Sainte-Beuve - Port Royal Tome 4

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Port-Royal (3e d.) par C.-A. Sainte-BeuveSource gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869). Port-Royal (3e d.) par C.-A. Sainte-Beuve. 1867.

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PORT-ROYALPAR

C.-A.

SAINTE-BEUVE

TROISIME

DITION

TOME

QUATRIME

PARISLIBRAIRIEBOULEVARD

DE L. HACHETTESAINT-GERMAIN, N

ET Cie77

1867

Tous

droits

rservs

PORT-ROYAL

IMPRIMERIE

GENERALE Rue de Fleurus,

DE

CH.

LAHURE

9, Paris

Le tome

quatrime,

ainsi publi, en 1859, la prface

que

le cinquime, 1.

portait

suivante

qu'un trs-court tte de ces deux derniers cuser du retard

Je n'ai

avertissement volumes.

placer en S'il fallait m'ex-

que j'ai mis les le tome troije dirais que quand je donnais publier, sime en 1848, je ne prvoyais pas que les vne crire ma vie, me conduiraient ments, en drangeant sur toutes sorbientt quatorze volumes d critique tes de sujets sur Virgile) (treize de Causeries du Lundi et l'tude ce me semble, c'est l une parenthse, tout.

involontaire

qui explique Comme pourt3nt

je ne cessais dans les rares interde prs valles, et en chaque rencontre qui y touchait ou de loin, de songer au sujet qui m'tait cher, et au canevas dj tout dress qui me rclamait, je

1.

Je

ferai des

observer tomes la tre et en

la division premire lire ne contient tion

ici, comme ne tombant place qu'aprs tte du c'est--dire naturelle le livre

je l'ai fait prcdemment, exactement comme plus de livre l'Avertissement IVe dont

que dans la

dition, devrait la lin,

va qu'on le volume actuel gnra107.IV 1

Ve intitul plus loin,

La seconde

de Port-Royal

la page

2

recueillais blais

chemin

m'carter,

faisant, bien des

et mme notes

lorsque je semet des indications

mes dossiers nouvelles; je grossissais port-royalistes de l deux volumes, au lieu d'un seul que j'avais promis. Je n'ai rien eu changer,.d'ailleurs, l'ordonnance premire du sujet, tel que je l'avais tabli en 1838: la distribution grand mesure en plus mot) et l'architecture sont restes qu'on remplies. avance, (si je puis employer ce les mmes les chambres seulement, y sont de plus

Septembre

1858.

LIVRE QUATRIME COLES DE PORT-ROYAL (SUITE)

vType du tion. Beauvais. terre de lve parfait Ce que c'est Retour Tillemont. d'me par Gibbon. et M. de Tillemont. que les orages au de de Son enfance; sa vocaSjour sa

sa jeunesse. des

Paris; Rgime sensibilit. Encore

vallon vie.

Champs Traits distinctifs. leur caractre. L'tude

Tendresse loge tienne.

Ses De

crits;

Maistre.

chr-

Pour qui

revenir non

aux

le sont

qui les caractrise, constante leurs matres, leur laisse, l'attache ducation du monde, les dispersions orageuses et, mme travers la foi. Quiconque avait pass le cble de retour par instituteurs les mains de ces excellents revenait 'eux et leur lement atteint, en vieillissant. Celui qui s'carta et avait t reldu moins d'clat esprit, avec le plus

de Port-Royal, ceux mais en ligne ce directe, par raccroc, c'est la' marque que cette profonde

vrais

lves

est

Racine est le plus et l'on sait quels repentirs Racine comme mais ces cit des lves de Port-Royal, gloire; de lui que depuis saconne parlrent Messieurs jamais ne- lenomnient mme pas, Du Foss et Fontaine version. si j'ai bonne mmoire. Il est rable au milieu de Port-Royal beaucoup qu'on considmoins et ne se le figure,

6

PORT-ROYAL.

qu'il

ne le devint

tout

la fin'.

Aussi

n'est-ce

pas

Racine

comme le modle offrir du parfait lve que je choisirai il selon nos matres. Et puis il a trop de gnie naturel, a trop d'art il en a eu sans et malgr Port-Royal, bien Nous avons une autre admiPort-Royal. figure, rable de graver sa manire, tcher et que je voudrais ct de celles de dans l'esprit de ceux qui me lisent, de M. de Saci, de M. Le Matre, de M. de Lancelot, en attendant celles de M. Hamon et de Saint-Cyran, Du Guet c'est M. de Tillemont. Voil l'lve son de Portdans toute sa puret, Royal tout trouv, illustre aussi d'ailleurs sa constance mais (Sancle mme goire port comme surtout l'lve en droiture, sancte vixit, dit et intgrit par ses travaux, et qui n'a pas dvi son pitaphe) celui Graura assis ne et de es-

educatus, dont on peut dire jusqu'au avec saint bout, Un jeune cit par Coustel homme, qui le joug du Seigneur, ds sa jeunesse sera dans une

agrable solitude, parce qu'il ressentira tumultueuse de ses cupidits pas l'agitation de ses passions 2. . M. prs, de Tillemont, il nous en dira voil plus notre mile. et Considr sur leur sur les coles

1. En y regardant de prs, ce qui me frappe, c'est comme Racine tient peu de place dans le Port-Royal proprementdit. On le trouve peine nomm. Je cherche en vain quelque mention de lui dans manuscrites. Voici pourtant grand'toutes ces correspondances dans une lettre crite de l'ab-. peine un mot de M. de Pontchteau, baye d'Orval mademoiselle Galier, le 25 septembre 1685 Au reste il faut que je devienne un peu bte, et que je perde le got des belles choses; car les vers de M. Racine ne m'ont point plu (il s'agit de l'Idylle sur la Paix), et j'y ai trouv quelque chose qui me semble assez profane. On y parle d'un Dieu qui a renvoy la Discorde aux Enfers, et ce Dieu est le Roi. Je vous assure que je ne me mets pas trop en peine de n'aimer plus tout cela. Vanit des Ce n'est qu'au dix-huitime vanits, et tuut n'est que vanit. sicle que le Jansnisme est devenu si fier de Racine. 2. Les Rgles de l'ducation des Enfants, par Coustel, tome I, page 13.

LIVRE

QUATRIME,

7

et qui semble peut-tre prit que tout ce qui prcde, o assez abondant; mais dans ces choses de Port-Royal, des traits rien ne brille, nous avons affaire qui n'ont toute signification Le Nain Sbastien leur que quand de Tillemont, et de dame 1637. tait on y repasse fils de Jean Marie souvent. Le Nain, naLe Ragois,

matre quit culier

des Requtes, Paris le 30 novembre de M. de Bernires,

Son pre, ami particomme lui un serviteur

on les avait zl de Port-Royal et, au fort de la Fronde, deet protger vus tous. deux en robe de palais conduire leur des religieuses, vant le peuple la propession depuis dans la rue sortie du faubourg Saint-Jacques jusque Saint-Andr-des-Arcs, s'abriter'. Ds l'ge mont fut mis avec trappiste) particulire Du Foss, aux Petites o elles de neuf son frre allaient ou dix ans, pour un temps le jeune Tilledepuis amiti

coles; et aussi avec avec le fils de M. de Bernires, qui parle de lui comme d'un frre.

Le Nain, (Pierre une il y contracta

a Je l'ai connu lorsqu'il toit encore enfant, nous dit Fonil avoit dans ici avec bonheur taine que nous retrouvons ses tendres annes l'innocence qu'on peut se figurer que lui mais cette la maison d'un pre chrtien; avoit conserve et une sagesse qui surpreinnocence il joignoit une gravit croissoit en ge sous nos yeux et notre noient. Lorsqu'il alors il apprenoit les langues, qui lui donnoient conduite, des jeux innocens. Pendant que les autres enl'loignement fants qui toient avec lui donnoient quelque relche leur esprit, aux jours destins cela, et se livroient tout entiers leurs petits divertissements, il s'enfermoit lui seul dans sa il rduisoit et la gographie, chambre. par Voyant l'histoire On a de M. Le Nain une tome II, page 307. 1. Prcdemment, lettre Arnauld, du 16 mars 1663, pour lui exprimer vivement combien il lui donne tort dans son refus de se prter l'accommodement ngoci par l'vque de Comminges. Cette lettre respire la franchise du cur et le dsir de la paix. (OEuvres d'Arnauld, in-4, tome 1, page 309.)

8

PORT-ROYAL.

et jetoit dans une carte, alphabets tous les noms marqus de cette ainsi, ds l'ge de neuf dix ans, les fondemens science historique, o il a fait voir son extrme pntration et son incroyable exactitude. Il est aussi question, les jeux checs, qui variaient certain jeu de cartes parmi tels que billard, les rcrations on

dames, tric-trac, au Chesnai, d'un avaitrenferm tout

sur ces cartes

des six prece qui concerne l'histoire le lieu et le temps miers sicles, c'est--dire se auquel sont tenus les principaux ont vcu les Conciles auquel Papes, les profanes. ces choses un l'aurait Entre jeu Empereurs, Nos coliers, dans l'esprit. les auteurs Saints, grands tout en jouant, s'imprimaient Si M. de Tillemont joua jamais ce fut celui-l; et au besoin il latins, Tite-Live fut celui qui lui les

d'colier, invent. les auteurs

Et dj, dans ces tables plut davantage. mthodiques, dans ces alphabets de noms qu'on a vu dresser l'enfant, nous avons retrouv comme les barres et les ronds de Pascal. classer L'annaliste, ses objets. le chronologiste naissant s'essaye Les Dcades furent son Euclide; ce et Charicle taient ce qu'apour Racine Montaigne enfantles Mtamorphoses lire moins d'un chaque fois qu'il d'Olivre l'a-

que Thagne vaient t pour vide.

A peine pouvait-il se rsoudre du grand entier historien romain, vait ouvert 1. J'aime saisir

le premier veil d'une vocation, le, dchiffrement de l'instinct. Il y en a qui ont ni ce jeu de Mon ami sir Josu la facult premire dit Reynolds, Gibbon (dont le nom se lie par plus d'un rapport celui de Tillemont), Reynolds, d'aprs son oracle. I. l.a Vie et l'Esprit de M. de Tillemont, par M. Tronchai cet excellent volume sans en j'emprunterai continuellement avertir.

LIVRE

QUATRIME.

9

le docteur nie qu'il existe un gnie prtendu Johnson, naturel, une disposition de la nature reue de l'esprit pour un art ou une science plutt que pour une autre. Sans dans une dispute ou m'engager mtaphysique de mots, je sais par exprience plutt que, ds ma la qualit d'historien. premire jeunesse, j'aspirai Comment un critique-biographe comme Johnson, et un de portraits comme peintre Reynolds, cette diversit originelle qui dsigne marquant, et qui est l'me de chaque ont-ils chaque pu nier individu

physionomie? l'hisMalebranche, qui avait commenc par s'appliquer toire ecclsiastique, et qui n'y avait que du dgot, ouvre un jour par hasard le livre de l'Homme de Descartes, et ne le quitte plus le voil mtaphysicien pour la vie. Il se peut concevoir de tour inverse de celui de Malebranche lemont. Un trs-fin de la physique, savant biographe, qui savait en tout compte faire l'loge d'un t tenir ne de gnie plus nettement de Tilque la vocation

jansniste caractre singulier seule fait quelquefois

Fontenelle, ayant dont la vie avait

d'un empreinte a dit La d'uniformit, religion des conversions mais surprenantes, et uniforme, si elle Cette remarque de la vie de Tillefrontispice. Tout le de ces na-

elle ne fait gure toute une vie gale n'est ente sur un naturel philosophe1. doit nous tre prsente ds le seuil elle pourrait s'inscrire mont contraire des Le Matre et des turels n'en face Caus, blables, penchant ardents, sort plus. de l'Ilisloire dans posment Il lui est chapp des il met au

Pontchteau, le pied dans de dire, Nous

sa voie, et dans sa prdans semle de

Nron, ce que nous que

Empereurs dans Commode, serions

voyons et dans leurs

la cupidit

n'arrtoit tous, si Dieu nous donne toutes sortes

1. loge de Des Billettes.

