Le moment approche o les vrits qui se rvlent lui dans ce travail intrieur paisible des penses vont lui apparatre sous un jour plus rel que les objets matriels. Il ressent qu'une vie s'exprime dans ce monde des ides. Les ides ne sont pas des ombres, des reflets, mais elles servent l'expression d'entits caches. Dans le silence, elles commencent lui parler. Les sons auparavant ne lui parvenaient que du dehors, par l'oreille; ils rsonnent maintenant dans son me. Un langage intrieur un verbe intrieur s'ouvre lui. Quand il vit pour la premire fois un tel moment, il se sent combl de joie. Sur tout ce qui l'entoure se rpand la lumire du dedans. Une seconde existence commence. Un torrent de forces divines, de flicit divine, l'inonde. La Science spirituelle, la Gnose ; nomme mditation (ou rflexion contemplative) cette vie de la pense qui s'panouit jusqu' devenir une vie dans l'essence spirituelle. Cette mditation est l'agent de la connaissance suprasensible. Que le chercheur veille toutefois ne pas se laisser submerger par les sentiments pendant la mditation; qu'il ne tolre pas dans son me de sentimentalit imprcise ! Ce ne serait qu'un obstacle sur le chemin de la vritable connaissance. Ses penses doivent prendre une forme toujours claire, incisive, prcise. Dans ce but, qu'il veille ne pas se laisser aveuglment entraner par toutes les ides qui montent en lui; qu'il se pntre au contraire des penses leves que des hommes avancs et dj saisis de l'esprit ont conquises ces instants choisis. Par exemple, qu'il prenne comme point de dpart les crits inspirs par les lumires de la mditation, les textes de la mystique, de la Gnose, de la science spirituelle. Il en tirera la substance de sa propre mditation. Les investigateurs spirituels ont consign dans ces crits les penses du savoir divin, transmises au monde par l'intermdiaire de ses messagers. Par une mditation de ce genre, une totale mtamorphose s'opre chez le futur occultiste. Il commence se faire des ides nouvelles sur la ralit. Les choses qui l'entourent changent de valeur. Mais il ne faut cesser de se le redire: le disciple ne saurait en aucun cas devenir insensible au monde, pas plus qu'il ne saurait perdre le got de ses obligations journalires. Il apprend au contraire mieux saisir le rapport entre la moindre des actions qu'il accomplit, la moindre des expriences qu'il acquiert, et tout ce qu'il y a de grand dans l'univers. S'il voit clairement ce lien dans ses moments de pense contemplative, il retournera ses occupations journalires avec une force nouvelle. Car, il le sait maintenant, ses travaux, ses souffrances, font partie de la grande conomie spirituelle de l'univers o ils prennent tout leur sens. La force de vivre, non la lassitude de vivre dcoule de la mditation. D'un pas assur, le chercheur s'avance travers l'existence. Quoi qu'elle lui apporte, il va droit son chemin. Avant, il ne savait pas pourquoi il devait travailler, souffrir; il le sait maintenant. Certes, les mditations conduisent mieux au but quand elles sont faites sous le contrle d'hommes d'exprience sachant par eux-mmes comment s'y prendre. En recherchant leurs conseils, on ne perd rien de sa libert et on peut viter des ttonnements. Si l'on frappe leur porte, ce ne sera jamais en vain. Mais soyez alors bien conscients de ne rien rechercher d'autre que le conseil d'un ami et non la domination d'un tre qui vous gouverne. D'ailleurs, vous constaterez toujours que ceux qui savent vraiment sont les plus modestes et que rien ne leur est plus tranger que ce que les hommes appellent la soif du pouvoir. Si l'on s'lve par la mditation vers ce qui runit l'homme l'esprit, on commence mettre en action ce qui est en soi l'lment ternel, ce qui n'a pour limites ni la naissance ni la mort. Ceux-l seuls peuvent mettre en doute cet lment ternel de leur tre qui n'en ont pas fait l'exprience intrieure. Ainsi, la mditation est le chemin qui conduit l'homme la connaissance, la vision du centre ternel indestructible de son tre. Et c'est par elle seule qu'il peut y parvenir. La Gnose, la science spirituelle enseignent que ce noyau de l'tre, qui est de nature ternelle, traverse des incarnations successives. Et souvent on se demande pourquoi, en ce cas, l'homme ne sait rien de l'existence qu'il mne au-del des frontires de la naissance et de la mort. Ce n'est pas ainsi qu'il faut poser la question : il faut se demander comment arriver percevoir cette existence. Par une mditation bien faite, la voie s'ouvre. Par elle s'anime le souvenir de ce qui a t vcu par-del le seuil des naissances et des morts. Tout le monde peut acqurir ce savoir, car en chacun rside la facult de connatre et de contempler par lui-mme ce qu'enseignent la vraie mystique, la science spirituelle, l'Anthroposophie, la Gnose. Il faut seulement choisir les moyens convenables. Seul un tre qui possde des oreilles et des yeux peut percevoir sons et couleurs. Et encore l'il ne peut-il rien

discerner si la lumire qui rend les choses visibles fait dfaut. La science spirituelle donne les moyens ncessaires pour dvelopper des oreilles et des yeux intrieurs, faire surgir la lumire de l'esprit. Ces moyens de la discipline intrieure comportent trois tapes : 1 la prparation, qui dveloppe les sens intrieurs; 2 l'illumination, qui fait jaillir la lumire spirituelle ; 3 l'initiation, qui tablit le contact avec les hautes ralits de l'esprit.

LES DEGRES DE L'INITIATION Les communications qui vont suivre sont les lments d'une discipline spirituelle dont le nom et la nature apparatront clairement tous ceux qui sauront les appliquer comme il faut. Elles se rapportent aux trois degrs que l'cole de vie spirituelle fait franchir pour mener un certain niveau d'initiation. Mais on ne trouvera ici naturellement que ce qui peut tre expos au public. Ce sont des indications qui sont extraites d'un enseignement intime bien plus profond. L'entranement occulte lui-mme fait passer par une formation trs prcise. Certains exercices ont pour but de mettre l'me du disciple consciemment en rapport avec le monde spirituel. Ces exercices se rapportent au contenu de ce livre peu prs comme l'enseignement d'une cole suprieure, dont le rglement est svre, se rapporte aux connaissances lmentaires donnes occasionnellement dans une cole prparatoire. Et cependant, si l'on met en pratique avec conscience et persvrance les indications que l'on trouvera ici, on aboutira une vritable formation occulte. Tandis qu'un essai htif, entrepris sans ces qualits de conscience et de persvrance, ne saurait avoir de rsultat. Le travail occulte ne peut aboutir que si l'on tient compte des conditions dcrites plus haut et que l'on continue d'avancer selon ces prmisses. Les degrs tablis par la tradition laquelle nous nous sommes rfrs sont les trois suivants: 1. La prparation. 2. L'illumination. 3. L'initiation. Il n'est pas absolument ncessaire que ces trois degrs se suivent dans un ordre rigoureux, que le premier soit entirement franchi avant le deuxime, et celui-ci avant le troisime. On peut participer dj, sous certains rapports, l'illumination, voire partiellement l'initiation, et sous d'autres rapports se trouver encore la prparation. Il faut avoir consacr toutefois un certain temps la prparation avant qu'une illumination ne puisse poindre. Et cette illumination doit s'tre produite au moins sur certains points si l'on doit aborder l'initiation. Mais pour simplifier la description, nous dcrirons ici les trois degrs l'un aprs l'autre.

