Sagesse Égyptienne revue181

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pour une renaissance philosophique

Actualit

Habiter avec soiCivilisations

Rites et initiation en gypte ancienneQuestion Philo

La philosophie rend-elle meilleur ?Psychologie

La mmoire, outil de connaissanceRencontre avec...

Jean-Pierre BayardLa symbolique du labyrinthe

DOSSIER

PHILOSOPHIE

Sagesse gyptienne1

Les stociens et la tranquillit de lmeRevue de Nouvelle Acropole N 181 3 Numro de janvier - fvrier 2004

La philosophie un art de vivre

pour une renaissance philosophique N 181 janvier/fvrier 2004 3

NOTRE COUVERTURE Sagesse gyptienne

Nouvelle Acropole Revue n181 - ISSN 0396-7387 - Dpt lgal janvier 2004 dit par la Fdration Franaise des Nouvelle Acropole, association franaise rgie par le dcret loi du 1er juillet 1901 Sige social - Administration : La Cour Ptral, D941, 28340 Boissy-ls-Perche - Rdaction 13, rue Pclet 75015 Paris - 01 45 30 01 30 Internet : www.nouvelleacropole.org Directeur de Publication : Fernand SCHWARZ - Rdacteur en chef : Isabelle OHMANN - Maquette : Sylvie COTS et Caroline LAFITTE - Crdit photo : Nouvelle Acropole - Impression : Gabel Prix de vente : 3 - Reproduction interdite sans autorisation.

Sommaire5 Editorial

Prochain numro N 182 : Les civilisations disparues Parution 1er mars 2004

Lassociation philosophique Nouvelle Acropole vous propose :

Cours de philosophie dOrient et dOccidentProgramme du cycle de coursDialoguez avec les philosophes de tous les temps sur les questions daujourdhui. Dans ce cycle de 19 sances, vous dcouvrirez la richesse des philosophies compares de lOrient et de lOccident, prsentes dune manire accessible et vivante.La philosophie quoi a sert ? Quest-ce que lhomme ? (1e partie)

Philosopher cest sinterroger, car la vie est une nigme, et les apparences nous cachent souvent lessentiel. Cest aussi apprendre se connatre pour progresser et samliorer. Philosopher cest vivre mieux en tirant parti de nos potentialits et en vivant pleinement chaque instant. Cest aussi partager avec les autres, car vivre en philosophe cest offrir le meilleur de nous-mmes tous ceux qui nous entourent.

Par Fernand SCHWARZ

6 Actualit Habiter avec soiPar Emmanuel QUAD

7 Dcouvertes

8DOSSIER

8 Art Le symbolisme des animaux en gyptePar Jean-Marc BACH

10 Sagesse Lgypte et ses symbolesPar Sylvianne CARRI

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12 Civilisations Rites et initiation en EgyptePar Fernand SCHWARZ

Lveil de l me selon Platon.Quest-ce que lhomme ? (2e partie)

Les diffrents plans de conscience de ltre humain dans la philosophie orientale.Etre heureux, a sapprend ?

15 Philosophie en action Nouvelle Acropole et lenfance dfavorise en RussiePar Franoise BCHET

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Lart du bonheur selon Socrate. La rponse aux aspirations de lhomme.Peut-on raliser ses aspirations profondes en socit ? La philosophie Le banquet philosophique sadresse principalement ceux qui jugent plus important davoir des raisons de vivre que des moyens pour vivre mieux.

Partager ses idaux au quotidien.Y a-t-il une logique de lhistoire ?

16 Psychologie La mmoire, outil de connaissancePar Emmanuelle BROUSSES

Le devenir de lhumanit et linterrogation sur le sens de lhistoire.Comment assumer son propre destin ?

La voie du combat intrieur dans la philosophie hindouiste et la Bhagavad Gita.Comment lhomme peut-il devenir un loup pour lhomme ?

Les maladies de notre temps. La philosophie face au totalitarisme.Lhistoire se nourrit-elle de mythes ?

Initiation au dialogue socratique dans une soire conviviale autour dun thme philosophique.Trois ateliers pratiques (en week-end)

19 La page de Calliope Lhymne AmonPar Hannah IGOTZ

20 Philosophies Les Stociens et la tranquillit de lmePar Lonard BRARDI

Le besoin du sacr dans lhistoire.La douleur a-t-elle un sens ?

Le bouddhisme et la voie du dtachement.Comment intgrer les diffrences dans la socit ?

22 Question Philo La philosophie rend-elle meilleur ?Par Lonie BEHLERT

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Lindividu et la collectivit. Le sens de la justice.Lducation se limite-t-elle la transmission dun savoir-faire ?

Savoir tre et savoir assumer son ge et son rle dans la socit.Lhistoire se rpte-t-elle toujours?

Dcouverte des voies dexpression de lesprit, de lme et du corps.

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23 Philosophie vivre Nouvelle anne, nouvelle vie ?Par Dlia STEINBERG GUZMAN

Lternel retour et le besoin de progrs.Lhistoire nous permet-elle dentrevoir le futur ?

24 Rencontre avec Jean-Pierre Bayard

La loi des cycles dans lhistoire.Le XXIe sicle sera-t-il philosophique ou fanatique ?

>>

Par Laura WINCKLER Voir au dos

de cette revue les adresses des centres Nouvelle Acropole o se droulent les cours.

26 A lire 30 Agenda

Les dangers dun nouveau moyen ge et les perspectives dune nouvelle Renaissance humaniste.La sagesse doit-elle concilier foi et raison ?

Les voies de la connaissance dans les coles de philosophie.

COMMANDEZles numros disponibles !Lieux et plerinages initiatiques N169 Ying/Yang : les deux faces de limaginaire chinois N170 Paix : A quand la Paix ? N171 H.P.Blavatsky Une rhabilitation ncessaire N172 La sagesse des Amridiens N173 Eleusis et les mystres de lme N174 La symbolique du Mont-Saint-Michel N175 La philosophie sotrique de lislam N176 La qute de luniversel : Alexandrie N177 Le temps des cathdrales N178 Le priple du hros N179 Splendeurs de lAsie centrale N180 Sagesse gyptienneN168

Rhabiliter

ditorial

Acropolis est une revue philosophique indpendante. Elle dveloppe une rflexion contemporaine sur la vie et sur lindividu, ancre dans les philosophies et les sagesses traditionnelles. Elle se veut libre de toute publicit. Sabonner ou abonner un ami lui permet de continuer exister.Acropolis est aussi sur internet : www.nouvelleacropole.asso.fr Vous pourrez y consulter les articles de votre choix. Sur revueacropolis.ifrance.com consultez la revue acropolis au format pdf.

la sagesse

chaque nouveau cycle, nous sommes pleins de bonnes rsolutions. Mais devant une actualit confuse et charge de violence, que faire ? La confusion intellectuelle est aujourdhui notoire et le nihilisme sexprime dune faon de plus en plus puissante, travers la violence aveugle du terrorisme, mais aussi par la fuite dans la consommation des socits occidentales en manque didal. Sil y a quelque chose aujourdhui de totale actualit, cest de rhabiliter la sagesse. Parmi les bonnes rsolutions pour bien dmarrer lanne 2004, nous devrions lire et surtout rflchir au petit livre de poche de Pierre Hadot, La philosophie comme manire de vivre (1). Hadot insiste sur le fait que la philosophie est la plus srieuse des occupations : travers lamour de la sagesse, parvenir vivre vraiment. Quoi de plus ncessaire aujourdhui dans un monde superficiel o la ralit se vit par procuration la tlvision ? Vivre avec authenticit sans avoir peur du quen dira-t-on, dvelopper le courage moral avec son indispensable formation du caractre, reste lenjeu essentiel pour nous prserver de toute forme de barbarie. Les gyptiens lavaient dailleurs trs bien compris, il y a dj plusieurs millnaires, nous expliquant quaucune construction architecturale ne pouvait surpasser la construction de soi-mme. Cest un monument que de faire du bien. Un bon caractre est un monument. Le monument de lhomme est sa patience. Le monument de lhomme est sa vertu. (2)

Prochain numro N 182

Les civilisations disparuesSagesses : Ankor le dernier disciple de lAtlantide Civilisations : LAtlantide, un continent englouti Et parmi nos rubriques : Actualit : Dun monde lautre Rencontre avec : Claude Henri Roquet Psychologie : Les sens qui nous gouvernent Question philo : Peut-on apprendre aimer ? Sciences : Les mouvements ocaniquesSortie le 1er mars 2004 - Prix du N: 3

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ANCIENS NUMROS

Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prnom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..................................................................... Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse e-mail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Je mabonne pour 6 numros / 1 an + un dossier spcial = 23 12 numros /2 ans + 2 dossiers spciaux = 45 Je joins mon rglement de 23 (1 an) ou 45 (2 ans) par chque bancaire ou postal, lordre de FDNA Abonnez-vous la revue Acropolis. A remplir (ou recopier sur papier libre) et renvoyer : Nouvelle Acropole, revue Acropolis 13,rue Pclet 75015 PARIS.Tarifs valables pour la lUE pour dautres destinations, nous consulter. L abonnement vous donne droit gratuitement la carte dadhrent lassociation Nouvelle Acropole et de nombreux avantages sur ses activits.

Comme Pierre Hadot le signale dans lexemple des Grecs, les gyptiens nous rappellent aussi, comme tant dautres civilisations, la ncessit dune pratique de vie, comme formation une thique qui nous encourage nous transcender et assumer la ncessaire conciliation entre lintrt individuel et lintrt collectif. En rhabilitant la sagesse, c'est--dire la qute et lart de savoir faire le bien, nous nous engageons dans la lutte contre lobscurantisme et la dmission morale. Je ne voudrais pas manquer de souhaiter tous nos amis et lecteurs dAcropolis une heureuse anne 2004 claire de sagesse.Fernand SCHWARZPrsident de la Fdration franaise des Nouvelle Acropole

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(1) Le Livre de poche, 6 euros (2) Cit par Jan Assmann, Mat, l'Egypte pharaonique et l'ide de justice sociale, page 68

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Actualit

DcouvertesParler lmeEst-ce pour cela que les bibliothques ont disparu des collges et lyces et quon leur a substitu les mornes CDI (Centres de documentation et dinformation) ? On ne lira plus dsormais que des extraits des grandes uvres et le livre muet, rabaiss au rang de support documentaire, ne parle plus lme. L encore, nous nous heurtons cette peur de lme, quon vite de nommer, bien plus que la pire des obscnits, comme si lvoquer ctait dj laffronter. Le mal est simple mais profond. De tout temps la philosophie nous enseigne que pour devenir soi et libre, il faut lcher le recours permanent lautre et puiser en soi les ressources. Connais-toi toimme dit la phrase sur le fronton du temple de Delphes. Ose tre toimme, faudrait-il paraphraser car la cl ne rside pas aujourdhui dans la connaissance mais dans le courage. La voie est trace. A nous de nous y engager. Aucune relation, aucun ami ne pourra remplacer la rencontre avec notre conscience. Cest delle que jaillira notre singularit, cest delle que nous pourrons apprendre lart difficile dhabiter avec soi.

Sciences La chasse lodeur

Habiter Avec SoiPar Emmanuel Quad

NOTRE POQUE EST GRGAIRE. ELLE PLBISCITE LE RGNE DE LA QUANTIT, RIGE LE VERDICT POPULAIRE EN VALEUR ET SE MFIE DES CHEMINS DE TRAVERSE.

