RÉVOLUTIONNAIRES DU NOUVEAU MONDE… · 2013. 10. 30. · Michel Cordillot Révolutionnaires du Nouveau Monde Une brève histoire du mouvement socialiste francophone aux États-Unis

Michel Cordillot

Révolutionnaires duNouveau MondeUne brève histoire du mouvement socialiste francophone aux États-Unis (1885-1922)

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Le socialisme eut son heure de gloire aux États-Unis entre1885 et 1922. Cette histoire est connue. Ce qui l’est moins,toutefois, c’est la contribution de l’immigration française àce mouvement politique. Des exilés de la Commune deParis aux mineurs du nord de la France, nombreux sont lesouvriers et militants francophones qui ont poursuivi leursluttes politiques aux États-Unis après y avoir élu domicile.L’historien Michel Cordillot nous rappelle dans ce livre lesluttes, les espoirs et la vie quotidiennes de ces socialistesfrançais d’Amérique.

Révolutionnaires du Nouveau Monde, c’est aussi unlivre sur l’immigration. À travers l’histoire de ces drôles deFrançais d’Amérique, on découvre en effet toutes les diffi-cultés, les espérances et les modalités d’acculturations auNouveau Monde. Une expérience qui n’est pas sans rap -peler celle des Canadiens français exilés en Nouvelle-Angleterre, avec lesquels ces socialistes eurent parfoismaille à partir.

Michel Cordillot est professeur d’histoire à l’UniversitéParis 8.

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Collection « Mémoire des Amériques »

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Extrait de la publication

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Michel Cordillot

Révolutionnaires

du

Nouveau Monde

Une brève histoiredu mouvement socialiste francophone

aux États-Unis

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La collection « Mémoire des Amériques » est dirigée par David Ledoyen

Dans la même collection :– André d’Allemagne, Le colonialisme au Québec– Laurent-Olivier David, Les Patriotes de 1837-1838– Frederick Douglass, Mémoires d’un esclave– John Gilmore, Une histoire du jazz à Montréal– Benjamin Franklin, Avis nécessaire à ceux qui veulent devenir riches.

Mémoires et propos au fondement de l’Amérique marchande– Louis-Joseph Papineau, Histoire de la résistance du Canada au

gouvernement anglais– Vladimir Pozner, Les États-Désunis– Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours

Photographie de la couverture :Four men, two women, one boy, fist raised, holding black flagLPF.1231, Labadie Collection, University of Michigan

© Lux Éditeur, 2009www.luxediteur.com

Dépôt légal : 4e trimestre 2009Bibliothèque et Archives CanadaBibliothèque nationale et Archives du QuébecISBN 978-2-89596-087-4

978-2-89596-605-0 (epub)978-2-89596-805-4 (PDF)


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À ma grand-mère Jeanne Cordillot, qui m’a aidé àcomprendre pleinement le sens du mot liberté.


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Avant-propos

Comme beaucoup d’autres livres, celui-ci a sa proprehistoire. Il est en fait né d’une escapade généa-

logique franco-québécoise dans une belle région deBourgogne, l’Auxois, et des discussions qui lui ont faitsuite à propos des recherches biographiques et des rap-ports entre petite et grande Histoire.

Au départ, et sans doute à tort, je n’avais pas envisagépour ma part de donner ce genre de prolongement à l’im-portant travail collectif de recherche mené durant plusde quinze ans sur les militants francophones d’Amériquedans le cadre du Dictionnaire biographique du mouve-ment ouvrier français, le célèbre « Maitron ». La finalitéprincipale, telle qu’elle en avait initialement été définie,était de constituer une base de données biographiques.Pratiquement achevée, celle-ci comporte à ce jour prèsde entrées.

Une partie de ces biographies est déjà accessible aupublic, puisque d’entre elles ont été publiées sous

. Conçu à l’origine par Jean Maitron et continué sous la direc-tion de Claude Pennetier, le DBMOF compte à ce jour volumesparus ( autres suivront d’ici ), plus volumes internationaux et dictionnaires thématiques. Ce travail de longue haleine, d’ailleurssans équivalent au monde, constitue le plus important ensemble dedictionnaires biographiques jamais publié en langue française.


