35
S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement précoce et chaud. Depuis les douces matinées jusqu'aux calmes et tièdes soirées, le soleil faisait germer toute la surface de la terre. C'était une brusque et puissante éclosion de tous les germes en même temps, une de ces irrésistibles poussées de sève, une de ces ardeurs à renaître que la nature montre quelquefois en des années privilégiées qui feraient croire à des rajeunissements du monde. 2. -- Jeanne se sentait vaguement troublée par cette fermentation de vie. Elle avait des alanguissements subits en face d'une petite fleur dans l'herbe, des mélancolies délicieuses, des heures de mollesse rêvassante. Puis elle se sentit envahie par des souvenirs attendris des premiers temps de son amour ; non qu'il lui revînt au cœur un renouveau d'affection pour Julien, c'était fini, cela, bien fini pour toujours ; mais toute sa personne, caressée des brises, enivrée des odeurs du printemps, se troublait, comme sollicitée par quelque invisible et tendre appel. Elle se plaisait à être seule, à s'abandonner sous la chaleur du soleil, toute parcourue de sensations, de jouissances vagues et sereines qui n'éveillaient point d'idées. 3. -- Un matin, comme elle somnolait ainsi, une vision la traversa, une vision rapide de ce trou ensoleillé au milieu des sombres feuillages, dans le petit bois près d'Etretat. C'est là que, pour la première fois, elle avait senti frémir son corps auprès de ce jeune homme qui l'aimait alors ; c'est là qu'il avait balbutié, pour la première fois, le timide désir de son cœur ; c'est aussi là qu'elle avait cru toucher tout à coup l'avenir radieux de ses espérances. Et elle voulait revoir ce bois, y faire une sorte de pèlerinage sentimental et superstitieux, comme si un retour à ce lieu devait changer quelque chose à la marche de sa vie. Julien était parti dès l'aube, elle ne savait où. Elle fit donc seller le petit cheval blanc des Martin, qu'elle montait quelquefois maintenant ; et elle partit. 4. -- C'était par une de ces journées si tranquilles que rien ne remue nulle part, pas une herbe, pas une feuille ; tout semble immobile pour jusqu'à la fin des temps, comme si le vent était mort. On dirait disparus les insectes eux-mêmes. Un calme brûlant et souverain descendait du soleil, insensiblement, en buée d'or ; et Jeanne allait au pas de son bidet, bercée, heureuse. De temps en temps elle levait les yeux pour regarder un tout petit nuage blanc, gros comme une pincée de coton, un flocon de vapeur suspendu, oublié, resté là haut, tout seul, au milieu du ciel bleu. 5. -- Elle descendit dans la vallée qui va se jeter à la mer, entre ces grandes arches de la falaise qu'on nomme les portes d'Etretat, et tout doucement elle gagna le bois. Il pleuvait de la lumière à travers la verdure encore grêle. Elle cherchait l'endroit sans le retrouver, errant par les petits chemins. Tout à coup, en traversant une longue allée, elle aperçut tout au bout deux chevaux de selle attachés contre un arbre, et elle les reconnut aussitôt ; c'étaient ceux de Gilberte et de Julien. La solitude commençait à lui peser ; elle fut heureuse de cette rencontre imprévue ; et elle mit au trot sa monture. D'après Guy de Maupassant – Une vie Expliquer les mots : (dictionnaire) Précoce, éclosion, balbutier, souverain, arche, grêle, errer. Des alanguissements subits : des relâchements soudains, des faiblesses subites, qui arrivent tout d'un coup. Préciser les idées : Que signifie : « Il pleuvait de la lumière à travers la verdure encore grêle. » Le printemps ne fait pas seulement pousser les plantes. Il exerce un certain effet sur Jeanne … - 5 ème période – p. 196

S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

  • Upload
    others

  • View
    8

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

S29 Le printemps

LectureLe printemps en Normandie

1. -- Le printemps fut singulièrement précoce et chaud. Depuis les douces matinées jusqu'aux calmes et tièdes soirées, le soleil faisait germer toute la surface de la terre. C'était une brusque et puissante éclosion de tous les germes en même temps, une de ces irrésistibles poussées de sève, une de ces ardeurs à renaître que la nature montre quelquefois en des années privilégiées qui feraient croire à des rajeunissements du monde.

2. -- Jeanne se sentait vaguement troublée par cette fermentation de vie. Elle avait des alanguissements subits en face d'une petite fleur dans l'herbe, des mélancolies délicieuses, des heures de mollesse rêvassante.Puis elle se sentit envahie par des souvenirs attendris des premiers temps de son amour ; non qu'il lui revînt au cœur un renouveau d'affection pour Julien, c'était fini, cela, bien fini pour toujours ; mais toute sa personne, caressée des brises, enivrée des odeurs du printemps, se troublait, comme sollicitée par quelque invisible et tendre appel. Elle se plaisait à être seule, à s'abandonner sous la chaleur du soleil, toute parcourue de sensations, de jouissances vagues et sereines qui n'éveillaient point d'idées.

3. -- Un matin, comme elle somnolait ainsi, une vision la traversa, une vision rapide de ce trou ensoleillé au milieu des sombres feuillages, dans le petit bois près d'Etretat. C'est là que, pour la première fois, elle avait senti frémir son corps auprès de ce jeune homme qui l'aimait alors ; c'est là qu'il avait balbutié, pour la première fois, le timide désir de son cœur ; c'est aussi là qu'elle avait cru toucher tout à coup l'avenir radieux de ses espérances.Et elle voulait revoir ce bois, y faire une sorte de pèlerinage sentimental et superstitieux, comme si un retour à ce lieu devait changer quelque chose à la marche de sa vie. Julien était parti dès l'aube, elle ne savait où. Elle fit donc seller le petit cheval blanc des Martin, qu'elle montait quelquefois maintenant ; et elle partit.

4. -- C'était par une de ces journées si tranquilles que rien ne remue nulle part, pas une herbe, pas une feuille ; tout semble immobile pour jusqu'à la fin des temps, comme si le vent était mort. On dirait disparus les insectes eux-mêmes. Un calme brûlant et souverain descendait du soleil, insensiblement, en buée d'or ; et Jeanne allait au pas de son bidet, bercée, heureuse. De temps en temps elle levait les yeux pour regarder un tout petit nuage blanc, gros comme une pincée de coton, un flocon de vapeur suspendu, oublié, resté là haut, tout seul, au milieu du ciel bleu.

5. -- Elle descendit dans la vallée qui va se jeter à la mer, entre ces grandes arches de la falaise qu'on nomme les portes d'Etretat, et tout doucement elle gagna le bois. Il pleuvait de la lumière à travers la verdure encore grêle. Elle cherchait l'endroit sans le retrouver, errant par les petits chemins.Tout à coup, en traversant une longue allée, elle aperçut tout au bout deux chevaux de selle attachés contre un arbre, et elle les reconnut aussitôt ; c'étaient ceux de Gilberte et de Julien. La solitude commençait à lui peser ; elle fut heureuse de cette rencontre imprévue ; et elle mit au trot sa monture.

D'après Guy de Maupassant – Une vie

Expliquer les mots : (dictionnaire) Précoce, éclosion, balbutier, souverain, arche, grêle, errer.Des alanguissements subits : des relâchements soudains, des faiblesses subites, qui arrivent tout d'un coup.

Préciser les idées : Que signifie : « Il pleuvait de la lumière à travers la verdure encore grêle. » Le printemps ne fait pas seulement pousser les plantes. Il exerce un certain effet sur Jeanne …

- 5ème période – p. 196

Page 2: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

GrammaireLes fonctions de l'infinitif

Le soleil faisait germer toute la surface de la terre.La nature montre son ardeur à renaître .

Elle fait croire au rajeunissement du monde

Explications : Trouver le verbe à l'infinitif dans chaque phrase. Quel mot précise-t-il, complète-t-il ?

• Le verbe à l'infinitif a une fonction dans la phrase.

• Il peut être - complément de verbe : - complément de nom

Analyse : germer : verbe à l'infinitif, invariable, complément d'objet direct du verbe 'faisait' renaître : verbe à l'infinitif, invariable, complément du nom 'ardeur'

• L'infinitif est un peu le « nom » du verbe, mais il est invariable.

Exercices

258)Remplacer les groupes de nom soulignés par un verbe à l'infinitifJe pense que j'arriverai vers neuf heures.Les enfants espèrent qu'ils verront tomber la neige.Les bon élèves travaillent pour qu'ils plaisent à leurs parents.Les autres préfèrent qu'ils aient du temps pour jouer.

259)Analyser les mots soulignés :Jeanne voulait profiter du soleil. Elle préfère se promener. Elle a cherché longtemps avant de retrouver le petit bois. Les promeneurs souhaitent rentrer tôt. Le témoin a le devoir de parler.

260)Même exercice :Lire ouvre l'esprit. Il ne faut pas manger la soupe avant de la cuire.Mon cousin a la passion de grimper. Il est alpiniste. Mais il ne veut pas risquer sa vie.Je veux garder du temps pour jouer.Souffler n'est pas jouer.

- 5ème période – p. 197

Page 3: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

ConjugaisonLes modes

Retrouvez tous les verbes conjugués de la lecture. Et dites à quel mode et à quel temps ils sont.

Tableau de la conjugaison française( en grisé, les temps que nous n'avons pas appris)

Temps simples Temps composésMode Indicatif

Présent : Je chante Passé composé : J'ai chantéImparfait : je chantais Plus que parfait : J'avais chantéPassé simple : je chantai Passé antérieur J'eus chantéFutur simple : je chanterai Futur antérieur : J'aurai chanté

Mode impératifPrésent : Chante ! Passé : Aie chanté

Mode conditionnelPrésent : Je chanterais Passé : j'aurais chanté

Mode subjonctifPrésent : que je chante Passé : que j'aie chantéImparfait : que je chantasse Plus que parfait : que j'eusse chanté

Mode participePrésent : chantant Passé : chanté

Mode infinitifChanter

Remarque : Les participes et l'infinitif ne se conjuguent pas. L'infinitif, c'est le nom du verbe.

Exercices

261)Conjuguer le verbe fleurir (2ème groupe) à tous les temps connus.

- 5ème période – p. 198

Page 4: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Vocabulaire - RédactionPrintemps

Le printemps était venu tout doucement. Les arbres nus frémissaient sous la brise encore fraîche, mais dans l'herbe humide des fossés, où pourrissaient les feuilles de l'automne, les primevères jaunes commençaient à se montrer. De toute la plaine, des cours de ferme, des champs détrempés, s'élevait une senteur d'humidité, comme un goût de fermentation. Et une foule de petites pointes vertes sortait de la terre brune et luisait aux rayons du soleil.

G. de Maupassant – Une vie

Préciser les idées : Comment ressentez-vous ce printemps-ci ? Comparez-le à celui de la lecture, qui est du même auteur, dans le même roman.

VocabulaireC'était une brusque et puissante éclosion de tous les germes en même temps, une de ces

irrésistibles poussées de sève.

Un calme brûlant et souverain descendait du soleil, insensiblement.Elle fut heureuse de cette rencontre imprévue

Explication : expliquer la formation des mots en italique. De quel mot viennent-ils? Quel sont ses préfixes ou suffixes ?

Ex : irrésistible

Résister, avec le suffixe -ible se transforme en adjectif qualificatif, avec le sens de « qui peut résister ». Avec le préfixe négatif ir- (in- devient ir- devant résitible), irrésistible

• Les mots complexes sont souvent faciles à décomposer : préfixe – racine - suffixe

Exercice : 262)Expliquer la construction des mots en italique : – insensiblement - imprévue - éclosion

____________________________

Jeanne avait des alanguissements subits

Que signifie « subits » (dictionnaire) ; Si on avait écrit « subis » le sens serait-il le même ? Qu'est-ce que le mot « subis » sans le 't' ?

• Remarque : En Français, l'orthographe est très précise et très importante.

Rédaction.Allons dans le parc, dans le jardin voisin, dans la nature.Observons … Cultivons nos impressions … Cherchons les mots précis, les remarques particulières ..

SujetLe printemps

Orthographe

• Le sujet du verbe est quelquefois inversé.

• Il faut toujours trouver précisément le sujet du verbe.

- 5ème période – p. 199

Page 5: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Lecture supplémentaire

Il a plu

Il a plu. Soir de Juin. Ecoute.Par la fenêtre large ouverte,Tomber le reste de l'averseDe feuille à feuille, goutte à goutte.

C'est l'heure choisie entre toutesOù flotte à travers la campagneL'odeur de vanille qu'exhaleLa poussière humide des routes

L'hirondelle joyeuse jase,Le soleil déclinant se croiseAvec la nuit sur les collines ;

Et son mourant sourire essuieSur la chair pâle des glycinesLes cheveux d'argent de la pluie.

