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Mémoire présenté par Ruslana Georgieva
Sous la Direction de M. Christian SCAPEL
Master II "Droit Maritime et des Transports"
Année universitaire 2010-2011
LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES (Etude comparative en Droit Français et Droit
International)
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
3
Remerciements
Avant toute chose, je tiens à remercier un certain nombre de personnes sans
qui la réalisation de mon mémoire n’aurait pas été possible.
Ces personnes qui m’ont beaucoup apporté aussi bien humainement que
professionnellement, qui par leur gentillesse et leur disponibilité m’ont permis de
mieux appréhender les mécanismes du Droit Maritime et des Transports.
Je souhaite remercier toute l’équipe pédagogique du Master II Droit
Maritime et des Transports à l’Université d'Aix-Marseille III, qui m’a aidée à
réaliser le présent Mémoire de fin d'études et d'avancer dans mes recherches. Mes
remerciements vont plus particulièrement à Monsieur Christian SCAPEL et
Monsieur le Professeur Pierre BONASSIES pour m'avoir permis d'intégrer le Master
ainsi que pour leur disponibilité et précieux conseils tout au long de l'année
universitaire.
Je tiens également à remercier Madame Marjorie VIAL qui a toujours été à
notre écoute, en contribuant à la bonne ambiance, et sans qui le Master ne serait pas
le même.
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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SOMMAIRE
INTRODUCTION p.5
PARTIE I : LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES : UNE VOIE
D'EXECUTION CONDITIONNEE p.16
CHAPITRE I : CONDITION TENANT A L'ETAT DU PAVILLON DU
NAVIRE p.16
§ I Le navire battant pavillon d'un Etat contractant p.16
§ II Le navire ne battant pas pavillon d'un Etat contractant : Application de
l’article 8-2 de la Convention p.18
CHAPITRE II : LES CONDITIONS TENANT A LA NATURE DE LA
CREANCE ET LE NAVIRE OBJET DE LA SAISIE
p.22
§ I Caractères de la créance autorisant la saisie conservatoire p.22
§ II Le navire objet de la saisie conservatoire p.26
PARTIE II : LA SAISIE CONSERVATOIRE DU NAVIRE : MOYEN DE
CONTRAINTE EFFICACE CONTRE LE DEBITEUR p.31
CHAPITRE I : LES MOYENS DU CREANCIER D'AGIR CONTRE LE
DEBITEUR INSOLVABLE p.32
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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§ I L’action in personam : "le navire débiteur" p.33
§ II L’action in rem : les navires du "débiteur" p.38
CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA SAISIE CONSERVATOIRE p.49
§ I Immobilisation du navire p.50
§ II Les pouvoirs du juge p.53
CONCLUSION p.65
BIBLIOGRAPHIE p.67
TABLE DES MATIERES p.70
ANNEXES p.73
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
6
« La société comme un navire ; tout le monde doit contribuer à la direction du gouvernail.»
Les Démons, Fiodor Dostoïevski
Le navire constitue l'instrument indispensable de l'exercice d'une activité
d'armement maritime. Il est le gage le plus immédiatement accessible pour ceux qui,
au cours de son exploitation, sont amenés à devenir créanciers de l'armateur. Un droit
n'est rien s'il ne peut être exercé. Il suffit au navire pour échapper à ses créanciers de
prendre le large. Pour peu que son armateur ne possède aucun bien dans l'Etat où il a
contracté sa dette, le créancier voit alors s'évanouir ses chances d'être payé ; son droit
devient vain et sa sûreté inutile. Le navire est ainsi le premier bien de l'armateur à
être visé par les mesures destinées à assurer le paiement des créances liées à son
exploitation. Cela explique le fait que le monde maritime a constamment recours aux
saisies de navires à titre conservatoire : procédure qui permet de retenir le navire en
attendant que le litige soit réglé, ou que l'armateur du navire saisi ait constitué une
autre garantie de nature à répondre, le cas échéant, de sa dette.
Néanmoins, il s'agit de délimiter le domaine d'application de la saisie puisque cette
procédure s'applique aux seuls navires de mer. Par conséquent, il convient en premier
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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lieu de s'intéresser à la notion de navire, considéré comme le premier – et parfois le
seul – gage des créanciers maritimes.
Il n'existe en droit français aucune définition du navire. Pourtant, sa qualification
s'avère primordiale afin de pouvoir lui appliquer les règles spécifiques gouvernant le
droit maritime. Apres de longues hésitations, le Doyen Rodière dégage deux critères
cumulatifs permettant de définir le navire, moins en fonction de ses caractéristiques
propres, que par rapport au milieu dans lequel il évolue. Il est qualifié "d'engin
flottant, de nature mobilière, affecté à une navigation qui l'expose habituellement aux
risques de la mer"1.
Du point de vue juridique, le navire apparaît comme un meuble par nature (art. 531
Code Civil2), mais en réalité il répond à un régime juridique proche de celui de
l'immeuble. Ce meuble de grande valeur, mobile entre tous, a une vocation
internationale : il fréquente les ports étrangers, y contracte des dettes, et peut s'y faire
saisir. Sa navigation l'expose, en outre, aux périls de la mer, ce qui légitime sa
protection en droit maritime. A mi-chemin du régime juridique s'appliquant aux
meubles et aux immeubles, le navire a aussi parfois été rapproché des personnes, en
tant que bien fortement individualisé dans le patrimoine de son propriétaire – le
navire est domicilié au port d'immatriculation, son propriétaire lui octroie un nom qui
l'individualise et il dispose d'une nationalité matérialisée par son pavillon. Il est
susceptible d'être grevé d'une hypothèque, laquelle confère au créancier un droit réel
très fort sur le navire. A ce titre on peut mentionner qu'en raison de la forte
individualisation du navire, la saisie de ce dernier est soumise traditionnellement à
une procédure spécifique, plus proche de la saisie immobilière que de la saisie
mobilière.
L'objectif premier du navire est de naviguer et affronter les risques de la mer.
L'autonomie inhérente à la mobilité du navire s'apparente donc mal à toute idée
d'immobilisation. Le navire, destiné à affronter les risques de la mer ne peut se
satisfaire longtemps de la sécurité du port sans méconnaitre son objectif principal.
1 RODIERE et Du PONTAVICE, Emmanuel, Droit maritime, n°31, 12e édition, Dalloz, 1996 2 « Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées par des piliers, et ne faisant point partie de la maison, sont meubles : la saisie de quelques-uns de ces objets peut cependant, à cause de leur importance, être soumises à des formes particulières, ainsi qu’il sera expliqué dans le Code de la procédure civile ».
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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Cette immobilisation du navire peut résulter d'une part, du mauvais temps,
empêchant le départ, du fait du prince, de conflits sociaux … et d'autre part, de
l'exercice du droit de gage général sur le patrimoine du débiteur, dont le navire fait
partie. Dans ce dernier cas, comme tout créancier, le créancier bénéficiaire d'un
privilège maritime a le droit de saisir le navire en tant que bien de son débiteur. Tant
que la créance n'est pas payée, le navire n'est pas susceptible de reprendre la mer. La
procédure de saisie conservatoire est une procédure dont l'objectif est de placer sous
main de la justice les biens du débiteur, afin que celui-ci n'en dispose pas ou ne les
fasse disparaître. Elle est pratiquée par les créanciers qui sont démunis du titre
exécutoire et leur permet donc d'éviter la disparition de leur gage. La rapidité est la
condition de l'efficacité de la saisie conservatoire.
Le droit de saisir le navire présente une double particularité.
D'un côté, il s'agit des situations où le créancier privilégié pourra saisir le navire alors
même que celui-ci n'est pas la propriété de son débiteur, ce dans le cas où le navire
est exploité par un affréteur ou armateur non propriétaire. D’autre part, le droit
maritime confère au créancier privilégié un véritable droit de suite, en lui donnant,
pendant un bref délai le droit de saisir le navire dans les mains de l'acquéreur.
Il convient de noter que le droit commun des voies d'exécution connaît deux grandes
catégories de saisies : les saisies conservatoires et les saisies exécution. Les
premières à proprement parler ne sont pas des voies d'exécution, mais plutôt des
moyens de contrainte. Seules les secondes sont véritablement des voies d'exécution
comme leur nom l'indique. En droit maritime, il existe ces deux types de saisies : en
anglais "arrest" et "attachement".
La saisie-exécution en droit maritime est très proche de celle du droit commun, en ce
que cette dernière a un seul objet – la vente forcée du navire et l'affectation de son
prix aux créanciers. En réalité, très peu de saisies conservatoires se terminent par une
saisie exécution. La saisie exécution est un acte grave puisqu'elle aboutit à
déposséder le propriétaire de son navire. Encore faut-il mentionner que la saisie
exécution n'est régie par aucune Convention internationale et seules les dispositions
du droit national – du lieu où la saisie a été effectuée, sont applicables.
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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La saisie conservatoire, quant à elle, a pour but principal en droit commun de
protéger le droit de gage général du créancier, préparant la saisie-exécution du bien
auquel elle s'applique. En droit maritime, la saisie conservatoire est largement
ouverte aux créanciers de l'armateur. Elle peut aboutir à la vente judiciaire du navire
et à l'attribution du prix de vente au créancier saisissant. Le plus souvent, elle
représente un simple moyen de pression exercé par le créancier pour obtenir le
paiement des sommes qui lui sont dues. L'immobilisation qui résulte de la saisie est
très préjudiciable à l'armateur. Ce dernier est, en effet, privé des bénéfices
d'exploitation du navire alors que ses coûts continuent à courir, à hauteur de plusieurs
dizaines de milliers d'euros par jour. La saisie conservatoire est "un formidable
moyen de pression sur l'armateur débiteur puisqu'elle paralyse son outil
d'exploitation"3.
Aussi faut-il souligner la fréquence du recours à la saisie conservatoire du navire :
elle est notamment systématiquement pratiquée à la suite d'un abordage. Ce trait
traduit l'esprit même du droit maritime.
Afin de délimiter le régime applicable à la saisie, il convient de distinguer tout
d'abord cette dernière des autres immobilisations, qui sont des procédures
exceptionnelles et auxquelles s'appliquent des règles différentes.
A la différence des saisies classiques de navires, l'immobilisation forcée se conçoit
comme une mesure de puissance publique, prise dans le cadre des missions de
souveraineté et de police d'un Etat, face à un bâtiment qui constitue un danger pour la
sécurité de la navigation ou pour l'ordre public en mer et dans les ports4. L'Etat
agissant jure imperii prend, conformément au droit interne ou au droit international,
la décision d'immobiliser d'autorité le bâtiment, sans passer par les voies judiciaires.
Plusieurs textes nationaux et internationaux permettent le recours à cette mesure5. La
Convention de Montego Bay de 1982 précise que si l'Etat côtier prend toute mesure
dans l'exercice de ses droits souverains, y compris la saisie, pour assurer le respect de
3 VIALARD Antoine, Droit maritime, PUF, 1997, n°365, page 311 4 Rapport présenté par le professeur E. du Pontavice et P. Simon au Colloque de l'AFDM sur L'immobilisation forcée des navires, Bordeaux 1988, publié par PU Bordeaux, 1990 5 En cas d'infraction à la législation douanière, C. douanes, art. 322 bis, 323 et 324-I-a ; en cas de non-respect des ordres des officiers de port, ou pour les besoins de protection du domaine public portuaire, C. ports mar., livre III ; En matière de prévention de pollutions et de protection de l'environnement marin, L. n° 83-587, 5 juillet 1983, portant mise en œuvre du Mémorandum de Paris, et directive communautaire 95/21/CE du Conseil, 19 juin 1995, art. 9-2, et portant communautarisation de ce Mémorandum, Convention MARPOL 1978/1973, art. 2, convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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ses lois et règlements conformes à la Convention, il est tenu de procéder à une
"prompte mainlevée" de celle-ci pour le navire, et à la "prompte libération de
l'équipage" dès qu'une caution ou garantie suffisante a été versée (art. 73). Il s'agit
d'une immobilisation, mesure de puissance publique, qui se distingue de la saisie
judiciaire du navire.
Le premier texte qui fait référence explicitement à la saisie conservatoire est le Code
de commerce de 1808 qui interdisait de saisir le navire prêt à faire voile (art.215).
C'était une règle nouvelle, l'Ordonnance de 1681 ne connaissant que la règle suivant
laquelle "les intéressés du navire" pouvaient, moyennant une caution, faire lever la
saisie pratiquée sur une portion du navire lorsqu'il était prêt à faire voile (art.18 du
Titre IV du Livre I).
La loi du 10 Juillet 1885 avait modifié une grande partie de ces textes, même si elle
s'est inspirée également des règles de la saisie immobilière. La question qui s'est
posée était celle de savoir si ces dispositions englobaient également l'exercice de la
saisie conservatoire dans la mesure où le Code de commerce ne donnait aucune
précision. La pratique a apporté une réponse en se basant sur la nature mobilière du
navire et en appliquant l'ancien article 417 du Code de Procédure Civile. D'après cet
article, le Président du Tribunal de commerce peut permettre d'assigner et de saisir
les effets mobiliers.
Les anciens articles 48 et suivants du Code de Procédure civile, repris par la loi du 12
novembre 1955, ont comblé ultérieurement ce vide législatif en établ issant une
procédure générale de saisie conservatoire sur tous les meubles appartenant au
débiteur, y compris sur son navire.
Aujourd'hui, la saisie conservatoire du navire repose sur un droit dont se prévaut le
demandeur. Ce droit est une cause juridique particulière : "allégation d'un droit ou
d'une créance" selon la Convention de Bruxelles du 10 Mai 1952 sur l'unification de
certaines règles sur la saisie des navires de mer6 (art. 1 § 1) et créance paraissant
fondée en son principe en droit français (Loi du 9 Juillet 1991, article 67 ; Décret de
19677, art. 29 ; Article L5114-22 du Code des Transports).
6 Loi du n°55-1475 7 Décret n°67-967 du 27 octobre 1967, portant statut des navires et autres bâtiments de mer
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
11
Le droit applicable en matière de saisie présente une double originalité. D'une part le
dualisme qui régit la matière de la saisie conservatoire du navire fait que deux
normes juridiques entrent en concurrence (le droit interne et le droit international)
lorsque le litige relatif à la saisie comporte un élément d'extranéité. D'autre part, au
niveau procédural, c'est une procédure unique qui s'applique à la saisie internationale
comme à la saisie de la loi de 1967, le législateur international renvoie aux lois
nationales.
Lorsque la saisie trouve son fondement dans le droit international, c'est la
Convention internationale pour l`unification de certaines règles sur la saisie
conservatoire des navires de mer faite à Bruxelles le 10 Mai 1952. Elle a été mise au
point par le Comite Maritime International dans le but d`uniformiser les législations
internationales en la matière8. La France a signé et ratifié cette Convention9,
l'application de celle-ci s'impose donc aux tribunaux français.
S'agissant du régime de droit interne applicable, les textes en vigueur sont
actuellement le Décret de 1967, précité ci-dessus, pris pour l'application de la loi du
3 janvier 196710 portant statut des navires et autres bâtiments de mer et le Code des
Transports (article L 5114-20 et suivants11). La cinquième partie du Code, intitulée
“Transports et Navigation Maritimes” traite du secteur maritime et contient des
dispositions relatives à la saisie conservatoire et la saisie exécution des navires.
Toutefois, il convient de noter que la loi de ratification du Code des Transports n'est
pas encore intervenue, et le texte du Code possède un caractère administratif. C'est la
loi du 3 janvier 1967 qui s'applique en droit français.
