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2 INTRODUCTION « Jean-Jacques Rousseau est un écrivain et philosophe suisse de langue française, né en 1712 à Genève d’un père horloger. Il mène jusqu’à sa mort une vie vagabonde. Ayant quitté très tôt sa famille, il pratique d’abord divers métiers. A vingt ans, il rencontre Mme de Warens qui devient sa bienfaitrice. Chez elle, il s’est initié au latin et à la musique. Il s’est installé à Paris en 1741 où il a découvert Denis Diderot (1714-1784) qui lui demanda de rédiger pour son encyclo- pédie, l’encourageant ainsi à poursuivre une carrière d’écrivain1 En 1750, la publication par Rousseau de ses premiers discours : Discours sur les sciences et les arts et Discours sur l’origine des fondements de l’inégalité parmi les hommes, lui apporte une notoriété de scandale. Et dans ses écrits ultérieurs, il continue à critiquer la société de son temps. C’est ainsi qu’il s’est créé de nombreux ennemis, dont par exemple Voltaire (1694-1778), et l’hostilité des pouvoirs politiques établis en Europe. En effet, ces prises de positions qui vont à l’encontre de la nation de progrès, lui valent des nombreuses attaques. Dans Du Contrat social, Rousseau en appelle à une nouvelle société, basée sur un « contrat social » : l’homme doit accepter de se plier aux règles de la vie en société, en échange de quoi, celle-ci lui apporte la protection de ses lois. Cet idéal, qui cons- titue le fondement de l’esprit de la démocratie, a eu une grande influence sur la pensée révo- lutionnaire. Elle va de pair avec le développement de la pensée sociale, à travers laquelle Rousseau a examiné les fondements de la société. L’auteur Du contrat social estime retrouver l’état originel de l’homme, où l’individu est naturellement libre et bon. Cette pansée renforce sa conviction selon laquelle la société de son époque était mauvaise, d’où sa volonté de découvrir l’origine du malheur contemporain est sa préoccupation primordiale. De cette préoccupation, Rousseau élabore l’histoire d’un état primitif et l’état qui atteste l’existence concrète d’un état social ou civil. Dans tous ses ouvrages, il défend ses analyses et sa pensée philosophique sur l’étude de l’homme primitif et la société moderne. Rousseau est le philosophe qui a osé critiquer le progrès (le luxe). En effet, ces critiques qui vont à l’encontre de la nation de progrès, lui crée des nombreuses adver- saires, dont par exemple Voltaire et l’hostilité des autorités politiques établis en Europe. Dans Du Contrat social, Rousseau en appelle à une nouvelle société, basée sur un « contrat social » : l’homme doit accepter de se plier aux règles de la vie en société, en 1 Gérard Durozoi, et André Roussel, Dictionnaire de Philosophie, Nathan : Paris, et, 2002, p 336

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INTRODUCTION

« Jean-Jacques Rousseau est un écrivain et philosophe suisse de langue française, né en

1712 à Genève d’un père horloger. Il mène jusqu’à sa mort une vie vagabonde. Ayant quitté très

tôt sa famille, il pratique d’abord divers métiers. A vingt ans, il rencontre Mme de Warens qui

devient sa bienfaitrice. Chez elle, il s’est initié au latin et à la musique. Il s’est installé à Paris en

1741 où il a découvert Denis Diderot (1714-1784) qui lui demanda de rédiger pour son encyclo-

pédie, l’encourageant ainsi à poursuivre une carrière d’écrivain.»1

En 1750, la publication par Rousseau de ses premiers discours : Discours sur les

sciences et les arts et Discours sur l’origine des fondements de l’inégalité parmi les

hommes, lui apporte une notoriété de scandale. Et dans ses écrits ultérieurs, il continue à

critiquer la société de son temps. C’est ainsi qu’il s’est créé de nombreux ennemis, dont par

exemple Voltaire (1694-1778), et l’hostilité des pouvoirs politiques établis en Europe. En

effet, ces prises de positions qui vont à l’encontre de la nation de progrès, lui valent des

nombreuses attaques. Dans Du Contrat social, Rousseau en appelle à une nouvelle société,

basée sur un « contrat social » : l’homme doit accepter de se plier aux règles de la vie en

société, en échange de quoi, celle-ci lui apporte la protection de ses lois. Cet idéal, qui cons-

titue le fondement de l’esprit de la démocratie, a eu une grande influence sur la pensée révo-

lutionnaire. Elle va de pair avec le développement de la pensée sociale, à travers laquelle

Rousseau a examiné les fondements de la société. L’auteur Du contrat social estime

retrouver l’état originel de l’homme, où l’individu est naturellement libre et bon. Cette

pansée renforce sa conviction selon laquelle la société de son époque était mauvaise,

d’où sa volonté de découvrir l’origine du malheur contemporain est sa préoccupation

primordiale. De cette préoccupation, Rousseau élabore l’histoire d’un état primitif et

l’état qui atteste l’existence concrète d’un état social ou civil. Dans tous ses ouvrages, il

défend ses analyses et sa pensée philosophique sur l’étude de l’homme primitif et la

société moderne.

Rousseau est le philosophe qui a osé critiquer le progrès (le luxe). En effet, ces

critiques qui vont à l’encontre de la nation de progrès, lui crée des nombreuses adver-

saires, dont par exemple Voltaire et l’hostilité des autorités politiques établis en Europe.

Dans Du Contrat social, Rousseau en appelle à une nouvelle société, basée sur un

« contrat social » : l’homme doit accepter de se plier aux règles de la vie en société, en

1 Gérard Durozoi, et André Roussel, Dictionnaire de Philosophie, Nathan : Paris, et, 2002, p 336

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échange de quoi, celle-ci lui apporte la protection de ses lois. Cet idéal, qui constitue le

fondement de la démocratie, a eu une grande influence sur la pensée révolutionnaire.

Rousseau est le philosophe révolutionnaire qui a suscité le plus d’interprétations sou-

vent contradictoires et caricaturales. Cela vient du fait qu’il a été jugé être le penseur

qui s’oppose à toute vie sociale, en prêchant l’utopique retour à la nature. Sur le plan

politique, il luttait contre les théoriciens du despotisme. Au-delà de ces visions a priori

surgit, pour le lecteur attentif, un Rousseau qui apparaît comme un philosophe qui se

voulait être un penseur originel et cohérent. Car il s’est fondamentalement intéressé au

vrai contra social basé sur des institutions légitimes tout en refoulant l’univers de la vio-

lence ou l’état de désordres et d’insécurité. Et en 1782, il a publié ses dernières autobio-

graphies : Confessions, et Rêveries du promeneur solitaire. Dans ces derniers ouvrages

Rousseau continue à défendre et à développer ses réflexions philosophiques.

La pensée de Jean-Jacques Rousseau affirme que l’homme est naturellement né

bon et libre. Ces facultés, l’homme primitif les a vécues à l’état de nature qui traduit des

sentiments de vie parfaite, laquelle rend l’homme heureux. En ce sens, Il est logique

pour Rousseau de défendre cet état où l’homme était parfaitement heureux. Dans tous

ses ouvrages, il s’efforce de démontrer qu’à l’état de nature l’homme est heureux mais

que c’est la société qui le corrompt, le rend misérable et méchant. La société est pour lui

l’origine de tous les malheurs de l’homme. On a souvent remarqué que Rousseau a sé-

rieusement médité sur la nature et la société humaine. Pourquoi déclare-t-il alors que

c’est la société qui a corrompu l’homme naturel ? Pour notre auteur, c’est à l’état de

nature que l’homme a un droit égal et est libre d’agir sur toute chose. Mais puisque la

notion de propriété apparaît dans l’état social, elle a changé et transformé beaucoup de

choses au sein de la société. C’est là que naissent les facteurs négatifs tels que

l’inégalité, l’injustice, la corruption et le conflit. C’est la raison pour laquelle le théori-

cien Rousseau a toujours cherché à combattre l’injustice dans la répartition des fortunes,

ainsi que dans le droit de la propriété. La théorie politique de Rousseau, loin de donner

prise à une nouvelle idéologie, ne cesse de s’enraciner dans la condition sociale. Ses

ouvrages, et plus particulièrement Du contrat social sont effectivement au carrefour des

grands courants de pensée de l’époque. Ils ne cessent de travailler en profondeur la pen-

sée occidentale depuis ses origines platoniciennes. Nature et culture, nécessité et liberté,

connaissance et expérience, individu et Etat : chacun des termes de ces antinomies

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trouve à s’alimenter dans Du contrat social. Rousseau étant un penseur brillant reste un

pur produit du siècle des Lumières.

Dans l’encyclopédie, Rousseau garde une place importante. Car il a apporté des

valeurs indispensables sur le plan social et politique de son époque. Il est l’un des

grands penseurs des Lumières qui contestent tout système de vie politique qui méprise

l’homme ou l’individu. Comme les encyclopédistes, Rousseau estime que l’homme

étant qu’un être humain serait apte d’utiliser ses facultés intelligibles pour accéder à un

état de compréhension permettant la maîtrise de son existence au sein de la nature. En

effet, l’esprit des philosophes des Lumières s’affirme comme une pensée contemporaine

qui s’imposait jusqu'à l’affirmation de progrès rationnel et scientifique. Cette évolution

positive a transformé les conduites, les comportements socio-politiques et la nature

même de la vie socio-éducative de l’homme vivant à l’état de société inégalitaire, in-

juste. Il s’agit d’une mutation bénéfique qui constitue un savoir, qui produit des élé-

ments d’effets positifs de la mise en place d’une génération instruite qui se préoccupent

d’un savoir universel et culturel qui constituent un tout organique et scientifique (cul-

ture soucieuse des valeurs, des acquis intellectuels et des savoir-faire propres à une so-

ciété humaine). Denis Diderot, montre qu’on ne peut pas condamner la recherche qui

s’occupe du bien-être de l’homme, dont l’importance prime sur le développement hu-

main. Pour comprendre cela il affirme que

« Avec un commerce aussi étendu, une industrielle aussi universelle, une multitude d’arts aussi perfectionnés, n’espérez pas aujourd’hui ramener à la faiblesse et à la barbarie. Je prouverais d’ailleurs combien le luxe ajoute au bonheur de l’humanité ; je me flatte qu’il résulte de cet article que le luxe contribue à la grandeur et à la force des Etats, et qu’il faut l’encourager, l’éclairer et le diriger. »2

Le XVIII e siècle est cette époque dont les philosophes rassemblent les connais-

sances philosophiques, scientifiques et littéraires. Siècle qui privilégie le rôle de la rai-

son, de la réflexion personnelle et du progrès comme sources d’accès à la vérité et à la

liberté. Ainsi Denis Diderot écrit dans son Encyclopédie :

« L’encyclopédie n’a pas tardé de réassembler les connaissances éparses sur la sur-face de la terre, d’en exposer le système général aux hommes qui viendront après nous, afin que les travaux des siècles passés n’aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succèdent, que nos neveux devenant plus instruits, deviennent en même

2 Denis DIDEROT, Encyclopédie, au mot « luxe », in Georges Gusdorf : Les principes de la pensée au siècle des Lumières, Payot p. 457.

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temps plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mé-rité du genre humain. Voilà le but de l’encyclopédie de ce siècle. »3

Grâce aux investigations philosophiques de ce Siècle des Lumières, l’homme se

reconnaît comme un carrefour, c'est-à-dire un tissu ou un point de relations dans

l’espace et dans le temps. L’être humain s’ouvre et s’extériorise dans l’espace et dans le

temps. Ainsi, les auteurs du Siècle des Lumières soulignent que la liberté de l’homme et

la liberté politique doivent être considérées comme un champ d’investissement pour la

raison, faculté propre à l’homme. En effet, c’est la raison qui fait l’homme.

La vocation politique de Jean-Jacques Rousseau, se révèle essentiellement par le

Discours sur les arts, le Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes et plus

particulièrement par le traité Du Contrat social ; il est considéré comme l’un des grands

théoriciens de la vie politique du XVIIIe siècle par les philosophes du droit naturel. Il est

le philosophe qui a postulé l’idée que l’homme ou l’individu se trouve au fondement de

la société où naît l’accord volontaire entre les individus égaux. Ainsi, en est-il de la no-

tion de l’état de nature qui est souvent l’objet d’interprétations différentes et qui loin de

représenter une réalité donnée, traduit une hypothèse méthodologique. Il est considéré

comme étant un instrument de travail pour l’auteur. Cet état n’a probablement jamais

existé, mais il permet par abstraction d’éclairer la situation méthodologique de l’étude

de l’Etat. De cet état de nature, se dégage l’homme naturel, un autre aspect de cette fic-

tion méthodologique. Rousseau cherche à l’état de société civil la stabilité de l’homme.

C’est que l’homme ne pourra jamais atteindre son bonheur que dans un Etat de lumière.

A la différence de l’animal, l’homme est perfectible. Grâce à cette perfectibilité,

il a la possibilité de s’ouvrir et de suivre son processus historique bien déterminé. L’être

humain peut évoluer dans le sens du bien certes, mais aussi dans celui du mal. Tel est le

revers de la médaille, puisque la créativité humaine se double de formation sociale.

L’appropriation inégalitaire de certains objets, produits (biens) représente le terme su-

prême de l’injustice. Rousseau étaye cette injustice dans les deux formes d’inégalités

dont l’une est naturelle et l’autre morale ou politique. Pour résoudre cette probléma-

tique, notre auteur propose un système politique reposant sur un contrat social. Pour

Rousseau, le problème se pose en terme clair : il s’agit de trouver une forme

d’association où l’homme pourra se reconnaître membre de cette communauté politique

3 Denis DIDEROT, Encyclopédie, « Traité sur le bonheur », in Histoire et Anthropologie de la littérature française, p. 196.

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et où il obéira à la loi, en étant un être libre. L’optique de notre philosophe sera une

quête normative, basée sur le fondement du droit politique qui constitue l’objet de notre

étude.

Du contrat social désigne le pacte et, de surcroît, l’accord instituant la règle du

droit politique pour être légitime. Le pacte social ne porte pas seulement sur ce qui s’est

réellement passé, mais aussi sur ce qui doit être. En outre, c’est dans Du contrat social

que Jean-Jacques Rousseau a réfléchi longuement et d’une manière approfondie sur les

fondements de l’Etat. L’analyse de l’état pré morale à l’analyse de l’état de société ci-

vile permet de fonder un Etat de démocratie. C’est ce point de vue qui intéresse notre

analyse au niveau Du contrat social. Certes, Rousseau n’a pas écrit un livre particulier

intitulé « Etat » ou « Des fondements de l’Etat », mais notre travail s’intitule :

LA CONCEPTION DE L’ETAT CHEZ JEAN-JACQUES ROUSSEAU DANS DU CONTRAT SOCIAL

Ainsi, à la lecture des ouvrages de Jean-Jacques Rousseau, nous constatons que

Du contrat social est l’ouvrage principal qui nous permet de pénétrer dans sa théorie

politique qui est la meilleure théorie d’organisation sociale, dans la mesure où il vise

l’établissement de l’égalité pour tous, les droits de l’homme et surtout la libération de

l’homme. L’individu qui était empêché de se réaliser et d’exprimer ses opinions indivi-

duelles dans les siècles où il a été considéré comme un être d’asservissement, Du con-

trat social de Rousseau lui apporte des solutions face à cette situation qui fait de lui un

être inférieur. Dans cette théorie, Rousseau met l’accent sur le pacte social, la volonté

générale qui garantit l’ordre civil, et la démocratie, laquelle détermine les fondements

justes et légitimes de l’Etat. C’est ainsi que Du contrat social désigne le pacte essentiel

instituant les règles du droit politique et légitime. Les règles du droit politique sont des

règles normatives et morales. Comme l’a écrit Rousseau :

« La politique est d’abord une morale, elle accomplit l’homme, qui est volonté, raison, conscience, sentiment, et non simplement besoin et passion. »4

Le problème de la morale en politique frappe nos Etats actuels. Il engendre des

instabilités politiques et des corruptions, des mensonges, des illusions et des hypocrisies

qui traduisent toujours des sentiments et des opinions non véritablement éprouvés. En

ce sens, l’intérêt que présente la théorie politique de Jean-Jacques Rousseau, qui a inspi-

4 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social p.66.

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ré le choix de notre travail de recherche dont l’intitulé est: « la conception de l’Etat chez

Jean-Jacques Rousseau » est d’apporter des solutions aux contraintes qui gangrènent

actuellement nos sociétés politiques. C’est dans Du contrat social que Rousseau pro-

pose sa théorie de la réforme des institutions socio-politiques sur l’origine des fonde-

ments de l’Etat. Par cette réforme, il vise l’instauration d’une société juste dans laquelle

la vie des citoyens ne sera plus soumise aux instabilités politiques. La vie des individus

dans une société doit être stable et harmonieuse. Cette harmonie sociale n’est pas pos-

sible tant que le droit et la liberté de chacun ne sont pas sauvegardés par des lois recon-

nues et appréciées par tous. C’est pour cette raison que Rousseau s’engage à rechercher

les conditions qui permettront d’établir l’ordre social tout en essayant de trouver les

solutions aux obstacles de la liberté naturelle de l’homme et de garantir les droits qui lui

sont nécessaires. Le désordre et la corruption introduit dans le monde et les inégalités

sociopolitiques sont des obstacles qui ruinent nos Etats. Ainsi, le problème politique se

pose en deux temps : le premier est le problème de l’origine des sociétés ; Le deuxième

est celui du fondement politique. Le problème consiste à se demander comment

l’homme a pu passer d’un état désagréable à un état de rapports sociaux organisés et

comment il fuit cet état ? De ce fait, ne doit-on pas dire que la vie humaine suppose un

minimum d’existence sociale ? Pour mieux évoluer sur cette étude, nous avons organisé

ce travail en deux grandes parties.

La première partie est intitulée : La genèse de l’Etat. Elle traite les différentes

sortes de conceptions de l’Etat avant Jean-Jacques Rousseau et le passage de l’état de

nature aux fondements de l’Etat. Elle traite également de la liberté naturelle à la liberté

civile.

La deuxième partie est intitulée : la théorie politique de l’Etat dans Du contrat

social de Jean Jacques Rousseau. Elle étudie les différents pactes sociaux, de la volonté

générale et de la notion de la loi, les différentes formes des gouvernements et les fon-

dements de la démocratie. C’est dans cette partie que nous examinons les institutions

démocratiques.

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PREMIERE PARTIE

LA GENESE DE L’ETAT

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I.1 LA COCEPTION ARISTOTELICIENE DE L’ETAT

En politique, il existe plusieurs formes d’association humaine. Les circonstances

déterminent la forme appropriée, à savoir les traditions culturelles, la famille et la cul-

ture de chaque communauté. Tout ceci n’est pas à négliger. Dans la sphère politique,

Aristote met l’accent sur les organes qui se chargent de l’être humain tels que les pre-

mières sociétés (familles) et la cité ou l’Etat qui se charge des idéaux et des lois qui sont

étroitement liés dans des cas concrets.

I.1.1 La théorie génétique de l’Etat chez Aristote

Depuis Socrate, Platon, Aristote, la politique était considérée comme la lumière

qui guide la vie de toute organisation sociale de toute cité. C’est pour cette raison que

notre analyse étudiera la conception de la théorie politique d’Aristote, que Montesquieu

et Rousseau avaient fortement critiquée.

La pensée politique développée en Grèce à partir du Ve siècle avant. J.-C. vise

du bonheur des hommes. Tel est le but ultime de la philosophie politique athénienne.

Idéalement, tout Etat doit être formé par un ensemble de citoyens libres et égaux. De là

découle l’idée de la démocratie. Il est vrai que l’idée de la démocratie vient d’Athènes

mais il a fallu attendre jusqu’aux VIIe et VIIIe siècles pour que sa définition ait une ex-

plication logique.

Dans l’antiquité grecque, Platon et surtout Aristote fixent le statut de la science

politique, définie comme science de la cité politique, destinée à prendre en charge cet

« animal politique ». Le mot politique se dit en grec politikos « qui concerne la cité ou

l’Etat ». La politique, qui concerne la cité, détermine et exprime l’ensemble des ci-

toyens et quand elle concerne la notion d’Etat, elle exprime l’ensemble des affaires so-

ciales de l’Etat, c’est-à-dire le gouvernement de l’Etat, par exemple un régime politique,

un parti politique. Selon Platon :

« L’art politique (…) réalise la plus magnifique et la plus excellent de tous les tissus en enveloppe, dans chaque serre ensemble dans sa trame, et assurant à la cité, sans manque ni cité tout le peuple, esclave ou libre, les défaillances, tout le bonheur dont elle peut jouir, commande et dirige. »5

5 Jacqueline RUSS in Dictionnaire de philosophie, p. 218.

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Par cette affirmation, on peut dire que la philosophie politique est pour Platon un

principe essentiel pour toute organisation de vie sociale. Elle est au centre de toutes les

vertus. Ces dernières, si elles concernent l’individu, paraissent toujours sous l’égide de

la société. L’art du gouvernement politique, ainsi que les autres sciences telles que

l’anthropologie, la sociologie et la psychologie sont essentiellement des sciences mo-

rales portant sur l’homme. Elles sont également des sciences nécessairement subordon-

nées à la morale générale de toute la communauté. Cela montre que la science de la so-

ciété politique est la science sublime de l’homme où les philosophes cherchent à déter-

miner l’essence de l’être humain.

Dans son livre intitulé La politique Aristote soutient que : « l’homme est un

animal politique ». La question de l’animalité de l’être de l’homme, surtout quand elle

s’applique à ce fait que, comme d’autres animaux, il vit en société, demande donc à être

éclaircie du fait qu’il est le seul animal doué de logos. L’on se plaît à assimiler celui-ci à

la raison : l’homme serait, et lui seul, un animal politique par nature, c’est-à-dire un être

destiné par la nature à vivre dans une cité (polis) du fait que la parole ou le logos, per-

mettant d’argumenter et de délibérer, est porteur des valeurs éthiques ou morales et po-

litiques.

Dans cette perspective, Aristote soutient qu’il n’y a qu’une chose qui soit propre

aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du

bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre, par exemple

l’amitié, la morale et la sagesse. Or avoir de telles notions en commun c’est ce qui fait

une famille et une cité. Dans La politique, Aristote affirme :

« Le discours sert à exprimer l’utile et le nuisible, et, par suite aussi le juste et l’injuste : car c’est le caractère propre de l’homme par rapport aux animaux, d’être seul à avoir le sentiment du bien et du mal, de la justice et de l’injustice, et des autres notions morales, et c’est la communauté de ces sentiments qui engendre famille et ci-té. »6

Cette affirmation montre la manière ou la situation selon laquelle l’être de

l’homme vit en conformité avec sa propre réalité. C’est par sa manière de vivre que

cette définition trouve sa juste nature. De par son essence, l’homme est le seul être dans

la nature qui vit socialement dès sa naissance jusqu’à sa mort. C’est dans cette sociabili-

6 ARISTOTE, La Politique, I, 2, 1253 a 14-19, p. 29.

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té continuelle que l’homme se différencie de l’animal. La vie de la sociabilité animale

n’est pas durable ni morale, elle est saisonnière et immorale. Elle ne demeure pas dans

un environnement stable et déterminé. La vie animale dépend nécessairement de la na-

ture. En ce sens, l’animal doit se soumettre à la nature qui le commande. La loi de la

nature qui gouverne les animaux n’a pas de siège. Elle erre dans l’immensité naturelle.

Tout ceci montre la différence entre la vie animale et la vie sociale de l’homme, animal

politique.

Dans cette perspective, on peut affirmer que l’homme est un animal naturelle-

ment social destiné à vivre dans une société ou cité. Il est un être dont la nature d’être a

naturellement un penchant à s’associer. C’est dans et à travers la société que l’homme

réalise le sens intime de son existence. C’est pourquoi Aristote affirme :

« L’homme est par nature un animal politique. Et celui qui est sans cité, naturellement et non par suite des circonstances, est ou un être dégradé ou au dessus de l’humanité. Il est comparable à l’homme traitait ignominieusement par Homère de sans famille, sans loi, sans foyer. »7

Cette assertion veut dire que tout être humain doit d’abord sortir dans une fa-

mille, s’ouvrir ensuite dans un village pour être enfin un citoyen, c’est-à-dire vivre en

fonction de la cité. Et celui qui vit hors de la cité, naturellement par hasard et non pas

par des circonstances, est un être insensé, c’est-à-dire dégradé ou un être surhumain.

La cité, qui permet à l’homme d’atteindre son bonheur, est le principe suprême

de l’organisation sociale et politique. Cela veut dire que la politique ne doit pas viser

quelque autre chose que le bien de la société, parce que c’est la société qui détermine

l’homme. L’homme n’a pas de sens ni de valeur que lorsqu’il vit dans une société, cité

ou Etat. Ces derniers doivent le respecter et reconnaître son titre qui fait sa qualité.

En ce sens, la cité ou l’Etat est l’organe qui s’occupe de tous les facteurs qui

peuvent l’améliorer, par exemple l’éducation, l’enseignement et les formations.

L’animal politique doit être bien éduqué et bien encadré. Ainsi, l’enseignement est pour

lui une action favorable pour son être. Il devient donc un être de culture et de perfection.