Charles Guérin (Le coeur solitaire)

Printemps

Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire !Voici le printemps ! Mars, avril au doux sourire,Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !Les peupliers, au bord des fleuves endormis,Se corbent mollement comme de grandes palmes ;L'oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ;Il semble que tout rit, et que les arbres vertsSont joyeux d'être ensemble et se disent des vers.Le jour naît couronné d'une aube fraîche et tendre ;Le soir est plein d'amour ; la nuit, on croit entendre,A travers l'ombre immense et sous le ciel béni,Quelque chose d'heureux chanter dans l'infini.

Victor Hugo

Le sentier au printemps

L'aubépine fleurit ; les frêles pâquerettes,Pour fêter le printemps ont mis leurs collerettes :La pâle violette en son réduit obscur,Timide, essaye au jour son doux regard d'azur,Et le gai bouton d'or, lumineuse parcelle,Pique le gazon vert de sa jaune étincelle.Le muguet, tout joyeux, agite ses grelots.Et les sureaux sont blancs des bouquets frais éclots ;Les fossés ont des fleurs à remplir vingt corbeilles,A rendre riche en miel tout un peuple d'abeilles.Sous la haie embaumée, un mince filet d'eauJase et fait frissonner le verdoyant rideauDu cresson. - Ce sentier, tel qu'il est, moi je l'aime.

Théophile Gautier – Poésies

- 5ème période – p. 200

Page 6: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

S30 La mèreLecture

Ma mère1. -- Ma mère !... Déjà deux ou trois fois, dans le cours de ces notes, j'ai prononcé son nom, mais sans m'y arrêter, comme en passant. Il semble qu'au début elle n'ait été pour moi que le refuge naturel, l'asilecontre toutes les frayeurs de l'inconnu, contre tous les chagrins noirs qui n'avaient pas de cause définie.Mais je crois que la plus lointaine fois où son image m'apparaît bien réelle et vivante, dans un rayon-nement de vraie et ineffable tendresse, c'est un matin du mois de mai, où elle entra dans ma chambre suivie d'un rayon de soleil et m'apportant un bouquet de jacinthes rosés. Je relevais d'une de ces petites maladies d'enfant, — rougeole ou bien coqueluche, je ne sais quoi de ce genre, — on m'avait condamné à rester couché pour avoir bien chaud, et, comme je devinais, à des rayons qui filtraient par mes fenêtres fermées, la splendeur nouvelle du soleil et de l'air, je me trouvais triste entre les rideaux de mon lit blanc; je voulais me lever, sortir ; je voulais surtout voir ma mère, ma mère à tout prix...

2. -- La porte s'ouvrit, et ma mère entra, souriante. Oh ! je la revois si bien encore, telle qu'elle m'apparut là, dans l'embrasure de cette porte, arrivant accompagnée d'un peu du soleil et du grand air du dehors. Je retrouve tout, l'expression de son regard rencontrant le mien, le son de sa voix, même les détails de sa chère toilette, qui paraîtrait si drôle et si surannée aujourd'hui. Elle revenait de faire quelque course matinale en ville. Elle avait un chapeau de paille avec des roses jaunes et un châle en barège lilas (c'était l'époque du châle) semé de petits bouquets d'un violet plus foncé. Ses papillotes noires — ses pauvres bien-aimées papillotes qui n'ont pas changé de forme, mais qui sont, hélas! éclaircies et toutes blanches aujourd'hui — n'étaient alors mêlées d'aucun fil d'argent. Elle sentait une odeur de soleil et d'été qu'elle avait prise dehors. Sa figure de ce matin-là, encadrée dans son chapeau à grand bavolet, est encore absolument présente à mes yeux.

3. -- Avec ce bouquet de jacinthes rosés, elle m'apportait aussi un petit pot à eau et une petite cuvette de poupée, imités en extrême miniature de ces faïences à fleurs qu'ont les bonnes gens dans les villages.Elle se pencha sur mon lit pour m'embrasser, et alors je n'eus plus envie de rien, ni de pleurer, ni de me lever, ni de sortir; elle était là, et cela me suffisait; je me sentais entièrement consolé, tranquillisé, changé, par sa bienfaisante présence...Je devais avoir un peu plus de trois ans lorsque ceci se passait, et ma mère, environ quarante-deux. Mais j'étais sans la moindre notion sur l'âge de ma mère ; l'idée ne me venait seulement jamais de me demander si elle était jeune ou vieille; ce n'est même qu'un peu plus tard que je me suis aperçu qu'elle était bien jolie. Non, en ce temps-là, c'était elle, voilà tout; autant dire une figure tout à fait unique, que je ne songeais à comparer à aucune autre, d'où rayonnaient pour moi la joie, la sécurité, la tendresse, d'où émanait tout ce qui était bon, y compris la foi naissante et la prière...

4. -- Et je voudrais, pour la première apparition de cette figure bénie dans ce livre de souvenir, la saluer avec des mots à part, si c'était possible, avec des mots faits pour elle et comme il n'en existe pas; des mots qui à eux seuls feraient couler les larmes bienfaisantes, auraient je ne sais quelle douceur de conso-lation et de pardon; puis renfermeraient aussi l'espérance obstinée, toujours et malgré tout, d'une réunion céleste sans fin... Car, puisque je touche à ce mystère et à cette inconséquence de mon esprit, je vais dire ici en passant que ma mère est la seule au monde de qui je n'aie pas le sentiment que la mort me séparera pour jamais. Avec d'autres créatures humaines, que j'ai adorées de tout mon cœur, de toute mon âme, j'ai essayé ardemment d'imaginer un après quelconque, un lendemain quelque part ailleurs, je ne sais quoi d'immatériel ne devant pas finir; mais non, rien, je n'ai pas pu — et toujours j'ai eu horriblement conscience du néant des néants, de la poussière des poussières. Tandis que, pour ma mère, j'ai presque gardé intactes mes croyances d'autrefois. Il me semble encore que, quand j'aurai fini de jouer en ce monde mon bout de rôle misérable; fini de courir, par tous les chemins non battus, après l'impossible; fini d'amuser les gens avec mes fatigues et mes angoisses, j'irai me reposer quelque part où ma mère, qui m'aura devancé, me recevra; et ce sourire de sereine confiance, qu'elle a maintenant, sera devenu alors un sourire de triomphante certitude.

- 5ème période – p. 201

Page 7: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

5. -- Il est vrai, je ne vois pas bien ce que sera ce lieu vague, qui m'apparaît comme une pâle vision grise, et les mots, si incertains et flottants qu'ils soient, donnent encore une forme trop précise à ces conceptions de rêve. Et même (c'est bien enfantin ce que je vais dire là, je le sais), et même, dans ce lieu, je me représente ma mère ayant conservé son aspect de la terre, ses chères boucles blanches, et les lignes droites de son joli profil, que les années m'abîment peu à peu, mais que j'admire encore. La pensée que le visage de ma mère pourrait un jour disparaître à mes yeux pour jamais, qu'il ne serait qu'une combinaison d'éléments susceptibles de se désagréger et de se perdre sans retour dans l'abîme universel, cette pensée, non seulement me fait saigner le cœur, mais aussi me révolte, comme inadmissible et monstrueuse. Oh! non, j'ai le sentiment qu'il y a dans ce visage quelque chose d'à part que la mort ne touchera pas. Et mon amour pour ma mère, qui a été le seul stable des amours de ma vie, est d'ailleurs si affranchi de tout lien matériel, qu'il me donne presque confiance, à lui seul, en une indestructible chose, qui serait l'âme; et il me rend encore, par instants, une sorte de dernier et inexplicable espoir...

6. -- Je ne comprends pas très bien pourquoi cette apparition de ma mère auprès de mon petit lit de malade, ce matin, m'a tant frappé, puisqu'elle était presque constamment avec moi. Il y a là encore des dessous très mystérieux; c'est comme si, à ce moment particulier, elle m'avait été révélée pour la première fois de ma vie.Et pourquoi, parmi mes jouets d'enfant conservés, ce pot à eau de poupée a-t-il pris, sans que je le veuille, une valeur privilégiée, une importance de relique? Tellement qu'il m'est arrivé, au loin, sur mer, à des heures de danger, d'y repenser avec attendrissement et de le revoir, à la place qu'il occupe depuis des années, dans une certaine petite armoire jamais ouverte, parmi d'autres débris; tellement que, s'il dis-paraissait, il me manquerait une amulette que rien ne me remplacerait plus.

7. --Et ce pauvre châle de barège lilas, reconnu dernièrement parmi des vieilleries qu'on voulait donner à des mendiantes, pourquoi l'ai-je fait mettre de côté comme un objet précieux ?... Dans sa couleur, au-jourd'hui fanée, dans ses petits bouquets rococos d'un dessin indien, je retrouve encore comme une protection bienfaisante et un sourire; je crois même que j'y retrouve du calme, de la confiance douce, presque de la foi; il s'en échappe pour moi toute une émanation de ma mère enfin, mêlée peut-être aussi à un regret mélancolique pour ces matins de mai d'autrefois qui étaient plus lumineux que ceux de nos jours...En vérité, je crains qu'il ne paraisse bien ennuyeux à beaucoup de gens, ce livre, — le plus intime d'ail-leurs que j'aie jamais écrit.

Pierre Loti – Le roman d'un enfant

Expliquer les mots : surannée : démodée, vieillotte ; barège: étoffe de laine légère ; des papillottes : des boucles des cheveux qui descendent des deux côtés du visage.

Préciser les idées : Que veut donc dire Pierre Loti au paragraphe 4 ? Pourquoi craint-il, dans sa dernière phrase, que son livre soit ennuyeux ?

- 5ème période – p. 202

Page 8: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

GrammaireLe complément d'objet indirect

On a donné le châle à des mendiants.Depuis, Pierre pense à ce châle tous les jours.Il parle de sa mère avec une grande émotion.

Explications : Oralement, analyser chaque mot de la phrase « On a donné le châle à des mendiants.»

Remarque : quand une préposition relie un complément au verbe ; ce complément est indirect.Châle est complément d'objet. Il n'a pas de préposition pour le relier au verbe. Il est complément d'objet direct. Mendiants n'est pas un complément circonstanciel ; c'est un complément d'objet indirect

De la même façon, analyser les mots en italique de la deuxième, puis de la dernière phrase. Leçon

• Le complément d'objet indirect est relié au verbe par une préposition (à ou de)

Remarque : On peut le vérifier par la question « à qui, à quoi ? » ou « de qui, de quoi ? »Pierre a donné (quoi ?) le châle ( : COD) ... (à qui ?) à des mendiants ( : COI )

Pierre pense (à quoi ?) à ce châle ( : COI )______________________________

Attention : Analyser tous les mots de cette phrase:

L'auteur nous décrit sa mère.À qui l'auteur décrit-il sa mère ? À nous ! Avec un pronom personnel COI, on n'entend pas la préposition, mais il est quand même indirect.

Remarque : Direct ou indirect ? Cela dépend du verbe : • Certains verbes n'ont que des compléments d'objet directs. Ce sont des verbes

transitifs directs : (manger, attraper, soigner, aimer, ...)

• Certains verbes n'ont que des compléments d'objet indirects. Ce sont des verbes transitifs indirects : (parler de ..., rêver de ..., penser à ..., songer à ..., ...)

• Certains verbes n'ont pas de complément d'objet. Ce sont des verbes intransitifs. (marcher, nager, partir, ... )

(On peut remarquer que beaucoup de verbe ont plusieurs sens : transitif,intransitif, direct ou indirect : parler une langue étrangère -transitif direct- /// Parler à quelqu'un de quelque chose -transitif indirect-)

Exercices

263)Analyser les mots soulignés : Le libraire vend des livres à ses clients.Nous lui achèterons des bandes dessinées.Les élèves du CP parlent de leurs Pokémons à chaque récréation.Ils rêvent de devenir des héros.

264)Souligner les verbes intransitifs d'un seul trait, les verbes transitifs de deux traits. Ecrivez dessous un D s'ils sont directs, un I s'ils sont indirects.

Les sportifs courent au moins une fois par semaine.Ils veulent gagner les compétitions. Mais lorsqu'ils ont perdu une course, ils rêvent de la prochaine compétition.

265)CM2 : Analyser les mots soulignésMon père lit un livre de Loti. Je le lui prends souvent. Il me le reprend toujours, quand il le retrouve.

- 5ème période – p. 203

Page 9: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

ConjugaisonRévisions : Les formes de la phrase – Voix active et passive

Je ne comprends pas très bien ...Pourquoi ce pot à eau de poupée a-t-il pris une valeur privilégiée, une importance de relique?

Son visage était encadré par les rubans de son chapeau.