En droit commun, la règlementation des voies d'exécution a été bouleversée par la loi
du 9 juillet 199112 portant réforme des procédures civiles d'exécution et son décret
d'application n° 92-755 du 31 juillet 1992. Par rapport au caractère sommaire des
8 Berlingieri F., The ‘Travaux préparatoires’ of the 1910 Collision Convention and of the 1952 Arrest Convention, 234 : ‘At his meeting held in Antwerp on 19th November 1952 the International Sub-Committee appointed by the Bureau Permanent of the Comite Maritime International with the instructions to consider the possibility of insuring uniformity in the area of arrest of ships, requested Mr. Leopold Dor to prepare a draft of an international Convention on arrest of ships’). 9 Décret n°54-14, 4 janvier 1958 : J.O. 14 janvier 1958 10 Loi n°67-5 11 Crée par: Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. (V) ; Journal Officiel de la Republique Française du 3 novembre 2010 12 Loi n°91-650 : J.O. 14 juillet 1991
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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textes de droit maritime, l'incidence de ces textes sur les saisies des navires s'avère
problématique.
D'une part, il y a une thèse qui préconise que les nouvelles règles ont un caractère
général et s'appliquent donc aux saisies de navires13.
D'autre part, selon Monsieur Le Professeur Pierre Bonassies et Maître Scapel, une
telle thèse ne serait pas admise et les règles adoptées par la loi du 9 juillet 1991 ne
s'appliqueraient pas en matière maritime. En effet, le législateur énumère dans cette
loi avec précision la saisie de certains biens spécifiques, tels que les droits d'associés,
les valeurs mobilières et surtout les véhicules à moteur. Les navires n'y figurent pas.
En outre, la loi de 1991 n'a ni abrogé ni modifié les dispositions de l'article 70 de la
loi du 3 janvier 1967 énonçant que "la saisie des navires est régie par des dispositions
réglementaires particulières". Il faut donc conclure que seules s'appliquent en matière
de saisie des navires les dispositions de la loi du 3 janvier 1967 et celles du décret du
27 octobre 1967. Force est de constater que la jurisprudence tranche en ce sens14.
Toutefois, la Cour de Cassation15 s'est réservée le droit de compléter, si nécessaire,
les dispositions insuffisantes des textes de 1967, mais ce, sans poser un principe
général de complémentarité.
En matière internationale, comme il a déjà été précisé, c'est la Convention de
Bruxelles qui s'applique. Elle connaît un succès sur le plan international et obtient la
ratification de la majorité des Etats maritimes (Allemagne, Grèce, Egypte, Italie,
Espagne, Portugal, Grande Bretagne).
En effet, une nouvelle Convention internationale sur la saisie conservatoire des
navires, adoptée le 12 mars 1999 à Genève, est appelée à remplacer la Convention de
Bruxelles de 1952. Cependant, elle n'est pas encore entrée en vigueur et
n'interviendra pas avant plusieurs années. Cette nouvelle Convention n'innove pas en
nombreux points la Convention de 1952. On va aborder les principales différences
entre les deux textes internationaux au fur et à mesure du développement de cette
étude.
13 A. VIALARD, "Les Insaisissables : faut-il faire une croix sur la bannière étrangère?", DMF 1993 14 Dunkerque, 20 octobre 1993, DMF 1994 ; CA Rennes, 13 juillet 1993, JCP 1994, IV, p.5 15 Cass. 5 janvier 1999, navire Gure Maiden, DMF 1999
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
13
Au jour d'aujourd'hui, c'est la Convention de Bruxelles de 1952 qui s'applique dans
tous les Etats signataires.
Mais, malgré son intérêt, ce texte n'est ni suffisant, ni exclusif : par nature, la
procédure relève de la loi du juge saisi (art. 4 et 6, al.2). Force est d'admettre que la
Convention de Bruxelles laisse parfois resurgir la compétence des législations
nationales, soit parce qu'aucun des intérêts concernés par la saisie ne relève d'un Etat
contractant, soit parce que l'un d'entre eux relève d'un Etat qui n'a pas ratifié la
Convention. Il s'est avéré nécessaire pour la France d'adopter un texte spécifique
régissant la saisie conservatoire des navires. Le décret de 1967, précité, édicte des
règles spécifiques à la saisie en droit français de telle sorte que les textes précités ne
s'appliquent plus aux navires que dans le silence des textes nouveaux.
Il faut remarquer que le régime et l'esprit de la Convention diffère à maints égards de
notre loi interne. Même si le principe de primauté de l'ordre international est affirmé,
les incidents de frontière entre la convention et la loi ne sont pas rares. C'est la raison
pour laquelle il convient de s'interroger sur le domaine d'application respectif des
textes internes et internationaux.
En réalité, la Convention s'applique d'une part, lorsque, dans un rapport de droit
international, le navire bat pavillon d'un Etat contractant, et d'autre part, elle est
applicable dans certains cas aux navires battant pavillon d'un Etat non contractant.
Cette extension résulte de l'article 8, §2, selon lequel "un navire battan t pavillon d'un
Etat non contractant peut être saisi dans l'un des Etats contractants, en vertu d'une des
créances énumérées à l'article 1er, ou de toute autre créance permettant la saisie
d'après la loi de cet Etat".
En outre, faut-il s'interroger également sur l'objet même de la saisie. D'un côté, il y a
la Convention de 1952, qui se contente de mentionner des "navires de mer", alors
que, de l'autre, le Décret de 1967 qui s'intéresse "aux navires et bâtiments de mer".
Par conséquent, on peut considérer que sont exclus ainsi du domaine d'application de
la saisie conservatoire les bateaux de rivière, soumis à une réglementation
particulière, et des engins flottants, soumis au droit commun. Ce qui est important,
c'est la qualification de navire. Á partir du moment où le navire devient une épave, le
régime juridique de la saisie serait celui du droit commun de la saisie conservatoire
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
14
des meubles puisque ce dernier ne serait plus qualifié d'immeuble. Il peut être ainsi
question "d'un navire de commerce, de pêche, de plaisance, de navigation sportive ou
scientifique"16.
Il est important d'évoquer que la saisie n'englobe ni la cargaison, ni les bagages des
passagers et de l'équipage; elle concerne au contraire tous les équipements et
appareils nécessaires à la navigation et à l'exploitation du navire.
Un autre compromis dans l'unification internationale des règles en matière de saisie
des navires devait être fait en ce qui concerne la créance maritime en vertu de
laquelle un navire peut être saisi.
A l'heure actuelle la plupart des navires sont contrôlés par des single ship companies
qui ne possèdent qu'un seul navire. Il reste cependant quelques armateurs qui ont
plusieurs navires à leur nom. Si ces navires battent pavillon d'un Etat qui n'est pas
partie à la Convention de 1952, il est possible de saisir le navire en application du
droit français. Ce dernier est basé sur le principe de la personnalité de la dette - le
créancier ne peut saisir un navire qui n'appartient pas à son débiteur ; quelles que
soient la nature de la créance et la qualité du bien saisi. La créance est gagée sur
l'ensemble du patrimoine du débiteur (il est fait exception quand le fournisseur a pu
croire légitimement que la commande lui était faite par le propriétaire du bâtiment17).
D'autre part, puisque le créancier peut saisir l'ensemble du patrimoine du débiteur, la
saisie est possible aussi bien sur le navire qui est à l'origine de la créance, que sur les
autres navires appartenant à son débiteur.
En ce sens, encore faut-il mentionner dès à présent que la Convention de 1952 est le
résultat d'un compromis entre deux conceptions radicalement opposées en matière de
saisie : celle du droit anglo-saxon et celle du droit continental. A cet égard,
l'unification de la saisie conservatoire s'est faite difficilement, à cause des
divergences existantes entre les droit français et le droit anglais. Nous verrons que la
Convention de 1952 subordonne la saisie à des conditions moins strictes que le
décret de 1967 avant sa modification par le décret de 1971, mais plus strictes (sur la
notion de "créance maritime") que le décret de 1971 précité.
16 Du PONTAVICE (Emmanuel), Le statut des navires, n°304, Litec, 1976 17 Ch. Com., 22 février 1983, DMF 1984.332
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
15
En effet, il a été nécessaire d'articuler le droit international avec la loi française.
Même si le principe de primauté de l'ordre international est affirmé, les incidents de
frontière entre la Convention et la loi ne sont pas rares.
La Convention permet de saisir un navire à titre conservatoire afin d'obtenir garantie
d'une créance maritime "se rapportant" au navire. Elle confère ainsi une action
contre le navire, une action in rem, institution fondamentale du droit anglo-
saxon. Le droit français, ignorant la théorie du patrimoine d'affectation, ne permet
pas d'exercer un droit contre une chose mais seulement contre une personne (action
in personam).
La législation britannique diffère de celle du droit français en ce que sous l'empire de
cette dernière, un navire ne peut être saisi qu'en vertu d'une créance maritime, et
aucun navire, autre que celui auquel la créance se rapporte, ne peut être saisi en vertu
de cette créance, même s'il appartient au même propriétaire. Les pays de Common
Law sont marqués par l'action in rem. Cette théorie permet au titulaire d'"un
maritime lien", notion proche de celle de privilège, de "faire valoir ses droits
directement sur le navire, sans se préoccuper de la personne de son propriétaire"18.
Le navire auquel la créance se rapporte est personnellement responsable de la dette.
Il s'agit alors de créer un patrimoine d'affectation en démarquant le navire du reste du
patrimoine du débiteur au bénéfice des seuls créanciers maritimes ayant un lien avec
ce dernier. Cette théorie va à l'encontre de l'unité et la conception personnaliste du
patrimoine19, principe ancré dans le droit français. La Convention de Bruxelles n'est
cependant pas exclusivement inspirée par les principes du droit anglais puisqu'elle
fait également référence à la notion d'action in personam.
Nous verrons que les conditions d'octroi de la faculté donnée au titulaire d'une
créance maritime de saisir à titre conservatoire le navire auquel la créance se rapporte
sont très libérales car la seule "allégation" de créance maritime à l'encontre du
navire permet d'obtenir du juge des saisies une décision tendant à la saisie
conservatoire du navire. Cependant, une fois qu'il a fait procéder à la saisie
conservatoire, la Convention impose au titulaire de la créance maritime d'engager
une procédure "au fond" devant un juge qui statuera selon la lex fori, loi du for
18 REMOND-GOUILLOUD Martine, Droit maritime, n° 257, 2e édition, Pedone, 1993 19 NAVARRE-LAROCHE Cécile, La saisie conservatoire des navires en droit français, Editions MOREUX
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
16
ayant autorisé la saisie. Cependant, les règles de Bruxelles de 1952 ne précisent pas
les moyens que doit soulever le créancier saisissant.
On est amené à se poser la question si le saisissant doit demander aux juges du fond
de se prononcer sur le bien fondé de la saisie conservatoire au regard de la seule
Convention de Bruxelles et ainsi de bien vouloir confirmer la décision du juge de la
saisie ou au contraire, s’il doit se référer à la loi du for afin d'établir que la saisie
conservatoire était bien justifiée?
La dualité du régime de la saisie conservatoire impose une étude comparative du
régime français et international. Ce dualisme du système juridique suscite une
attention particulière puisqu'en matière de saisie conservatoire des navires, deux
normes entrent en concurrence – ce qui fait du régime juridique de la saisie un
régime original.
D'une part, il y a la Convention de Bruxelles de 1952 et, d'autre part, le droit interne
de chaque Etat signataire de la Convention. Dans la présente étude, nous
présenterons la problématique de la délimitation du champ d'application respectif de
chaque norme afin d'envisager leurs conditions de mise en œuvre selon le fondement
invoqué par le créancier saisissant.
Selon le fondement de la saisie (la loi de 1967 ou la Convention de 1952) les
conditions d'exercice de cette dernière diffèrent. En ce sens, il convient de se
demander quel est le droit applicable à la saisie d'un navire ainsi que quelles sont les
conditions préalables afin que le créancier puisse saisir le navire de son débiteur. Le
mémoire va traiter également de la problématique des effets de la saisie sur le plan
procédural et entre les parties.
Il convient d`invoquer successivement les conditions d'exercice de la saisie
conservatoire selon qu'elle se fonde sur la loi de 1967 ou sur la Convention de 1952
(PARTIE I) ainsi que les moyens mis à la disposition du créancier d'agir contre le
débiteur insolvable (PARTIE II).
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
17
PARTIE I
LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES : UNE VOIE
D'EXECUTION CONDITIONNEE
Afin de pouvoir saisir un navire, il convient en amont de s'intéresser au droit
permettant l'exercice d'une telle procédure. Les conditions d'exercice de la saisie
conservatoire doivent être analysées d'une part par rapport à l'Etat du pavillon
(Chapitre I) et d'autre part, quant à la nature de la créance et le navire saisissabl e
(Chapitre II).
CHAPITRE I : CONDITIONS TENANT A L'ETAT DU PAVILLON
Le pavillon du navire est l'élément déterminant de l'application de la Convention de
Bruxelles. La subdivision entre navires battant pavillon d'un Etat contractant et
navires ne battant pas pavillon d'un Etat contractant est une distinction propre à la
Convention de 1952.
Par conséquent, il s'agit d'invoquer les conditions d'exercice de la saisie
conservatoire, qui diffèrent selon qu'il s'agisse d'un navire battant pavillon d'Etat
ayant ratifié la Convention de 1952 (§I) ou d’un navire qui ne bat pas pavillon d'un
tel Etat (§II).
§ I Le navire battant pavillon d'un Etat contractant
La Convention de 1952 s'applique exclusivement à la saisie des navires battant
pavillon d'un Etat contractant (A). Cependant, le principe d’application exclusive de
la Convention aux navires battant pavillon d’un des Etats signataires n’est pas absolu
puisque cette dernière prévoit des dérogations (B).
A. Le principe : application de la Convention de 1952
Tous les navires battant pavillon d'un Etat contractant de la Convention de 1952 sont
soumis à l'application de cette dernière, et ce, en vertu du principe de primauté du
droit international sur la loi interne (1). En outre, la Convention représente un
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
18
instrument d'unification primordial en matière de saisie conservatoire entre les
législations nationales des Etats (2).
1. Affirmation de la primauté du droit international sur le droit
interne
Le dualisme qui régit la matière de la saisie conservatoire du navire suscite des
interrogations quant à l'application du droit applicable lorsque le litige relatif à la
saisie comporte un élément d'extranéité.
D'une part, l’article 55 de la Constitution française reconnaît la primauté du traité
international sur le droit interne en cas de conflit des deux normes juridiques. D'autre
part, l'article 8-1 de la Convention de 1952 énonce que les dispositions de la
Convention sont applicables dans tous les ports d'un Etat contractant, à tout navire
battant pavillon d'un Etat contractant. Dès lors, la Convention s'applique
impérativement lorsque les conditions sont remplies.
La jurisprudence20 affirme clairement le principe de la primauté du droit international
sur le droit interne : "la loi du 3 janvier 1967, modifiée par le décret du 27 octobre
1967, régit la matière de la saisie conservatoire en droit interne, mais l'autorité de la
convention internationale étant supérieure à celle de la loi interne, les dispositions
particulières du décret ne peuvent être valablement invoquées lorsque la convention
est applicable".
Il s'ensuit qu'un navire battant pavillon d'un Etat contractant ne peut être saisi que sur
le seul fondement de la Convention de 1952. La Convention s'applique
exclusivement à la saisie en France d'un navire battant pavillon d'un Etat contractant.
Ainsi, un navire grec ne peut être saisi en France que sur le fondement de la
Convention de 1952, la Grèce ayant adhéré à la Convention. Encore faut -il souligner
que les armateurs grecs se trouvent protégés par la Convention du fait que celle-ci
restreint le droit de saisir le navire aux seuls créanciers titulaires d'une "créance
maritime".