10 crimes.

PORT-ROYAL.

luiainsi, Tillemont parlant s'exagrait mme cette malice n'eut jamais. Sans nier certes qu'il tout ce qu'il cette suite dut de prcieux et d'accompli d'heureuses et. cette seconde nature qui inspirations la Grce, on sent foncirement et primitives'appelle ment a affaire qu'on Comme ses matres en lui un naturel ne suivaient des pas ne se servir que de dictes et tout d'abord aux sources, et lui chez philosophe1. la mthode

En

Collges, de cahiers, firent grands dans l'Art environ lui fit

qui consistait ils le mirent

tudier

l'loquence orateurs anciens. de penser,

deux mois, lire ensuite

Cicron et les Quintilien, Il apprit de mme la logique durant que M. Nicole lui expliqua une heure seulement par jour.-On

sur modernes, Cette habitude sienne. nius, nait de les tt un tique barrass

des philosophes quelques ouvrages il faisait des rflexions. lesquels rflchie tait tout naturellement la des Annales ecclsiastiques de Baro-

La lecture qu'il commena lieu d'adresser Celui-ci

ds ses premires lui donannes, tous les jours mille questions crut dans

M, Nicole. rpondre instances

le principe qu'il suffisait en deux mots, un colier; mais comme de M. de Tillemont lui montrrent bienchose de plus pour en histoire instruit satisfaire ecclsiasfois emqu'il ne

fallait qu'il quelque si solide esprit. Tout qu'tait Nicole, et il disait venir de annes M.

il s'y trouva plus d'une lui-mme agrablement de en Tillemont, de se trouver les choses

voyait point sans trembler pourvu. Bien des

crainte

ce temps-l, au dpris remises

aprs,

taient

1. Son pitaphe par Tronchai accuse merveille cette disposi Vit innocentia, simplicitate, tion, ce temprament fondamental inter paucos laudabilis, a puero usque ad vit quabilitate, finem unus semper ac sibi constans, quotidie repetiit quod quotidie fecit.

LIVRE

QUATRIME.

11

leur

place, controversiste calviniste,

et les rles

mieux

observs.

Quand

l'habile

aux prises avec Nicole, avait besoin d'tre prmuni de l'histoire qu'il s'adressait; devoir de lui fournir

dlicat que point M. de Tillemont aussitt en

ministre quelque fond sur quel c'tait ecclsiastique, et celui-ci de bons se mettait fondements

de quatre toute de faits pages, par une de ces lettres de sa fine criture et de discussion, serre et dis Si vous avez besoin de moi en quelque autre tincte chose, je suis D fendez'. Prier jamais tout disait vous et l'glise que vous dMar-

M. de Tillemont guerite n'avait son

un jour

mademoiselle

dification) que, laquelle A la lecture

de quatorze ans, -il que, depuis l'ge rien lu ni tudi (hors ce qu'il lisait pour l'Histoire ecclsiastique par rapport il s'tait

de travailler. propos de Baronius il joignit durant quelque* De de la thologie d'Estius. nous dit-on, l'tude temps, cette tude il passa une autre, qui tait la plus agrable tait la source mme il se mit pour lui parce qu'elle et les Pres. l'criture-Sainte tudier avec rgularit commena lui vint en pense de revers l'ge ans,.il cueillir tout ce qu'il rencontrerait sur les Aptres, et de dans le ranger peu prs suivant la mthode d'Usserius en dressant une conses Annales c'est--dire sacres, lecture, de dix-huit qu'il texture mesure montra des faits dans l'ordre des ses chronologique, tmoignages au fur originaux. et il sortent qu'ils cette bauche Dans cette

matres, lesquels y. dcou un gnie l'histoire, et un talent tout propre vrant tout particulier les difficults, pour en bien claircir 1. C'est la conclusion d'une longue lettre de Tillemont Nicole, qui roule sur le plus ou moins de continence des Evques et des Saints dans l'glise primitive, et qui est date du 24 juillet 1683. (Manuscrits de la Bibliothque Mazarine, T. 2297.)

12

PORT-ROYAL.

lui

conseillrent

de

continuer

le

mme

travail En effet,

sur

le

de l'histoire commencement l'exactitude d'une Foss, lui toit ment comme trs-fin, naturelle', la fidlit

de l'glise.

dit Du

trs-judicieuse critique qui d'un la justesse discernemmoire

n'chappoit, style noble pour trs-capable

laquelle rien facilit une incroyable un pour le travail, et serr2, et par-dessus tout un amour ardent tant de de qualits runies cette entreprise. le rendaient

d'une

la vrit,

Mais il n'eut pousser d'autre son travail, but, en continuant longtemps que l'utile d son esprit dans la retraite, son insoccupation et tout au plus celle de quelques truction particulire, il ne songeait aucunement amis; tel est L'tude dsintresse, sans autre Tillemont. Savoir s'adresser le caractre but au public. littraire de

sans que de savoir, en faire ensuite uvre d'art et monument, sans vouloir mme de paratre savoir en publiant, c'est l .s'inquiter et une tournure aussi une vocation de certains propre est merveille Cet ordre d'tude de esprits. reprsent nos jours de Fauriel. par des noms comme cette ceux de Raynouard ou Pourtant, studieuse application et purement ce qui en est

Tillemont uniquement ajoute, le sens, ce qui en est l'me et le rayon dans l'ombre, la durant la veille il vraie lampe dsinl'tude pratique tresse en vue de Dieu 3. 1. Entendez une critique relative. Tillemont ne mettra jamais en doute l'autorit d'un saint Pre mais il examinera et discutera, s'il le faut, toute question.de dtail compatible avec ce fonds de soumission premire. aussi relativenient 2. Entendez-le aux autres styles de PortRoyal. 3. Il y a sur l'tude dsintresse, sur sa douceur austre et durable, de .belles pages dans la prface des Dix Ans d'tudes historiques de M. Augustin Thierry. Les Mmoires de Du Foss nous offrent un endroit qui les rappelle. C'est quand Du Foss va des Granges a Paris faire un petit sjour pour examiner les manuscrits de saint Jean Climaque avec les Commentaires d'lie de Crte, qui

LIVRE

QUATRIME.

13

avant de longtemps se dcider de vie; et on pour pour un genre le regardait mme comme indtermin l-dessus, trop dit son frre le trappiste, on aime parce que, comme Cours, un tat, d'ordinaire que les gens veulent devenir. en ce point, Mais son retardement ajoute-t-il, et d'indolence ne venoit pas d'irrsolution l'unique raison de prendre c'est qu'il qui l'empchoit un parti, de tous cts Nous n'apercevoit que dangers. voyons savoir dans du cette indcision qui mme la balance les parties tait dans critique, et n'incline D'ailleurs ter rer dans pse toutes lenteur. qu'avec le choix le mme tat ds de propre d'une tout la l'esprit question, fait mme resvoie bientt ce

A la fin de son

il fut assez

Tillemont et marcher

o il se trouvait jusqu'

soixante,

de dix-huit l'ge en se maintenant voil l'et sa

ans, y persvlibre de tout ce choisir dans le

engagement et qu'elle seul; saint obir. En 1656,

trop particulier, t surtout, si on plus plus lorsqu'il tard, avant

carrire, laiss se la entrer os, sortir

et quand, ministre

il se rsigna qu'il n'aurait ordre de

ce fut pour de Port-

y eut

se trouvaient dans la Bibliothque du Chancelier Seguler, et dont Ce fut une vraie fatigue pour moi, M. Le Matre avait besoin dit-il; car je partois le matin de chez M. de Bernires, o je demeurois, avec un petit pain dans ma poche; et je passois la plus grande partie du jour dans la Bibliothque, m'en revenant souper le soir chez mon hte, qui n'toit pas peu tonn de cette tude si cache et si laborieuse pour un jeune homme. Mais le plaisir que j'avois de celui que je donnerois M. Le Mattre en lui portant es qu'il dsiroit avec ardeur, me rendoit douce cette Commentaires, fatigue. Ici ce n'est pas l'tude pour l'tude, ni pour l'art qu'on en tirera; il y a plus de dsintressement et de joie encore c'est l'tude pour Dieu et pour M. Le Mattre, pour un ami en Dieu. A ceux qui aiment se complter et faire collection de penses sur chaque sujet, j'indiquerai encore un article insr au tome XIII des Causeries du Lundi et intitul Guillaume Favre de Genre, oit l'tude pour l'tude.

14

PORT-ROYAL.

des Champs, Royal alla demeurer dans

M. une

de

Tillemont

avec

Du

Foss rue des Akakia

en compagnie Postes, du Mont) et de son frre associa jeunes. toujours, chteau M. car Singlin; M. de Tillemont il tudia. Trois

maison petite d'un ecclsiastique

de la (M.

du Lac), (M. Akakia les deux amis taient ce qu'on ou quatre ans aprs, alors et du renvoi fit l

que leur un peu le verra faire il alla au

de Saint-Jean-des-Trous, de la mort de M. de Bagnols Lyon;

par suite de ses enfants

vide

il y continua ses tudes ecclsiastiques (1660M. Burlugai, avec le cur du lieu, docteur de 1661) Du Foss en tait aussi1 et fort habile homme. Navarre le mme sillon il suivait mais avec un que son ami, Il se permettait mme peu plus d'ingalit. quelques distractions. miers Roi Paris mois Ainsi de cette il nous retraite Reine firent raconte au que, chteau entre durant des les prele Trous,

et la nouvelle

leur

solennelle

M. de Tillemont n'eut pas mme (26 aot 1660) mais Du Foss se donna de bouger, le spectacle l'ide dans son admiration et comme, inde cette crmonie il en parlait M. de Saci avec un au retour nocente, reste riant ce dernier lui rpondit en soud'blouissement, ces splendeurs d'habits et de pierreries que toutes

M. de Til1. M. Burlugai tait savant en histoire ecclsiastique; lemont et lui, et mme Du Foss, faisaient chacun en particulier et ils se les des remarques sur les difficults qui se prsentaient, ensuite, Toutes ces remarques restrent entre les communiquaient mains de M. de Tillemont, qui elles servirent pour son Histoire. On ne saurait concevoir une absence plus entire d'amour-propre et d'esprit de proprit dans le travail intellectuel. Du Foss se met l'uvre pour M. Le Matre, lequel se borne lui-mme revoir et corriger les traductions dites de d'Andilly. Tillemont livrera plus tard tous ses Recueils sur saint Louis M. de Saci, puis M. de La Chaise; et son tour il nous reprsente sous son nom, le seul aujourd'hui clbre, ces autres noms obscurs etsi'estimables de son ami Du Foss, de M. Burlugai.