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la forme d’un volume intitulé La Sociale en Amérique.Dictionnaire biographique du mouvement social franco-phone aux États-Unis, - , qui a été bien accueillien France, mais aussi outre-Atlantique, où il s’est vu attri-buer en par l’Organization of American Historians(OAH) son prix – le Willi Paul Adams Award – destinéà récompenser le meilleur ouvrage d’histoire des États-Unis paru dans une langue autre que l’anglais. Toutes lesautres le seront dans un avenir proche, avec la mise enligne du « Maitron ».

Bien qu’incomplète puisqu’il a fallu renoncer à yaborder les années - faute de place, cette brèvehistoire du mouvement socialiste de langue française auxÉtats-Unis pourra néanmoins tenir lieu de présentationgénérale destinée à guider les utilisateurs de La Sociale enAmérique en leur apportant un cadre et une vision d’en-semble. En retour, les lecteurs désireux d’approfondirleur connaissance du mouvement socialiste francophonepourront se reporter à ce dernier ouvrage afin d’y consul-ter la biographie de la plupart des militants dont lenom apparaît dans les pages qui suivent. Ils y trouve-ront également des références plus précises concernantles sources.

Je tiens à dire ici ma profonde gratitude à l’égard desmembres de la Charleroi Area Historical Society pourleur aide, ainsi que ma satisfaction de les voir œuvreravec ardeur à la création du « Louis Goaziou Print ShopMuseum ». Je remercie aussi mon collègue québécois

. Paris, Éditions de l’Atelier, . Précisons pour les lecteursqui ne sont pas familiers avec ce terme que la « Sociale » désignela République démocratique et sociale telle que l’espèrent les mili-tants révolutionnaires et socialistes depuis , et par extension lemouvement qui en a fait l’objectif ultime à atteindre.

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Robert Comeau – lequel est aussi mon lointain cou-sin pour peu que l’on se donne la peine de remonterjusqu’aux comtes de Créancey –, d’avoir su fourbir lesarguments qui m’ont convaincu de me replonger dansmes dossiers en vue de rédiger cette modeste synthèse,et surtout les responsables des éditions Lux, notammentMark Fortier, qui ont aussitôt accepté l’idée de la publier.


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Introduction

Le dimanche octobre , alors que la campagnepour les élections présidentielles bat son plein aux

États-Unis, le train électoral affrété par le candidat socia-liste Eugene Debs, le Red special, a prévu de marquerun arrêt en gare de Braddock, Pennsylvanie. Sur le quai,pavoisé de drapeaux rouges pour la circonstance, un petitgroupe de militants locaux attend avec impatience. Ilsont personnellement été invités par le candidat à par-courir quelques kilomètres avec lui à bord de son trainde campagne pour assister aux prises de paroles prévuesdans toutes les petites gares qui jalonnent la voie avant legrand meeting qui se tiendra le soir même à Pittsburgh,Pennsylvanie, devant une salle archi-comble où

personnes n’auront pu trouver place. Ces militants senomment Louis Goaziou, Fernand Meuter, CasimirLegal, Zénobe Delwarte, Louis Teillet, V. Monack etLaurent Carré . Membres du Parti socialiste d’Amérique,tous exercent des responsabilités au sein des sectionssocialistes de langue française de Charleroi, Braddock,Sturgeon et MacDonald. Après celui qui a été fait à JulesCaumiant un mois avant eux à Carona (Kansas) dans descirconstances analogues, l’insigne honneur qui leur est

. L’Union des travailleurs, octobre .


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ainsi fait vaut reconnaissance officielle du rôle joué parles socialistes francophones de Pennsylvanie au cours decette campagne électorale.

Né lui-même de parents alsaciens ayant préféré s’exilerde France plutôt que d’accepter de devenir allemandsaprès l’annexion de , syndicaliste cheminot devenucélèbre au moment des grandes grèves de quilui ont également valu son premier séjour en prison,Eugene Debs est le dirigeant charismatique du tout jeuneParti socialiste d’Amérique qu’il a largement contribuéà fonder en . Ce parti a vu le nombre de ses adhé-rents progresser rapidement (il en a déjà plus de

en ), et il commence du même coup à compterdans le paysage social américain. En , à l’issue dela campagne présidentielle, Debs a obtenu un peu plusde voix. Cette année, il a lancé sa campagneplus tôt. Entre le août et le septembre, son trainélectoral a parcouru miles en traversant le paysd’Ouest en Est, s’arrêtant fois pour lui permettre detenir meeting. Plus de auditeurs ont assisté à cesréunions (dont à Chicago, à Kansas City, à San Diego, à Portland, etc.), et au vudes foules compactes qui se rassemblent dans toutes lesgares où il fait étape, Debs sait qu’il est assuré de progres-ser, même si l’on peut craindre que le système électoraltrès défavorable aux tiers partis ne décourage au derniermoment beaucoup de ses auditeurs de lui apporter leursuffrage.