20 C.A. Rouen, 15 Avril 1982, Navire GME-Atlantico, DMF 1982, p.744
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
19
2. La Convention de 1952 – instrument d'uniformisation de
l'exercice de la saisie conservatoire
Par son application automatique dans les Etats signataires, la Convention permet par
conséquent de soumettre le créancier aux mêmes règles dans chaque Etat signataire
et d'uniformiser l'exercice de la saisie comme moyen de pression de la part du
créancier en offrant les mêmes droits et obligations à tout créancier saisissant.
Apres avoir envisagé le principe de l'application exclusive de la Convention de 1952,
il convient de mentionner les cas d'exclusion prévus par le texte même de la
Convention.
B. Les limites prévues par les articles 2 et 8 de la Convention
La Convention de Bruxelles prévoit dans les articles 8 (1) et 2 (2) des cas d'exclusion
de son application. Il s'agit d'envisager les hypothèses dans lesquelles la Convention
ne s'applique pas même si le navire bat pavillon d'un Etat contractant.
1. L’article 8 de la Convention
D'une part, la Convention de Bruxelles abandonne à la loi interne de l'Etat
contractant la saisie d'un navire battant pavillon de cet Etat par une personne
résidant, ou ayant son principal établissement dans cet Etat (art.8-4°) : la loi française
est donc seule compétente pour connaître des saisies pratiquées par des résidents
français sur un navire français. Il ressort de cet article, trois éléments à prendre en
considération :
- le lieu de la saisie ;
- la nationalité du navire ;
- et la résidence ou le principal établissement du créancier saisissant.
Si les trois éléments appartiennent au même Etat contractant, c'est la loi de cet Etat
qui va s'appliquer. Un élément d'extranéité est requis pour que la Convention trouve
à s'appliquer.
D'autre part, l’article 8-3 de la Convention prévoit que "chaque Etat contractant peut
refuser tout ou partie des avantages de la Convention à tout Etat non contractant et à
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
20
toute personne qui n'a pas, au jour de la saisie, sa résidence habituelle ou son
principal établissement dans un Etat contractant". D'une part, ce texte peut être
interprété de manière restrictive – si un navire battant pavillon d'un Etat contractant
est saisi dans un Etat contractant, la Convention pourrait être appliquée (art.8-1),
mais si le requérant n'a pas sa résidence habituelle ou son principal établissement
dans un Etat contractant, tout ou partie des avantages de la Convention pourrait lui
être refusé. D'autre part, si une interprétation large s'impose, la Convention ne pourra
pas s'appliquer. Selon le Doyen Rodière21 "entre deux interprétations de la
convention internationale, l'une conduisant à réduire son domaine d'application,
l'autre conduisant à lui donner toute son ampleur, il faut systématiquement choisir
l'interprétation la plus large".
Encore faut-il préciser que, selon article 8-5, même si le créancier ne peut pas se
prévaloir d'une résidence habituelle ou d'un établissement principal dans un Etat
contractant, il ne peut se voir refuser l'application de la convention par l'effet d'"une
subrogation, d'une cession ou autrement", lorsque le cédant ou le subrogeant a sa
résidence habituelle ou son principal établissement dans un Etat contractant.
2. L'article 2 de la Convention
Le droit interne à chaque Etat trouve à s’appliquer lorsqu’il existe des impératifs de
sécurité et d’ordre public. Selon l’article 2 de la Convention, "rien dans les
dispositions de la présente Convention ne pourra être considéré comme une
extension ou une restriction des droits et pouvoirs que les Etats, Autorités publiques
ou Autorités portuaires tiennent de leur loi interne ou de leurs règlements, de saisir,
détenir ou autrement empêcher un navire de prendre la mer dans leur ressort".
L’application de principe de la Convention est donc limitée par le respect des règles
de sécurité et d’ordre public propres à chaque Etat contractant où est pratiquée la
saisie. Les autorités publiques ou portuaires peuvent saisir un navire, même si aucune
créance maritime ne peut être invoquée, s'il y a violation des impératifs de santé ou
des règles de sécurité de la navigation, d'une non-conformité avec les règles et
règlements relatifs à la pollution ou encore s'il y a contrebande (Art. 324 (1) (a), 326,
378 et 414 du Code des Douanes).
21 RODIERE, Traité général de droit maritime, Introduction, n°5 et 30 et s. DALLOZ, 1976
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
21
Le problème posé par la saisie d'un navire battant pavillon d'un Etat non contractant
est plus complexe et mérite notre attention.
§II Le navire ne battant pas pavillon d'un Etat contractant :
application de l`article 8-2 de la Convention
L'article 8-2 de la Convention énonce qu'un navire ne battant pas pavillon d'un Etat
contractant peut être saisi dans un Etat contractant soit en vertu de l'une des créances
énumérées à l'article 1er de son texte (créances maritimes), soit en vertu de toute autre
créance permettant la saisie d'après la loi de cet Etat. Ainsi, pour un tel navire , une
saisie conservatoire peut néanmoins être faite en France, si la créance paraît fondée
en son principe. Cet article donne lieu à différentes interprétations de la doctrine (A),
ainsi que de la jurisprudence de la Cour de Cassation (B).
A. Une divergence doctrinale quant à la portée de l’article 8-2
Force est d'admettre que de l'interprétation de cet article découle l'étendue du
domaine d'application de la Convention aux navires ne battant pas pavillon d'un Etat
contractant.
La doctrine est partagée entre deux théories.
D'une part, certains auteurs22 soutiennent la thèse selon laquelle un choix entre la
Convention et la loi du for peut être effectué, ce qui restreint considérablement le
domaine d'application de la Convention. Ils considèrent que selon l’article 8-2, le
créancier saisissant qui souhaite saisir un navire battant pavillon d'un Etat non
contractant dans l'un des Etats contractants, dispose d'un choix :
- soit il se fonde sur la Convention et invoque une créance maritime parmi
celles énumérées à l'article 1er ;
- soit il décide de saisir le navire en invoquant "toute autre créance
permettant la saisie d'après la loi de cet Etat", en se fondant sur la loi de
l'Etat visé.
D'autre part, il y a la théorie selon laquelle la Convention s'applique de manière
générale aux navires battant pavillon d'un Etat non contractant – le créancier pourrait 22 RIPERT Georges, Conférence de CMI à Naples, Bull. n°105 ; Patrick PESTEL-DEBORD et Philippe GARO, La saisie conservatoire de navires, Pratic Export, 1994, p.7 ; VIALARD Antoine, Droit maritime, n°366, PUF, 1997
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
22
se prévaloir de la Convention de 1952 en se fondant sur une créance permise d'après
la loi interne de cet Etat. Selon cette deuxième interprétation, le domaine
d'application de la Convention se trouve élargi.
Maître Christian Scapel et Monsieur le Professeur Pierre Bonassies23 se sont
prononcés sur ce sujet et soutiennent la théorie selon laquelle la Convention
s'applique de manière générale à la saisie d'un navire d'un Etat non contractant, avec
référence complémentaire et partielle aux causes de saisie de la loi du for. En effet,
selon eux, si la thèse opposée est retenue, et la saisie d'un navire d'un Etat non
contractant est soumise à la loi du for, il existe le risque de favoriser les navires des
Etats non contractants – surtout les navires affrétés, saisissables sous le régime de la
Convention mais qui ne le sont pas sous de nombreux régimes nationaux. Les
rédacteurs de la Convention n'ont pas voulu, lors de la rédaction, conférer cet
avantage aux navires des Etats non contractants24.
Les divergences doctrinales ont laissé des traces au sein même de la jurisprudence
concernant l'interprétation de l'article 8-2.
B. Une jurisprudence incertaine
La Cour de Cassation s'est prononcée à plusieurs reprises à propos de l'interprétation
de l'article 8-2. Le débat doctrinal s'est produit au sein même de la Cour de Cassation
où deux interprétations ont été envisageables : la thèse du rejet d'application de la
Convention25 et la théorie selon laquelle la Convention s'applique26.
Elle a jugé tout d'abord que pour un navire ne battant pas pavillon d'un Etat
contractant, une saisie conservatoire peut néanmoins être faite en France, si la
créance paraît fondée en son principe27. Ainsi, la Cour a rejeté le pourvoi contre un
arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 22 mai 1997 en statuant que :"Un
armement dont le navire venait d'être saisi garantissant la vente d'un autre navire. Il
était donc débiteur de l'obligation de garantir l'acquéreur contre les défauts de
conformité du navire vendu. Le navire saisi battant pavillon de la Colombie, Etat non
23 Pierre BONASSIES, Christian SCAPEL, Traité de Droit Maritime, 2e édition p.409 24 Pierre BONASSIES, Le droit positif français en 1997, DMF 1998, Hors série n°2, p.46, n°62 ; F. Berlingieri, Arrest of ships, 3éd., 2000 25 Cass Com, 28 octobre 1999, navire Mediterranea, DMF 2000, p. 709 26 Cass Com, 30 octobre 2000, navire Sargasso, DMF 2000, p.1012 27 C. Cass., 26 octobre 1999, DMF 1997. 692, obs. Delebecque
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
23
partie à la Convention de Bruxelles, pouvait donc être saisi en France par application
de l'article 8-2".
Après avoir déterminé le droit applicable, on serait amené à se demander quelles sont
les conditions à remplir pour qu'une saisie conservatoire puisse être effectuée.
CHAPITRE II : LES CONDITIONS TENANT A LA NATURE DE LA
CREANCE ET LE NAVIRE
L’objet de la saisie doit être considéré en fonction de la créance qui la fonde (§1)
ainsi qu’en fonction de la saisissabilité du navire (§2).
§I LES CARACTERES DE LA CREANCE AUTORISANT LA
SAISIE
Les caractères propres de la créance et les circonstances dans lesquelles celle-ci peut
être invoquée à l’appui d’une demande de saisie conservatoire diffèrent selon qu’il
s’agisse du droit interne ou du droit international.
Voie d'exécution, la saisie conservatoire du navire repose sur un droit dont se prévaut
le demandeur. Ce droit est une cause juridique particulière : "allégation d'un droit ou
d'une créance" selon la Convention de Bruxelles (art.1er § 1) et "une créance
paraissant fondée en son principe" en droit français (Loi du 9 juillet 1991, art.67 ;
Décret du 27 octobre 1967, art. 29 ; L 5114-22 du Code des Transports).
Il convient d’envisager, d’une part, les conditions posées quant à la nature de la
créance par la Convention de 1952 (A) afin de s’intéresser aux critères exigés par la
loi française (B).
A. Une créance « maritime » requise par la Convention de 1952
Lorsque la saisie trouve son fondement dans la Convention de 1952, le créancier doit
se prévaloir d'une créance maritime figurant dans la liste de l'article 1 er de cette
dernière (1). Celle-ci présente un caractère unilatéral (2).
1. Liste exhaustive de l`article 1 de la Convention
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
24
Force est d’admettre que les conditions d’exercice de la saisie de la Convention de
1952 sont à la fois plus restrictives et plus larges que celles de la loi de 1967. Le
texte de la Convention limite la saisie aux seules « créances maritimes ». En ce sens,
la Convention s’avère plus restrictive que la loi française, puisque cette dernière,
comme nous le verrons, ouvre le droit à la saisie conservatoire à toute créance, peu
importe sa nature, à condition qu'elle soit fondée dans son principe.
a. La nécessité d'une créance de nature "maritime"
La Convention de 1952 réserve la faculté de saisir un navire à des créances ayant un
caractère « maritime », sans démontrer nécessairement l'urgence28. L'"allégation de
créance maritime", critère suffisant et unique, permet au créancier de saisir le navire
de son débiteur sur le fondement de la Convention du 10 mai 1952. Ainsi, la Cour de
Rouen a décidé que "l'allégation d'une créance maritime suffit à elle seule à autoriser
la saisie du navire auquel la créance se rapporte."29, et ceci, peu importe que cette
créance soit "partiellement maritime"30.
Selon l’article 1er de la Convention, la notion de "créance maritime" signifie
l'allégation d'une créance ou d'un droit qui a une des causes énumérées de la lettre a)
à la lettre q). En effet, la Convention donne une énumération exhaustive et limitative
de ce qui doit être considéré comme rentrant dans la catégorie de créances
maritimes : les créances nées d’un abordage, de dommages corporels provenant de
l’exploitation d’un navire, d'avaries communes, de contrats d`affrètement, de
transport et c.
La règle est affirmée par article 2 qui prévoit : “un navire battant pavillon de l’un des
Etats contractants ne pourra être saisi dans le ressort d’un Etat contractant qu’en
vertu d`une créance maritime, le texte anglais ajoute “but in respect of no other
claim” – ce qui renforce la règle. Une chose est sûre : il suffit que la créance figure
sur la liste, le juge n’a pas a vérifier après que la créance est certaine et sérieuse31.
28 Cass, 1ere Civ., 18 novembre 1986, navire Atlantic Triton 29 CA Rouen, 12 juin 1992, 2e ch. Civile, navire Roman et navire Maïpo, DMF 1993, p.752 30 Cass Com, 3 février 1998, navire Vendredi 13 ; T.Com. Marseille, ord. Réf., 4 juin 2003, navire Peljasper 31 Com. 26 mai 1987, DMF 87, 645
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
25
Il est intéressant de noter que des débats se sont manifestés lors des travaux
préparatoires de la Convention de 195232 quant à la détermination de la nature de la
créance autorisant la saisie. Les deux conceptions Anglo-Saxonne et Continentale
s'affrontaient, à savoir : selon la loi britannique, une créance "maritime" était requise
afin d'effectuer la saisie, alors que les législations de la plupart des pays continentaux
autorisaient cette dernière peu importe la nature de la créance, maritime ou non
maritime. Un compromis a été adopté – la saisie est autorisée par la Convention en
vertu d'un certain nombre de "créances maritimes" énumérées par l’article 1er, et en
même temps, conformément à la conception continentale, elle peut être effectuée sur
un navire autre que celui auquel la créance se rapporte et qui appartient au même
débiteur.
b. L'interprétation restrictive de l'article 1er de la Convention par la
jurisprudence française
La liste des créances énumérées dans l'article 1er de la Convention est d’interprétation
stricte. La jurisprudence française a confirmé le caractère restrictif de l'interprétation.
En effet, des décisions ont expressément statué en ce sens – à savoir qu'il convient
d'appliquer restrictivement l'article 1er de la Convention de Bruxelles et d'exclure les
créances qui ne figureraient pas dans cet article. Dans cette lignée jurisprudentielle
s'inscrit la décision de la Cour d'Appel d'Aix en Provence33 où les juges ont retenu
que : "La convention doit être interprétée restrictivement, en ce qui concerne la
nature des créances susceptibles d'être considérées comme maritimes, l'affectation
des biens d'une société au paiement d'une créance ne saurait être assimilée à une
hypothèque … Si le législateur a entendu limiter dans un but de clarté et
d'application internationale, les cas où une créance devaient être considérée comme
maritime, il n'appartient pas au juge national lorsqu'il interprète une telle Convention,
d'étendre ces cas prévus".
Aussi longue que soit l'énumération des créances de l'article 1er, elle ne couvre pas la
totalité des créances nées de l'exploitation du navire. Ainsi, se trouvent exclues les
créances trouvant leur justification dans le non paiement des primes d'assurances34,
32 BERLINGIERI Francesco, Arrest of ships, p.48, Lloyd's of London Press, 1992 33 CA Aix-en-Provence, 26 octobre 2001 34 Trib. Com. Le Havre, 4 mars 1984, DMF 81, 740
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
26
les créances résultant d'un contrat de crédit-bail35, les créances de location d'une
flotte de conteneurs à l'armement propriétaire des navires saisis36, les créances de
prêt pour effectuer des réparations sur un navire37, les créances nées de la vente d’un
bâtiment autre que celui faisant l’objet de la saisie38 et de manière générale les
créances non maritimes39.