L'opration est renouvele plusieurs fois avec les bocaux placs dans un ordre diffrent. En cas de rsultat positif, un second chien est sollicit. S'il arrive la mme conclusion, la prsence du suspect sur les lieux de l'infraction sera tablie.

L

es missions faible audimat ne durent gure, un ouvrage est plus efficacement promu s'il fait partie de la liste des meilleures ventes que la critique la plus intelligente. Le constat est paradoxal : jamais lindividualisme naura t aussi fort et lautonomie de pense aussi faible. Linjonction est surprenante : chacun est incit trouver son propre chemin pour arriver la mme destination ! Loriginalit se fait rare et les conduites singulires suspectes prioritant il est rare et difficile davancer contre-courant. Lintelligence est l, impuissante et le consensus devient le cachemisre dune pense anmie.

mme ? La violence, si elle a des racines conomiques ou sociales, tient avant tout de limpossibilit de se retrouver seul avec soi-mme.

ArchologieChaque tre humain dpose, partout o il passe, des molcules odorantes qui lui sont spcifiques et qu'un chien spcialement dress peut reconnatre aisment parmi d'autres. Baptise odorologie, cette technique d'identification judiciaire, mise au point en Hongrie il y a plus de trente ans, est teste depuis deux ans par la police technique et scientifique. La mthode consiste recueillir sur la scne d'un crime, au moyen de bandes de tissu spcial, les signatures olfactives laisses aux endroits o l'auteur est susceptible d'en avoir dpos. Places sous scells dans un bocal strile, ces bandes conserveront l'odeur dont elles sont imprgnes pendant un temps trs long jusqu' dix ans ! avant d'tre compares le cas chant avec la signature olfactive d'un suspect. Un chien rompu ce genre d'exercice se charge alors de reconnatre entre plusieurs la bande dont l'odeur correspond ventuellement celle releve sur le lieu de l'infraction. En cas de rsultat positif, l'animal s'arrte et se couche devant le bocal concern.

serpents ont t dcouverts la frontire du Prou et de l'quateur, le long de l'affluent du Rio Chinchipe. L'analyse au carbone 14 a permis de dater le site vers 2 450 av. J.-C., soit plus de 1 000 ans avant la civilisation de Chavin, faisant de cette socit amazonienne la plus ancienne qui soit connue dans les Andes !

donc d'effectuer un bond dans le pass d'au moins 250 000 ans ! De quoi bondir ou rebondir

Anthropologie Les premiers AmricainsQui furent les premiers Amricains ? Selon la thorie en vigueur, le Nouveau Monde aurait t colonis il y a environ 12 000 ans par des populations venues dAsie du Nord et peuttre d'Asie Centrale, et qui seraient les anctres directs des actuels Indiens d'Amrique. Mais l'histoire pourrait-tre plus complexe. Une quipe d'anthropologues espagnols a analys trente-trois crnes retrouvs au Mexique et datant du dbut des temps historiques. Ces crnes ne ressemblent pas ceux des Indiens

La civilisation de Jiroft sort de lombreDeux mille pices archologiques (vases et divers objets en mtal, en marbre, en lapis-lazuli datant du IIIe millnaire avant J.-C.), provenant de la province du Kerman au sud-est du plateau iranien, saisies par les douanes iraniennes livrent les secrets d'une culture mconnue vieille de 5 000 ans. En effet, l'origine iranienne de cette dcouverte bouleverse la vision actuelle de l'histoire : le monde sumrien, plus l'ouest, dans le croissant fertile de la Msopotamie (dans l'actuel Irak), ne serait plus le point de dpart unique des civilisations

Le livre, un chemin vers soi-mmeLe livre fut la premire bquille, le premier ami qui nous fit aimer la solitude pour ces quelques instants o, le posant sur nos genoux, nous embarquions rveurs vers de nouvelles perspectives. On comprend bien quil soit la premire victime Entre les crans du multimdia et limmensit dInternet, la concurrence est rude. La bataille est ingale car ce nest pas la rusticit du livre mais son austrit qui rebute le lecteur moderne. Aucun bandeau ne dfile, aucun encadr ne clignote, nulle crature de BD ne gigote en bas de la page, rien ne vient interrompre le lien soi-mme. Voil le drame ! Le temps pass lire, tous types de lecture confondus, est cinq fois moins important que celui pass devant la tlvision. Pourtant le livre nest pas quune notice, un abrg pratique de savoir-faire rpondant un besoin utilitaire. Il nest pas quune gourmandise, un clin dil malicieux tanchant notre intense soif de distraction. Le livre est tout cela et bien autre chose. C'est un chemin vers soimme dont sort diffrent celui qui la emprunt. Diffrent, cest bien l le problme

Une pierre dachoppement ?Un biface de quartzite rouge dcouvert sur le site de la Sima de Los Huesnos d'Atapuerca, en Espagne, pourrait provoquer une remise en question des repres palontologiques. En effet, si l'hypothse que la pierre taille trouve ct d'ossements humains dans un aven treize mtres sous terre constitue bel et bien une offrande aux dfunts, alors cela signifierait que l'homo heidelbergenis (-350 000 ans) avait une certaine conscience de l'au-del. Or, le plus vieux tmoignage dans ce sens nous est rapport par la tombe de Qafzeh en Palestine, date de 95 000 ans. Il s'agirait

Savons-nous tre seul ?La lucidit, balaye, nest plus un rempart mais un mouchoir que lon agite, nostalgique, sur le quai face celui que lon quitte. Sauf que celui quon laisse quai nest autre que soi-mme ! Toute honte bue, nos contemporains fuient langoisse du tte--tte avec soimmeTout plutt que se retrouver seul avec ses doutes et ses incertitudes. Ainsi, l o commence laventure philosophique schouent les faux-semblants. Si riches soyons nous, ce qui nous appauvrit, cest limpuissance tre seul dit Hlderlin. Savoir tre seul cest savoir habiter avec soi, l'habitare secum des philosophes anciens pour qui le bonheur dcoule de la faon dont est lhte de soi-mme. Comment crer un dialogue avec lautre s'il vit la surface de lui-

LAmazonie rvle ses trsors

actuels et semblent apparents ceux de populations d'Asie du Sud. Ce qui suggre qu'il y aurait eu au moins deux migrations sur le continent amricain, la premire venue il y a 12 000 15 000 ans d'Asie du Sud, et la deuxime d'Asie du NordEst et de Mongolie.(Source : le Figaro, Science et Avenir, Le Nouvel Observateur)

Des bols et des plats en pierre fine polie sculpts de ttes de flins et de

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Art et Symbolismepar Jean-Marc Bach

DOSSIERtir un enseignement philosophique et en a fait le symbole de lamlioration de soi ( partir du travail sur ses imperfections) et dune nouvelle naissance possible. Le scarabe sera une des reprsentations de Ra, le soleil du matin qui prend son essor. Le prtre reconnaissait la sagesse de la nature du singe cynocphale qui, se rveillant aux premires lueurs et captant les premiers rayons, semble saluer le soleil son lever. Loie qui crie la lueur de laube, la grenouille qui se gonfle, les oiseaux qui senvolent dans le marais, la vigilance du cobra ou la force du lion, lui inspirent une science dont les limites sont plus larges que la ntre. Sloignant de lobservation et de lanalyse strictement biologique, il extrait la qualit par essence caractristique de lanimal : elle reprsentera la manifestation temporelle et locale dune force de la nature : la terrible Sekhmet tte de lionne, lopulente Thoueris, desse hippopotame pour les accouchements. Ces animaux sont parfois associs, comme Apophis, sorte de serpentcrocodile, ou Amnit, tre hybride lion-crocodile-hippopotame.

Le symbolismedes animaux

en

gypteA

Thot cynocphale Muse du Louvre

LANIMAL EST PRSENT DANS LART GYPTIEN. QUIL REPRSENTE LA NATURE ANIME PAR DES PRINCIPESDIVINS OU LA MANIFESTATION TEMPORELLE ET LOCALE DUNE FORCE DE CETTE MME NATURE, LANIMAL EST SACR ET A DONC SA PLACE DANS LUNIVERS GYPTIEN.

u dbut du XIXe sicle, Champollion exprime son merveillement devant la reprsentation quil vient de dcouvrir dans une tombe de Saqqarah : toute une partie de la faune locale y est peinte avec une prcision scientifique double dun art consomm. Il sempressera de faire excuter des copies adresses aux zoologues europens de lpoque. Il peroit que lart gyptien est autre chose quun art naf ; il est au service dun rel savoir lcoute du sacr. Il est paradoxal de constater que si, en Occident, la dsacralisation de la nature a conduit aux progrs techniques des deux derniers sicles, cest par la qute spirituelle que les prtres gyptiens firent des dcouvertes scien-

tifiques qui faisaient ladmiration de leurs contemporains. Mme Desroches-Noblecourt dit quil faut considrer le prtre gyptien avant tout comme un scientifique menant ses recherches dans les laboratoires spcialiss du temple. Mais il est aussi artiste, chercheur de justice et de vrit qui interroge la cration en y portant un regard diffrent du ntre. Pour lui, le rel, qui reprsente pour nous le monde des choses que nous pouvons toucher et ressentir, est en fait le monde de linvisible, le monde des dieux, le modle parfait. La vie, dans ses formes varies, nest pas le fruit du hasard mais lexpression ultime de principes suprieurs qui organisent le monde, comme nos grandes lois physiques. Il est maintenant admis que le polythisme gyptien exprime seulement les diffrents aspects de la force qui anime la cration.

La nature anime par des principes divinsLe savant gyptien nenferme jamais son observation dans un cadre fig. Ainsi, le serpent est-il source de danger, comme Apophis, ou protecteur et vigilant comme le cobra Ouadjet, voire symbole de rajeunissement (par sa mue). Lobservation de la nature se fait en dehors de tout jugement moral (utile, dangereux ou nuisible) puisque chaque vie procde du divin et a donc sa place dans lunivers. Ainsi, lanimal en Egypte nest pas divinis, cest toute la nature qui est anime par des principes dessence divine. Comme la expliqu E. Hornung, certains animaux aux caractristiques morphologiques trs particulires

sont reconnus entre leurs congnres et peuvent tre les rceptacles provisoires dune partie de la puissance divine. Le culte qui leur est rendu nest pas de la zooltrie mais la clbration, travers eux, de la prsence divine. On peut citer certains taureaux qui taient reconnus selon des caractres trs prcis (couleur de la robe, marques particulires) et levs dans des enclos sacrs. Ils taient vnrs jusqu leur mort puis ils taient embaums, tandis que la plupart de leurs congnres taient utiliss comme animal de trait ou pour lalimentation.