Parmi ceux qui font le déplacement pour venir l’en-tendre, beaucoup sont des travailleurs d’origine étrangère,

. Nick Salvatore, Eugene V. Debs, Citizen and Socialist, Urbanaand Chicago, University of Illinois Press, .


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Introduction

arrivés depuis peu aux États-Unis en quête d’une vienouvelle. Or, si les travaux historiques bien informésmentionnent, de manière souvent assez détaillée, le rôlejoué dans l’histoire sociale des États-Unis par les immi-grés de diverses origines (Allemands, Irlandais, Italiens,Juifs, Bohémiens, Finlandais ou encore Russes), ils restenten général désespérément muets sur celui des Français.

Il y a sans doute plusieurs raisons qui peuvent expli-quer ce silence. La première par ordre d’importance tientévidemment au fait qu’elle-même terre d’immigrationouverte aux travailleurs venus de toute l’Europe, la Francen’a pas envoyé vers les États-Unis des contingents demigrants aussi massifs que la plupart de ses voisins euro-péens à l’époque des migrations de masse (-).Pourtant, année après année, des milliers de Françaissont vaille que vaille partis outre-Atlantique chercherfortune – ou plus prosaïquement un emploi leur permet-tant de faire vivre leur famille. Pour d’autres aussi, tropmarqués politiquement, il s’agissait d’échapper à la répres-sion ou à une mise à l’index qui les vouait à la misèreen les privant de travail. Reste que ces immigrés françaisn’ont jamais constitué un groupe ethnique auquel sonimportance numérique aurait conféré un poids suffisantpour faire en sorte qu’il doive être pris en compte, neserait-ce que localement – à la différence y compris desCanadiens francophones venus du Québec pour travailler« aux États » dans les usines de la Nouvelle-Angleterre.

Pourtant, à partir du milieu du xixe siècle et jusqu’à

la Première Guerre mondiale (et même un peu au-delà),on voit s’agréger autour de la frange radicalisée de l’im-migration française – ou plutôt francophone, car Belges,Luxembourgeois et Suisses, du fait qu’ils parlent eux aussi


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français, sont alors indistinctement étiquetés commeFrançais par les Américains – toute une nébuleuse mili-tante. Se développent ainsi aux États-Unis, voire mêmeau-delà de la frontière canadienne, une multitude d’orga-nisations de langue française – car le primat de la languesur la nationalité vaut aussi et d’abord pour les immi-grés eux-mêmes – se réclamant d’idéaux de progrès etde transformation sociale, et qui agissent au plan social,économique, et aussi politique pour tenter d’améliorer lavie des plus défavorisés. Dans l’attente de pouvoir créerde toutes pièces une société nouvelle, ils entendent biencommencer par contraindre la société américaine à offrirun sort meilleur à ses déshérités.

Il sera question dans ce livre des années -. Lapremière de ces dates voit la renaissance outre-Atlantiqued’un mouvement qui avait déjà joué un rôle non négli-geable au temps de la Première Internationale, avant dese déliter, puis de disparaître. Le choix de l’année

comme date terminale tient au fait qu’après cela, laFédération socialiste française indépendante aura défi-nitivement disparu au terme d’une lente agonie (de faiton perd pratiquement toute trace de ses activités à par-tir de l’automne ), après avoir été touchée de pleinfouet par l’éclatement de la Première Guerre mondialeen Europe et ses répercussions au sein des communautésfrançaises et belges immigrées aux États-Unis.

Dans un premier temps, en gros jusqu’à la fin duxix

e siècle, le mouvement social francophone, encore bal-butiant, est largement dominé par les anarchistes, qui ontréussi à s’implanter durablement dans un certain nombrede communautés minières de Pennsylvanie. Seule unepoignée de socialistes membres du petit Parti socialiste

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Introduction

ouvrier animé par Daniel De Leon, qui s’efforce de popu-lariser aux États-Unis une vulgate marxiste dogmatiquetout en prônant la participation aux élections, tente alors,sans grand succès, de leur disputer le terrain. Toutefois, àcompter de une évolution s’amorce, qui va à termeamener la quasi-totalité des militants francophones – ycompris l’immense majorité des anciens anarchistes ouanarcho-syndicalistes – à rejoindre la mouvance du toutjeune Parti socialiste d’Amérique (PSA) dès les premièresannées du xx

e siècle. Finalement constituée à la fin duprintemps (et donc à la veille de la déclaration deguerre) au terme d’un long processus ponctué d’avancéeset de reculs, la Fédération socialiste française se déclarerapeu après indépendante du PSA, et le restera jusqu’à sadisparition.