A titre d'exemple où les juges interprètent restrictivement la notion de créance
maritime, on peut citer la décision de la Cour d'Appel d'Aix en Provence40 rétractant
une ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Saint-Tropez. Dans cette
affaire, une épouse en instance de divorce obtient la confirmation de la saisie
conservatoire du navire de plaisance battant pavillon belge et dont son mari est le
propriétaire, et ce, en garantie d'une importante créance de pension alimentaire d'un
montant de 763.000 euros. Pour la Cour d'Aix, une créance de pension alimentaire de
divorce n'est pas une créance maritime au sens de l'article 1er de la Convention et la
saisie est levée.
En revanche, la jurisprudence réaffirme que sont des créances maritimes, les
créances salariales du capitaine, des officiers et de l'équipage, et que celles-ci
comprennent non seulement les salaires proprement dits, mais encore les primes et
les indemnités de rupture de contrats41.
Il convient de mentionner que la Cour de Cassation a rendu une décision
d'interprétation extensive de la notion de créance maritime42 : les débours du
capitaine et ceux effectués par un consignataire pour le compte d'un navire ont le
caractère d'une créance maritime, dès lors que l'armateur est autorisé à saisir un
navire appartenant au consignataire, pour obtenir le remboursement d'un solde du
compte d'escale.
Concrètement, sont considérées comme bénéficiant d’une créance maritime deux
catégories de créanciers. La première comprend les créanciers titulaires d’un droit
35 CA Aix-en-Provence, 2e ch. Civ., 20 avril 1990 36 CA Aix-en-Provence, 2e Ch. Com, 30 Octobre 2002, navires Tablat et Tlemcen, DMF janvier 2003 37 CA Aix-en-Provence, 14 novembre 1996, navire Zamoura, DMF juin 1997 38 Rouen 15 avril 1982, DMF 82, 744 39 Rouen 9 fevrier 1984, DMF 85.156 40 CA Aix-en-Provence, 14 janvier 2005 41 CA Aix-en-Provence, 18e ch., 13 avril 2004 ; Conseil de Prud'hommes Cannes, 13 mai 2004 42 Cass. Com., 10 mai 1989
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
27
réel sur le navire en cause (créances concernant la propriété ou la copropriété du
navire saisi, ainsi que toute hypothèque maritime ou mortgage43).
La seconde catégorie de créanciers autorise à saisir conservatoirement un navire, ce
sont ceux dont le titre est né de l’exploitation ou de l’usage du navire.
En tout état de cause, la créance est toujours liée au navire saisi, elle en est
l'accessoire en ce sens qu'elle est soit incorporée au navire, soit produite par lui, soit
affectée à son service.
2. Le caractère unilatéral de la notion de « créance maritime »
La créance maritime présente un caractère unilatéral. Dans un contrat d’affrètement,
la créance que l’affréteur a contre l’armateur, pesant d’abord sur le navire, est une
créance maritime qui donne a l`affréteur le droit de saisir le navire dudit armateur.
Selon Monsieur le Professeur Pierre Bonassies et Monsieur Scapel, la créance de
l’armateur contre l’affréteur n’est pas une créance privilégiée – l’armateur dans ce
cas ne peut saisir un navire « tiers » qui appartient à son débiteur.
En conclusion, il est intéressant de noter que la nouvelle Convention de 1999
n'innove pas en la matière, puisqu'elle reprend le même système de liste a priori
limitative dans son article 1er. Comme le texte de 1952, elle s’avère protectrice de la
liberté du commerce maritime, en limitant le droit d`exercer une saisie conservatoire
aux seuls créanciers titulaires d`une créance maritime, « à l’exclusion de toute autre
créance » (art.2, al.2). Cependant, elle crée, en plus des créances mentionnées, de
nouvelles catégories de "créances maritimes". Cette notion se trouve élargie puisque
la Convention crée de nouvelles catégories de créances, essentiellement inspirées par
de préoccupations environnementales (art.1er § 1c ; art.1er § 1d). A titre d`exemple,
on peut citer la créance pour assistance, qui s’étend a la créance pour indemnité
spéciale, en cas d’assistance à un pétrolier, tandis que la nature de créance maritime
des créances de salaire s’entend aux créances de cotisations d’assurance sociale. Il
faut noter que ces solutions avaient été déjà adoptées par certains tribunaux
nationaux, dont les juges français, comme nous le verrons par la suite (B).
43 Aix-en-Provence, 12 juin 2008, navire Ocean Breeze, DMF 2009.150
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
28
B. « Une créance paraissant fondée dans son principe », exigée par la loi
française
Plus large que le texte international, la loi française permet la saisie pour toute espèce
de créance, et alors même qu'elle tiendrait à une activité non maritime du propriétaire
du navire. La seule exigence que pose la loi française est que la créance paraisse
justifiée dans son principe. Les juges se livrent à un examen au cas par cas afin de
déterminer le sérieux de la créance (1).
En outre, le créancier n'a pas à démontrer l'urgence de la créance (2).
1. « Créance paraissant fondée en son principe » : une notion difficile à
cerner
La notion de "créance paraissant fondée dans son principe" est difficile à préciser. Il
appartient aux tribunaux de déterminer au cas par cas si les droits du créancier
paraissent avoir un fondement suffisant.
Quand la saisie conservatoire générale a été introduite, la loi du 12 décembre 1955 a
spécifié que le juge l'autoriserait si le créancier justifiait "d'une créance paraissant
fondée en son principe"44.
Toutefois, la position prise en 1955 s'est révélée insuffisamment protectrice des
droits d'armement. Un navire étant un instrument de travail valant très cher, les
auteurs de la loi du 3 janvier 1967 ont considéré que la notion de "créance fondée en
son principe" était trop vague et pouvait autoriser des saisies abusives. L’article 29
du décret du 27 octobre 1967 exigeait du créancier qu'il démontre "une créance
certaine". Cette règle a été assouplie par un décret du 24 février 1971. Selon le
nouveau texte de la loi de 1967, la saisie conservatoire est ouverte à tout créancier
justifiant "d'une créance paraissant fondée dans son principe".
Par conséquent, les juges doivent procéder à une appréciation souveraine et un
examen de la créance afin de s'assurer qu'elle est sérieuse et que le principe en est
certain45.
44 Article 48 du Code de procédure civile ancien ; Article 29 du Décret du 27 Octobre 1967 45 Trib. Com. Cannes 8 Juillet 1983 ; Rouen 1er Juillet 1985
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
29
Dans la pratique, il apparaît que les tribunaux accordent assez largement le droit
d'exercer une saisie conservatoire46 si la créance leur parait assez sérieuse. Ainsi, la
Cour d'Appel d'Aix-en-Provence47 a jugé que la créance d'un chantier impayé par un
armateur pour des réparations réalisées sur le navire est une créance paraissant
fondée en son principe.
En revanche, la pratique jurisprudentielle révèle des cas où les juges ont refusé cette
qualification48 et notamment lorsque la créance leur apparaissait "douteuse et
insuffisamment fondée en son principe"49.
2. La certitude : l'urgence de la créance n'est pas requise
A la différence de mesures conservatoires de droit commun, aucune condition
d'urgence ou de risque de non-recouvrement de la créance n'est requise pour
l'exercice d'une saisie conservatoire de navire. Le droit commun exige en effet que le
créancier démontre des "circonstances susceptibles de menacer le recouvrement" de
la créance (art. 67 de la loi du 9 juillet 1991).
En revanche, pour la créance paraissant "fondée en son principe" aucune condition
d'urgence ou de risque de non-recouvrement de la créance n'est requise pour
l'exercice d'une saisie conservatoire50.
La preuve de la créance n'est pas suffisante. Le créancier, qui démontre une créance
maritime ou une créance "paraissant fondée en son principe" peut toutefois être
confronté au caractère insaisissable du navire. Ainsi faut-il s'intéresser aux navires
saisissables.
§ II CONDITIONS TENANT AU NAVIRE SAISISSABLE
Pour qu'un navire puisse faire l'objet d'une saisie conservatoire, il faut qu’il soit
saisissable.
Il faut observer que certains navires ne peuvent être saisis car ils bénéficient de
l'insaisissabilité – véritable privilège d'exécution.
46 Rouen, 25 mai 1973, Scapel 1973, 45 ; DMF 1974, 84 47 CA Aix-en-Provence, 28 novembre 1985, Navire Shangri-La, DMF 1986, p.94 48 Trib. Com. Rouen, 11 janvier 1991, Navire Noblesse, DMF 1992.58 49 CA Rennes, 30 Juillet 1975, Navire Pointe du Minou, DMF 1976, p.223 50 Cass. 18 nov. 1985, DMF 1987.696
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
30
Dans un premier temps, nous évoquerons les navires susceptibles de faire l'objet
d'une saisie (A) afin d'examiner dans un deuxième temps les navires qui ne sont pas
susceptibles d'être saisis ainsi que le principe d'insaisissabilité des navires dépendant
directement d'un Etat (B).
A. Les navires susceptibles de faire objet d'une saisie
Traditionnellement, en droit français, le législateur a voulu faciliter la liberté de
navigation. Par conséquent, les navires prêts à faire voile ne pouvaient faire l'objet
d'une saisie puisque leur immobilisation entraînait des pertes financières. L’article
215 du Code de Commerce interdisait la saisie des navires prêts à faire voile.
Cette règle a été écartée expressément par la Convention de 1952. Elle ne figure pas
non plus dans la loi de 1967. Désormais, la saisie des navires prêts à faire voile tend
à devenir la règle. Toutefois, étant donné l'importance des préjudices occasionnés par
cette saisie, le juge se livre à un contrôle en tenant compte de la valeur des intérêts en
jeu51. Dans cette affaire, les juges de la Cour d'Appel d'Aix en Provence ont estimé
que la saisie pratiquée sciemment et sans nécessité un vendredi en fin de matinée, sur
un navire en partance et en charge de ses passagers et véhicules, dépassait la fin
légitime d'une saisie conservatoire et exerçait une pression quasi intolérable sur le
débiteur.
B. Les navires insaisissables
Selon l’article 15 de la loi du 9 juillet 1991 "les saisies peuvent porter sur tous les
biens appartenant au débiteur alors même qu'ils seraient détenus par des tiers". La
saisie du navire ne tient pas compte en principe de son affectation au commerce, à la
pêche, à la plaisance…Tous les navires sont saisissables dans les mêmes conditions.
Cependant, ce principe souffre d’exceptions.
Il convient alors d'envisager, d'une part, l'insaisissabilité de principe des navires
instruments de travail (1) afin d'invoquer l'insaisissabilité des navires dépendant de
l'Etat (2).
51 CA Aix-en-Provence, 10 mars 1987, DMF 1988
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
31
a. Exclusion de la saisie des navires instruments de travail :
insaisissabilité de principe
La loi52 protège efficacement les navires instruments de travail par une
insaisissabilité de principe, pour autant que sont réunies deux conditions : l'exercice
d'une activité professionnelle (le travail) et l'utilisation du navire allégué (l'instrument
nécessaire et indispensable à l'exercice de cette activité)53. Le principe a été appliqué
par les tribunaux aux navires de pêche54.
Ce principe subit des dérogations selon l’article 592-1, reprises par l’article 14-4 de
la loi du 9 juillet 1991. D'après cet article, les navires sont susceptibles d'être saisis
s'"ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille
habituellement" et s'"ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur
importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère
luxueux". Cependant, il faut noter que cette circonstance reste sans effet si le navire
est l'unique instrument de travail de l'artisan que la loi protège (Montpellier, 19 oct.
1978, navire Phoebus, précité).
b. Exclusion de la saisie des navires bénéficiant d'une immunité
Conformément aux exigences de la Convention de Bruxelles du 10 avril 1926 sur
l'immunité des navires d'Etat55, les navires d'Etat affectés exclusivement à une
activité gouvernementale et non commerciale ne sont pas saisissables, en vertu des
immunités de juridiction et d'exécution qu'on doit leur reconnaître. L'immunité
d'exécution interdit la saisie d'un navire appartenant audit Etat alors que l'immunité
de juridiction interdit d'obtenir sa condamnation par un juge français, si celle-ci est
ordonnée en France.
L'immunité d'exécution protège les navires, tant militaires que civils, appartenant à
l'Etat et aux personnes morales de droit public : collectivités territoriales,
établissements publics, hôpitaux publics, universités et instituts scientifiques. Afin de
bénéficier de l'immunité il faut que le navire soit en rapport avec l'Etat. Les règles du 52 Article 592 de l'ancien Code de procédure Civile, modifié par le décret du 24 Mars 1977, repris par l'article 39 du décret du 31 juillet 1992 53 Trib. Com. Marseille, 16 nov. 1990, DMF 1992, p.129 54 Montpellier, 19 oct. 1978, navire Phoebus, DMF 1979.336 55 Conv. Bruxelles, 10 avril 1926, sur l'immunité des navires d'Etat, entrée en vigueur le 8 janvier 1937 et ratifiée par la France le 27 juillet 1955
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
32
droit international public trouvent à s'appliquer. Cette immunité est écartée "quand le
bien saisi a été affecté à l'activité économique et commerciale relevant du droit privé
qui donne lieu à la demande en justice"56. Ainsi, les navires d'Etat affectés à une
activité commerciale sont assimilés entièrement aux navires de commerce ordinaires
et ne bénéficient pas des immunités57.
L'immunité de juridiction, quant à elle, ne se trouve dans aucune convention
internationale. En ce sens, la jurisprudence a dû développer les critères permettant la
mise en œuvre d'une telle immunité.
Encore faut-il mentionner qu'il existe la possibilité pour les parties à un contrat
maritime de prévoir par avance qu'elles n'auront pas recours à la saisie
conservatoire58, que ce soit par une clause compromissoire ou indépendamment d'une
telle clause.
Une fois les conditions d'exercice d'une saisie conservatoire en droit français et en
droit international déterminées, il convient de s'intéresser à l'intérêt même que
présente la saisie d'un navire et les moyens mis à la disposition du créancier pour
obtenir rapidement le paiement de son dû.
PARTIE II
LA SAISIE CONSERVATOIRE DU NAVIRE : MOYEN DE
PRESSION EFFICACE CONTRE LE DEBITEUR
La saisie conservatoire constitue avant tout un moyen de pression efficace dont
dispose le créancier à l'encontre de son débiteur insolvable (Chapitre I). Elle
représente aussi un moyen d'immobiliser le navire rapidement dès que ce dernier
entre dans un port (Chapitre II).
56 Cass. 14 mars 1984 57 V. D. Guyot "Les immunités des navires d'Etat : les thèses en présence" DMF 1987 58 Cass 18 novembre 1986, DMF 1987.696
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
33
CHAPITRE I : LES MOYENS DU CREANCIER D'AGIR CONTRE LE
DEBITEUR INSOLVABLE
L’obligation est un lien entre deux personnes, et un créancier ne peut saisir que les
biens qui appartiennent à son débiteur59. L’affréteur n’étant pas le propriétaire du
navire qu’il exploite, ses créanciers ne peuvent par conséquent le saisir. Selon le
Doyen Rodière « C’est bien entendu le navire du débiteur seul qu’on peut saisir …
l’affrètement d’un navire n’en fait pas la propriété de l’affréteur. Les créanciers de
l’affréteur n’ont donc aucun titre à le saisir »60.
La Convention de 1952 déroge a cette règle en permettant de saisir le navire pour les
dettes d’un autre que le propriétaire. Force est d’admettre que le droit français est un
droit « personnaliste »61 puisqu’il privilégie la relation entre le créancier et son
débiteur. De l’autre côté, la Convention de 1952 est « réaliste » puisqu’elle crée un
lien direct entre le créancier et la chose indépendamment du propriétaire. Nous allons
traiter successivement l'action in personam lorsque le navire est la propriété du
débiteur du navire saisi (§ I) et l'action in rem dans les cas où le débiteur n'est pas le
propriétaire du navire en question ( §II ).