La prparation La prparation consiste en un entranement tout particulier de la vie des sentiments et des penses. Il dote le corps de l'me et le corps de l'esprit d'instruments des sens et d'organes d'activit de nature suprieure, de mme que les forces de la nature tirent de la matire vivante indiffrencie les organes dont le corps physique est muni. Pour commencer, il faut diriger son attention sur certains phnomnes du monde qui nous environne. Ces phnomnes sont, d'une part, ceux de la vie l'tat de germination, de croissance et d'panouissement, d'autre part, ceux que prsente une vie qui se fane, se fltrit, dprit. Partout o l'on tourne ses regards, semblables phnomnes se ctoient. Partout ils veillent tout naturellement des sentiments et des penses. Mais, dans les circonstances ordinaires, l'homme ne se livre pas suffisamment ces sentiments et ces penses; il est bien trop press de passer d'une sensation l'autre. Or, il s'agit maintenant de diriger sur ces phnomnes son attention avec intensit et en pleine conscience. L o il rencontre la croissance et la floraison sous une forme bien caractrise, l'homme doit bannir de son me toute impression trangre, et pendant quelques instants, s'abandonner exclusivement cette unique sensation. Bientt il constatera qu'un sentiment qui, autrefois, n'aurait fait que traverser son me en pareil cas, grandit en lui et prend une forme affirme, puissante. Qu'il laisse maintenant vibrer en lui avec le calme voulu l'cho de ce sentiment et qu'il fasse en son me un silence parfait. Qu'il s'isole du reste du monde pour suivre uniquement ce qui monte en lui en rponse au phnomne de la croissance et de l'panouissement.

Mais qu'il ne croie surtout pas que le progrs consiste mousser ses sens l'gard du monde. Au contraire, il doit d'abord observer avec autant d'intensit et autant d'exactitude que possible l'objet extrieur. Ensuite seulement, qu'il se livre aux sentiments ainsi veills, aux penses nouvelles qui montent dans l'me. Le but de l'exercice, c'est de concentrer l'attention simultanment sur les deux choses : le phnomne extrieur et son cho intrieur, et cela dans un parfait quilibre des forces. Si l'on trouve le calme ncessaire et qu'avec le temps on s'abandonne aux mouvements suscits ainsi dans l'me, on aura l'exprience suivante: on verra germer en soi tout un ordre nouveau de sentiments et de penses que l'on n'avait pas connus auparavant. Plus on dirigera son attention, tantt sur les tres en voie de croissance, de floraison et d'panouissement, tantt sur les choses qui se fltrissent et qui meurent, plus aussi ces sentiments prendront de vitalit. Grce ces sentiments et ces penses s'difieront les organes de la clairvoyance, de mme que les yeux et les oreilles du corps physique se construisent, sous l'action des forces de la nature, avec de la substance qui devient vivante. Des sentiments d'une forme toute particulire se rattachent la croissance et au devenir, d'autres sentiments non moins prcis se rattachent la dcroissance et au dprissement, mais seulement lorsque la culture de ces sentiments a t poursuivie de la manire dcrite. Il est possible d'en donner une description approximative. Chacun peut s'en faire personnellement une reprsentation complte, s'il a pass par ces expriences. Si vous avez souvent appliqu votre attention aux phnomnes du devenir, de l'panouissement, de la floraison, vous prouverez quelque chose qui prsente des analogies lointaines avec l'impression que fait un lever de soleil. Et la vue de ce qui se fane et dprit, vous prouverez un sentiment qui rappelle la monte lente de la lune au-dessus de l'horizon. Ces deux sentiments sont deux forces qui, par un entranement appropri, par une pratique toujours plus vivante, conduisent des rsultats spirituels de la plus grande importance. Celui qui s'y livre avec persvrance, rgularit, mthode, voit s'ouvrir lui un monde nouveau: le monde psychique, ce qu'on appelle le monde astral , commence poindre comme une aurore. Croissance et dcroissance ne sont plus pour lui, comme auparavant, des faits veillant des impressions vagues, mais des ralits qui s'expriment en lignes et en figures spirituelles dont il n'avait jamais encore souponn l'existence. En outre, ces lignes et ces figures prennent des aspects neufs pour chaque nouveau phnomne: une fleur en train de s'ouvrir fait magiquement surgir une figure prcise, de mme qu'un animal en voie de croissance, ou un arbre en train de mourir a sa figure correspondante. Peu peu, le monde psychique (ou astral) se dploie lentement devant lui. Il n'y a dans ces lignes et ces figures rien d'arbitraire. Deux chercheurs qui se trouvent au mme degr d'entranement percevront des lignes et des figures identiques pour le mme phnomne. Aussi srement que deux hommes dous d'une vue normale voient ronde une table ronde et que jamais l'un ne la voit ronde et l'autre carre, aussi srement la mme figure spirituelle apparat deux mes contemplant une fleur qui s'ouvre. Comme l'histoire naturelle ordinaire dcrit les formes des plantes et des animaux, un homme vers dans la science de l'occulte dcrit ou dessine les formes spirituelles des tres en voie de croissance ou de dprissement. Lorsque l'tudiant est arriv au point de pouvoir contempler sous leur forme spirituelle des phnomnes galement perceptibles son il physique, il n'est pas trs loign de voir des choses qui n'ont aucune existence physique et qui, par suite, restent intgralement caches (occultes) celui qui ignore la science secrte. Il faut insister sur un point: l'investigateur ne doit pas se perdre en rflexions sur ce que signifie ce qu'il voit. Ce travail intellectuel ne servirait qu' l'carter du bon chemin. Qu'il s'ouvre au monde sensible sans prvention, avec bon sens, avec pntration, et qu'il s'abandonne ensuite ses propres sentiments. Quant ce que signifient les choses, ce n'est pas lui qu'il revient de le dduire de ses spculations. Qu'il essaie plutt de comprendre ce que lui disent ces choses dans leur langage (Note 2 :Il faut remarquer que la sensibilit artistique, si elle est allie une nature mditative et concentre, est la meilleure condition pour un dveloppement de facults spirituelles. La sensibilit artistique a en effet le pouvoir de pntrer sous les apparences pour dcouvrir le mystre des choses.)