Le prtre gyptien, zoologue, philosophe et peintreDs le IVe millnaire av. J.-C., lanimal est prsent dans lart gyptien. Formidable zoologue, le prtre gyptien ne se contente pas de dcrire et de rpertorier le bestiaire de lgypte, il y cherche une source denseignement pour luimme. Il na pas seulement observ le scarabe bousier (scarabeus sacer) dposer sa larve dans une sphre de bouse, la rouler avec difficults devant lui en franchissant les obstacles puis senvoler dans le ciel au petit matin ; il en a

Le taureau Apis Muse du Louvre

Pour lgyptien, la matire est prissable quelle soit chair humaine, animale ou statue et retourne la terre lorsquelle nest plus anime par la vie de lesprit. Transforme par la momification, cette matire devient un support plus durable de principes invisibles. Ainsi, les momies, quelles soient humaines ou animales, remplissent ce rle dans la religion et la vie dans lau-del, do lembaumement danimaux comme supports de divinits. Par ailleurs, nombre danimaux de lgypte antique ont de nos jours disparu, comme libis et le babouin, suite lincurie moderne. Ils tmoignent par l des limites dune connaissance scientifique pure qui na pas su englober une action de prservation des espces. Aujourdhui, dans un rcent colloque la Sorbonne,(1) des scientifiques regrettaient que la science, parpille dans des spcialits cloisonnes et paralyse par le politique, ne puisse pas donner de sens au monde. Il fut prconis de changer le paradigme selon lequel lhomme devait se librer de la nature. Le mot de spiritualit fut mme avanc entre eux. Et si lgypte avait cr le concept dcologie humaniste ?

Notes : (1) : Dbat la Sorbonne, amphi Descartes le 20/10/2002 : "Ce que lhomme a encore apprendre de lHomme et de la nature"

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Sagesses

DOSSIERPharaon, symbole de lunion de la Haute et de la Basse gypte, portait, croiss sur sa poitrine, les deux attributs du pouvoir intrieur qui lgitimaient sa fonction : le crochet et le fouet, analogues au double mouvement de la vie qui est flux et reflux, expansion et runification : tout satomise, tout se rcre. Toutes les mes sont unes dans leur essence et appeles rintgrer lunit en reliant les jeux dombre et de lumire de lexistence en qute de la divine harmonie. Le sage est le plus grand serviteur de la Loi, de la Mat. Paradoxalement, cest dans sa volont de servir les principes universels quil trouve son autonomie. Le Sage fait partie de la Loi et, en comprenant bien le mouvement, il lutilise au lieu den tre lesclave aveugle. Le Sage peut tre compar un nageur habile... par rapport lhomme ordinaire, qui, telle une bche, est emport de tous cts.(1) Le pharaon tait le premier serviteur de la Mat et dans ce sens, redevable de la prosprit matrielle et du bonheur de lEgypte.

Lgypteet ses

SymbolesPar Sylvianne Carri

Le scarab Kpher rajeuni poussant le soleil laube.

LGYPTE ABRITE UN MYSTRE : CELUI DE LA RENCONTRE DUNE TERRE AVEC SON MODLE CLESTE. CETTE IDE FAONNALES PRINCIPES ESSENTIELS DE LA SAGESSE GYPTIENNE ILLUSTRS PAR DES SYMBOLES QUI TRAVERSRENT LES MILLNAIRES. NOUS EN VOQUERONS ICI QUELQUES-UNS.des plateaux, doit tre plus lger que la plume de Mat, gage de rectitude de vie, prsente dans lautre plateau. Sil en tait ainsi, il gagnait ltat de justifi ou Maa-khrou, pouvant affirmer quil navait pas port atteinte lordre naturel des choses, la cohsion dynamique de la vie. En effet tout homme est redevable des moyens et des qualits dont il dispose et est responsable de les dvelopper pour les mettre au service des autres. Chacun, du pharaon au paysan, a la responsabilit de ses actes, seule garante dune socit harmonieuse et solidaire.

Lil reprsente la capacit de lhomme runir les morceaux pars de sa conscience et devenir son propre crateur limage dIsis, la magicienne. Cet il verse une larme, la larme dIsis, peut-tre pour nous rappeler que lintgrit nexclut pas la compassion et que toute cration est sacrifice. Une spirale en mane, traant le chemin du disciple en qute de sagesse.

LharmonieAgir, cest sinsrer dans lordre du monde, en ayant conscience do lon vient et o lon va, en ayant conscience dtre intgr dans cet ordre et en tant solidaire de tout ce qui est vivant.(2) Cest ce principe de justice et dharmonie qui est symbolis par la plume de Mat, la Rgle.

La transformation de soiLe terme de Kepher signifie voluer, natre. Il symbolise le processus de transformation de soi qui va conduire lhomme se reconnatre dans toutes les formes dexistence et sidentifier aux formes divines. limage du soleil dont la course illustre les tapes du renouvellement quotidien de lordre du

Relier les deux ples de la vie

Scne de psychostasie Muse du Louvre

La responsabilitContrairement nos contemporains qui vacuent souvent la mort comme la pire des calamits et souffrent de mal vivre, de perte de sens, les gyptiens clbraient joyeusement la vie (le calendrier gyptien comptait plus de cent jours de ftes chmes par an) tout en accordant la plus grande importance au passage sur lautre rive, comme en tmoigne la complexit des rites funraires. En effet, il sagissait daider lme du dfunt rintgrer sa source divine mais dans la pleine reconnaissance de ses actes. Lhomme continue subsister aprs avoir atteint le havre de la mort et ses actions sont ct de lui en un tas. (Roi Khti -2000) La scne clbre de la pese de lme, lment central du papyrus dAni, illustre symboliquement la confrontation du dfunt ses propres actions lheure du jugement : son cur, cest--dire sa conscience, mis en balance dans un

La vision justeLhomme doit apprendre voir audel des apparences, rencontrer son propre cur pour ne pas tre dupe des jeux de miroir de la vie dont les circonstances nous font souvent osciller entre lenthousiasme irrflchi et le dcouragement. La vision juste ou discernement est une des vertus essentielles du sage. Elle est symbolise par lil Oudjat, loeil de lumire ou de la sagesse de lme. Il a t remis par Thot, dieu de la connaissance Horus, le faucon solaire, suite son combat contre les forces dissolutives de Seth, ladversaire vaincre en soi.

La Sema-Taoui - Union symbolique des deux terres dgypte. Tombeau dHoremheb

de rgnration et dautocration. Selon le vieil adage hermtique, rien ne disparat, tout se transforme. Pour parvenir tre, il faut accepter de le devenir. Le scarabe bousier, symbole du disciple, pousse la boule dexcrments qui servira de nid sa future progniture et se transformera en soleil. Tout comme lui, lhomme passe par des mtamorphoses successives et utilise le terreau alchimique de ses expriences comme matrice de transfiguration. Ainsi, liniti, lhomme qui connat les secrets de son propre cur peut affirmer : Je suis le Matre des transformations.(3) Du plus lointain horizon, les symboles de lgypte nous ouvrent grandes les portes sur un monde que nous ne voyons plus mais que lme sait pressentir. Ses sables portent un parfum dternit et ses vestiges grandioses tmoignent dune sagesse qui a travers les millnaires et contribu irriguer lOccident.

Les gyptiens avaient peru une dimension essentielle de la ralit : la nature double et paradoxale du monde dans lequel nous vivons. Visible et invisible se rencontrent dans les crtes dores de la montagne de lOccident, Thbes, au crpuscule. Les deux rives de lexistence sont interdpendantes : la richesse du limon fertile assure la fcondit matrielle tandis que lapparente strilit du dsert qui abrite les ncropoles permet le dpouillement du corruptible, des apparences et ouvre lIniti les beaux chemins de la transfiguration.

"Suis ton cur aussi longtemps que tu vis"PtahHotep Sagesse de lAncien Empire

La desse Mat orne dune plume tombe de Taousert et de Sethnakht

monde, lme humaine va devoir affronter des morts symboliques et trouver en ellemme ses propres sources

Notes : (1) Texte grco gyptien (2) Fernand Schwarz, Mat et lactualit de lgypte pharaonique, ditions Nome, 1996, p102 (3) Textes des sarcophages, VI, 334

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Civilisations

DOSSIER

Rites et Initiation

en gyptePar Fernand Schwarz

POUR LES GYPTIENS LA QUESTION ESSENTIELLE EST DESAVOIR COMMENT EMPCHER LE MONDE DE DISPARATRE. CEST DANS LUNION DU MONDE TERRESTRE ET DU MONDE CLESTE QUE RSIDE LA CL DE CE GRAND MYSTRE, CELUI DE LA VIE TERNELLE.

symbolique entre le monde des dieux et la ralit temporelle. Cest pourquoi les temples et les tombeaux nvoquent pas la ralit concrte, mais le monde idal, tel quil devrait tre et tel quil est. Ces monuments font allusion au vrai, au permanent et latemporel, en niant lphmre condition du monde naturel. Ce qui permet dunir le ciel avec la terre et de maintenir sur la terre un ordre intelligent, lunisson de lordre cosmique, sont les rites. travers les rites quotidiens, dans les temples, lofficiant parvient rendre vivants les principes idaux dharmonie et de justice.

lOccident, ils projettent, travers leurs rites, le ciel sur la terre, la remplissant de la lumire et du souffle du Verbe divin. Le rite est un effort pour entretenir la reprsentation symbolique de lunivers duquel dpend notre univers et qui se ralise entre deux mondes. Selon les gyptiens, il ne peut tre opratif que dans un horizon, un seuil entre deux mondes : celui de lexistence des virtualits divines et celui des ralits terrestres. Le rite permet le passage entre ces deux dimensions parallles qui semblent condamnes tre spares et ne jamais pouvoir se rencontrer. travers lui on parvient relier les hommes et les dieux, le monde de la vrit et celui de la ralit.

Les rites : la quatrime dimension de lgypteSi le temple est la reprsentation de la forme du monde idal, inspir par Mat, les rites en sont lnergie dynamique, la vie et le mouvement. La finalit des rites est de reprsenter le devenir, symbolis par le scarabe kepher (1), et dagir sur lui pour maintenir un ordre habitable, dans le plan de la ralit terrestre. Ils ont pour but de favoriser le rgne de la loi et de lintelligence et pas seulement de la force. Bien que lon ne puisse pas empcher la dgradation ou la destruction du monde sensible, car cest la loi de lexistence, on peut le soigner, le restaurer et le faire renatre. Cest le rite qui renouvelle les conditions pour que lharmonie, constamment menace par les forces du chaos, puisse exister nouveau. Ceci engendre, dans la pense gyptienne, la doctrine de la perptuelle rgnration. Cette ide dun ternel retour transforme le temps linaire en temps cyclique. Elle sinspire du retour annuel de la crue du Nil, qui vainc inexorablement la mort et la scheresse, dans le moment le plus chaud et le plus dangereux de lanne. Comme le Soleil renat tous les jours, ainsi la cration se renouvelle chaque jour. Quand les hommes participent, par leur volont et leur imagination, lordre cosmique, figur par la trajectoire de la lumire solaire depuis lOrient jusqu

Linitiation dans les templesLa principale condition pour lefficacit du rite est linitiation. Le rite dinitiation est un rite de passage prsent dans toutes les socits traditionnelles qui permet une volution dun tat de conscience considr infrieur vers un autre suprieur, travers la mort symbolique de lancienne personnalit du nophyte. Cette transformation sobtient travers la confrontation de lindividu des preuves qui mettent en jeu ses perceptions extrieures et intrieures. Lobjet de linitiation pour les gyptiens nest pas seulement de passer dun monde un autre, mais aussi dagir sur les deux mondes. Seul celui qui a panoui Mat dans son cur, peut traverser le seuil qui lui permettra dtre reconnu comme Juste ou Justifi (maa-kherou : juste de voix) dans le monde des dieux et, par consquent, de dialoguer avec eux. La fonction essentielle du rite initiatique gyptien est de faire merger la nature divine dans la conscience humaine pendant la vie, pour pouvoir communiquer avec les dieux. Pour cela, seront initis ceux qui, par leurs fonctions, doivent traverser le seuil entre le monde des hommes et celui des dieux, donc ceux qui sont au service de Maat. Le modle de liniti par excellence est Pharaon. En tant que roi et prtre,

S

elon les gyptiens, lunivers des hommes est n du Chaos primitif, le Noun. Une fois n, il est soumis en permanence aux influences pernicieuses de son milieu original : comme tout lment du monde sensible il est agress par une forme de corruption que lon pourrait qualifier dentropie. Les gyptiens nommaient ukedu cet lment pathogne qui corrompt les corps jusqu leur destruction. Ce phnomne est facilement perceptible dans la nature o tout ce qui existe se dtriore peu peu jusqu disparatre. La ralit des hommes, pour les gyptiens, ntait pas permanente.