LIVRE

QUATRIME

15

lui

paraissaient, raison de deux les tours et une

aprs diamants

tout,

de Notre-Dame.

peu de chose, en compaaussi gros que qu'il se figurait Par cette sorte d'admiration

fois pour toutes, M. de Saci se dispensait de toutes les petites admirations de ingnieusement Et il ne faut pas s'tonner, dtail. s'il ajoute Du Foss, tenait un tel langage, dans ayant appris de saint Jean, en bloc la d'or douze M. description pur, que de la Cleste sa muraille taient bien pu Jrusalem, tait de jaspe, de douze rpondre qu'elle et qu'elle M. tait avait de comme

portes qui Tillemont aurait de Saci. Voil donc les

faites

perles. Du Foss

de la jeunesse de orages plus grands M. de Tillemont de la solitude des Granges la maison solitaire de la rue des Postes, de celle-ci au chteau dsert de Saint-Jean-des-Trous, tudiant et priant toujours. Il alla croissante, du naire

en ces annes encore, pourtant chercher un abri Beauv.ais digne M. de vque extraordinaires 24 ans), l'histoire. au M. Buzanval. d'estime.

de perscution dans le SmiOn l'y reut Tout jeune dj comme M. Hasl qui de m-

avec des marques qu'il tait (il avait trs-habile dans

on le considrait Hermant,

la thologie enseignait rite que nous connaissons lgues de M. de M. de Tillemont fondir mmes Cette ble l'histoire dans leurs un considration Tillemont

ces gens Sminaire, titre de matres ou de col-

s'accordaient pour indiquer Beaupuis, aux jeunes gens qui voulaient approeuxde l'glise, et ils le consultaient doutes dont cueil. les points on l'environnait Il en crivit sur embarrassants. parut M. l'humde

Saci, son directeur, et lui demanda si ce n'tait pas une raison et chercher une retraite pour quitter.Beauvais Sur un conseil que lui donna M. de Saci, et plus sre. la h la rigueur, il voulut pousser qu'il interprta trop

16

PORT-ROYAL.

de rpondre s'excuser jusqu' lui demandaient M. Hasl lorqu'ils M. de Saci, en y revenant, tempra rgla. Mais

rserve

M.

Hermant

et et le

un claircissement. ses craintes,

apais d'un ct, renaissait scrupule, de Beauvais, toujours. L'vque aprs l'avoir dtermin, non sans peine, recevoir la tonsure, disait volontiers et assez haut qu'il n'aurait de plus point eu au monde de l'avoir que d'esprer pour sucEt en effet, si l'on met de ct l'obstacle du aurait pu prJansnisme, Tillemont, par sa famille, tendre tout dans l'glise. Ces honorables de paroles taient pour l'humilit une noul'vque du jeune homme grande cesseur. consolation velle vaient devait et sensible les blessure. cts. de Ces blessures-l digne et lui arride tous atteindre Son pre, magistrat, qui la avoir enfin tant de plaisir

le modeste

qu'il l'obligeait y insrer d'dification. toujours quelques paroles M. de Tillemont, dans ses rponses, se plaint avec resmonsieur et mapect de cet ordre que lui donnaient dame Le Nain; il s'y renmais, tout en s'en plaignant, bien mnages le dait, et comblait par des insinuations dsir paternel. Du cinq Vies Sminaire, ou six ans des il dans alla la passer maison (toujours Beauvais) de M. Hermant les

l'ge douleur de lui survivre, et d'utilit aux lettres

patriarche son pre trouvait fils,

de ce cher

publies

Pres et Docteurs de l'glise quatre grecque, et en son nom ont certaipar M. Hermant

1. La premire qui parut en 1664, la Vie de saint Jean Chrysostome, fut donne sous le nom du sieur Mnart (anagramme d'Erc'est celle laquelle.Tillemont dut contribuer le moins. Les mant) Vies de saint Athanase, de saint Basile, etc., publies ensuite, parurent sous le nom avou de M. Godefroy Hermant. Je voudrois ici, dit-il dans la prface du saint Athanase, pouvoir tmoigner ma reconnoissance ceux qui m'ont fait cette faveur (de m'instruire par leurs lumires), mais leur modestie est un obstacle cette dclara-

LIVRE

QUATRIME.

17

nement intime,

de profit o Tillemont

cette voulut

communication disparatre.

habituelle Cependant

et les

et les tmoignages de l'vque, qui gards persvrants le suivaient hors du Sminaire, dcidrent Tillemont de quitter tout fait la son pre de lui permettre prier ville il n'eut de Beauvais; sinon que M. de Beauvais suites donner, raison pas d'autre et qu'il le considrait trop, lui n'en fussent dangepour force de vivre dans les premiers tout d'un quelqu'une un peuple humble de ces saintes et les prtres et le particulier, il de(1669), et Du Foss, clbre comme

craignait que les reuses. Il semblait sicles violences d'une faisaient De meura aussi de l'glise,

qu' il craignt

par lesquelles ville se saisissaient

vque. retour Paris encore avec' deux M. Le

la Paix annes

de l'glise environ avec bientt

solitaire rue ils une maison prdicateur; au faubourg De cette nouSaint-Marceau. Saint-Victor, de Tertulvelle communaut d'tudes l'Histoire sortit C'tait le lien et d'Origne, publie par Du Foss seul'. tion, et m'empche de dire ici tout ce que je souhaiterois touchant le secours que j'en ai reu. Au reste, M. Hermant, plus contentieux parfois qu'on ne le voudrait, se retrouvait lui-mme de cette race de Port-Royal en humilit et en abngation littraire. Le Premier Prsident de Lamoignon, dont il fut de tout temps l'ami, l'ayant inform que la Gazette avait dit du bien de son Chrysostome, il s'en montra plus attrist que satisfait. Comme c'tait en un temps o la perscution frappait et diffamait tous ses amis, cette louange lui devenait comme une ironie cruelle et une amertume. L'aimable Premier Prsident avait beau lui annoncer que des Jsuites eux-mBmes avaient fait l'loge du livre chez lui, M. Hermant ne donnait point dans ces douceurs, et il se refusait aller jouir des ombrages de Bville, tandis qu'on avait dispers dans les carrefours les pierres du Sanctuaire c'est ainsi,qu'il apDcidment nos amis, depelait les religieuses de Port-Royal. puis le premier jusqu'au dernier, taient de parfaits originaux au regard du monde. Je crains que la race n'en soit perdue. 1. Sous le nom du sieur de La Motte. Du Foss lui-mme ne pr-

Tourneux, avaient lou

IV

2

18

PORT-ROYAL.

besoin utile

et la religion sans l paratre,

de

M.

de Tillemont en servant le secret

d'tre

ainsi

les autres.

'de s'effacer Tel on l'entrevoit dans envers M.

l'glise par de:sa'conduite

et de son procd, soit soit envers le traducteur envers Lombert), Il avait joie obliger'. (M. d'utrui demandait connatre. de son tait travail

Hermant, je l'ai dit, et l'historien de saint 'Cyprien tous ceux enfin qu'il pouvait

de

et faire pourtant qu'il ainsi abandon de ses ouvrages aux autres, il discernait ne le quittait (car le discernement, qu'on le sache bien, ceux qui il se communiquait avec cette conjamais) fiance. Travaillant touffer en lui-mme tout sentiment celle pour mais de vanit, des autres porter quand il ne croyait contribuer pas devoir il ne se serait pas ananti .de la sorte l'idole de quelque crivain glorieux; tribut il reconnaissait des vues pures, un labeur 'entrepris de rserv. et poursuivi en ide de Dieu, il

qu'on facilit Quelque

se dcharger entre les mains toute la grce qu'il accumul; ne le donnt point lui-mme

dsintress, n'avait rien C'tait mont dans chants

le temps de la Paix de l'glise M. de Tillene se trouvant assez spar du monde pas encore sa rue Saint-Victor, et attir sans doute par les

et les cloches du saint recommenants rjouies alla demeurer la campagne dans monastre, (1672), la paroisse de Saint-Lambert, entre Chevreuse et PortM. de Saci, usant-de son autorit, Royal des Champs. lui fit recevoir successivement les diffrents Ordres (car

tendait pas en tirer honneur. L'abb de Longuerue, parlant de cet ouvrage avec loge, ajoutait que Du Foss, qui avait t quelque 'temps avec M. de Tillemont, ne put s'accorder avec titi. O at-il t prendre cela? 1. Les savantes notes dont M. Du Bois accompagna ses traductions de saint Augustin sont de M. de Tillemont. C'est d'Olivet, dans sa notice sur Du Bois, qui nous l'apprend.

.LIVREl'humble lui de dans hlas! cette glin, Cyran. vue sans l'abbaye, confrer 1676'. la leur sainte et M. prochaine trop la devant que de Il conduite interdire; violence M. que Singlin clerc la le n'avait prtrise destinait des

QUATRIME.que aux mme mes, et c'est lui-mme avait avait de il Saci, fit un btir petit de la tonsure), quatre-temps ces tre mes il son et il du put

19enfin

Carme

successeur qu'on allait,

pourquoi avait subie quarante laquelle sur la

lui

appliquait de de Dans M. SinSaintcette

subie de M. ans. il se cour

Tillemont. de M.

soumettait mme oit il de ha-

sonder, l'glise,

logement2,

1. toutes

Le Journal

de

)es circonstances

a not Port-Royal de la premire

comme messe

dignes de mmoire de M. de Tillemont

de Saint M. de Tillemont 25me (aot Louis, 1676), jour M. Arnauld et M. de Saci furent messe aux Jacobins. dit sa premire rservant Paris pour y assister. Cette messe fut basse et sans crmonie, dire cans ( Port-Royal) sa premire chante. Le vendredi il chanta solennellement 28me, jour de Saint Augustin, la messe d'aprs tierces. Ce fut M. de Saci qui lui aida, revtu de chappe de diacre et sous-diacre. La M. Bourgeois et M. Hermant lui servirent et avec l'ornement blanc messe fut chante du Saint, deux chantres, cloches. des grandes ftes. On la sonna aux deux Auparavant que de la lui-mme en chant, et on dit Veni Creator, commencer, qu'il commena Le mardi Deus qui corda fidelium, etc. aprs lequel il dit l'oraison A la dernire la grille bndiction de cette messe, on ouvrit pour le et aprs il imposa les mains tout le le .dernier recevoir; vangile, monde ici dedans, aux professes, postulantes, sculires; novices, enfants, et de mme au dehors. Aprs Vpres, il fit l'adoration. Les dire nelle leur amis de Port-Royal messe, l'glise l'heure sait tout qui devenaient leur au moins du de monastre. de la destruction. gr, mal gr, on est autres prtres premire Cette aimaient messe dvotion ainsi solendura

premire

et chante, dans la fin, jusqu' jusqu' et on 2. On a tout quand inform on de y habite tout.

et qu'on On a l'acte

bon Port-Royal, comme nous y pntre le maon et avec pass

faisons, avec les

du logis 'de M. de Tillemont. de mtier la construction corps pour et l'abbaye Celui-ci du btiment, paya le derpaya les trois quarts nier quart, le rez-de-chausse. L'acte a t dress s'tant rserv tait et sign M. de Luzanci de le 18 mai 1676, qui par charg cet office du post-scriptum, mnage on lit et de Je cette lui intendance ai donn et domestique; pour vin du march en un

20

PORT-ROYAL.