C’est pourquoi on trouve dans toute cité une culture propre à elle et des hommes perfec-

tionnés. Il est donc normal de définir l’homme comme un animal politique culturel vi-

vant dans une cité politiquement organisée. Comme l’homme est un être politique, il

7 Ibid., p. 28.

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constitue nécessairement son histoire. C’est dans ce sens qu’il est aussi un être histo-

rique. Cette historicité de l’être de l’homme dit que l’homme est un animal parmi les

animaux, mais un animal doué de raison. Il est le seul animal qui pense grâce à sa mé-

moire et à son intelligence.

Ces actes de penser et de se souvenir sont des facultés spécifiques de l’être hu-

main, c’est-à-dire que ces facultés sont des aptitudes naturelles dont l’homme est doté.

Toute politique s’occupe de l’homme et tout individu compte sur sa famille, où il est né,

grandit et est élevé. La famille est donc la première petite société que l’homme fré-

quente. Elle joue un rôle essentiel pour la vie de l’homme. Ainsi, nous allons voir ce

qu’elle apporte à l’homme.

I.1.2 Des premières sociétés modèles des sociétés politiques

I.1.2.1 La famille

La famille peut être définie comme une institution sociale qui repose sur un fon-

dement biologique. La famille est un organe naturel. Pour lui,

« Si on considérait les choses à partir de leur origine, dans leur développement natu-rel, comme on le fait dans les autres domaines, nos présentes investigations elles-mêmes apparaîtraient aussi au regard de l’angle le plus favorable. La première union nécessaire est celle de deux êtres qui sont incapables d’exister l’un sans l’autre. »8

Les deux premiers êtres qui s’associent naturellement forment nécessairement ce

que nous appelons famille. Par conséquent, s’il existe des aspects universels dans la

définition de la famille, dont par exemple la procréation, la prohibition de l’inceste, al-

liance, culte, mœurs, coutume, chaque société tient à avoir une image différente de la

famille en fonction de sa structure démographique, de son organisation sociale.

En effet, dans la Grèce antique, la famille, sorte de relais entre l’individu et la ci-

té, porte des éléments aussi forts pour l’organisation sociale. Aristote considère la fa-

mille (la maison) qui regroupe père, mère, enfant, domestique et esclave comme la

structure de base de la société. Il définit trois ensembles nécessaires : la famille, le vil-

lage et la cité.

8ARISTOTE, La politique, I, 20, p. 30.

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La famille organise la parenté et assure la filiation et les exigences de l’être hu-

main. Elle s’occupe de l’individu depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Le village quant

à lui regarde les activités économiques de l’organisation sociale et politique. Il est le

principe qui épaule la famille sur les grosses conditions qui la dépassent. Il pourrait ré-

guler l’économie et pourvoit aux besoins des familles par l'organisation du travail et des

échanges. Quant à la citée, elle représente les principes de toutes les activités sociopoli-

tiques, nationales et internationales. Elle est synonyme de l’expression «Etat» ou

« pays ».

D'où vient la nécessité de l’Etat ? Il y a l’Etat ou la cité parce que les seules

communautés familiales et économiques ne satisfont pas tous les besoins de l'homme.

La famille reste un cadre essentiel qui offre à l’activité particulière de l’individu, dans

son ensemble, la même protection et la même défense. Elle soutient l’individu à chaque

moment et dans tous les aspects de son existence. D’autre part, par cette généralité

même, son rôle s’élargit. Elle n’est pas seulement le cadre qui soutient socialement

l’individu et constitue la défense organisée de certains de ses intérêts. Elle est aussi le

milieu moral où se disciplinent ses tendances et où naissent, commencent à s’épanouir

et continuent à entretenir ses aspirations vers l’idéal. Elle lui prescrit les devoirs et les

affections domestiques, le type de sentiments qui ne sont pas seulement spontanés

comme les sentiments ordinaires, mais en même temps obligatoires, les impératifs de la

morale ; elle se montre continuellement à l’œuvre, surtout pendant la période de

l’éducation de l’enfant.

Dans Du contrat social, Rousseau soutient que la plus ancienne société et la plus

naturelle c’est la « famille ». Cette dernière est une société naturellement politique. Elle

est organisée, on y trouve des lois ou des règles qui établissent d’une manière naturelle

un ordre hiérarchique spécifique à elle. Le père est toujours le dirigeant de la famille,

c’est-à-dire le premier responsable de la famille. Il assure le bien-être de l’enfant et des

autres sujets qui vivent au sein de la famille.

C’est dans ce sens que cette société naturellement politique est comparable à

celle que nous appelons aujourd’hui société politique (Etat). La fonction que le père

assure dans la famille est plus ou moins égale à celle d’un chef d’Etat. Le père est en

quelque sorte l’image d’un chef qui préside sa cité et les enfants avec tout le reste de la

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famille sont l’image des citoyens de l’Etat. C’est pour cette raison que l’auteur Du con-

trat social affirme :

« La famille est donc si l’on veut le premier modèle des sociétés politiques : le chef est l’image du père, le peuple est l’image des enfants, et tous, étant nés égaux et libre. »9

Par cette constatation, on considère que la famille est un organe très solide qui

ne lâche à aucun moment sa tâche, son devoir qui l’attend face à l’être humain. La fa-

mille a donc un pouvoir nécessaire qui garantit ses membres dans la société. Elle est

toujours présente face à toute situation qui regarde le mal ou le bien que subit un

membre de la famille. C’est pour cette raison que tout être humain a besoin d’une fa-

mille, support physique, moral, et économique. En ce sens, le père de la famille cherche

nécessairement le bien-être de la famille comme ce que fait un chef d’Etat. Un chef

d’Etat cherche à défendre essentiellement le bien-être de la cité. Il ne s’occupe que de la

cité politique.

I.1.2.2 La cité politique

Socrate fut le premier philosophe qui ait aimé la science politique, bien qu’il

n’était pas parfaitement connue, mais le peu de lumière qu’il apportait dans la philoso-

phie politique n’a pas laissé, de lui faire chérir et d'éclairer son âme si passionnément la

doctrine civile, à tel point qu'il méprisa et en renonça toutes les autres parties de la phi-

losophie. Son bel esprit s’occupait de la science politique laquelle est jugée par lui la

plus digne de l’être humain. A son exemple, Platon, Aristote et les autres philosophes

grecs et latins ont cherché à éclaircir la science politique, ayant envie de fonder une

bonne cité politique. Ce concept de la cité est bien défini par Aristote comme suit :

« Toute cité est une sorte de communauté, et que toute communauté est constituée en vue d’un certain bien(car c’est vue d’obtenir ce qui leur apparait comme un bien que tous les hommes accomplissent toujours leurs actes (…) si toutes les communautés vi-sent un bien déterminé, celle qui est la plus haute de toutes et englobe toutes les autres, vise aussi, plus que les autres, un bien qui est le plus haut de tous, c’est la communauté politique. »10

La philosophie antique a toujours cherché à définir les critères auxquels de-

vraient satisfaire la cité idéale. Une grande partie de l’œuvre de Platon et d’Aristote

9 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 10 10 ARISTOTE, La Politique, I, 1, 1252 a 1-6 p 21-22

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intitulé La politique est consacrée à cette réflexion. C’est justement cette réflexion qui a

déterminé le modèle de la cité ou des sociétés antiques grecques. Ces dernières ne sont

pas simplement des villes. Elle comprend aussi un territoire large, c’est-à-dire sa cam-

pagne environnementale, qui permet de nourrir les habitants Elle joue un rôle essentiel

pour l’organisation de la société. Selon Aristote la cité est un organe puissant et néces-

saire dans la mesure où il est antérieur à la famille comme il l’affirme que

«La cité est par nature antérieure à la famille et à chacun de nous pris individuelle-ment. Le tout en effet est antérieur à la partie, puisque, le corps entier une fois détruit, il n’y aura ni pied, ni main, (…) : une main de ce genre sera une main morte.»11

La cité grecque est bien structurée. Elle fonctionne sous une loi toujours respec-

tée. En effet, la première des caractéristiques de la cité réside dans la souveraineté par-

tagée par l’ensemble de tous les citoyens, réunis à intervalles réguliers dans une assem-

blée qui désigne les magistrats de la ville et qui décide aussi la paix ou la guerre. La cité

se caractérise par son souci d’indépendance. Elle ne laisse aucun lien politique de su-

bordination à l’égard d’un autre Etat. C’est cette exigence absolue d’indépendance qui

empêche l’élaboration de l’union des Etats grecs et la réalisation d’une fédération du-

rable qui devait fonder l’unité du pays. Cet esprit d’émiettement politique reste une

norme institutionnelle dans le monde grec antique.

Cependant, la défense de l’indépendance exige aux citoyens de se soumettre au

pouvoir politique de l’Etat ou de la cité. Cette dernière est une fin en soi qui laisse très

peu de liberté, surtout de liberté d’expression, à ses membres c’est-à-dire aux citoyens.

Socrate, qui a tenté d’aller à l’encontre de la loi de la cité, pour son refus et son mépris

de la religion, est condamné à boire la ciguë par les athéniens à la suite du procès qui a

été intenté contre lui.

De ce fait, on peut dire que soumission ne signifie pas pour autant arbitraire dans

la mesure où l’obéissance que doit le citoyen est celle qui est dictée par les seules lois

de la cité. En conséquence, le pouvoir de la cité grecque, par l’estime dans laquelle il

tient l’activité politique, par le souci d’indépendance et le développement exigé de ses

citoyens, a exercé sur la pensée politique mondiale une réelle fascination. La cité est

une communauté politique organisée possédant un minimum d’autonomie.

11 Ibid., I, 2, 1253 a, 19-22, p. 30.

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I.2 LA CONCEPTION HOBBESIENNE DE L’ETAT

La théorie politique de Hobbes est une théorie qui structure l’état des hommes

hors de la société civile. Elle fonde un Etat fort auquel l’homme doit se soumettre. Elle

veut surtout éloigner les êtres humains de la guerre perpétuelle de l’état de nature.

I.2.1 La théorie politique de Hobbes

La philosophie politique et la notion du contrat social sont antérieures à la pen-

sée politique de Jean-Jacques Rousseau. Beaucoup de philosophes ont établi des théo-

ries politiques avant lui. Cette idée d’un contrat conclu entre les hommes, qui serait à

l’origine de toute société, n’était pas nouvelle en 1762. Montesquieu et surtout Hobbes

sont les auteurs les plus remarqués dans ce domaine. Leurs pensées politiques ont in-

fluencé le monde entier.

Hobbes est l’un des plus grands théoriciens politiques qui se sont penchés sur la

nature de l’homme et à l’élaboration de l’étude d’une société dite conventionnelle.

Hobbes, comme Rousseau, considère l’état civil comme un état fondé à partir d’une

convention. Par cette convention naissent des institutions qui déterminent le corps poli-

tique. Ce corps politique nouveau était conçu pour le profit de la nouvelle société. La

vie commune est réglée par le caractère contractuel de toute relation et par la répartition

des droits et des devoirs de chacun. C'est en ce sens que nous pouvons parler d'un indi-

vidualisme hobbesien : car de principes anthropocentriques ne peut naître qu'une pensée

politique tournée vers l'individu et son existence dans la cité. La république de Hobbes

est une république des hommes, elle existe par eux et pour eux, non pour Dieu ou pour

une quelconque transcendance. Il définit la politique comme :

« L’art de gouverner les hommes organisés en Cité. Elle se fonde sur la connaissance des mécanismes de la vie collective. Sécurité et prospérité assurant la conservation de soi sont devenues l’unique raison d’être du politique. »12

Ainsi, Emile DURKEIM définit l’Etat comme étant : « Un organe spécial chargé

d’élaborer certaines représentations qui valent pour la collectivité. »13 Cette conception

découlant du principe de la démocratie va à l’encontre des régimes féodaux, lesquels

négligeaient le principe de la volonté générale et le bien commun.

12 Thomas HOBBES, Textes choisis des auteurs philosophiques, p. 247. 13 Emile DURKEIM, Textes choisis des auteurs philosophiques, p 238.

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L’expression de Hobbes « l’homme est un loup pour l’homme » exprime une évi-

dence de fait. Il constitue le point de départ d’une construction théorique et psycholo-

gique destinée à restreindre ou à limiter autant que possible les effets désastreux, pi-

toyables, lamentables, funestes et préjudiciables de la violence naturelle qui se soldent

par des événements tragiques ou par la mort. Sans la répression des instincts qui im-

plique le respect d’une morale, la société s’effondrerait, minée par le déchaînement des

égoïsmes individuels. Pour Hobbes, la vie en société vaut mieux que la guerre. Ce prin-

cipe éclaire selon lui le mécanisme de toute la vie politique. Il s’agit, ici de faire échap-

per les hommes aux dangers, aux risques inhérents à leur propre nature ; ils doivent se

dessaisissent intentionnellement ou volontairement de leur propre liberté pour fonder

une directive d’ordre social (un commandement impératif) qui les protégera les uns contre

les autres. Hobbes veut faire apparaître dans sa théorie politique une société conçue au

moyen d’une convention qui permet aux hommes de réaliser la mutation de l’état de

violence à l’état de paix.

En effet, l'homme originel est une esquisse du type d'homme nouveau qui serait

apte à s’associer avec les autres. Pour que cette association soit possible entres les

hommes, il faut un pacte ou un contrat social. Ce dernier a pour fondement la délégation

du Pouvoir, et non des droits. Selon Hobbes, cette délégation acquiert le monopole de

l'assassinat et offre en retour une garantie conditionnelle contre le risque d'être tué ou

assassiné. La sécurité est assurée par la loi, qui est une émanation directe du monopole

du pouvoir dont jouit l'Etat et n'est plus établie par l'homme en vertu des valeurs hu-

maines du bien et du mal. Comme cette loi découle directement du Pouvoir absolu, elle

représente une nécessité absolue aux yeux de l'individu qu'elle régit.

En ce qui concerne la loi de l'Etat, à savoir le Pouvoir accumulé par la société et

le pouvoir monopolisé par l'Etat, il n'est plus question de bien ou de mal, mais unique-

ment d'obéissance absolue, de conformisme aveugle de la société. Dans sa théorie poli-

tique, Hobbes donne toute la force à l’Etat, ou le Léviathan, lequel maintient tout entier

le pouvoir de décider, de dicter au peuple comme il veut. Ce pouvoir absolu est pour

Hobbes un pouvoir puissant capable de neutraliser toute manifestation individuelle qui

cherche à agir à l’encontre de la société. C’est pour cette raison que Hobbes soutenait le

pouvoir de la monarchie de son époque.

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Cependant, les démocrates conçoivent dans la théorie de Hobbes que l’homme

ou l’individu est méprisé, ce qui montre que Hobbes ne tient pas compte des sentiments

de la vie particulière de l’homme, c’est-à-dire la volonté individuelle que Rousseau ap-

pelle volonté particulière. Selon celui-ci, l’homme ne doit pas obéir aveuglement à un

pouvoir qui ne s’engage pas pour le bien- être du peuple et le bien-être de l’individu.

Cela signifie que le peuple qui détermine le sens de l’Etat a aussi un pouvoir essentiel.

Les individus sont le sens même de ce peuple. L’homme ne doit pas être aliéné par

l’Etat. Il doit dire ce qui ne va pas bien dans l’Etat. Rousseau ne préconise pas seule-

ment la sécurité et la paix mais aussi la liberté de l’homme, le droit de l’homme et sur-

tout la démocratie. Pour arriver à instaurer tout cela, il faut donc fonder un Etat qui va

reconnaître toutes ces facultés dans l’exercice de ses fonctions.

Hobbes pense que l’instauration de la terreur est un moyen efficace pour empê-

cher l’homme de ne pas commettre des délits et de se permette de se faire justice soi-

même comme à l’état de la liberté naturelle où il n’y avait pas de règles qui empê-

chaient les hommes de cesser de se nuire par eux-mêmes.

L’état premier de l’humanité, l’état de nature, contient un double sens : théolo-

gique et philosophique. En état théologique, il désigne un état de l’humanité qui n’aurait

pas été élevée à l’état surnaturel, en opposition avec l’état de grâce, c’est-à-dire une

nature corrompue par le péché, la nature de l’homme avant la chute. En philosophie, il

est la forme qui s’oppose à l’état civil. Il désigne la situation fictive de l’homme avant

l’apparition de la société. L’état de nature est alors utilisé comme outil critique par cer-

tains philosophes, par exemple Hobbes, Locke et Rousseau qui se posent en censeurs de

la société qui leur est contemporaine, c’est-à-dire en penseurs de la société moderne.

L’état de nature est devenu un support nécessaire dans l’étude des sociétés. Pour com-

prendre une société, on doit d’abord chercher ses conditions originelles, son historicité.

C’est pourquoi les théoriciens de la philosophie politique remontent jusqu’à l’état de

nature, qui est l’état premier de l’histoire de l’humanité. C’est à partir de cet état que

naît l’état dit civil où se fondent les sociétés, sous lesquelles nous vivons. Pour Rous-

seau, l’état de nature est un état antérieur à celui de l’état civil. Il est l’état mère qui en-

gendre l’état des sociétés civiles. Ces dernières sont pour J.J Rousseau le cliché ou le

négatif de l’état de nature. Cet état antérieur ou premier est la sphère, le milieu fermé

dans lequel l’homme primitif vivait solitairement sans contrat, sans accord, sans con-

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vention et sans règle civile. C’est dans ce sens que les théoriciens du pacte social sont

convaincus que l’état civil est le second état, un état de convention entre les hommes.

Le passage de l’état de nature à l’état civil éclaircit le fait que les hommes ont décidé

d’abandonner l’état de nature, sous lequel l’homme vivait sans morale, sans sécurité

Qu’est ce que alors cet état de l’homme naturel hors de la société civile ?

I.2.2 De l’état des hommes hors de la société civile chez Hobbes

Dans Les fondements de la politique, Hobbes soutient l’idée selon laquelle la na-

ture a fait que les hommes soient égaux à l’état de nature. Voici ce que Hobbes dit dans

le De cive : « Tous les hommes donc sont naturellement égaux. L’inégalité qui règne

maintenant a été introduite par la loi civile. »14 Hobbes conçoit qu’à l’état de nature les

hommes étaient libres. Ils y étaient tous égaux en droits puisque la loi de la nature a

donné à chaque individu un droit égal à toute chose. De fait, ce droit égal de tous sur

toute chose engendre des conflits perpétuels. En effet, il est permis à chaque individu de

faire tout ce qu’il lui semblait être bon et de s’approprier tout ce qui lui plaisait. La loi

de la nature autorise tout tandis que la loi civile n’autorise pas tout. Cette ambiguïté est

étayée par Hobbes en ces termes :

« La nature a donné à chacun de nous égal droit sur toutes choses. Je veux dire que dans un état purement naturel, et avant que les hommes se fussent mutuellement atta-chés les uns aux autres par certaines conventions, il était permis à chacun de faire tout ce que bon lui semblait contre qui que ce fût, et chacun pouvait posséder, se ser-vir, et jouir de tout ce qui lui plaisait. »15

Selon cette assertion, on peut dire qu’à l’état de nature chacun était roi, maître,

juge et même compétent en ce qui lui était vraiment utile. Il était donc nécessaire pour

l’homme de conserver ce qu’il jugeait utile le plus tôt possible. Ainsi, cet homme primi-

tif avait, et faisait par droit de nature tout ce qui contribuait à sa propre défense et à la

conservation de ses membres. A l'état de nature, chacun avait le droit de faire et de pos-

séder tout ce qui lui plaisait, dans la mesure où la nature a donné toutes choses à tous.

Ainsi, à l’état présocial, l’homme était déterminé par l’égocentrisme : sentiment orgueil-

leux, et rempli de sa propre importance et d’intérêt personnel. Il ne se soucie pas de

l’autre. Car ce dernier était pour lui une menace qu’il devrait toujours combattre et tuer.

14 Thomas HOBBES, Le citoyen ou les fondements de la politique, p. 35. 15 Ibid., p. 37.

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Selon Hobbes, cet homme ne cherchait rien à cet état de la loi de loup que la défense de

soi. A l'état de nature, l'utilité était la règle du droit. Ceci montre que tous les hommes

jouissaient d’un même droit. Car ils étaient tous égaux en droit. C’est en ce sens que

Hobbes est convaincu que les hommes sont égaux ; car l'égalité des hommes entre eux a

pour fondement le fait que chaque homme avait par nature assez de pouvoir pour tuer

son semblable. La ruse pouvait racheter la faiblesse. Leur égalité en tant que meurtriers

en puissance plaçait tous les hommes dans la même insécurité. C’est la raison pour la-

quelle Hobbes soutient qu’à l’état de nature l’homme a naturellement la volonté de

nuire à ses semblables. Il l’a clairement dit dans Le citoyen :

«La volonté de nuire en l'état de nature est aussi en tous les hommes: mais elle ne procède pas toujours d'une même cause, et n'est pas toujours également blâmable. Il y en a qui, reconnaissant notre égalité naturelle, permettent aux autres tout ce qu'ils se permettent à eux-mêmes; et c'est là vraiment un effet de modestie et de juste estima-tion de ses forces. »16

Par cette affirmation, on peut dire que l’homme naturel a naturellement cette fa-

culté de nuire à autrui ou de le combattre pour pouvoir satisfaire ses besoins. Le fait que

les hommes à l’état de nature sont définis par la lutte, le combat permet à Hobbes de

définir l’état de nature comme un état de guerre perpétuelle. Cela permet effectivement

à chaque individu de se protéger contre autrui. Le fait que l’homme soit loup pour

l’homme se manifeste lorsque que les hommes se battent pour une chose sur laquelle

tout le monde a droit. Ainsi, Hobbes affirme que

« La plus ordinaire cause qui invite les hommes au désir de s’offenser, et de se nuire les uns aux autres est, que plusieurs recherchant en même temps une même chose, il arrive fort souvent qu’ils ne peuvent pas la posséder en commun, et qu’elle ne peut pas être divisée. Alors il faut que le plus fort l’emporte, et c’est au sort du combat à décider la question de la vaillance. »17

Les hommes font recours à leurs forces, à leurs proies pour se combattre. Dans

ce combat, on n’attend que deux choses : soit avoir la force de nuire, de tuer soit avoir

la faiblesse d’être tué, ce que Hobbes appelle dans ses textes : « victoire ou mort. » Cela

veut dire que c’est le combat qui décide de la propriété de l’objet.

16 Ibid., p. 35. 17 Thomas HOBBES, Le citoyen ou les fondements de la politique, p. 36.

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I.3. DE L’ETAT DE NATURE AU FONDEMENT DE L’ETAT

Dans cette étude, Rousseau a examiné deux types d’état : l’état de nature et l’état

civil (état de société conventionnelle, l’état présent). Dans du contrat social Rousseau

estime avoir de nouveau l’état primitif de l’homme. Où l’homme naturel était heureux

Et cela nous permet d’examiner cet état où l’individu était parfaitement heureux.

I.3.1 De l’état de nature

Le mot nature a chez Jean-Jacques Rousseau deux sens. Le premier désigne ce

qui est originel ou primitif à la nature humaine. Il veut remonter à l’homme primitif,

naturel, sauvage, l’homme vivant en dehors de toutes communautés ou sociétés et mon-

trer pourquoi et comment il est entré dans la société. Le deuxième désigne essentielle-

ment le sens authentique de la nature humaine. Rousseau montre que chez l’enfant, la

nature parle immédiatement. Selon lui, lorsqu’on étudie l’enfant, on étudie la nature (le

naturel). Rousseau veut dire par là que laissé dans toute la vérité, un homme gardera

toujours sa nature intacte, restera inaltéré. Ce la veut dire que l’homme vivant à l’état

civil portera encore sa bonté naturelle. En ce sens, nous pouvons dire qu’il y a une véri-

té de la nature, de l’originel, que l’on pourrait appeler le «primitivisme de Jean-Jacques

Rousseau».

Il convient de souligner que l’état de nature est pour Rousseau un état hypothé-

tique. Il désigne la situation imaginaire ou fictive de l’homme n’ayant pas accédé à une

organisation sociale. Cet état hypothétique ouvre un débat très sérieux depuis l’antiquité

jusqu’à nos jours. Car il est la base de toute théorie politique d’une société. Pour maîtri-

ser cette dernière, il faut opérer un retour sur la nature primitive de l’homme. Un retour

sur l’histoire permet-il de percevoir la réalité de l’homme originel, de l’état de nature ?

Ou plutôt de mieux examiner les fondements des sociétés dites civiles ou sociales ? A

cette problématique, Rousseau est très objectif, il montre que :

« Il ne faut pas prendre les recherches, dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet (l’état de nature pour des vérités historiques mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels plus propres à éclaircir la nature des choses qu’à en montrer la véritable origine. »18

18 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p.45.