La rgle de lquilibreAu contraire, la dimension dans laquelle voluent les dieux est, par essence, le lieu de la victoire ou du triomphe sur le Chaos. Le monde des dieux est associ symboliquement au ciel, lide dune dimension transcendante qui se trouve au-del des apparences. Il sagit dun monde atemporel et permanent, perceptible seulement par limagination, la diffrence de la ralit terrestre qui peut se comprendre moyennant les perceptions extrieures et la raison. Cest pourquoi, pour les gyptiens, cette ralit terrestre

ne peut exprimer la vrit dans sa plnitude, mais simplement des aspects particuliers et transitoires, car cest une dimension prcaire et imparfaite Le monde des dieux est la rsidence de lquilibre et par consquent de la justice et de la vrit personnifies par le concept de Mat, dont chaque dieu serait une manifestation formelle. Mat permet que la cration existe comme un Tout quilibr, rgi par les lois dharmonie et de solidarit. Ainsi la rsidence des dieux est conue comme le milieu du succs permanent qui permet la rcration perptuelle dun ordre intelligent dont la disparition provoquerait la dissolution complte de lunivers.

Les deux rives de lexistenceLhomme gyptien tait conscient de vivre entre ces deux dimensions. Si la vrit, la justice et la solidarit ninspirent pas la ralit, la socit et la vie personnelle se corrompent et se dsquilibrent. La vie ne peut pas se vivre car tout dgnre vers le Chaos. Pour pallier cela, les gyptiens ont pens quils devaient raliser une projection du ciel sur la terre, une union

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CivilisationsLes deux manires de connatreil est lhritier des institutions royales instaures par le dieu Horus et doit maintenir et faire fructifier son hritage au bnfice de toute la socit gyptienne. En tant que prtre, il doit chaque jour lever des offrandes vers Mat comme preuve dun gouvernement bon et juste et faire descendre Mat du ciel vers la terre pour revitaliser avec son nergie toutes les institutions et curs des gyptiens. Sont aussi initis tous ses substituts, les pres divins ou prophtes qui officient en son nom dans chaque temple, ainsi que la figure du vizir, qui se charge du gouvernement, donc de faire rgner la Mat sur terre. Libr de ses imperfections morales, en sortant du monde infrieur, associ au Noun, liniti, lhomme introduit dans le ciel, veille sa propre divinit et est reu comme un tre divin parmi les dieux. Il a acquis la qualit essentielle du monde divin, la luminosit associe la bonne volont et lefficacit indispensables pour accomplir sa mission dentretien de lordre cosmique. la diffrence des dieux, liniti doit quotidiennement entretenir et dvelopper sa capacit de transmutation divine, dans une permanente progression pour exprimer pleinement sa propre dimension divine. Notes (1) voir notre article la sagesse de lgypte ancienne page 10 Bibliographie : Fernand Schwarz, Initiation aux livres des morts gyptiens, Editions Albin Michel, Fernand Schwarz, gypte les mystres du sacr, Editions Le Flin Fernand Schwarz, Mat et lactualit de lgypte ancienne, Editions Nome

Philosophie en action

Nouvelle Acropoleet en

Par Franoise Bchet

Depuis le temps des pyramides, les gyptiens utilisent deux verbes pour exprimer lacte de connatre : le verbe rh et le verbe bs(i). Le verbe rh dsigne la connaissance de la sphre de la ralit et le verbe bs(i) ltre introduit dans la connaissance de la vrit. Rh dsigne la connaissance sensible, propre tous les tres humains dous de raison et permet de percevoir les ralits de notre monde. Grce cette manire de connatre, nous pouvons tudier et dvelopper nos activits intellectuelles. Par contre, bs(i) sapplique la connaissance suprasensible, qui aborde des ralits moins accessibles, intelligibles et indicibles, transcendantes. Cette forme de connaissance, bs(i), implique de la part de celui qui la pratique, le dveloppement des perceptions intrieures qui le conduisent, comme on le dduit des textes, une exprience mystique, sous la forme dune rvlation ou intuition. Ce type de connaissance peut sassocier la captation de quelque chose de suprieur. Laccs cette modalit de connaissance nest possible, selon les gyptiens, qu travers un rite dinitiation qui habilite tablir une relation entre lexprience sensible et lexprience mystique. Il sagit dune connaissance qui transcende les textes et les choses, dune connaissance complte ou sagesse, qui unit la perception sensorielle et intellectuelle avec la rvlation de lau-del ou monde invisible des dieux. Linitiation permet de relier ces deux formes de connaissance.

lenfance dfavoriseRussie

SUITE LEFFONDREMENTCONOMIQUE ET AUX DIFFRENTES CATASTROPHES COLOGIQUES DU PAYS, ANNA MISCHACHEVA ET TATIANA KURBATOVA ONT DVELOPP AU SEIN DE NOUVELLE ACROPOLE EN RUSSIE, DEUX PROGRAMMES DAIDE LENFANCE DFAVORISE.

Empreintes ngatives de mains appliques par des hommes prhistoriques.

D

epuis cinq ans, plusieurs programmes pdagogiques sont mis en uvre Moscou et dans les environs, pour les enfants orphelins et les enfants malades et invalides, atteints de maladies orphelines et de cancers particuliers, qui se sont dvelopps aprs la catastrophe de Tchernobyl, et que personne ne sait soigner. Les maladies trs longues crent de gros problmes psychologiques aux enfants. Certains dentre eux savent quils peuvent mourir dun jour lautre. Ils nont plus de joie ni denvie de vivre et ils se sont totalement renferms sur eux-mmes. Pour les aider gurir, il faut leur rapprendre vivre, leur redonner le moral, mais surtout leur insuffler une joie de vivre qui les intresse nouveau la vie.

vivre les contes de chevalerie du Moyen-ge. Ensuite elle les invite appliquer les valeurs chevaleresques de courtoisie, dhonneur, de gnrosit, etc. auprs de leurs parents, amis, et professeurs. Les enfants redcouvrent peu peu un sentiment dutilit auprs des autres. Ils participent des ateliers de peinture dans lesquels ils ralisent des cartes quils pourront envoyer leurs parents, amis mais aussi aux anciens combattants et aux enfants orphelins. Cest important galement quils se rendent compte quils ne sont pas les seuls souffrir. Enfin, on organise avec eux un tournoi avec des preuves physiques et des joutes artistiques. Ce nest pas un jeu mais une relle confrontation.

gogiques lies la dcouverte de la nature. Le but est surtout de dvelopper leur individualit car le cadre collectif dans lequel ils vivent en permanence constitue un gros obstacle au dveloppement de la personne. Un travail plus individualis est effectu avec chaque enfant afin que chacun dcouvre ses propres qualits et puisse avoir une relation plus personnelle avec un ou une animatrice. Les enfants pourront ensuite tre scolariss dans de meilleures conditions.

Un muse des civilisations anciennesLe projet concerne cinq orphelinats Moscou qui accueillent des enfants de sept seize ans et pour lequel Nouvelle Acropole a obtenu une subvention du gouvernement en mai 2002. Les bnvoles conoivent avec les enfants une exposition sur les civilisations anciennes. Ce projet pdagogique qui se dveloppe sur un an intgre pour les enfants un travail dtude sur les civilisations mais galement un travail manuel et de crativit. Ce sont les enfants qui ralisent le montage du muse, les panneaux dexposition, qui choisissent les audiovisuels, les cartes pdagogiques. Ils assurent la reproduction de pices anciennes quils patineront eux-mmes. Cette anne, le thme porte sur lgypte, les Amrindiens et lAsie.

gayer la vie Se sentir utileUn premier projet La fraternit de la table ronde implique huit personnes, travaillant chaque dimanche avec des groupes de vingt trente enfants. Lquipe sensibilise tout dabord les enfants en leur racontant et en leur faisant Un deuxime programme suivi par huit autres bnvoles sadresse deux orphelinats prs de Moscou, regroupant soixante enfants de la naissance six ans. Lobjectif est bien sr dgayer leur vie par des ateliers de dcoration, lorganisation de ftes et des activits pda-

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Psychologie

La

mmoirePar Emmanuelle Brousses

Outil de connaissanceLA MMOIRE SUSCITE TOUJOURS INTRT ET INTERROGATIONS CAR ELLE EST UN PROCESSUS COMPLEXE. ELLE JOUE UN RLE ESSENTIEL DANS NOTRE EXISTENCE : ELLE NOUS PLONGE DANSNOS RACINES ET NOTRE CULTURE ET ELLE NOUS AIDE CONSTRUIRE NOTRE IDENTIT. ELLE ENTRETIENT LES TRES ET LES TRADITIONS AUTANT QUELLE LES ENRICHIT.

Savoir cest se souvenirPlaton

ous avons choisi daborder la mmoire par deux approches complmentaires et distinctes : la mmoire souvenir et la mmoire rminiscence. La premire, la mmoire souvenir, est celle de lego, de notre personnalit, celle qui recueille les expriences de notre vie. Nous parlerons mme de diffrentes mmoires de cette personnalit car effectivement les types y sont multiples. La deuxime, la mmoire rminiscence est celle de lme, celle dont parlent les philosophes ds lAntiquit, celle qui, faute de souvenirs prcis, nous offre plutt ces parfums lointains de vrit.