Un autre point important, c'est ce que la science secrte appelle l'orientation dans les mondes suprieurs. On y parvient en se pntrant entirement de la conscience que les sentiments et les penses sont des faits rels, au mme titre que les chaises ou les tables dans le monde physique. Dans le monde des mes et le monde des ides, il se fait une rciprocit d'actions et de ractions comme dans le monde sensible entre les choses physiques. Tant qu'on n'est pas intensment pntr de cette

conviction, on ne croit jamais qu'une pense errone puisse faire autant de mal aux autres penses qui animent l'espace mental qu'une balle tire l'aveuglette sur les objets physiques qu'elle atteint. Bien des gens qui peut-tre ne voudraient jamais accomplir extrieurement une action qu'ils considrent comme contraire la raison, ne verront pas de mal nourrir des sentiments ou des penses fausss qu'ils croient sans effet sur le reste du monde. On ne progressera toutefois dans la science cache que si l'on surveille ses penses et ses sentiments avec autant d'attention que dans le monde physique on regarde o l'on pose le pied. Si vous voyez un mur, vous n'essaierez pas d'avancer au travers de ce mur, mais vous le contournerez et dirigerez vos pas selon les lois qui rgissent le monde physique. Or, il existe de semblables lois dans le monde des mes et des esprits. Mais l, elles ne s'imposent pas de l'extrieur. Elles doivent dcouler de la vie mme de l'me. On parvient les observer en s'abstenant en tout temps de penses ou de sentiments dforms. Il faut s'interdire dsormais de se laisser aller au gr de la rverie, de cder au jeu de l'imagination, au caprice des sentiments. Ne pensez pas appauvrir ainsi votre sensibilit: vous constaterez bientt au contraire que les sentiments ne deviennent vraiment riches, et l'imagination vritable ne devient cratrice, que si l'on contrle ainsi le cours de sa vie intrieure. A la place d'une sentimentalit purile et d'associations d'ides arbitraires, surgissent des sentiments pleins de sens et des penses fcondes. Ces sentiments et ces penses disciplins permettent l'homme de s'orienter dans le monde spirituel. Il apprend tablir des rapports justes entre lui et les ralits de l'esprit. Cette discipline a pour lui des consquences prcises. De mme que, dans la vie physique, il trouve son chemin a travers les choses physiques, il sait maintenant s'orienter parmi les phnomnes de croissance et de dprissement qu'il vient d'approfondir de la manire dcrite plus haut. Il observe dsormais tout ce qui pousse et s'panouit, tout ce qui se fltrit et meurt, comme l'exige son bien et celui de l'univers. Le chercheur doit ensuite cultiver le rapport avec le monde des sons. Il faut distinguer entre les sons dus des objets inanims (un corps qui tombe, une cloche ou un instrument de musique) et les sons mis par un tre vivant (animal ou homme). Entendre une cloche, c'est uniquement percevoir le son et en prouver un sentiment agrable; mais entendre le cri d'un animal, c'est, en plus de ce sentiment, discerner encore derrire ce son la manifestation de ce que ressent intrieurement l'animal, plaisir ou souffrance. C'est cette deuxime sorte de sons que le disciple doit s'attacher. Il doit appliquer toute son attention recevoir du son qu'il entend une information sur un vnement qui se passe en dehors de lui; il doit se plonger dans un lment tranger; il doit lier troitement son sentiment la douleur ou la joie que ce son lui rvle, faire abstraction de lui-mme sans chercher si pour lui le son est agrable ou non, plaisant ou antipathique. Une seule chose doit occuper son me: ce qui se passe dans l'tre qui met le son. Par ces exercices, mthodiquement conus, on acquiert la facult de vibrer pour ainsi dire l'unisson d'un autre tre. Un homme dou de sens musical trouvera cette culture de sa sensibilit plus aise que celui qui ne l'est pas; mais il ne faut surtout pas croire que le sens musical lui seul remplace cette discipline. L'tudiant doit apprendre ressentir ainsi la nature tout entire. Il sme par l des germes nouveaux dans le monde de ses ides et de ses sentiments. La nature commence alors lui rvler ses mystres par l'intermdiaire des sons qui en expriment la vie. Ce qui n'tait auparavant pour l'me qu'un bruit inintelligible devient un langage plein de sens. L o l'on ne croyait auparavant percevoir qu'un son, les rsonances des corps soi-disant inanims, le disciple peroit maintenant une nouvelle langue de l'me; s'il progresse dans cette culture de ses sentiments, il constatera bientt qu'il peut entendre certains sons qu'il n'avait pas souponns auparavant. Il commence entendre avec l'me. Un nouveau progrs doit encore s'ajouter celui-l pour qu'il atteigne la cime de ce qui peut tre obtenu dans ce domaine. C'est une chose trs importante pour lui que la manire dont ilcoute parler les autres. Il faut s'accoutumer le faire de telle sorte que pendant ce temps tout se taise en soi. Par exemple: si quelqu'un exprime une opinion et que vous l'coutiez, il s'lve en vous gnralement soit une approbation, soit une objection, et bien des gens se sentiront immdiatement pousss exprimer soit leur accord, soit surtout leur critique. Il faut parvenir rduire au silence aussi bien assentiment que riposte. Il ne s'agit pas naturellement de changer tout d'un coup sa manire d'tre, et de chercher continuellement faire rgner au fond de soi ce parfait silence intrieur. On commence l'observer en certains cas particuliers, choisis avec discernement. Ensuite, peu peu, comme de soi-mme, cette nouvelle manire d'couter s'implantera dans vos habitudes.

Dans l'investigation spirituelle, cet exercice est pratiqu mthodiquement. On s'oblige, temps fixe, prter l'oreille aux penses les plus contradictoires et s'abstenir en les entendant de tout jugement rprobateur. Il ne faut pas seulement et c'est l l'important s'interdire d'exprimer un jugement raisonn; il faut rprimer toute impression de dplaisir, d'loignement ou mme d'attirance. En particulier, l'tudiant doit s'observer lui-mme avec pntration afin d'viter que ces tendances, qui ont peut-tre disparu en apparence, ne persistent au trfonds de l'me. Il devra, par exemple, couter parler des personnes qui, sous un certain rapport, lui sont de beaucoup infrieures, et rprimer pendant ce temps toute ombre de sentiment de supriorit, de suffisance. Il est pour tous utile d'couter de cette manire parler les enfants. Le plus sage peut en tirer une immense leon. Ainsi l'homme parvient couter les paroles d'autrui avec un dtachement parfait, une abstraction totale de sa propre personne, de sa manire de voir et de sentir. S'il s'exerce ainsi couter sans esprit critique, alors mme que l'on exprime devant lui l'opinion la plus contraire la sienne, ou l'hypothse la plus extravagante, il apprend peu peu se fondre entirement dans l'individualit d'un autre tre, pntrer compltement en lui. Au travers des mots, il entend la voix intrieure d'une autre me. S'il persvrait dans un exercice de ce genre, le son deviendrait le meilleur agent pour percevoir l'me et l'esprit. Il y faut assurment une rigoureuse matrise de soi-mme, mais elle conduit un but lev. Surtout lorsque cet exercice est men de front avec ceux qui concernent l'art d'couter rsonner la nature, un nouveau sens de l'oue s'veille. On devient capable de capter des informations qui manent du monde spirituel et qui ne trouvent pas s'exprimer par les sons extrieurs perceptibles l'oreille physique. On entend alors le verbe intrieur et des vrits d'origine spirituelle vous sont rvles progressivement. On coute en esprit. (Note 3 : On ne peut entendre la voix des tres suprieurs dont parle la

science de l'occulte que si l'on est devenu capable d'couter ainsi du dedans en faisant le silence, et sans le moindre remous d'opinion personnelle, ce qui est dit devant nous. Ces tres du monde spirituel se taisent aussi longtemps que l'on projette encore sur tous les sons entendus la raction de sentiments personnels.)