§I ACTION IN PERSONAM : "LE NAVIRE DEBITEUR" (LE
NAVIRE : PROPRIETE DU DEBITEUR)
Le créancier qui fonde sa saisie sur la loi de 1967 peut saisir tout navire appartenant
à son débiteur. La règle découle des principes généraux du droit commun, lesquels
font de chacun des éléments du patrimoine du débiteur le gage de ses créanciers
(article 2093 du Code Civil). Toutefois, il faut mentionner que des cas
problématiques apparaissent lorsqu'il s'agit d'une saisie d'un navire autre que celui
ayant fait l'objet de la créance ou lorsqu'il est difficile de déterminer si le navire
appartient au même débiteur.
Nous allons envisager d'une part la possibilité accordée par le droit français de saisir
les navires auxquels se rapporte la créance maritime (A) puis évoquer les cas de
saisie des navires autres que ceux auxquels la créance se rapporte (B).
59 Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, article 74 ; Cass. 1ere Ch Civ, 18 novembre 1997 60 R.Rodiere, Le navire, Paris, Dalloz, 1980, n° 189 et 200. 61 LOOTGIETER Sébastien, La saisie d`un navire affrété, DMF 716 Juillet-Aout 2010
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
34
A. La saisie d'un navire auquel se rapporte la créance
La question qui se pose est celle de savoir quand un requérant invoque une créance
présentant toutes les caractéristiques pour exercer une saisie, pourra-t-il saisir tout
navire de son débiteur? Deux hypothèses sont envisageables, selon qu’il s’agisse de
la loi française qui fonde la saisie ou de la Convention de 1952.
Si le créancier fonde la saisie sur la loi du 3 janvier 1967, il pourra alors saisir tout
navire appartenant à son débiteur (article 2093 C. Civil). En revanche, s'il appuie sa
demande sur la Convention de 1952, l’article 3 de ladite Convention62 prévoit qu'il
devra saisir "le navire auquel la créance se rapporte". Cette notion de "navire auquel
la créance se rapporte" a dû être précisée par la jurisprudence63. En l'espèce, un
armateur créancier de son consignataire a voulu saisir le navire affrété en 1995 par ce
dernier, alors que les sommes en question concernaient les relations d'affaires en
1994. Sa demande a été rejetée.
En second lieu, il résulte des dispositions de l'article 3, al. 3 de la Convention que le
créancier ne pourra saisir qu'un seul navire. Toutefois, ce principe n'a pas un
caractère absolu. L'interdiction faite à un créancier de saisir plus d'un navire ne joue
pas pour les saisies effectuées dans un Etat qui n'est pas partie à la Convention64. De
même, la Convention autorise le créancier à saisir non seulement le navire "auquel la
créance se rapporte", mais aussi "tout autre navire appartenant[…] au […]
propriétaire du navire auquel la créance se rapporte" : c'est-à-dire les "sister-ships"65
– un navire autre que celui générateur de la créance née de son exploitation, à
condition qu'il soit la propriété du débiteur. Il s'agit de la constitution de compagnies
d'armement dotées d'un seul navire.
Ainsi d'une manière indirecte, la Convention aboutit aux mêmes résultats que la loi
française : le créancier peut saisir tout navire appartenant à son débiteur.
Toutefois, il a paru injuste que ceux qui contrôlent la gestion d'un ensemble de
navires ne soient pas poursuivis sur l'un ou l'autre de ceux-ci sous prétexte qu'ils ont
62 Art.3 de la Convention : "Tout demandeur peut saisir soit le navire auquel la créance se rapporte, soit tout autre navire appartenant à celui qui était au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel une créance se rapporte." 63 CA Rouen, 24 mai 1995, Navire Saint-Pierre 64 Ajaccio, 19 octobre 1999, Navire Islandbreeze 65 "Sister ship" signifie "deuxième navire identique au premier"
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
35
constitué des sociétés indépendantes. La doctrine et la jurisprudence ont établi une
théorie dite de "navires apparentés".
Ce qui nous amène à étudier la problématique de la saisie d'un navire autre que celui
auquel la créance se rapporte et la théorie des navires apparentés.
B. La saisie d'un navire autre que celui auquel la créance se rapporte –
les navires apparentés
Une fois admis le principe que le créancier maritime peut saisir tout navire
appartenant à son débiteur, le problème qui s'est posé était de savoir si, le débiteur
étant une société A, il n'était pas possible de saisir un navire appartenant à une
société A', étant donné que les deux sociétés A et A' avaient les mêmes actionnaires,
voire un seul et même actionnaire, ces sociétés constituant des "single ship
corporations" et les navires apparaissent comme des navires apparentés : appartenant
à des sociétés qui forment ensemble un groupe économique mais qui ont une
personnalité morale distincte l'une de l'autre.
1. L'élaboration de la "théorie de la communauté d'intérêts" par la
jurisprudence
La question qui se pose est de savoir quand est-ce que deux navires peuvent être
considérés comme ayant le même propriétaire?
Selon la Convention de 1952, les "navires seront réputés avoir le même propriétaire
lorsque toutes les parts de propriété appartiendront à une même ou aux mêmes
personnes" (art.3, al.2). Cette règle implique qu'une saisie conservatoire sur un navire
autre que celui auquel se rapporte la créance, ne peut être effectuée que si le débiteur
de la créance en est le propriétaire direct. En effet, il faut mentionner qu'il s'agit de
parts de propriété dans le navire et non pas d'actions dans la société qui est le
propriétaire du navire. Il ne suffit donc pas, pour que l'autre navire puisse être saisi,
que le débiteur soit actionnaire d'une société, qui à son tour est propriétaire d'un autre
navire, tout comme il ne suffit pas non plus que les sociétés concernées aient les
mêmes actionnaires. Cela explique le fait que beaucoup d'armateurs ont constitué,
pour chaque navire de leur flotte, une société différente et qu'ils ont ainsi créé une
structure de groupe dans laquelle chaque navire appartient à une "single ship
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
36
company" différente et où les sociétés-propriétaires affrètent leurs navires ou les
confèrent en gestion à d'autres sociétés du même groupe. Cette structure leur permet,
d'une part, de minimiser les impôts sur les revenus, mais aussi d'éviter qu'un navire
puisse être saisi pour les dettes d'un autre navire de leur flotte.
Les juges sont allés très loin dans l'application du texte de l'article 3 par. 2 de la
Convention puisqu'ils ont considéré qu'il devrait s'appliquer, d'une part, non
seulement aux armements constitués en copropriété, mais aussi aux armements
constitués en sociétés par actions et, d'autre part, alors même que le capital d'une
société A n'appartenait pas en totalité au détenteur du capital d'une société B, les
créanciers de la société A pouvaient saisir un navire de la société B dès qu'il existait
entre les deux sociétés une communauté d'intérêts, manifestée par une même adresse,
les mêmes références bancaires, administrateurs communs ou un autre indice.
La CA de Rennes66 utilise cette notion pour la première fois dans une affaire où les
créanciers de la société à laquelle appartenait le navire Brave Thémis ont effectué
une saisie conservatoire sur le navire Brave Mother, appartenant à une autre société.
Les juges n'ont pas autorisé la saisie même s'il s'agissait d'un petit nombre d'actions
de ces sociétés qui étaient la propriété de tiers, en concluant que les deux navires se
présentaient comme ayant été "la propriété de sociétés dont le patrimoine se trouve
uni, à travers les membres d'une même famille, par une communauté d'intérêts".
Dans le pourvoi, l'armateur du Brave Mother a reproché au juge d'appel d'avoir violé
les dispositions de l'article 3 de la Convention de 1952, lequel exige que toutes les
parts de propriété des navires en cause appartiennent à une même personne pour
autoriser la saisie d'un autre navire auquel la créance se rapporte. Donc, rejet du
moyen67. Selon les juges de fond, le simple fait que les deux sociétés se trouvent unis
"à travers les membres d'une même famille par une communauté d'intérêts" suffit à
justifier la saisie du navire appartenant à l'une d'elles par les créanciers de l'autre.
Certains arrêts sont allés encore plus loin, considérant que la simple apparence d'une
communauté d'intérêts existant entre deux sociétés justifiait la saisie d'un navire
appartenant à l'une d'elles par les créanciers de l'autre68.
66 CA Rennes, 21 juin 1989 67 Cour de Cassation, 12 février 1991 68 CA Rouen, 28 novembre 1991, navire Yumuri
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
37
A la suite du développement de la théorie de la communauté d'intérêts les créanciers
du monde entier ont voulu saisir en France, ce qui a donné lieu à un excès de saisies
de navires en France. Les tribunaux ont été amenés à durcir les critères.
La Cour de Cassation a mis un coup d'arrêt au principe de la communauté d'intérêts
et la saisie des navires apparentés dans les arrêts Osiris69, Alexander III70 et Cast
Husky71 dans lesquels elle rappelait le principe d'autonomie du patrimoine et
imposait aux créanciers saisissants de rapporter la preuve de la fictivité des sociétés
X et Y, ce qui est extrêmement difficile à démontrer en pratique. La simple preuve de
la "communauté d'intérêts" ne suffit plus. La Cour exige désormais une volonté réelle
de fraude pour établir la fictivité72.
2. La nécessité de démontrer la fictivité
La notion de « fictivité » permet de dépasser le stade des apparences pour apprécier
la réalité des liens existants entre les différentes sociétés. La société fictive "est le
produit d'une simulation, c'est-à-dire de la création, à l'intention des tiers, d'une
apparence (l'existence d'un contrat de société) non conforme à l'intention réelle des
parties, auxquelles la volonté de se mettre en société, et plus précisément l'affectio
societatis, font défaut"73. Souvent, ces sociétés sont créées dans le but de faire échec
au principe de l'unité de patrimoine et constituent donc une fraude à la loi. Il faut
noter que la notion de fictivité ne figure pas dans les textes régissant la saisie. Lors
de la rédaction de la nouvelle Convention de Genève de 1999 la question s'est posée
de savoir s'il ne fallait pas donner un contenu précis de cette notion. Finalement le
texte ne contient aucune définition de la notion.
La Cour de Cassation approuve régulièrement, depuis un arrêt du 15 octobre 199174,
le recours à la notion de société fictive. Le créancier ne peut pas obtenir la saisie sans
avoir démontré la réalité du lien de propriété existant entre les navires en cause, c'est-
à-dire entre le navire objet de la saisie et le navire auquel la créance se rapporte.
Alors on est amené à se demander quels sont les critères qui permettent de
caractériser cette fictivité? 69 Cour de Cassation, 15 novembre 1994 70 Cour de Cassation, 19 mars 1996 71 Cass Com, 15 nov. 1994, DMF 1995 ; Cass Com. 19 mars 1996 ; Cass Com. 21 janvier 1997 72 J-S. Rohart, "La saisie des navires apparentés – Suite et fin?", DMF 1994 73 Rouast-Bertier (Pascale), Société fictive et simulation, Rev. Soc. 1993 74 Com. 15 octobre 1991, navire Ore Stream, DMF 1992
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
38
A titre d'exemple, on peut citer l'arrêt Alexander III où les juges du fond ont conclu, à
partir de certains indices (siège commun, gestionnaire commun) que deux armements
dissimulaient la même entité économique. Pour la Cour de Cassation, une telle
motivation était impropre à caractériser la fictivité de la société propriétaire du
navire, comme à établir que celle-ci ne disposait pas d'un patrimoine propre, distinct
de celui de la société débitrice.
Dans une autre affaire, la Cour a jugé que le fait pour les sociétés propriétaires des
navires saisis d'être une filiale à 100% du vendeur ou affréteur coque nue de ses
navires et de ne pas justifier de la réalité du paiement de leur prix sont des motifs
impropres à caractériser leur fictivité et à établir qu'elles ne disposent pas d'un
patrimoine propre qui est distinct de celui de l'affréteur coque nue75
Aujourd'hui, la nécessité de démontrer la fictivité des sociétés rend quasiment
impossible la saisie d'un navire sur le fondement de la communauté d'intérêts. On
observe cependant quelques rares cas où le juge relève que les deux sociétés en cause
"étaient dans une dépendance financière telle qu'elles n'ont qu'un seul patrimoine et
forment une seule entité"76.
Après avoir envisagé l'action dont dispose le créancier contre le débiteur, propriétaire
du navire, il convient de s'intéresser au cas où le navire n'est pas la propriété du
débiteur.
§ II L'ACTION IN REM : LES NAVIRES DU "DEBITEUR"
En droit commun, seuls les biens appartenant au débiteur peuvent être saisis, même
par une saisie conservatoire, parce qu'un créancier n'a pour gage que le patrimoine de
son débiteur.
En droit maritime, lorsqu'un navire est exploité par un armateur ou gérant non
propriétaire, les créanciers qui ont subi le dommage du fait de l'exploitation du
navire, ou qui ont porté assistance, bénéficient d'un privilège leur permettant
d'exercer sur le navire une saisie.
Il s'agit de savoir si le créancier peut saisir un navire qui n'appartient pas au débiteur
de l'obligation, situation très fréquente en raison de la dissociation de la propriété et 75 Cass Com, 15 oct 2002, navires Taganroga et Razna 76 Cour de Rouen, 14 septembre 2000
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
39
de l'exploitation du navire. Le droit français et le droit international di ffèrent sur ce
point.
Le premier est gouverné par la conception personnaliste du patrimoine, le second
accepte le
principe d'une obligation de nature particulière, l'obligation in rem.
L'action in rem est l'action directement exercée sur une chose. Cette conception vise
le navire "débiteur" saisi de la dette d'un exploitant non propriétaire tel qu'un
affréteur. Ce navire est toujours saisissable sous réserve du droit de suite et de la
restriction tenant à la possibilité de l'exécution. En effet, l`action in rem se concentre
plus sur le navire auquel se rapporte la créance et non sur le lien de propriété existant
entre le navire et le débiteur.
Cette action vise souvent une tierce personne, soit parce que la créance est née sous
le chef de l’armateur, mais il n`est pas l’exploitant au moment de la saisie, soit parce
que le navire a été vendu au moment de la naissance de la créance. Nous étudierons
successivement le cas de la saisie d'un navire affrété (A) et celui du navire vendu (B).
A. LA SAISIE D'UN NAVIRE AFFRETE
Comme tout créancier, le créancier bénéficiaire d'un privilège maritime a le droit de
saisir le navire en tant que bien de son débiteur.
Toutefois, on est amené à se poser la question qu'en est-il de la saisie par le créancier
privilégié du navire qui n'est pas la propriété de son débiteur, dans le cas où le navire
est exploité par un affréteur ou un armateur non propriétaire.
La saisie du navire affrété dans ce cas diffère selon le fondement sur lequel elle sera
opérée : celui de la Convention de 1952 ou celui de la loi française de 1967.
Il est intéressant de mentionner qu'en ce domaine la plupart des systèmes juridiques
qui n'accordent la saisie qu'aux créances nées de l'exploitation d'un navire tendent à
en admettre la saisie même si ce navire est entré dans les mains d'un tiers. Il y a alors
la liaison entre la notion de "créance maritime" et celle de "maritime lien". C'est ce
qu'admet le droit anglais qui, en cas de location coque nue, admet les créanciers
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
40
ayant un maritime lien sur le navire, à le saisir entre les mains du fréteur qui en a
pourtant récupéré la possession77.
Le droit allemand conduit à la même solution avec sa théorie des créanciers du
navire, encore qu'il ne soit pas explicite78. On trouve une solution approchante dans
les systèmes qui ont plus ou moins imité la Convention de 1952 et qui, réduisant le
nombre des saisissants possibles, resserrent le lien entre la créance maritime et le
navire plus qu'avec le débiteur : ainsi, en Suède (art.275), en Grèce (art. 106, al.2), en
Belgique (loi du 4 décembre 1961, art.3 modifiant l'art.1er de la loi de 1908)79.