Il est indéniable que dans une perspective d’ensembleà l’échelle des États-Unis, cette histoire peut sembleranecdotique, d’où aussi le silence des historiens. Comptetenu de ses effectifs limités (on parle ici de quelquesmilliers de militants et de sympathisants – mais il fautquand même rappeler que le Parti socialiste d’Amérique,qui a dépassé la barre des adhérents en , estretombé à environ en -), la mouvanceradicale francophone a bien évidemment joué un rôlemoins marqué et surtout moins visible que les Allemandsou encore les Italiens.

Certes, avant même la période étudiée ici, les tenta-tives de créer des colonies agricoles idéales menées à laveille de la Guerre de Sécession par Cabet et ses dis-ciples communistes Icariens successivement au Texas, enIllinois et en Iowa, ainsi que celle lancée près de Dallas,Texas, par Victor Considerant et quelque fouriéristes


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ne sont pas passées totalement inaperçues. La place tenueau sein de la Première Internationale au début des années par les sections françaises, qui regroupaient pra-tiquement le tiers des adhérents américains lorsque leConseil général fut transféré à New York en , a égale-ment donné lieu à bon nombre de commentaires en sontemps. Tout comme la présence, jugée scandaleuse parles bien-pensants, de plusieurs centaines d’anciens com-battants de la Commune, arrivés à New York au momentmême où une véritable tempête médiatique se déchaînaitoutre-Atlantique contre les fédérés parisiens, les journauxaméricains pour une fois presque unanimes ayant reprissans le moindre esprit critique les informations men-songères de la presse versaillaise et s’étant répandu enimprécations contre les « bandits » et les « assassins » quiavaient terrorisé les « honnêtes » Parisiens durant plus dedeux mois .

Les immigrés Français ont par ailleurs donné au mou-vement ouvrier du Nouveau Monde des figures aussiemblématiques que Victor Drury (qui fut l’un des prin-cipaux idéologues des Chevaliers du travail au début desannées ) ou Lucien Sanial (le bras droit de Daniel DeLeon au sein du Socialist Labor Party, SLP). L’on verraaussi plus loin le rôle important joué par le Breton LouisGoaziou, non seulement par l’intermédiaire des journauxqu’il publia presque sans interruption de à ,mais également au plan national dans le Syndicat uni-fié des mineurs (United Mine Workers) et dans le Partisocialiste d’Amérique. Quant aux valeurs républicaines

. Voir Michel Cordillot, « La proscription communaliste auxÉtats-Unis, - », in L’Internationale, la Commune, l’exil, Paris,Éditions de l’Atelier, (à paraître).


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Introduction

et démocratiques professées par le jeune Debs, elles nesauraient avoir été totalement étrangères à son héritagefamilial. Mais tout cela n’a pas suffi à donner au mouve-ment social francophone une visibilité durable. Minoritéau sein d’une minorité, il n’est finalement guère surpre-nant que son existence et son action outre-Atlantiquesoient restées ignorées au plan de la macro histoire.

Pour peu néanmoins que l’on se donne la peine d’exa-miner les choses de près, on découvre le rôle aussiimportant que méconnu que ces militants de languefrançaise ont joué au plan local, syndicalement et poli-tiquement, et plus encore sans doute dans la mise enplace d’un réseau associatif extrêmement dense, dont laportée est allée bien au-delà du cercle des seuls activistespolitisés, jusqu’à impliquer la majorité des membres descommunautés francophones locales.

En fait, à travers l’histoire de ces drôles de Françaisd’Amérique, on voit apparaître en filigrane toute unesérie de questions plus vastes. L’intérêt de travailler surun groupe ethnique de dimension restreinte ne se limitepas en l’espèce à celui qui est propre à toute étude demicro histoire d’une manière générale. Il est aussi depermettre de porter un regard plus fin sur des questionsrelevant de processus sociaux ou politiques complexes,notamment ici sur les problèmes liés à l’immigration demasse et au processus d’insertion des migrants dans leursociété d’accueil, problèmes dont la compréhension estcruciale pour appréhender l’histoire des États-Unis danssa globalité.