Explications : Pour chacune de ces trois phrases, dites si elle est :–à la forme affirmative, négative, interrogative, interro-négative–à la voix active ou à la voix passive.

Leçon

• Il y a quatre formes de phrases : affirmative, négative, interrogative et interro-négative

• Il y a deux voix : la voix active et la voix passive.

Remarque : Les voix et les formes peuvent bien sûr cohabiter dans la même phrase

Conjugaison

Voix passive / négative Voix passive / interrogative Voix passive / interro-négativeJe ne suis pas étonné. Suis-je étonné ? Ne suis-je pas étonné ?

Tu ne seras pas rattrapé. Seras-tu rattrapé ? Ne seras-tu pas rattrapé ?Elle n'était pas connue. Était-elle connue ? N'était-elle pas connue ?

Nous n'avons pas été pris. Avons-nous été pris ? N'avons-nous pas été pris ?Vous n'auriez pas été

prévenus à temps.Auriez-vous été prévenus à

temps ?N'auriez-vous pas été prévenus à

temps ?Ils ne furent pas retrouvés Furent-ils retrouvés ? Ne furent-ils pas retrouvés ?

Exercices oraux ou écrits

266)Reconnaître les modes et les temps de tous les verbes du tableau.

267)Mettre à la voix active (respectez les modes et temps des verbes, ainsi que la forme des phrases – remarque : quand il n'y a pas de complément d'agent pour faire le sujet à la voix active, on dit « on »)

Les exercices de conjugaison sont écrits au tableau par la maîtresse.Les poissons ont été pris par les mailles du filet invisible.Tous les cahiers auraient-il été perdus par nous ?Les oiseaux ne sont-ils pas privés de nourriture par l'hiver ?La première croisade fut décimée par des bandits.

268)Souligner les verbes. Écrire dessous leur mode (Ind., Imp., Cond., Subj, Part., Inf.) et leur temps

Il est vrai, je ne vois pas bien ce que sera ce lieu vague, qui m'apparaît comme une pâle vision grise, et

les mots, si incertains et flottants qu'ils soient, donnent encore une forme trop précise à ces conceptions

de rêve. Et même (c'est bien enfantin ce que je vais dire là, je le sais), et même, dans ce lieu, je me

représente ma mère ayant conservé son aspect de la terre, ses chères boucles blanches, et les lignes

droites de son joli profil, que les années m'abîment peu à peu, mais que j'admire encore. La pensée que

le visage de ma mère pourrait un jour disparaître à mes yeux pour jamais, qu'il ne serait qu'une

- 5ème période – p. 204

Page 10: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

combinaison d'éléments susceptibles de se désagréger et de se perdre sans retour dans l'abîme

universel, cette pensée, non seulement me fait saigner le cœur, mais aussi me révolte, comme

inadmissible et monstrueuse. Oh! non, j'ai le sentiment qu'il y a dans ce visage quelque chose d'à part

que la mort ne touchera pas. Et mon amour pour ma mère, qui a été le seul stable des amours de ma vie,

est d'ailleurs si affranchi de tout lien matériel, qu'il me donne presque confiance, à lui seul, en une

indestructible chose, qui serait l'âme; et il me rend encore, par instants, une sorte de dernier et

inexplicable espoir...

__________________________________

- 5ème période – p. 205

Page 11: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Vocabulaire – RédactionLe bonsoir ...

Ma seule consolation, quand je montais me coucher, était que maman viendrait m'embrasser quand je serais dans mon lit. Mais ce bonsoir durait si peu de temps et elle redescendait si vite, que le moment où je l'entendais monter [...] était pour moi un moment douloureux. Il annonçait celui qui allait le suivre, où elle m'aurait quitté, où elle serait redescendue. De sorte que ce bonsoir que j'aimais tant, j'en arrivais à souhaiter qu'il vînt le plus tard possible, à ce que se prolongeât le temps de répit où maman n'était pas encore venue. Quelquefois quand, après m'avoir embrassé, elle ouvrait ma porte pour partir, je voulais la rappeler, lui dire « embrasse-moi une fois encore », mais je savais qu'aussitôt elle aurait son visage fâché, car [...] ce baiser de paix, agaçait mon père qui trouvait ces rites absurdes [...]. Or la voir fâchée détruisait tout le calme qu'elle m'avait apporté un instant avant, quand elle avait penché vers mon lit sa figure aimante, et me l'avait tendue comme une hostie pour une communion de paix où mes lèvres puiseraient sa présence réelle et le pouvoir de m'endormir. Mais ces soirs-là, où maman en somme restait si peu de temps dans ma chambre, étaient doux encore en comparaison de ceux où il y avait du monde à dîner et où, à cause de cela, elle ne montait pas me dire bonsoir.

M. Proust - Du côté de chez SwannExpliquer les mots : un répit, des rites, absurdes ...

Préciser les idées : Pourquoi le moment où la maman montait était-il presque douloureux ? Pourquoi l'enfant ne demande pas « embrasse-moi une fois encore » ? Quels sont les soirs les plus difficiles ?

Vocabulaire

Embrasser, redescendre, apporter, s'endormir ...Em-bras-ser, re-descendre, ap-porter, s'en-dormir ...

• On peut fabriquer des mots en ajoutant préfixe et suffixe à une racine.

269)Construire des mots de la famille de : Bras – jambe – tour – cerner – rang – prendre – dire – tenir -

Rédaction

SujetMa mère ... Ce que je lui dois ... Attendez-vous le bonsoir de votre mère, de votre grand-mère ?Rappelez-vous l'arrivée de votre mère alors que vous l'attendiez. ...

Orthographe

• Où pronom relatif ou interrogatif, indiquant le lieu a un accent.

• Ou, conjonction de coordination signifiant « ou bien » n'a pas d'accent.

• Les verbes en -rai sont soit à l'indicatif futur (on est sûr que cela arrivera) : - rai soit au conditionnel présent (on n'est pas sûr ....) : - rais

- 5ème période – p. 206

Page 12: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Lecture supplémentaire

Tu es belle, ma mère...

Tu es belle, ma mère.Comme un pain de froment,Et dans tes yeux d'enfantLe monde tient à l'aise.

Ta chanson est pareilleAu bouleau argentéQue le matin couronneD'un murmure d'abeilles.

Tu sens bon la lavande.La cannelle et le lait,Ton cœur candide et fraisParfume la maison.

Et l'automne est si douxAutour de tes cheveuxQue les derniers coucousViennent te dire adieu.

Maurice CARÊME

Il y a plus de fleurs

Il y a plus de fleurs Pour ma mère, en mon cœur,Que dans tous les vergers ;

Plus de merles rieursPour ma mère, en mon cœur,Que dans le monde entier ;

Et bien plus de baisersPour ma mère, en mon cœur,Qu’on en pourrait donner.

Maurice Carême

- 5ème période – p. 207

Page 13: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

S31 Les bateauxLecture

Le port de Marseille1 -- C'était, à perte de vue, un fouillis de mâts, de vergues, se croisant dans tous les sens. Pavillons de tous les pays, russes, grecs, suédois, tunisiens, américains ... Les navires au ras du quai, les beauprés arrivant sur la berge comme des rangées de baïonnettes. Au-dessous, les naïades, les déesses, les saintes vierges et autres sculptures de bois peint qui donnent le nom au vaisseau ; tout cela mangé par l'eau de mer, dévoré, ruisselant, moisi. De temps en temps, entre les navires, un morceau de mer, comme une grande moire tachée d'huile... Dans l'enchevêtrement des vergues, des nuées de mouettes faisant de jolies taches sur le ciel bleu, des mousses qui s'appelaient dans toutes les langues. Sur le quai, au milieu des ruisseaux qui venaient des savonneries, verts, épais, noirâtres, chargés d'huile et de soude, tout un peuple de douaniers, de commissionnaires, de portefaix avec leurs bogheys attelés de petits chevaux corses.2 -- Des magasins de confections bizarres, des baraques enfumées où les matelots faisaient leur cuisine, des marchands de pipes, des marchands de singes, de perroquets, de cordes, de toiles à voiles, des bric-à-brac fantastiques où s'étalaient pêle-mêle de vieilles couleuvrines, de grosses lanternes dorées, de vieux palans, de vieilles ancres édentées, vieux cordages, vieilles poulies, vieux porte-voix, lunettes marines du temps de Jean Bart et de Duguay-Trouin. Des vendeuses de moules et de clovisses accroupies et piaillant à côté de leurs coquillages. Des matelots passant avec des pots de goudron, des marmites fumantes, de grands paniers pleins de poulpes qu'ils allaient laver dans l'eau blanchâtre des fontaines.Partout, un encombrement prodigieux de marchandises de toute espèce : soieries, minerais, trains de bois, saumons de plomb, draps, sucres, caroubes, colzas, réglisses, cannes à sucre. L'Orient et l'Occident pêle-mêle. De grands tas de fromages de Hollande que les Génoises teignaient en rouge avec leurs mains.3 -- Là-bas, le quai au blé; les portefaix déchargeant leurs sacs sur la berge du haut de grands échafaudages. Le blé, torrent d'or, qui roulait au milieu d'une fumée blonde. Des hommes en fez rouge, le criblant à mesure dans de grands tamis de peau d'âne et le chargeant sur des charrettes qui s'éloignaient suivies d'un régiment de femmes et d'enfants avec des balayettes et des paniers à glanes... Plus loin, le bassin de carénage, les grands vaisseaux couchés sur le flanc et qu'on flambait avec des broussailles pour les débarrasser des herbes de la mer, les vergues trempant dans l'eau, l'odeur de la résine, le bruit assourdissant des charpentiers doublant la coque des navires avec de grandes plaques de cuivre.4 -- Parfois, entre les mâts, une éclaircie. Alors Tartarin voyait l'entrée du port, le grand va-et-vient des navires, une frégate anglaise partant pour Malte, pimpante et bien lavée, avec des officiers en gants jaunes, ou bien un grand brick marseillais démarrant au milieu des cris, des jurons, et à l'arrière un gros capitaine en redingote et chapeau de soie, commandant la manœuvre en provençal. Des navires qui s'en allaient en courant, toutes voiles dehors. D'autres là-bas, bien loin, qui arrivaient lentement, dans le soleil, comme en l'air.5 -- Et puis tout le temps un tapage effroyable, roulement de charrettes, « oh ! hisse ! » des matelots, jurons, chants, sifflets de bateaux à vapeur, les tambours et les clairons du fort de Saint-Jean, du fort Saint-Nicolas, les cloches de la Major, des Accoules, de Saint-Victor ; par là-dessus le mistral qui prenait tous ces bruits, toutes ces clameurs, les roulait, les secouait, les confondait avec sa propre voix et en faisait une musique folle, sauvage, héroïque comme la grande fanfare du voyage, fanfare qui donnait envie de partir, d'aller loin, d'avoir des ailes.C'est au son de cette belle fanfare que l'intrépide Tartarin de Tarascon s'embarqua pour le pays des lions.

Alphonse Daudet – Tartarin en AfriqueExpliquer les mots : vergues : longue pièce de bois qui porte la voile en travers du mât. Pavillon : drapeau. Beaupré : mât incliné, presque horizontal, à l'avant du bateau. Couleuvrine : petit canon. Palan : système de levage à plusieurs poulies. Clovisses : nom méditerranéen des palourdes. Un fez rouge : chapeau marocain cylindrique. Glanes : des grains récupérés par les glaneurs après la moisson. Carénage : pour caréner (nettoyer la coque et la repeindre) ; frégate, brick : catégories de bateaux à voiles

- 5ème période – p. 208

Page 14: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Préciser les idées : 1) Expliquer « Les beauprés arrivant sur la berge comme des rangées de baïon-nettes. ». Et « Au-dessous, les naïades, les déesses, les saintes vierges et autres sculptures de bois peint » 3) Comment carène-t-on les bateaux ?

GrammaireLe pronom relatif

Des mousses | qui s'appelaient dans toutes les langues.Des baraques enfumées | où les matelots faisaient leur cuisine.

De grands paniers | qu'ils allaient laver dans l'eau blanchâtre des fontaines.

Explications : Les mots ont une fonction à l'intérieur d'une proposition subordonnée :où les matelots faisaient leur cuisine. Sujet de faisaient ? COD de faisaient ? CCL de faisaient ?qu'ils allaient laver dans l'eau blanchâtre des fontaines. Sujet de 'allaient' ? COD de allaient ? CCL de laver ? COD de laver ? qui s'appelaient dans toutes les langues. Sujet de 'appelaient' ? COD de appelaient ? Fonction de 'langues'.

Leçon

• Le pronom relatif introduit la proposition subordonnée relative : qui, que (qu'), quoi, dont, où, lequel (laquelle, lesquels, lesquelles), auquel (idem), duquel (idem)

• Le pronom relatif, remplace un nom de la proposition principale, souvent placé juste avant : son antécédent.