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Par conséquent, cet état de nature n’a même pas de certitude historique. Ce n’est

qu’une hypothèse de l’imagination. Il est « un état de nature qui n’existe plus, qui n’a

peut être pas existé, qui probablement n’existera jamais. »19

Par ailleurs, l’état de société civil traduit une réalité concrète mais non pas une

hypothèse ou une imagination comme le concept fictif de l’état de nature. Rousseau

affirme que : « L’état de société commencé est une réalité mais non une hypothèse. »20

En effet, l’état de nature est devenu le carrefour de la philosophie politique et de la phi-

losophie de la nature. Carrefour pour la philosophie politique parce que tout théoricien

politique l’examine pour élaborer sa théorie politique sociale. Carrefour pour la philo-

sophie de la nature parce que toute théorie naturaliste s’en sert pour arriver à ses fins,

c’est-à-dire pour illustrer ses idéologies. L’état de nature reste donc un symbole de

comparaison entre lui et l’état civil. Certains penseurs tels que Rousseau, Bruno Huis-

man, Jean Starobinski considèrent l’état de nature comme un état d’innocence, paisible

et de bonté. Un état où l’homme ne peut pas être jugé ou considéré comme un être in-

juste, méchant par son ignorance. Ils montrent également que c’est dans l’état civil que

l’homme contracte des malheurs et est mauvais.

Ainsi, le problème fondamental de cette étude est de définir et l’état de nature, et

l’état civile. Le premier est l’état dans lequel les hommes se trouvent lorsqu’ils ne sont

soumis à aucune autorité politique, c’est donc un état présocial. Dans cet état, les

hommes sont pleinement libres, nul n’est par nature soumis à l’autorité. Les hommes

sont égaux et ce principe d’une égalité naturelle des hommes est commun à tous les

penseurs de l’école du droit naturel. Le deuxième est l’état dans lequel les hommes vi-

vent en fonction des lois ; c’est un état où les sujets se soumettent à une autorité poli-

tique. Dans les Fondements de la Métaphysique des mœurs, Kant définit d’une manière

générale l’état de nature en rapport de l’état civil :

« On appelle état de nature (status naturelis) l’état qui n’est pas juridique c’est-à-dire celui en lequel il n’y a pas de justice distributive. (…) L’état qui lui est opposé est l’état civil (status civilis) d’une société qui est soumise à une justice distributive. »21

Selon cette définition, nous pouvons dire que l’homme originel n’était ni juste ni

injuste. Il n’avait ni loi ni règle établie qui lui dictait ses prérogatives comme dans l’état

19 Ibid., p. 33. 20 Ibid., p. 22. 21 Emmanuel KANT, cité par Jacqueline RUSS, in Dictionnaire de Philosophie p. 96.

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civil. L’homme civil est un être loyal qui respecte les règles fixées dans la cité. Et quant

à l’homme naturel, il vit selon la loi de la nature. C’est la raison pour laquelle il porte

beaucoup de connotations négatives : il est défini comme un être sauvage parce qu’il

mène une vie identique à celle de l’animal. Ce dernier ne connaît ni justice, ni droit ni

raison. En ce sens, l’état de nature est un état d’extra connaissance.

I.3.2 L’homme face à la nature

D’abord avant que l’homme ait effectué une mutation, il avait une vie semblable

à celle de l’animal. Face à la nature, il avait une liberté totale et avait également un droit

sur toute chose. En effet, suivant cette constatation, on peut affirmer que tous les êtres

sont nés libres. A l’instar des autres espèces vivantes de la nature, l’homme est l’être

naturellement libre et bon. Ces deux notions sont conçues par Bruno Huisman comme

l’élément moteur de la nature humaine. Il est l’un des philosophes qui ont examiné et

reconnu l’importance de la nature primitive de l’homme. Voici son éloge :

« O homme ! Resserre ton existence au-dedans de toi, et tu ne seras plus misérable. Reste à la place que la nature t’assigne dans la chaîne des êtres, rien ne t’en pourra faire sortir, ne regimbe point contre la dure loi de la nécessité (…) ta liberté, ton pou-voir, ne s’entendent qu’aussi loin que tes forces naturelles. »22

Cette pensée renforce ce qu’a dit Rousseau dans le Discours sur l’origine de

l’inégalité parmi les hommes,

« O homme, de quelque contrée que tu sois, quelles que soient tes opinions, écoute: voici ton histoire, telle que j'ai cru la lire, non dans les livres de tes semblables, qui sont menteurs, mais dans la nature, qui ne ment jamais. Tout ce qui sera d'elle sera vrai; il n'y aura de faux que ce que j'y aurai mêlé du mien, sans le vouloir »23.

Ces deux thèses défendent la liberté naturelle de l’homme. L’auteur du premier

Discours et Bruno Huisman partagent le même avis sur la nature de l’homme primitif.

A la différence de Bruno Huisman, d’Aristote et de Hobbes, Rousseau est le philosophe

qui dit qu’à l’état de nature l’homme vivait seul dans un état où tout un chacun était

isolé et cela, suivant la loi naturelle. Libre, il était là et avait un droit total sur sa planète.

22 Bruno HUISMAN, Les philosophes et la nature, pp. 381-382. 23 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements pp. 381-382. 23 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Ed, Peyrou

Moultou, 1755, p. 46

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Ainsi, Rousseau que « L’état de nature est un état où chacun vit seul. L’homme originel est

une sorte d’un animal tranquille, mu par peu de besoins. »24

En vivant seul dans son état originel, l’homme ne dépendait que de lui-même.

Cela le rendait heureux, car son isolement le permettait de vivre dans la tranquillité.

Dans cette analyse, notre auteur met en évidence la vie solitaire de l’homme primitif.

Pour lui, l’homme naturel s’isolait de ses semblables. Ce point de vue s’oppose à

l’affirmation d’Aristote selon laquelle l’homme est un animal naturellement politique.

Cela vient du fait qu’il a étudié l’homme à l’état de nature avant toute société. C’est

l’homme dont les sociologues diraient qu’il n’est qu’une vaine abstraction, la société en

réalité préexistant à l’individu.

Par cette étude, Rousseau en arrive à l’idée qu’à l’état de nature l’homme était

libre et bon. Ceci lui a permis dès 1750, l’année où a été publié le Discours sur les

sciences et les arts, de partir en guerre contre la civilisation, le progrès ou le luxe. Mais

nous devrions être attentifs aux imputations, accusations de Jean-Jacques Rousseau ; car

il semble qu’il n’en veut pas à la science mais à ses conséquences. Comme il a dit,

« La science est très bonne en soi, cela est évident ; et il frauderait avoir renoncé au bon sens pour dire le contraire (…) En ce sens j’ai loué le savoir (…). Mais comment il se fait les sciences dont la source est si pur et la fin si louable engendrent d’impiétés, tant d’hérésies, tant d’erreurs, tant de systèmes absurdes tant de contra-riété, tant d’inepties, tant de satires amères, tant de misérables romans, tant de vers licencieux, tant de livres obscènes et dans ceux qui la cultive tant d’orgueil, tant d’avarice, tant de mensonges, tant de noirceurs, tant de jalousie, tant de lâches et honteuses flatteries ? Je disais que c’est parce que la science toute belle, toute su-blime qu’elle est, n’est point fait pour l’homme ; qu’il a l’esprit trop borné pour y faire de grands progrès et trop de passions dans le cœur pour n’en pas faire un mau-vais usage. »25

Cette longue citation de Rousseau nous éclaire sur le fond du problème de la cul-

ture et de la nature mais non pas la science en soi. Dans l’état de nature, l’Homme ne

possède la raison qu’en puissance et il n’en fera usage que lorsqu’il sera devenu so-

ciable. L’Homme ne fait aucun usage de cette potentialité qu’est la raison car il n’a be-

soin que de l’instinct. Ce qui caractérise l’Homme naturel, c’est un parfait équilibre

entre ses besoins et les ressources dont il dispose. Il avait tout ce qu’il désirait car il ne

désirait ni ne souhaitait que ce qu’il avait. Mais lorsqu’il est forcé de s’associer avec les

24 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Ed Garnier p. 17. 25 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur les sciences et les arts, p. 76.

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autres, il actualisait sa raison, son indélébilité acquise par la culture et la science. Cette

culture de la raison est pour Rousseau le début de la fin. Si la vie de l’Homme primitif

était heureuse, c’est parce que ses désirs étaient très modérés ; or ce bonheur, cet équi-

libre sera rompu par l’activité de l’intelligence, de luxe : les effets de la science, de ce

qu’elle engendre. Aux besoins naturels de l’Homme vont s’ajouter des passions factices

dont la plus redoutable est le désir de surpasser les autres et l’ambition de les écraser. Et

c’est ce qui explique la racine du mal social.

Toutes les passions sociales trouvent donc leur origine dans l’amour sincère :

c’est la vanité. Etre vaniteux, c’est désirer les choses non pas pour elles-mêmes mais

pour le prestige qui s’y rattache. Les besoins naturels sont en fait très peu nombreux, les

autres désirs sont produits par la société dite de convention, ils naissent de ce que

l’Homme se compare à ses voisins et qu’il se sent frustré s’il n’a pas ce qu’ils ont. Bref,

tous les désirs factices viennent de la société et tous les malheurs de l’Homme viennent

de ce que ces désirs sont infiniment élastiques. Pris à la ruse de la consommation,

l’Homme veut toujours plus de biens, il tombe par conséquent dans ce que les latins

appellent « avaricia », c’est-à-dire cette volonté d’en vouloir toujours plus, ce plus étant

entendu dans un sens quantitatif. La science et la technique engendrent un cycle sans fin

de désirs ; à chaque désir satisfait correspond un nouveau désir à satisfaire. Cette situa-

tion fait de l’homme un être mécontent, insatisfait de ce qu’il a, l’Homme n’est jamais

heureux. Voilà la conséquence du passage de l’état de nature à l’état social.

De ce fait, Rousseau ne peut blâmer les effets sans considérer les causes et

l’auteur de ces causes. C’est pourquoi Rousseau met dans un même panier et les

sciences et les arts et les civilisations et les luxes et les effets et les causes et l’auteur.

Car on ne peut dissocier l’arme du crime et le crime de l’auteur. Tout cela est à considé-

rer. Comme les civilisations, les progrès et les luxes sont des éléments producteurs

d’ennuis, des circonstances contrariantes et des malheurs. Rousseau prend sa distance et

s’oppose à eux. Ainsi, les progrès sont la cause de nos malheurs. Pour nous s’épargner

de nos malheurs, la sagesse serait de retourner à l’état de nature qui seul permet le bon-

heur.

Rousseau estime que c’est la société et le progrès qui ont ruiné le bonheur de

l’être humain, qui a fait tomber l’homme dans une décadence, dans une dégradation

progressive de mœurs, de civilisation où tout un chacun s’orientait vers la recherche de

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vie excessive de richesse et d’intérêt individuel. Rousseau veut dire que l’état civil est

un état qui traduit un monde de vision matérialiste où toute relation se fait sous le men-

songe, le profit, l’égocentrisme ou l’égoïsme, la corruption et surtout l’hypocrisie. Dans

telle société toujours corrompue, les hommes perdent leur vie authentique, leur bonté et

leur liberté conforme à la nature. Le progrès de la science ou la civilisation n’est que le

paraître au mépris de l’être profond de l’homme. Toutes ces conditions conduisent l’être

de l’homme vers une décadence, un état de dépérissement. C’est pour cette raison que

l’auteur du contrat social conteste la culture, le progrès de la science.

Si c’est la société qui a corrompu le bonheur de l’homme naturel, il est tout à fait

logique que Rousseau conçoit un autre état bénéfique à cet homme naturel. Cet état

n’est rien d’autre que l’état de nature où il était seul, où il ne connaîssait personne.

Comme il menait une vie solitaire, il était un être isolé, sa solitude lui permettait d’être

un être indépendant et heureux. Cet être solitaire ne savait ni la collectivité ni la sociabi-

lité. Telles sont les caractéristiques qui déterminent l’homme naturel commandé par la

loi de la nature. Rousseau avance l’idée que l’individu isolé vivait aux dépens de la loi

naturelle, et on doit comprendre ainsi son affirmation : « Dans l’état de nature l’homme

n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. » 26 De cette affirma-

tion, Rousseau soutient que rien n’est supérieur à la nature. Cette dernière est l’élément

sublime de toute chose. Tout ce qui est naturel est nécessairement bon. C’est de cette

manière que notre auteur conçoit la bonté naturelle de l’homme qui est une caractéris-

tique essentielle de l’homme primitif. Sa bonté à l’état de nature est très remarquable

dans la mesure où son innocence exprimait sa naturalité, une attitude non corrompue.

Rien ne le gênait, sauf ce qui était au-delà de sa force physique.

Les philosophes naturalistes reconnaissent la bonté naturelle et l’ampleur de cet

état de nature où l’homme menait une vie agréable. C’est pour cela que les penseurs du

droit naturel soutiennent que l’homme est naturellement bon. Cette thèse sortie de la

plume de Rousseau, lui sera toujours chère, comme comportant la dénotation en forme

de la bonté naturelle. L’auteur Du contrat social n’hésite jamais à démontrer dans ses

écrits que l’homme est un être naturellement pacifique, bon et heureux. Il n’a jamais

cessé de le répéter en toutes occasions.

26 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 66.

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A ce niveau, l’argumentation de Jean-Jacques Rousseau montre qu’avant d’être

modifié par les passions sociales, l’homme n’était pas plus méchant que les bêtes. C’est

dans ce sens qu’on pourrait appeler cette nature : l’innocence. Cette innocence ou bes-

tialité ne répond certes pas à nos idées de bonté ni de vertu. Rousseau le marque lui-

même dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les

hommes :

« On pourrait dire que les sauvages ne sont pas méchants précisément parce qu’ils ne savent pas ce que c’est qu’être bon, car ce n’est ni le développement des lumières, ni le frein de la loi, mais le calme des passions et l’ignorance du vice qui les empêchent de malfaire. »27

Notre auteur a analysé l’homme à l’état de nature, un état triomphal qui lui est

cher. C’est par là que sa philosophie est paradoxale puisqu’il défend avec force une telle

bonté d’un état qui n’a jamais existé. S’il en est ainsi, n’y avait-il pas un lien entre

l’homme primitif et celui de l’état institutionnel ? Pour y voir clair, il y a lieu

d’examiner la vie de l’homme originel dans son état originel. Tout nu sous un chêne, il

mangeait, il buvait et même il dormait tranquillement. Notre penseur décrit son état

d’isolement:

« Je le vois se rassasiant sous un chêne, se désaltérant au premier ruisseau trouvant son nid au pied du même arbre qui lui a fourni son repas, et voilà ses besoins satis-faits. »28

Rousseau souligne ici l’idée qu’à l’état naturel, rien ne tracassait l’homme. Au-

trement dit, rien ne l’empêchait d’agir librement dans cet état où il se nourrissait avec

facilité des fruits de la nature et où il croyait tout simplement que la terre n’appartenait à

personne. En effet, la liberté naturelle est pour l’homme primitif la meilleure de toute

chose comme l’a montré Jean Starobinski lors qu’il dit :

« Avant que les arts et les lumières se soient propagés, l’effet humain n’est pas assez développé pour s’opposer à un droit encore inexprimé : l’homme primitif est « bon » parce qu’il est assez actif pour faire le mal. L’homme de nature, lui, vit « naïvement » dans un monde amoral ou pré moral. La différence du bien et du mal n’existe pas pour sa conscience bornée (…) Il ne connaît ni le travail (qui l’opposera à la nature) ni la réflexion (qui l’opposera à lui-même et ses semblable. »29

27 ROUSSEAU, Du contrat social, pp. 53-54. 28 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité, p. 39. 29 Jean STAROBINSKI, Rousseau, La transparence et l’obstacle p. 39.

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Cette affirmation montre que le mal n’existait pas à l’état de nature. Autrement

dit, l’homme originel vivait dans l’abondance naturelle à l’état embryonnaire. Et la no-

tion de conscience n’existait pas encore. Il agissait à partir de son « instinct ». Voila

pourquoi il vivait à l’état amoral. C’est que sa conscience se caractérise par tout ce qui a

trait à l’état de subjectivité : la liberté originelle, l’isolement et la vie solitaire.

L’état de nature s’oppose à l’état de société civil où l’homme vit avec cons-

cience. De ce fait, tout ce qui est permis dans ce pré-état est interdit dans l’état civil.

C’est en ce sens que ces deux formes d’états sont diamétralement opposées. Dans la

mesure où l’état primitif, considéré comme celui de pré-liberté, les règles établies par la

loi naturelle s’accomplissent par les actes instinctifs de l’homme. Et son moi naturel

s’oppose à un tel état appelé « état de statut social », où toutes les activités sont institu-

tionnalisées. En conséquence, Rousseau proteste contre ces dernières, contre le progrès

des sciences et surtout contre l’accumulation des richesses dans une société oppressive.

Tous ces faits sont à l’origine du malheur de l’homme primitif. Ce dernier a totalement

perdu sa liberté, sa bonté naturelle et son droit égal face à toute chose. L’état civil

comme porteur des nouvelles règles dénaturalise l’homme primitif ; il lui fait un être de

pensée et de réflexion. Il lui enseigne la morale et la loi, il lui apprend à travailler, et à

s’occuper de lui-même, de dépendre des lois civiles, mais non pas de ses instinctifs ni

de la loi de la nature.

En empêchant l’homme de jouir des fruits de la terre par des exigences

d’interdictions des biens de la terre qui devraient être à la portée de tout le monde, l’état

civil fait que les hommes soient des êtres de concurrence. Et de là apparaît la notion de

la concurrence et la notion de propriété, laquelle engendre l’inégalité sociale.

I.3.3 De l’inégalité naturelle à l’inégalité sociale

I.3.3.1 De l’inégalité primitive ou naturelle

Dans le célèbre ouvrage intitulé Discours sur l'inégalité, Rousseau conçoit deux

sortes d’inégalité dont on étudiera ici la première forme qui est selon notre auteur :

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« Naturelle ou physique, parce qu’elle est établie par la nature, et qui consiste dans les différences des âges, des forces du corps et des qualités de l’esprit ou de l’âme. »30

D’abord, notre analyse essaie d’étayer l’inégalité naturelle. En fait, cette pre-

mière forme d’inégalité renvoie à l’idée de l’innocence naturelle qui est la loi naturelle

dont le siège est l’état de nature. Dans l’horizon de cet état primitif, l’inégalité des es-

pèces est établie : les unes sont faibles, mal constituées, impuissantes et incapables de se

défendre, tandis que les autres sont fortes, robustes, bien constituées, puissantes et ca-

pables de se défendre. A l’état de nature, l’homme se révèle être selon la formule cé-

lèbre de Hobbes « un loup pour l’homme ». La concurrence des passions, la méfiance

due à une égalité de fait participent tout d’abord à cette opposition perpétuelle.

De cette guerre de tout homme contre tout homme résulte aussi que rien ne peut

être injuste. Les notions de bien et de mal, justice et injustice, n'ont pas leur place à

l’état de nature, parce qu’il n'y existe aucun pouvoir commun, il n'y a pas de loi. Là où

n'existe pas de loi, il n'y a aucune injustice.

Cependant trois causes principales de sanglantes querelles, de désaccords, de

conflits toutes marquées du sceau de la peur sont responsables de cette situation natu-

relle. Ces trois causes découlent de la nature humaine : elles sont la rivalité, la méfiance

et la fierté. Dans le Léviathan, Hobbes soutient qu’à l’état de nature les hommes

n’avaient pas un pouvoir commun qui était statué pour équilibrer leur droit. Ils vivaient

en état de conflit perpétuel. Selon lui :

« Pendent le temps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tiennent tous en respect, ils sont dans cette condition qu’on appelle guerre, et cette guerre est telle qu’elle est celle de tout homme contre homme. (…) Car, tout comme la nature du mauvais temps ne réside pas dans une ou deux averses, mais dans une tendance au mauvais temps durant de nombreux jours, la nature de la guerre ne consiste pas en un combat effectif, mais en une disposition connue au combat, pendant tout le temps où il n'y a aucune assurance du contraire. Tout autre temps est paix. »31

Cette guerre de tous contre tous ou de tous contre un est d’autant plus effroyable

et impitoyable qu’à l’état de nature seul le plus fort a raison. Dans cet univers impi-

toyable, il n’y a pas de juste ni d’injuste, puisque tout est permis et légitimé pour assurer

sa sauvegarde et la réalisation de ses passions, y compris l’attaque et la force. Par con-

séquent, tout ce qui résulte d’un état de guerre, où tout homme est adversaire, ennemi de

30 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, p. 157. 31 Thomas HOBBES, Le Léviathan, p. 115.

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tout homme résulte aussi d’un état où les hommes vivent sans autre moyen d’assurer

leur sécurité que leur propre force et leur propre capacité.

A l’état de nature, il n’y avait pas encore de loi civile qui règle l’espèce hu-

maine. Cela a permis au plus fort d’opprimer les faibles. C’est là une réalité naturelle

qui s’est fondue dans le monde animal. C’est pourquoi Hobbes affirme :

« Dans l’état de nature l’homme tente d’opérer une contrainte sur l’autre et vit en état de guerre avec l’autrui (…) un état originel de guerre se caractérisant par la menace permanente. »32

Cela veut dire que Hobbes reconnaît le droit naturel, car une telle reformulation

est en soi un monstre théorique. En fait, cette conception nous renvoie à l’idée de « droit

du plus fort » puisqu’elle est rattachée à des forces physiques.

Hobbes pense que l’inégalité naturelle entraîne des inquiétudes incarnées par la

guerre. L’état de nature est un état de conflit permanant, autrement dit un état de guerre

de « un contre tous » et « de tous contre un ». Ici, c’est le plus fort qui triomphe et qui a

encore raison. Cet état d’inégalité est selon Hobbes un état de violence où les hommes,

à l’instar des autres espèces, ne cherchent qu’à attaquer. L’homme naturel ne craint per-

sonne, ni aucun danger. C’est à cause de sa ténacité que Hobbes a raison de soutenir :

« L’homme est naturellement intrépide, et ne cherche qu’à attaquer et à combattre. »33

En ce sens, l’état de nature est chez Hobbes un état de désordre, et sans loi civile. C’est

pourquoi Emmanuel Kant définit l’état de nature comme un stade non statué juridique-

ment, opposé au cadre institutionnel de la société. Il est certain qu’à l’état de nature il

n’y avait point de justice. Cela veut dire qu’il n’y a point d’égalité ni de justice sociale.

C’est ainsi que l’homme primitif avait un niveau très bas de conscience et de moralité.

Ceci explique l’idée que les hommes primitifs vivaient en conformités avec la nature.

En effet, l’inégalité naturelle règne dans le monde animal, où la loi qui dirige re-

pose sur l’ordre de la nature. La loi du plus fort est évidemment la base essentielle qui

anime les animaux. Certainement, l’espèce animale ne pourra pas échapper à la loi de la

nature. Elle est condamnée à se soumettre à la force naturelle qui la commande. Effecti-

vement, les animaux réagissent selon leur nature. Leurs réactions sont nécessairement

instinctives. Tout ceci démontre bien que les animaux ne dépendent que de la nature.

32 Hobbes cité par ROUSSEAU, dans le DisKcours sur l’origine de l’inégalité p. 165. 33 Hobbes cité par Jacqueline RUSS, in Dictionnaire de philosophie p. 339.

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Comme l’a d’ailleurs dit Rousseau, « la nature commande à tout animal et la bête

obéit. »34 Ici, on doit comprendre que l’inégalité naturelle est caractéristique du monde

animal, dans la mesure où les animaux doivent se battre pour survivre. Le combat et la

guerre sont inévitables chez le monde animal : il s’agit ici de la loi de la jungle. Ce sys-

tème de vie est toujours vivace dans la vie des animaux. Car il n’y a pas encore de corps

politique qui résolve les conflits et les inégalités au sein de la vie animale.

L’inégalité naturelle se manifeste aussi dans la répartition des biens de la terre

dans la mesure où on trouve certains pays qui souffrent de telle chose à cause de la sé-

cheresse : la dépossession des biens naturels tels que l’eau, le pétrole, etc., et d’autre

part on trouve des pays qui baignent dans des biens naturels. De ce fait, s’explique une

autre forme d’inégalité naturelle engendrée par la puissance naturelle.

I.3.3.2 De l’inégalité sociale

Après avoir analysé la première forme de l’inégalité, nous allons étudier sa deu-

xième forme qui, selon les théoriciens politiques, est l'inégalité sociale et qui est appa-

rue à la suite des conquêtes d’appropriation c’est-à-dire le fait de se rendre propriétaire

des biens naturels de la terre. Ainsi, l’inégalité sociale se trouve au fondement du ré-

gime qui a perpétué une forme d'inégalité institutionnalisée. Rousseau l’a bien souligné

dans le second Discours où il conçoit dans l’espèce humaine cette deuxième forme

d’inégalité qui est : « Morale ou politique, parce qu’elle dépend d’une société de con-

vention. »35

Cette affirmation met en lumière l’idée que l’inégalité politique apparaît à partir

des consentements des individus, et elle est la source originelle du malheur de l’homme

originel. Cet homme ne s’est jamais associé avec les individus, raison pour laquelle il

était indépendant et heureux. Mais avec les calamités naturelles, les catastrophes natu-

relles, il est obligé de s’associer avec les autres pour pouvoir survivre. Car la nature est

devenue insupportable. Vue cette situation, l’homme est devenu un être impuissant dans

la mesure où la puissance naturelle le dépasse et dans le temps et dans l’espace. Il était

obligé de s’associer pour partager ces malheurs qu’il contractait à l’état de nature.