mais la perscution de 1679 l'en fit annes; sortir. Tout le crdit de son pre et de ses parents, qu'il mit en action de retourner en cette patrie pour obtenir demeura inutile. Il se retira alors la de Port-Royal, bita deux il portait le nom, une lieue de Vincennes, et, part un voyage prs Montreuil il n'en sortit en Hollande', sa mort que plus jusqu' visites faisait au pour de courtes qu'il chaque anne, mme, de lui comme secrTronchai, qui passa auprs taire les huit dernires nous a laiss la Vie et annes, diteur de M. de Tillemont. des Mmoires de l'Esprit M. Tronchai nous a paru svre dans le juFontaine, en a port 2; mais lui-mme, avec plus de qu'il et plus de critique, n'a-t-il le prcision pas t comme de son pieux et docte matre ? Il mrite Fontaine en eHet cette louange,plus dans notre bouche grande qu'il n'et gement son excelJ'aidj emprunt pu le supposer. beaucoup de Tillemont, et je continue lent portrait d'en tirer un un les meilleurs tant il y a, selon moi, de finesse traits, dans l'aplomb de et de nuance mme et l'uniformit cette M. sainte figure. de Tillemont avait pour maxime afin que abesoin de l'esprit d'tre arrt temps M. des vacances, chez ses amis. terre de Tillemont dont

ce qu'il que, sachant a faire, il ne soit pas emport par sa propre lgret. en Carme, et quatre heures du matin Depuis quatre heures et demie dans le cours ordinaire de l'anne, jusEt c'est dans les Papiers du ministre secrtaire cu blanc. d'Etat, M. de Pomponne, frre de M. deLuzanci, qu'on est tout tonn de rencontrer ces comptes et mmoires d'ouvriers de la maison des Champs. 1. Il y alla pour visiter M. Arnauld qui y tait rfugi, et M. de Neercassel, vque de Castorie (et rellement archevque d'Utrecht), le grand auxiliaire de Port-Royal en ce pays. 2. Tome Il, page 245.

l'homme, par une

naturellementinconstant, suite d'actions fixes,

LIVRE

QUATRIME.

21

qu'

neuf

heures

et demie tous

du

soir,

sa vie tait

jour comme premier ce temps, hors deux qu'il exact employait dire chaque

les jours. Il tait heures de relche aprs ordinairement marcher. Office son heure

le rgle, enferm tout son dner, il tait

il quittait sonnait, que cette heure regret, ce qu'il se reprochait mais il croyait parfois suivre l'esprit de l'glise, qu'on devait en cette exactitude qui est d'arroser Il appris savait Quand chantait son luxe Sa de se renouveler ainsi de temps'en temps, qu'il son ouvrage par des prires. aimait le chant extrmement d'glise, de lui-mme ds sa plus tendre si parfaitement, il n'allait pas lui-mme et sa fte. concise. Rarement qu'on il prvenait l'interroget. dansles peut-tre faire des instrucdans le qu'il sa paroisse sa chapelle

propre et, ds ft-ce mme l'tude,

et avait

et il le jeunesse; trs-bien. composait pour Vpres, il les c'tait en domestique

en public, except de sa prtrise, premiers temps pour tions la campagne. Il s'tait accoutum de bonne heure dans son Histoire ne pas s'tendre, ne prendre d'un mais cet essentiel, il le disait avec sujet que l'essentiel une vive plnitude, avec une onction particulire, et ceux qui l'avaient souvenaient Dans faisait ses entendu, toujours. ou un mme bton voyages, qu'il la main, comme un ses mme les plus simples, s'en res-

tait parole le premier, parlant Il n'a jamais parl

et il attendait

promenades, pied, toujours

de campagne, comme sa simple prtre Mabillon, bont le rendait affable avec les petits soit d'ge, soit de Il les saluait tous quand il les rencontrait, condition. et leur parlait comme ses frres. Un certain air de saintet sur son visage l'accent de ses patranspirant ajoutait roles. que Il disait nous, des et un domestiques homme ne doit Ils sont rien un aussi homme nobles. que

22

PORT-ROYAL.

l'amiti. lire

des A l'gard le rabaissait jusqu' Illeur rendait

mirable.

une charit enfants, particueux avec une simplicit adraison de tout, mme aux plus jamais perdre, par son autorit. biographe Mais lui-

il ne leur petits coutons ici, sans mme

imposait en rien

Il leur disoit toujours quelque chose d'instructif, quand Il s'appliquoit surtout leur donl'occasion s'en prsentoit. ner une ide de leur me, pour leur faire concevoir quelque et les lever par l Dieu. Il tiroit des chose de spirituel, raisons et des comparaisons de tout ce qui se prsentoit. Il de jeunes enfants qui gardoient demandoit des quelquefois se laissoient conduire vaches, comment de si gros animaux par eux qui toient si petits. Il tchoit ensuite de leur faire par l qu'il falioit donc qu'il y et en eux quelcomprendre que chose de plus noble et de plus lev qu'en ces btes, et que c'toit leur me; qu'elle toit plus excellente que le Soleil et que tout ce qu'il y a de plus beau au monde; mais que le et la rendoit plus difforme que les plus pch la dfiguroit, horribles btes leur inspirer de l'horpar o il cherchoit reur du pch. Et pour leur apprendre en partie ce que c'toit, il leur disoit, en un mot, que c'toit ce qu'ils n'osoient Il aimoit leur faire devant les personnes qu'ils craignoient. et rvroit en quelque sorte leur innocence. simplicit, de l'enfance, d'aprs Tiilemont, avec celle que M. de Saint-Cyran contradictoire non moins mais d'aspect, charitable, montre, c'en est le correctif et le complment. vre trer plus avant dans ces dtails, qui rappellent lemont l'aimable tendresse de saint Franois celle des anciens Pres des dserts Cette ide n'est pas

nous a plus sOsons de Sales enet chez Til-

Il toit bien aise, nous apprend son biographe, qu'on les plus petits la Messe, et il n'apprhendoit apportt pas tant qu'on fait d'ordinaire, de les y entendre pleurer Leurs et des aprs un saint Pre, sont leurs prires, cris, disait-il Dieu n'est point insensible. Il auroit prires auxquelles

LIVRE

QUATRIME.

23

dit ceux qui ne les peuvent souffrir, ce que saint abb en gypte, disoit ses Frres, Pemen, qui vouloient leur retraite les pleurs quitter parce qu'ils y entendoient C'est donc cause des voix des Anges que des enfants vous voulez quitter Il croyoit que leur assisce lieu? l'glise, tance . l'Office divin toit avantageuse dont ils du sicle, la plus saine sont, dans la corruption prsente contribuoit faire exaucer les portion; que leur prsence Dieu, et qu'elle leur toit utile prires qu'on adressoit comme tant les moins opposs aux impressions eux-mmes, de la Grce que les Mystres en eux. confirmoient volontiers et pntrons, ce me semble, dans l'avanons dans l'intelligence de cette me de tude de cette figure, attentif se droTillemont. lent, monotone, Humble, Nous nous l'avons et creuse, suivi, nous nous sommes diraipeu peu levs (ou enfoncs, de nous toucher, qui viennent je ?), jusqu' des accents et leur tendresse, par leur profondeur par une j'espre, beaut. sorte d'anglique ber dans le sillon qu'il et celle de Tillede M. de Saint-Cyran l'ide Oui, les bien entendre, sont insparamont sur l'enfance, si fort l'Ange bles. C'est dans que l'un adorait parce si fort l'Adam y redoutait que l'autre et c'est parce qu'il avait une si effrayante prt renatre; ide de la corruption de la masse des hommes, prsente l'enfant baptis que M. de Tillemont encore tout l'enfant se rejetait si amoureusement pur du baptme. vers

Et qui mieux qu' lui convenaii-il d'avoir cette rvrence et cette confiance lui pour l'enfance chrtienne, sa vie fut une sainte, dont on peut dire que toute une et vnrable lui qui resta l'enenfance; sage, judicieuse fant bien assemble qu'il ds l'enfance, esprit d'exacte critique au cur de cette conserve critique examen, voil l'entre-deux que du baptme durant les deux extrmes ses soixante annes ? Saisissons concilie et qu'il

d'enfant ingnuit et de ce continuel sut remplir

Tillemont

24

PORT-ROYAL.

(pour

parler

avec

Pascal),

et ce

qui

le fait

vraiment

grand. Il fut

en tout, jusqu' son dernier jour et dj vieilde ses premires son pre avec la docilit lard, soumis et matre, et il l'honorait comme son seigneur annes chose sans sa permission. pas la moindre il eut donn au public de son premier volume Quand l'Histoire des Empereurs le Journal des Savants (1690), en parla d'une manire fort avantageuse 1. M. Le Nain, son pre, voulut lui faire lire cet article; mais M. de (il avait 53 ans) le pria de l'en dispenser,.et avec la pudeur de l'enfance, qu'il n'avait pas rpondit, du dtail de ces louanges; besoin de nourrir son orgueil Tillemont qu'il n'tait qu'il lui tait pas ne travaillait faisoient plus que suffisant entirement mcontent pas en vain dj de savoir qu'on de ce qu'il faisait, et car, est-il dit, les ne faisait

louanges lui que

sur 'peu prs la mme impression et les mpris font sur les autres les injures dans ces hommes. On voyait sensiblement qu'il souffroit et la rougeur L'air qu'il prenoit occasions. de son visage ses palaisser entre son ne lui M. de

le

assez, sans qu'il le tmoignt marquoit par il n'y rpondoit afin de roles. Souvent point, de pareils discours, qu'il auroit plus tt tomber Quant tenus ou prolongs par ses rponses. de prs de 90 ans, qui patriarche pre vnrable, dans sa douleur survcut que de peu de jours',

l'ayant Tillemont, g de 60 ans, mourut prs de son lit, de Beaupuis, son vaussi de M. Walon et en prsence matre l'lve soumis, l'lve-vieilnrable -toujours de ces deux pres. bout l'enfant lard, et jusqu'au il avait reu un quartait grande. Sa charit Quand 1. rig 2. le 9 A la date du 10 juillet 1690. Le Journal des Savants tait di cette poque par le Prsident Cousin. M. de Tillemont tant mort le 10 janvier, M. Le Nain mourut fvrier suivant (1698).

LIVRE

QUATRIME.

25

tier

de sa

pension par

(car prlever

il n'eut

commenait lui-mme

jamais la part des

d'autre

voquer vif scrupule

ses pensionnaires les autres aux bonnes de charit,'il

pauvres de chaque mois. Pour uvres et leur insinuer toutes sortes

il bien), il avait proson

trouvait

de rai.

sons ingnieuses, bien solides subtiles, presque pourtant des Chrtiens. Par exemple, s'il voyait mourir auprs dont les parents (nous dit son biographe) un peu leur aise, il leur reprsentait que Jsuscet enfant et de le dos'tant Christ, charg de pourvoir ter d'un leur demandait en retour de riche hritage, quelque fussent enfant etde soin de ses membres, prendre qui sont les pauvres, lui attribuer la part mme qui tait en leur personne de la maison et destine cet enfant que les frres ne pouvaient s'en plaindre surs lgitimement qu'ils s'en fliciter source auraient bien plutt comme d'une de bndictions reux ailleurs, de l'affection Nous tendait dont rons nous de M. savons et les aurons Hamon et que le mort, bienheurejaillissantes, cette marque avait droit d'attendre d'ici-bas et de la tendresse ses penses diversifiait nous paternelle. divines sur l'enfance manire il les

d'une ressouvenir

et adorable, qnand nous parle-

dont il et C'toit de ces petits innocents, dit Tronchai, les funrailles il et souhait voulu .honorer davantage pour leur spulqu'on leur et donn une place particulire ture, comme tant dignes de n'tre pas mls avec la foule des pcheurs. Il disoit qu'il n'y avoit presque plus qu'eux dont on pt assurer le salut encore n'avoit-il l'assurance d'une batitude prsente que pour ceux qui n'avoient pas eu et il n'en fixoit pas le temps l'ge l'usage de leur raison; 1. Je le crois bien. Ces enfants dont Tillemont, dj vieux, entoure le berceau de tant de chastes craintes, sont ceux qui, s'ils vivent, deviendront les hommes de la Rgence et de cette entre dissolue du dix-huitime sicle.