• Le pronom relatif a une fonction dans la proposition subordonnée relative

Analyse : Pour analyser un pronom relatif, on doit donner son antécédent, puis dire sa fonction dans la proposition subordonnée -pas la peine de dire qu'il 'introduit la prop. sub. rel., puisqu'il le fait toujours.Qui : pronom relatif, antécédent « mousses », masc., plur., sujet du verbe « appelaient »Où : pronom relatif, antécédent «paniers», masc. plur., compl. circ. de lieu du verbe « faisaient ».Qu' : pronom relatif, antécédent « baraques », fém., plur., compl. d'objet direct du verbe « allaient laver »

Remarque : Des navires | qui s'en allaient en courant. D'autres | qui arrivaient lentement.Analyser les deux propositions en italique. La première est complément du nom 'navires' ; la deuxième est complément du pronom indéfini 'd'autres'. On peut compléter un pronom aussi bien qu'un nom.

Exercices

270)Analyser les pronoms relatifs soulignés.Les bateaux contournent la bouée qui marque l'entrée du port. Les chalutiers qui reviennent de la mer d'Irlande arrivent à toute heure. Ceux qui partent seulement à la journée reviennent vers cinq heures. Les marins ont rangé leur pêche dans les caisses que leur patron vendra à la criée. Les langoustines qu'ils ont pêchées dans la journée sont bien vivantes. Ce patron pêcheur ne dit jamais à personne l'endroit où il pêche. Ce soir, les marins devront dérouler le filet avec lequel ils ont accroché le fond. La pêche d'aujourd'hui est une pêche dont on parlera longtemps.

271)Analyser les mots soulignés (rappel : la fonction d'une conjonction de subordination est seulement de « relier » la prop. subordonnée à la prop. principale)

Les bateaux de plaisance qui entrent dans le port se rangent doucement le long des pontons.Lorsque la nuit arrive, on dirait que le port s'est endormi derrière les digues qui le protègent.

272)Découpe la phrase en deux propositions. Analyse la proposition subordonnée, puis analyse le mot de liaison de la proposition subordonnée.

Mon frère n'aime pas les gens que tu nous as présentés. Il croit qu'ils ne sont pas fréquentables.Le chalutier que les ouvriers repeignent aujourd'hui reprendra la mer après-demain.

- 5ème période – p. 209

Page 15: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

ConjugaisonLe mode participe

Les beauprés arrivant sur la berge comme des rangées de baïonnettes..Des nuées de mouettes faisant de jolies taches sur le ciel bleu.

Explications : le participe présent ne se conjugue pas. Il exprime un état de fait, un état des choses.

Leçon

• Le participe présent se termine par -ant

Remarque : Des matelots passant avec des pots de goudron, des marmites fumantes.Des matelots passant avec des pots de goudron, : passant, employé comme un verbe, véritable participe présent, est invariable.des marmites fumantes. Fumantes, participe présent employé comme un adjectif qualificatif -c'est un « adjectif verbal »- s'accorde.

Des baraques enfuméesDes vendeuses de moules et de clovisses accroupies et piaillant

Rappel : J'ai mangé, tu as mangé ... le participe passé est utilisé dans les temps composés.

Leçon

• Le participe passé est utilisé dans la conjugaison des temps composés

• Il es souvent utilisé comme un adjectif qualificatif

Conjugaison

Infinitif Participe Présent Participe Passé Chanter Chantant ChantéFinir Finissant Fini Boire Buvant buPrendre Prenant PrisAvoir Ayant EuÊtre Étant Été

Exercices oraux ou écrits

273)Souligner d'un trait les participe présents, de deux traits les participes passés, et de trois traits les participes présents employés comme adjectif qualificatif (adjectif verbal)

Là-bas, le quai au blé; les portefaix déchargeant leurs sacs sur la berge du haut de grands échafaudages. Le blé, torrent d'or, qui roulait au milieu d'une fumée blonde. Des hommes en fez rouge, le criblant à mesure dans de grands tamis de peau d'âne et le chargeant sur des charrettes qui s'éloignaient suivies d'un régiment de femmes et d'enfants avec des balayettes et des paniers à glanes... Plus loin, le bassin de carénage, les grands vaisseaux couchés sur le flanc et qu'on flambait avec des broussailles pour les débarrasser des herbes de la mer, les vergues trempant dans l'eau, l'odeur de la résine, le bruit assourdissant des charpentiers doublant la coque des navires avec de grandes plaques de cuivre.

- 5ème période – p. 210

Page 16: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Vocabulaire – RédactionLe touriste et les bélugas

C'était un jeune et élégant touriste en pantalon blanc et chemise Lacoste ; il avait passé sa soirée « en bordée » avec l'équipage d'un sardinier, et s'était retrouvé au petit matin, en mer, au large des Glénan. Grelottant, malade et suppliant qu'on le ramène à terre.« Maintenant ? Impossible. Nous n'allons pas perdre notre journée de pêche. »— Mais je vais mourir avant ce soir ! — On dit ça... »Cependant le pêcheur eut pitié du malheureux, et le fit passer à bord d'un pêcheur de crabes qui, ses casiers relevés, rentrait à Lesconil. Le temps était superbe, la mer légèrement houleuse. Je m'en souviens : le « crabier », c'était mon père. L'espoir de fouler le « plancher des vaches » dans un délai assez proche rendait du cœur à notre passager, quand une nouvelle alarme le fit se dresser.« Qu'est-ce que c'est ces monstres qui accourent vers nous ? »C'était une nuée de plusieurs centaines de bélugas qui poursuivaient sans doute un banc de sardines en s'amusant à faire des culbutes au-dessus des vagues.« C'est des marsouins, Monsieur.— Ils ne sont pas méchants au moins ?— Non Monsieur, pas avec les pêcheurs qu'ils connaissent bien, en tout cas.— Mais moi, Monsieur, ils ne m'ont jamais vu...— C'est vrai ! Cachez-vous, Monsieur, au fond du bateau. Cachez-vous bien.— Ils ne sauteront pas dans le bateau, je pense ?— N'ayez crainte, je les chasserai. »Le touriste épouvanté retenait son souffle au fond du tillac. Mon père donna quelques coups de gaffe, « ar vaz krog », sur le bordage en criant :

- 5ème période – p. 211

Page 17: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

« Allez-vous en, sales bêtes, n'approchez pas d'ici.»Risquant un coup d'œil par-dessus bord, notre passager aperçut à quelques mètres tout un troupeau excité qui continuait droit sur nous. Il fit le mort.Mon père se démenait comme un beau diable : « Rien à faire pour m'enlever mon protégé. »Ce qui n'empêcha pas un des « monstres », pour ne pas dévier du chemin le plus droit, de se glisser sous notre barque. Notre touriste était plus mort que vif ...Les bélugas disparurent comme ils étaient arrivés. « Redressez-vous maintenant, il n'y a plus rien à craindre, ils ont eu peur de moi.— Ah ! vous m'avez sauvé la vie ! »Et nous débarquâmes à Lesconil un homme persuadé qu'il avait échappé de peu à la dent des « monstres de la mer ». Je ne sais si quelqu'un l'a, un jour, détrompé et lui a appris que les bélugas n'étaient pas des mangeurs d'hommes.

Marcel Divanach – Contes et souvenirs de Cornouaille – Editions du Vieux Meunier Breton

Expliquer les mots : (dictionnaire ) le tillac, le bordage, une gaffe

Préciser les idées : Qu'est-ce qu'un béluga ? Comment dit-on « une gaffe » en breton ?

Vocabulaire

Nous débarquâmes à Lesconil.

• Avec une même racine et différents suffixes ou préfixes, on a une famille de mots

274)Fabriquer le plus de mots possibles avec la racine « barque » -préfixes possible : dé-, em-, ... suffixes possibles : -ement – ation

275)Même exercice : La côte (ac- -age) // Un bord – (a- dé- -ée -age -ement...)276)Une bordée : sens propre : le contenu du bord, tout ce que le bateau peut contenir entre ses

bords ; connaissez-vous un sens figuré de « une bordée » ? Que signifie « en bordée » dans la première ligne du texte de Divanach ?

Rédaction

Le vocabulaire marin :

Le bord – Bâbord – tribord – les rames, les avirons, la dame de nage, ramer, souquer

les écoutes, amener la voile, prendre des ris, border la voile, choquer, tirer des bords.

Le plat bord, la poupe, la proue, le gaillard d'avant, la dunette, la barre ...

.../...

La marée ; l'estran, la plage, le goémon, les récifs

SujetUne sortie en mer.Une partie de pêche.Un dimanche à la plage.

- 5ème période – p. 212

Page 18: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

OrthographeLes bélugas disparurent comme ils étaient arrivés.

— Ah ! vous m'avez sauvé la vie ! »• Avec l'auxiliaire être, le participe passé s'accorde au sujet

• Avec l'auxiliaire avoir, le participe passé ne s'accorde pas au sujet

Les langoustines | qu'ils ont pêché es .Le patron les a vendu e s un bon prix.

• Avec l'auxiliaire avoir, le participe passé s'accorde au COD s'il est avant le verbe

Remarque : il y a principalement deux cas où le COD est devant le verbe : –avec le pronom personnel COD : Je les ai vues.–avec le pronom relatif COD que : Les filles que j'ai vues.

Lecture supplémentaireLa probité du pêcheur

Ce matin-là une brume épaisse retenait au petit port bigouden toute la flottille des caseyeurs de crabes. Mon père allait et venait visiblement contrarié sur le terre-plein du port scrutant le ciel à l'ouest.Brusquement, alors que j'attendais l'autorisation de regagner mon lit il décida : « Nous allons toujours gagner le large, j'ai la conviction qu'une courte éclaircie se produira vers dix heures. Nous pourrons lever nos casiers avant le flux ».Sans rechigner, sans enthousiasme pourtant, je lui emboîtai le pas.Ce fut le seul bateau qui sortit ce jour-là.A peine le bout de la jetée doublé mon père regarda sa grosse montre suspendue à son cou par une cordelette.La voile bien étarquée et l'écoute réglée avec soin, la barque prit son erre.— Bon ! notre allure et notre cap nous conduiront exactement sur nos engins dans une heure et demie. Tu peux somnoler d'ici-là. Je te préviendrai quelques minutes à l'avance pour guetter nos flotteurs.— ...Tiens! voilà Garreg-Kreiz, annonça-t-il une heure plus tard. Dans une demi-heure nous serons sur les lieux.Déjà surpris par ce premier exploit, je demeurais néanmoins sceptique sur le succès final.Peu après :— Debout mon gars sur le gaillard avant. Tiens bon dans l'étai et scrute les environs. Notre bouée ne doit plus être loin. Malgré la brume nous devons la trouver.— Tiens ! la voilà à bâbord annonça-t-il joyeusement, je la croyais un peu plus loin cependant. Je vais la frôler en louvoyant, ajouta-t-il ; veille bien à l'accrocher au passage avec la gaffe.Heureusement que cette fois, malgré la houle, je réussis la manœuvre et peu après, la voile amenée, je m'échinais sur les orins épineux.Le premier casier remonté mon père vint m'aider à l'embarquer. Il renfermait trois beaux homards.Comme je m'en réjouissais, mon père, après avoir bien examiné le casier puis le flotteur, ordonna :— Rejette ce casier à la mer. Il n'est pas à nous.Un quart d'heure après je m'évertuais enfin sur nos propres engins. La besogne ne fut pas plus pénible que d'ordinaire mais la pêche était presque nulle. Quelques tourteaux certes, mais point de langoustes ni de homards.— Qu'importe ! pensais-je. Nous avons quand même trois homards à bord, car mon père les avait soigneusement retirés du casier inconnu à ma grande surprise d'ailleurs et enveloppés à part dans un ciré pour les préserver des crabes querelleurs.Et nous voilà cinglant les flots pour le retour.A peine la cale accostée, mon père me commanda :— Va chercher Pierre-Jakez Cap.

- 5ème période – p. 213

Page 19: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Justement il se trouvait parmi les autres caseyeurs dépités d'être restés à terre et curieux de connaître le résultat de notre sortie.— Mon père te demande, lui dis-je. Intrigué, l'interpelé me suivit.— Tiens ! lui dit mon père, en lui tendant les trois homards. Avec cette satanée brume j'ai attaqué ta bouée par erreur. Ce n'est que lorsque le premier casier a été remonté par mon fils que j'ai eu des doutes. J'ai bien remarqué alors sur la bouée tes initiales P.J.C. et aussitôt, après avoir retiré les trois homards qu'il contenait j'ai fait rejeter le casier à l'eau. Ils sont donc à toi et tu peux les prendre.— Mais, répliqua l'autre. Tu es trop généreux. Je ne les aurais peut-être pas pêchés demain.— Justement c'est pour qu'ils ne se sauvent pas que j'ai préféré les embarquer.— D'accord Corentin. Je vais les porter au mareyeur. Mais tu prendras quand même un coup de vin rouge pour ton geste.— Pas aujourd'hui, samedi prochain, jour de la paye si tu veux. J'étais émerveillé.Dans la même journée, mon brave père m'avait donné deux sujets d'admiration : son pilotage infaillible d'abord et sa probité exemplaire ensuite.Comment ne pas être incorruptible à pareille école ?