N

Mais quoi sert la mmoire ? La mmoire sert apprendre La mmoire est source dapprentissage. Elle nous permet dacqurir des connaissances, comme le langage (vocabulaire), la culture, les croyances, les valeurs, etc. Elle nous permet aussi dlaborer notre propre dfinition du monde par le fait de donner une signification aux objets en les comparant aux connaissances acquises antrieurement. Certes, mmoriser nest pas comprendre. Mais en mmorisant nos expriences et leurs rsultats, nous forgeons les bases de notre discernement. Lenfant qui se brle en touchant la porte du four et mmorise cette exprience, modifiera son comportement la prochaine fois : il aura tabli une relation de cause effet, donc mis en route un processus de comprhension. Cest ainsi que la mmoire nous apprend vivre et devenir nous-mmes. Elle nourrit notre conscience qui grandit au fur et mesure quelle intgre de nouvelles expriences. Cest donc un facteur essentiel dvolution. Cest le manque de mmoire qui nous oblige revivre toujours la mme exprience. Nous repassons alors par les mmes situations avec les mmes rsultats. La mmoire est donc loutil indispensable pour mrir notre exprience. La mmoire forge lidentit On peut souligner que lune des fonctions principales de la mmoire est celle de pouvoir revivre des tats psychiques passs, de les

reconnatre comme appartenant notre propre existence et de les localiser dans un moment dtermin de notre pass. Cette mmoire autobiographique est donc lie notre histoire et contient tous nos souvenirs anciens organiss dans le temps. Cest en cela que la mmoire forge notre identit : elle nous permet de possder une accumulation dexpriences propres et de nous dfinir dans le monde en tant quindividu. Que dirait-on dune personne qui sveillerait tous les matins en ayant oubli ce quelle a fait jusqu prsent ? Quelle perception aurait-elle dellemme, comment parviendrait-elle se connatre en labsence de tout souvenir ? De mme, le vieillard qui

perd lorganisation de ses souvenirs perd galement la conscience de qui il est. Au niveau culturel, la mmoire a toujours jou un rle essentiel dans les socits traditionnelles. La mmoire de lhistoire, des anctres, des origines, donne chaque socit ses racines mais aussi le sens de sa destine. Pour les Anciens, la mmoire est lattribut de la fidlit nous-mmes.

Nous sommes attentifs et nous nous souvenons de tout ce qui nous intresse. Ce qui manque parfois lhomme cest de sintresser lui-mme, dans ce quil a de suprieur, pour se rappeler qui il est.

Pourquoi oublie-t-on ?Mmoriser est aussi une discipline. Cela ncessite de mettre de lordre dans ses ides. On peut dvelopper sa mmoire par une architecture cohrente de son mental comme le faisaient les Anciens. (voir encadr : lart de mmoire). Et attention : la mmoire ne suse que si lon ne sen sert pas ! Loubli fait partie intgrante du processus de mmorisation ; il permet de trier les informations prioritaires

Nourrir la mmoireLa mmoire est lie lattention. Outre les troubles lis la maladie, comme le trouble de la mise en mmoire, dans le cas de la maladie dAlzheimer, ou dune difficult activer les bonnes stratgies de recherche dans les cas de vieillissement naturel ou dans certains cas de dmences, les problmes de mmorisation rsultent dun trouble de lattention. Fragilit gnrale, distraction, soucis psychologiques, proccupations positives (tat amoureux) ou ngatives (chec en examen) entranent une baisse de lattention et donc des capacits dapprentissage. Lalcool ou la consommation de certains mdicaments ou drogues ralentissent, voire annihilent les capacits mentales. La mmoire nous nourrit. Il est donc vital de choisir soigneusement tout ce que lon acquiert et retient, de recueillir le meilleur aussi bien pour lestomac que pour la psych. Plus nous aurons dinformations en mmoire, plus nous serons capables de ragir ce que nous percevrons.

Les diffrentes mmoires de legoAuditive, photographique, gustative, smantique Nous ne possdons pas une mmoire mais plusieurs. Mais quest-ce que la mmoire ? Selon la dfinition la plus gnrale, la mmoire est ce qui permet de conserver le souvenir, et ce malgr lusure du temps. Cest un processus intellectuel particulirement dvelopp chez ltre humain, contrairement aux animaux qui possdent une mmoire que lon pourrait qualifier de biologique. Elle repose sur la capacit de mettre en rapport et de combiner des ides ou des lments. Elle se dveloppe par association dides, similitude ou contraste, proximit dans le temps et dans lespace. Ainsi il existe dans notre mental des blocs mmoires constitus dassociations successives.

Lhomme est un dieu, mais il la oubliPlaton

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Psychologiemmoriser pour viter les interfrences au cerveau. Il permet galement de rester concentr sur une tche que lon est en train de faire. Si nous mmorisions tout ce que nous voyons et entendons, la vie serait un cauchemar !

Lart de mmoireOn doit aux philosophes de lAntiquit la croyance selon laquelle la mmoire est un morceau de cire dans lme, sur lequel simpriment les images de la vie, mais aussi celles du ciel, sous forme de symboles. Ces philosophes antiques inventent galement lart de mmoire, repris par Giordano Bruno la Renaissance (1). L art de mmoire repose sur la mthode des loci (locus,i = lieu) pour se souvenir dinformations partir dun itinraire. Cette mthode consiste transformer en image mentale ce que lon doit apprendre et situer ces images par rapport un lieu connu. Il suffit alors de revisiter mentalement le lieu pour retrouver toutes les informations dans lordre voulu. L Anglais Andi Bell, actuel dtenteur du titre mondial du championnat de la mmoire, utilise ce procd. Il explique : Pour retenir une liste dobjets ou de cartes, je visualise des rues de Londres que je connais parfaitement. Puis je range chaque lment un endroit prcis de la ville. Devant la librairie, ct du passage pitons Et pour retrouver la liste, je nai plus qu refaire le parcours dans ma tte. (2)(1) Lire ce sujet la somme de France A. Yates, Lart de mmoire, ditions Dervy (2) In revue Science & Vie, septembre 2003

La page CalliopeBarque du dieu solaire dans le Livre des Portes

Mais faut-il se souvenir de tout ?Il est bon de vivre comme si aujourdhui tait le premier et Daprs un tableau de Burne-Jones (1833-1898) le dernier jour conseillait lempereur stocien Marc-Aurle. Il faut apprendre passer de la mmoire affective la mmoire mentale, c'est--dire dpouiller les souvenirs de leur charge affective, pour nen retenir que lexprience. Car le vcu lui-mme encombre inutilement la mmoire. En effet, la mmoire affective retient ce qui fait plaisir ou fait souffrir, et dforme ainsi notre perception de la ralit. Nous aurons alors tendance projeter des souvenirs et des impressions psychologiques sur de nouvelles expriences et de les juger avant mme de les avoir vcues.

Lhymne AmonSalut toi qui demeure dans la paix ! Seigneur panoui, aux apparitions puissantes... Les dieux se plaisent regarder vers toi Quand le pschent repose sur ton front, Quand ton amour stend sur le Double-Pays (lgypte) Quand tes rayons brillent dans les yeux. Les nobles sont heureux quand tu te lves. Ton troupeau dfaille quand tu brilles. Ton amour est dans le ciel du sud Et ta tendresse dans le ciel du nord. Ta beaut captive les coeurs et ton amour alanguit les bras. Ton apparence parfaite rend les mains inertes, Les coeurs sont oublieux pour tavoir regard. Forme unique qui cre tout ce qui existe, Un qui demeure unique, tout en crant les tres. Les hommes sont sortis de ses yeux Les dieux sont venus lexistence de sa bouche. Il fait lherbe pour faire vivre le btail Et les arbres fruitiers pour les humains. Il fait ce dont vivent les poissons du fleuve Et les oiseaux qui peuplent le ciel. Il donne le souffle ce qui est dans luf, Vivifie le petit lzard et fait ce dont vivent les mouches Ainsi que les vers et les puces, Fait ce dont les souris ont besoin dans leurs trous Et vivifie la gent aile sur tout arbre. Salut toi ! qui cres cela en totalit, Un qui demeure unique, aux bras nombreux. Qui passe la nuit veiller sur lhumanit endormie, Cherchant ce qui est utile son troupeau. Amon qui affermis toutes choses, Atoum, Harakhts. Louange toi, dit-on universellement, Nous tacclamons parce que tu te fatigues pour nous, Nous nous prosternons devant toi parce que tu nous as crs !Fragment dhymne Amon, papyrus 17 de Boulaq, XVIIIe dynastie, muse du Caire, gypte.

Par Hannah Igotz

Le culte dAmonThbes, capitale civile et religieuse de lgypte, abrite ds lAncien Empire le culte dAmon. Dieu solaire et crateur, il apparat coiff du pschent (la puissance), la double couronne symbolisant la royaut sur la Haute et la Basse gypte. Ce fragment dhymne lui est ddi. Conserv au muse du Caire sous le nom de papyrus 17 de Boulaq, il date de la XVIIIe dynastie (vers 1400 av.J.-C.). Amon (de la racine gyptienne imn : tre cach) apparat dans ce chant sous la forme dAtoum, le soleil couchant, ou Harakhts lHorus de lhorizon, le soleil levant. Il symbolise la puissance invisible, lesprit qui fconde la matire primordiale pour donner naissance lunivers ou Pharaon. coutons ces paroles de dvotions inscrites dans lacte rituel, ces louanges manant des profondeurs de lme gyptienne..

La mmoire de lmeNous venons de voir ce qui touche la mmoire de lego, celle qui enregistre les lments et vnements de notre existence actuelle. Mais il existe un autre type de mmoire qui consiste redonner la parole notre me et nous emmener au-del des circonstances prsentes.

Pourquoi ne se souvient-on pas de ses vies antrieures ?Sur la mmoire des vies antrieures, H.P Blavatsky, la . grande sotriste du XIXe sicle crivait : Mme durant le court espace de lexistence ordinaire, la mmoire est trop faible pour enregistrer tous les vnements dune vie humaine. Combien de fois narrive-t-il pas que des vnements dune haute importance restent endormis au fond de notre mmoire, jusquau moment o une association dides en rveille le souvenir ou que quelque autre lien le rappelle lactivit ? [.] Si donc nous tenons compte de ce que nous savons au sujet des principes physiques et spirituels de lhomme, nous ne nous tonnerons plus de ce que notre mmoire na pas t capable de retenir le souvenir dune ou de plusieurs vies antrieures ce serait le contraire, sil avait lieu, qui devrait vous surprendre. (1) L oubli est le repos de la mmoire. De la mme manire que nous devons nous reposer entre deux journes, la mmoire se repose entre deux vies, relguant dans loubli les faits survenus.Notes : (1) La clef de la thosophie, ditions Adyar

Cette mmoire prenait une place fondamentale dans la sagesse antique. Plotin la nommait rminiscence. La rminiscence peut tre associe la qute essentielle de la Vrit, en grec aletheia qui signifie absence doubli (a privatif, letheia : oubli). Selon Platon, nous sommes dpositaires dune mmoire immortelle qui puise ses racines dans la sagesse atemporelle. Avant sa naissance, lme humaine tait invite au banquet des dieux et avait connaissance de cette sagesse. Mais aprs sa chute catastrophique dans le monde, que Platon dcrit dans "le Phdre", elle gt comme un oiseau aux ailes brises. Seule la philosophie peut laider retrouver cette mmoire des choses clestes. Le philosophe est quelquun qui sinterroge non seulement sur le phnomne, mais sur ce qui est derrire le phnomne. Plus que dtonnement, il sagit de rminiscence, davoir jadis su de quoi il sagissait et de lavoir oubli. La philosophie est un chemin ascensionnel vers quelque lieu dont nous sommes descendus violemment et presque sans le vouloir. (1) Cet accs nest rendu possible que par une purification du mental. Le mental est alors limage dun lac : lorsquil est agit par les fluctuations du monde affectif, il ne reflte que confusion mais lorsquil est calme, il devient capable de reflter les ides atemporelles. Faute de souvenir prcis, il nous offre le parfum lointain de ce qui fut et nous permet de savoir instinctivement do nous venons et o nous allons. (1) Dlia Steinberg Guzman, Histoire de la philosophie ancienne, ditions Nouvelle Acropole

Calliope est le cercle de posie de Nouvelle Acropole, cr en hommage son fondateur Jorge Livraga, pote et [email protected]

VIIIe Concours Calliope 2004Le concours de posie du cercle Calliope 2004 portera sur le thme de lAutre. Les uvres indites devront tre envoyes avant le 31 dcembre 2004 par courrier ou par email. Dtails et rglement complet du concours sur le site Calliope http://monsite.wanadoo.fr/calliope

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Philosophies

Les Stociens et latranquillit de lmePar Lonard Brardi

CEST VERS 301 AV. J.-C. QUE ZNON DE CITTIUM, FILS DUN RICHE COMMERANT PHNICIEN FONDE LE STOCISME ATHNES.ontrairement la plupart des philosophies comme le platonisme ou encore lpicurisme, le stocisme ne tire son nom, ni de son fondateur ni de sa doctrine, mais simplement de lendroit o sa voix sest fait entendre pour la premire fois : cest la Stoa poikil, au portique des fresques. Cette philosophie retrouve lesprit missionnaire et populaire de Socrate. Cest un art de vivre qui sadresse tous les hommes, riches ou pauvres, hommes ou femmes, libres ou esclaves. Elle apparat dans une priode trouble et instable la fois sur le plan conomique, politique et religieux.