26

PORT-ROYAL.

de sept ans, comme fait le commun du monde. Il y a des enfants qui, connoissant de le plus tt le mal, sont capables commettre avant cet ge. Il est vrai que, comme les passions ne sont pas encore bien vives, il n'y a pas apprhender de si grands maux. Mais si leurs fautes ne sont pas telles il jugeoit par qu'elles les fassent tomber dans la damnation, de Dinocrate, frre de sainte Perptue1, l'exemple qu'elles il au moins diffrer leur bonheur c'est pourquoi peuvent prioit, mais avec confiance, pour ceux qui avoienteu quelque usage de raison. Ces pages de Tillemont et achvent d'excompltent ce me semble, tout ce que nous pouvons rendre primer, de l'ide grave, profonde, la fois terrible et, j'ose dire, chrtiennement de l'enfance, telle qu'elle est clmente, ds l'origine dans l'institution des coles de et telle qu'elle en ressort fidlement. Port-Royal, M. de Tillemont, cet enfant de Port-Royal si irrcuempreinte sable cur et si authentique, et d'esprit dont dans toute de gnrale sa vie offre l'exemple, semble la circoncision

fait en mme et pour prsenter nature.

sur plus d'un point, temps pour adoucir, modrer ce que certaines de nos teintes ont pu de trop svre et de trop antipathique la Si son pre vnrable lui survcut de quelques

il eut ensevelir sa mre. Il venait Paris jours, pour la voir au logis o il croyait la trouver et, en entrant il apprit qu'elle tait morte. de ce coup vivante, Frapp lui qui avait l'me fort tendre, il se contint poursoudain, Il accepta mme l'offre que lui fit le cur de la paroisse de dire la grand'messe et il se trouva de funbre, force clbrer bout la crmonie de la spuljusqu'au Nous ture. reconnaissons l l'lve et le successeur tant.

1. Le petit Dinocrate, mort l'ge de sept ans,. apparut sa sur comme tant dans les peines de l'autre vie, et il en fut dlivr par les prires de la Sainte. (Tillemont, Mmoires pour servir l'llistoire tome III, page 148, seconde dition.) Ecclsiastique,

LIVRE dsign trappiste lent, etil de sur ne M. cette s'en de Saci. mort dfend

QUATRIME. Mais, crivant ses son larmes frre

27 le cou-

il s'panche plus

Dom Le Nain, de blmer les larmes loin, crit-il avez rpandues pour que vous elle, j'espre que c'est Dieu la Le dtachement que qui vous les aura fait rpandre. nos proches, ne diminue d'avoir pour pit nous ordonne Bien rien mente de l'amour encore. que nous La charit de la il le purifie et l'augportons de l'insensibilit, est bien loigne duret et de la stupidit dont les leur de leur mais vertu. elle La vraie les fait pit ne couler o il

ne pour Stociens sche faut1. Telle avait genre convient

pas dire faisoient du tout

le comble les larmes,

point

tait conserve dont de

la tendresse au l'aridit dire milieu gagne quelques

d'me de

que ce ses travaux

grand

critique d'un pineux, l'esprit. de ses Il im-

souvent mots, du

jusqu' moins,

de sa mre, et Saci officiant 1. Tillemont pour les funrailles de la sienne, faisant de mme l'enterrement qu'il avait assiste la fin des dans l'agonie (tome II, page 330), tous deux attendant se rappelaient devoirs sacrs pour laisser dborder leur douleur, la mort de son de saint Bernard sans doute le grand exemple ces belles pafrre Grard; et, aprs lui, ils auraient pu rpter a Sed feci vim animo, ac dissimulavi roles usque huc, ne affectus videretur. fidem vincere Denique, plorantibus aliis, ego (ut adversiccis ocusiccis oculis secutus sum invisum funus, tere potuistis) sunt exsequiarum lis steti ad tumulum, cuncta peracta quousque solitas in eum orationes sollemnia. Indutus proprio sacerdotalibus, terram meis manibus ex more jeci super dilecti corore complevi, et miramox futurum. Qui me intuebantur flebant, pus, terram de saint Ces touchantes paroles bantur quod non flerem ipse. sur le Cantique Bernard se peuvent lire au XXVIe de ses sermons du saint lieu de continuer des Cantiques, l'explication lorsqu'au et qu'il ses religieux, il n'essaye texte devant plus de se contenir, sa douleur enim dissientre tout d'un Quousque coup dans cet entier rapprochement mulo ?. Mais c'est nous qui faisons dans leur humilit, d'eux avec le grand Saint; les pieux disciples, n'osaient se le permettre que de bien loin.

28

PORT-ROYAL.

menses

le mrite et ouvrages, pour en bien dterminer son grand corps d'Histoire le caractre. ecclLorsque .fut assez ses amis le pressrent de siastique avanc, publier. commencer Pour obir leurs instances, il mit le premier volume lui donna; mais qu'on certaines de loin passer. petites la foi, Le entre les mains d'un avec Censeur lui sur il ne put s'entendre difficults qui ne tenaient et que ce Censeur

ni de prs ni ne voulait point lui

exemple, tre ni buf

thologien puriste que M. de Tillemont ni ne dans

ne pouvait souffrir, par dit qu'il n'y avait peutl'lable o Notre-Seigneur prit

l'adonaissance; que les Mages ne vinrent apparemment rer qu'aprs la Purification; que Marie, femme de Clotre vritablement sur de la Sainte- Vierge; phas, pouvait choses de cette nature. et autres M. de Tillemont, si soumis, (nous tude de sa vie), tait un historien et, ce titre, il avait aussi critique; cda point sur ces moindres dtails; autoris pt ces taire Peu si humble, venons assez si peu attach son propre sens de nous en faire ide dans l'habiun vrai pourtant, ses devoirs. Il ne car il s'y croyait que l'on sur ou

et il ne jugeait historiquement, pas contraindre un historien dans ses sentiments de qui ce ni matires, lui paroissoit l'obliger de plus combattre

sortes

vraisemblable.

d'ailleurs de se livrer au grand empress jour., il retira son ouvrage, et continua avec d'aud'y travailler, tant plus de paix, disait-il, qu'il ne songeait plus le produire. Cette chicane ment non dans la distribution. seul qu'un de l'glise amena un changeCenseur premier le fond du travail, mais dans l'ordre et M. de Tillemont voulait d'abord ne faire et de celle de les span'avait Empereurs pas on l'engagea comdu

des Empereurs corps de l'Histoire ses amis lui conseillrent alors

et comme l'Histoire des rer besoin d'un censeur thologien,

LIVRE

QUATRIME

29

de ce ct l'impression, et pressentir 'par l le Il donna en 1690, son premier donc, got du public. volume de l'Histoire des Empereurs, qui fut suivi de cinq mencer autres (en tout 6 volumes in-4); les quatre du vivant de l'auteur parurent (1690-1697); ne fut publi ans aprs sa mort (1738). que quarante Le succs des premiers fit dsirer de plus en volumes le Chancelier de France plus l'Histoire ecclsiastique Boucherat exprs l'Histoire paratre. Avant de diffrents mme tmoigna un nouveau vouloir Censeur, des six premiers ecclsiastique y prter la main et les Mmoires on choisit pour servir Sicles purent premiers le sixime

la publication, cet ouvrage mettre sous titres, suite et un mm

on pressa fort M. de Tillemont et de rduire les par annales, il est divis, en une lesquels

d'histoire l'inconvcorps en effet, de ces sortes de biographies nient, spares, c'est d'une fois sur les mmes qu'on y revient plus la vie d'un saint se reproduit en partie vnements; et l'on retrouve dans celle d'un chez saint Paul autre, chez saint Pierre. plus d'un point qu'on a dj rencontr Quelque conseil, le lui fondement quelque dans ce qu'il y et certains gards dfrence qu'il se sentt pour ceux qui M. de Tilleinont ne put toutefois se tout nouveau mais voudrait d'une il'offrit matire d'aban-

donnaient, ce remaniement rsoudre

qu'il avait tant de fois retouche; tous ses manuscrits qui donner dre, que ce ft quelqu'un ne se soit prsent. que personne Les Mmoires servir. pour pourvu dater ne de donna 1693,

l'entreprende capable. On conoit

ment, Tillemont

successiveparurent en 16 volumes in-4. M. de

par lui-mme que les quatre ou M. Tronchai, son biographe, cinq premiers. qui avait t initi ses travaux et sa mthode durant les huit dernires annes, mit les volumes restants en tat de pa-

30 ratre, pieux ment et en surveilla

PORT-ROYAL.

l'impression

avec un

zle rudit a t propre-

et

(1698-1712)1. L'objet de M. de Tillemont d'tudier l'histoire

en ses travaux

de l'glise et des Saints, et, du sicle, cette occasion, et Puissants celle des Princes les de l'tudier, mls, qui s'y trouvent d'aprs seules sources et dans les textes originaux, pour y chercher tions qu'il la vrit que a ainsi. un auteur et dgage de toutes les prvenpure, donnent De ce souvent les nouveaux auteurs. recueilli texte d'original bout continu, sur chaque point, prenant il de bout,

compose chaque endroits teur, sions chose

a de particulier, aux ce qu'il abrgeant o le fait n'est rapport que par un seul aus'attachant dans tous les cas reproduire les expresmmes de l'original de singulier, elles ont quelque quand ou qui marque quelque dit Du Foss, donner nous

de grand, Voulant, usage ancien. il a eu soin tle son histoire, l'glise les titres originaux de ne confondre ce qu'il dit lui-mme avec ce jamais dit tous les anciens. De scrupuleux crochets, qu'ont

1. On lui et dernier avait lume ce M. M. teurs, mis n'ait dtail

doit volume

mme de

la dernire paru (Histoire qui s'agit a qu'en

Empereurs main ds l'an 1725 ou 1726, Dom 1738. C'est Clmencet littraire t des manuscrite notre ce de

quelque l'Histoire

chose des

de plus

par

rapport M. bien qui

au sixime Tronchai que y ce vo-

Tronchai, moment qu'il de Tillemont. ce sont

jusqu'ici bons offices

-Un des amis qui sont modestes. de M. de Tillemont, et qui l'aidait non moins particuliers diligemment dans la rvision du manuscrit et du texte, avant et pendant M. Vuillart; tait crite une de ses lettres l'impression, je lis dans On a imprim au lendemain de la mort de M. de Tillemont son des Mmoires de l'glise. volume sur l'Histoire cinquime Nous avions relu ensemble sa langueur, la mapeu peu, durant tire du sixime. Il y a pour encore de besogne plus de dix volumes toute et o il n'y a plus que la lime douce passer. prte,

A Port-Royal, les diteurs aussi

guide, a pu que lui-mme ne sont pas seulement

m'apprend car Port-Royal); cesse de l'tre du rendre les au

LIVRE

QUATRIME.