Toutes les plus hautes vrits sont accessibles ce verbe intrieur ; les enseignements que l'on peut recueillir de tout vritable investigateur, il en a pris conscience de cette manire. Cela ne veut pas dire qu'il soit inutile de s'adonner l'tude des ouvrages de science occulte avant d'tre mme de percevoir ce langage intrieur. Au contraire, en lisant ces crits, en coutant l'enseignement des matres, on se prpare pour accueillir soi-mme la connaissance. Tout lment de science occulte que l'on entend est fait pour diriger vers le but qu'on atteindra si l'me fait de rels progrs. A tout ce que nous avons dit doit donc bien plutt s'ajouter l'tude zle de la science communique par les occultistes. Dans tout entranement, cette tude fait partie de la prparation; et l'on aurait beau employer tous les autres moyens que l'on ne parviendrait rien si l'on ne s'assimilait pas les enseignements occultes. Parce qu'ils procdent du verbe intrieur vivant, parce qu'ils sont puiss aux sources vivantes de la rvlation directe, ils possdent en effet une vie spirituelle. Ce ne sont pas de simples mots, ce sont des forces de vie. Pendant que tu suis les paroles d'un initi, pendant que tu lis un livre qui s'inspire d'une vritable exprience intrieure, des forces agissent en toi qui te rendront clairvoyant aussi srement que les forces de la nature physique ont tir de la substance vivante tes yeux et tes oreilles.

L'illumination L'illumination rsulte d'exercices prparatoires trs simples. Ici aussi, il s'agit de faire appel certaines penses, certains sentiments qui sommeillent dans l'homme et qui doivent s'veiller. Mais celui-l seul qui accomplit ces exercices simples avec une patience rigoureuse et une persvrance totale peut aboutir la perception de la lumire intrieure. Les premiers pas consistent observer d'une faon toute particulire certains phnomnes et certains tre naturels; par exemple un cristal transparent aux belles facettes, puis une plante, un animal. Que l'on commence par concentrer toute son attention sur une comparaison entre la pierre et l'animal de la manire qui va tre dcrite. Les penses indiques ici doivent s'emparer de toute l'me en s'accompagnant de sentiments trs vifs. Aucune autre pense, aucun autre sentiment, ne doit s'y mler et troubler l'intensit de l'observation. Que l'on se dise donc ceci : La pierre a une forme, l'animal aussi a une forme. La pierre demeure immobile sa place, l'animal change de place. C'est le dsir, l'instinct qui pousse l'animal changer de place, et c'est aussi la satisfaction de ses instincts que sert la forme de l'animal; ses organes et les membres qui lui servent d'instruments sont faonns conformment ces instincts par le dsir, tandis que la forme de la pierre est la rsultante de forces o le dsir n'entre pas (Note 4 : L'exercice dcrit ici, en ce qui concerne la

contemplation d'un cristal, est interprt tout de travers par ceux qui n'en connaissent que le ct extrieur (exotrique). Les dformations ont donn lieu des pratiques telles que la lecture dans le cristal . Elles reposent videmment sur un malentendu. On en rencontre souvent la description. Mais ces pratiques ne peuvent jamais faire l'objet d'un vritable enseignement sotrique.)

Si l'on plonge intensment dans ces penses et que, ce faisant, l'on considre la pierre et l'animal avec une attention soutenue, il surgit dans l'me deux sortes de sentiments trs diffrents. Le premier inspir par la pierre, le second par l'animal. La chose ne russira vraisemblablement pas ds le dbut, mais peu peu, par des exercices trs patients, ces deux sentiments s'acclimateront dans l'me. Il faut seulement continuer l'exercice sans se lasser. Au dbut, ces sentiments ne se maintiennent que pendant la dure de l'observation; plus tard, ils subsistent au-del de cette dure et finalement ils prennent une vie qui persistera. Il n'est plus besoin ensuite que de s'en souvenir pour que ces deux sentiments grandissent, mme sans le secours de l'observation applique un objet extrieur. De ces sentiments et des penses qui leur sont lies naissent les organes de la clairvoyance. Si cette observation s'ajoute celle de la plante, on constate alors que le sentiment qu'elle inspire, par sa nature aussi bien que par son degr d'intensit, tient le milieu entre le sentiment que fait natre la pierre et celui que provoque l'animal. Les organes qui se forment de cette manire sont les yeux spirituels. On apprend progressivement percevoir par eux les couleurs du monde de l'me et de l'esprit. Tant que l'on a seulement assimil ce qui a t dcrit pour la prparation , le monde spirituel, ses lignes et ses figures restent obscurs. Par l'illumination, il s'claire. Ici aussi, remarquons bien que les mots clair et obscur , ainsi que les autres expressions que nous avons employes, n'expriment notre pense que trs approximativement. Du moment que l'on se sert de la langue commune, il ne saurait toutefois pas en tre autrement. Cette langue n'est faite que pour les conditions physiques. La science secrte qualifie de bleu ou bleu-rouge ce que les organes de la clairvoyance voient rayonner de la pierre, et rouge ou rouge-jaune ce qui est ressenti comme manant d'un animal. En ralit, les couleurs ainsi perues sont de nature spirituelle . Celle qui sort de la plante est verte , tendant progressivement vers un clair rouge-rose thrique. Car la plante, de tous les tres vivants, est celui qui, dans les mondes suprieurs, ressemble sous certains rapports son aspect dans le monde physique. Il n'en est pas de mme pour la pierre ou pour l'animal. Mais il faut bien comprendre que les couleurs indiques l dsignent simplement la nuance fondamentale des rgnes: minral, animal et vgtal. En ralit toutes les nuances intermdiaires existent. Chaque pierre, chaque plante, chaque animal possde sa couleur propre. En outre, les tres des mondes suprieurs, qui ne revtent jamais un corps physique, ont aussi des couleurs souvent admirables, mais aussi souvent hideuses. En fait, dans ces mondes suprieurs, la richesse des coloris est infiniment plus varie que dans le monde physique. Si l'homme a pu acqurir la facult de voir avec l'il de l'esprit , il rencontre tt ou tard des tres, les uns plus haut, les autres plus bas que lui, qui ne pntrent jamais dans la ralit physique. Quand il en est arriv ce point, bien des routes s'ouvrent lui. Mais on ne saurait conseiller personne d'aller plus loin sans observer attentivement ce que dit l'investigateur spirituel, ce qu'il a prescrit et enseign. Mme pour les exercices prcdents, cette direction claire est excellente; et si le chercheur a en lui la force et la tnacit ncessaires pour franchir les premiers degrs de l'illumination, il ne manquera pas de rencontrer la direction approprie. Une prcaution est en tout cas ncessaire et celui qui ne voudrait pas la prendre ferait mieux de renoncer tout progrs dans l'occultisme; celui qui veut s'engager sur cette voie ne doit pas perdre ses qualits de noblesse, de bont et de sensibilit l'gard de toutes les ralits physiques. Bien plus: sa force morale, sa puret intrieure, ses facults d'observation, doivent constamment grandir au cours de l'apprentissage occulte. Par exemple, pendant les premiers exercices de l'illumination, il doit veiller dvelopper par tous les moyens sa compassion et sa sympathie vis--vis des animaux et des hommes, son sens des beauts de la nature. S'il n'y prenait pas garde, ses sentiments pourraient s'mousser, son sens de la beaut s'teindre sous l'action de ces exercices; son cur deviendrait dur, sa sensibilit bloque et il pourrait en rsulter des consquences fcheuses.