Boud! Boud!

Nous faisions la pêche aux crabes dans les parages des Glénans. Le temps était beau, mais un manteau de brume ternissait l'atmosphère.Cramponné à l'orin épineux, je m'échinais à relever nos casiers de crabes lorsque j'entendis Boud! Boud ! tout près de moi. Mon père lâcha son travail et cria : Attention ! dans la direction du danger. Boud!Boud ! La sirène du navire fantôme retentit de nouveau, encore plus près.Nous étions sur la route d'un thonier qui pouvait nous envoyer par le fond à l'instant, car tout mouvement nous était interdit. L'abordage semblait imminent.

Le thonier s'arrêta cependant à quelques encablures et une voix de stentor demanda dans un porte-voix :— Vieux pêcheur, donne-nous quatre crabes pour améliorer l'ordinaire.— D'accord ! répondit mon père, contre quatre paquets de tabac gris.Aussitôt un panier rond nous fut lancé du bateau « mis en panne ». Nous y trouvâmes le tabac demandé que nous remplaçâmes par quatre beaux tourteaux qui furent aussitôt haies à bord du thonier.— Merci, bigouden, dit le porte-voix. A notre retour dans une quinzaine si nous te retrouvons sur notre passage nous te donnerons un thon en récompense.— Bonne campagne ! Kenavo !

Nous vîmes de nombreux thoniers, le séchoir bien garni de thons, rentrer à Concarneau, cette quinzaine. Aucun ne s'arrêtait près de nous et je désespérais de revoir notre favori.Il nous reconnut pourtant trois semaines plus tard et tint sa promesse ; nous reçûmes un superbe thon en excellent état qui régala la famille pendant huit jours. Mieux encore ! Notre petite barque surprise un an après par un brusque ouragan et menaçant de faire naufrage, le même thonier gagnant le large fit demi-tour pour nous venir en aide et nous remorqua jusqu'à notre port d'attache, nous sauvant peut-être la vie.Sublime mes amis !Les marins forment une élite que les terriens ne peuvent comprendre.

Marcel Divanach – Le marsouin hâbleur – Editions du Vieux Meunier Breton

- 5ème période – p. 214

Page 20: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

S32 Les garnementsLecture

La prise du tramway1 --. Lentement, semblait-il, la bataille tournait maintenant à notre avantage. Les Pirates étaient progressivement refoulés dans les rues adjacentes. Il faut dire que nous étions peut-être un peu plus nombreux qu'eux, mais en revanche ils faisaient preuve d'une plus grande brutalité et n'observaient pas les règles d'un combat loyal. Cela ne leur servait à rien. Peu à peu, ils devaient céder le terrain.Soudain, une farouche clameur s'éleva du côté de la Grand-Rue. Thomas et moi nous nous arrêtâmes, paralysés de surprise pendant un instant.« Tonnerre ! gronda Thomas. Oscar le Rouge nous prend à revers !... »En effet, une forte bande de Pirates, sous la conduite d'Oscar, débouchait de la rue de Kollersheim et remontait la Grand-Rue au pas de course.« Le tramway ! » hurlai-je.Trop tard ! Les Pirates grimpaient déjà dans le tramway et en prenaient possession avec des cris de triomphe.

2 --. Thomas se retourna, mit les mains en porte-voix devant sa bouche. « Henri ! Fred ! Max ! appela-t-il. Par ici... »Les trois garçons se dégagèrent rapidement de la mêlée pour accourir vers nous.« Faisons Oscar prisonnier ! leur dit Thomas. Nous aurons gagné la bataille ! »Mais déjà les Pirates du marché aux Chèvres, réconfortés par cette arrivée de renforts inattendus, se précipitaient vers leur chef en poussant de frénétiques hourras.Les gardes se regroupèrent autour de nous.« En avant ! ordonna Thomas. Il faut reconquérir le tram ! »Nous nous élançâmes derrière lui.Mais lorsque nous arrivâmes auprès du tramway, nous eûmes la désagréable surprise d'être accueillis par une grêle de pommes de terre. Les Pirates avaient éventré les sacs, et nous bombardaient avec les précieux tubercules, amenés jusqu'ici au prix de tant de peine. Ces projectiles d'un nouveau genre faisaient diablement mal !

3 --. En toute hâte, nous dûmes nous replier pour chercher à nous abriter, poursuivis par les rires insultants de nos adversaires. Debout sur la plate-forme avant du tramway, Oscar le Rouge dansait de joie et nous menaçait du poing en hurlant :« Approchez un peu, poltrons ! Approchez ! — En avant ! ordonna de nouveau Thomas. Nous les aurons ! »Vaillamment, nous nous lançâmes une seconde fois à l'assaut de la forteresse, mais nous fûmes reçus par une telle avalanche de pommes de terre que nous dûmes nous enfuir avec des cris de douleur. La lutte

- 5ème période – p. 215

Page 21: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

était inégale, car nous ne voulions pas renvoyer les projectiles qui auraient fait voler en éclats les vitres du tram.Les Pirates exultaient. Ils bloquaient maintenant la Grand-Rue, et, sous la protection de leur artillerie, certains d'entre eux tentaient déjà de forcer les portes des boutiques.

4 --. Après avoir tenu un bref conseil de guerre, nous décidâmes qu'une partie de nos troupes devait à tout prix tenter de prendre l'ennemi à revers. Max et Robert reçurent le commandement du tiers de nos forces. Ils s'engagèrent dans la rue des Moines pour effectuer un mouvement tournant qui, par diverses ruelles, les amènerait vers le milieu de la Grand-Rue. De là, ils attaqueraient les arrières des Pirates.Le gros de notre armée resta en position sur le marché aux Chèvres, car avant toute chose il importait de protéger l'hôtel de ville et le Lion-d'Or. Si les Pirates avaient conquis la place, tout eût été perdu.Et nous risquions fort de les voir bientôt passer à l'attaque, armés de leurs « grenades ».Soudain, j'eus une idée. Sans même consulter Thomas je criai :« Dix hommes avec moi ! Par ici ! »Je m'élançai dans la rue de l'Hôtel-de-Ville et ne m'arrêtai que devant la remise des pompiers.La porte était grande ouverte. Fred avait omis de la refermer lorsqu'il était venu chercher la grue pour remonter saint Matthieu sur son socle. Je pénétrai à l'intérieur et aperçus au fond la voiture rouge des pompiers.« Emportons le tuyau ! » ordonnai-je.

5 --. Mes hommes grimpèrent sur la voiture, déroulèrent le gros tuyau de toile et le transportèrent dans la rue. Puis nous remontâmes jusqu'au marché aux Chèvres en le traînant derrière nous.Lorsqu'ils nous virent apparaître sur la place avec ce « canon » d'un nouveau genre, nos partisans poussèrent des cris de joie. Thomas me frappa sur l'épaule en me félicitant de ma brillante initiative.Sans perdre de temps, je vissai l'extrémité du tuyau à la bouche d'incendie qui se trouve au pied du perron de l'hôtel de ville, puis, empoignant la lourde lance métallique, je me dirigeai vers la Grand-Rue. Par chance, les Pirates ne pouvaient nous voir, car nous étions cachés à leurs yeux par une maison d'angle.« Ouvrez tout ! » criai-je.

6 --. Thomas, qui était resté auprès de la bouche d'incendie, tourna immédiatement la clef. L'eau sous pression gonfla le tuyau avec une telle violence que je faillis être renversé. Un immense jet balaya la place, et je dus faire appel à toutes mes forces pour pouvoir maintenir la lance. Max, Henri et Louis accoururent pour m'aider à traîner le tuyau jusqu'à la Grand-Rue. Brusquement, je surgis à l'angle en dirigeant sur le tram le puissant jet d'eau, presque aussi gros que mon bras.Les Pirates qui étaient dans le tram et sur la

chaussée poussèrent des cris d'épouvante. Dans leur affolement, ils en oublièrent de nous bombarder à coups de pommes de terre. Avant même que nos ennemis aient pu se ressaisir, mon « canon » fit de terribles ravages dans leurs rangs. Ceux qui étaient atteints par le jet d'eau tombaient comme des mouches. Oscar et ses lieutenants durent abandonner la plate-forme pour se glisser à l'intérieur de la voiture. Les autres se réfugièrent en hurlant derrière le tram.

7 --. Au même moment, Fred et ses hommes achevaient leur mouvement tournant. Ils avaient débouché vers le milieu de la Grand-Rue et attaquaient les Pirates par-derrière. Nos adversaires se trouvaient pris

- 5ème période – p. 216

Page 22: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

au piège, dans une situation critique. Mais soudain, ils lancèrent une audacieuse contre-attaque : un groupe d'entre eux surgit de derrière le tram, se déploya sur la chaussée et s'élança vers nous. Ils avaient bourré leurs poches de pommes de terre et nous bombardaient de tous côtés. En même temps, un autre groupe ripostait à l'attaque de Fred et faisait tomber sur les assaillants une grêle de projectiles.C'était Oscar en personne qui dirigeait la sortie en direction du marché aux Chèvres. Il bondissait à la tête de ses hommes en les stimulant par des cris furieux. Je tentai de braquer sur lui le jet d'eau, mais au même instant je fus atteint en plein visage par une pomme de terre. Du coup, je lâchai tout, tombai sur Max et Henri, les entraînai dans ma chute, tandis que la lance, livrée à elle-même, se tordait sur le pavé comme un serpent géant, crachant son jet de tous côtés. En un clin d'œil, nous fûmes trempés jusqu'aux os.« Coupez ! coupez ! » hurlai-je.

8 --. Quelqu'un referma la bouche d'incendie, et nous pûmes nous redresser. Mais déjà quelques Pirates se précipitaient sur le tuyau, cherchant à nous l'arracher des mains. Oscar, lui, s'était frayé un passage jusqu'à la bouche d'incendie et était parvenu à s'emparer de la clef. Thomas avait dû se réfugier sur le perron de l'hôtel de ville où il essayait de tenir tête à une demi-douzaine de Pirates. Non loin de lui, Marianne ramassait des pommes de terre pour les lancer sur nos adversaires.Par bonheur, Fred et sa bande volèrent à notre secours. Leur intervention obligea les Pirates à se replier. Ils occupèrent de nouveau le tram, et nous soumirent à un intense bombardement.Nous en étions donc revenus au même point qu'auparavant. Tant que le tram ne serait pas reconquis, nos adversaires resteraient invincibles. La lance d'incendie ne nous servait plus à rien, puisque Oscar en avait pris la clef. Certes, nous étions toujours les maîtres du marché aux Chèvres, mais les Pirates occupaient la Grand-Rue, contrôlant ainsi les plus importants magasins de la ville.

Les enfants de TimpelbachHenry Winterfeld – trad. Olivier Séchan

Expliquer les mots : 1) adjacentes : dans un rectangle, les deux longueurs sont opposées. Une longueur et une largeur sont forcément adjacentes. Qu'est-ce alors qu'une rue adjacente ? Farouche : sauvage, violent ... Une clameur : un grand cri. 2) exulter : se réjouir ouvertement, être très satisfait.

Préciser les idées : 1) que signifie 'céder du terrain' dans une bataille ou un jeu. 2) Qui saurait ' mettre ses mains en porte-voix' ?

- 5ème période – p. 217

Page 23: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

GrammaireLe comparatif et le superlatif

Nous étions peut-être un peu plus nombreux que les Pirates, mais en revanche ils faisaient preuve d'une plus grande brutalité

Explications : Pour comparer les qualités décrites par un adjectif qualificatif on utilise le comparatif avec les mots plus ... que /// moins ... que /// aussi ... que

Leçon

• Les adjectifs qualificatifs ont trois comparatifs - le comparatif de supériorité : plus gentil ou plus gentil que- le comparatif d'égalité : aussi gentil ou aussi gentil que- le comparatif d'infériorité : moins gentil ou moins gentil que

Les Pirates contrôlaient les plus importants magasins de la ville.

Explications : Ici, on ne compare pas vraiment, on donne le plus haut degré de signification à l'adjectif.