31

dans lecteur

le courant studieux

rcit, s'y oriente

du

un peu. C'est, s'y accroche blic mme qu'aux gens du mtier, de son travail rsultat

la sparation. Le marquent et s'y dirige l'il vulgaire du reste, bien moins au puque Tillemont offre le

a La premire dans ses tudes a t, ditvue de l'auteur lui-mme. Il y en a joint ensuite une seil, de s'instruire conde, qui a t de pouvoir aider ceux qui Dieu auroit une vritable donn la grce et la volont de travailler Histoire de l'glise, ou aux Vies des Saints. Il a voulu les la vrit des faits, et de la peine de rechercher dcharger Ces deux choses d'examiner les difficults de la chronologie. sont le fondement de l'histoire. Il arrive nansouvent, moins, que les gnies les plus beaux et les plus levs sont les moins capables de se rabaisser jusque-l. Ils ont trop de ces le feu qui les anime, s'amuser pour peine d'arrter des esprits mdiscussions ennuyeuses, plus propres diocres. de se diminuer et de se rabaisQuel soin, ds l'abord, et charit toute ser lui-mme1! respectueuse 1 quelle beaux gnies! nullement Nous verrons ironique pourles eux vont d'entre quelques-uns tandis que les savants, mme ceux le lui rendre. Ainsi, l'tude veulent dsintresse, qui sont le plus vous tout l'heure comment vivre sinon pour et subsister, savants des autres au regard le gros du public, leurs confrres, du moins Tillemont

1. C'est la remarque que fait en commenant l'auteur de l'extrait du Journal des Savants (10 juillet 1690) Il est rare qu'un auteur estime son ouvrage moins qu'il ne vaut, et qu'il en donne une basse ide. C'est pourtant ce que fait M. de Tillemont, qui il ne tiendra pas que son livre (l'Histoire des Empereurs) ne soit regard comme la production d'un esprit mdiocre, qui n'a de l'exactitude que parce qu'il manque d'lvation, et qui ne s'est uniquement attach faire connoitre la vrit que parce qu'il ne s'est pas trouv capable de l'embellir. Le public lui doit la justice qu'il se refuse.

32

PORT-ROYAL.

n'a vobis

de

dsir

que

de s'anantir

en

eux;

le Sic vos non

est son vu, sa vocation. Il est arriv, par un jeu et comme bizarre des choses, par une moquerie que ces avec tant et de de patience matriaux, prparait qu'il en vue d'un religion tout servi l'historien Gibbon, qui rent. Gibbon natre futur historien de l'Empire en a fait usage dans pourtant n'eut de l'glise, ont surau philosophe romain, un dessein le tort assez diffde mcon-

jamais

ses obligations envers le grand critique ecclsias Je me servis, dit-il en ses Mmoires, des tique Recueils dont l'inimitable exactitude de Tillemont, prend le caractre prfrable celle lation l'Histoire encore, grate presque la lecture des gnie. Et d'une si savante originaux pour Ces compilations d'une du il dclare ailleurs, et si exacte compicertaines de parties de Tillemont, dit-il inthoconsi-

Auguste. le dispensent recherche elles un

travers

et'trop trop longue l'ocan des controverses elles tre seules, de vrit

et do rpertoire ou tout ce que les Pres ont transmis, fable, de presque invent ou cru 1. Au lieu de rappeler ces loges si M. de Maistre a mieux aim citer un pleins de respect, C'est le mulet de Gibbon mot familier sur Tillemont il pose le pied srement, des Alpes etne bronche point, A la il s'empresse Et, commentant l'loge, d'ajouter bonne heure 1 Cependant le cheval de race fait une autre figure dans le monde 2. u soit quand il amassait que M. de Tillemont, dans le silence de toute sa vie, avec une application reet une sincrit tous les ligieuse que rien ne rebutait, faits de cette immense recherche qui semblait ses amis Je doute

car logiques dres comme

peuvent, immense

1. Miscellaneos Works of Edward Gibbon (1796), pages 596 et 80. 2. De l'glise gallicane, livre I, chap. v.

au tome II,

LIVRE

QUATRIME.

33

et dont il offrait volontiers une rude pnitence, le produit et l'emploi, comme s'il n'en avait peine; faisait soit quand, pied, son aux rares bton moments

aux autres aim

que la il de distraction,

pieuse visite La Trappe autre de ces lieux clbres

de plerin la main, quelque ou Marmoutiers, ou dans tout

des peuples par la dvotion bien fonde), doute -je (pourvu que ce ft une dvotion mme, que M. de Tillemont, quand dans ces voyages un paysage tout anim et travers et l tout consacr, peupl pour vie de prire, des louanges lui des Reliques des Saints, il observait sa et que, pour s'entretenir plus longuement il allait chantant de Dieu, dans sa marche doute qu'il appelle le monde. s'inquitt faire la figure beaucoup d'un che-

les petites Heures, --je de ce que M, de Maistre val de race dans On reconnat toujours l'esprit

l toujours le patricien de qualit. de

en M. de Maistre,

Montesquieu,'parlant lui, l'historien philosophe dence romaine, il nous

me touche Rollin, quand, de la Grandeur et de la Dcadit: Un honnte homme a,

enchant le public. d'histoire, C'est le par ses Ouvrages cur qui parle au cur. On sent une secrte satisfaction Il la vertu c'est l'abeille de la France. parler Un tel loge, dans la bouche de Montesquieu, l'gard de Rollin, ressemble une noble et bonne et action, vraiment mouille les yeux de larmes. Je passe Gibbon d'entendre loge le dit pas son de Tillemont, bon mulet il ne qui l'a port mauvaise ce mot par d'aufin, et il a rachet tres loges plus graves mais je ne passe pas M. de Maistre l'abus insolent qu'il en fait. Qui donc est plus en ce moment, charitable, plus chrtien plus quitable, de M. de Maistre ou de Montesquieu1 ? 1. On pense bien que je n'ai nullement prtendu rapprocher Rollin de Tillemont, Rien deplus diffrent que. le mode de compilation deIV 3

34

PORT-ROYAL.

Le grand digeste donc particulirement

historique qu'aux

de Tillemont savants

ne s'adresse

(autre que Fleury abeille), peut-tre donner si son Histoire commenait ecclsiastique de cette et si docte la fois, n'ait pas t charg agrable de Tillemont; ou plutt mise en Annales des Mmoires rien toutes ces n'est les regretter fois qu'on on a Fleury, et on a Tillemont au net veut discuter approfondir, sicles doit de l'Eglise, assurment celui-ci su-

il est regretter qui, de son ct,

vnements

des premiers Fleury

est l'indispensable. Comme historien, prieur qu'il parla embrasse

se dire

indpendance

du point de vue par l'tendue composition, dans sesDiscours gnraux, par l'honorable de jugement une certaine qui combine

avec la religion, de solidit par le mlange philosophie de'tout et de douceur cela. Comme critique, qui rsulte dans une voie plus ardue et plus aride, reTillemont, et fouillant sans cesse, avec cherchant puis construisant ses textes le crois, unique 1. authentiques plus original un sol ferme sa et continu, reste, je et vritablement manire,

chacun. Rollin n'y apporte presque aucune critique, aucune oriil se borne traduire en gros les Anciens; ginalit d'examen mais une saveur de morale et d'honntet rpand de la douceur sur ses pages. Voltaire, qui a bien parl de Rollin dans le Temple dtt Got, se montre dur et injuste dans une lettre Helvtius, du Le jansniste Rollin continue-t-il 24 mars 1740 toujours mettre en d'autres mots ce que tant d'autres ont crit avant lui? et son parti prconise-t-il toujours comme un grand homme ce qui reprolixe et inutile compilateur? Voil l'esprit mprisant parat, et c'est Montesquieu dcidment qui est humain et bon. 1. Tillemont dcouvre des matriaux et des sources l o on ne il y a de l'invention dans s'avisait pas d'en chercher auparavant ce qu'il recueille. Grosley, dans la Vie des frres Pithou, parlant avant eux de leurs travaux sur le Droit romain, a dit Personne n'avoit os considrer les Loix ecclsiastiques et civiles sous un point de vue aussi tendu, parce que personne n'avoit pouss

LIVRE

QUATRIME.

35

a risqu des comparaisons sur puisqu'on. de sa sret Tillemont, je dirai de lui et de sa lenteur, de son sillon en tous sens, ds l'aurore, dans le critique, sans offense C'est le boeuf sacr, champ je dirai aussi, Luc, le boeuf de la Crche (quoiqu'il ait dit qu'il n'y en et point). Nul savant n'eut la curiosit moins que lui il me rel'tude incessante sans la curiosit, sans la conprsente des yeux, autant est donn l'homme cupiscence qu'il sage, de se l'interdire. tres illustres Qu'on personnages le compare sur ce point d'audu sicle, ecclsiastiques tait tout l'avidit du savoir, le buf de saint

Moi

Huet, par exemple, lequel et l'on sentira la diffrence; de mme que, pour la sret de sa critique et la droite de ses conapplication on le peut opposer d'autres d'entre savants naissances, les Jsuites, soit Sirmond, soit plus vastes que srs, Hardouin, et parfait tude, Royal ou encore dgagement ce sont autant l'Oratorien d'esprit de caractres Sobrit Thomassin. jusqu'au fort de l'immense de Portpropres Je ne le trouve comparer heure dans la mod-

en lui. qui se dessinent dignement qu' Mabillon. Si matre ration qu'il

ait t de bonne

de sa curiosit, il ne se trouvait jamais assez mortifi son gr. Il n'obtenait pas ce qui nous semble lui avoir t si naturel, sans un soin de chaque jour et sans combat. C'est l le secret des curs les plus simples et vous y voyez la lutte, vous y assistez ouvrez-les, l'achat de ce et toujours marchand, toujours pnible, On a les Penses du grand Haller, que nous en admirons. a a aussi loin l'tude de l'Histoire et de tous les dtails qu'elle embrasse, Aprs eux, M. de Tillemont est le seul qui ait assez possd l'Histoire pour s'engager dans la mme carrire. Il tir des Loix, pour l'Histoire, les secours que messieurs Pithou avoient tirs de l'Histoire pour les Loix. Je me plais semer, chemin faisant, tous ces tmoignages.