Comment se prsente l'illumination, lorsqu'on s'est lev par la pierre, la plante et l'animal, jusqu' l'homme ? Comment, aprs l'illumination, la communion de l'me avec le monde spirituel va-telle s'accomplir et, travers tous les obstacles, aboutir l'initiation ? C'est ce que nous allons exposer maintenant dans la mesure du possible. A notre poque, beaucoup de gens cherchent le chemin de la science secrte, mais ils le font de bien des manires; plusieurs recourent des procds dangereux ou mme rprhensibles. C'est pourquoi ceux qui pensent possder la vrit en ce domaine doivent donner aux autres la possibilit de connatre certains traits de la discipline occulte. Nous ne parlerons ici que dans les limites de cette possibilit. Il est ncessaire que quelque chose de la vrit soit rvl pour que l'erreur ne cause pas de trop grands dommages. Par les moyens que nous indiquons ici, personne ne peut subir un dommage, s'il ne cherche pas forcer la mesure. Mais notons bien par ailleurs que personne ne doit consacrer aux exercices plus de temps et de force que ses devoirs et sa situation dans la vie n'en laissent sa disposition. Personne ne doit, parce qu'il suit le sentier, changer pour le moment quoi que ce soit sa vie. Si l'on poursuit des rsultats srieux, il faut avoir de la patience, tre capable aprs quelques minutes d'application, d'interrompre l'exercice et de retourner tranquillement son travail coutumier. Il ne faut mme pas mler ce travail la pense des exercices. Celui qui n'a pas appris attendre, dans le sens le meilleur et le plus lev du mot, ne vaut rien pour l'entranement et ne parviendra jamais des rsultats de notable valeur.

Contrle des penses et des sentiments Si l'on recherche l'accs de la science occulte de la manire dcrite dans les chapitres prcdents, il ne faut pas manquer de se fortifier, au cours de son travail, par une pense particulirement stimulante. Il faut avoir constamment l'esprit qu'on peut raliser des progrs trs srieux sans que ces progrs soient visibles sous la forme que peut-tre on attendait. Si l'on ne tient pas compte de ce fait, on risque fort de perdre patience et d'abandonner au bout de peu de temps toute espce de tentative. Les forces et les facults qu'il s'agit de dvelopper sont dans les commencements d'une nature trs dlicate et leur essence diffre entirement de tout ce que l'homme a pu se reprsenter auparavant. Jusqu'ici, il ne connaissait que le contact avec le monde physique. Les ralits de l'esprit et de l'me chappaient son regard comme ses concepts. Il n'y a donc rien d'tonnant ce qu'il ne remarque pas immdiatement la prsence des forces spirituelles et psychiques qui font leur apparition en lui. C'est l un risque d'erreur pour celui qui pntre sur le sentier sans tenir compte des expriences amasses par des chercheurs avertis. Un occultiste constate les progrs que le disciple accomplit longtemps avant que celui-ci n'en ait conscience. Il sait de quelle manire se forme l'il de l'esprit dans sa structure dlicate avant que le disciple n'en sache rien. Une des parties les plus importantes des indications qu'il donne consiste prcisment exprimer les rgles qui permettent l'tudiant de ne pas perdre la confiance, la patience et la tnacit, avant d'avoir obtenu la connaissance. Le matre ne peut vrai dire rien donner l'lve, si celui-ci ne le possde dj, au moins d'une manire cache; on ne peut que le guider vers l'veil des facults qui sommeillent. Mais la description du chemin par lequel luimme a pass peut tre un appui pour celui qui veut aller de l'obscurit la lumire. Il en est beaucoup qui abandonnent le sentier de la science occulte aprs peu de temps, parce que leurs progrs ne leur semblent pas ds l'abord remarquables. Et mme quand surviennent les premires expriences suprieures dont l'lve ait conscience, il les considre souvent comme des illusions, parce qu'il s'tait imagin tout autrement ce qu'il devait ressentir. Il perd courage, soit parce qu'il considre ces premires expriences comme sans valeur, soit parce qu'elles lui semblent trop minimes pour le conduire bientt un rsultat srieux. Or, courage et confiance en soi sont deux lumires qu'on ne doit pas laisser s'teindre sur le sentier de l'occultisme. Si l'on ne peut prendre sur soi de rpter avec patience et sans se lasser un exercice qui a sembl un nombre incalculable de fois ne pas russir, on n'ira pas loin. Bien avant une perception nette des progrs accomplis, un sentiment confus avertit qu'on est sur la bonne route. Il faut nourrir et cultiver ce sentiment, car il peut devenir un guide sr. Il importe avant tout d'extirper de soi la superstition que l'on peut parvenir la connaissance suprieure l'aide