Depuis les années , les historiens et les chercheursont substitué au modèle classique de la ruée des « déraci-nés » en quête d’un (improbable) « rêve américain » fonc-tionnant à la manière d’un pôle d’attraction irrésistible


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et universel, des schémas migratoires plus complexes,incluant des migrations en chaîne, des mouvementsd’aller-retour et des phénomènes de migration de retourd’une ampleur insoupçonnée. Une approche ciblée por-tant sur un groupe à la fois suffisamment important pourêtre significatif, et suffisamment restreint pour pouvoirêtre étudié au niveau des individus qui le composaient estde ce point de vue susceptible d’apporter des indicationsutiles. Une telle démarche permet également d’avoir unevision plus précise de la manière dont les migrants « trans-plantés », pour reprendre le terme popularisé par JohnBodnar , se sont avérés capables de mettre à profit leurculture, leurs valeurs, leurs réseaux ethniques, pour éla-borer des stratégies collectives destinées à compenser lesdiscriminations dont ils s’estimaient victimes, ou encoreatténuer l’inégalité des chances qui restait flagrante entreles individus, tant en ce qui concerne le marché du travailque de leurs possibilités d’insertion sociale.

En cherchant à comprendre comment l’identité desimmigrés que l’on va croiser dans ce livre s’est construitedans sa triple dimension sociale (en tant que travailleurs),politique (en tant qu’agents œuvrant à transformer lasociété), et ethnique (en tant qu’immigrés francophones),on aborde finalement de manière frontale la question trèsdébattue de « l’ethnicité », cette forme de conscience néede l’expérience collective des immigrés qui transformela perception qu’ils ont d’eux-mêmes, et donc celle durythme, des modalités et des limites de l’acculturationde ces mêmes immigrés.

. John Bodnar, The Transplanted. A History of Immigrants inUrban America, Bloomington, Indiana University Press, .


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Introduction

L’histoire brossée ici est celle d’un mouvement depuislongtemps tombé dans l’oubli, et c’est donc d’abordà l’une de ces défaillances de la mémoire dont l’histo-riographie est assez coutumière s’agissant des « classessubalternes » ou des vaincus que ce petit ouvrage sou-haite remédier. Mais il a aussi pour ambition de proposerau passage des pistes de réflexions plus larges à propos decertains phénomènes sociaux qui ont été constitutifs del’identité américaine.

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cet ouvrage a été imprimé en septembre

2009 sur les presses des ateliers de

l’imprimerie marquis pour le compte de

lux, éditeur àl’enseigned’unchiend’orde

légende dessiné par robert lapalme

Il a été composé avec LATEX, logiciel librepar Sébastien Mengin

La révision du texte et la correction des épreuvesont été réalisées par Thomas Déri

Lux Éditeurc.p. , succ. de LorimierMontréal, Qc HH V

Diffusion et distributionAu Canada : Flammarion

En Europe : Harmonia Mundi

Imprimé au Québecsur papier recyclé % postconsommation


Michel Cordillot

Révolutionnaires duNouveau MondeUne brève histoire du mouvement socialiste francophone aux États-Unis (1885-1922)

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Le socialisme eut son heure de gloire aux États-Unis entre1885 et 1922. Cette histoire est connue. Ce qui l’est moins,toutefois, c’est la contribution de l’immigration française àce mouvement politique. Des exilés de la Commune deParis aux mineurs du nord de la France, nombreux sont lesouvriers et militants francophones qui ont poursuivi leursluttes politiques aux États-Unis après y avoir élu domicile.L’historien Michel Cordillot nous rappelle dans ce livre lesluttes, les espoirs et la vie quotidiennes de ces socialistesfrançais d’Amérique.

Révolutionnaires du Nouveau Monde, c’est aussi unlivre sur l’immigration. À travers l’histoire de ces drôles deFrançais d’Amérique, on découvre en effet toutes les diffi-cultés, les espérances et les modalités d’acculturations auNouveau Monde. Une expérience qui n’est pas sans rap -peler celle des Canadiens français exilés en Nouvelle-Angleterre, avec lesquels ces socialistes eurent parfoismaille à partir.

Michel Cordillot est professeur d’histoire à l’UniversitéParis 8.

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