36

PORT-ROYAL.

et on y lit les angoisses dans lesquelles sans intrieures, cesse il se repent et se gourmande. Tillemont s'inquitait lui-mme devant Dieu,'avec d'autant plus de scrut purement pule qu'ayant demand d'aimer davantage; qui devait plus graves, reconnaissance Notre cur, se disait-il (dans les Rflexions chrtiennes et qu'on a de lui), notre cur ne peut tre sans aimer; il ne le devroit pas vouloir, puisqu'tre quand il le pourroit, sans amour, c'est tre sans chaleur, sans ardeur, sans action, en un mot sans vie; c'est n'tre sans mouvement, pas un mais une pierre. Il faut donc aimer, et nous ne homme, ou la crature. Nous conpouvons aimer que le Crateur aux Philosophes de cevons aisment que c'est une vanit considrer les cratures, en s'appliquer simplement les secrets, chercher examiner comment toutes les choses se font. Mais n'est-ce pas tomber dans la mme vanit de travailler les choses saintes, les pour connoitre beaucoup actions des Saints, l'histoire de l'glise, sa discipline, sa doctrine mme et sur les mystres et sur les murs, si l'on s'arrte cette connoissance sans passer au fruit?. MonDieu, plus je me sens foible viter cet abus, plus j'ai recours votre misricorde de moi toute-puissante. loignez de curiosit. Que les dsirs de mon cur ne tenl'esprit dent qu' vous; et s'il faut que mon esprit s'applique d'autres choses, parce qu'il est trop foible pour ne s'occuper que de vous, que je me plaigne et que je m'humilie de mon comme un homme qui le Prince donneroit le soin malheur, de ses btiments, parce qu'il ne seroit pas capable des affaires de l'tat. Que je m'occupe donc a mon tra. plus importantes ou plutt avec confusion, comme la pvail avec humilit, nitence Si je ne m'appliquois l'tude que j'ai mrite! elle n'enfleroit elle qu'en cette manire, point mon esprit, ne scheroit point mon cur; je serois toujours dispos la quitter pour prendre des lectures encore plus saintes, et devant vous dans la prire; je n'tendrois pour me prsenter le temps de l'point insenasiblement et sous divers prtextes tude, pour diminuer par dgot le temps d ci d'autres emplois. lev, il croyait qu'il lui tait les tideurs lui paraissaient n'avoir qu'une plus ardente

LIVRE

QUATRIME.

37

Si je ne travaillois l'ordre o vous me que pour satisfaire vous changez mettez, je n'aurois point de chagrin lorsque cet ordre circonstances par les diverses que vous faites naitre. Dans cette lutte secrte avec son tude chrie, il voudrait la-

il se livre tout quelle ver de l'appui contre spirituels qui lui sont tour de condescendance s'en plaint Tillemont

en le regrettant, troudes Directeurs lui-mme auprs mais ceux-ci usent leur donns envers doucement cette Dieu vocation pure, et

Il me semble assez souvent que si vos Serviteurs m'ordonnoient en dtail et avec autorit ce que je devrois faire, il me semble, dis-je, que cela m'aideroit, et me feroit faire dans votre plus que je ne fais. Mais ils voyent peut-tre lumire que ma foiblesse est trop grande, et qu'en m'ordonnant ce que je n'accomplirois pas avec assez de fidlit, votre Loi sainte ne serviroit qu' me rendre plus coupable en me Ainsi ils sont rduits me reprsenrendant prvaricateur. ter les rgles,gnrales de votre .vangile, en attendant que votre Grce m'en fasse tirer les consquences particulires, ou qu'au moins je leur dise, avec une entire plnitude de cur: Faites-moi donc, SeiDomine, quid me vis facere? cette grande et la donnez-moi et l'ardeur gneur, grce de vos Serviteurs; simplicit pour vous obir en la personne et inspirez-leur en mme temps de m'ordonner ce que vous montes pacem populo, et colles savez m'tre utile. Suscipiant la paix pour votre reoivent justitiam (Que les montagnes peuple, et que les collines lui portent la justice!) C'est au prix de ce soin, et comme que M. de Tillemont car de de cet quilibre sa paix conqurait Celui qui sou-

instant, chaque et sa stabilit

Il se rptait les petites mprise La publication

il la faut toujours conqurir. souvent le mot de l'criture: choses des tombera Histoiresde

peu peu. M. de Tillemont

1. Psaume LXXI,3.

38

PORT-ROYAL.

Par exemple, il avait discussions. combattu leva quelques du Pre Lami de l'Oratoire, se fonune opinion lequel, dant sur un calcul de la Pque des Juifs et sur le jour o tomber elle devait en l'an 33, avait avanc, dans son Harmonie fait amour cette n'avait vanglique, que Jsus-Christ point de sa mort. le jeudi veille son Dans Pque

portant Cne transmise Seigneur

et de la tradition, il avait paru imde l'antiquit de maintenir M. de Tillemont cette dernire parles mang d'instituer vanglistes, l'Agneau la nouvelle. avait dans laquelle Notreet clbr l'ancienne Il porta les gards sa not au

avant Pque dans cette dissidence

jusqu' communiquer avant de la publier. Celui-ci Pre Lami, dans rpliqua des Juifs, et M. de Tilleson trait de l'ancienne Pque de rfuter cette rponse mont se crut oblig par une Lettre qui se lit la fin du second tome de l'Histoire

de ton, que Bossuet, Il y parat si humble ecclsiastique. qui il communiqua le manuscrit, exy trouva quelque lui dit mme agrablement cs. Ce grand homme qu'il de ne demeurer genoux le priait toujours pas le Pre et de se relever devant Lami, quelquefois: se tenir droit dans la lutte, s'entendait M. de Meaux le port de tte pour garder de l' vque. M. de Tillemont, et la majest la tte baisle titre trop honose, cheminait pas pas, en dclinant de mme sans le rable d'historien, que si on le saluait, du titre d'abb, il ne le pouvait souffrir: Je connatre, peu n'ai point, disait-il, trouva cette un qualit, moment et je ne la veux son Zole dans point l'abb de mler usurper. Tillemont Faidit, et il avait d'effort faire

esprit inquiet, par hasard quelques tinences. Ce critique lon ni Bossuet, phlet sous ce

beaucoup d'imperni Fneptulant, qui n'a mnag ni personne, un premier pampublia titre les Mmoires Mmoires contre de

et qui lger, dans vrits

il est arriv

LIVRE

QUATRIME.

39

DI. de Tillemont; les quinze jours;

il promettait d'en donner autant tous mais on lui imposa silence. Cela veut et autres personnes dire probablement que le Chancelier l'ouvrage considrables, qui s'intressaient attaqu, au mchant firent conseiller esprit de se tenir tranquille, s'il ne voulait c'est avoir M. que affaire de des dans l'autorit. amis certain, cette L'abb que dfense, Tillemont Ce qui ne contribua prirent est bien en rien sur'eux.

zls

jaloux

Faidit, drang des productions

ses vises et trop premires, de son gnie pour les supprimer dtour, claircisse Cette de l'glise. par un

aisment, et donna ments sur

la charge de revenir essaya un nouveau intitul pamphlet les deux premiers Sicles

ne fut pas plus heureuse disent nos biographes, attaque, et l'auteur, tant forc dfinitivement que la premire de se taire, autre ct, et travailla prit son essor d'un sur Virgile et sur Homre C'est dans sur un tout autre ses dissertations discuta nombre ton que plus tard Dom Liron, recueillies sous le titre d'Amnits avec respect d'opinions et avec convenance

de la Critique, un assez grand mont, Rien rsultat torique

Tilleparticulires de prendre et se permit parti dans un autre sens. le mieux combien le doute est souvent ne prouve le la plus net et le plus sens de la recherche hisapprofondie. lui-mme l-dessus Et puis il arrive, malgr de se tromper quelquefois. Les assez agrablement en faute, je me sentois

tout, La Blterie premires

plus Tillemont a dit fois

que je le trouvois

Veut1. Dom Clmencet, Vie manuscrite de M. de Tillemont. on un chantillon de la justesse des remarques de l'abb Faidit ? Je lui passe les rptitions, disait-il, mais je ne puis excuser les Ce.nombre in(M. de Tillemont un falsificateur!). falsifications nombrable d'auteurs d'o M. de T. a tir son texte et ses notes, et dont il fait le pompeux talage la tte de chaque tome, me pa"et il ne voit dans ces rotplus rempli d'ostentation que d'utilit. tables qu'un INDEXde vanit.

40

PORT-ROYAL.

de celui de ces jeunes approchant Caton pris de vin, furent hommes plus qui, rencontrant les avoit eux-mmes dconcerts que si Caton surpris au sujet de l'Empereur dans la dbauche. 'C'est Julien dans embarras fait cette remarque; et il ajoute qu'en que La Blterie M. de Tillemont gnral parat un peu pein des bonnes surtout de celles de cet Empereur: des Paens, qualits Il ne dissimule mais il aimeroit point les faits, dit-il; mieux ne les pas trouver 1. Je pourrais multiplier les tmoignages le loue sans restriction semblage trop simple reconnatre titude des faits, encore concernant notre sur le corps il ne trouve redire historien; de l'histoire Bayle et l'as-

un

et trop sec 2. Le Journal crit que M. de Tillemont

qu' son style de Trvoux daigne avec assez d'exac-

M. Dauet peu d'agrment 3. Parmi les modernes, 4. Les sa parfaite sincrit nou a rendu aussi hommage l'ont honor Allemands pour son rudition scrupuleuse, ce titre, tous nos savants 5. Mais et l'ont prfr, qu'avons-nous ces redites? .rival dont gnie. besoin Nous de tous avons vraiment exactitude et de toutes ces -peu-prs le mot de Gibbon, entendu du M. de Tillemont, comptent prend dispense le caractre de tous du presque les autres

et du juge l'inimitable Un tel

tmoignage

i. Remarques la suite de la traduction du Misopogon. des Penses diverses sur la Comte, II. 2. Continuation 3. Septembre 1703. 4. Cours d'tudes historiques, tome I, page 379. 5. Ainsi J.-M. Gesner a dit Hic (Tillemontius) hahet hoc peculiare prae reliquis Gallis, quod non solum verbum ponit, quin ex antiquis libris, quoties historicum aliquid afferat auctoritatem dicendum est. Est solidum opus et accuratissimum, habetque commodum hoc, quod ubique apponuntur testimonia. Hoc certa ranam forte ipso etiam est paulo tione prtulerim ipsi Rollino accuratior. (Dans l'ouvrage intitul: Prim line isagoges in l'ruEruditioitem universalem. Esquisse d'une introduction dition universelle, tome page 420, 2e dition, 1784.)

.LIVRE

QUATRIME.

41

c'est

le dernier

mot,

le jugement

original

et classique,

et qui restera. la mort de M. de Tillemont, Depuis son intention, et certainement contre sa mmoire, une l'abb adresse de l'affaire de Lettre toute de La Trappe, M. de Beaupuis'. on publia contre ce qu'on devait

confidentielle

avait qu'il M. de Ranc, au sujet De quelque manire

nous soit parvenue, cette Lettre nous qu'elle pourtant demeure M. de Tillemont nous menant droit acquise. l'abb de Ranc, c'est une occasion faut acqu'il nous cueillir, austre marquer du grand Saint pour traits de cette figure quelques dans sa relation avec Port-Royal. page 571.

1. Prcdemment,

tome III,

VIRanc en face en de Port-Royal. elle-mme. Discussion de arbitre. Nicole. ce dernier. Dbats Lettre du sur Pre Son caractre Retraite de Ranc Lettre de Vretz. avec M. Le Roi. de propre. Originalit Caractre Ranc. MabilL'ide de

d'ternit La Trappe.

honorable Bossuet lon

foudroyante monastiques.

les Etudes Quesnel.

bien des grands pni Port-Royal tents M. de Ranc les gale, les surpasse encore. Comme ici par un ct excessif, o il a eu tort j'ai le montrer hte de le couvrir dans son enen apparence, j'aurai semble mais fenseur aussi par des hautes de lui sans de Bossuet, paroles qui tre saisi d'une admiration en ce moment, par d'ami, je me garderai ne parlait sainte. got jaD-

Nous

avons

vu

de Port-Royal,

comme

le obligation pourtant, ces Jansnistes disciples, plus qu'il sera en moi, d'imiter maintenir la gloire et l'inqui n'ont jamais cru pouvoir chrtienne des leurs, sans rabaisser et presque tgrit dnigrer de Paul, de Sales, les saint Vincent Franois Il est vrai qu'on a trangement et M. de Ranc. abus de ces puissantes autorits contre Port-Royal la mort de ces hommes on a provnrables, qu'aprs duit d'eux, tant qu'on a pu, des tmoignages, des paroles, les saint

LIVRE

QUATRIME.