34 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, p. 171. 35 Ibid., p. 157.

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Cette idée d’association est l’un parmi les moyens qui lui permettaient d’apaiser

ses souffrances. Et c’est de là que naît sa première conscience. Par la suite, les hommes

se regroupent, s’associent, s’entraident et s’aiment réciproquement.

D’où vient alors le malheur de l’homme ? Comme les hommes se regroupent, il

y a entre eux le concours d’appropriation du sol ou de la terre, c’est-à-dire le fait de dire

« ceci m’appartient et cela ne m’appartient pas ». Cette situation rend l’homme primitif

malheureux. Car, dans son ancien état, la terre était un Paradis, un tout complet pour lui.

Elle lui donnait de quoi manger et de quoi boire. Cela montre qu’à l’état pré-moral la

terre était pour tout le monde un bien commun. Tout homme avait un accès et un droit

total sur toute chose, c’est-à-dire sur les biens de la terre. Comme le montraient les pre-

miers auteurs chrétiens, les biens de la terre ont été donnés en commun à tous les

hommes. Ainsi, Saint THOMAS rappelle que

« Le Seigneur notre Dieu a voulu que cette terre fût la possession de commune de tous les hommes et que dispensât ses fruits à tous : mais l’avidité a établi la distribution des droits de propriété. »36

Mais dès que la notion de propriété apparaît, elle a changé beaucoup de chose

sur la terre. Le matérialisme est devenu le combat perpétuel des humains. Tout homme

voulait s’enrichir par tous les moyens. Ce qui fait que les plus forts s’appropriaient des

biens, des terrains et même des êtres humains. Ce pouvoir physique les permettait

d’exploiter les faibles. Ainsi, naissent le travail, l’esclavagisme et la notion de richesse

et de pauvreté

En conséquence, l’homme pour se nourrir, doit travailler. Il est devenu un être

aliéné. Cette aliénation n’est rien d’autre qu’un asservissement qui diminue ou ôte sa

liberté et son libre arbitre. L’homme naturel perd son image primitive. Son bonheur

originel est ruiné par la société. Cette dernière le rend indigent, misérable et malheu-

reux. En ce sens, ce malheur est évidemment favorisé par le phénomène de l’inégalité

sociale. C’est dans ce sens que Rousseau disait : « L’homme est bon et heureux par na-

ture ; c’est la civilisation qui l’a corrompu et qui a ruiné son bonheur primitif. »37 Est-ce

que c’est vraiment la société qui corrompt l’homme ou est-ce qu’il se corrompt lui-

même ?

36 Saint THOMAS, Textes choisis des auteurs philosophiques, p 229 37 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 269.

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Certains penseurs montrent que c’est l’homme lui-même qui est naturellement

mauvais, un être dangereux, méchant et égoïste. Cette conception atteste une réalité

existentialiste de l’être de l’homme. Comme l’être humain ne peut pas se séparer du

bien et du mal, il est responsable de lui-même, de son existence, de sa vie et de ses

actes.

L’existentialisme, en tant que philosophie qui se préoccupe de la vie réelle de

l’homme, place l’individu dans le monde et la liberté au centre de la réflexion.

L’homme est le seul être de la nature qui a la capacité de se projeter et de s’extérioriser

dans l’espace et dans le temps. S’il fait du mal, il se corrompt lui-même ; s’il fait du

bien il se perfectionne lui-même. Ce qui veut dire que le mal ou le bien ne regarde que

l’auteur de l’acte.

De cette remarque, on peut affirmer que cette corruption de soi n’est pas infli-

gée, contaminée, ou transportée à l’homme par qui se soit, non pas non plus par son

semblable, ni par une société. L’individu agit selon sa conscience, sa connaissance et sa

morale. Pour comprendre cela, nous pouvons montrer que l’éducation et la morale so-

ciale se préoccupent du bien-être de l’homme. Mais malgré tout cela, l’homme n’a ja-

mais cessé de corrompre, de tromper et de commettre des délits. C’est dans ce sens que

bon nombre de penseurs estiment que l’homme est un être naturellement méchant. Cette

méchanceté fait partie de ses facultés innées.

Cependant, cette conception de l’homme naturellement méchant s’oppose à celle

de Rousseau, de l’homme naturellement bon, heureux dépravé par la civilisation ou le

luxe. Cet homme romanesque est un homme idéal vivant dans un monde idéal.

Jean-Jacques Rousseau et Fénelon s’opposent catégoriquement aux philosophes

de luxe qui soutiennent que le luxe, les civilisations et les arts sont porteurs du bonheur

de l’être humain comme l’affirme Voltaire,

« Moi je rends grâce à la nature sage Qui pour mon bien, m’a fait naître en cet âge Tant décrié par nos tristesses profondeurs : Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs. J’aime le luxe, et même la mollesse. Tous les plaisirs, les arts de toute espèce (…) Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde »38

38 Voltaire Le mondain in Lagarde et Michard, Op. cit. p. 128.

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Dans ce passage, Voltaire défend le luxe, les civilisations et surtout le travail que

les philosophes des lumières ont fourni sur le progrès de l’humanité. Quant à Fénelon, il

se demande si le luxe favorise l’homme ou non. Selon lui,

« Les peuples sont bien malheureux d’avoir employé tant de travail et d’industrie à se corrompre eux- mêmes. Le superflu amollit, enivre, tourmente ceux qui la possèdent, il tante ceux qui en sont privés de vouloir l’acquérir par l’injustice et par la violence. Peut-on, dit-il, nommer bien un superflu qui ne sert qu’à rendre les hommes mau-vais ?»39

Rousseau répond à cette interrogation en déclarant que « le luxe corrompt tout. »40

De ce fait, la civilisation ou le luxe est coupable de la vie malheureuse de l’homme pri-

mitif innocent. Cette culpabilité de la civilisation ou de la société est évidemment res-

ponsable de ce mal, lequel habite l’homme dans la société où reposent des inégalités

politiques et morales. Pour justifier cette inégalité sociale, Rousseau va donc s’appuyer

sur le concept d’inégalité considéré par lui comme la « source du mal », exprimant la

dégradation de la vie sociale. Cette dégradation est due à l’acquisition des richesses par

les uns et à l’appauvrissement des autres. Voila pourquoi il montre que

« De l’inégalité, sont venues les richesses ; car ces mots de pauvre et de riche sont re-latifs et partout où les hommes seront égaux, il n’y aura ni riche, ni pauvre. »41

Certainement, l’inégalité est répandue dans toutes les catégories de la vie hu-

maine, c’est-à-dire que l’inégalité se trouve pressante dans les sociétés dites civiles où

notre auteur conçoit cette inégalité sociale au sein des individus et l’inégalité politique

au sein de la politique. A ce niveau, Rousseau ne se fait pas des imaginations ou des

hypothèses fictives parce qu’il regardait la réalité de son époque où il était lui-même

l’observation anthropologique. Comme il a beaucoup souffert dans la société assise sur

des différenciations des classes où la classe de riches, des bourgeois et les hommes à qui

le pouvoir politique appartenait, comme il voyait comme les hommes souffrent dans le

monde, Rousseau a constaté que beaucoup de gens vivent dans la misère, dans un état

de grande pauvreté. De cette constatation il appert que l’inégalité sociale est la première

source du mal. Voila pourquoi il est parvenu à cette conclusion : « Voici comment

j’arrangeais cette généalogie : la première source du mal est l’inégalité. »42 Ce concept

39 Fénelon, Les aventures de Télémaque 1699, livre XXII, in Georges Gusdorf, p. 447. 40 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur les sciences et les arts Discours sur l’origine et les fondements de

l’inégalité parmi les hommes, p. 90 41 Ibid. p.19. 42 Ibidem.

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négatif qui ne favorise pas l’humanité est réfutable. Il est contestable aux yeux de Rous-

seau parce que son bien-fondé est mis en doute dans la mesure où il entraîne des iniqui-

tés sociales.

Ainsi, on trouve dans les sociétés des hommes opprimés, délaissés par les pou-

voirs politiques ou l’’Etat. Pour remédier à ce fléau désastreux, Rousseau voit la néces-

sité d’instaurer un pacte qui rétablisse l’équilibre dans les sociétés.

Le pacte social de Rousseau lutte contre l’inégalité sociopolitique et l’injustice

au niveau de la répartition des biens. En fait, l’homme veut vivre une société juste et

non pas une société injuste. C’est pourquoi la théorie politique de Rousseau met

l’accent sur la notion de la volonté générale, qui permet aux individus de bénéficier

d’une manière équitable des biens publics. Il veut fonder un Etat de société juste d’où

sera bannie l’inégalité sociale et politique. Cet Etat de lumière dresse le portrait d’une

société toujours souhaitée.

Le contrat est la clé nécessaire qui met les idées en place pour que les hommes

politiques ainsi que les gérants et les gérés puissent s’entendre. Il permet également aux

hommes de fonder une société déterminée par des normes, des institutions ou des lois

basées sur la volonté générale qui est le moteur de toutes formes de théorie politique.

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I.4 DE LA LIBERTE NATURELLE A LA LIBERTE CIVILE

Dans les régimes politiques occidentaux, Jean Louis QUERMONE définit la so-

ciété civile comme suit :

« La société civile c’est l’ensemble des rapports interindividuels des structures fami-liales, sociales, économiques, culturelles, religieuse, qui se déploient dans une société donnée, en dehors du cadre de l’intervention de l’Etat. »43

Indépendamment de ses connotations parfois péjoratives, le terme original de

l’état civil désigne une société de convention, c’est-à-dire reposant sur tout accord entre

personnes ou groupes de personnes. Il est utilisé par certains théoriciens du droit ou de

la morale, surtout Hobbes et Rousseau, pour rendre les principes délibérément choisis

par la collectivité afin de constituer un ordre permettant la coexistence humaine. Dans

cette notion de coexistence, on trouve l’idée d’un engagement entre les individus. Ces

individus qui vont être appelés citoyens forment un peuple, une société de confiance; et

cette société n’est rien d’autre que la somme des volontés consenties des individus.

Dans le Discours sur l’origine de l’inégalité, Rousseau présente toutes les caractéris-

tiques de la genèse de l’état civil. Il affirme :

« Aucune raison intrinsèque à la nature humaine ne le pusse à former société avec ses congénères ; les causes qu’on invoquera seront donc nécessairement extrêmes d’une part, et d’autre part fruit du hasard. »44

Dans ce Discours, il est possible de concevoir que les motifs (les causes) qui ont

été à l’origine de l’état civil procèdent de cette directive : l’homme croyait que la nature

restait toujours abondante pour la satisfaction de ses sentiments, de ses contentements et

de ses états de plaisirs vitaux. Il estimait que la nature restera éternellement face à lui

une sorte de Paradis terrestre. Malgré sa croyance, la nature est devenue hostile, catas-

trophique, malveillante à la vie humaine.

Cette catastrophe laisse tomber l’espoir de l’homme et son paradis terrestre est

devenu un désert épineux. Cette hostilité de la nature s’explique par le fait que les cala-

mités naturelles et les événements catastrophiques surgissent dans la nature en détrui-

sant tout ce qui était utile à la vie de l’homme originel. Par cette calamité naturelle, son

paradis terrestre se transforme en une vie d’enfer, c’est-à-dire un lieu où s’occasionnent

des souffrances et des malheurs. Ce qui fait que l’homme souffre parce qu’il est inca-

43Jean Louis QUERMONE, Les régimes politiques occidentaux.-2e éd., p. 191. 44Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité, p. 22

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pable de surmonter ses difficultés et de pourvoir à ses besoins. L’homme est devenu un

être impuissant. Comme il est impuissant, il ne pourra plus s’en sortir tout seul. Il re-

nonce à sa solitude ; et la conscience lui parvient de s’associer avec ses semblables. De

là, l’homme s’enracine le premier état de sa réflexion qui lui permet de s’adapter petit à

petit à un univers de savoir, c’est-à-dire un monde des inventions, voire par exemple le

monde des productions qui repose sur la technique, la technologique et le monde scien-

tifique.

Cette prise de conscience de soi procure chez l’être humain un sentiment de fier-

té et de dignité. Et là l’homme devient un être pensant et de développement. C’est pour-

quoi Rousseau dit :

« Les hommes découvrent la vertu des armes de chasse-pierre ou bâton, plus tard l’arc et l’hameçon. De là naît le premier mouvement d’orgueil, car toute découverte technique par l’effort de pensée qu’elle exige et entraîne retentit sur le psycho-logue. »45

Les êtres humains deviennent des êtres ouverts. Ils prennent en main la respon-

sabilité de guider leurs conduites et leurs vies. Ils collaborent, ils s’associent. Ils organi-

sent des groupes des sociétés civiles, où les hommes vont manier la politique. Ainsi,

l’état civil est le principe du corps politique ; c’est là que l’Etat comme pouvoir poli-

tique va apparaître. Rousseau a analysé l’état de nature et l’état civil pour montrer une

manière d’être d’une chose, au sein d’une situation vécue par des hommes. Cela vient

du fait qu’il a considéré l’état de son époque comme un état civil. De ce fait, l’état de

nature est pour lui un état d’hypothèse. C’est à partir de là qu’il a pu analyser et l’état de

nature et l’état civile. Par cette analyse, notre penseur a conçu ce que devrait être

l’homme primitif avant qu’il soit un être civilisé vivant dans un état de société. Ce der-

nier est, en quelque sorte l’état des sociétés que régissent des lois humaines.

En ce sens, l’état civil est un état d’organisation légale, de perfection, de morale

et de liberté civile. Il est l’état par lequel les sujets vivent avec conscience et avec des

normes morales. C’est là que Jean-Jacques Rousseau situe le concept de la démocratie

et de la liberté politique. En s’inspirant de la philosophie athénienne, Rousseau espère y

fonder une société juste où les hommes seront tous égaux en droit et bénéficient de tous

les biens communs de la société. Sa philosophie s’est notamment inspirée de la philoso-

45 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, p. 22.

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phie de Platon et de Socrate, pour l’organisation politique d’une cité ; car il constatait

que la société telle qu’elle était n’était pas ce qu’elle devrait être. Dans la mesure où le

pouvoir appartenait à un groupe social minoritaire, les gens qui triomphaient étaient

seulement ceux qui étaient au pouvoir.

Or, tous les citoyens devraient obligatoirement bénéficier de ce pouvoir pour

préserver l’intérêt commun. Comme les pouvoirs de son époque étaient enfermés seu-

lement dans un bloc d’hommes spéciaux dicté par les monarques, il n’y avait plus de loi

juste faite pour tous, il n’y avait pas non plus de démocratie, laquelle libère l’homme de

son aliénation par le pouvoir monarchique absolu qui créait des inégalités sociales.

Cette inégalité qui, « est morale ou politique, parce qu’elle dépend d’une société de

convention »46 cause des déséquilibres dans la vie sociale.

Par cette constatation, il semblerait que Rousseau n’accepte pas le système de

vie politique et de gouvernance de son époque. C’est pourquoi il estime nécessaire

l’institution d’un pacte social qui préconise l’égalité, la liberté politique et le droit des

citoyens à se gouverner eux- mêmes. Il insiste que tous les citoyens aient le droit de

participer au pouvoir et de bénéficier le bien de l’intérêt public. Rousseau conteste éga-

lement toute autorité tyrannique, un Etat dirigé par un monarque ou un despote. C’est

pour cette raison que sa philosophie a bouleversé le XIIIe siècle sur le plan politique. Il

était considéré comme un rebelle ou un élément perturbateur qui s’opposait au pouvoir

des monarchies considérées par lui comme des pouvoirs illégaux qui favorisent les iné-

galités sociales. Par ces inégalités sociales s’explique le problème qui fait que la société

se divise en classes : on trouve le groupe social appelé haute classe qui forme la bour-

geoisie, la classe moyenne constituée par les clergés et la basse classe que forment les

ouvriers.

Avec le contrat social qui a coûté cher à notre penseur de l’avoir écrit, tout lec-

teur de cet ouvrage se rend compte de ce qu’on attend d’un état civil ou Etat de société.

En découvrant les exactions que pratiquent les gouvernants qui accaparent les biens

publics à leur profit et à celui des membres de leurs familles, les citoyens réalisent le

sens même de l’Etat. Rappelons que, pour le philosophe allemand Hegel : « L’Etat est la

46 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, p. 157.

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substance sociale qui est arrivée à la conscience d’elle-même : il réunit en lui-même le principe

de la famille et de société. »47

Opposée à cela, la valeur de cet état de nature qui est par définition présocial dé-

signe la situation d’une hypothèse logique de l’homme primitif n’ayant pas accédé à une

organisation sociale ; l’état civil est devenu un lieu où les hommes abandonnent l’idée

de se faire justice par soi-même. L’homme abandonne son droit naturel et sa liberté to-

tale ; dans cette vie nouvelle, il se contente d’un état où il a décidé par lui-même de

vivre en harmonie et en collaboration avec ses semblables.

L’état civil est devenu un Etat politique qui assure toutes les activités adminis-

tratives. Il a pour rôle de sauver ou d’aider les hommes pour que tout un chacun puisse

avoir ce qui lui faut et ce qu’on lui doit juridiquement et équitablement. Il lui appartient

d’unifier les hommes et les arbitrer juridiquement. Car il est le regroupement d’homme

en un tout, c’est-à-dire que l’Etat est la manifestation de l’unification des individus.

Emmanuel Kant l’a montré dans son ouvrage intitulé Métaphysique des mœurs où il

écrit : « L’Etat est l’unification de multiplicité d’hommes sous des lois juridiques. »48 Selon

cette affirmation, il faut admettre que l’Etat est l’organe qui représente la volonté de

tous les sujets. Il doit essentiellement fonctionner à la faveur des citoyens mais non pas

de ceux qui gouvernent ou à des cas particuliers qui ne favorisent pas le bien-être du

publique. C’est que l’Etat est le peuple et ce dernier a un pouvoir extrême. L’Etat doit

être juste, c’est-à-dire avoir des qualités dignes dans les affaires sociopolitiques et ad-

ministratives. Un Etat dont le fonctionnement ne tient pas compte de ces qualités n’est

plus juridique ni juste.

En ce sens, Rousseau ne se bornait pas à attaquer les Etats, les dirigeants, qui

gouvernent mal, mais il s’efforçait aussi de montrer ce qu’un Etat doit être et doit faire

pour assurer la sécurité, l’égalité et la liberté politique. La réalisation de ces derniers

faits engendre une paix durable. C’est pourquoi dans Du contrat social, Rousseau exalte

la nécessité de la notion de la volonté générale qui défend l’intérêt public. Il a égale-

ment montré la nécessité des lois qui doivent institutionnaliser toute chose dans la réor-

ganisation des sociétés.

47 Hegel, Précis de l’Encyclopédie des sciences philosophiques 1817. Tom 2. p 218. 48 Emmanuel KANT, Métaphysique des mœurs, doctrine du droit, 2e partie, p. 195.

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Dans cette perspective, Rousseau pense que l’homme doit être heureux, parce

qu’il se donne tout pour arriver à vivre dans un nouvel état où il doit être en sécurité. Ce

n’est pas seulement la sécurité et la paix que l’auteur du pacte clair souhaite mais aussi

la liberté humaine. Ce concept de liberté est selon lui un facteur essentiel qui permet à

l’être humain de se développer, de se perfectionner et de se libérer contre toute aliéna-

tion ou soumission. Rousseau définit ce concept de liberté de la sorte:

« La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui, et consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la notre. »49

Ce passage montre qu’un homme ne doit pas se soumettre aveuglement à un

autre homme. Il doit seulement obéir et se soumettre à la loi suprême qui est une subs-

tance arbitraire d’une société, c’est-à-dire qu’il doit se soumettre aux pactes.

Les pactes, qui se fondent en un contrat, où il y a une confiance réciproque, vont

assurer la vie harmonieuse de l’état de société conventionnelle. Car l'accomplissement

du pacte est un signe d’une victoire importante, que celui qui y était obligé a entendu les

paroles de la partie à laquelle il s'est fié, en signe d'une pure et franche volonté de les

accomplir au temps accordé. Et comme ce dernier, ne conteste pas du sens auquel on

prenait ses paroles, ne s'en est pas rétracté ou annulé, il n'a pas voulu qu'on le prît

d'autre façon, et s'est obligé à tenir ce qu'elles ont promis. Il s’agit pour lui d’être fidèle

aux engagements ou aux contraintes que se sont imposés les concernés et auxquels doi-

vent se soumettre, se plier. Donc les promesses qui se font ensuite d'un bien qu'on a reçu

qui sont aussi des pactes sont en effet les signes de la volonté, c'est-à-dire du dernier

acte de la délibération, par lequel on s'ôte la liberté de manquer à sa parole, sa promesse.

Un contrat est un accord, une convention qui doit être respectée par les parties

qui se sont mises d’accord pour la résolution du conflit antagoniste qui fait que les

hommes vivent en opposition. Faire un pacte ne demande pas de simples décisions. Il

relève d’une grande responsabilité. Par cette responsabilité, l’homme doit être à la me-

sure de porter sur lui les pressions contraignantes auxquelles il ne peut pas échapper de

quelque ordre qu’elles soient : physique, moral, économique ou autre. Par conséquent,

les hommes s’engagent à ne commettre aucune trahison pour sauvegarder la loi qui

permettrait aux individus de vivre en harmonie. Comme la volonté est le dernier acte de

49 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social

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celui qui est prêt à tout donner pour abandonner son état primitif, l’état civil représente

un état de sacrifies et de promesse tenue. En ce sens, les pactes doivent envisager des

choses possibles. Car dans la vie sociale, on ne peut jamais s'obliger l'impossible,

« Si nous voulons former un établissement durable, ne songeons donc point à le rendre éternel. Pour réussir il ne faut pas tenter l’impossible, ni se flatter de donner à l’ouvrage des hommes une solidité que les choses humaines ne comportent pas. »50

Cela veut dire que le pacte doit être clair. Il doit tenir compte de ce qui ce passait

et de ce qu’on attend dans l’avenir. Comme cela, il permet aux individus qui s’engagent

à abandonner l’état de conflit d’avoir confiance au passage de l’état de nature à l’état

civil. Le pacte est la résolution de tous les problèmes que les hommes ont contractés

durant une période perpétuellement conflictuelle. La mutation est la principale voie par

laquelle les hommes trouvent un consensus conventionnel qui fixe les règles de la vie

sociale.

Ainsi, le passage de l’état de nature à l’état civil n’est possible que lorsque les

hommes instaurent dans la société des lois que les sujets doivent les respecter. La néces-

sité de ce passage est l’apparition de cet état nouveau où apparaît ce nouvel homme des-

tiné à vivre dans une société civile.Dans Du contrat social, Rousseau montre

l’importance de la mutation de l’homme de l’état de nature à l’état civil. Il est le premier

à définir clairement le concept de citoyenneté. Son pacte social est ainsi la forme juri-

dique de ce passage de l’état de nature à l’état de la liberté morale. Par celle-ci, l’être de

l’homme ne fonctionnera pas instinctivement comme à l’état primitif, il ne dépendra pas

non plus de la loi naturelle, il sera libre et maître de ses actes. Rousseau s’exprime ainsi,

« On pourrait sur ce qui précède ajouter à l’acquis de l’état civil la liberté morale, qui seule rend l’homme vraiment maître de lui ; car l’impulsion du seul appétit est es-clave, et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. »51

Le grand problème qui se pose est de savoir comment l’homme naturel vivra

dans un état qui lui paraît étranger. Pourquoi abandonne-t-il son état originel ? Et com-

ment va-t-il s’adapter à un nouvel état? On peut encore se demander pourquoi faire une

mutation de l’homme naturel d’un état à un autre ?

D’abord, selon la conception hobbesienne, l’état de nature est un état sans norme

ni lois établies pour le bien de tous puisque nulle limite n’est posée pour remédier au

50 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Ed. Larousse Paris, 1762, p. 76 51 ROUSSEAU, Du contrat social, Précédé d’un essai sur la politique de ROUSSEAU,.188.

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mal au sein de la société animale. Ceci nous renvoie à l’idée selon laquelle « tous ont un

droit égal sur toute chose » parce qu’à l’état de nature, les hommes n’avaient pas

d’interdiction à craindre.

En conséquence, l’égalité naturelle inclut une rivalité généralisée où la « guerre

de tous contre tous ou de un contre tous », représente une menace pour la concordance.