• Les adjectifs qualificatifs ont trois superlatifs - le superlatif de supériorité : le plus gentil- le superlatif d'infériorité : le moins gentil - le superlatif absolu : très gentil

Analyse : lorsqu'on analyse un adjectif qualificatif au comparatif ou au superlatif, on le précise ; ex :plus nombreux : adjectif qualificatif au comparatif de supériorité; masc., plur, attribut du sujet 'nous'.Plus grande : adjectif qualificatif au comparatif de supériorité; fém., sing, épithète du nom 'brutalité'

Exercices

277)Oralement : pour chaque adjectif qualificatif proposé, trouver une phrase qui l'utilise - au comparatif de supériorité - d'égalité - d'infériorité

gentil – méchant – sale – cher – poli – sauvage – bon - mauvais....ex : gentilComparatif :Comparatif de supériorité : Mon cousin est plus gentil que ma sœur.Comparatif d'infériorité : Les Pirates sont moins gentils que la bande de Thomas et Manfred.Comparatif d'égalité : Mes parents sont aussi gentils que les tiens.

278)Oralement : pour chaque adjectif qualificatif proposé, trouver une phrase qui l'utilise - au superlatif de supériorité - d'infériorité -au superlatif absolu

Propre – riche – pauvre – économique – savant – bon – mauvais ...ex : propreSuperlatif :Superlatif de supériorité : C'est mon cahier qui est le plus propre de toute la classe.Superlatif d'infériorité : Le moteur de cette voiture est le moins propre de tous.Superlatif absolu : Mon travail est très propre.

Révisions

• - L'adjectif qualificatif a deux fonctions : épithète du nom ou attribut du sujet.

• - L'adjectif possessif (mon, ton son ...), l'adjectif démonstratif (ce, cette, ces), l'adjectif numéral (deux, trois, cent), l'adjectif indéfini (quelques, certains ...) accompagnent, déterminent le nom. Ce sont des déterminants, comme les articles.

279)Analyser les mots soulignés :Certains animaux sont plus cruels que d'autres. Ce cheval gris est le plus rapide. Trois espèces de singes vivent en bandes très nombreuses. Mes chaussures jaunes sont plus chères que les chaussures du catalogue.

- 5ème période – p. 218

Page 24: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

ConjugaisonReconnaître les modes et les temps des verbes

Tableau de la conjugaison française( en grisé, les temps que nous n'avons pas appris)

Temps simples Temps composésMode Indicatif

Présent : Je chante Passé composé : J'ai chantéImparfait : je chantais Plus que parfait : J'avais chantéPassé simple : je chantai Passé antérieur J'eus chantéFutur simple : je chanterai Futur antérieur : J'aurai chanté

Mode impératifPrésent : Chante ! Passé : Aie chanté

Mode conditionnelPrésent : Je chanterais Passé : j'aurais chanté

Mode subjonctifPrésent : que je chante Passé : que j'aie chantéImparfait : que je chantasse Plus que parfait : que j'eusse chanté

Mode participePrésent : chantant Passé : chanté

Mode infinitifChanter

Exercices 280)Souligner tous les verbes (conjugués et non conjugués) de ce texte. Écrire leur mode et leur

temps dessous.Après avoir tenu un bref conseil de guerre, nous décidâmes qu'une partie de nos troupes devait à tout

prix tenter de prendre l'ennemi à revers. Max et Robert reçurent le commandement du tiers de nos

forces. Ils s'engagèrent dans la rue des Moines pour effectuer un mouvement tournant qui, par diverses

ruelles, les amènerait vers le milieu de la Grand-Rue. De là, ils attaqueraient les arrières des Pirates.

Le gros de notre armée resta en position sur le marché aux Chèvres, car avant toute chose il importait

de protéger l'hôtel de ville et le Lion-d'Or. Si les Pirates avaient conquis la place, tout eût été perdu.

Et nous risquions fort de les voir bientôt passer à l'attaque, armés de leurs « grenades ».

Soudain, j'eus une idée. Sans même consulter Thomas je criai :

« Dix hommes avec moi ! Par ici ! »

Je m'élançai dans la rue de l'Hôtel-de-Ville et ne m'arrêtai que devant la remise des pompiers.

La porte était grande ouverte. Fred avait omis de la refermer lorsqu'il était venu chercher la grue pour

remonter saint Matthieu sur son socle. Je pénétrai à l'intérieur et aperçus au fond la voiture rouge des

pompiers. « Emportons le tuyau ! » ordonnai-je.

- 5ème période – p. 219

Page 25: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

281)Pour analyser un verbe, on doit dire : infinitif, mode, temps, personne, ayant pour sujet (aps), et dire s'il est à la voix passive) et à la forme négative ou interrogative ou interro-négative.- Analyser les verbes soulignés dans l'exercice 1.

282)Conjuguer le verbe parler (1er groupe) à tous les temps connus :

- 5ème période – p. 220

Page 26: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Vocabulaire – RédactionLe chie-en-nid

C'était le dernier-né, le chie-en-nid, comme on disait, d'une famille de paysans du Jura. Il était prénommé Victor, mais comme il est coutume de donner aux plus jeunes des sobriquets d'amitié et qu'il était retors et rusé comme un renard, on l'avait surnommé le Tors.Il avait grandi dans le giron de la famille, entouré de la tendresse de tous et dès qu'il avait porté culotte, partagé son temps entre l'école, l'hiver, et la garde du bétail, l'été.Il avait poussé rude et sain dans la grande pâture enclavée dans les bois de sapins qui balançaient au vent leurs fuseaux gracieux et avait acquis, avec la santé, cette rude indépendance de caractère et cette énergie têtue qui font les brutes ou les héros.Choyé par les siens, protégé par ses aînés, il avait conquis l'assurance, l'arrogance presque de ceux qui se sentent forts, et, comme ses petits muscles étaient solides et nerveux, les discussions avec les camarades se réglaient toujours à la manière antique, par des bordées d'injures qui précédaient le crêpage en règle des tignasses.Il aimait les champs et les bois et professait, hormis la famille, pour toutes les institutions sociales qui sont la base des régimes : l'école, l'église, la propriété, celle des fruits en particulier, un mépris qui n'avait d'égal que le soin qu'on prenait à les lui faire admettre.L'école, il la subissait tout de même, parce qu'il retrouvait les camarades, que le maître n'était pas trop vache, disait-il, et qu'en dehors des heures de classe, il pouvait vider les querelles entamées et dépenser en coups de poing son activité musculaire ; mais il éprouvait à l'endroit de l'église, où ses parents l'envoyaient chaque dimanche, une invincible répulsion.

Louis Pergaud – Les rustiquesExpliquer les mots :

Un sobriquet : un petit surnom ; Retors : malin, qui a l'esprit mal tourné, tordu, c'est à dire retors.Le giron : partie du corps qui s'étend de la ceinture aux genoux, quand on est assis. C'est à dire, l'endroit où les mamans assoient les enfants petits.Choyé : gâté, cajolé ...l'arrogance : sorte de fierté inconsciente, presque méprisante pour les autres.

Préciser les idées :

Que signifie : - vider une querelle ? - dépenser en coups de poing son activité musculaire ?- professer du mépris pour toutes les institutions sociales

Vocabulaire... une invincible répulsion

Expliquer l'étymologie de « invincible », celle de « répulsion ». Expliquer l'expression ' une invincible répulsion'

• Le suffixe -ible sert à fabriquer des adjectifs qualificatifs.

• Le suffixe -ion sert à fabriquer des noms.

283)Les Pirates n'observaient pas les règles d'un combat loyal. Trouver des mots de la famille de loyal. ... Quelle est la racine de loyal ... Pensez à 'légal' ... 'illégal', 'législatif' ....

284)Une farouche clameur s'éleva du côté de la Grand-Rue. Trouver des mots de la famille de 'clameur' (préfixes a- ré- dé- // suffixes -ation ...). Même travail pour 'conquérir'

Rédaction

Garnement, chenapan, vaurien, racaille, voyou, graine de bandit, fripon, crapule, canaille ... ... sont des synonymes

Sujet Faites le portrait d'un garnement. Racontez une bagarre ...

- 5ème période – p. 221

Page 27: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Orthographe

• Les devant un verbe est souvent un pronom personnel COD : « Il les regarde »- il faut chercher le sujet du verbe pour l'accorder.- ... et faire attention au participe passé si le verbe est à un temps composé.

• Les devant un nom est un article : le nom est au pluriel. « Les garnements »

Lecture supplémentaireUne revanche

C'était le dernier-né, le chie-en-nid, comme on disait, d'une famille de paysans du Jura. Il était prénommé Victor, mais comme il est coutume de donner aux plus jeunes des sobriquets d'amitié et qu'il était retors et rusé comme un renard, on l'avait surnommé le Tors.Il avait grandi dans le giron de la famille, entouré de la tendresse de tous et dès qu'il avait porté culotte, partagé son temps entre l'école, l'hiver, et la garde du bétail, l'été.Il avait poussé rude et sain dans la grande pâture enclavée dans les bois de sapins qui balançaient au vent leurs fuseaux gracieux et avait acquis, avec la santé, cette rude indépendance de caractère et cette énergie têtue qui font les brutes ou les héros.Choyé par les siens, protégé par ses aînés, il avait conquis l'assurance, l'arrogance presque de ceux qui se sentent forts, et, comme ses petits muscles étaient solides et nerveux, les discussions avec les camarades se réglaient toujours à la manière antique, par des bordées d'injures qui précédaient le crêpage en règle des tignasses.Il aimait les champs et les bois et professait, hormis la famille, pour toutes les institutions sociales qui sont la base des régimes : l'école, l'église, la propriété, celle des fruits en particulier, un mépris qui n'avait d'égal que le soin qu'on prenait à les lui faire admettre.L'école, il la subissait tout de même, parce qu'il retrouvait les camarades, que le maître n'était pas trop vache, disait-il, et qu'en dehors des heures de classe, il pouvait vider les querelles entamées et dépenser en coups de poing son activité musculaire ; mais il éprouvait à l'endroit de l'église, où ses parents l'envoyaient chaque dimanche, une invincible répulsion.II ne pouvait supporter l'immobilité ; il lui répugnait de se mettre à genoux et, comme il n'avait pas — oh ! mais pas du tout ! — l'esprit mystique, il trouvait parfaitement ridicule d'entendre le curé brailler des chose «qu'on n'y comprenait rien».C'était d'ailleurs par l'église qu'il avait la première fois fait connaissance avec les misères et les vicissitudes de la vie, sous forme d'une taloche administrée par sa mère pour avoir déchiré une culotte neuve en s'accrochant au banc d'œuvre.Des associations d'idées s'étaient, là-dessus, faites en lui naturellement, et bien malin eût été celui qui l'aurait pu convaincre que l'église est le vestibule d'un lieu de délices appelé «Paradis».Il avait huit ans lorsque, certain dimanche où il s'était, paraît-il, montré plus turbulent encore que de coutume, Bédouin, le garde-champêtre, ainsi désigné parce qu'il avait fait la campagne d'Afrique, Bédouin, vêtu d'un pantalon de gendarme, d'un habit rouge, coiffé d'un bicorne et nanti de sa hallebarde de suisse, vint le prendre à son banc, et, de force, le contraignit à se mettre à genoux au milieu de la nef !Le Tors fit une belle résistance en décochant de toutes ses forces au digne fonctionnaire des coups de pied dans les jambes, mais ce fut inutile et il dut se résigner à l'humiliation de cette exhibition publique à ce pilori paroissial.Il ne pleura point, mais il jura de se venger.Tout le temps qu'il fut là et longtemps, longtemps après, son petit cerveau rumina les vengeances les plus féroces et les plus invraisemblables.Ah ! s'il avait pu crêper la toison de ce vieux ramollot ! mais le digne garde et suisse attitré de la commune ne pouvait offrir à la jeune violence de ses petites mains qu'un crâne depuis longtemps dénudé, et, à la réflexion, le Tors se rendait parfaitement compte qu'il n'était pas le plus fort.Il rejeta donc un à un bien des projets qui lui parurent impossibles à réaliser et se résolut, en fin decompte, quand les fruits seraient mûrs, à profiter d'un jour où son ennemi serait en tournée quelque part,