de procds bizarres et mystrieux. Il faut bien voir, au contraire, qu'on peut prendre pour point de dpart les sentiments et les penses de la vie journalire, en leur imprimant seulement une direction nouvelle. Chacun peut se dire: dans la sphre de mes sentiments personnels et de mes ides se trouvent cachs les mystres les plus augustes; mais jusqu'ici je n'ai pas su les percevoir. Le problme rside donc finalement en ceci: l'homme porte partout avec lui son corps, son me et son esprit, mais il n'est conscient que de son corps et non de son me et de son esprit. Or, l'occultiste devient conscient de l'me et de l'esprit, comme l'homme ordinaire l'est de son corps. C'est pourquoi il importe d'orienter dans la bonne direction les sentiments et les penses. Alors se dveloppera dans la vie ordinaire la facult de percevoir les choses invisibles. Nous allons donner ici l'un des moyens d'y parvenir. Il est d'une extrme simplicit, comme presque tous ceux que nous avons dcrits jusqu'ici, mais il produit les plus grands effets quand on le met en pratique avec continuit et qu'on sait l'accompagner des dispositions intrieures ncessaires. Que l'on pose devant soi une petite graine de plante. Il s'agit en face de cet objet minime de faire natre intensment en soi les penses qui s'y rapportent, et par ces penses d'veiller certains sentiments. Tout d'abord, rendez-vous compte trs clairement de ce que vos yeux peroivent en ralit. Faites-vous une bonne description de la forme, de la couleur et de tous les autres caractres de la graine. Puis rflchissez ceci: Si l'on mettait cette graine en terre il en natrait une plante trs complexe. Reprsentez-vous bien cette plante. voquez-la en imagination. Et dites-vous alors: ce que j'voque actuellement en imagination, les forces de la terre et de la lumire vont en ralit le faire surgir un jour du sein de cette graine. Si j'avais devant moi une imitation artificielle de la graine, la reproduisant s'y mprendre au point que mes yeux ne pourraient la distinguer de la vraie, il n'existerait en fait aucune force, dans la terre ni dans la lumire, pour en faire jaillir une plante. Que l'on ralise trs clairement cette pense, qu'on la vive en soi, et l'on va tre capable de concevoir ce qui suit en y joignant le sentiment appropri. On va se dire: dans cette graine repose dj, bien que d'une manire cache, toute la plante en puissance, tout l'organisme qui en sortira plus tard. Cette force ne rside pas dans la graine imite. Cependant, mes yeux, toutes deux sont identiques. Dans la graine relle existe donc quelque chose d'invisible qui ne se trouve pas dans l'objet fabriqu. C'est sur cet invisible qu'il faut diriger maintenant penses et sentiments. (Note 5 : Si l'on objectait qu' l'examenmicroscopique l'objet rel arrive se distinguer de l'imitation, on dmontrerait seulement qu'on n'a pas compris le vrai but de ces exercices; l'essentiel n'est pas tant l'objet rel, sensible, que l'on a devant soi, que l'impulsion de dvelopper son sujet des forces latentes dans l'me et dans l'esprit.)

Reprsentez-vous bien ceci: c'est cet invisible qui, plus tard, se transformera en la plante visible que je pourrai contempler dans sa forme et sa couleur. Et attachez-vous cette pense:l'invisible deviendra visible. Si je n'tais pas capable de penser, ce qui ne sera visible que plus tard ne pourrait pas ds maintenant se faire connatre moi. Il faut bien prciser un point: ce que l'on pense doit tre intensment ressenti. Dans le calme, sans se laisser distraire par aucune autre pense, on vit en soi ce qui vient d'tre dcrit; et on se donne tout le temps ncessaire pour y rattacher les penses et le sentiment, afin qu'ils creusent dans l'me une empreinte profonde. Si l'on russit comme il convient, on parviendra aprs un certain temps, peut-tre seulement aprs des essais trs nombreux, prendre conscience d'une force. Et cette force ouvrira une nouvelle vision des choses: la graine apparatra comme au centre d'un lger nuage lumineux. On peut la ressentir, selon un mode sensoriel-spirituel, comme une sorte de flamme. On ressent devant le centre de cette flamme ce qu'on ressent en face de la couleur lilas-mauve; tandis que le bord voque l'impression qu'on retire d'une couleur bleutre. Alors apparat ce que l'on n'a pas vu auparavant et qu'a cr la force de la pense et des sentiments veills en nous par la mditation. Une chose, invisible aux sens physiques et qui, l'tat de plante, ne devait apparatre que plus tard, se rvle ds prsent spirituellement visible. Il est vident que la plupart des gens tiendront ces rvlations pour une pure illusion. Beaucoup diront: que signifient ces visions, ces phantasmes ? Et plus d'un se dcouragera sans poursuivre sa route. La difficult est justement de traverser ces tapes si ardues de l'volution humaine sans confondre l'imagination avec la ralit spirituelle et de trouver, en outre, le courage ncessaire pour continuer sa marche en avant sans effroi et sans apprhension. D'autre part, il ne faut pas cesser un instant de renforcer le bon sens qui distingue la vrit de l'illusion. Pendant tous ces exercices, on ne doit pas perdre une seule minute la pleine matrise consciente de soi-mme. On doit penser avec autant d'assurance que s'il s'agissait des choses et des vnements de la vie journalire. Il serait

fcheux que l'on tombt dans un tat proche de l'hallucination. Les ides doivent rester claires, pour ne pas dire froides, et cela sans dfaillance. Si ces exercices faisaient perdre l'quilibre intrieur et s'ils empchaient de juger aussi sainement les choses de la vie ordinaire qu'on le faisait auparavant, une trs grande faute aurait t commise. Le disciple doit s'examiner consciencieusement lui-mme pour vrifier si cet quilibre demeure intact et s'il reste bien lui-mme au sein des conditions dans lesquelles il vit. Un calme inbranlable en soi-mme, un sens clair l'gard de tout, voil ce qu'il faut savoir conserver. En outre, il faut bien prendre garde de ne pas se laisser aller n'importe quel vagabondage d'ides et de ne pas se livrer aux premiers exercices venus. Les directives que nous avons donnes ici pour la mditation ont t prouves et pratiques depuis la plus haute antiquit dans les coles d'occultisme, et nous ne communiquons que celles-l. Celui qui voudrait en appliquer d'une autre nature, s'en forger lui-mme ou en emprunter a et l des lectures, des rencontres de hasard, tomberait fatalement dans l'erreur et ne tarderait pas se laisser aller des divagations sans fin. Un nouvel exercice doit venir complter celui qui vient d'tre dcrit. Mettez-vous devant une plante en tat de plein panouissement et pntrez-vous de cette pense qu'un temps viendra o cette plante prira. De ce que je vois devant moi, un jour plus rien n'existera. Mais cette plante aura mri en elle des graines capables de donner la vie des plantes nouvelles. Me voil de nouveau arriv la constatation qu'il existe au sein de ce que je vois quelque chose de cach que je ne vois pas. Je remplis mon esprit de la pense que cette plante, avec sa forme et ses couleurs, mourra un jour; mais la reprsentation intense qu'elle porte en elle des germes d'avenir m'enseigne qu'elle ne disparatra pas dans le nant. Ce qui la prserve de l'anantissement chappe tout autant ma vue que prcdemment la plante en puissance dans la graine. Il y a donc dans cette plante quelque chose que je ne vois pas avec mes yeux. Si je fais vivre en moi cette pense, en l'unissant au sentiment qui lui correspond, il se dveloppera en moi, aprs un certain temps, une force qui provoquera un nouveau mode de vision. Je verrai ici encore sortir de la plante une sorte de forme spirituelle semblable une flamme. Mais cette flamme est naturellement plus grande que celle que nous avons prcdemment dcrite; elle peut donner une impression semblable du bleu-verdtre en son milieu, du rouge-jauntre en sa bordure extrieure. Soulignons ici expressment que l'on ne voit pas ce que nous appelons couleurs comme les yeux physiques voient les couleurs; mais que la perception spirituelle donne une impression analogue celle qu'on ressent devant une couleur physique. Avoir la perception spirituelle du bleu signifie: ressentir une impression analogue celle que la couleur bleue transmet par l'intermdiaire de l'il physique. Il faut y prendre garde si l'on veut arriver rellement un progrs dans la perception spirituelle. Sinon on n'attend du spirituel qu'une rptition du phnomne physique, ce qui cause forcment des dceptions amres. Si l'on est parvenu cette facult de voir en esprit, on a fait un grand pas en avant, car les choses se rvlent alors non seulement dans leur existence prsente, mais aussi dans leurs phases de croissance et de dprissement. On commence voir de toutes parts l'esprit dont les sens physiques ne peuvent rien savoir. On accomplit les premiers pas vers la contemplation d'un mystre: celui de la naissance et de la mort. Pour les sens extrieurs, un tre apparat la naissance et disparat la mort. S'il en est ainsi, c'est parce que les sens ne sauraient percevoir l'esprit cach des tres. Pour l'esprit, la naissance et la mort ne sont qu'une mtamorphose, comme la floraison qui, du bouton, fait surgir la fleur, est elle aussi une mtamorphose qui s'opre sous nos yeux. Mais si l'on veut pntrer par soi-mme dans l'essence qui se transforme, il faut travailler l'veil des sens suprieurs par les mthodes que nous avons indiques. Afin d'carter tout de suite une autre objection qui pourrait tre faite par des personnes doues de quelque exprience psychique, disons encore ceci: on ne saurait contester qu'il existe des chemins plus courts et plus simples, et que d'autre part il peut se trouver des gens qui ont par eux-mmes le sens des phnomnes de croissance et de mort, sans avoir pratiqu tous les exercices que nous venons de dcrire. Il y a, en effet des humains qui possdent naturellement des dispositions psychiques remarquables, auxquelles il suffit d'une lgre impulsion pour s'panouir. Ce sont l des exceptions. Tandis que le chemin indiqu ici est sr et ouvert tous. Il n'est pas impossible non plus d'acqurir des notions de chimie par des moyens d'exception; mais si l'on veut devenir chimiste, il faut passer par la route commune et vrifie. On commettrait une erreur grosse de consquences si l'on pensait parvenir au but plus facilement en se contentant de se reprsenter, d'imaginer la graine ou la plante. En procdant ainsi, on