Il faut donc un contrat social, ou un pacte social, lequel sera considéré comme un pacte

de convention de vie d’équilibre. Par cet équilibre, s’instaurent la justice, le droit et

l’égalité de tous les sujets. En fait, devant cette situation, Rousseau apparaît comme l’un

des penseurs philosophes qui ont beaucoup réfléchi sur l’idée de contrat ou un pacte

social qui pourrait assurer la mutation de l’homme de l’état primitif à l’état de la liberté

conventionnelle, où l’homme originel est appelé à s’associer avec ses semblables. Il va

perdre sa liberté totale et son droit naturel sur toute chose ; il abandonne la guerre per-

pétuelle, et il va bénéficier par cette mutation de la liberté civile, de la paix. Rous-

seau dit :

« Ce passage de l’état de nature à l’état civil produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant (…) ce que l’homme perd par le contrat social c’est la liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu’il peut atteindre ; ce qu’il gagne c’est la liberté civile. »52

Par cette mutation, l’homme est limité par certaines règles qui introduisent

l’ordre dans cette novelle société, c’est-à-dire l’état civil. En ce sens, le pacte social est

la règle qui exige ce que l’on pourrait et devrait faire dans cette mutation. Il exprime le

sentiment de la volonté de chaque individu qui accepte de former une société de consen-

tement durable. Selon Rousseau « Il n'y a qu'une seule loi qui, par sa nature, exige un con-

sentement unanime; c'est le pacte socia»53 C’est par ce pacte que le passage de l’état de

nature à l’état civil a une ampleur considérable. Il reste maintenant à voir comment le

pacte fonctionnera dans son exercice par le corps politique ?

52 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 28 53 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 134

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DEUXIEME PARTIE

LA THEORIE POLITIQUE DE L’ETAT

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II.1 DU PACTE SOCIAL

Le pacte social est cet accord chargé de résoudre le conflit et le désordre de l’état

sans loi et sans peuple. Pour qu’il y ait un peuple, il faut avant tout que les individus se

sentent unis entre eux. Il se préoccupe non pas seulement de la sécurité ou de mettre fin

la guerre entre les individus mais aussi d’assurer la paix et la liberté de tous.

II.1.1 Définition du pacte social

Avant de présenter la définition du pacte social; nous signalons d’abord que

l’idée d’un pacte ou d’un contrat social a été évoquée et même analysée dès le XVIe

siècle. Parmi les multiples ouvrages de philosophie politique des XVIe, XVII e, XVIII e

siècles qui abordent cette question, nous ne citerons que les plus marquants.

Au XVI e siècle, Théodore de Bèze a écrit un ouvrage intitulé Du droit des ma-

gistrats (1575). L’auteur de cet ouvrage soutient que les magistrats, en particulier le roi,

ne sont légitimes que par le consentement du peuple, et qu’un roi régnant sans pacte

fondamental ne serait qu’un tyran. Ce même siècle, un autre ouvrage très connu intitulé

De la puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple sur le prince (1575) de

Duplessis-Mornay évoque également l’idée d’un pacte social. Cet ouvrage distingue

deux sortes de contrats à la base des sociétés : l’un est « entre Dieu, et le Roy (royal) et

le peuple », l’autre « entre le Roy et peuple », à savoir que le peuple obéit au roi fidèle-

ment. C’est un contrat à la fois religieux et politique. L’Eglise était un organe à la fois

religieux et politique. Le pouvoir de l’Eglise était le seul pouvoir qui tranchait en légi-

timant ou en condamnant. L’Eglise dit que le pouvoir divin est un pouvoir incontestable

car c’est (Dieu) qui l’a créé.

Ainsi, au XVIIe siècle, la notion de contrat social existe chez presque toue les

grands théoriciens politiques : Jurieu, Grotius, Spinoza, Locke et Hobbes. Prenons en

particulier le Léviathan de Hobbes qui fait partie de notre analyse sur l’étude de l’Etat.

Dans cet ouvrage, Hobbes cherche à fonder sur un contrat social l’autorité monarchique

absolue.

Et au XVIIIe siècle, l’ouvrage fondamental de philosophie politique antérieur à

celui de Rousseau est L’esprit des lois de Montesquieu, publié en 1748. Cet ouvrage,

qui a eu un immense succès, a suscité bon nombre de réflexions sur le pacte social, en

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particulier, par ses analyses pénétrantes des rapports entres lois et Etat, lois et coutumes

ou meurs, par la netteté (absence d’ambigüité ou d’incertitude) avec laquelle il dégage

les notions de vertu, d’honneurs et surtout de la volonté générale. C’est par cette der-

nière que Jean-Jacques Rousseau met l’accent sur le corps politique. Pour lui, la volonté

du souverain est le souverain lui-même. En effet, Montesquieu n’a jamais discuté la

notion du contrat social.

La philosophie politique a comme objet l’analyse du pouvoir et des institutions

(Etat) et, plus globalement, les finalités de la vie en collectivité à propos desquelles elle

développe une réflexion critique, positive ou normative, sur la nature du bien commun.

Le pacte de Rousseau est le pacte le plus clair, lequel entre au fond de l’analyse poli-

tique interne et externe de la société. Il fonde un Etat de loi juste. Il est le pacte qui

cherche à fonder des lois sociales qui fonctionneront au profit de tous les citoyens. Il

préconise la liberté, l’égalité, la sécurité, la paix, la justice et la démocratie.

Les philosophes du droit naturel qui ont réfléchi sur l’organisation de l’Etat dé-

finissent le pacte social comme une convention permettant aux hommes de trouver un

consensus entre l’homme primitif vivant sans sécurité à l’état de nature et l’état de so-

ciété où il sera en sécurisé et protégé par des lois civiles. En ce sens, la définition du

pacte social ou du contrat social désigne une convention permettant aux hommes de

sortir de l’état de nature pour constituer une société ou une communauté par l’échange

de leur droit naturel individuel contre une paix et une liberté garantie par la loi. Cette

idée renvoie non pas à l’origine de l’historicité de la société, mais plutôt au problème du

fondement de l’organisation sociale et du pouvoir politique.

Ainsi, les théoriciens du contrat social rejettent l’idée d’un pouvoir issu de la

seule force, ou de droit divin, ils refusent de considérer que l’homme serait un « animal

politique » naturellement destiné à vivre en société. Ils s’opposent à Aristote qui

s’efforçait de soutenir l’idée que « l’homme est un animal politique ».

Ce qui est en commun à tous les théoriciens politiques des XVIIe et XVIIIe

siècles, c’est le problème posé, à savoir quelle est l’origine de la société, et la manière

de le résoudre par les mêmes moyens : l’état de nature et le contrat social. Ils

s’accordent sur un point commun, la thèse selon laquelle la concentration ou le consen-

tement des individus n’est pas naturelle mais conventionnelle.

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Selon Rousseau, le pacte social naît d’une volonté d’association, d’une volonté

de regroupement parmi les hommes, en vue de former une communauté, un groupe ou

une société. Cette société est, en effet, conventionnelle, dans la mesure où elle est dé-

terminée par un contrat. Le pacte social est en quelque sorte la somme des volontés des

individus qui s’unissent pour constituer un corps. L’auteur dit : « Le contrat social ou

pacte social est un pacte d’association entre les individus qui s’unissent pour former un

corps. »54 Dans le contrat social, Rousseau définit son idéal politique. Il reconnaît pour

fondement au corps politique une convention originelle, librement acceptée par ses

membres et par laquelle chacun s’engage envers tous, créant ainsi une obligation réci-

proque de tous envers chacun.

Hobbes montre que l'action de deux ou de plusieurs personnes qui transigent

mutuellement de leurs droits se nomme un contrat. Le contrat, qui engage deux parties

effectue d'abord ce qu’elles ont décidé de mettre en œuvre, ce dont elles ont convenu, en

sorte qu'elles ne se font aucune grâce. Le contrat cherche l’équilibre de ces deux parties.

Chaque partie doit s’efforcer de laisser la bonne foi à l’autre. Arrivé à ce stade, le con-

trat se conclut et en même temps se clôt. De ce fait, chaque partie se fie à l'autre, et la

confiance est réciproque : celui auquel on se fie promet d'accomplir ensuite sa pro-

messe, qui est proprement le pacte ou le contrat. C’est dans ce sens que s’effectue le

passage de l’état de nature à l’état de société civile où les hommes qui se méfient les uns

des autres et observent des lois protectrices sont à l’origine des conventions sociales.

En outre, le contrat social constitue un corps politique unitaire et souverain qui

exprime « la volonté générale », dont le gouvernement est l’organe exécutif qui veille

au respect des lois. En ce sens, le seul pacte possible étant comme source d’une autorité

légitime est donc celle qui fait accéder à la conscience de l’individu ou de l’homme en

général, que porte chaque individu particulier et le rend heureux, désireux et bon. C’est

le cœur du pacte ou du contrat social qui seul autorise, par l’engagement libre des vo-

lontés, la conciliation entre liberté individuelle et sécurité.

54 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, par Jean Fabien SPITZ, in : Dictionnaire de Philosophie politique, p. 238.

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II.1.2 Les différentes sortes des pactes sociaux

II.1.2.1 Le pacte social de Hobbes

On a dit précédemment que Hobbes est l’un des penseurs qui ont beaucoup ré-

fléchi sur l’idée de contrat ou du pacte social qui pourrait assurer le passage ou la muta-

tion de l’homme de l’état primitif à l’état de la liberté conventionnelle.

A force de vivre dans l’insécurité, il n’existe pas d’autres formes de transaction

ou de compromis que l’appropriation violente ; l’homme raisonnable découvre qu’il

vaut mieux être vivant et renoncer à une liberté totale. Aussi décide-t-il de passer un

pacte de non-agression avec ses semblables en déléguant à un souverain absolu son

droit à la violence, afin que celui-ci fasse régner la tranquillité et la paix. Les individus

mettent un terme à l’état de nature : chacun s’engage à obéir à un même pouvoir à la

condition que tous les autres en fassent autant ; ainsi seront assurées l’égalité, la sécurité

de tous et la justice morale.

Le Léviathan est l'œuvre principale de Thomas Hobbes, lequel comporte des ré-

flexions philosophiques, théologiques, politiques et psychologiques. Mais nous étudions

ici le domaine politique qui intéresse notre analyse. Dans le Léviathan, Hobbes établit

les règles du passage de l’état de nature à l’état des sociétés civiles. L’état de nature est

pour lui un « état de guerre de tout le monde contre tout le monde ou de n’importe qui

contre n’importe qui ». Cette situation qui fait que chacun est gouverné par sa propre

raison n’est pas favorable pour une société dite humaine. L’état social présuppose la

dépossession humaine de droits naturels. La loi garantit la paix dans l’état social.

Hobbes comprend le fondement juridique de l’état social comme une dépossession sal-

vatrice. Il montre dans le Léviathan la nécessité du passage de l’état de nature à l’état

civil qui instaurera le pacte social.

Ainsi, le pacte social de Hobbes n’est pas un simple contrat d’association entre

les hommes. Il n’est pas non plus un pacte de soumission. Cette convention assure la

concordance de tous les membres du corps social, sauf « un ». Ce dernier est pour

Hobbes, le roi ou le Léviathan. Autrement dit, le « un » peut être « un homme », qui va

défendre tous les hommes et les protéger : il peut empêcher le fait que : « l’homme soit

un loup pour l’homme ». Pour Hobbes, la solidarité dans telle ou telle forme de com-

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munauté est une affaire temporaire et limitée qui, pour l'essentiel, ne change rien au

caractère solitaire ou particulier et privé de l'individu.

En ce sens, cette solidarité montre que tout homme fournit ce qui est nécessaire

pour la communauté tout en sachant qu’il ne trouve aucun plaisir mais au contraire une

myriade de chagrins dans la fréquentation de ses semblables, aucun pouvoir ne réussis-

sant à les tenir tous en respect ni ne crée de liens permanents entre lui-même et ses sem-

blables. Car chaque individu ne pourra jamais fournir dans son intériorité sa meilleure

partie. Cela vient du fait qu’il est un être égoïste.

Hobbes pense que la meilleure façon de fonder une véritable unité c’est de par-

venir à déterminer un modèle social cohérent de comportements où tout individu doit

reconnaître son rôle et la place que la convention lui affecte. C’est pourquoi il affirme :

« Tout un chacun se sait et reconnaît lui-même être l’auteur de n’importe quel action accomplie par celui est en charge de leur personne ou est cause d’une action relevant de ces choses qui concerne la paix commune et la sécurité (…) c’est plus qu’une con-vention ou un accord ; il s’agit d’une véritable unité de tous les hommes en une seule et même personne réalisée par convention. »55

Cela veut dire que si Léviathan arrive à défendre tous les hommes, l’unité sera

assurée et les hommes vivront avec tranquillité et sécurité. Cela implique également que

tous les hommes doivent avoir confiance en cette personne. Ils doivent lui confier tous

leur pouvoir et toute leur force pour qu’il puisse ramener toutes les volontés indivi-

duelles en une seule volonté. Ceci renvoie à l’idée selon laquelle le « roi » (le « un »

ou le Léviathan) ne doit pardonner aucun mal. Il doit obligatoirement réagir contre tout

mal commis afin de pouvoir assurer la paix. Car celui-là est désigné pour gouverner les

hommes. Ces derniers ne peuvent compter que sur lui. C’est pourquoi Hobbes soutient

avec force l’idée selon laquelle il faut

« Designer un homme ou une assemblée d’hommes pour prendre en charge leur per-sonne. (…) C’est comme si chaque homme devait dire à tout homme : J’autorise cet homme ou cette assemblée homme, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même à la condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses ac-tions de la même manière. Cela fait la multitude, ainsi unie en une seule personne, est appelé Etat. »56

Aux yeux de Rousseau, le pacte social de Hobbes conteste toute forme de rivali-

té au sein de l’état de liberté naturelle. Il prétend implanter la terreur afin que les

55 Hobbes, le Léviathan, chap. 17, p. 343. 56 Ibid., p. 343.

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hommes aient peur du Léviathan, le monstre qui est capable de dévorer, de massacrer

les hommes au cas où ils veulent se révolter, revendiquer ou luter contre l’Etat. Appa-

remment, la terreur assure la tranquillité mais elle n’assure pas la paix. Rousseau estime

nécessaire l’instauration d’un pacte social basé sur la volonté de tous.

II.1.2.2 Le pacte social de Rousseau

Rousseau va réagir contre Hobbes du fait que le pacte prôné par celui-ci n’assure

pas la liberté de l’individu. C’est ainsi que Rousseau propose son contrat qui est un

pacte d’association soucieux de défendre la liberté de tout un chacun. Pour lui, il faut

arriver à réaliser et à garantir la liberté et le droit de vivre auxquels les individus ont

naturellement droit. Selon Rousseau :

« Trouver une forme d’association qui défend et qui protège de toute la force de l’individu la personne et les biens de chaque associé et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant. »57

Ici, l’auteur met en exergue l’opinion selon laquelle les hommes doivent obéir à

une même loi dont tout un chacun dépendra. Il s’agit d’une obéissance consentie, qui

repose sur l’accord unanime de tous les sujets. Rousseau met l’accent sur l’obéissance

voulue. Celle-ci répond à l’impératif catégorique des hommes qui doivent avoir des

obligations vis-à-vis de leur acte d’obéir.

Toutefois, il ne suffit pas d’avoir voulu former une communauté et se regrouper

ensemble mais fonder une société qui doit avoir des règles communes pour tous les

membres par un moyen qui n’est certainement pas autre chose que la loi. Effectivement,

cette loi ne doit pas être appliquée que sous la direction de la volonté générale. Les

hommes sont appelés à se donner toutes leurs volontés pour pouvoir parvenir à ce genre

d’état de vie paisible.

En fait, le passage de la liberté naturelle de l’homme primitif à la liberté civile

explique sincèrement ce que signifie le pacte social. Par là, l’individu reconnaît, d’une

part ce qui est naturel chez l’homme, il en est ainsi de sa liberté, de son droit et des ses

loisirs ; d’autre part, il réalisera par lui-même le changement dans ce nouvel état où il

est appelé à vivre avec autrui. Cet état est pour lui un état de perfectionnement. Il pourra

57 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 45.

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y évoluer et acquérir des connaissances qu’il ne connaissait pas auparavant. Dans cet

état, l’homme aura une nouvelle conduite, il sera également un être loyal, un être égal.

Toutes ces qualités dénaturalisent l’homme primitif et lui donnent une identité nouvelle,

bien différente de celle de l’état de nature.

Compte tenu de ce passage, le contrat social de Rousseau s’oppose à celui de

Hobbes : il prétend assurer l’équilibre entre ces deux états distincts que sont l’état de la

nature et l’état civil. Le premier auteur montre que les hommes ne dépendront pas d’un

monstre ou d’un despote qui introduira la terreur dans la cité, tandis que le second cons-

titue le contre-pied du premier. Mais tous les deux ont pour souci de préserver l’homme

de cet état de violence perpétuelle. Ils reconnaissent tous les deux l’importance de trans-

férer l’homme naturel à un nouvel état, autre que l’état primitif. La mutation de

l’homme originel est la voie qui lui permet de parvenir à l’état moral, où se réalise pro-

gressivement sa prise de conscience de son état de connaissance, par son éducation.

Ainsi, Du Contrat social prétend être la résolution des questionnements qui se

soulèvent au sein de ce passage. D’abord, il éclaircit en approfondissant les biens que

l’homme contractera dans cet état conventionnel. Ensuite, il étaie le mal que l’homme

tente d’abandonner, du fait qu’il se situe dans un état de désordre et de violence. Et en-

fin, Du contrat social vise ainsi à défendre l’obéissance consentie et l’obéissance vou-

lue. Rousseau conteste finalement l’obéissance forcée. Cette dernière repose sur la liber-

té naturelle et le droit naturel. L’auteur dit :

« Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté na-turelle qui n’a pour borne que les forces de l’individu, de la liberté civile qui est limi-tée par la volonté générale. »58

Cela montre la nécessité d’un principe autorégulateur consenti et l’obéissance

voulue, réconfortera la prise en compte d’une liberté et d’une paix garanties dans l’état

constitutionnel ou conventionnel. Telle est l’importance primordiale de la volonté géné-

rale. Qu’entend-on par la volonté générale ?

57 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, pp. 55-56.

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II.2 DE LA VOLONTE GENARALE ET LA NOTION DE LA LOI

La volonté générale est la source de toute constitution. Elle permet de distinguer

les types de textes du réseau de normes et de règles juridiques appelées « lois fonda-

mentales ». L’idée même de Constitution, texte qui précise les règles du fonctionnement

de l’État, procède de la souveraineté populaire. La volonté générale organise les limita-

tions du pouvoir auxquelles tous les citoyens doivent s’adapter et se plier pour éviter le

gouvernement tyrannique aussi bien que l’anarchie qui serait préjudiciable à tous.

II.2.1 Définition de la volonté générale

Avant Jean-Jacques Rousseau, la volonté était un concept toujours discuté dans

l’éthique et dans la psychologie. Cette dernière a défini ce concept en le reliant avec le

monde matériel. Cette vision classique de la volonté est conçue sur la faculté de l’âme

humaine qui a le pouvoir de prendre une décision et l’exécuter après réflexion. Elle est

une faculté toujours déterminée par l’âme humaine.

Mais aujourd’hui, la psychologie a adopté dans l’ensemble la théorie pragmatiste

en considérant la notion de la volonté comme un aspect du comportement humain et

non comme une faculté distincte. L’acte décisionnel se traduit par la réflexion de

l’attention sur un objectif relativement distant et la considération d’un certain nombre

de principes d’action, et par le choix réfléchi de l’action qui semble la plus apte à servir

les buts et les principes retenus. ENGELS, en S’appuyant sur la pensée de HEGEL, qui

a été le premier auteur à identifier le rapport exact de la volonté, de la nécessité et de la

liberté affirme : « La liberté de la volonté ne signifie pas autre chose que la faculté de décider

en connaissance de cause. »59 Pour lui, la volonté de jugement d’un homme ne se fait pas

au hasard mais par des principes bien déterminés :

« Le jugement d’un homme est libre sur une question déterminée plus grande est la nécessité qui détermine la teneur de ce jugement. »60

Cependant, c’est au XVIII e siècle, avec Jean-Jacques Rousseau, que le terme vo-

lonté générale acquiert un sens précis et une signification forte en philosophie politique

et en science politique.

59 Friedrich Engels, Anti Durhing, Ed. Sociales, pp. 142-143. 60 Idem, p.143.

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En philosophie, d’une manière générale, la volonté générale prescrit ce que nous

appelons l’intérêt général de tout le peuple sans exception. Ce facteur s’explique par le

fait que les hommes s’unissent pour constituer un seul corps qui servira de lien com-

mun. Ainsi, selon Rousseau :

« La volonté générale est la décision de la majorité en tant qu’elle s’impose à moi, puisqu’en acceptant de constituer avec d’autres hommes une communauté politique, j’ai accepté par moi-même de me plier aux décisions de la majorité.»61

Si, dans l’état de nature l’homme vivait seul, à l’état civil, il est appelé à vivre en

société. Cela veut dire que dans l’état de nature, l’homme suit l’ordre de sa propre vo-

lonté. Il s’agit de sa volonté particulière le conduisant à vivre isolé. Par contre, dans

l’état de société, les hommes s’associent et ne cherchent que l’intérêt commun : un inté-

rêt fort et puissant qui doit s’appuyer sur l’intérêt général indestructible. De là

s’explique cette assertion du philosophe :

«Tant que plusieurs hommes réunis se considèrent comme un seul corps, ils n’ont qu’une seule volonté, qui se rapporte à la commune conservation, et au bien-être gé-néral. »62

A cet effet, la volonté générale produit une action d’ordre politique qui permet

aux hommes d’être sur un même pied d’égalité en droit. L’individu doit obligatoirement

être considéré, et doit participer à l’exercice du pouvoir pour être en mesure de bénéfi-

cier des intérêts et des biens de la société. En effet, c’est sur l’ordre social que la volonté

générale se fonde puisqu’elle est l’objet idéal de l’état civil. Ce dernier est le fondement

de l’ordre social, où tout ce qui est de l’intérêt commun est organisé autour du concept

de lois sociales. Comme l’a souligné Rousseau, ces lois proviennent de la volonté géné-

rale : « Tout s’organise donc autour de la notion de loi. Celle-ci est l’expression de la

volonté générale. »63

Quand tous les hommes respectent la loi qui souscrit l’ordre de la cité, les sujets,

en tant que citoyens, peuvent jouir du même intérêt général. Produit de la volonté géné-

rale, la loi n’est pas faite pour une seule personne ou pour des raisons particulières. Elle

est faite pour tout le peuple, c’est-à-dire tous les citoyens. Quand elle est acceptée par

tous ou par la majorité, elle devient raisonnable et en même temps infaillible. En

d’autres termes, La loi doit être respectée par tout le monde. Notre auteur écrit :

61 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 130. 62 Ibid, p. 145. 63 Idem, p.20.

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«La volonté est générale quand elle est raisonnable, c’est-à-dire quand son objet est lui-même général, quand elle pose un principe valable pour tout raison. Elle est infail-lible en ce sens précis qu’elle a l’infaillibilité de la raison devant l’évidence des prin-cipes.»64

Cela signifie que la volonté générale ne sera absolument générale que si elle re-

pose sur la raison de la majorité. Sans cela, on risque de retourner à l’état initial où la

raison ne prévaut pas. Dans cet état amoral, règne « le chacun pour soi ». Rousseau en

est venu à l’idée que l’homme cherche incessamment son bien dans l’état social ; cette

recherche est commune pour éviter tout mensonge et toute tromperie. Voila pourquoi

Rousseau dit que

« On veut tout jours son bien, mais on le voit pas toujours. Jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe. »65

La loi qui détermine le bien commun est une norme juridique votée par les as-

semblées, détentrices du pouvoir législatif. En effet, la loi est un principe essentiel con-

sidéré aujourd’hui comme l’expression de la volonté générale. Dans un pays dit démo-

cratique, la loi est élaborée par le parlement qui représente le peuple souverain. Ce der-

nier est libre, quand il se soumet à des lois parfaitement établies par ses représentants.

La légitimité de la loi s’explique aussi par le fait qu’un peuple jouisse d’un statut égali-

taire. La loi doit reconnaître que l’individu n’est pas une machine à exploiter mais un

être suprême vivant dans une société structurée, basée sur un Etat d’ordre politique.

La volonté générale exprime l’idée selon laquelle le bien de tous est un bien su-

prême, lequel mérite du respect. Autrement dit, tout le monde doit penser au bien pu-

blic : la liberté civile ou liberté publique, l’égalité de tous et l’intérêt général.

L’expression « tous » porte ici l’empreinte de la généralité plutôt que de la particularité.

En ce sens, la volonté générale a pour rôle de défendre l’intérêt collectif de l’ensemble

de tous les citoyens et leur liberté civile. La loi est le seul facteur qui assure de loin ou

de prêt la réalisation de l’exercice de la volonté générale, laquelle assure tous les atouts

essentiels qui déterminent la vie authentique de l’homme, à savoir : la liberté sous toutes

ses formes, l’égalité, la justice, le droit de l’homme et la démocratie.

Le souci de Rousseau est de fonder un état social différent de l’état de nature. Ce

nouvel état où l’homme civilisé vivra n’est rien d’autre que l’état civil. Dans cet état de

64 Ibidem. p 20 65 Idem, p.66.

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liberté conventionnelle, l’homme civilisé vit bien. Mais ses besoins vitaux évoluent en

spirale progressivement de temps en temps, comme la souligne Jean-Jacques Rousseau :

« Il en résulte un état où les besoins de l’homme se multiplient, où il ne peut les satisfaire sans

autrui. »66 Il veut dire que l’état civil est un état d’activité sociale où l’homme ne pourra

vivre sans autrui. Dans cet état de société, les hommes doivent collaborer ensemble pour

pouvoir mener une vie d’ordre politique. Cela nous amène à penser qu’à l’état de socié-

té civile chacun dépend de tous, c’est-à-dire de la volonté générale, tandis qu’à l’état de

nature, l’homme primitif dépendait de lui-même. Il y était complet et simple, raison

pour laquelle ses besoins ne se multipliaient pas car il vivait conformément à la nature.