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Comment tre heureux ?Les inconnus dun monde changeant, lincertitude du lendemain, la perte des valeurs traditionnelles amneront lhomme hellnistique se poser la question suivante : Que puis-je faire pour vivre heureux ? Pour les Stociens, vivre heureux cest vivre conformment la raison cest-dire vivre conformment la nature, en sympathie avec le monde en tant quordre universel. Cette cohrence de vie, cette recherche constante de lunit mnera lhomme la sagesse et au bonheur dans lexigence du Bien. Ce Bien sexprimera notamment

travers la vertu, la force dme propre chacun qui engendre laction excellente. Znon dfinissait ce choix de vie comme le fait de vivre de manire cohrente, cest--dire selon une rgle de vie harmonieuse, car ceux qui vivent dans lincohrence sont malheureux. (1) tre malheureux cest donc tre vou devenir un tranger, un exil de lordre du monde. Cest ce combat avec soi-mme pour garder cette cohrence qui fera dire Snque toujours vouloir la mme chose, toujours refuser la mme chose (1) et non pas, comme cela plairait beaucoup, toujours vouloir ce que je veux, toujours refuser ce que je ne veux pas. Lun cherche prserver lunit en lui et dans le monde, lautre se laisse gouverner par ses pulsions et ses envies. Quand une ide de plaisir se prsente ton esprit, garde-toi, comme pour les autres ides, de ne te point laisser par elle emporter. Mais diffre d'agir et obtiens de toi quelque dlai. Compare ensuite les deux moments : celui o tu jouiras du plaisir, et celui o, ayant joui, tu te repentiras et tu te blmeras. Oppose ces penses la joie que tu prouveras. Et [...] rcompense-toi en pensant combien il est prfrable d'avoir conscience que tu as emport cette victoire.(2)

qui ne dpend pas de nous mais des causes parce que nous vivons une crise de civilisation, extrieures : la beaut, la laideur, la maladie, les comme leur poque, bien que les faits accidents de la vie, la vieillesse ou encore la mort, historiques soient diffrents. nous devons les accepter en toute indiffrence Les comportements humains nont finalement sans nous faire dvier de ce qui dpend de nous. pas beaucoup chang face la perte des repres, La dmarche stocienne consiste ne pas tre lincertitude et langoisse du lendemain. Marc affect par les vnements extrieurs puisque Aurle, Snque, pictte, pour ne citer queux, tout a une raison dtre, en relation avec la ne seraient pas si dpayss aujourdhui en nous raison universelle. regardant de lintrieur... pictte nous invite aimer tout ce qui nous arrive: Ils continuent, si nous nous laissons apprendre Ne demande pas que ce qui arrive arrive comme deux, nous inspirer pour trouver des solutions tu veux. Mais veuille que les choses arrivent efficaces aux problmes daujourdhui. Sache comme elles arrivent, et tu seras heureux. (2) lecteur avis, comme le souligne lempereur En fait, il faut changer son regard sur les choses : Marc Aurle, que nul ne peut tempcher de Ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les toujours faire et de dire ce qui est conforme la choses mais les jugements quils portent sur ces nature dont tu fais partie. (4) choses (2), cest--dire le sens que (1) Pierre Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique ? Gallimard, 1995 nous leur donnons. (2) pictte Manuel, GF Flammarion, 1992 Il faut savoir reconnatre dans ce qui (3) mile Brhier, Les Stociens, Gallimard, 1962 (4) Marc-Aurle, Penses pour moi-mme, GF nous arrive notre propre destin et il Flammarion, 1992 est prfrable de lassumer, sans quoi, comme le souligne Snque, le destin guide celui qui laccepte et Tous nous sommes lis la Fortune : trane celui qui lui rsiste. pour les uns, la chane est dor et souple, Ainsi, lattitude fondamentale du pour les autres, troite et grossire, Stocien consiste maintenir une mais quelle importance ?... attention continuelle, lever sa conscience le plus haut possible afin Aucune situation nest pnible au point dempcher une me sereine de rectifier chaque instant sa vie dy trouver matire apaisement. pour la rendre la plus harmonieuse pictte, Snque, De la tranquillit de lme philosophe stocien possible. Ainsi, la matrise de soi est une disposition invincible suivre la droite action ou bien une volont que les plaisirs ne peuvent vaincre. (3) LE STOCISME

Se regarder de lintrieurLes Stociens nous invitent galement un vritable dialogue intrieur afin de discerner la ralit telle quelle est sans y ajouter de jugement. Ils nous engagent nous modifier nous-mmes pour agir plus efficacement au service de la collectivit humaine. Et si, par hasard, nous navons jamais la certitude de bien faire et que nous ne sommes pas srs du rsultat, nous devons nous rappeler que l'important est lintention morale de bien faire. La pense permanente de sa propre mort imminente tait galement conseille pour ne pas se disperser et prendre conscience que chaque instant de notre vie est un bien prcieux. Il faut accomplir chaque action de la vie comme si ctait la dernire disait Marc Aurle. (1) Si les Stociens sont autant dactualit, cest

Lempereur philosophe Marc Aurle

Ce qui dpend de nousAinsi, la seule chose qui dpend de nous est la volont de faire le Bien conformment la raison. Et pour ce

La longue histoire du stocisme stend sur prs de six sicles (du IVe av. J.-C . au IIe ap. J.-C .). Elle correspond la formation de la civilisation grco-romaine qui stend depuis locan Atlantique en passant par le nord de lAfrique jusquaux confins de lInde. La philosophie stocienne jouera un rle dterminant dans cette formation et fournira de nombreux conseillers tant dans le domaine thique que politique. Trois priodes faonneront le stocisme : Le stocisme ancien : du IVe au IIIe sicle av. J.-C . avec les fondateurs (Znon (-336 -264), Clanthe (-331 -232) et Chrysippe (-280 -210). Le stocisme moyen, du IIe sicle au Ier sicle av. J.-C., avec Pantius (-185 -112) et Posidonius (-135 -51). Le stocisme imprial, du Ier sicle av. J.-C. au IIe ap. J.-C., avec notamment Snque (4 av. J.-C. 65 ap. J.-C.), prcepteur et conseiller de lempereur Nron, pictte lesclave (50 - 130) et lempereur Marc Aurle (121 - 180).

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Question philo

Philosophie vivre

En quoi la

Nouvelle AnneLE DSIR NOUS PREND DE PASSER EN REVUE CE CYCLE ET LES CHOSES QUE NOUS Y AVONS RALISES.

Nouvelle vie ?Par Dlia Steinberg Guzman

Philosophierend-elle

QUAND ON SAPPROCHE DE LA FIN DUNE ANNE, DE LA FIN DUN PETIT CYCLE LINTRIEUR DE NOS VIES,

meilleur ?Par Lonie Belhert

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GRCE LA PHILOSOPHIE, LINDIVIDU SINTERROGE SURLES VALEURS DU MONDE EN CHERCHANT MIEUX SE CONNATRE. MAIS LA PRATIQUE DE LA PHILOSOPHIE A-T-ELLE DES EFFETS RELS ET POSITIFS SUR LUI ET LE MONDE ?

Agir pour son bien et celui dautruiLe philosophe nagit pas aveuglment sur le monde. Il agit avec et par amour. Ce nest pas lamour au sens de lattachement exclusif que ressentent deux personnes lune envers lautre. Mais dans le sens philosophique du terme, cest lamour de la vie qui nous pousse agir pour notre propre bien et celui dautrui. Le philosophe doit galement apprendre lhumilit, accepter les petites victoires sur lui-mme (souvent bien plus difficiles obtenir et qui, ajoutes les unes aux autres font sensiblement grandir). La philosophie possde donc une immense valeur en elle-mme car elle apprend lhomme agir pour son bien et celui de lhumanit.

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our beaucoup dentre nous, la philosophie est un exercice intellectuel, une discipline scolaire qui entrane ltre humain spculer sans fin sur les sujets les plus divers, se perdre dans les mandres de la pense, plutt que dagir concrtement. Dans ce sens, la philosophie ne rend pas le monde meilleur. Elle ne fait que poser sur lui un regard strile. Par contre, la pratique de la philosophie la manire classique, aide lindividu mieux se connatre pour devenir meilleur et agir plus efficacement dans le monde. Il sobserve, se corrige et aide les autres en faire autant. Ds lors, la philosophie peut effectivement tre considre comme un art vivant, qui agit sur le monde pour le transformer. Mais quels sont les effets rels de la philosophie sur le monde ? Et en quoi peuvent-ils tre qualifis de positifs ?

un tat dtre. Celui qui aspire la sagesse fait le choix de sobserver lui-mme et le monde qui lentoure, avec un regard la fois neuf et lucide, tente de se dtacher des dsirs qui le tiraillent, des peurs irrationnelles qui le submergent, de lgocentrisme qui lempche de sintresser aux autres. Le philosophe se donne le droit dtre heureux et contribue ainsi rendre le monde meilleur. En agissant positivement sur lui-mme, il samliore et son action peut alors irradier vers lextrieur et illuminer le monde. Philosopher permet chacun de comprendre ce qui est vrai et bon pour lui et laide tirer des leons de vie partir de son vcu. Lorsquon apprend vivre conformment au rel et non par rapport des croyances ou des opinions, on devient peu peu capable daimer le rel tel quil est et non plus tel quon voudrait quil soit et on peut trouver plus rapidement les solutions adquates aux problmes particuliers.

es succs et les checs passent rapidement trop rapidement sous nos yeux et nous prfrons tout oublier en nous promettant mille amliorations pour le prochain tour qui, finalement, ne sera pas si diffrent du prcdent. Dans ce contexte on rencontre deux types de problmes, deux problmes que nous voulons aborder dans cet article pour donner notre vision acropolitaine. Un des conflits majeurs est lindcision des hommes en ce qui concerne ce que nous voulons vraiment tre et faire. Ceci nous conduit vgter dans des vies mdiocres, opaques et manquant de la lumire de lidalisme. Tout se rsume une angoisse perptuelle qui sefface peine de rares moments mais que lon ne parvient jamais radiquer parce quelle ne disparat jamais. La cause de ce problme est simple mais profonde : langoisse quotidienne, langoisse du moment prsent, est le rsultat dautres questions, radicales et angoissantes : Qui suis-je ? Do je viens ? O vais-je ? Si ltre humain ne dfinit ni ses principes ni ses finalits, comment pourrait-il dfinir son moment prsent ?