- 5ème période – p. 222

Page 28: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

dans le finage, pour mettre à sac son potager et ses arbres, opération qui lui parut à la fois juste et profitable. C'était sage en effet, mais l'on n'était qu'en juin et, sauf pour les poires de moisson qui mûrissent en août, il fallait encore attendre longtemps avant de savourer concurremment les pommes du verger et la vengeance désirée. Le Tors s'y résigna cependant, certain que son jour viendrait.Un après-midi que ses bêtes ruminaient, couchées à l'ombre, et qu'il charmait la solitude de la pâture en édifiant soigneusement avec un peu de marne extraite d'une tourbière voisine et des bouses de vaches à demi fraîches, des constructions ingénieuses, à la façon des bébés qui, dans les jardins publics, s'amusent à faire des châteaux de sable, il vit à l'horizon se dresser la haute silhouette de son ennemi qui revenait sans doute de visiter son collègue, le garde forestier de la Joux, un vieux briscard comme lui avec qui il aimait à rappeler le passé et à choquer le verre.Le Tors résolut de ne pas le voir et de le laisser passer sans rien dire, affectant à son égard l'indifférence dédaigneuse qui lui parut le mieux convenir à sa dignité offensée. Mais le représentant de la loi ne l'entendait pas ainsi.L'âme dilatée par l'horizon grandiose, sans doute, et peut-être aussi par les chopines de rouge, les rincettes et surrincettes qu'il avait ingurgitées, il voulut être aimable avec son jeune et farouche tributaire et vint droit au gosse qui, les mains dans la ... matière, affectait, non sans grandeur, une contention d'esprit digne des plus grands ouvrages.Le Tors gardait un silence obstiné, mais l'autre était tenace et voulut bavarder. Aussi, après avoir toussé trois coups vigoureusement, il prit la parole :— Qu'est-ce que tu fais là, mon petit ami ?— Charogne ! pensa le Tors, qui ne desserra pas les dents.— Tiens, tiens! Mais tu fais l'ingénieur, «l'architèque» à ce que je vois. Très bien ! très bien ! ! ! !— Et qu'est-ce que ça représente, ce bâtiment-là ?— Ça, fit le Tors entre ses mâchoires, c'est not' mâson.— Ah bien ! Et ceci ?— C'est l'école, fit-il, laconiquement.— Bon, et cette grande bâtisse avec ce petit bacul ?— C'est l'église et la maison du béd... du suisse.— Et ce grand piquet-là ?— C'est le curé.— C'est vraiment très bien, mais je ne vois pas le garde !Alors, avec un petit air innocent qui jurait à côté de 1'éclair de triomphe des yeux, un sourire qui aurait voulu être niais et se plissait malicieusement et qui voulait dire: «Tu sais, mon vieux Bédouin, c'est sans préjudice de 1'affaire du verger !» le Tors répondit de sa voix la plus angélique :— Le garde, je n'ai pas assez de m... pour le faire !

Louis Pergaud – Les rustiques

Essayer d'expliquer le mot contention, trouver le verbe dont vient ce nom ... Ensuite la phrase sera claire .

Il affectait une contention d'esprit digne des plus grands ouvrages.

- 5ème période – p. 223

Page 29: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

S33 Le train

LectureArrivée en gare

Le détective privé Nestor Burma attend sa jolie secrétaire Hélène qui revient en train de Marseille. Il rencontre le policier Grégoire ('un flic' en argot) qui attend sa femme et sa nièce au même train.

1. – « Il doit faire souvent chaud, à Marseille.— Assez.— Ce n'est pas comme ici. Vous avez vu ce temps ?— Oui.— On ne peut pas dire qu'on soit vernis.— Non.— Enfin, c'est un temps de saison.— Oui. »Et voilà le genre de conversation que l'on a, avec les flics. Vraiment, je vous jure! Enfin, il ne faut pas se plaindre. Parfois, on en a d'autres, guère plus marrantes et infiniment plus dangereuses. Alors... Mais c'est égal. Nous ne sommes pas seuls. Autour de nous, des gens vont et viennent ; des clients pour la marchande de journaux et d'autres qui se contentent de regarder... ou d'écouter, mine de rien. Nous devons passer pour deux fameux cornichons, à leurs oreilles.

2. – Grégoire et moi, nous échangeons encore quelques propos d'une intelligence aussi élevée que les précédents, et puis la conversation tombe et je ne fais rien pour la ramasser.Peu après, des remous se produisent, la gare s'agite. Les gens se font brusquement plus nombreux. Le personnel déborde d'activité. Le train est annoncé, le fameux train ramenant à Paris Hélène, la mère Grégoire et sa nièce, et on croirait que c'est un événement qui n'a pas lieu tous les jours. Des haut-parleurs crachotent et mugissent des indications rigoureusement inaudibles : « Allô, allô ! » C'est généralement tout ce que l'on entend. Le reste se paume. Soyons juste. On distingue parfois : « ... entre en gare », ce qui est inutile puisqu'à ce moment le train est sur vous.

3. – Mon flic et moi, nous nous dirigeons vers la sortie des grandes lignes, nous nous incorporons à la foule et nous attendons comme tout le monde. Grégoire ne l'ouvre plus, ce qui me va comme un gant. Les mains au fond des poches de son imperméable verdâtre, il darde droit devant lui, dans la direction de Charenton, son regard professionnellement inquisiteur, comme s'il était posté là pour alpaguer l'ennemi public numéro un, signalé parmi les voyageurs. Et je constate avec confusion que lui et moi, grâce à nos découpes vaguement jumelles — imper et galurin mou — nous formons une coquette paire de poulagas brothers. Il ne manquait plus que ça à [ma séduction naturelle]. Hélène va se marrer et me demander si j'ai pris du service à la Tour Pointue.

4. – Le haut-parleur, crachotant, bavottant, et bafouillant, me tire de ces réflexions amères. Une rumeur parcourt nos voisins, saluant l'arrivée du rapide. C'est un de ces trains à traction électrique, à qui il manquera toujours la poésie spéciale qui s'attache aux locomotives puissantes, rugissant, crachant et enveloppées de fumée. Le convoi s'immobilise et les voyageurs commencent à descendre des wagons. Tout un échantillonnage d'humanité passe devant nous.Des types, originaires du Midi, rôtis par le soleil. Des types au teint mat. Des avec valises. Des sans. Des filles élégantes et félines, comme on n'en rencontre — que ce soit de jour ou de nuit — que dans les

- 5ème période – p. 224

Page 30: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

trains ou les gares, créatures mystérieuses et attirantes parce qu'on sait qu'on ne les reverra plus, jamais plus. Des filles bronzées, des bêtes de palaces. D'autres, pâlottes, à allures de bonniches venant se placer à Paris [...]. Des visages graves, qui cherchent quelqu'un parmi ceux qui attendent et qui s'illuminent quand ils ont trouvé et ce sont des effusions à n'en plus finir. Des visages hilares. Des visages fatigués. Des bien rasés. Des mal rasés. Des familles. Des couples. Et puis, des solitaires, solitaires où ils étaient, solitaires pendant le trajet, solitaires où ils débarquent. Ceux-là, devant le front des gens qui font plier les chaînes sous leur poussée, devant les gens qui ont des sourires et des baisers en réserve, ils passent raides comme des piquets, dédaigneux et hautains, le regard lointain, au diable, vers un inaccessible ailleurs.

5. – Bon. Tout ça, c'est très joli, mais ça ne fait pas rappliquer Hélène. De son côté, si ça peut me consoler, Grégoire ne paraît pas avoir plus de chance avec les membres de sa famille.A présent, plus personne ne descend du train et les employés commencent à refermer les portières en les claquant fort. Sur le quai, la dernière fournée de voyageurs avance sans hâte en direction de la sortie. Rien, dans le tas, qui ressemble à la poupée jolie.Soudain, Grégoire pousse un grognement de soulagement et fonce vers une bonne femme accompagnée d'une asperge de seize piges. Toute la famille se lèche le museau avec émotion, puis Grégoire, rameutant tout le monde vers mézigue, tient à faire les présentations.— Mais dites donc, remarque-t-il. Et votre secrétaire ?— Je me pose la question depuis plus longtemps que vous, mon vieux.— On ne dirait pas qu'elle soit là, hein ? Je ricane :— Rien n'échappe à l'œil de la police.— Elle a dû louper son train.— Certainement. Je vais me renseigner sur les prochaines arrivées.Je me débarrasse du trio avec mes salutations distinguées et je file vers un autre coin de la gare. Il me casse les pinceaux, Grégoire, et je suis en rogne après Hélène, pour le lapin que je digère mal. J'ai toujours redouté la myxomatose.

Léo Malet - « Casse-pipe à la Nation »Les nouveaux mystères de Paris

Expliquer les mots : 2) inaudibles - Le reste se paume. Que signifie le verbe se paumer. Est-il très correct ? 3) la sortie des grandes lignes – il darde : il regarde attentivement. - alpaguer : attraper, en argot parisien des années 50. galurin : chapeau. Poulaga = policier, les poulagas brothers, des policiers frères, un peu comme les Dupont(d) ; la Tour Pointue.: le commissariat de police de Paris, au Quai des Orfèvres, a une tour pointue. 4) hilare : qui rie, qui se marre, comme dirait Léo ; 5) vers mézigue : vers moi-même (toujours l'argot des années 50 - 5) la myxomatose est une maladie qui tue les lapins. Qu'est-ce que ce lapin ?

Préciser les idées : 1) Qui dit quoi ? Pourquoi Nestor craint-il de passer pour un cornichon aux yeux des gens qui passent ? 2) la conversation tombe et je ne fais rien pour la ramasser : que pensez-vous de cette façon de dire ? (sens figuré – sens propre) 5) Toute la famille se lèche le museau ??? - Toujours l'argot ; Que signifie « Il me casse les pinceaux » ?Que pensez-vous de la façon de s'exprimer de Léo Malet ?

GrammaireNatures et fonctions

Nous savons analyser tous les mots d'une phrase simple :

—Des haut-parleurs crachotent des indications rigoureusement inaudibles

Mais aussi d'une phrase complexe ; seulement, avant d'analyser mot par mot une phrase complexe (c'est à dire une phrase avec plusieurs propositions), il faut séparer les propositions et analyser la proposition subordonnée :

—On ne peut pas dire qu'on soit vernis.

- 5ème période – p. 225

Page 31: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Révisions : Nous connaissons toutes les sortes de mots. Chacun d'eux a ses fonctions possibles. Un article sert toujours à déterminer un nom. Un nom n'est jamais épithète ... Utilisez ce tableau pour les exercices d'analyse. Le verbe n'est pas dans ce tableau.

Nature FonctionsLes mots variables

Article ● (le, la, les, un, une, des,) Déterminant du nom « ______ »Adjectif démonstratif ● (ce, cet, cette, ces) Déterminant du nom « ______ »Adjectif possessif ● Mon, ma, mes / ton, ta, tes / son, sa, ses / notre, nos /

votre, vos / leur, leurs - Déterminant du nom « ______ »Adjectif indéfini ● Certains, tout, quelques … Déterminant du nom « ___ »Adjectif numérique ● Trois, six, mille – le deuxième … Déterminant du nom « »Adjectif interrogatif ● Quel, quelle, …. Déterminant du nom « ______ »Adjectif qualificatif ● Attribut du sujet « ______ » (avec un verbe d'état)

● Épithète du nom « ______ »Nom ● Sujet du verbe « _______ »

● Attribut du sujet « _______ » (avec un verbe d'état)● Complément du nom « _______ »● Complément du verbe « ______ »

• d'objet direct ou indirect (avec une préposition)• circonstanciel (de lieu, temps, manière, cause, but )• d'agent (à la voix passive)

Pronom- démonstratif- possessif

- indéfini- interrogatif- numéral- relatif- personnel

● Remplace le nom, donc peut prendre les mêmes fonctions• celui, celle, ceux, celles, cela, ça• le mien, la mienne, les miens, les miennes / le tien

… / le sien … / le nôtre .. / le vôtre … / le leur …• on, certains, d'autres, quelques uns, personne …• qui, que, quoi, lequel …• trois, six, mille, le deuxième ….• qui, que, où, dont, lequel …• je, me, moi – tu, te, toi – il, le, se, lui, soi – elle, la,

se – nous – vous – ils, les, leur - ellesLes mots invariables

Adverbe ● Modifie le sens d'un verbe, d'un adj. qual., d'un autre adv.(ici, là; là-bas, demain, bien, mal, gentiment, bêtement ...)

Préposition ● Relie un nom complément au mot qu'il complète (V ou N)(à, de, par, pour, sur, dans, avec, sans, contre, …)

Conjonction ● de coordination : (mais, ou, et, donc, or, ni, car) – relie deux mots (ou propositions) de même importance

● de subordination (que, lorsque, quand, parce que, si ...) : relie une proposition subordonnée conjonctive à la

proposition principale ...Interjection ● Ah ! Oh ! Hep ! Hola ! Ben ! Aïe ! ...

Exercices285)Analyser tous les mots de cette phrase

Tout un échantillonnage d'humanité passe devant nous.

- 5ème période – p. 226

Page 32: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

286)Même exercice

Le convoi s'immobilise et les voyageurs commencent à descendre des wagons.

ConjugaisonRévisions

Trouver tous les verbes de ce texte, leur mode et leur temps.