Mais comme l’homme civil est dénaturalisé, il est devenu un être complexe. Et sa vie

devient tout aussi complexe.

II.2.2 Le Principe de la volonté générale

L’association entre les divers membres produit un vrai corps moral et collectif.

Cette volonté résulte la volonté générale. Cette suprême volonté ou souveraineté se tra-

duit par des lois, expression solennelle de la volonté générale sur un objet d’intérêt

commun.

Par ailleurs, Rousseau n’a pas nié la volonté particulière des individus. Comme

tout homme porte en soi sa propre volonté, il est nécessaire de valoriser le rapport entre

la volonté particulière ou individuelle et la volonté de tous : le « tous collectif ». Par

suite du contrat et du passage de l’homme de l’état de nature à l’état civil, l’homme

abandonne sa liberté naturelle pour accéder à l’état de la liberté civile. C’est en cela que

chaque la volonté individuelle est absorbée dans la volonté collective ; autrement dit, les

intérêts particuliers (égoïstes) s’effacent devant l’intérêt général. Cette absorption ne

retire absolument rien à la liberté de chacun car, en se donnant à tous, on ne se donne à

personne. Cette volonté générale n’asservit personne pour des raisons particulières ; au

contraire, elle seule garantit contre la servitude. Elle garantit le bien commun, elle dé-

fend tous les citoyens et les institutions du corps politique. Ce sont ces institutions et les

lois qui permettent aux individus d’unir leurs volontés particulières en une seule volonté

collective et politique sous la direction de la volonté générale. Les individus particuliers

66 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p.18.

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inscrivent un pacte entre eux, en donnant chacun : « Sa personne et tout sa puissance sous

la suprême direction de la volonté générale. »67

En effet, la volonté particulière n’est pas une faculté déterminée par la sociabilité

des êtres humains mais une nature qui repose sur un accord volontaire entre les

hommes. Tout individu a une volonté particulière. De ce fait, dernière n’est pas à négli-

ger. Dans Du contrat social Rousseau dit que «chaque individu peut comme homme avoir

une volonté particulière. »68

La volonté particulière se caractérise par des options spirituelles et singulières de

l’individu. Mais cela n’empêchera pas l’individu de se soumettre aux lois civiles ou

sociales. Car selon le juriste allemand JHERING,

« Il ne s’agit pas de savoir ce que la volonté peut en soit ; mais ce qu’elle doit vouloir pour atteindre le but auquel elle tend. Ce but ne comprend pas indifféremment tout ce qu’elle peut se proposer ; son objectif doit se concilier avec celui des autres volontés se mouvant sur le même terrain social. »69

La volonté générale est une notion suprême puisqu’elle garantit et assure la sé-

curité de tous, le bien public. Ce principe est inscrit à l’article 6 de la Déclaration des

droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cet article stipule que tous les citoyens ont le

droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Le Parle-

ment étant composé de membres élus par les citoyens, représente le peuple. Il vote les

lois pour le peule, et pour le bien du peuple. Cela veut dire que la loi doit être la même

pour tous, qu’elle protège ou qu’elle punisse. La loi est donc un principe nécessaire

pour la volonté générale à laquelle tous les citoyens doivent se soumettre.

« La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concou-rir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux sont également admissibles à toute dignité, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autres distinctions que celle de leurs vertus et leurs talents. »70

Un citoyen s’expose à une sanction, c’est-à-dire à une punition, s’il ne respecte

pas la loi. Cette sanction doit être prévue par la loi. Cela montre que le sens intime de la

67 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 52. 68 Idem, p. 52. 69 Jhering, Textes choisis des auteurs philosophiques, p.175 70 Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 26 Août 1789, Art.6, F.G.H.,op. cit., p. 103

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volonté générale n’est pas possible si la loi qui la détermine n’est pas respectable au

sein de la vie quotidienne.

En ce sens, une loi doit être respectée de jour à jour de sa naissance jusqu’à sa

disparition. En conséquence, le Parlement, qui dispose du pouvoir de voter la loi, peut

également la modifier ou l’abroger, c’est-à-dire mettre fin à son application et la rem-

placer par une loi nouvelle.

II.2.3 De l’ordre social sous la notion de la loi

Les origines des théories du contrat social sont à rechercher dans le profond bou-

leversement que connaît l’Europe occidentale aux XVIIe et XVIIIe siècles dans sa repré-

sentation de la société. Jusqu’au XVIIe siècle, la communauté sociale était considérée

comme une communauté naturelle, voulue par Dieu. Thomas Hobbes s’efforce de don-

ner à la société des justifications purement laïques. Il distingue ainsi un avant de la so-

ciété, fonctionnant selon l’ordre naturel mais désordonné, et un après, qui trouve son

fondement, non plus dans l’autorité divine, mais dans la volonté humaine.

La société humaine n’est donc plus le simple prolongement de l’état de nature,

mais, bien au contraire, l’œuvre de l’homme. Le problème majeur qui se pose aux pen-

seurs des Lumières est de trouver des règles établissant l’ordre social tout en respectant

l’individu.

L’ordre social exige qu’il ait des lois, des institutions. Celles-ci sont les clés du

corps politique que Rousseau a analysé dans le contrat social. Ce corps a pour but

d’instaurer l’ordre dans la cité (l’Etat) et l’esprit de la volonté générale où chacun doit

contribuer et participer au pouvoir afin de bénéficier de l’intérêt général de la société.

Ainsi Rousseau pense que l’homme doit s’engager à céder tout pour l’unité et se sou-

mettre à une loi juste qui s’oppose à la loi du plus fort. Il affirme

« Au principe, chacun vient vers tous et leur offre sa vie et ses biens dans une « alié-nation » s’il s’agissait d’un échange, ce serait impensable. Son caractère est d »être total chacun s’engage entièrement à être un membre du corps politique ; d’autre part elle est réciproque : tous abandonnent tout. Tous signifient leur prétendue liberté, de substituer, de tuer, de piller, de contraindre par le plus fort. »71

71Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Ed Garnier Flammarion, Paris, 1966, pp. 19-20.

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57

. Pour Rousseau, l’ordre civil est un principe essentiel qui permet à l’homme

primitif de pouvoir s’adapter à ce nouvel état institutionnalisé. Rousseau dit

« Les bonnes institutions sont celles qui savent le mieux dénaturaliser l’homme, lui ôter son existence absolue pour lui en donner une relative, et transporter le « moi » dans l’unité commune ; en sorte que chaque particulier ne se croit plus une partie de l’unité et ne soit plus sensible que dans le tout. »72

Par cette affirmation, Rousseau semble accepter que les meilleures institutions

sont celles qui transforment l’homme pour sa grâce. Il ne doit pas encore rester dans son

moi qui l’accablait, un moi qui traduit un monde des insuffisances et de solitude. Cette

dénaturalisation de l’homme doit être bénéfique pour l’homme parce qu’il ne suffit pas

de dénaturaliser l’homme pour un simple changement, mais pour trouver son bonheur

dans ce monde où il est devenu un être de culture, où il place son moi dans l’unité

commune. De ce fait, l’homme est défini comme un être culturel sociable.

Du contrat social, l’auteur prétend expliciter le fondement de l’Etat, né de

l’accord volontaire des individus libres et égaux. Ainsi, un Etat n’est viable que si on

implante une loi en son sein, par une institution à laquelle les sujets doivent tous se

soumettre. La loi joue un le rôle primordial.

II.2.4 De la loi

La loi est pour Rousseau une nécessité de première catégorie puisqu’elle struc-

ture l’ordre social. Selon lui : « Il faut donc des lois pour unir les droits aux devoirs et rame-

ner la justice à son objet.»73

Selon ce point de vue, on peut dire que la loi donne de la consistance au corps

politique. La loi révèle des textes prescrits qui organisent le fonctionnement d’une so-

ciété donnée vers un ordre. Il s’agit ici de la loi au sens juridique du terme. La loi posi-

tive émane du pouvoir politique en vue de régir l’activité d’une société donnée. Il s’agit

également de la norme morale qui s’impose à la conscience morale du sujet sous la

forme d’impératif catégorique.

On peut définir la loi comme suit : la loi est l’ensemble des règles qui fixent les

droits et les devoirs de chaque citoyen. Ces règles s’imposent à tous et permettent

72 Jean-Jacques ROUSSEAU, Emile ou De l’éducation, Ed. Flammarion, Paris, 1966, p. 39. 73 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 42.

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d’organiser les conditions de la vie en société. En ce sens, la meilleure société est celle

qui est régie par des réglementations strictes relevant des lois. Celles-ci doivent être

appliquées au sein de la société. Elles doivent déterminer les voies que tout un chacun

se doit de suivre et de jouir pour parvenir à un même but. Elle est le centre de référence

de la conduite, elle a pour fonction d’établir un ordre social stable. C’est elle qui fixe les

mesures à prendre et les taches à faire au sein de la société organisée. Elle est le moteur

du bon fonctionnement du corps politique, rendant stable la vie des citoyens.

Comme la loi assure le sens authentique du pacte social, les membres du pacte

social doivent faire en sorte que la loi soit juste. Elle sera déclarée juste si et seulement

elle est votée par la majorité des citoyens. Mais avant d’être votée, elle doit être publiée

de manière officielle afin de respecter la théorie selon laquelle « nul n’est censé ignorer

la loi ». En ce sens, la loi doit, en principe, être simple et claire. Toutefois, cet idéal est

loin d’être atteint. Car aujourd’hui, les lois sont de plus en plus nombreuses et compli-

quées, on parle d’« inflation législative » ; le Nouveau Code pénal, par exemple, qui

rassemble les lois concernant les infractions et les peines comporte un millier de pages.

De plus, les lois ne sont pas facilement compréhensibles. Même les spécialistes du droit

se plaignent de la complexité des textes de lois votés par le Parlement.

Par ailleurs, on affirme qu’aucune loi ne doit aller à l’encontre de la constitution.

Lorsqu’elle est votée par le Parlement, elle doit respecter la constitution, les textes fon-

damentaux qui régissent le fonctionnement des institutions politiques. Une loi conforme

est dite constitutionnelle. La constitution se réfère en outre à la Déclaration des droits de

l’homme et du citoyen de 1789. Ce texte défend essentiellement la liberté de l’homme

et ses droits fondamentaux, aujourd’hui elle milite pour la liberté publique et politique.

La démocratie moderne exige que toute loi doit être votée par le peuple ou

l’organe qui le représente. Une fois qu’une loi a été votée, elle doit être publiée au

Journal officiel, aux mass media. Cette publication est nécessaire car elle permet aux

citoyens de savoir ce que la loi autorise et ce qu’elle interdit. Ainsi, si un texte législatif

n’a pas été publié, il est considéré comme un texte invalide dans la mesure où il n’est

pas conçu dans les normes juridiques.

Le pouvoir de faire la loi dépend nécessairement du pouvoir législatif qui est

soigneusement séparé de celui qui veille à leur exécution, c’est-à-dire le pouvoir exécu-

tif, et le pouvoir de punir ceux qui la violent. La démocratie exige la protection des ci-

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toyens par des lois. Il n’y a démocratie que lorsque la loi traite tous les hommes sur le

même pied d’égalité. De ce fait, elle est une norme légitime et juste. Selon Rousseau,

« Une loi, pour être légitime, doit avoir une portée universelle. »74 Par cette condition, on

peut dire que la loi qui n’est pas faite pour tout le monde n’est pas une loi légitime. Une

loi doit être universelle, elle doit défendre la volonté générale et ses intérêts. Cela signi-

fie que la loi est l’expression de la volonté générale. Le citoyen qui se soumet à la loi

s’obéit à lui-même et à la volonté générale, « J’obéis à la loi, je suis libre, je n’obéis qu’à

moi-même ». 75

Une loi est un principe qui libère l’homme. Une loi qui aliène l’homme n’est pas

une loi conçue par l’unité de la volonté générale. De ce fait, elle ne répond pas aux exi-

gences des lois dites universelles. Une loi universelle ne peut pas aller à l’encontre des

options de valeurs humaines. Elle doit respecter les conditions qui déterminent

l’humanité. Elle doit sauver l’humanité, la défendre contre les crimes et les actes inhu-

mains Une loi qui a une portée universelle proclame, en général, la liberté humaine,

l’égalité de chance et de travail, la tolérance, la paix, la sécurité et surtout les droits de

l’homme. En effet, la démocratie est le principe fondateur d’un gouvernement du

peuple, par le peuple et pour le peuple. C’est dans ce sens que cette forme de pouvoir

s’oppose à la tyrannie ou à la monarchie et à l’oligarchie ou à l’aristocratie.

La démocratie exige l’existence de lois justes et le respect de ces mêmes lois. En

effet, en l’absence de loi, les décisions du pouvoir, notamment du pouvoir judiciaire

sont imprévisibles pour le citoyen. Pour cela, la loi doit agir comme une limite pour le

pouvoir et les citoyens doivent nécessairement la connaître à l’avance. Les règles sont

les mêmes pour tous, et le pouvoir ne peut exercer un rôle que la loi ne lui a pas confié.

Il s’agit de la fidélité loyale. En d’autres termes, la loi doit fidèlement garantir tous les

hommes. Une loi qui fonctionne au profit d’un groupe minoritaire n’est plus une loi

juste. C’est pourquoi l’auteur Du contrat social dit :

« On voit encore que la loi réunissant l’universalité de la volonté et celle de l’objet, ce qu’un homme, quel qu’il puisse être, ordonné de son chef n’est point une loi : ce qu’ordonne même le souverain sur nul objet particulier n’est pas non plus une loi, mais de magistrature. »76

74 Cité par J.P. SMEON in : Du contrat social précédé de la démocratie selon ROUSSEAU par J.P SIMEON, 1977, 94

75 Idem : p.20. 76 ROUSSEAU, Du contrat social, Librairie Larousse, pp. 43-44.

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Rousseau veut dire que le pouvoir qui appartient à une seule personne ou à un

groupe minoritaire n’est pas un pouvoir légitime. Comme Rousseau conteste tout pou-

voir injuste, il montre combien il regrette de ne pas être né dans un pays ou dans une

société de bonne gouvernance. Il affirme :

« Si j’avais eu à choisir le lieu de ma naissance, j’aurais choisi une société d’une grandeur bornée par l’étendue des facultés humaines, c’est-à-dire, par la possibilité d’être bien gouvernée. »77

L’auteur semble rappeler une période où il n’y avait pas de bonne organisation

sociale. Il s’attaque et critique ici les régimes féodaux et la monarchie absolue, où seul

le monarque avait le droit de trancher sur toute chose au sein de la société. Cela veut

dire que dans cette période, les citoyens n’avaient plus de pouvoir. Par conséquent, ils

obéissaient au pouvoir féodal d’une manière hétérogène. Il s’agit d’une obéissance for-

cée. Cette dernière n’est qu’une soumission involontaire. C’est le roi ou le monarque

qui s’impose aux sujets. Rousseau contestait un tel régime,

« J’aurais voulu vivre et mourir libre, c’est-à-dire tellement soumis aux lois que ni moi, ni personne n’a pu secouer l’honorable joug salutaire et doux, que les têtes les plus fières se portent d’autant plus docilement qu’elles sont faites pour n’en porter aucun autre. »78

Le théoricien du contrat social songe à un Etat de loi meilleure, un Etat démocra-

tique où tous les sujets seront égaux, un Etat de liberté d’expression, un Etat dans lequel

tous les citoyens seront soumis à une même loi, qui devra tout statuer. Ce statut sera

évidemment le miroir de la société. Nous pouvons dire que la loi assure le sens du pacte

social qui permet d’assurer l’existence du corps politique. Rousseau écrit :

« La loi peut bien statuer qu’il aura des privilèges, mais elle n’en peut donner nom-mément à personne, la loi peut faire plusieurs classes de citoyens. »79

Rousseau a voulu montrer par là que la loi qui doit permette d’augmenter ou de

réduire les points de vue déjà inscrits dans les institutions. C’est la loi qui traduit les

aspirations des citoyens dans leur vie pratique. Toute loi cherche à établir dans la socié-

té la sécurité, la stabilité, la tranquillité, la paix et le bonheur. En ce sens, la loi doit tout

prévoir pour pouvoir fonder une meilleure organisation sociale visant la réalisation du

bien commun. Si ce dernier se perçoit dans les cités, société, (Etat) tout le monde sera

77 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, p.139. 78 Ibid. p.142. 79 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p.75.

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fier de sa cité politique. Tous les hommes doivent également reconnaître leur citoyenne-

té, comme l’a voulu notre penseur :

« J’aurais voulu naître dans un pays où le souverain et le peuple ne puissent avoir qu’un seul et même intérêt (…). J’aurais cherché un pays où le droit de législation fut commun à tous les citoyens. »80

Par cette affirmation, l’auteur Du contrat social estime trouver les conditions qui

peuvent donner des lois légitimes. Il veut que le corps politique ou social fonctionne

correctement et conformément aux règles, et que chaque membre du corps social res-

pecte ces règles instituant l’ordre et la vie sociale.

80 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, pp. 140-141.

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II.3 DU GOUVERNEMENT EN GENERAL

La notion de gouvernement comprend le fait de gouverner et des traits caracté-

ristiques qui déterminent un gouvernement tels que les institutions, les dirigeants et les

dirigés. Il est un organe nécessaire qui assure les autorités politiques de l’Etat.

II.3.1 Définition de la notion du gouvernement

L’auteur Du contrat social a défini la notion de gouvernement comme :

«Un corps intermédiaire établi entre les sujets et le souverain pour leur mutuelle cor-respondance, chargé de l’exécution des lois et du maintien de la liberté, tan civil que politique.»81

Le gouvernement détient le pouvoir exécutif. Il est l’organe du corps politique

qui a le pouvoir d’appliquer les lois. En ce sens, le terme gouvernement comprend le

fait de gouverner et les modalités institutionnelles de cette activité. Il est l’organe qui

dispose d’une fraction du pouvoir politique, il exerce une fonction étatique. En effet, le

gouvernement est le cœur du corps politique dans la mesure où il lui appartient

d’assurer l’équilibre du pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire,

ainsi que l’ordre dans l’Etat. Rousseau affirme :

« Le gouvernement reçoit du souverain les ordres qu’il donne au peuple et, pour que l’Etat soit dans un bon équilibre il faut, tout compenser qu’il ait égalité entre le pro-duit ou la puissance du gouvernement pris en lui-même et le produit ou la puissance des citoyens qui sont souverain d’un coté et sujet de l’autre. »82

Ainsi, le gouvernement est un pouvoir intermédiaire entre le souverain et les su-

jets. C’est un pouvoir subordonné, alors que le pouvoir souverain est le pouvoir su-

prême ; le gouvernement est en quelque sorte le corps chargé de l’exécution des lois, de

l’administration de l’Etat. C’est pourquoi il assure la balance des biens communs au

sein de l’ordre social. Il doit également assurer l’équilibre de la vie de tous les sujets.

D’après Rousseau,

« C’est dans le gouvernement que se trouve les forces intermédiaires, dont les rap-ports composent celui du tout au tout ou du souverain à l’Etat » 83

81 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 98. 82 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social p. 247. 83 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 98

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Le souverain et le magistrat doivent obligatoirement respecter des normes qui

ont fondé la société. C’est en sens qu’apparaissent les commandements impératifs repo-

sant sur l’ordre au sein du peuple. Et ceci permet d’éviter la pagaille ou les désordres

dans la cité, sinon on risque de retomber dans le despotisme ou dans l’état de nature,

lequel se caractérise par les menaces, la lutte, qu’on prétendait abandonner. Cela veut

dire que seul le gouvernement a le pouvoir d’éveiller le sentiment de tous les citoyens

pour le faire marier aux options politiques de l’Etat. De cette façon, il procure

l’équilibre des pouvoirs. En vérité, on trouve souvent des pouvoirs qui oppriment le

pouvoir législatif. Comme ce dernier est constitué par le peuple, il est très facile en cas

de révolution de faire tomber les autres pouvoirs : le pouvoir exécutif et le pouvoir judi-

ciaire. Un tel phénomène est souvent la source des renversements des pouvoirs.

En conséquence, tout gouvernement doit maîtriser l’équilibre de tous les pou-

voirs. Il doit aussi empêcher le fait que chaque individu ait l’ambition de gouverner. Car

cela vient du fait que les dirigeants n’arrivent pas à répondre et à satisfaire les besoins et

les exigences du peuple. face à ce phénomène, Rousseau affirme que

« Si le souverain veut gouverner, ou si le magistrat veut donner des lois, ou si les su-jets refusent d’obéir, le désordre succède à la règle, la force et la volonté n’agissent plus de concert, l’Etat dissous tombe ainsi dans le despotisme ou dans l’anarchie. »84

La théorie politique de Rousseau pense établir la paix en vue de l’ordre civil. Il

s’agit de pencher sur l’ordre de l’obéissance consentie. Telle est la participation des

citoyens à l’intérêt général. Rousseau souhaite que dans la cité cette obéissance succède

à l’obéissance forcée. La première explique l’impératif catégorique, une règle basée sur

des principes moraux et juridiques ; la deuxième nous renvoie à la soumission d’autrui

par la force, sans même tenir compte des principes du droit. En fait, le gouvernement est

un pouvoir qui contrôle tout. Il est le cerveau qui anime toute activité gouvernementale.

Ainsi, le sens étymologique du mot « gouverner » signifie « manier le gouvernail ».

Mais comment manier le gouvernail ? Cette interrogation nous incite à analyser les dif-

férentes sortes des régimes des gouvernements, à savoir l’aristocratie, la monarchie et la

démocratie. Cette interrogation permet également de diagnostiquer les différentes sortes

de gouvernements afin de pouvoir dépister le meilleur gouvernement. Pour fonder une

société de bonne gouvernance prévue par le principe de la volonté générale et la démo-

84 Ibid., p. 99.

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cratie, il faut que les gérants respectent les constitutions qui déterminent le fonctionne-

ment d’un gouvernement légitime et légal. Il permet également à chaque société de dé-

cider un régime parmi les régimes politiques qui pourrait être efficace pour sa na-

tion(Etat). Ainsi, il y a plusieurs types de régimes politiques. Nous étudierons ici les

trois grands cas : l’aristocratie, la monarchie et la démocratie.

II.3.2 Les différentes sortes de gouvernements

II.3.2.1 De l’aristocratie

Dans le Contrat social, Rousseau considère l’aristocratie comme un gouverne-

ment des premières sociétés et communautés. La famille est l’organe qui a illustré cette

forme de gouvernement parental. Selon l’auteur :

« Les premières sociétés se gouvernèrent aristocratiquement. Les chefs des familles délibéraient entre eux des affaires publiques. Les jeunes gens cédaient sans peine à l’autorité de l’existence. »85

Au sens large, l’aristocratie désigne un régime ou un gouvernement où le pou-

voir souverain est détenu par un petit nombre de personnes issues d’une classe sociale

privilégiée et héréditaire. Cette notion d’aristocratie est apparue dans la Grèce antique

pour désigner un gouvernement des meilleurs par opposition au pouvoir oligarchique.

Aristote présenté une typologie des gouvernements, dans laquelle il faisait la différence

entre le pouvoir monarchique, le pouvoir aristocratique et le pouvoir oligarchique. Ces

deux derniers types de pouvoirs s’opposent au premier, dans la mesure où ils caractéri-

sent un gouvernement d’un petit groupe concentrant les riches, tandis ce que la monar-

chie est le gouvernement d’une seule personne.

Au XVIII e siècle, Montesquieu oppose dans son célèbre ouvrage De l’esprit des

lois l’aristocratie : gouvernement d’une minorité à la démocratie où le pouvoir appar-

tient au peuple tout entier. Pour Rousseau, « Il y a trois sortes d’aristocratie : naturelle,

élective et héréditaire. »86 L’aristocratie naturelle est le pouvoir qui est représenté par la

puissance du chef de famille, lequel a l’expérience de la vie. Le pouvoir de ce chef

s’appuie largement sur l’expérience acquise par les hommes âgés sur la vie, c’est-à-dire

85 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 66. 86 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social p. 109

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qu’il incombe aux vieux qui sont souvent considérés comme des sages. Car ils ont

l’expérience de la vie. Ce genre de gouvernement n’est pas favorable à une société

large. Rousseau dit qu’il : « convient à des peuples simple. »87 Dans une société dite

aristocratique, ce sont les hommes expérimentés qui se rassemblent pour discuter et

décider les affaires sociopolitiques de la communauté. Les riches s’imposent quand les

affaires regardent les activités socio-économiques.

