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Tous droits réservés © Éditions Continuité, 2013 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 5 juin 2021 02:33 Continuité Sacrée influence Claude Payer Un pays par saison Numéro 135, hiver 2013 URI : https://id.erudit.org/iderudit/68285ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (imprimé) 1923-2543 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Payer, C. (2013). Sacrée influence. Continuité,(135), 40–42.

Sacrée influence - Érudit · Le tabernacle de l’église Saint-Jean-de-Deschaillons est le seul de la série à avoir conservé son intégrité. Photo : Guy-André Roy Depuis 1937,

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  • Tous droits réservés © Éditions Continuité, 2013 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

    Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

    Document généré le 5 juin 2021 02:33

    Continuité

    Sacrée influenceClaude Payer

    Un pays par saisonNuméro 135, hiver 2013

    URI : https://id.erudit.org/iderudit/68285ac

    Aller au sommaire du numéro

    Éditeur(s)Éditions Continuité

    ISSN0714-9476 (imprimé)1923-2543 (numérique)

    Découvrir la revue

    Citer cet articlePayer, C. (2013). Sacrée influence. Continuité,(135), 40–42.

    https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/https://www.erudit.org/fr/https://www.erudit.org/fr/https://www.erudit.org/fr/revues/continuite/https://id.erudit.org/iderudit/68285achttps://www.erudit.org/fr/revues/continuite/2013-n135-continuite0406/https://www.erudit.org/fr/revues/continuite/

  • par Claude Payer

    Depuis 2000, les restaurateursdu Centre de conservation duQuébec ont consacré quelque3000 heures à restaurer le taber-nacle de la chapelle du Sémi-naire de Québec. Ils ontnotamment dégagé de ses sur-peints la dorure d’origine, appli-quée par les Ursulines deQuébec en 1758, et sculpté àl’identique, d’après des docu-ments d’archives, la porte infé-rieure, volée en 1975.Les recherches qui ont accom-pagné ce travail de moine ontpermis de retracer les origines

    et le parcours de ce meublesacré. Et surtout, de découvrirque cette œuvre a servi de mo-dèle à d’autres tabernacles, quipartagent ses traits distinctifs.

    FIGURE IMPOSÉEL’histoire du tabernacle re-monte à plus de 250 ans. En1705, un incendie détruit la cha-pelle du Séminaire de Québec.Les prêtres devront attendreune cinquantaine d’annéesavant de la reconstruire. Ilscommandent alors un taberna-cle à François-Noël Levasseur(1703-1794) et à son frère Jean-Baptiste-Antoine (1717-1775).

    Les deux sculpteurs d’expé-rience semblent devoir travaillerà partir d’un modèle imposé,comme le suggère le contrat :«Ce jourdhuy 22e juin 1757 noussommes convenus avec les Deuxmessieurs le Vasseur, frères qu’ilsnous feroient un tabernacle pourla Chapelle du Seminaire confor-mement au plan que nous leursEn avons donné à L’exceptionDes deux Colones Separéesqu’ils pourront retrancher […].»Ce dessin amène les Levasseurà créer un meuble qui se dé-marque de leurs productions an-térieures. Ici, ni ailerons, niressauts, ni statuettes dans desniches, ni reliefs historiés, àl’exception d’un pélican nour-rissant ses petits sur la porte dela réserve eucharistique. Repo-sant sur deux gradins, une largeniche à colonnes surmontéed’une impériale à cinq branchesest flanquée de deux ailes rec-tangulaires à panneaux.Au fait des styles en vogue enFrance, les prêtres souhaitaientun meuble marqué par le stylerocaille (aussi appelé rococo).Des appliques aux formes si-nueuses, tourmentées et asy-métriques couvrent ainsi toutesles surfaces de la petite archi-tecture qui, elle, reste classique.Les sculpteurs créent une har-monie particulière dans les mo-tifs presque abstraits en lesagrémentant de fleurettes àcinq pétales.Le style rocaille leur est fami-lier, puisqu’ils ont sculpté sixans plus tôt le spectaculaire ta-bernacle du maître-autel del’église Sainte-Famille, à l’îled’Orléans. Ils y ont intégré degrands reliquaires ovales demême que, dans l’impériale ma-jestueuse, des branches encourbes et en contre-courbes.Des ornements qu’ils repren-dront pour le tabernacle du séminaire.

    CC o n s e r v a t i o n

    SACRÉE INFLUENCE

    Jusqu’à tout récemment, nul ne se doutait que les tabernacles

    de plusieurs églises du Québec avaient pour modèle celui de la chapelle

    du Séminaire de Québec…

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    Après 12 ans de travaux de restauration, le tabernacle duSéminaire de Québec est finprêt à devenir une des piècescentrales de l’exposition préparée par le Musée de la civilisation à l’occasion du350e anniversaire de l’institution.

    Photo : Michel Élie, CCQ

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    C o n s e r v a t i o n

    SAUVÉ DES FLAMMESLes sculpteurs font diligence :le tabernacle est installé dans lachapelle du Séminaire de Qué-bec le 14 avril 1758. Il y resteraun peu plus d’une centained’années. Déjà en 1800, lemeuble subit des modificationsmineures pour accueillir unnouvel ostensoir ou un plusgrand crucifix. Puis, la dorure àla colle est recouverte d’une se-conde dorure, cette fois-ci faiteà la mixtion.En 1867, on retire le tabernaclepour en installer un plus presti-gieux, hérité des Jésuites deQuébec. Ce dernier sera rem-placé à son tour quelques moisplus tard. Les deux tabernaclessont offerts en 1884 à la pa-roisse Saint-Edmond de Stone-ham, où le premier sert aumaître-autel, et le second, àl’autel latéral. Ce déménage-ment s’avère une bénédiction,car un incendie détruit quatreans plus tard la chapelle du sé-minaire et son contenu. L’églisede Stoneham est aussi la proiedes flammes en 1911, mais lesmeubles sacrés sont sauvés.En 1969, dans la foulée de laréforme liturgique inspirée parle concile Vatican II, le Sémi-naire de Québec récupère lesdeux meubles et les intègre àses collections d’art. Ils sontmaintenant en dépôt au Muséede la civilisation.