peut aussi obtenir un rsultat, mais bien moins certain que par la mthode indique. La vision qu'on obtiendra ne sera dans la plupart des cas qu'un mirage de l'imagination; et il faudra attendre qu'il se transforme en une vision vritablement spirituelle. Car l'essentiel est de ne pas s'inventer soi-mme, au gr de son caprice, des perceptions nouvelles, mais bien de laisser la ralit les crer en soi. La vrit doit jaillir des profondeurs de mon me, certes, mais ce n'est pas mon moi ordinaire que revient le rle du magicien tirant de rien cette vrit. Les tres eux-mmes dont je veux contempler la ralit spirituelle doivent remplir la fonction de ce magicien. Si, par cette discipline, on a dgag en soi les rudiments de la perception spirituelle, on va pouvoir s'lever jusqu' la contemplation de l'tre humain lui-mme, en choisissant tout d'abord les manifestations les plus simples de la vie humaine. Mais avant qu'on en vienne l, il est ncessaire de travailler nergiquement la purification complte de son tre moral. Il faut carter toute tentation d'utiliser pour son usage personnel la connaissance ainsi acquise. Il faut s'tre engag vis--vis de soi-mme ne jamais se servir dans le sens du mal de la puissance que l'on pourrait acqurir sur ses semblables. Aussi, tous ceux qui cherchent pntrer par eux-mmes dans les secrets de la nature humaine doivent-ils observer la rgle d'or du vritable occultisme. Cette rgle est ainsi conue: Quand tu tentes de faire un pas en avant dans la connaissance des vrits occultes, fais en mme temps trois pas pour perfectionner ton caractre en vue du bien. Celui qui observe cette rgle peut entreprendre des exercices du genre de celui que nous allons dcrire maintenant. voquez l'image d'un homme que vous avez observ un jour qu'il convoitait la possession immdiate d'un objet, et concentrez votre observation sur ce dsir, cette convoitise. Il est prfrable d'voquer le moment o ce dsir atteignait son plus haut point d'intensit, mais o l'on pouvait encore se demander si l'homme pourrait effectivement le satisfaire. Et maintenant livrez-vous tout entier la reprsentation de ce qu'voque votre souvenir. Faites rgner en votre me un calme aussi absolu que possible; essayez autant qu'il est en votre pouvoir d'tre aveugle et sourd pour tout ce qui vous environne; veillez attentivement ce que la reprsentation voque veille en votre me un sentiment. Laissez ce sentiment monter en vous comme un nuage monte l'horizon dans un ciel parfaitement limpide. Naturellement, en rgle gnrale, l'observation sera suspendue par le fait que l'on ne peut pas assez longtemps observer dans son tat de dsir l'homme sur lequel on dirige son attention. Il faut recommencer cent fois cet essai sans rsultat; mais ne perdez pas patience. A la fin vous sentirez tout de suite monter en vous le sentiment correspondant l'tat d'me de celui que vous observez. Aprs un certain temps, vous remarquerez que ce sentiment dveloppe dans votre me une force qui donnera naissance la vision spirituelle des tats intrieurs. Vous verrez dans votre champ visuel apparatre une image qui donne une impression lumineuse; cette image lumineuse, de nature spirituelle, est la manifestation astrale de l'tat de dsir observ. C'est de nouveau une impression de flamme que nous pouvons comparer cette image. Elle est ressentie comme une coloration rouge-jaune dans le centre, et bleu-rouge ou lilas dans son pourtour. Tout dpend ensuite du tact dont on entoure ces visions spirituelles. Le mieux est de n'en parler d'abord personne, sauf ventuellement son guide si l'on en possde un. Car si l'on essaie de dcrire maladroitement, par le moyen des mots, un phnomne de ce genre, on peut tre souvent la proie de cruelles dsillusions. On emploie des mots habituels qui ne conviennent pas de pareils sujets et qui sont pour eux grossiers, trop appuys. Par suite, en voulant ainsi dcrire ses expriences, on est tent de mler aux visions authentiques des mirages de toutes sortes. A nouveau, une rgle importante s'impose ici au disciple: apprends garder le silence sur tes visions. Oui, sache te taire jusque devant toi-mme. Ce que tu as vu en esprit, ne tente ni de l'exprimer par des mots, ni de l'interprter par des raisonnements maladroits. Donne-toi sans parti-pris ta vision spirituelle, et crains de la troubler par trop de rflexions. Songe, en effet, que tes rflexions ne sont, au dbut, nullement en harmonie avec ce que tu as vu. Elles n'ont t jusqu'ici alimentes que par des impressions bornes au monde physique. Or, tes expriences actuelles dpassent de beaucoup ces limites. N'essaie donc pas d'appliquer ces expriences nouvelles et plus hautes une mesure adapte aux anciennes. Il faut avoir acquis beaucoup de fermet et d'assurance dans l'exprience intrieure pour pouvoir en parler d'une manire qui soit profitable ses semblables. A cet exercice doit venir s'en adjoindre un autre qui le complte. Il faut observer de la mme manire comment se comporte un homme qui vient de satisfaire un de ses dsirs, de remplir une de ses esprances. Si l'on observe les mmes rgles et les mmes prcautions que nous avons indiques