L’aristocratie élective est un régime qui résulte d’une élection. Ici, ce sont les

meilleurs qui dirigent. Ce pouvoir gouvernemental a été le meilleur de tous les gouver-

nements antiques. Ce gouvernement que prise Rousseau était acceptable dans la mesure

où il se distingue de la monarchie absolue. Quant à l’aristocratie héréditaire, c’est le

système où le père cède le pouvoir aux fils ou aux membres de la noblesse. Selon Rous-

seau, ce pouvoir « est le pire de tous les gouvernements mauvais »88 car c’est un pou-

voir qui s’enracine dans des bases strictement inégales, illégitime. C’est une autorité

dirigée par une famille ou une personne qui n’est pas choisie ou élue ni par la loi ni par

le peuple.

Avant 1785, dans beaucoup de pays, il n’y avait pas de suffrages universels, il

n’y avait que des suffrages censitaires dont le droit de vote ou l’éligibilité dépendait du

taux d’imposition. Seuls les gens riches qui disposaient des ressources économiques et

des revenus de potentialité avaient le droit de voter. A l’époque de Rousseau, c’étaient

les nobles ou les riches qui avaient accès au vote. Il était normal pour les penseurs des

lumières de critiquer les systèmes des pouvoirs politiques anciens. Rousseau était

l’auteur qui avait suscité la révolution française de 1789, année où a été adopté

l’établissement d’un Etat légitime et démocratique, où l’on réclamait le suffrage univer-

sel avec lequel tous les hommes ont le droit de voter. Ainsi, différentes conquêtes de

libération ont surgi sur le plan politique. Par exemple en France, les femmes se sont

émancipées pour leur droit de vote. Les femmes occupent aujourd’hui des fonctions

diverses sur le plan politique. Elles se déclarent égales aux hommes. Beaucoup de con-

grès mondiaux et internationaux déclarent la liberté et la participation de tous les ci-

toyens dans les affaires sociopolitiques. Ce qui n’a jamais été le cas dans un pouvoir

aristocratique.

87 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p 66 88 Idem : p 66

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En effet, l’aristocratie n’est qu’un régime politique dans lequel le pouvoir est

exercé par une minorité qui se prétend l’élite de la société. Ce pouvoir repose sur une

classe ou une caste fondée sur la religion et sur la puissance. C’est un régime qui ne

reconnaissait pas les manifestations individuelles au sein de la société. L’individu n’est

rien pour ce régime.

II.3.2.2 De la monarchie

La monarchie est un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par une

seule personne qui exerce l’autorité directement ou en le déléguant, selon certaines

règles. L’importance du régime du monarque et ses attributs varient selon le type du

monarque. On constate qu’il existe actuellement deux formes de régimes monar-

chiques : le régime de la monarchie parlementaire ou constitutionnelle et le régime de la

monarchie absolue ou le régime despotique. Montesquieu les distingue ainsi :

« Le pouvoir monarchique est celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies ; au lieu que dans le despotique, un seul, sans loi et sans régime, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices »89

Dans un cadre constitutionnel, la monarchie parlementaire ou constitutionnelle

désigne un régime dans lequel un empereur héréditaire gouverne la société ou l’Etat tout

en respectant les normes établies. En ce sens, cette autorité est un système politique lé-

gal dans la mesure où il est constitutionnalisé et reconnu même par le peuple. De ce fait,

le prince ou le roi n’est pas une simple personne. Il est une personne morale qui tient

compte de la force collective et de la loi qui détermine cette autorité. L’autorité menée

par ce prince est légale. Ce qui fait que le chef qui dirige cette autorité est une personne

morale. Elle est pour Rousseau comme :

« Une personne morale et collective, unie par la force exécutive. Nous avons mainte-nant à considérer cette puissance réunie entre les mains d’une personne naturelle, d’un homme réel, qui seul ait le droit d’en disposer selon les lois. C’est ce qu’on ap-pelle un monarque ou un roi. »90

La souveraineté du monarque doit être limitée par un ensemble normatif qui la

distingue du despotisme : soit les lois de Dieu, soit des règles de justice naturelles, soit

les lois fondamentales de l’État.

89 Montesquieu, cité par Jacqueline RUSS, in Dictionnaire de Philosophie p.181. 90 ROUSSEAU, Du contrat social, p.67

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Dans la monarchie héréditaire, le monarque est chef d’État depuis sa naissance

jusqu’à toute la fin de sa vie. Un des principes de légitimité qui peuvent fondé la mo-

narchie héréditaire est le droit divin, l’idée que Dieu choisit la personne du roi par la

règle de succession. L’histoire et la coutume jouent aussi un grand rôle dans la légitimi-

té de la monarchie en question. Pour la plupart des théoriciens, la monarchie n’est donc

pas seulement le gouvernement d’un seul ; elle suppose le respect de normes supé-

rieures ou la prise en compte de l’intérêt général, du bien commun. Non seulement les

attributions des monarques, mais aussi leur succession, obéissent à des normes. Le cas

de l’Angleterre justifie l’importance de la monarchie parlementaire.

En effet, la puissance de l’autorité de la monarchie constitutionnelle s’oppose à

celle de la monarchie absolue. Cette dernière regarde le despotisme, la tyrannie où le

pouvoir du chef n’est limité par aucune loi, ni contrôlé par aucun pouvoir. C’est le des-

pote, le tyran seul qui détient le pouvoir d’une manière absolue. La monarchie absolue

qui peut s’instituer par un coup d’Etat est une autorité absolue qui se transmet sans le

système héréditaire. La tyrannie est un pouvoir de forme monarchique, mais non fondé

en droit.

Le despotisme est une forme d’autorité politique de gouvernement dans lequel

une seule personne détint un pouvoir absolu. Ainsi, le monarque accumule, accapare

tous les pouvoirs entre ses mains. Comme le monarque détient le pouvoir absolu, il

conduit son peuple à sa manière. Il dirige tout seul les affaires politiques de l’Etat. Le

monarque représente tout et il est tout pour son peuple. Rousseau montre comment le

monarque détient le pouvoir d’une manière absolue :

« (…) la volonté du peuple, est la volonté du prince et la force publique de l’Etat, et la force particulière du gouvernement, tout répond au même mobile, tous les ressorts de la machine sont dans la main. »91

Par cette affirmation, on peut dire que ce pouvoir monarchique repose sur des

bases qui favorisent certaines qualités qui marquent l’injustice, l’égoïsme, la haine, le

mépris, et surtout la mauvaise foi. C’est que tout homme, dans son intérieur, n’a jamais

cessé de se demander pourquoi c’est l’autre qui dicte et décide mais non pas lui. Et

pourquoi c’est toujours lui qui détient tout le pouvoir et y reste pour toujours? Tous ces

questionnements découlent du fait qu’un monarque ramène tous les pouvoirs à sa propre

91 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 111.

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personne, ce qui lui permet de détenir le pouvoir absolu. Le pouvoir de ce genre pose

des sérieux problèmes, par exemple le problème de l’abus du pouvoir et la non applica-

tion des lois suprêmes qui déterminent tous les systèmes politiques de l’Etat.

Aujourd’hui, tout dirigeant ou chef d’Etat qui gouverne sans tenir comte d’un

contrat, les institutions, les constitutions, les lois qui protègent le bien public ou la vo-

lonté générale est considéré comme un homme de trahison. Cet homme se transformera

par la suite en dictateur. Et là, la monarchie perd son sens intime institutionnel. Elle

devient un pouvoir de tyrannie ou de despotisme, c’est-à-dire un pouvoir totalitaire. Ce

dernier est l’autorité dont le chef ne pense qu’à sa grandeur. Ceci s’apparente à l’idée de

Hobbes qui soutient l’absolutisme ou le totalitarisme absolu de l’Etat. Il affirme que le

pouvoir doit être maintenu par un individu qui sera capable de détenir l’autorité tout

entière. Toute décision vient de lui, il n’hésite pas à donner des ordres qui dépassent

l’humanité, et qui sont la plupart du temps des décisions inhumaines, par exemple des

arrestations et des massacres. Tout ceci est dû à ce pouvoir d’une seule personne, qui

tranche toute seule sur les affaires de l’Etat. C’est pourquoi les auteurs du droit naturel

et des théoriciens politiques estiment la nécessité de partager les pouvoirs. Ainsi, on

empêche le fait qu’un chef d’Etat tranche tout seul. On empêche également le fait qu’un

pouvoir se transforme en un pouvoir du despotisme ou d’absolutisme soutenu par cer-

tains penseurs : tels que Hobbes et Machiavel. Le Léviathan de Hobbes explique juste-

ment cet absolutisme dans la mesure où le Léviathan détient tout le pouvoir absolu.

Ainsi, nous constatons que la thèse de l’absolutisme ou de totalitarisme de

Hobbes rejoint la thèse de Machiavel pour qui tout homme a le droit de prendre ou

d’accaparer le pouvoir par tous les moyens. Pour lui, tous les moyens sont bons et c’est

la fin qui les justifie. Cela veut dire qu’une fois qu’il arrive à détenir l’autorité, il faut le

conserver à tout prix, et déployer tous les efforts pour y résister, même en allant jusqu’à

massacrer, tuer, torturer ses adversaires. Ces derniers sont pour Machiavel, des fauteurs

de troubles et des obstacles qui empêchent le chef, le roi ou l’Etat d’exercer son pouvoir

comme il le veut. Ainsi, donc, le roi ne doit pas hésiter à éliminer ses adversaires.

En ce sens, un gouvernant, quelle que soit son autorité, doit être rusé comme le

renard d’une part, et d’autre part être fort comme le lion. Evidemment, être rusé signifie

être malin, faire semblant d’être bon même si on le n’est pas, faire s’emblant aussi

d’être un homme digne de confiance et être homme du peuple. Cela permet de neutrali-

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ser le peuple et l’Etat. Le régime d’Hitler et de Saddam Hussein servent d’exemples de

régimes du totalitarisme, d’absolutisme. Le totalitarisme est un modèle d’un système

politique d’organisation théorique et pratique de la société. Dans l’idée du totalitarisme

il y a l’idée de totalité. Le totalitarisme est une organisation politique dans lequel le

despote monopolise toutes les différentes activités de la vie humaine telles que

l’organisation matérielle, l’organisation sociale, l’organisation politique, l’organisation

intellectuelle et esthétique. Un Etat totalitaire s’établirait donc sur la base de la réduc-

tion de l’individu et de sa liberté. L’Etat est tout et l’individu n’est rien. Le totalitarisme

met l’accent sur la terreur et la force. Le totalitarisme et l’absolutisme sont en quelque

sorte des formes de pouvoir qui reposent sur la force et la terreur. Un dictateur est une

personne qui s’arroge tout le droit et toute stratégie pour manier le gouvernail en mani-

pulant le peuple. Il est celui qui n’abandonne jamais le pourvoir. C’est d’ailleurs la rai-

son qui fait que tout dictateur quitte l’autorité par la force.

Cependant, cette autorité excessive et abusive qui sort des normes acceptables

par manque de modération, c’est-à-dire une autorité qui manque de modération, qui

dépasse la mesure raisonnable et acceptable, est un régime qui repose sur la terreur

ponctuée par des menaces terribles. Il est loin d’être un régime légitime, républicain ou

démocratique lequel est acceptable sur le plan international. Ces derniers défendent les

valeurs de la dignité humaine. C’est pourquoi Rousseau veut que la démocratie règne

dans la cité, la société (Etat). Il est évident que Rousseau s’oppose carrément à

l’absolutisme de Hobbes en déclarant que ce n’est ni par la force ni par la terreur que

l’on peut et doit accéder au pouvoir, mais par contrat ou convention. Selon Rousseau :

« Puisque aucun homme n’a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes. »92

Il est certain que cette affirmation de Rousseau met en lumière l’idée que

l’homme n’a pas le droit naturel d’accéder ou d’atteindre à ce qu’il veut par la force.

Car la force n’est pas un principe qui produit par légitimité un droit. C’est sur l’entente

et des accords que repose l’autorité légitime. Les hommes vivent ensemble par une con-

vention dans laquelle les règles instituant l’ordre social sont des lois préinscrites.

92 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p.45.

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II.3.2.4 De la démocratie

En opposition aux deux premiers pouvoirs qui fonctionnent au profit d’une seule

personne ou de la minorité, Jean-Jacques Rousseau a défini la démocratie comme «l e

gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. » Pour l’auteur, le pouvoir doit

être partagé par le peuple, par tous les citoyens. Un gouvernement qui fonctionne de

cette manière est, selon Rousseau, un gouvernement juste et légitime. C’est un gouver-

nement qui libère le peuple de la dictature et des régimes injustes. Le peuple a le droit

de se choisir ses instituions et ses lois. Il a également le droit de les changer pour

qu’elles conviennent à la pérennité, c’est-à-dire que les lois doivent être basées sur des

caractères justes, durables ou continuels. J.J Rousseau affirme:

« Le peuple est toujours le maître de changer ses lois, même les meilleurs, car s’il lui plaît de se faire mal à lui-même qui est-ce qui a droit de l’en empêcher ? »93

Rousseau soutient ici l’idée que dans la démocratie c’est le peuple qui compte,

c’est-à-dire que le peuple joue un rôle important dans les institutions politiques. De ce

fait, un peuple ne doit pas être aliéné par quoi que ce soit. Il doit fonctionner en confor-

mité avec la loi, à laquelle il doit nécessairement se soumettre pour son bien. C’est dans

ce sens que la démocratie se relie d’une manière générale à la notion de la volonté géné-

rale. Autrement dit, la démocratie met l’accent sur la volonté générale, laquelle a pour

fonction de rechercher le bien-être du peuple : par la gestion du bien public, la défense

de l’intérêt général, la garantie de l’égalité de tous face à leurs droits et devoirs.

Aujourd’hui, la démocratie est devenue un courant politique d’inspiration socia-

liste, visant à obtenir un ordre social plus juste et plus égalitaire. Rousseau considère la

démocratie comme la fin idéale de toute société. Il fait de toute forme de collectivité

politique résultante du contrat social, par lequel chaque citoyen se soumettant à la vo-

lonté générale incarnée par le corps social dans son ensemble, est plus libre que s’il était

isolé face au pouvoir d’un seul, et plus heureux puisque la collectivité favorise nécessai-

rement le bonheur du plus grand nombre, c’est-à-dire qu’il favorise la majorité. Cette

conception, qui fait primer le collectif sur l’individuel est l’une des sources de la con-

ception moderne de la démocratie.

93 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p.91.

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II.4 DE LA DEMOCRATIE

La démocratie est cette puissance d’autorité politique qui envisage d’atteindre

les valeurs objectives suivantes : la liberté pour tous, l’organisation collective et la sépa-

ration des pouvoirs. Considérer comme une technique de bon gouvernement, la démo-

cratie s’est implantée dans de nombreuses nations de la planète.

II.4.1 Définition de la démocratie

Etymologiquement, le terme démocratie vient des mots grecs demos et cratos.

Demos signifie « peuple » et kratos signifie « pouvoir ». En ce sens, la démocratie dé-

signe un régime politique dans lequel la souveraineté est exercée par le peuple, c’est-à-

dire par l’ensemble des citoyens, au moyen du suffrage universel.

L’histoire de la démocratie met en lumière l’évolution du système politique.

Athènes est la première cité qui a utilisé ce concept de démocratie. La démocratie athé-

nienne est fondée sur la souveraineté directe du peuple. Les citoyens libres ont le droit

de participer au pouvoir, surtout au pouvoir législatif et au pouvoir judiciaire. Cette dé-

mocratie ancienne n’est pas une lutte contre le droit de tous les sujets vivants dans la

cité athénienne où l’esclave était une machine d’asservissement. Entre autres, la démo-

cratie athénienne est une démocratie masculine, c’est-à-dire une démocratie qui se ba-

sait sur le plan politique. Elle est une démocratie limitée. Cette limitation se justifie par

les exclusions de certains hommes qui n’avaient plus le droit de participer au pouvoir

politique de la Cité. Dans les affaires politiques, les femmes étaient totalement exclues.

Elles ne jouissaient pas des mêmes droits que les hommes. Quand aux esclaves, ils

étaient écartés des activités sociopolitiques.

Mais, dès le XVIe siècle, la démocratie apparaît comme un moyen de lutte contre

le pouvoir royal et l’esclavage. C’est en cela que la démocratie moderne se différencie

de la démocratie ancienne ou athénienne. Montesquieu considère la démocratie comme

un régime qui appartient au peuple. Il met l’accent sur la liberté et l’égalité de tous les

citoyens. Pour lui, un Etat idéal est : « Un Etat éclairé et tolérant, garantissant la liberté

civile à tout individu, poursuivant une politique séculière. »94

94 Montesquieu, cité par Félix PONTEIL, Les Classes Bourgeoises et l’avènement de la démocratie, p 21.

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En étudiant la formation de l’Etat, nous estimons que Rousseau définit l’union

de ses membres, mais l’unité de cette union ne trouve sa source ni dans le droit du plus

fort, ni dans le droit divin, ni dans l’autorité du roi, mais dans le contrat.

Rousseau a nié la véritable démocratie. Dans la mesure où la démocratie parfaite

ne convient pas aux êtres imparfaits, à des sociétés où il ne manquera pas d’hommes

injustes, des inégalités morales ou politiques, des corruptions et des mensonges.

L’auteur Du contrat social écrit :

« S’il y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouverne-ment si parfait ne convient pas à des hommes. »95

Certaines nations se vantent d’être démocrates parce qu’elles ont de meilleurs

gouvernements, de meilleures lois. Cela ne suffit pas car une nation comme les Etats-

Unis ou la France manque beaucoup de conditions pour qu’elle ait un gouvernement

parfait. Elle doit d’abord se suffire à elle-même, c’est-à-dire être capable de satisfaire

seule ses besoins matériels, moraux, politiques etc. Aux Etats-Unis et en France, les

deux grands pays déclarés démocrates, il y a des gens qui vivent dans la misère.

Par ailleurs, ces pays utilisent leurs puissances plus que la raison, la diplomatie

que la démocratie pour dominer les autres. Ils ne cherchent que leurs propres intérêts.

C’est en cela qu’ils s’imposent dans les pays où ils gagnent de grands intérêts matériels

et moraux. En Asie, ils cherchent le pétrole ; en Afrique, ils cherchent des terrains et des

serviteurs. Où sont leurs parfaits gouvernements ? Où sont leurs véritables démocra-

ties ? Etre démocrate, ce n’est pas être puissant ou riche mais c’est d’avoir des condi-

tions de vie plus justes. Pour réaliser un Etat démocratique ou un gouvernent, il faut

selon Rousseau,

« Un Etat très petit, où le peuple soit facile à rassembler…, une grande simplicité de mœurs…, beaucoup d’égalité dans les rangs et dans les fortunes…, où peu de luxe ».96

Beaucoup de penseurs, plus particulièrement les philosophes, ont compris ce

qu’a dit rousseau concernant la démocratie. La démocratie est impossible dans des so-

ciétés très larges car il est difficile de contrôler, de maîtriser tous les sujets-citoyens.

C’est pour cela que les philosophes ne s’intéressent pas à participer aux affaires poli-

95Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p 65. 96 Idem, p. 64 - 65.

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tiques, aux postes gouvernementaux. Ils n’ont pas cette ambition d’être tel ou tel prési-

dent, ministre ou directeur. Ils se consacrent à la direction des petites sociétés comme la

l’enseignent et la famille. Ces entités sont faciles à diriger, à orienter et à gouverner.

Les philosophes donnent les meilleures conditions pour qu’un Etat soit bien gouverné.

Par fois, certains tentent d’occuper des fonctions étatiques en vue de changer le pays, de

le pousser sur les glissières de la sécurité politique et sur les rails du progrès social.

Mais quand ils trouvent qu’il est difficile de réaliser leurs pensées, ils démissionnent, et

retournent dans les organes auxquels ils inspirent la confiance.

C’est ce phénomène qui a poussé les philosophes à ’être solitaires vis-à-vis de la

politique. Ils ne veulent pas participer à des compétitions toujours mensongères, trom-

peuses et corruptrices. J.J. Rousseau récuse les sociétés où règnent des hommes corrup-

teurs et malveillants. Il est le philosophe qui a mené jusqu’à sa mort une vie sérieuse-

ment solitaire. Pour lui mieux vaut s’isoler de cette société où l’homme est devenu un

organe de service exploitable pour l’autrui, où le puissant, le riche, et l’intelligent

l’utilisent pour satisfaire leurs désirs.

II.4.2. La démocratie et ses institutions politiques

Le fonctionnement de la démocratie exige que les pouvoirs soient séparés. Mon-

tesquieu fut le premier qui a prôné la séparation des pouvoirs. Selon lui, la séparation

des pouvoirs permet d’assurer un gouvernement juste. Il distingue dans un Etat démo-

cratique trois sortes de pouvoirs :

« La puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépend du droit des gens et la puissance judiciaire… il n’y a point encore de liberté si la puissance de ju-ger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait législa-teur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur. »97

Cette affirmation suppose que pour qu’un Etat fonctionne convenablement, il

faut que ces trois pouvoirs soient bien séparés et déterminés de façon que chaque pou-

voir soit indépendant et autonome vis-à-vis des deux autres. Car selon Montesquieu :

« Tout serait perdu si le même homme, … exerçait ces trois pouvoirs »98Montesquieu veut

97 Montesquieu, De l’esprit des lois, cité par LAGARDE et MICHARD, p. 106. 98 Idem : p. 106.

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empêcher le fait qu’un homme accapare tout entier le pouvoir tout seul. Une personne

qui détient un pouvoir de façon absolue est toujours portée à abuser. Ce phénomène est

clair dans les Etats où les pouvoirs dictatoriaux et totalitaires règnent. Les gens qui arri-

vent au pouvoir ne veulent plus en sortir. Ils pensent y rester le plus longtemps possible.

En conséquence, l’instauration de la séparation des pouvoirs est très utile pour

l’élaboration d’un bon gouvernement démocratique. Ainsi, pour Rousseau, la séparation

des pouvoirs permet d’échapper aux conditions qui entraînent l’abus de pouvoirs. Il

insiste également sur la différence entre ces trois pouvoirs : le pouvoir législatif, le pou-

voir exécutif et le pouvoir judiciaire. Chacun de ces pouvoirs joue un rôle important

dans l’exercice du pouvoir.

II.4.2.1. Du pouvoir législative

Selon Rousseau :

« La puissance législative est le cœur de l’Etat, la puissance exécutive en est le cer-veau qui donne le mouvement à toutes, les parties. Le cerveau peut tomber en paraly-sie et l’individu vivre encore. »99

Pourquoi, selon notre auteur, le pouvoir de la puissance législative est-il le cœur

de l’Etat ? Et pourquoi encore le pouvoir de la puissance exécutive est le cerveau qui

donne le mouvement à toutes les parties ?

D’abord, on sait bien que le pouvoir législatif est le pouvoir qui représente les ci-

toyens. Autrement dit, c’est le peuple qui détient le pouvoir législatif. Le Parlement est

l’ensemble des organes représentant le corps politique dans le système de la démocratie.

Il a pour fonction d’élaborer et de voter la loi ainsi que de contrôler l'action du gouver-

nement. Il est le siège de l’assemblée législative. Cela montre que c’est le pouvoir légi-

slatif qui s’occupe du vote et qui exerce des fonctions de l’établissement des lois. Ce

pouvoir qui appartient au peuple est ambigu dans la mesure où ce n’est pas le peuple en

tant que tel qui vote et qui établit ces lois, mais des représentants compétents qu’il s’est

choisis qui agit à sa place dans l’élaboration des lois. Les députés représentent le

peuple, ils constituent le législatif. Ils forment l’organe qui s’occupe des affaires des

citoyens. Il est le service public, quand il cesse l’acte principal des citoyens dans l’Etat,

les désordres règnent. Jean Jacques Rousseau dit :

99 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 128.

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« Sitôt que le service public cesse d’être la principale affaire des citoyens, et aime mieux servir de leur bourse que de leur personne, l’Etat est déjà près de sa ruine. »100

Il ne reste que de marcher au combat, à la guerre pour mieux régner. Pour cela,

on conçoit que le pouvoir législatif est au sommet de tous les pouvoirs. Selon Rous-

seau : « Ce n’est pas par les lois que l’Etat subsiste c’est par le pouvoir législative. »101

En ce sens, si le pouvoir législatif est exclu de l’ordre du corps politique, l’Etat n’aura

plus de sens. Autrement dit, si ce pouvoir cesse ses fonctions étatiques, l’Etat périt et

ses conditions de travail se détériorent. Jean-Jacques Rousseau assure :

« Il ne dépend pas des hommes de prolonger leur vie, il dépend d’eux de prolonger celle de l’Etat aussi loin qu’il est possible, en lui donnant la meilleure constitution qu’il avoir.»102

II.4.2.2. Du pouvoir exécutif

Rousseau montre ainsi que le pouvoir de l’Etat, malgré toute sa puissance, est un

pouvoir qui ne peut pas subsister sans l’existence du pouvoir législatif. Car il n’y a plus

d’Etat sans peuple et il n’y a non plus un peuple sans individus. L’Etat est à cause de

l’existence des individus, des sujets ou des citoyens. C’est dire que le peuple dispose

d’une force extraordinaire dans la mesure où il peut démolir un l’Etat. Le démolissage

de l’Etat apparaît lorsque le peuple constate que dans le gouvernement il y a la corrup-

tion et la mauvaise gouvernance. Ce problème est remarquable dans les pays africains, à

Madagascar par exemple depuis le pouvoir de Ratsiraka jusqu’ au régime de Ravaloma-

nana, c’est toujours le peuple qui démolit les gouvernements en voie de manifestation

La manifestation du peuple malgache exprime la volonté de tous ceux qui ne

voient pas d’un bon œil un pouvoir qui ne se base pas dans son fonctionnement sur la

bonne gouvernance, laquelle défend le bien commun et le bien de tous. L’Etat doit pré-

server le peuple et le perfectionner. Perfectionner un peuple c’est faire en sorte que les

citoyens travaillent, que les enfants aient une bonne éducation et que les pauvres puis-

sent vivre et s’en sortir dans leur pauvreté.