Lautre conflit est la confusion entre le temporel et latemporel, entre ce que lon vit et qui suse, et ce qui dure et ne suse pas. Indubitablement nos vies supposent un jeu perptuel entre les valeurs temporelles et changeantes et les valeurs perptuelles et stables. Mais il faut parvenir diffrencier parfaitement les unes des autres. De la mme faon que personne ne peut sidentifier totalement son corps, de la mme faon, bien que le corps vieillisse, nous pouvons continuer nous sentir jeunes lintrieur, parce que la Jeunesse rside dans lme ; ainsi, et pas autrement, nous devons choisir pour nous guider les valeurs qui ne prissent pas avec le temps.

La diffrence est entre le durable et lternelLe durable dure mais finalement se termine ; ceci se produit plus ou moins long terme, mais se produit. Lternel est toujours, maintenant, avant et aprs ; bien que mille voix la mode prtendent rduire lternel, il est fortement enracin en chacun de nous. Lhomme des vieilles civilisations, celui qui apparat sous forme dimages colores dans les livres dhistoire, et lhomme de nos jours, tous deux, continuent comprendre de la mme faon la valeur du Bien, de la Vertu, de lAmiti, de lAmour, de lHonneur, du Devoir, de la Fidlit Lanne nouvelle est ce qui change ; le temps, lui, est ternel. Une anne se distingue dune autre par laccent que nous y mettons, mais nous, nous continuons tre les mmes. Le nouveau cycle doit supposer un rpit sur le chemin, une halte pour mditer et planifier, sans oublier la continuit, la somme des expriences et des efforts antrieurs. Et par dessus tout, supposer la promesse de notre part, davancer un pas de plus vers un nouveau but que nous avons dcid datteindre. Alors, nous pourrons tous ensemble fter une anne, non seulement nouvelle, mais meilleure.

La loi de lvolutionPour se dcider faire quelque chose, pour se dcider tre quelquun, il faut SAVOIR quest-ce que lhomme en gnral, et qui nous sommes, chacun de nous en particulier. Il est ncessaire de rsoudre la question de lorigine et de la fin de nos vies, non pas par la rponse banale de la matire qui apparat et disparat par les lois du hasard, mais par la ralit dune Loi Causale qui renferme le mystre de nos vies et de toutes les formes de vie qui existent. Il faut pntrer la Racine Divine sous le nom quon voudra Lui donner pour reconnatre la racine humaine propre. Il faut vibrer au rythme de lvolution universelle pour se sentir galement partie de ce rythme et engag dans cette mme volution. Alors nous pourrons vivre des annes diffrentes les unes des autres, des annes meilleures les unes que les autres, mesure quelles scoulent ; alors disparatra lopacit de nos vies, car chaque minute qui passe sera une minute de plus grande clart intrieure.

Un regard plus lucide et plus heureuxLa philosophie est avant tout lamour de la Sagesse, cest--dire

On croit que la philosophie ne sert rien, [] parce quon nen voit pas directement les bnfices. La philosophie ne donne directement ni richesse, ni honneurs, ni puissance sociale, mais, srnit, vertu et bonheur intrieur. Elle rend simplement meilleur.Bruno Giuliani, Lamour de la sagesse, ditions du Reli

Traduit par Isabelle Ohmann

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Rencontre avec...JEAN-PIERRE BAYARDEST UN GRAND SPCIALISTE DE LA PENSE SYMBOLIQUE. IL A CRIT PLUS DE CINQUANTE OUVRAGES SUR UN LARGE SPECTRE DE THMES, DONT UN DERNIER LIVRE SUR LA SYMBOLIQUE DU LABYRINTHE AUX DITIONS DU HUITIME JOUR.Le combat de Thse contre le Minotaure - monstre et fils de Minos, roi de Crte- enferm dans le labyrinthe construit par Ddale, reprsent sur une amphore dart grec du VIe sicle avant J.-C.

enfouie que lon a enfin dcouverte. En pntrant les forces de cet enclos secret, en y acqurant la connaissance, on rayonne de lclatante lumire intrieure. Le but suprme ne satteint que par un effort constant. En ce lieu souterrain, ce hros, simple ouvrier du destin, sunit au principe divin afin de revenir vers la manifestation terrestre. Il faut connatre la puret originelle, la rintgration dans la vraie nature pour refaire seul, en sens inverse le chemin parcouru. Voyager dans le labyrinthe souterrain prouve notre connaissance des forces telluriques et cosmiques. Le

un taureau selon un crmonial trs prcis. La mise mort de lanimal est effective : celui qui parvient au centre de ldifice et qui en sort vainqueur est un tre consacr. La force brutale soppose llgance de lhomme qui danse devant la bte massive aux instincts meurtriers. Une bte charge de nos passions qui finalement doit succomber. Cest aussi retrouver lancien baptme par le sang, le sang rgnrateur et purificateur, le torador sacrificateur, en habit de lumire, remplaant lancien prtre.

aprs un bref sjour dans les entrailles de la terre, est ncessaire pour dtecter son quilibre spirituel. Pour mriter le ciel, il faut subir victorieusement le passage de lenfer et savoir traverser son feu ternel sans en tre atteint. Par sa persvrance et sa foi, lhomme parvient au centre suprme sans avoir sgarer. Les alchimistes considrent que le labyrinthe est le symbole de la matire en putrfaction, aprs de longs dtours durant lesquels on se purifie, on peut atteindre le centre, la chambre secrte pour y tre rgnr.A : Le labyrinthe ne sest-il pas rduit avec le temps sa dimension ludique, en devenant source de distraction au lieu dtre source de con-centration, chemin vers le centre ? J.P.B. : Les compagnons du Tour

Jean-PierreLaAcropolis : Avez-vous eu limpression de raliser dans votre propre vie le parcours du labyrinthe ? Jean-PierreBayard : Oui, naturellement ma vie comme celle des autres est un vritable labyrinthe avec des marches obscures, des dtours, des incertitudes et des joies. Exerant toute ma vie deux professions, celle dingnieur et celle dcrivain, passant du concret journalier la recherche spirituelle, je me suis encore perdu davantage dans les mandres de la vie profane qui nous cerne. Mais, cest aussi conserver lespoir daboutir au centre secret de nos proccupations, la chambre secrte. A : Que nous enseigne le mythe de Thse et le Minotaure sur la qute de notre propre identit ? J.P.B. : Thse est un hros athnien qui doit se confronter un animal fabuleux, dangereusement

BayardExposition sur les labyrinthes au Jardin de Bagatelle Neuilly.

symbolique du labyrinthePropos recueillis par Laura Winckler

cornu, le Minotaure. Un combat singulier et tnbreux se consomme lintrieur de la terre : lintelligence intrpide et lucide de lhomme domine les instincts des monstres. Ariane, la porteuse de lumire a remis laudacieux une pe double tranchant et un fil conducteur permettant de sortir du gouffre infernal conu par Ddale. Thse la sortie de lobscur labyrinthe, exprime sa joie en dansant, entranant ses amis dans la farandole des grues. Grce au fil dAriane, aide extrieure, nous pouvons atteindre cette ultime halte quest la chambre centrale, un lieu sacr souvent dfendu par une triple enceinte. Il faut se baigner dans sa lumire spirituelle pour pouvoir endosser une nouvelle personnalit ; il faut se plonger dans une exprience qui dracine lhomme de ses conventions temporelles et spatiales ordinaires. Cependant, pour tre pleinement initi, possder une autre structure,

ddale symbolise la trajectoire de la vie qui est rythme ; il matrialise les rites de passage qui conduisent de lphmre lternel, du profane au sacr. Son couloir initiatique donne accs un centre qui convie notre rintgration en faisant briller en nous la lumire de lespoir et de lamour.A : Peut-on voir dans la tauro-

A : Vers o conduisent les labyrinthes des cathdrales que lon retrouve dans les nefs, par exemple celui de Chartres ou dAmiens ? J.P.B. : Ces entrelacs tracs sur le

machie une survivance de lancien mythe du labyrinthe ?J.P : Ces pratiques, qui remontent .B.

Le Labyrinthe reprsent sur un statre provenant de Cnossos.

il est ncessaire de transmettre ce que lon vient dassimiler. Il faut communiquer bon escient, aller dans le monde extrieur, ce thtre profane empli de tnbres par rapport la luminosit de la salle

des cultes ancestraux, ont leurs fervents adeptes et dtracteurs, mais au point de vue symbolique, nous pouvons retrouver des traces de cet ancestral combat de la vrit. Aprs des passes habiles, devenu matre incontest, le torero immole le taureau laide dune pe, noble outil porteur de lclair et de la lumire. Dans les arnes, au centre de cet enclos qui est une dfense rituelle par sa forme circulaire, les hommes combattent

sol des cathdrales sont des sortes de toiles daraigne, aux lignes concentriques o lon discerne dans les trames de leur tissage les quatre branches de la croix. Si lon suit ce trac jusqu son point central, on est tonn de la longueur parcourue. Au Moyenge, pour le plerin empch de se rendre en Terre Sainte, ce priple, qui devait se faire genoux, pouvait tre compar un voyage rel jusqu' lemplacement de la Croix. On le dsignait sous le nom de chemin de Jrusalem ou la lieue de Jrusalem. Au centre, lhomme trouve la quitude aprs avoir franchi les difficults tumultueuses de lexistence. Jsus, aprs son supplice effroyable, revient sur terre. Cette rincarnation terrestre,

de France ne construisent plus de labyrinthes. Nous ntablissons plus de grandes glises et le priple de ces chevaliers de la pierre na plus limportance de celui dautrefois. Le labyrinthe au long parcours sinueux a perdu sa vocation de permettre lhomme de sinterroger intrieurement. Nous sommes trop presss pour rflchir profondment. Ce trac capricieux nexiste plus que dans les champs de foire et dans les jardins dagrment. Lhomme reste enchan, prisonnier des mandres quil se cre lui-mme. Il est toujours dans les tnbres, dans lincomprhension des problmes quil tisse et dont il ne sait pas tirer la leon. Il faut avoir le courage de clamer nos convictions, largir notre vision, apprendre ceux moins volus avoir une approche du sacr, une comprhension intrieure et non plus superficielle. Par notre comportement, notre volont, rtablissons le sens du devoir, du profond humanisme en essayant de comprendre notre interlocuteur.

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A lireLa philosophie en motsPar Isabelle Ohmann

A lirePhilosophie...L intrt pour la philosophie continue se dvelopper et nous ne pouvons que nous en rjouir. En tmoignent la parution de deux ouvrages encyclopdiques qui ont pour vocation de nous permettre de mieux comprendre les notions et le vocabulaire philosophiques.de toute proccupation thique, dans la violence, luvre entre autres dans les banlieues et le terrorisme. Cest pourquoi le courage est la fois la bonne et la mauvaise nouvelle de notre temps, notre grande chance et notre grande menace. Un beau dfi relever, toutes gnrations confondues !