Toute la famille se lèche le museau avec émotion, puis Grégoire, rameutant tout le monde vers mézigue, tient à faire les présentations.— Mais dites donc, remarque-t-il. Et votre secrétaire ?— Je me pose la question depuis plus longtemps que vous, mon vieux.— On ne dirait pas qu'elle soit là, hein ? Je ricane :— Rien n'échappe à l'œil de la police.— Elle a dû louper son train.— Certainement. Je vais me renseigner sur les prochaines arrivées.Je me débarrasse du trio avec mes salutations distinguées et je file vers un autre coin de la gare. Il me casse les pinceaux, Grégoire, et je suis en rogne après Hélène, pour le lapin que je digère mal. J'ai toujours redouté la myxomatose.

Exercices

287)Conjuguer le verbe « tenir » à tous les temps connus.

Vocabulaire - RédactionDescente du train

Le convoi s'immobilise et les voyageurs commencent à descendre des wagons. Tout un échantillonnage d'humanité passe devant nous.Des types, originaires du Midi, rôtis par le soleil. Des types au teint mat. Des avec valises. Des sans. Des filles élégantes et félines, comme on n'en rencontre — que ce soit de jour ou de nuit — que dans les trains ou les gares, créatures mystérieuses et attirantes parce qu'on sait qu'on ne les reverra plus, jamais plus. Des filles bronzées, des bêtes de palaces. D'autres, pâlottes, à allures de bonniches venant se placer à Paris [...]. Des visages graves, qui cherchent quelqu'un parmi ceux qui attendent et qui s'illuminent quand ils ont trouvé et ce sont des effusions à n'en plus finir. Des visages hilares. Des visages fatigués. Des bien rasés. Des mal rasés. Des familles. Des couples. Et puis, des solitaires, solitaires où ils étaient, solitaires pendant le trajet, solitaires où ils débarquent. Ceux-là, devant le front des gens qui font plier les chaînes sous leur poussée, devant les gens qui ont des sourires et des baisers en réserve, ils passent raides comme des piquets, dédaigneux et hautains, le regard lointain, au diable, vers un inaccessible ailleurs.

Explication : Trouver toutes les phrases sans verbe de ce texte.

• Lorsque qu'un auteur utilise des phrases sans verbe, il le fait exprès, et très soigneusement. Cela donne un effet de liste ...

- 5ème période – p. 227

Page 33: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Vocabulaire

288)1) Expliquer les mots suivants selon leur étymologie. On peut s'aider du tableau de révisionsInaudibles – inutile - incorporer - imperméable – professionnellement – inaccessible – refermer - grognement – présentation - salutation

semaine Préfixe Sens semaine Suffixe Sens2 en - em dans 1 -âtre péjoratif3 re à nouveau 2 et-ette -elle diminutif5 in - im négatif 4 - ier/ière contient/métier8 dé manque contraire 5 -able -ible adj.q.:. on peut ...10 com (co.col ..) avec ensemble 6 -eur/euse qualité, métier19 anti contre opposé 9 -ement nom : action19 télé de loin 9 -ation -aison nom :22 anté avant 10 -eux -ieux nom → adj.qual24 dia à travers 18 -aie surface plantée 24 inter entre 20 -ment adj.qual → adv.25 trans qui traverse 27 -té -eur -ude adj.qual. → nom26 a ac, ad, ap, at avec, ensemble 27 -esse -ie -ce adj.qual. → nom26 sub dessous 32 -ion verbe → nom26 sus dessus

Rédaction. - SujetDécrivez une descente du train, ou une montée dans le train, personnage par personnage, groupe par groupe. Attention : ce sont des phrases bien marquées. Faites le compte des phrases sans verbe … il y a de grandes chances qu'elles se suivent. // Départ en vacances /// retour de vacances

Orthographe

• Révisions : les noms féminins en -é // les noms féminins en -ie

• Le participe présent : - est invariable ; on sent qu'il représente une action en train de se faire- peut être employé comme un adjectif qualificatif : là ils s'accorde

- 5ème période – p. 228

Page 34: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Lecture supplémentaireLe chemin de fer

1. -- 22 août 1837- Je suis réconcilié avec le chemin de fer ; c’est décidément très beau. Le premier que j’avais vu n’était qu’un ignoble chemin de fabrique. J’ai fait hier la course d’Anvers à Bruxelles et le retour. […]

C’est un mouvement magnifique et qu’il faut avoir senti pour s’en rendre compte. La rapidité est inouïe. Les fleurs du bord du chemin ne sont plus des fleurs, ce sont des taches ou plutôt des raies rouges ou blanches ; plus de points, tout devient raie ; les blés sont de grandes chevelures jaunes, les luzernes sont de longues tresses vertes ; les villes, les clochers et les arbres, dansent et se mêlent follement à l’horizon ; de temps en temps, une ombre, une forme, un spectre debout paraît et disparaît comme l’éclair à côté de la portière ; c’est un garde du chemin qui, selon l’usage, porte militairement les armes au convoi. On se dit dans la voiture : c’est à trois lieues, nous y serons dans dix minutes. Le soir, comme je revenais, la nuit tombait. J'étais dans la première voiture. Le remorqueur flamboyait devant moi avec un bruit terrible, et de grands rayons rouges, qui teignaient les arbres et les collines, tournaient avec les roues. Le convoi qui allait à Bruxelles a rencontré le nôtre. Rien d'effrayant comme ces deux rapidités qui se côtoyaient, et qui, pour les voyageurs, se multipliaient l'une par l'autre; on ne voyait passer ni des wagons, ni des hommes, ni des femmes, on voyait passer des formes blanchâtres ou sombres dans un tourbillon. De ce tourbillon sortaient des cris, des rires, des huées. Il y avait de chaque côté soixante wagons, plus de mille personnes ainsi emportées, les unes au nord, les autres au midi, comme par l'ouragan.

2.-- Il faut beaucoup d'efforts pour ne pas se figurer que le cheval de fer est une bête véritable. On l'entend souffler au repos, se lamenter au départ, japper en route; il sue, il tremble, il siffle, il hennit, il se ralentit, il s'emporte: il jette tout le long de la route une fiente de charbons ardents et une urine d'eau bouillante; d'énormes raquettes d'étincelles jaillissent à tout moment de ses roues ou de ses pieds, comme tu voudras, et son haleine s'en va sur vos têtes en beaux nuages de fumée blanche qui se déchirent aux arbres de la route.On comprend qu'il ne faut pas moins que cette bête prodigieuse pour traîner ainsi mille ou quinze cents voyageurs, toute la population d'une ville, en faisant douze lieues à l'heure.Après mon retour, il était nuit, notre remorqueur a passé près de moi dans l'ombre se rendant à son écurie, l'illusion était complète. On l'entendait gémir dans son tourbillon de flamme et de fumée comme un cheval harassé.3. -- Il est vrai qu'il ne faut pas voir le cheval de fer; si on le voit, toute la poésie s'en va. À l’entendre, c'est un monstre, à le voir ce n'est qu'une machine. Voilà la triste infirmité de notre temps; l'utile tout sec, jamais le beau. Il y a quatre cents ans, si ceux qui ont inventé la poudre avaient inventé la vapeur, et ils en étaient bien capables, le cheval de fer eût été autrement façonné et autrement caparaçonné ; le cheval de fer eût été quelque chose de vivant comme un cheval et de terrible comme une statue. Quelle chimère magnifique nos pères eussent faite avec ce que nous appelons la chaudière ! Te figures-tu cela ? De cette chaudière ils eussent fait un ventre écaillé et monstrueux, une carapace énorme; de la cheminée une corne fumante ou un long cou portant une gueule pleine de braise; ils eussent caché les roues sous d'immenses nageoires ou sous de grandes ailes tombantes ; les wagons eussent eu aussi cent formes fantastiques, et, le soir, on eût vu passer près des villes tantôt une colossale gargouille aux ailes déployées, tantôt un dragon vomissant le feu, tantôt un éléphant la trompe haute, haletant et rugissant ; effarés, ardents, fumants, formidables, traînant après eux comme des proies cent autres monstres enchaînés, et traversant les plaines avec la vitesse, le bruit et la figure de la foudre. C'eût été grand.4. – Mais nous, nous sommes de bons marchands bien bêtes et bien fiers de notre bêtise. Nous ne comprenons ni l'art, ni la nature, ni l'intelligence, ni la fantaisie, ni la beauté, et ce que nous ne comprenons pas, nous le déclarons inutile du haut de notre petitesse. C'est fort bien. Où nos ancêtres eussent vu la vie, nous voyons la matière. II y a dans une machine à vapeur un magnifique motif pour un statuaire; les remorqueurs étaient une admirable occasion pour faire revivre ce bel art du métal traité au repoussoir. Qu'importe à nos tireurs de houille ! Leur machine telle qu'elle est dépasse déjà de beaucoup la portée de leur lourde admiration. Quant à moi, on me donne Watt tout nu, je l'aimerais mieux habillé par Benvenuto Cellini. Victor Hugo

- 5ème période – p. 229

Page 35: S29 Le printemps Lecturemarc.le.bris.free.fr/textes_pdf/franccml29_34_a.pdf · 2010. 11. 4. · S29 Le printemps Lecture Le printemps en Normandie 1. -- Le printemps fut singulièrement

Thème Grammaire Conjugaison Orthographe Vocabulair Rédaction

S1 Les vacances 9 espèces 6 modes S – c- g -âtre Récit élém

S2 La rentrée Nom/genre 3 grps Présent Accord S-V -ette Description

S3 La maison Le nombre (S/V ?) Présent G3 Pluriel des N re- Description

S4 La ville Sujet Verbe Présent eter oyer C'est - s'est -ier / Description

S5 Une promenade L'adjectif qualificatif L'imparfait AQ au fémin -able -in Description

S6 Les copains L'article Le passé-comp. AQ au plurie -eur Descript activ

S7 Contrôles Tousst

S8 L'automne Le nom attrib. du S Forme négative Sc-mn- sujet -dé Descript activ

S9 La guerre Fonctions du Nom Passé simple É-er //n.f: -ée -ement/ion Descript activ

S10 Les contes Nature et fonction Le passé simple té/tié // inf-pp -eux -com Le conte

S11 Le sport La proposition ind. Le futur simple Noms fém -ie -en (-em) Une partie de.

S12 La peur Compl. Objet direct PQP / Le pp avec être contraires Portraits

S13 Noël Compl. Circ L-T-M Passé antérieur -ont/ons – 2 suj. Nom- adj. Portraits

S14 Contrôles Noël

S15 Les jouets Coord. / révisions Impératif présent Adj éloigné / ée liste Noël

S16 L'hiver Principale / subord. Futur antérieur Accueil - naître l'hiver Paysage

S17 Les parents Rev. Propos - prépos Forme interrog. ses/c'est ien/ienne Famil de mots Portraits Phy-Moral

S18 La rivière Adj. Possessif Conditionnel Accord adj V Suff. -aie Une recherche

S19 Les robots Autres déterm. VP temps simples ses/ces a/à télé- anti- Formes portrt actif

S20 Les devoirs Les adverbes VP temps compos je->e/s-pluriel Adv -ement Le temps du texte

S21 Contrôles Février

S22 Une moto Prop. subord. rel La forme int-neg futur/cond-é/er propr figuré Une voiture

S23 Les chats Prop sub. Conj. Circ Subjonctif présent é/er - les+V Homony. Hist d'animaux

S24 Le Moyen âge Pronoms démonstr Style direct / indir On-ont / 100 dia- inter- Dialogue

S25 Théâtre opéra Pronoms possessifs Pronoms interrogatifs Part. invaria Synony.Trans- Dialogue

S26 Les maladroits Pronoms num. Ind. Pronoms personnels Ces-ses /ap- ac- é- sus Succ de verbs

S27 Le livre de la jungl Prop sub conj. COD Forme pronom. Pp et verbe -té -eur ... Dialogue

S28 Contrôles Pâques

S29 Le printemps Fonction de l'infinitif Les modes Accord S/V Étymolo. Printemps

S30 Ma mère COI Les formes, la VP ou/où - -rai/rais Construct. Ma mère

S31 Bateaux / ports Pronom relatif Participes Accord PP-avoir -ement ... Sortie à la

S32 Les garnements Comparatif- superlat Révisions Les avec v/n familles Portrait

S33 Le train Révision mots Révisions Part. présent Préf. Suff. Phr. nomina_s

S34 Pas fait Révisions propositi Révisions Révisions Révisions Texte ... libre

S35 Contrôles juinmanq l'apposition Subj. imparfait son/sont

Départ en vacs Compl. d'attribution Subjonctif passé Récap

La chaleur de l'été Compl. de l'adj. qual

Le collège Prop infinitive

Analyse logique

- 5ème période – p. 230