43

des fait craint faible

lettres une arme

plus

ou

moins

perfide contre de toucher avec mesure Vincent de Paul tout Bossuet en leshonorant:

authentiques, les perscuts.

dont

on s'est pas l'endroit M. de

Je n'ai

de saint

ce qui m'a paru et mme de saint ainsi je ferai

Frnois

de Sales, Ranc. Mais

pour

de ses Lettres, nous pour rien en toute ment rencontre de lui mort

de lui en maint passage d'abord, parlant ne devons nous trace la voie dont nous carter. dcerns Aprs les hommages au saint abb vivant, il porte ce juge-

de Je dirai mon sentiment sur La Trappe avec beaucoup comme un homme qui n'ai d'autre vue que celle franchise, dans'la plus sainte Maison qui soit que Dieu soit glorifi et dans la vie du plus parfait Directeur dans l'glise, des qu'on ait connu depuis saint mes, dans la vie monastique, du saint personnage n'est crite de Bernard. Si l'histoire et par une tte qui soit au-dessus de toutes main habile, de la terre, autant que le Ciel est au-dessus vues humaines, on voudra faire un peu de tout ira mal. En des endroits en d'autres en d'autres aux Jsuites, cour aux Bndictins, Tous les partis voudront tirer aux Religieux en gnral. un si grand Si celui qui entreprendra soi le saint Abb. ouvrage ne se sent pas assez fort pour ne point avoir besoin le mlange sera craindre, et par ce mlange de conseil, La simplicit en une espce de dgradation dans-l'ouvrage. un simple J'aimerois mieux doit tre le seul ornement. narr, tel que le pouvoit faire Dom Le Nain, que l'loquence affecte1. a dit l ce qu'il ne fallait pas faire, et ce qu'on de lui-mme On lui avait propos a fait de nos jours. cette Vie. Lui seul alors tait l'homme se charger d'crire Bossuet tenir humaine haut la balance, et sans incliner et la tenir sans considration d'aucun ct. Mais qui charcur de Vareddes, du 28janvier

1. Lettre M. de Saint-Andr, 1701.

44

PORT-ROYAL.

il faut penser. fort de encore ger ? disait-il J'approuve faire tout ce qu'il certaine sorte de faudra pour empcher de crainte qu'ils ne la tournent lachose, gensde travailler Ne trop leur avantage. soyons pas du moins de cette de gens, et sachons toute en envisager grandeur Si j'avais elle-mme. dfinir M. de Ranc dans des termes M. de Ranc qui nous sont familiers, je dirais tait un M. Le Matre, unM. Le Matre non pas seulement sorte qui aurait port du moins espour le souverain pour toute la doctrine, c'tait encore M. de Ranc, (j'oserai prit de direction. sans croire ni diminuer achever ma pense amplifier c'tait personne), qui se serait servie Mais une leth tout cela, propre. grce comme il le qui de directeur fut sans dirait ide la mre Anglique elle-mme. et par beau mot de l'vque d'Asavions rien avant que de et nous les ne poua fait cond'imitation pnitent, Matre mais aussi directeur et fondateur un M. Le en lui son Saint-Cyran, sinon

(Pavillon) connotre les Messieurs Dieu vons assez louer notre.

Il y a un Nous ne

de Port-Royal, de ce qu'il nous

Ce mot s'appliquerait tout le monde dans le de Ranc. Son illumination sicle plutt qu' l'abb lui de son cur et du rayon d'en vint de la source mme, haut, tout de l'ide ternelle. J'aime prsence en lui ce caractre Il d'abord original. en a dit un grand cellule1. Saint, que le soleil saluer ne faut ne luise que de de 'des

pas croire, dans notre N

Armand-Jean Le 1626, en janvier tait plus jeune Ranc que nos premiers Fils d'un Prsident en la Port-Royal. Comptes, il tenait une famille ancre parts puissamment des finances intendant (Claude 1. Cit par Lancelot.

Bouthillier solitaires Chambre

et de toutes considrable, dans l'tat. Neveu d'un SurLe Bouthillier) de l'-

Relation d'un Voyage fait Aleth, XLII.

LIVRE

QUATRIME.

45

Le Bouthillier),que vque d'Aire (Sbastien vu l'ami particulier de M. de Saint-Cyran; autre prlat (Victor Le Bouthillier), archevque cousin germain du secrtaire eu pour parrain le cardinal core enfant, et charg de bnfices, de son oncle ritage ecclsiastique

nous neveu

avons d'un

de Tours il avait d'tat Chavigny, Tonsur ende Richelieu. on le destinait l'archevque. sacres que l'hEn at-

on le mit aux tudes tant tendant, profanes, il en eut qu'il mena de front sous d'habiles prcepteurs trois ensemble, de lui jusqu' qui se relayaient auprs pour le pousser dition d'Anacron de petites On a trop parl de l'plus rapidement. qu'il donna ds l'ge de 12 ans, avec scholies en grec de sa faon; le contraste est

avec La Trappe mais il ne faut pas attafuture, piquant cher aux choses plus d'importance n'en eurent qu'elles dans la vie des personnes. Ranc n'tait rellement pas la bagatelle. qui s'amusent esprits longtemps Ardent, actif, positif, il allait en avant et ne se retournait de sa vie en ces anpas. Je ne repasserai point l'histoire de nes c'est turbulentes et mondaines'. Ce que tant qu'il fut dans le monde, plus il fut dehors, il ne fit rien demi. serChasse, quand il suffisait tout. mons, affaires, plaisirs, intrigues, des chefs de Retz, le plus remuant li avec madame de Montbazon, la plus parti, tendrement il faisait belle femme du temps, etnon pas la plus rveuse, troitement hardiment son mtier d'abb homme du monde et de dans C'est alors que nous l'avons aperu, galant homme. une ou deux rncontres, se mlant avec nos amis les soit qu'il de l'htel Jansnistes aidt avec la socit Gunegaud au succs des Petiles Lettres; soit qu'il se li avec qu'on comme peut dire, tard ces

1. J'ai dj parl deux fois de Ranc et fort en dtail, propos de sa Vie par Chateaubriand 1846; (Portraits contemporains, tome 1, pages 36-59), et l'occasion de ses Lettres publies par M. Gonod (Derniers Portraits littraires, 1852, pages 414-426).

46

PORT-ROYAL.

refust Censure l'abb nombre gnait sayait

dans

l'Assemble

du

et qu'il d'Arnauld, de Pontchteau et par M. des personnes de confiance

Clerg mritt

de de

1656

signer compt,

la par au

d'tre

Saint-Gilles, devant qui on ne se fort si on esun sce temps-l dans le sens

l'on se tromperait pas. Au reste, de faire de l'abb de Ranc en approcht sur de certains en

ou rien Jansniste, qui rieux. la Cour Oppos naient plutt la politique de Retz, il n'avait aucun

qui tepoints et qui touchaient aux intrts avis sur le fond des matires

en litige, et il n'entrait la subtithologiques pas dans lit des doctrines. C'est alors soudaine que la mort de Montbazon de madame d'un (1657) le vint frapper duc d'Orlans, dont il grand coup. La mort de Gaston, tait premier bientt aumnier, s'y joignit (1660), pour achever de lui imprimer dans l'esprit le nant de l'ternit. et la seule vrit subsistante raisons de nos qu'on aessay de donner dans de l'homme, les Toutes le temps et

dans son principe la jours, pour rabaisser haute rsolution du pnitent, s'vanouissent devant cette bien comprise ide d'ternit secrets l, o les ressorts et o les ne s'arrter motifs qu' secondaires et manifeste. l'inspiration Cette inspiration et rsulte de toute la vie et s'lve de toute l'me de Ranc et c'est se faire tort soi-mme en le considrant. que de n'y pas atteindre Port-Royal nous a accoutums aux 'miracles de vigueur morale que produit tourns ces la pense aux aspects de la Fin suprme chez les Qu'avez-vous ans ? demandait-on un Cogitavi habui, ternelles. dies svres. esprits faitdurant chappent, dominante il convient de

petites encore

quarante l'heure de la mort. ternos in mente

Chartreux, et annos antiquos, J'ai eu dans ma

de Ranc, pense les annes l'objet son occupation ds le premier puissante jour du rveil, le but infini qui l'enhardissait et l'attirait de plus en

rpondit-il. -Voil

LIVRE

QUATRIME.

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plus ide

dans

les

sentiers (qu'on

escarps

de la

de l'ternit

on l'envisageait fixement, il n'y aurait par moments mortelle,

y songe bien) et sans aucune

Cette pnitence. est telle, que si lueur finale im-

avec qu''se prcipiter dans l'abme, et se tuer de dsespoir. Qu'a vertige fait le pote Lucrce, nous dit-on, en son dlire ? Qu'a fait Empdocle sur l'Etna ? Qu'aurait fait Pascal peut-tre, s'il s'tait mis considrer il faisait, mais concomme sidrer dans effroi sans l'ternit ces deux rsultat la prcdant petite dure de sa vie absorbe et mesurer avec et suivant, ni rien parle esprer ? ainsi dans

sans rien croire infinis, Un Ancien, qui avait fini par fe suicide, une pitaphe qui nous a t transmise

a Infini, Homme, tait le temps avant que tu vinsses au infini aussi sera le temps aprs que tu rivage de l'Aurore; auras disparu dans l'rbe. t'est Quelle portion d'existence chose encore laisse, si ce n'est un point, ou s'il est quelque au-dessous d'un point? Et cette existence que tu as si petite, d'aelle est comme crase elle n'a rien en elle-mme mort. Dmais elle est plus triste grable, que l'odieuse le port, robe-toi et regagne donc une vie pleine d'orages, comme moi-mme fils de Critus, qui ai fui dans le Phidon, Tnare1 sa srieusement qui applique l'picurien la dure sans de sa vie compar pense au petit espace de mme terme. Le zl Chrtien, en un sens, conclut aux flots du lui aussi, il n'a d'autre souci que d'chapper il n'a de hte que pour regachtif et orageux dtroit; mais ce port pourlui gner le port, et il nous y exhorte et ce n'est point n'est et noire, point la nuit immense il ne se croit pas en droit l'aveugle qu'il s'y prcipite de se dlivrer 2 ? Ainsi conclut 1. Lonidas de Tarente, pigramme Lxx, au tome 1, page 238, des Analecta de Brunck. 2. Sans se croire en droit de se dlivrer, le Chrtien se tient tout

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PORT-ROYAL.

et dans le prepnitence, de sa fuite du monde, mier moment Ranc, pour se rede Vretz chercha un abri dans sa belle terre cueillir, Avant d'embrasser l'entire sa premire ce fut comme (1657-1662): station sur la colline, avant de gravir plus haut et de Il cherche d'adu dsert s'enfoncer dans les gorges dans bord une retraite, nous dit un de ses biographes en Touraine sur d'o, comme de cette hauteur son cher Donat, vouloit conduire laquelle il voyoit de loin sans prvention la vanit et la corrup Et le mme tion du monde. encore compare biographe sur la lien cet tat de demi-solitude et comme Ranc, sire des deux mondes, saint Bernard dans sa petite sa maison de Vretz, saint Cyprien retr