Le droit français connaît une règle semblable quand il autorise le créancier
hypothécaire et, dans une moindre mesure, le créancier privilégié à exercer un droit
de suite. On comprend dans ce sens la solution italienne qui envisage le cas de la
saisie entreprise par les créanciers de l'armateur non propriétaire nantis d'un privilège
maritime (art.670). La même solution a été adoptée par une Cour égyptienne
autorisant la saisie pour une créance maritime d'un navire affrété à temps par un autre
que le débiteur, lequel avait à l'époque où la créance du saisissant était née, affrété le
navire avec démise80.
Sur le plan interne français, aucune disposition ne se prononce, directement ou
indirectement, sur la possibilité pour un créancier de saisir un navire qui n'appartient
pas à son débiteur (1). Au niveau international, le créancier qui fonde son action sur
la Convention de 1952, se trouve favorisé par rapport à celui qui invoque la loi
française puisque cette dernière autorise la saisie des navires pour dettes de l'affréteur
dans son article 3-4 (2).
1. Le navire affrété et le droit français
a) L'impossibilité de saisir un navire affrété n'appartenant pas au
débiteur du créancier selon la loi française
Le texte de la loi de 1967 ne comporte aucune disposition sur la possibilité pour un
créancier de saisir un navire qui n'appartient pas à son débiteur. En principe, l'action
77 The Lemington (1879) 2 Asp. M.C. 78 § 510, al.2 et 754 H. G. B. 79 1ere instance de Tribunal d'Anvers, 4 mai 1976, Droit européen des transports, 1977, 113 80 Appel Mansourah, 15 mars 1969, D.M.F., 1971, 741. L'affaire relevait de la Convention de 1952 que l'Egypte a ratifiée.
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
41
du créancier saisissant se limite aux seuls navires appartenant à son débiteur. Cela
résulte du principe de l'unité du patrimoine en droit français : le créancier fondant la
saisie sur la loi de 1967 peut saisir tout navire appartenant à son débiteur puisqu'il n'a
pour gage que le patrimoine de ce dernier. La théorie de l'unité du patrimoine
s'oppose à la théorie du patrimoine d'affectation. L'action in rem du droit anglais n'est
pas admise en droit français.
L’article 2092 du Code Civil énonce que "quiconque s'est engagé personnellement,
est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers
présents et à venir". Il s'ensuit que le créancier peut saisir tout bien de son débiteur en
garantie de sa dette.
De même, selon le Doyen Rodière l'affrètement d'un navire n'entraîne pas le transfert
de propriété vers l'affréteur, ses créanciers "n'ont donc aucun titre à le saisir".
Cependant, la jurisprudence française a comblé le silence de la loi française et a
apporté des nuances au principe de l'unité du patrimoine et l'impossibilité de saisir
des navires affrétés pour dette de l'affréteur.
b) La saisissabilité du navire affrété pour dette de l'affréteur admise par
la jurisprudence
La jurisprudence justifie fréquemment la saisie du navire pour dette de l'affréteur par
la notion de privilège. Le privilège est une exception à l'égalité du principe des
créanciers. Les juges utilisent la notion de créance privilégiée afin de permettre la
saisie des navires affrétés. Les créances privilégiées passent avant les autres droits
sur le navire, sans qu'il soit nécessaire de les faire enregistrer.
A titre d'exemple, on peut citer l'affaire sur la saisie du navire Saudi-Jamal81, la Cour
d'Appel de Douai s'est basée sur l’article 30 du décret du 27 octobre 1967 et a admis
que le créancier d'un affréteur pouvait saisir conservatoirement le navire affrété à
condition qu'il bénéficie d'un privilège maritime sur le navire affrété. D'après
Monsieur Scapel et Monsieur Bonassies, il n'y a pas de raison d'étendre cette
possibilité aux créanciers non privilégiés puisque c'est l'existence du privilège qui
fonde le droit à la saisie du créancier privilégié.
81 Cour d'Appel de Douai, 31 janvier 1985, Navire Saudi-Jamal
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L'affaire sur la saisie du navire Spartan82 où la Cour d'Appel a invoqué les privilèges
sur le navire, est un exemple significatif de ce raisonnement. Dans cette affaire, la
question qui s'est posée aux juges était celle de savoir si la saisie conservatoire d'un
navire pour les dettes contractées par un affréteur à temps de ce navire était possible.
Les juges ont jugé que "les titulaires de créances provenant de contrats passés pour
les besoins de la continuation du voyage ont le droit d'exercer leur privilège légal sur
le navire, sans avoir à rechercher quel est le véritable propriétaire". En l'occurrence,
l'existence du privilège n'a pas été démontrée. A contrario, la saisie conservatoire
aurait pu être valablement opérée si la preuve d'un privilège avait été apportée.
La thèse opposée a été défendue par la CA d'Aix-en-Provence83 où les juges aixois
ont estimé que la possession d'une créance assortie d'un privilège maritime permet de
procéder à la saisie-exécution d'un navire, alors que le propriétaire n'en est pas
personnellement le débiteur. Toutefois, selon les juges "elle n'ouvre pas le droit de
saisir conservatoirement le navire qui n'appartient pas au débiteur, dès lors que la
saisie conservatoire n'est pas un préalable obligatoire ou indispensable à la saisie-
exécution et que l'action in rem reconnue en droit américain n'existe pas en droit
français de la saisie conservatoire".
Maître Scapel et Monsieur Le Professeur Pierre Bonassies critiquent fortement cette
décision en ce que l'analyse de la Cour d'Aix "méconnaît l'originalité fondamentale
du système des privilèges maritimes" qui consiste dans le fait de faire peser sur le
navire l'obligation de payer les dettes nées de l'exploitation de celui-ci84. Rejeter
l'autorisation de saisir conservatoirement le navire aboutirait à enlever "toute
signification concrète" à l'institution des privilèges maritimes et à refuser au
créancier privilégié le moyen concret de procéder à la saisie exécutoire.
Le régime de la saisie du navire affrété en droit international diffère sur plusieurs
points de celui en droit interne.
2. Le navire affrété et le droit international
a. Article 3-4 de la Convention de 1952
82 Cour d'Appel de Pau, 6 décembre 1984, Navire Spartan 83 CA d'Aix-en-Provence 10 janvier 1986, navire Namrata 84 BONASSIES Pierre, SCAPEL Christian, "Traité de droit maritime", page 422, n°607
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
43
La question de la saisie des navires pour dettes de l'affréteur est régie par l'article 3-4
de la Convention de 1952. Selon cet article "Dans le cas d'un affrètement d'un navire
avec remise de la gestion nautique, lorsque l'affréteur répond, seul, d'une créance
maritime relative à ce navire, le demandeur peut saisir ce navire ou tel autre
appartenant à l'affréteur, en observant les disposit ions de la présente Convention,
mais nul autre navire appartenant au propriétaire ne peut être saisi en vertu de cette
créance maritime". Le deuxième alinéa énonce que "l'alinéa qui précède s'applique
également à tous les cas où une personne autre que le propriétaire est tenue d'une
créance maritime".
Tout d'abord, nous allons nous intéresser à la notion d'"affrètement avec remise de la
gestion nautique". Elle vise essentiellement les navires faisant l'objet d'un contrat
d'affrètement coque-nue ou d'un contrat de gérance. La question qui se pose
incontestablement est celle de savoir si une saisie pourrait être opérée seulement sur
les navires ayant fait l'objet d'un contrat d'affrètement coque-nue ou bien, tous les
navires faisant l'objet d'un affrètement sont concernés.
L’Association Française du droit maritime a estime le 3 février 1966, lors des
discussions portant sur la reforme du statut du navire, que dans le cas ou il ne s`agit
pas d’un simple time-charter, mais d’un affrètement avec remise de la gestion
nautique à l`affréteur « with demise of the ship », le navire peut faire l’objet d’une
saisie conservatoire pour dettes de l’affréteur. Selon l’Association, tout autre navire
appartenant au même affréteur peut également être saisi pour sureté de cette créance.
La doctrine est partagée.
Notons que selon les auteurs Du Pontavice85 et Rodière86, l’article 3-4 de la
Convention de 1952 vise seulement le cas de l'affrètement à temps « time-charter
with demise of the ship » (affrètement avec remise de la gestion nautique a
l`affréteur) - a fortiori, l'affrètement coque nue. Les mêmes auteurs considèrent que
l'affrètement à temps sans remise de la gestion nautique à l'affréteur n'autoriserait pas
85 Le Statut des navires, p.352, n°352 86 10e édition du précis : "en cas d'affrètement avec remise de la gestion technique à l'affréteur, les créanciers dont le droit est né du chef de cette gérance pourront saisir le navire" (Rodière, du Pontavice, Droit maritime, 10e édition Paris, Dalloz, 1986, n° 178)
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
44
la saisie du navire. Le Professeur Du Pontavice appuie son raisonnement sur une
décision de la Cour d'Appel de Mansourah, Egypte87 qui a statué dans ce sens.
Plus précisément, dans cette affaire la Cour d`Appel égyptienne avait à appliquer la
Convention internationale de 1952. Puisque celle-ci permet de saisir le navire, pour
dettes de l’affréteur à temps, lorsqu’il y a en outre remise de la gestion nautique à
celui-ci (Time-charterer with demise of the ship), a contrario, a-t-elle estimé,
l’affrètement à temps non accompagné de remise de la gestion nautique n’autorise
pas à saisir le navire pour dettes de l’affréteur. Cette solution avait été adoptée par le
Tribunal de Première Instance de Port-Saïd le 25 mai 1966 dans un jugement
confirmé par la décision précitée de la Cour de Mansourah.
Une décision de la Cour d'Appel de Rouen88 a adopté le même raisonnement. Les
juges du fond ont jugé que l'article 3-4 de la Convention ne pouvait fonder la saisie
par le fréteur, d'un navire appartenant à l'affréteur à temps, dès lors que cette
disposition ne trouve à s'appliquer que dans le cas d'un affrètement avec remise de la
gestion nautique, c'est-à-dire affrètement coque nue.
Pourtant cette interprétation est directement contraire aux termes de la Convention.
Quand l’article 3 prévoit que le demandeur peut saisir le navire auquel la créance se
rapporte, il ne précise pas la qualité du débiteur. Ce dernier peut être le propriétaire
mais également l'affréteur, coque nue ou non. En outre, il y a l'alinéa 2 aux termes
duquel : "L'alinéa qui précède s'applique également à tous les cas où une personne
autre que le propriétaire est tenue d'une créance maritime".
La plupart des auteurs, dont Monsieur Vialard89, Maître Scapel et Monsieur le
Professeur Pierre Bonassies90 considèrent que le deuxième alinéa de l'article 3-4° de
la Convention englobe tous les cas d'affrètement à temps, de location de navire, de
gérance, et plus généralement tous les cas où c'est un autre que le propriétaire qui
exploite le navire. Dans ce sens, on peut citer un arrêt du Tribunal de Commerce de
Marseille91 quand il a statué sur la saisie du navire Peljasper par un créancier de
l'affréteur à temps et il a rejeté l'argument du propriétaire qui demandait la mainlevée
87 CA Mansourah (Egypte), Chambre de Port-Saïd, le 15 Mars 1969 88 CA Rouen, 3 décembre 1992, Luctor, JCP 1993, IV 89 Antoine VIALARD, La saisie conservatoire du navire pour dettes de l'affréteur à temps, DMF 1985 90 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Traité de Droit Maritime, 2e édition 91 Trib. Com. Marseille, 4 juin 2003, Peljasper ; St Denis de la Réunion, 29 septembre 1989
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
45
en soutenant que le navire affrété ne pouvait être saisi que pour les dettes de
l'affréteur coque-nue.
Encore faut-il envisager le moment de la saisie opérée.
b. La saisie postérieure à l'affrètement
En principe, le créancier peut saisir le navire affrété pendant la durée du contrat
d'affrètement. Tant que l'affrètement est en cours, il n'y a pas de difficulté. La
solution doit-elle être la même quand la saisie porte sur les dettes d'un ancien
affréteur?
La saisie dans ce cas s'avère problématique à la fin du contrat puisque le navire a été
déjà re-délivré à son propriétaire. Le navire affrété peut-il être saisi par un créancier
de l'affréteur après la fin de l'affrètement?
La jurisprudence tranche dans les deux sens opposés, à savoir d'une part, les juges
ont admis la saisie après la fin de l'affrètement du navire et d'autre part, ils ont jugé
l'impossibilité de saisir après la période du contrat d'affrètement.
Plusieurs Cours d'appel ont estimé que l'article 3 – 4 ne limitait pas la possibilité de
saisir le navire affrété à la seule période de l'affrètement 92 et ils ont étendu la
possibilité de saisir le navire en question "après la redélivrance du navire à la fin de
l'affrètement à temps et qu'elle peut être pratiquée par le créancier soit du
propriétaire, soit de l'affréteur, soit d'un quelconque débiteur".
Dans le même sens, le tribunal de commerce de Nantes93 a autorisé la saisie du
navire pour créance du réparateur à l'encontre de l'affréteur, alors que le navire était
redélivré à son propriétaire. La Cour de Cassation a eu à statuer pour la première fois
sur cette question à l'occasion de la saisie du navire Trident Beauty en confirmant
l'analyse du juge des référés.
Cette décision a repris un raisonnement dégagé quelques années plus tôt par la Cour
dans un arrêt Eal Saphir à propos de la saisie par le manutentionnaire du navire
auquel la créance se rapportait pour les dettes d'un ancien propriétaire94.
92 CA Rouen, 19 juin 1984, Atlantic Mariner ; CA Rouen, 16 novembre 1995 (3 arrêts) 93 Trib. Com. Nantes, 3 septembre 1991, Navire Trident-Beauty 94 Cass Com 31 mars 1992
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
46
Cette jurisprudence aboutissait à la création d'une véritable action in rem, action qui
n'est pas propice au droit français. Par conséquent, une partie de la doctrine
s'opposait à cette conception.
Dans le sens opposé, l'exemple illustratif est l'arrêt rendu par la CA de Montpellier 95.
Les juges constatent en effet que l'article 3 "ne fait aucune distinction relative à la
période pendant laquelle la saisie est possible, et se limite à viser le cas d'affrètement
sans autre précision". Toutefois, selon les juges, afin de savoir si la saisie du navire
affrété est possible après l'expiration du contrat d'affrètement, il faut rechercher le
sens et la portée véritable de ce texte. Par conséquent, la Cour d'Appel déduit que " la
saisie pour une dette de l'affréteur afférente au navire affrété est liée non pas au
navire lui-même, mais au débiteur". Dès lors, la saisie du navire affrété, après la fin
d'affrètement n'est plus possible.
Comme on a déjà mentionné, Monsieur le Professeur Pierre Bonassies et Maître
Scapel estiment que le fondement même du droit de la saisie conservatoire se trouve
dans le privilège du créancier sur le navire. Selon ces deux auteurs, le privilège
"survit" à la fin de l'affrètement dans la limite du délai de préemption de 6 mois ou
d'un an96. Une saisie-exécution reste possible tant que ce délai n'est pas expiré. Ainsi,
la saisie conservatoire est-elle aussi concernée par cette mesure.
Il convient de noter que la nouvelle Convention internationale du 12 mars 1999
apporte d'utiles éclairages et précisions sur l'ensemble de cette matière. Elle prévoit
dans son article 3 § 1-e la possibilité de saisir tout navire s'"il s'agit d'une créance sur
le propriétaire, l'affréteur en dévolution, l'armateur gérant ou l'exploitant du navire,
garantie par un privilège maritime ….".
Une autre situation fréquente dans la pratique en matière de saisie est celle du navire
vendu.