Traditions et Culture...Fes, elfes, dragons et autres cratures des royaumes de ferieClaudine GLOT et Michel LE BRIS Hobeke, 222 pages, 37

Grand dictionnaire de la philosophie(1)e commencerai par le Grand dictionnaire de la philosophie qui nous est propos par les ditions Larousse en collaboration avec les ditions du CNRS. Le prestigieux label sest lanc dans le difficile pari de nous prsenter les principales notions de la philosophie, et lon doit dire que cest trs russi. Dune part, le nombre de concepts prsents offre un ventail de recherche trs large. Prs de onze cent entres donnent demble ce dictionnaire une richesse peu commune. On y trouvera aussi bien le behaviorisme que le manichisme, le rasoir dOccam que la transformation de Galile, lternel retour et la rminiscence. De plus, la prsentation mthodique des concepts accompagns dune dfinition tymologique, puis dune dfinition tout court et enfin dun commentaire explicatif satisfera les plus rigoureux, sans toutefois sombrer dans un jargon trop savant. Ainsi lon apprendra, par exemple, que le mot dsir drive du latin desiderare cesser de contempler puis, par glissement de sens, constater labsence. Le commentaire nous prcisera de faon dtaille lutilisation de cette notion chez Descartes, Spinoza, Leibniz et Kant par exemple. Trs utiles aussi les renvois aux notions proches figurant dans louvrage, permettant de croiser les diffrents concepts entre eux. Ainsi eudmonisme nous renvoie aux notions de ataraxie, bien, bonheur, fruition et hdonisme. Chaque notice se complte dune bibliographie cible. On apprcie aussi les quelques soixante-dix dissertations qui compltent louvrage et constituent un exercice philosophique grandeur nature. Y a-t-il un dieu des philosophes ? Lhumanitaire est-il un humanisme ? Tout plaisir est-il bon prendre ? Autant de questions qui nous plongent dans lunivers de la rflexion philosophique et dans le cur mme de cette science du penser par soi-mme.

Prcis de PsychologieWilliam JAMES Les empcheurs de penser en rond/Seuil, 433 pages, 24

Le courage rinvent

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Le vocabulaire des philosophes(2)rs impressionnante est ldition en quatre tomes du Vocabulaire des philosophes, couvrant la philosophie antique, renaissance et classique jusqu la philosophie moderne et contemporaine. Les ditions Ellipses qui nous offrent en gnral dans dagrables collections des textes philosophiques le plus souvent accompagns de commentaires clairants, ont entrepris une uvre monumentale : celle de proposer pour plus de soixante philosophes, une tude minutieuse du vocabulaire employ par chacun. Ce travail colossal permet au chercheur de progresser avec finesse dans ltude des concepts dun auteur et de les placer dans la cohrence de sa pense. Au contraire dun travail gnraliste, ce vocabulaire nous introduit en profondeur dans la lecture des uvres. Un rel effort est fait par ailleurs pour nous rendre accessible chaque notion qui est ainsi prsente sous trois angles : une dfinition de base, une approche savante et plus fournie et enfin, une rflexion plus gnrale. Malgr cela, cette encyclopdie reste ddie un usage bien dfini : celui du chercheur qui, luvre la main, cherche lucider la pense de son auteur. Nous craignons que le nophyte, auquel dailleurs cet ouvrage ne sadresse pas, ne le trouve bien austre.

Michel LACROIX Flammarion, 148 pages, 14

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Les livres intelligents et lucides portant un diagnostic sur la dgradation de la socit actuelle ne manquent pas. Malheureusement, sils aident formuler les symptmes dun malaise que nous ressentons tous, ils nous laissent gnralement avec un sentiment dimpuissance quant aux remdes y apporter. Voici donc un livre qui mrite dtre salu et qui, court et de lecture aise, est conseiller tous. Le philosophe Michel Lacroix met en vidence une mutation morale luvre dans le monde daujourdhui : Le courage revient. Il explique les raisons de ce retour, li la fois au fait que les individus doivent dsormais apprendre se dfendre dans la socit mais aussi dfendre la socit. Le sujet central du livre porte sur la question suivante : Comment faire bon usage du courage ? Il est en effet dvoy lorsquil est affranchi

William James est une des figures les plus importantes de la psychologie du dbut du XXe sicle. Ses rflexions sur le flux de la conscience, sur linconscient comme rserve de notre indtermination, sur le rle des motions comme interphase entre le corps et le penseur en nous, sont de grande actualit, avec une ouverture desprit au paranormal et des interrogations qui permettent aussi de mieux comprendre les interrogations de Jung une poque o il fallait sarracher une vision trop mcanique de lme humaine.

Somptueuse plonge dans lunivers du peuple des sources, forts, grottes et montagnes, cet ouvrage recense les grands artistes qui ont, travers les ges, rendu hommage ces cratures des royaumes de ferie. Richement illustr, un livre fait pour susciter lmerveillement.

Sous le regard des dieuxChristiane DESROCHES-NOBLECOURT Albin Michel, 381 pages, 22

Les animaux pensent-ils ?Jolle PROUST Bayard, 195 pages, 13

Biographie de la grande gyptologue, base sur une srie dentretiens entre des journalistes et lauteur. Des anecdotes parfois trs drles agrmentent le tout. Des rcits trs vivants sur les fouilles et recherches archologiques en gypte donnent au lecteur limpression dy participer. Un vrai rgal !

Question pertinente, sil en est : elle interroge notre rapport lhumanit, notre relation aux animaux. Si la rponse demeure un mystre, cet ouvrage donne nanmoins loccasion dune rflexion sur les notions de pense, reprsentation et conscience. Accessible ceux qui matrisent un minimum les concepts propres lthologie et aux neurosciences.

Petits contes de printempsSOSEKI ditions Philippe Picquier, 138 pages, 5,50

Rosie ou le got du cidre, une enfance dans les CotswoldsLaurie LEE Phbus Libretto, 261 pages, 8, 90

Petits rcits empreints de nostalgie ou de drlerie dlicate, ils nous font pntrer au cur de la vie japonaise. Cest le temps qui passe, nouvelle faon de lire limpermanence des choses.

Une enfance dans la campagne anglaise, pendant et aprs la guerre de 1914. Lintensit neuve dun regard denfant et la peinture dun monde qui, sans le savoir, vit ses dernires annes. Un rcit goteux, sans mivrerie.

Spiritualit...Illuminations travers les textes sacrsPhilippe SOLLERS Robert Laffont, 191 pages, 15

La grande aventure du monachisme en Orient et OccidentSous la direction de Juan Maria LABOA Lethiellieux, 272 pages, 58

Gurisons et enseignement de Matre PhilippeClaude LAURENT Le Mercure Dauphinois, 136 pages, 15

(1) Grand Dictionnaire de la philosophie. Sous la direction de Michel Blay, Larousse, CNRS ditions, 1200 pages, 60 (2) Le Vocabulaire des philosophes, de lAntiquit la Renaissance. Sous la direction de J.P. Zarader, 4 tomes, ditions Ellipses. Tome 1 : De lAntiquit la Renaissance, 712 pages, 59 Tome 2 : Philosophie classique et moderne : XVIIe XVIIIe sicles, 826 pages, 59 Tome 3 : Philosophie moderne : XIXe sicle, 702 pages, 59 Tome 4 : Philosophie contemporaine : XXe sicle, 1116 pages, 59

Inspir par Rimbaud, lauteur nous conduit brillamment travers littrature et textes sacrs dans une qute mystique dune grande intensit potique. Lapocalypse de Saint-Jean ctoie les vers dHlderlin, les aphorismes de Nietzsche ou de Pascal.

Le monachisme a toujours tenu une place singulire au sein des glises chrtiennes Cest cette grande aventure que retrace ce remarquable livre dart et dhistoire. Labondance et la beaut de liconographie sont claires par un texte simple et complet.

Lauteur a t le disciple de Matre Philippe, homme tonnant qui vcut Lyon, la fin du XIXe sicle et procda de multiples gurisons. Il enseigna lcole pratique de Magntisme, exhortant son auditoire cultiver lhumilit, lamour, le pardon selon la parole christique.

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A lire

Questions de socit...Ego trip, la socit des artistes sans uvreLuis de MIRANDA Max Milo ditions, 125 pages, 12

Histoire...Les mensonges de lHistoirePierre MIQUEL Perrin, 392 pages, 20

A lireLe pch, la bte & lhommeSous la direction de JeanFranois BOUVET ditions du Seuil, 204 pages, 15

La science aveugleMichel SCHIFF Sang de la Terre, 190 pages, 16

Face la perte de sens, un phnomne proccupant, nomm escapism par les AngloSaxons, voit le jour Se coupant des autres et de la ralit, lindividu se retire dans son monde intrieur, sisole dans ce quil croit tre sa psych artiste. Caustique et instructif.

Une dmythification de la recherche scientifique dans le domaine biomdical, avec pour exemple le traitement du cancer. Aprs une analyse des causes profondes de lobscurantisme savant, lauteur propose une rsistance des citoyens au pouvoir des experts.

Si Hippocrate voyait a !Pr Jean BERNARD de lAcadmie Franaise, Pr Andr LANGANEY avec Ccile LESTIENNE

Une histoire du mensonge dans lHistoire, de ses diffrentes motivations et des formes quil prend suivant les poques. De nombreux exemples et une rflexion profonde sur la nature et le rle de lHistoire raconte aux hommes pour donner du sens leur existence.

Les carnets ddithEdith VELMANS Phbus, 265 pages, 19,50

JC Latts, 180 pages, 15

La vie en maison de retraiteClaudine BADEY-RODRIGEZ Albin Michel, 244 pages, 18

Clonage, euthanasie, gntique Deux hommes de culture et de science, deux humanistes, font un point clair et prcis sur les stupfiants progrs qui touchent notre sant, mais aussi notre futur, lthique. Deux regards uniques qui sinterrogent et parfois saffrontent mais saccordent sur la remise en question du principe mme de lois sur la biothique.

Journal intime dune adolescente juive de Hollande, une vision quotidienne de la vie clandestine sous la barbarie nazie. Prsent partout comme un second Journal dAnne Franck. mouvant et authentique.

De la langue de vipre au chaud lapin en passant par la tte de linotte et le glouton, la tentation a toujours t grande dattribuer au rgne animal la paternit des travers ou pchs que notre morale rprouve. Pour autant, nos amies les btes ne sont pas, cet gard, toujours blanches comme neige

Coup de curGurir le stress, lanxit et la dpression sans mdicaments ni psychanalyseDavid SERVAN-SCHREIBER Robert Laffont, 301 pages, 20

Mondes en collisionDr. Immanuel VELIKOVSKY Le jardin des Livres, 446 pages, 22,70

Mdecine astrologique des trois corps: 3. Le corps spirituelJanine FONTAINE ditions du Rocher, 317 pages, 21

Ma belle poque, Mmoires (tome 1)Michel CROZIER, de lInstitut Fayard, 396 pages, 22

la recherche du Moyen-geJacques LE GOFF ditions Audibert, 176 pages, 16

La description, sensible mais sans concession, de la ralit vcue par les personnes ges que la perte dautonomie contraint sexiler en maison de retraite. Lauteur, psychologue dans ces tablissements, montre quil suffirait de peu pour amliorer leur vie dans cette communaut humaine trop occulte.

Synthse de ses annes de recherche, Jacques Le Goff balaye dans cet ouvrage limage du