dans le cas prcdent, on parviendra galement une vue spirituelle du phnomne. On observera une forme spirituelle semblable une flamme qui donne le sentiment d'tre jaune au centre et verdtre en son pourtour. Par une observation de ce genre, applique ses semblables, on peut facilement tomber dans une faute morale grave: on peut devenir insensible, sans amour. vitez tout prix qu'il en soit ainsi. Pour faire de telles observations, il faut avoir atteint le point d'volution o l'on possde une certitude absolue: celle que les penses sont des ralits. Si l'on en est convaincu, on ne doit plus se permettre d'avoir l'gard de ses semblables des penses qui ne seraient pas conciliables avec le plus profond respect de la dignit et de la libert humaines. L'ide qu'un homme pourrait n'tre pour nous qu'un objet d'observation ne doit pas nous habiter un instant. L'ducation de soi-mme doit toujours marcher de pair avec une observation occulte de l'tre humain. Elle nous permet d'affirmer sans rserve le droit de chaque homme tre lui-mme; nous considrons l'me d'autrui comme un sanctuaire pour nous inviolable en pense comme en sentiment; un sentiment de respect sacr nous pntre l'gard de tout phnomne humain, mme lorsqu'il n'est voqu que dans notre souvenir. Pour le moment, il n'est encore possible de donner ici que ces deux exemples de ce qu'on doit l'illumination en ce qui concerne la nature humaine; ils suffisent d'ailleurs montrer la voie dans laquelle il faut avancer. Celui qui peut s'assurer ce silence et ce calme intrieur qui sont indispensables pour russir ces exercices, opre dj une grande transformation en lui. Cette transformation enrichit tel point sa vie intrieure qu'elle confre du calme et de l'assurance jusque dans le comportement extrieur, et, son tour, celui-ci a sa rpercussion sur l'me. C'est ainsi qu'il avancera, qu'il trouvera les moyens de dcouvrir toujours davantage les aspects de la nature humaine qui restent cachs aux sens extrieurs. Et il aura un jour la maturit voulue pour plonger ses regards jusque dans les rapports mystrieux qui mettent l'homme en harmonie avec tout ce qui existe dans l'univers. Sur cette voie, l'homme ne cesse de s'approcher du moment o il va pouvoir raliser ses premiers pas dans l'initiation. Mais avant qu'ils puissent tre entrepris, une chose est encore ncessaire, une chose dont le disciple ne comprendra peut-tre la ncessit que plus tard. Mais il y arrivera. En effet, ce que doit apporter le candidat l'initiation, c'est un courage parfait et, en une certaine mesure, une absence totale de peur. On doit rechercher les occasions favorables au dveloppement de ces vertus. Elles doivent tre systmatiquement cultives au cours de l'entranement occulte; mais la vie elle-mme est en cela une excellente cole, peut-tre la meilleure. Savoir regarder en face un danger, chercher sans hsiter surmonter les difficults, c'est ce dont il faut tre capable. Par exemple, en face d'un danger, il doit immdiatement s'affermir dans un sentiment tel que celui-ci: Mon angoisse ne servira rien; je dois m'en dlivrer pour me concentrer sur ce qu'il y a lieu de faire. Il doit en arriver ce qu'en face de situations qui auparavant le rendaient anxieux il sente au fond de lui que l'anxit ou le dcouragement lui sont devenus totalement impossibles. Par cette ducation de soimme, le disciple veille en lui certaines forces dont il a besoin pour tre initi des mystres plus levs. De mme que l'homme physique a besoin de force nerveuse pour employer ses sens physiques, l'homme psychique a besoin d'une force qui ne se dveloppe que dans les natures intrpides et courageuses. Celui qui pntre dans les mystres suprieurs voit un certain nombre de choses, que les illusions des sens cachent la vision ordinaire. Et, prcisment, lorsque les sens physiques nous empchent de voir les vrits suprieures, cette entrave est un bienfait pour l'homme ordinaire. Grce elle, certaines choses en effet restent caches qui pourraient jeter dans un trouble sans bornes celui qui, n'y tant pas prpar, ne saurait en supporter la vue. Le chercheur spirituel doit se rendre capable de supporter ces spectacles. Il perd un certain nombre d'appuis dans le monde extrieur. Il tait justement redevable de ces appuis l'illusion sensible qui le captivait. Les choses se passent littralement comme si l'on signalait brusquement quelqu'un un danger dans lequel il se trouvait depuis longtemps dj, mais sans le savoir. Auparavant il ne tremblait pas; mais maintenant qu'il sait, la peur le saisit, bien que le danger n'ait pas empir du fait qu'on en a pris conscience. Les forces de l'univers sont d'une nature qui la fois dtruit et difie; la destine de tout ce qui existe extrieurement est de natre et de mourir. Celui qui a la connaissance doit plonger un regard dans le jeu de ces forces, le mouvement de cette destine. Il faut pour cela qu'il carte le voile qui obscurcit habituellement sa vision spirituelle. Mais l'homme lui-mme est ml l'action de ces forces et de cette destine. Ces forces, constructives et destructives, il les retrouve dans sa propre nature. Aussi nue qu'apparat au voyant la vie, aussi nue se dvoile lui sa propre me. En face de cette connaissance de soi-mme, l'tudiant ne doit pas perdre ses forces. Pour qu'elles ne lui manquent pas,

il faut qu'il en ait surabondamment. Et dans ce but, il doit apprendre conserver le calme et la tranquillit intrieurs dans les circonstances les plus difficiles de la vie. Il doit difier en lui une confiance inbranlable dans les forces bonnes de l'existence et prendre son parti de perdre un certain nombre d'impulsions qui le faisaient agir jusqu'alors. Il se rend compte qu'il n'a bien souvent agi et pens que par pure ignorance et que les mobiles qu'il avait auparavant lui manquent dsormais. Par exemple, il a souvent agi par vanit et par amour-propre: il constate que l'amour-propre n'a aucune valeur pour celui qui sait. Il a souvent agi par convoitise et cupidit: il se rend compte que de tels dsirs exercent des ravages. Il faudra donc de nouveaux mobiles ses actions, ses penses, et c'est ce moment-l que doivent intervenir le courage et l'absence totale de peur. Il convient principalement de cultiver ce courage et cette intrpidit au plus profond de la vie des penses. Jamais un chec ne doit porter l'tudiant au dcouragement. Chaque fois, il doit recourir cette pense: J'oublierai que souvent dj j'ai chou dans cette entreprise, et je vais recommencer ma tentative comme si rien n'avait t fait. Il conquiert ainsi la conviction que les sources de forces auxquelles il peut puiser dans l'univers sont intarissables. Il aspire au monde spirituel qui est prt a l'aider, le soutenir, si souvent que se soit rvle la fa