Quand un chef ou un pouvoir quelconque délaisse le peuple, il est en train de

mettre l’Etat en danger, c’est-à-dire dans une situation de menace et de révolte. C’est un

100 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 79. 101 Idem : p.129 102 Idem : p. 128.

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acte qui poussera le peuple à mettre l’Etat en péril. Parce qu’une fois que le peuple se

mobilise de par sa conscience morale rien ne pourra jamais l’empêcher de démolir l’Etat

et même de massacrer les gents qui détiennent le pouvoir.

Le peuple est une force unie. Il est une puissance qu’il ne faut jamais sous-

estimer. Quand l’organe législatif est placé au sommet de la hiérarchie des pouvoirs

c’est par qu’il regarde le peuple, les citoyens. Pour Rousseau : « La puissance qui vient de

l’amour des peuples est sans doute la plus grande. »103 Cela veut dire que l’organe exécutif

et l’organe judiciaire sont au-dessous de celui du législatif. C’est dans ce sens qu’il ap-

partient au peuple, aux sujets, ou aux citoyens de prolonger la durée de l’existence de

l’Etat. C’est le peuple, les citoyens, les sujets qui donnent sens à cet organe qui, par la

suite, joue un rôle essentiel pour l’organisation politique d’un gouvernement.

Le pouvoir exécutif joue un rôle essentiel dans le corps politique dans la mesure

où il est l’organe qui donne le mouvement à toutes les parties au sein de l’Etat. Selon

Rousseau, le pouvoir exécutif « Est le cerveau qui donne le mouvement à toutes, les parties.

Le cerveau peut tomber en paralysie et l’individu vivre encore. »104

Dans le cadre de la séparation des pouvoirs, le pouvoir exécutif est le pouvoir

qui se charge de l'application des lois, de l’exercice des suffrages, des votes, et des refe-

rendums.

Aujourd’hui, la science politique dépasse cette notion d'exécution : le pouvoir

exécutif est également le corps politique qui conçoit et dirige la politique de la nation.

Ce pouvoir peut être détenu par une seule personne : président de la République ou par

le chef de l'État et le Premier ministre. Ce pouvoir partagé est dit bicéphale. En Italie, ce

partage du pouvoir exécutif entre un Premier ministre puissant, issu de la majorité par-

lementaire, responsable à la fois devant l'assemblée législative et l'opinion publique, et

un monarque héréditaire ou un président de la République désigné par le Parlement, ne

jouant que d'un rôle essentiellement symbolique, est très remarquable. Chacun des deux

responsables assume ses fonctions prévues dans la constitution. De nos jours, ce genre

de régime parlementaire bicéphale est présent surtout en Europe, avec l’Angleterre,

l’Espagne, la Grande-Bretagne et l’Allemagne.

103 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 112. 104 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p. 128.

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En ce qui concerne le régime parlementaire monocéphale, ce sont le chef de

l'État et le Parlement qui assurent la puissance exécutrice. A Madagascar, par exemple,

le pouvoir exécutif est détenu par le président de la République et le gouvernement. Le

chef d’une nation est le premier modèle de tous les sujets citoyens. Il est le premier qui

doive veiller au respect de la constitution. Il est également le symbole de l’unité natio-

nale.

Cependant, nous constatons, non pas seulement à Madagascar, mais aussi, en

Afrique et dans certains pays d’Asie, les présidents sont les premiers qui trahissent les

constitutions, les lois et les institutions de leurs propres nations. Ils abusent trop du pou-

voir exécutif. C’est justement ce phénomène qui freine le développement de ces nations

toujours mal gouvernées. Or un meilleur régime démocratique est celui qui, dans son

organisation, se conforme au principe de la constitution. Pour qu’une nation ait une

meilleure constitution, il faut que la puissance exécutive respecte les autres puissances :

la puissance législative et la puissance judiciaire : « Il s’emble qu’on ne saurait avoir une

meilleure constitution que celle où le pouvoir exécutif est joint au législatif. »105 Dans un Etat

où la puissance exécutive manipule et corrompt tout est loin de posséder une bonne

constitution. A vrai dire, la puissance exécutive doit déployer tout effort pour que la

nation sorte de la misère, de l’insécurité, de l’inégalité, et de l’injustice. C’est ce qu’une

nation attend de la part d’un président ou d’un chef de l’Etat. Un chef d’Etat est une

personne si l’on peut dire sacrée, qui assure la vie souhaitée par son peuple, qui inspire

le bonheur de sa nation. Dans ce sens, Il est le premier à faire des efforts pour sortir son

pays de la décadence politique qui occasionnent la corruption et l’injustice, chose qui

dégrade de ce qui a une valeur morale.

Un chef d’Etat, ou un président, avant de gouverner une nation, il doit d’abord se

faire connaitre et être un homme juste, confiant. Selon ALAIN, cet homme doit ap-

prendre : «L’art de se gouverner soi-même et d’établir la justice à l’intérieur de soi »106 Car il

ne peut pas maîtriser les gens sans savoir autant se maîtriser ; la maîtrise de soi est une

expérience essentielle qui permette à l’individu de reconnaître la valeur des autres au

sein de la société. Ainsi, ALAIN précise l’importance de l’art de se gouverner soi-même.

105 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p.107. 106 Alain, Propos, 4 avril 1910, Coll. Pléiade, 1956, pp67-68

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« Son idéal principale, c’est que, dès qu’un homme se gouverne bien lui-même, il se trouve bon et utile aux autres, sans avoir seulement à y penser. C’est l’idée de toute morale ; le reste n’est que police de Barbare. »107

Selon cette conception, l’homme doit se comporter dans la société d’une ma-

nière juste et cohérente. Il doit avoir la volonté de respecter les lois qui édifient les con-

duites et les comportements de tous les citoyens.

II.4.2.3. Du pouvoir judiciaire

Le pouvoir judiciaire, que Rousseau appel Tribunat, est l’organe qui conserve la

constitution, les institutions et la loi. Dans le contrat social, Rousseau précise le rôle es-

sentiel de l’autorité judiciaire ou du Tribunat,

« Ce corps que j’appelle Tribunat, est le conservateur des lois, et du pouvoir législatif. Il sert quelquefois à protéger le souverain contre le gouvernement. »108

Selon le théoricien du contrat social, cet organe doit agir conformément à ce que

la constitution dit tout en appliquant point par point articles de la constitution. Ce corps

politique ne doit pas se pencher ni vers l’organe exécutif ni vers l’organe législatif,

comme le dit Jean-Jacques Rousseau : « le Tribunat n’est point une partie constitutive de la

Cité, et ne doit avoir aucune portion de la puissance législative ni de l’exécutive. »109 En ce

sens, nous pouvons dire que les gens responsables de ce corps politique doivent être des

gens compétents et confiants. Car ce sont eux qui détiennent l’autorité la plus sacrée. Il

est vrai que cet organe ne peut imposer des lois, mais il peut empêcher ceux qui veulent

les violer. Selon Rousseau,

« Ne pouvant rien faire il peut tout empêcher. Il est plus sacré et plus réservé, comme défenseur des lois, que le prince qui les exécutes et que le souverain qui les donnes. »110

Et si ce Tribunat est corrompu, dans l’Etat régnera toujours des désordres et des

instabilités sociales. En effet, corrompre l’organe sacré, c’est ruiner complètement la

sécurité et la justice d’une nation. Or, selon Rousseau, l’autorité de Tribunat « est la plus

107 Ibid pp 67-68 108 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, p.97 109 Ibid p.97 110 Idem, p. 97-98

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grande »111 qui réalise l’union de la morale politique et la stabilité d’une nation toujours

gouvernée par des lois justes et légitimes.

L’importance de la séparation des pouvoirs, c’est de créer les indépendances

entre ces trois différents organes politiques. Elle fera régner dans la Cité la confiance

entre le pouvoir du peuple, le pouvoir exécutif et celui du Tribunat.

111 Idem, p. 97

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CONCLUSION

A travers cette étude, nous avons constaté que la philosophie politique de Jean-

Jacques Rousseau est basée sur la bonté de l’homme primitif vivant à l’état de nature.

Cet état où l’homme originel évolue est selon Rousseau un état hypothétique mais pro-

moteur de sa perfectibilité. A cause de cette perfectibilité, deux sortes de transformation

sont envisagées par l’auteur Du contrat social : celle de l’être de l’homme et celle de

l’organe politique qui permettra le changement du régime politique qu’il veut instituer.

La première a trait à la mutation de l’homme de l’état de nature à l’état social. La se-

conde concerne l’homme, capable d’aliéner sa liberté naturelle pour l’état de la liberté

politique. Rousseau s’interroge principalement sur les raisons valables ou réelles de

l’Etat. L'état de nature est un état de référence. C’est dans cet’ état de nature que

l’homme primitif avait mené une vie heureuse, libre. Ces caractéristiques montrent la

bonté de l’état de nature.

Rousseau a à nos yeux le mérite d’avoir soutenu l’idée que la constitution des

sociétés humaines est source de corruptions, de défaillances morales de l’être de

l’homme et de ses mœurs. C’est pourquoi dans le Discours sur l’origine de l’inégalité

parmi les hommes, il soutient que « c’est la société qui rend l’homme misérable ». Voilà

pourquoi tout au long de notre travail, nous avons essayé d’étayer, ou de montrer com-

ment les sujets participent à l’organisation et au développement des sociétés. C’est

grâce à l’organisation sociale que l’homme est en sécurité et qu’il échappe à la loi du

loup qui ne ménage pas l’homme. Ce changement d’état permet de comprendre que

seuls les hommes ont une histoire, une éducation, une culture et une vie politique. Tout

cela repose sur le fait que l’homme souscrit ses idéaux dans les organisations sociales.

Selon notre auteur, ces organisations se réalisent grâce à l’éducation, qui occupe une

très grande place dans la vie humaine.

L’éducation est l’une des causes du développement des êtres humains pour per-

mettre tout changement d’ordre social. L’homme est l’être qui évolue culturellement,

socialement, qui se perfectionne et dans le temps et dans l’espace. Cette perfectibilité

confère aux hommes la crédibilité qu’ils gagnent en s’associant les uns aux autres. En

ce sens, le passage de l’état de la liberté naturelle à l’état de la liberté civile leur a per-

mis d’abandonner leur état d’inégalité favorisée par la guerre de tous contre tous.

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Par ailleurs, Rousseau, contrairement à Thomas Hobbes, voit dans l’état de na-

ture où l’homme vivait en s’isolant des autres qu’il était autonome et libre est un état

parfait. Dans la mesure où cet homme jouissait d’une vie tranquille, il était bon. Toutes

ces raisons nous poussent à contester la philosophie hobbesienne de l’homme méchant

par nature.

Aux yeux de notre auteur, l’homme primitif vivait seul, il ne devrait pas être

méchant ou intrépide, parce qu’en menant seul sa vie, il ne dépendait que de lui-même,

il se suffisait à lui-même. C’est justement cette situation qui fait de l’homme un être

libre, heureux et bon.

En effet, Jean-Jacques Rousseau est persuadé que l’état de nature perd sa valeur

lorsque l’homme commence à s’intégrer dans le processus social et à se mêler les uns

avec les autres. C’est de là que naît la notion de propriété : le fait de s’approprier les

biens qui viennent de la nature en instituant des processus privés. C’est de là que nais-

sent aussi l’égoïsme, la haine et la soif d’accaparer tout pouvoir. C’est la raison pour

laquelle Rousseau s’est efforcé de donner des formes de pouvoir légitime et juste pour

fonder une société juste où tout un chacun sera à la fois heureux et libre. Tel est ce que

prône Rousseau retrouver dans Du contrat social, qui met en lumière l’étude de la phi-

losophie politique.

La philosophie politique, est considérée comme une discipline qui se préoccupe

de l’organisation de la société, de l’Etat. Son souci majeur est la mise en place d’une

communauté juste, dans laquelle règneront l’ordre civil, l’harmonie et la sérénité due à

un équilibre satisfaisant qui traduit un succès sur le plan humain. Cette discipline qui

favorise l’ordre social permet une bonne entente entre les hommes. Elle est toujours

considérée, dès l’antiquité, notamment depuis l’ère de Platon jusqu’à Montesquieu,

comme une science de gouvernement d’ordre et de valeur. Aristote a toujours cherché la

forme du meilleur gouvernement pour le bien de la cité grecque.

L’aristocratie était la forme la plus soutenue depuis l’antiquité jusqu’à l’époque

de Montesquieu et de Rousseau, période selon laquelle l’anarchie et l’aristocratie subis-

sent des critiques sérieuses. Ces penseurs se sont penchés sur le problème fondamental

des sciences politiques. Ils s’intéressent à l’analyse du problème des constitutions. Ils

ont fait la distinction entre les formes de gouvernement tout en affirmant que la « mo-

narchie et l’oligarchie » sont des régimes qui ne se basent pas sur de bonnes constitu-

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tions. Dans la mesure où ces pouvoirs méprisaient, marginalisaient et délaissaient la

majorité du peuple. Ce mépris ou marginalisation s’explique par le fait que le peuple se

soumette à une loi qui favorise seulement les monarques ou quelques groupes sociaux.

Ceux-ci exploitent les citoyens. Ces derniers sont devenus des machines qui servent

cette classe minoritaire qui conserve constamment le pouvoir.

La constitution de ces deux formes de pouvoir ignore le bien du peuple elle ne

fonctionne pas pour le bien de tout le monde, mais pour le bien d’une classe minoritaire.

Cette classe minoritaire triomphe et exerce tout le pouvoir. Dans le régime de gouver-

nement « monarchique », le pouvoir est dirigé par une seule personne : c’est cette per-

sonne que nous appelons monarque ou dictateur. Quant à l’oligarchie, c’est un système

politique dans lequel l’autorité est partagée par quelques personnes : c’est-à-dire un

groupe restreint ou particulier qui exerce le pouvoir en recherchant son propre intérêt.

Ces pouvoirs sont critiquables et contestables car une autorité politique n’est pas conçue

pour le bien d’une seule personne ou d’un groupe particulier mais pour tous les sujets

membres de l’Etat ou la cité politique.

Rousseau conteste les pouvoirs politiques qui ne favorisent pas la démocratie,

tels sont la monarchie et l’oligarchie. Il est le penseur qui s’intéresse au fond de

l’analyse du problème de la constitution, de l’institution et de la loi. Il s’est efforcé de

montrer comment un gouvernement doit être légitime et démocratique. Il veut rayer

dans la société l’inégalité sociale, l’injustice sociale, et surtout l’esclavagisme et le ra-

cisme des classes. De là s’élève le problème fondamental qui frappe nos Etats actuels.

Dans notre monde d‘aujourd’hui, le problème soulevé par Rousseau est un pro-

blème d’ordre technique juridique qui veut fonder dans la société une forme de gouver-

nement légitime, solide qui préserve la volonté générale, les biens publics de la société.

C’est face à ce problème que J.J Rousseau concevait cette situation qui ne permettait

pas aux hommes de vivre dans la paix.

Pour remédier à ce problème, l’auteur du Discours sur l’origine de l’inégalité

parmi les hommes estime que c’est le contrat social qui va apporter des solutions

idoines. Dans Du contrat social, l’auteur pense avoir trouvé une forme du corps poli-

tique qui défendra les hommes, les citoyens tout entiers. C’est là que la liberté, le droit

et l’égalité de tous prennent leurs assises pour donner lieu à la forme du pouvoir démo-

cratique où s’établissent l’ordre et la stabilité d’une société dite libérale. Il est tout à fait

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normal de soutenir qu’une société libre est celle dont la constitution et les lois émanent

du peuple. Il appartient au peuple de choisir et de faire la constitution et les lois qui lui

conviennent. Telle est l’idée principale de la démocratie. Elle préconise également la

liberté et l’égalité. Car vivre en société signifie vivre d’une manière libre, et heureuse.

Du contrat social de J.J Rousseau renvoie à un régime libéral face aux concep-

tions des certains philosophes tels que Hegel et Hobbes qui soutiennent le pouvoir tota-

litaire d’une seule personne qui détient tout entier le pouvoir. Hegel soutient les senti-

ments individuels ainsi que la volonté individuelle doivent obligatoirement s’incliner

devant la toute puissance de l’Etat, point de vue qui n’est pas partagé par Rousseau.

Pour celui-ci, la volonté individuelle ne doit pas être aliénée ni par l’Etat ni par un quel-

conque pouvoir. Dans la mesure où chaque individu se donne tout pour l’unité. Ainsi,

selon le pacte social, l’Etat ou la société dérive de la somme des volontés particulières

en une volonté générale. C’est pourquoi Rousseau parvient à cette affirmation :

« S’il n’est pas impossible qu’une volonté particulière s’accorde sur quelque point avec la volonté générale, il est impossible au moins que cet accord soit durable et constant ; car la volonté particulière tend par sa nature aux préférences, et la volonté générale à l’égalité. »112

On constate que le pacte de Rousseau cherche à libérer l’homme de toutes les

contraintes sociopolitiques. Surtout de faire comprendre que la volonté particulière qui

s’accorde avec la volonté générale joue un rôle essentiel pour l’organisation sociale.

Ainsi, la volonté générale qui est synonyme de la morale politique défend toutes les

volontés particulières fondatrices de la volonté collective et le peuple. Elle est, en effet,

l’organe qui doit diriger tout Etat possible. Selon Rousseau :

« La volonté générale peut seule diriger les forces de l’Etat selon la fin de son institu-tion, qui est le bien commun : car si l’opposition des intérêts particuliers a rendu né-cessaire l’établissement des sociétés, c’est l’accord de ces mêmes intérêts qui l’a ren-du possible. C’est ce qu’il y a de commun dans ces différents intérêts qui forme le lien social, et s’il n’y avait pas quelque point dans lequel tous les intérêts s’accordent, nulle société ne saurait exister. »113

Rousseau proclame la reconnaissance de toutes les manifestations individuelles

de l’homme. Il veut que chaque citoyen sorte victorieux, gagnant dans la compétition du

bien commun. Si chaque individu sort gagnant dans la société, il n’y aura ni perdant ni

112 ROUSSEAU, Du contrat social, p 33 113Idem, pp 32-33

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gagnant, ni injustice ni inégalité. Ce fait permet de préserver la volonté générale qui

permet à la société de fonctionner et d’être gouvernée. Cela veut dire que la souveraine-

té qui n’est qu’un être collectif, puisque il est l’exercice même de la volonté générale,

ne peut jamais être aliéné par quoi que se soit. En ce sens, le Souverain ne peut être re-

présenté que par lui-même. Dans cette perspective, Rousseau veut fonder un gouverne-

ment démocratique direct. Il soutient que le peuple doit s’investir d’une responsabilité

effective sur l’ensemble des décisions ayant trait à la collectivité.

De ce fait, le peuple doit déléguer librement le pouvoir de gouverner pour réali-

ser la liberté de tous dans l’organisation collective, et une technique de gouvernement

qui sera légitime. Il est certain que c’est là le but visé par la démocratie. La démocratie

cherche au sein de l’Etat ou de la société l’équilibre des pouvoirs de façon que l’autorité

ne soit plus concentrée en une seule personne. La séparation des trois différents pou-

voirs, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, empêche les pra-

tiques excessives ou erronées des dirigeants qui ne pensent qu’à leurs fins personnelles.

Dans la sphère de la démocratie, l’Etat doit être désormais sous le contrôle de la volonté

générale tel qu’il est prévu par le contrat social de Jean-Jacques Rousseau, qui estime

possible l’instauration d’un Etat juste où règneront l’ordre et la paix.

En somme, l’idée fondamentale Du contrat social est de retrouver la liberté de et

la paix l’homme, la liberté d’expression et de presse, le droit et l’égalité entre les ci-

toyens. Tels sont les facteurs fondamentaux de la volonté générale. Cette dernière est le

cœur du corps social où l’homme ne se sentira libre que dans et par l’exercice de son

devoir de citoyen. Ainsi s’explique la philosophie de Jean-Jacques Rousseau, soucieuse

du plein exercice de la liberté naturelle au sein du corps social. Et c’est en ce sens que

toute activité philosophique cherche à promouvoir le bien-être de l’homme.

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BIBLIOGRAPHIE

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II- LES OUVRAGES GENERAUX

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HUISMAN Bruno, Les philosophes et la nature, Ed. Bordas : Paris, 1990, 404 p.

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KRAPIVINE .V, Qu’est ce que le matérialisme dialectique ?, Ed. Du progrès : Moscou - Paris, 1987, 335 p.

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MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Tome I. Ed. Garnier Flammarion : Paris, 1979, 507 p.

MONTESQUIEU, Lettres persanes, extraits, avec une notice biographique, une notice histo-rique et des notes explicatives, une documentation, thématique, des juge-ments, un questionnaire et des sujets de devoirs, par MICHEL CLEMENT, Agrégé des Lettres, Ed. Classiques Larousse : Paris, 1966, 146 p.

SILO, Propos, Recueil d’opinions, de commentaires, et de conférences, Ed. Collection Nouvel Humanisme : Paris, 1999, 382 p.

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L’UNESCO et la Tolérance (1), Conscience et liberté, Ed, Sagim : Paris, 1995, 128 p.

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TABLE DES MATIERES REMERCIMENTS ............................................................................................. 1

INTRODUCTION .............................................................................................. 2

PREMIERE PARTIE ......................................................................................... 8

LA GENESE DE L’ETAT ................................................................................... 8

I.1 LA COCEPTION ARISTOTELICIENE DE L’ETAT .............................................. 9

I.1.1 La théorie génétique de l’Etat chez Aristote .............................................................. 9

I.1.2 Des premières sociétés modèles des sociétés politiques ............................................ 12

I.1.2.1 La famille ........................................................................................................... 12

I.1.2.2 La cité politique .................................................................................................. 14

I.2 LA CONCEPTION HOBBESIENNE DE L’ETAT ............................................... 16

I.2.1 La théorie politique de Hobbes .............................................................................. 16

I.2.2 De l’état des hommes hors de la société civile chez Hobbes ..................................... 19

I.3. DE L’ETAT DE NATURE AU FONDEMENT DE L’ETAT ................................ 21

I.3.1 De l’état de nature ............................................................................................... 21

I.3.2 L’homme face à la nature ..................................................................................... 23

I.3.3 De l’inégalité naturelle à l’inégalité sociale ............................................................ 28

I.3.3.1 De l’inégalité primitive ou naturelle ...................................................................... 28

I.3.3.2 De l’inégalité sociale ........................................................................................... 31

I.4 DE LA LIBERTE NATURELLE A LA LIBERTE CIVILE ................................... 36

DEUXIEME PARTIE ....................................................................................... 43

LA THEORIE POLITIQUE DE L’ETAT ......................................................... 43

II.1 DU PACTE SOCIAL ........................................................................................ 44

II.1.1 Définition du pacte social .................................................................................... 44

II.1.2 Les différentes sortes des pactes sociaux ............................................................... 47

II.1.2.1 Le pacte social de Hobbes................................................................................... 47

II.1.2.2 Le pacte social de Rousseau ................................................................................ 49

II.2 DE LA VOLONTE GENARALE ET LA NOTION DE LA LOI ........................... 51

II.2.1 Définition de la volonté générale .......................................................................... 51

II.2.2 Le Principe de la volonté générale ........................................................................ 54

II.2.3 De l’ordre social sous la notion de la loi ................................................................ 56

II.2.4 De la loi ............................................................................................................ 57

II.3 DU GOUVERNEMENT EN GENERAL ............................................................ 62

II.3.1 Définition de la notion du gouvernement ............................................................... 62

II.3.2 Les différentes sortes de gouvernements ............................................................... 64

II.3.2.1 De l’aristocratie ................................................................................................ 64

II.3.2.2 De la monarchie ................................................................................................ 66

II.3.2.4 De la démocratie ............................................................................................... 70

II.4 DE LA DEMOCRATIE ..................................................................................... 71

II.4.1 Définition de la démocratie .................................................................................. 71

II.4.2. La démocratie et ses institutions politiques ........................................................... 73

II.4.2.1. Du pouvoir législative ................................................................................... 74

II.4.2.2. Du pouvoir exécutif ........................................................................................ 75

II.4.2.3. Du pouvoir judiciaire ...................................................................................... 78

CONCLUSION ................................................................................................. 80

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 85

II- LES OUVRAGES GENERAUX.......................................................................... 85

III. AUTRES OUVRAGES ...................................................................................... 86

TABLE DES MATIERES ................................................................................. 87