95 CA Montpellier, 19 mai 1992 96 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Traite de Droit Maritime 2e edition, p.422, n°606
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
47
B. LA SAISIE D'UN NAVIRE VENDU
La problématique dans cette matière concerne la saisie conservatoire d'un navire
vendu par l'armateur débiteur. La question qui se pose dans ce cas inévitablement est
de savoir si la saisie conservatoire peut être opérée après la vente du navire effectuée
par l'armateur? La réponse à cette question dépend du texte sur lequel l'opération de
saisie est invoquée.
1. Le droit international
Si l'on se fonde sur la Convention de 1952, la réponse paraît affirmative. L’article 3
de la Convention énonce que le demandeur peut saisir, outre le navire auquel la
créance se rapporte "tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est
née la créance maritime, propriétaire du navire auquel cette créance se rapporte",
sans préjudice des dispositions du paragraphe 4 et de l'article 10.
La référence au navire auquel la créance se rapporte correspond à l'action in rem du
droit anglais. Ce qui importe, ce n'est pas le propriétaire du navire mais le navire lui-
même qui doit répondre des dettes nées de son exploitation. La question qui se pose
est de savoir si, afin de procéder a la saisie conservatoire, le navire doit être la
propriété du débiteur au moment de la naissance de la créance ou s’il est propriétaire
au moment de la saisie?
Afin de pouvoir répondre à cette question, il convient de se référer au paragraphe 4 et
de l'article 9 de la Convention. Comme nous avons déjà envisagé, le même
raisonnement s'impose dans le cas d'un navire vendu : la saisie conservatoire d'un
navire vendu par un débiteur demeure possible, mais seulement si le créancier
bénéficie d'un privilège sur le navire car autrement il y aurait création d'un droit à
une action nouvelle – ce qui s'oppose à l'article 10.
La Cour de Cassation a statué dans un arrêt fondamental en la matière rendu le 4
octobre 200597, l'affaire R. One. Plusieurs créanciers du groupe Rennaissance Cruise
saisissaient à Marseille les navires de croisière R One, R Two et R Five, sur le
fondement de diverses créances se rapportant à chacun de ces navires. Entre le
moment où ces créances étaient nées et les saisies, les navires avaient fait l'objet de
97 Cass Com, 4 Octobre 2005, R. One
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
48
ventes judiciaires à l'étranger. Le nouveau propriétaire a demandé la mainlevée des
saisies. La Cour d'Appel a rejeté sa prétention98 et a jugé qu'il n'y a pas lieu à saisie
conservatoire, contrairement au juge de première instance qui s'est fondé sur la
jurisprudence Eal Saphir. La Cour de cassation a approuvé pleinement la décision
des juges d'appel en considérant que : "la saisie conservatoire d'un navire
n'appartenant plus au débiteur ne peut être autorisée que si le saisissant se prévaut
d'un privilège au sens de la loi du for". Après avoir adopté une interprétation
extensive de la Convention, la cour suprême revient aux principes généraux du droit
français99. Désormais, le créancier peut saisir le navire auquel la créance se rapporte
en se fondant sur une créance maritime si c'est avant la fin de l'affrètement. Pour les
dettes d'un ancien affréteur, il faut que sa créance maritime soit assortie d'un
privilège100.
Cette jurisprudence a le mérite d'être claire et semble faire l'unanimité au sein de la
doctrine. Pourtant, l'article 9 reste ambigu et peut être interprété101 comme une
disposition relative au fond. La référence à la loi du for afin d'apprécier l'existence
d'un privilège soumet l'existence de ce dernier au lieu de la saisie102.
2. Le droit français
En France ce sont les dispositions du décret du 27 octobre 1967 relatives au statut
des navires et autres bâtiments de mer (articles 31 à 58), qui s’appliquent à la vente
judiciaire d’un navire.
Le propriétaire du navire saisi peut être le débiteur du créancier qui exerce alors un
droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur, dont le navire fait partie.
Mais un créancier peut aussi poursuivre la vente dans le cadre de l’exercice d’une
sûreté réelle. C’est le cas du droit de suite et de l’inscription d’une hypothèque
conventionnelle sur le navire. L’article 43, alinéa 1 règle la question de l’hypothèque
sur le navire qui se base sur la Convention des parties.
A l`échéance, si le débiteur co-contractant de l’acte de constitution de l’hypothèque
n’a pas payé sa dette, le créancier aura le droit d’exercer un droit de suite sur le 98 CA Aix en Provence, 17 mai 2002 99 G. de Monteynard 100 Trib. Com. St Nazaire, 27 juillet 2006, Eagle capital holding Ltd c. Triton marine fuels 101 Sébastien LOOTGIETER, Avocat au barreau de Paris, La saisie d'un navire affrété, Le droit positif français 102 S. Lootgieter, "La saisie du navire auquel la créance se rapporte qui n'appartient pas au débiteur", Rev. Scapel 2006, p. 131
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
49
navire, c'est-à-dire qu'il va pouvoir le saisir en quelques mains qu’il se trouve aux
fins notamment de le faire vendre et d’être payé sur le prix par référence à tous les
autres créanciers.
Le principe du droit de suite est affirmé par l’article 55 de la loi de 1967 : “les
créanciers ayant hypothèque inscrite sur un bâtiment ou portion de bâtiment le
suivent, en quelques mains qu’il passe, pour être colloqués et payés suivant l’ordre
de leurs inscriptions”. Peu importe que le débiteur, qui a consenti l’hypothèque pour
garantir à son créancier le paiement de sa dette air revendu le navire à un tiers :
l’hypothèque passe dans les mains du tiers. Il ne faut pas oublier que le tiers
acquéreur est nécessairement prévenu de l’existence de l’hypothèque qui fait l’objet
d’une publication. S’il ne purge pas l’hypothèque, et si le débiteur principal ne règle
pas sa dette, une saisie exécution pourrait avoir lieu.
Le créancier hypothécaire bénéficie d’une créance maritime du fait de l`hypothèque
et peut donc conservatoirement saisir le navire auquel se rapporte cette créance.
Reste à envisager le deuxième volet de notre étude, à savoir quels sont les effets de la
saisie conservatoire.
CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA SAISIE
CONSERVATOIRE
La saisie du navire, qu'il s'agit de la saisie conservatoire ou la saisie-exécution, se
caractérise par "la paralysie de l'outil essentiel de l'entreprise d'armement" 103.
L'immobilisation du navire, effet principal de la saisie conservatoire, comporte des
contraintes pour l'armateur, débiteur saisi, en ce que ce dernier subit des préjudices
d'ordre pécuniaire et non pécuniaire. Ce dernier est privé des bénéfices d'exploitation
du navire alors que ses coûts continuent à courir, et notamment s'il s'agit d'une
procédure de longue durée (§I).
Cependant, le débiteur n'est pas démuni contre cette situation et dispose de recours
devant le juge afin de restreindre les contraintes de l'immobilisation et d'amoindrir la
portée de la saisie conservatoire (§II).
103 Vialard Antoine, note sous CA Pau, 17 décembre 1985, DMF 1987
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
50
§ I Immobilisation du navire
Il convient de mentionner en premier lieu que l'effet majeur recherché au cours d'une
saisie conservatoire de navire c'est d'obtenir son immobilisation en empêchant son
départ du port. C'est la raison pour laquelle les autorités portuaires refusent
l’autorisation de départ et ont l'obligation de retenir les documents de bord (article 26
du Décret 67 – 967 du 27 octobre 1967). Selon les articles 29 et 74 de la loi n° 91-
650 du 9 juillet 1991 l'acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l'objet.
Cette prescription confirme l'interdiction imposée par le décret n°67-967 du 27
octobre 1967 qui s'oppose, au départ du port du navire saisi, sauf autorisation donnée
par le juge. Selon la Convention de 1952, la « saisie » signifie l’immobilisation du
navire.
Il résulte de tous ces articles que l'empêchement au départ du navire constitue le
principal effet résultant de la saisie conservatoire et un moyen de pression très fort a
raison de la perte de recettes d`exploitation d’une part et d’autre part de la lourdeur
des charges que l’armateur doit assumer.
De cette immobilisation découlent deux problématiques : d'une part le régime de la
garde du navire saisi (A) ainsi que l'absence d'atteinte aux droits du propriétaire (B).
A. La responsabilité de la garde du navire saisi
La saisie conservatoire produit un premier effet en ce que l'obligation de
conservation du bien saisi est transférée du saisi dépossédé de la garde au gardien du
navire.
La question qui se pose est celle de savoir qui est le gardien du navire saisi – est-ce le
capitaine, "seul maître après Dieu" qui conserve ses fonctions pendant la procédure
de la saisie, le débiteur ou bien, la garde peut être transférée dans les mains du
créancier saisissant? Cette question est d'une importance notable car le navire peut
causer un dommage à autrui, de même qu'il en être la victime. Il faut constater
qu'aucune solution nette ne se dégage du droit positif actuel.
Selon l’article 71 de la loi du 3 janvier 1967 ce n'est qu'à compter de l'adjudication
du navire que la mission du capitaine cesse de s'exercer. Cette disposition est reprise
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
51
par le Code des Transports dans l'article L 5114-26. A contrario, on peut constater
que durant la procédure de la saisie, le capitaine conserve ses fonctions.
En outre, l’article 2 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande précise
que le capitaine est "la personne qui exerce régulièrement, en fait, le commandement
du navire", tandis que l'article 4 de la loi n°69-8 de la loi du 3 janvier 1969 relative à
l'armement et aux ventes maritimes dispose que "Le capitaine est désigné par le
propriétaire du navire ou, en cas d'affrètement, par l'armateur selon la convention
conclue entre le propriétaire et l'affréteur". Si on combine ces dispositions avec celles
de l'article 1384104 du Code Civil, il résulte que tant que le capitaine demeure en
fonction, la garde du navire appartient selon le cas, à son propriétaire ou à
l'armateur105. L'article 29 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991 est en parfaite cohérence
avec ce raisonnement puisque ce dernier dispose que : "Si la saisie porte sur des
biens corporels, le débiteur saisi ou le tiers détenteur entre les mains de qui la saisie a
été effectuée est réputé gardien des objets saisis."
Une fois le gardien désigné, "le propriétaire est dépossédé de la garde par
l'établissement d'un gardien sur le navire"106. Cependant, il faut noter que cette
approche est fortement critiquée par Monsieur le Professeur Y. Tassel107 en se basant
sur la jurisprudence de la Cour de Cassation. D'après cette dernière, il convient de
distinguer la garde du navire lui-même de celle de la saisie108. Dans ce cas, le
problème qui se pose est celui de savoir si la responsabilité du propriétaire est
reportée sur la gardien désigné en cas de dommages causés ou subis par le navire. La
jurisprudence a retenu la responsabilité du saisissant, mais l'arrêt de la Cour de
Cassation du 6 Mars 1973 ne peut pas être érigé en arrêt de principe. Dans un
jugement plus récent, la Cour semble attribuer la garde du navire au créancier
saisissant – "la Cour d'Appel devait rechercher si, le propriétaire du navire étant
dessaisi de la possession du navire, il n'incombait pas au saisissant de donner des
instructions appropriées au gardien de la saisie et de prendre lui-même les mesures
nécessaires à la sauvegarde du navire". En ce qui concerne les relations entre le saisi
et le saisissant, le Professeur Y. Tassel estime que : " Il n'est pas convenable que la 104 Art. 1384 du Code Civil dispose que : "On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde." 105 Robert REZENTHEL, "Les prestataires de services portuaires et la saisie des navires", DMF 572, Juin 1997 106 RODIERE, Le navire, n°213-A, Dalloz, 1980 107 "Saisie conservatoire du navire" par Y. Tassel – n° 89 – fasc. N° 1128 108 Cass. Com. 6 Mars 1973 ; CA Pau 24 Octobre 1984, cassé par Cass. 2ième Ch. Civile 11 février 1987
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
52
mesure de garantie destinée à protéger puisse de la sorte se retourner contre son
bénéficiaire "109. Selon cet auteur, la garde du navire saisi ne peut pas être transmise
au créancier saisissant. Il ajoute que : " le navire est la chose de son propriétaire qui
le connaît et qui est le mieux à même de savoir les soins qu'il convient de lui apporter
dans sa garde. Secondairement, parce que dégager ainsi le débiteur saisi, c'est le
pousser à se désintéresser de la garde de son navire … Troisièmement parce que les
dispositions relatives à la garde des meubles saisis indiquent que le saisissant ne
pourra être établi gardien ; mais le saisi pourra l'être de son consentement et de celui
du saisissant … ".
Il s'ensuit de ce raisonnement que le propriétaire est celui qui connaît le mieux les
soins qu'il faut apporter au navire. De même, l'entretien de ce dernier est à la charge
de l'armateur110. Ce dernier supporte également les frais divers (frais d'entretien, les
salaires d'équipage), les frais de port111 et le manque à gagner dû à l'immobilisation
du navire112.
Une dualité de la garde113 est envisageable si des dommages sont causés au navire
par un outillage public ou un véhicule doté d'un dynamisme propre - celle qui
concerne la structure de l'installation, qui relève de son propriétaire lorsqu'il assure la
maintenance114 et celle, incombant à l'exploitant115.
Dans certains cas, il peut s’avérer nécessaire que le navire soit déplacé à l’ intérieur
du port sur un autre poste à quai. Cela peut poser des problèmes lorsque le port
dispose d’un nombre limité de postes. Tant que le représentant consignataire de
l’armateur répond du navire en question, l’autorité portuaire n’aura pas de soucis à se
faire. En revanche, s’il s’avère que le consignataire dénonce son mandat et
l’équipage quitte le navire, ce dernier devient source de difficultés pour le port. Dans
ce cas, l’autorité portuaire engagera des dépenses afin de sauvegarder la sécurité des
eaux et des installations portuaires. Si un déplacement est inévitable, l’autorité
portuaire procède à celui-ci sous sa seule responsabilité, même si les frais de
109 Y. TASSEL, "Saisie conservatoire du navire" – n°89 – fasc. N° 1128 Juris Classeur Commercial 110 CA Paris, 5e Chambre Civ, 9 février 1984, navire Léon-Re 111 Cass Com, 15 octobre 2002, navires Taganroga et Razna 112 CA Rouen, 9 mai 1978 113 CA Rennes 20 février 1968 ; Cass Civ 2ieme 13 mai 1981 114 Cass 2ieme 28 octobre 1987 115 Cass Com 9 décembre 1986
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
53
remorquage sont a priori pour le compte de l’armateur116. La question de la garde du
navire se pose aussi lorsque le navire est la cause de dommages provoqués à
l’intérieur du port. Dans ce cas, l’autorité portuaire n’est pas responsable des
dommages provoques par le navire puisqu’elle n’a pas la qualité de « gardien de
navire », sauf si un de ses préposés n’a pas été désigné comme « gardien » par le
Président du Tribunal de Commerce.
Apres la question de la responsabilité de la garde du navire, il convient de
s’intéresser à un autre effet important de l’immobilisation du navire – à savoir la
question de l’affectation des droits du propriétaire du navire.
B. Absence de transfert de propriété
Selon l’article 30 du décret du 27 octobre 1967, la saisie conservatoire ne rend pas le
navire indisponible puisqu'elle ne porte aucune atteinte aux droits du propriétaire qui
est habilité à le fréter, l'hypothéquer ou le vendre. Toutefois ses droits sont
économiquement et pratiquement freinés par la saisie qui immobilise provisoirement
le navire. L'effet qui est recherché par la saisie consiste en effet à empêcher le départ
du navire, c'est-à-dire à empêcher juridiquement le navire de naviguer. Cette
immobilisation soulève la question de l'usage même du navire et la détermination de
la responsabilité des dommages résultant de la présence ou de la gestion du navire
saisi.