    LES VARIANTESDES LEVASSEUR

    Le tabernacle du séminaire a étémaintes fois copié en raison deson élégance et du prestige del’institution d’enseignement quil’abritait. Les Levasseur ne sesont pas gênés pour proposer desvariantes à diverses fabriques,modifiant les dimensions et lesdétails décoratifs selon les be-soins et les commandes. En20 ans, pas moins de cinq taber-nacles de même inspiration sontsortis de leur atelier.Dès 1766, ils livrent à la paroissede Château-Richer un meuble

    légèrement plus petit, au-jourd’hui dans les collectionsdu Musée des beaux-arts duCanada. En 1771, la paroissede Saint-François-de-l’Île-d’Orléans commande unecopie conforme du tabernacledu séminaire ; l’œuvre disparaî-tra dans un incendie en 1988.Après le décès de Jean-Baptiste-Antoine en janvier 1775, François-Noël livre coup surcoup les tabernacles de Saint-Thomas de Montmagny (1775),de Petite-Rivière-Saint-François(1776) et de Saint-Jean-de-Deschaillons (1776).Le tabernacle de Saint-Thomasde Montmagny est plus verticalque celui du séminaire. Il a enoutre été surhaussé, sans doutelors du remplacement de laporte eucharistique. La réserveeucharistique de nombreux ta-bernacles a été agrandie à la findu XIXe et au XXe siècle pourloger des ciboires plus volumi-neux. Dès lors, une nouvelleporte, souvent en métal, rem-place celle d’origine. Le taber-nacle de Montmagny a disparudans un incendie en 1948.Le tabernacle sculpté pourl’église Saint-Jean-de-Des-chaillons est quant à lui plus

    petit que celui du séminaire,mais richement orné. Il estconservé depuis 1878 à la sacristie de l’église Sainte-Philomène de Fortierville.Quant au tabernacle de Petite-Rivière-Saint-François, il a ré-cemment été cédé à la Ville deLévis. Les prêtres du Collège deLévis l’avaient acquis d’un anti-quaire pour leur musée en 1973.

    Le tabernacle de l’église Saint-Jean-de-Deschaillons est le seulde la série à avoir conservé sonintégrité.

    Photo : Guy-André Roy

    Depuis 1937, le tabernacle de Petite-Rivière-Saint-François a perduson couronnement, une partie de ses gradins et sa porte inférieure.

    Source : Musée canadien des civilisations, fonds Marius-Barbeau

    Le tabernacle de Saint-Thomasde Montmagny donne une idéedes larges reliquaires ovales decelui du séminaire.

    Source : BAnQ, fonds Inventairedes œuvres d’art

    Ce meuble plus vertical, richement décoré de motifs rocaille, a été utilisé au CollègeSaint-Édouard.

    Source : Archives des Frères desécoles chrétiennes, Laval

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    C o n s e r v a t i o n

    SOURCE D’INSPIRATIONL’influence du modèle du Sé-minaire de Québec sera per-ceptible dans le travail d’autressculpteurs jusqu’à la fin duXVIIIe siècle. La filiation estparticulièrement frappantechez Pierre Émond (1738-1808), sans doute lui-mêmeformé à l’atelier des Levasseur,qui a réalisé les tabernacles dela chapelle de Tadoussac(1790) et de Saint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans (1795).Commandé par l’intermédiairedu Séminaire de Québec, le ta-bernacle de la chapelle histo-rique de Tadoussac conserveles principales caractéristiquesdu modèle : niche centrale sur-montée d’une impériale, pan-neaux entre les colonnes etcertains motifs rocaille. Lemaître-autel de Saint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans s’affirmepour sa part comme l’œuvre laplus achevée de Pierre Émond.Près de 40 ans après la réalisa-tion du tabernacle de la cha-pelle du séminaire, le sculpteurdonne à ce meuble sacré la

    Le CCQ a aussi restauré le tabernacle de la chapelle historique de Tadoussac, qui a les caractéristiques principales de celui du séminaire.

    Photo : Michel Élie, CCQ

    Pierre Émond s’est inspiré du tabernacle du séminaire pour laréalisation du maître-autel deSaint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans.

    Source : BAnQ, fonds Inventairedes œuvres d’art

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    même architecture que celle deson modèle, qu’il habille de ma-gnifiques motifs végétaux, dontdes paniers de fleurs et des rin-ceaux d’acanthe.Le tabernacle du séminaire ainspiré d’autres œuvres, notam-ment un meuble aujourd’huidisparu qui fut utilisé de 1907 à1965 au Collège Saint-Édouard,à Beauport. Il pourrait provenirde Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléanset avoir été sculpté par JeanBaillairgé (1726-1805).Si le travail des dernières années a permis d’établir l’in-fluence du remarquable taber-nacle de la chapelle duSéminaire de Québec, il a aussiredonné son lustre à ce meuble.Le public pourra d’ailleurs l’ad-mirer au Musée de la civilisa-tion dès le printemps prochain,dans une exposition soulignantle 350e anniversaire du Sémi-naire de Québec.

    Claude Payer est restaurateur desculptures au Centre de conserva-tion du Québec.