La Cour de Cassation considère que la saisie conservatoire du navire ne porte aucune
atteinte aux droits du propriétaire. Elle n'a d'autres conséquences que celle d'affecter
un gage à la garantie de la créance et le propriétaire du navire, qui n'est pas dessaisi
de ses droits, garde la faculté de pourvoir à la conservation du bâtiment : c'est -a-dire
son entretien117. En revanche, la garde du navire résultant de l'opération de la saisie
conservatoire n'est pas opposable aux prestataires de services intervenants lorsqu'il
s'agit d'un déplacement du navire à l'intérieur du port118.
La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation119 a jugé que le navire devient
indisponible en condamnant le gardien de la saisie et représentant de l'armateur
débiteur, pour détournement d'objet saisi, sur le fondement de l'article 314-6 du code 116 Tribunal de Commerce de Saint Nazarre, 8 sept 1979, nqvire ROCCO PIAGGIO 117 Cass Com, 19 novembre 1985 118 Cass Com, 12 novembre 1996, société Coach Prestige 119 Cass Com, 3 sept 2002, navire Lynndy
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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pénal. La Chambre Criminelle casse cette décision au motif que même si la saisie
rend l'objet saisi indisponible, elle n'en interdit pas l'usage.
Cet arrêt est critiquable dans la mesure où il transpose en droit maritime des
solutions prévues en droit terrestre concernant la saisie des meubles corporels. Le
navire n'est pas un meuble corporel. Il s'agit d'un bien sui generis à qui s'appliquent
les dispositions spéciales et dérogatoires au droit commun.
Reste à s'interroger sur le rôle du juge en matière de saisie et la détermination de sa
compétence respective.
§ II Les pouvoirs du juge
Une fois l’immobilisation ordonnée, elle va déclencher deux réactions de la part du
débiteur et du créancier saisissant : d’une part, le créancier saisissant va tenter
d`obtenir un jugement au fond lui permettant de tirer parti du gage qui lui a été
accordé (A), et d’autre part, le débiteur saisi pourrait faire valoir ses droits au regard
de la paralysie de son navire et va tenter d’obtenir la mainlevée de cette dernière (B).
A. Le juge compétent et ses pouvoirs
L'autorisation de saisir doit être demandée à un juge. Cela nous amène à envisager
dans un premier temps la détermination du Tribunal compétent qui va pouvoir statuer
au fond du litige (1) et deuxièmement, la procédure qui s'applique à la saisie
conservatoire (2).
1. La nécessité d'une autorisation judiciaire pour pratiquer une saisie
conservatoire de navire et la détermination du Tribunal compétent
a. La nécessité d'obtenir une autorisation judiciaire
L’article 4 de la Convention de Bruxelles ainsi que le deuxième alinéa de l'article 6
imposent l'autorisation judiciaire préalable du juge avant toute saisie conservatoire, et
ce, même s'il y a un renvoi après à la loi du for pour fixer les modalités de la saisie.
A titre d'exemple de ce principe, on peut citer un arrêt où les juges de la Cour de
Cassation ont jugé qu'"en vertu de l'article 4 de la Convention de Bruxelles du 10 mai
1952 comme de l'article 29 du décret du 27 octobre 1967, il ne peut être pratiqué de
saisie conservatoire d'un navire sans l'autorisation préalable du juge et qu'à défaut, la
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
55
saisie est nulle"120. Dans la présente espèce, la société Recofi était créancière de la
société de droit angolais Importang en vertu d'un jugement du tribunal de commerce
de Paris rendu le 13 octobre 1992. Afin de contraindre la débitrice de payer la
somme due, elle a fait saisir conservatoirement le navire "Secil Angola", appartenant
à la société de droit angolais Secil maritima. Dans la présente espèce, la saisie était
pratiquée sans l'autorisation préalable du juge, sur le seul vu du jugement de
condamnation et elle était valide selon les juges du fond. La Cour de Cassation a jugé
qu'une autorisation du juge était nécessaire, l'absence de celle-ci entraîne l'annulation
de la saisie.
Cette solution semble logique pour plusieurs arguments.
En premier lieu, il s'agit d'une condition qui ressort du texte même du décret de 1967
: "La saisie conservatoire est autorisée par ordonnance …".
Ensuite, on peut souligner que le rôle du juge en matière de saisie conservatoire
consiste d'une part à vérifier que le saisissant a une apparence de créance et d'autre
part, que le navire à saisir répond à la dette invoquée. Il paraît nécessaire, avant de
prendre une mesure immédiatement préjudiciable sur le plan économique, telle que
la saisie conservatoire d'un navire, que le juge puisse s'assurer de la réalité des faits
afin d'éviter les saisies abusives121.
Force est alors de constater qu'une autorisation préalable à la saisie accordé par le
juge doit avoir lieu, ne serait-ce que pour ne pas laisser le créancier opérer sans
contrôle.
Afin de déterminer le juge compétent à autoriser une saisie, il faut distinguer d'une
part la compétence territoriale et d'autre part la compétence d'attribution du juge
compétent.
Il convient de relever d'office que la réforme des voies d'exécution, opérée par la loi
n°91-650 du 9 juillet 1991 (art. 67 et suivants) et le décret n°92-755 du 31 juillet
1992 (art. 210 et suivants) modifie le mécanisme de droit commun de la saisie en
confiant la compétence des mesures conservatoires au juge d'exécution. D'après le
120 Ch. Com., 1er octobre 1997, Société Secil Maritima c. Société Recofi 121 Rémond-Gouilloud, "Droit Maritime", Pédone, 2e édition 1993, n°289, p.181
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
56
Professeur Antoine Vialard122 la réforme remet en cause les solutions habituellement
admises en droit maritime. De même, toujours selon le même auteur, on peut se
poser légitimement la question de savoir si "la saisie conservatoire de navires
étrangers est-elle devenue pratiquement impossible dans un port français" à la suite
de ladite réforme123. En effet, faut-il encore noter l'application de la loi n° 91 – 650
du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution et le décret
d'application n° 92 – 755 du 31 juillet 1992, article 9. Ces deux textes offrent le
choix au demandeur entre le lieu de domicile du débiteur, et celui d'exécution. On
s'est demandé s'ils ont abrogé ou modifié la loi de 1967 et le décret n° 67 – 967 du 25
octobre 1967. La réponse est négative, mais ces derniers s'appliquent de manière
marginale à la procédure de la saisie.
En ce qui concerne la compétence ratione materiae, la saisie conservatoire est
autorisée par le président du tribunal de commerce ou, par le juge d'instance en
l'absence de tribunal de commerce dans le port où se trouve le navire (Décret n°67-
967). La réforme des voies d'exécution rend le juge d'exécution compétent (Décret
du 31 juillet 1992, art. 211)124. Le juge d'exécution est le président du tribunal de
grande instance ou un juge de ce tribunal délégué par le président.
La compétence territoriale, quant à elle, est plus discutable. Les textes restent muets
sur cette question. Dans la pratique, les créanciers se sont toujours adressés au juge
du port ou le navire se trouve. Dans le droit antérieur, cette pratique était en
adéquation avec l`article 48 de l`ancien Code de procédure civile qui attribuait la
compétence en matière de mesure conservatoire au juge dans le ressort duquel sont
situes les biens à saisir.
Aujourd’hui le juge territorialement compétent est " … le juge du lieu où demeure le
débiteur. Toute clause contraire est réputée non avenue. Le juge saisi doit relever
d'office son incompétence" (Décret du 31 juillet 1992, article 211, al. 1 et 3).
122 VIALARD Antoine, DMF 1993, p. 29 "Les Insaisissables : faut-il faire une croix sur la bannière étrangère?" 123 VIALARD Antoine, DMF 1993, p. 28 "Les Insaisissables : faut-il faire une croix sur la bannière étrangère?" 124 TGI Dax, Jex, 27 octobre 1993, navire Felice
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
57
Force est d’admettre cependant que la compétence de principe du tribunal de
commerce du lieu ou le navire se trouve doit être maintenue125, et ce, pour plusieurs
raisons.
Selon le Professeur Vialard, les dispositions de l`article 211, al. 1 et 3 s'opposent à
l'article 9 al.1 du décret, aux termes duquel cette compétence est, au choix du
demandeur : soit le lieu de sa résidence, soit le lieu de l'exécution de la mesure.
L'article 9 fixe des règles de compétence générale. Comme on a déjà mentionné, la
deuxième option n'existe pas dans l'article 211 : le saisissant ne peut adresser sa
demande qu'au Tribunal du lieu où demeure le débiteur. Cet article pose une règle de
compétence spéciale, dérogeant aux règles générales de compétence posées à l'article
9, donc à la compétence du juge du lieu de l'exécution lorsque le débiteur demeure à
l'étranger.
En outre, la compétence du juge dans le ressort duquel est situe le navire, est imposée
par le texte même de la Convention de 1952 pour les saisies fondées sur ce texte. On
peut se référer à l’article 5 de la Convention, il est prévu que « le tribunal ou toute
autre autorité judiciaire compétente dans le ressort duquel le navire a été saisi,
accordera la mainlevée de la saisie lorsqu’une caution ou une garantie suffisante
auront été fournies ». Le texte en anglais dispose encore plus clairement que le juge
compétent pour autoriser la saisie est celui « in which the arrest is made ».
En matière d'abordage, le lieu de la saisie conservatoire du navire justifie la
compétence juridictionnelle (Décret n° 68 – 65, 19 janvier 1968, art. 1er, al.1).
b. La détermination du tribunal compétent pour statuer au fond du
litige
En principe, la saisie conservatoire vise essentiellement à mettre de la pression sur le
débiteur en vue du règlement d'une créance non payée. Cette procédure n'a pas pour
objectif premier à régler le litige au fond.
Cependant, la détermination du tribunal compétent pour statuer sur le fond du litige
ayant donné lieu à la saisie est d'une importance majeure puisque ces litiges
présentent souvent plusieurs facteurs d'extranéité. L'enjeu est considérab le : si la
125 CA Aix en Provence, 29 janvier 2008, navire I am no lady, observations A. VIALARD et P. BONASSIES DMF 2009, Hors série n 13
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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compétence est attribuée aux tribunaux de l'Etat de la saisie, au "forum arresti", le
propriétaire du navire saisi serait obligé de plaider devant une juridiction étrangère.
Le litige risque d'être résolu dans un Etat avec lequel ni les parties, ni le navire n'ont
aucun lien de rattachement. En revanche, dans le cas où la compétence est donnée au
tribunal d'un Etat avec lequel le litige présente des éléments de rattachement, c'est le
créancier qui serait défavorisé.
En effet, il convient de préciser que les parties peuvent s'accorder sur le tribunal
compétent au fond. En absence d'un accord, il y a lieu de déterminer le tribunal
légalement compétent afin de fixer les règles de modalités de la saisie.
Aux termes de l'article 7 de la Convention de Bruxelles, les tribunaux de l'Etat dans
lequel la saisie a été opérée sont également compétents pour statuer sur le fond du
procès. L'article 7 en précise les modalités. C'est la compétence du forum arresti.
Ainsi, la saisie conservatoire d'un navire pour une créance maritime née au cours
d'un voyage suffit à donner compétence aux tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie a
été opérée, pour statuer au fond du procès. La Convention de Genève de 1999 prévoit
dans son article 7 une disposition identique, sauf disposition contraire des parties
intéressées. Il s'ensuit que les saisies intentées ou pratiquées en France sont régies par
la loi française. Le texte applicable est le décret n° 67 – 967 du 27 octobre 1967
portant statut des navires et autres bâtiments de mer (art. 29 et 30). En 1979 la Cour
de Cassation a admis la compétence du juge de la saisie (forum arresti) mais pendant
longtemps après la décision de la Cour, cette compétence a été refusée par le droit
français hormis les cas où elle est affirmée par la Convention de Bruxelles. Ce refus
a fait l'objet de vives critiques de la part de la doctrine, surtout au regard de
l'effectivité du droit d'accès à la justice. La nouvelle Convention de 1999 apporte des
innovations majeures sur ce point puisqu'elle accorde compétence générale au juge
de la saisie pour statuer au fond. Cette règle doit être étendue aux saisies fondées sur
la seule loi française.
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
59
2. La procédure applicable
La procédure débute par la requête où doivent figurer quatre éléments, à savoir la
créance pour garantie de laquelle la saisie est demandée, les circonstances qui
menacent le recouvrement (Décret du 31 juillet 1992, art. 210), le montant des
sommes pour la garantie desquelles la saisie est autorisée et la nature des biens sur
lesquels elle porte (Décret du 31 juillet 1992, art. 212). Le requérant demande à un
huissier de justice de notifier au service du port l'autorisation de saisir (Décret n° 67-
967, 27 octobre 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer, art.26). Le
capitaine doit être également notifié.
L'article 18 de la loi du 9 juillet 1991 réserve aux huissiers de justice le monopole de
l'exécution forcée (Loi n° 92-644 du 13 juillet 1992) et des saisies conservatoires, et
les oblige à prêter leur concours lorsqu'ils sont requis. L’huissier de justice doit
notifier au service de port l'autorisation de saisir (article 26 du Décret n° 67-967).
Toutes les opérations d'exécution incombent à l'huissier de justice (art.19), qui est
habilité à demander au juge de l'exécution, ou au Ministère public, les autorisations
ou les mesures nécessaires.
Il convient de mentionner que la saisie conservatoire n'a pas à être publiée,
contrairement à la saisie exécution. Cependant dans ce cas elle est inopposable aux
tiers et entraîne la mainlevée de la saisie : "si l'absence de mention de la saisie
conservatoire sur la fiche matricule du navire n'est assortie d'aucune sanction, le
défaut d'inscription de celle-ci sur le registre des hypothèques comporte une sanction
qui est, non pas la nullité de la saisie, mais son inopposabilité aux tiers, en particulier
à l'acheteur du navire"126. D’après Maitre Scapel et Monsieur le Professeur Pierre
Bonassies127, cet arrêt étend abusivement à la saisie conservatoire, contrairement à
l’opinion du Doyen Rodière, l’obligation d’effectuer une publication du procès
verbal de la saisie inscrite dans l’article 37 du décret du 27 octobre 1967, alors que ce
texte s’applique en principe qu’à la seule saisie exécution.
Le procès verbal de la saisie doit comporter plusieurs éléments, énoncés par l’article
34 du décret du 27 octobre 1967, tels que : nom et qualité de l’officier ministériel,
jour, heure, opérations successives à bord du bateau ; identification complète de son
126 CA Aix-en-Provence, 25 février 1981, vedette Patrick-Victor 127 Pierre BONASSIES, Christian SCAPEL ; Traite de droit maritime, 2e édition, p.426
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
60
client, le créancier poursuivant ; mention du titre exécutoire et décompte des sommes
dues ; date du commandement de payer ; indication du tribunal devant lequel se fera
la vente, avec élection de domicile au siège du tribunal et au lieu où le navire est
amarré ; identification du propriétaire du navire ainsi que celle du navire saisi (IMO,
nom, pavillon, tonnage et c.) ; cargaison et état des soutes au moment de la saisie,
carburant et c. Encore faut-il noter que la signature du gardien choisi est exigée à
peine de nullité. La notification immédiate du procès verbal doit être délivrée au
propriétaire du navire, à la requête du saisissant, et elle entraîne pour le commandant
du port l’obligation d’empêcher le départ du navire saisi. La notification consiste
dans la remise de la copie du procès verbal de la saisie ainsi que la citation à
comparaitre devant le TGI du lieu de la saisie. Elle doit avoir lieu dans les 3 jours de
la saisie, si le propriétaire demeure dans le ressort du tribunal ; ce délai est augmenté
de dix jours, s’il demeure hors de ce ressort, mais en France métropolitaine ou en
Europe, et de vingt jours, s’il réside dans une autre partie du monde ; dans ce dernier
cas, la signification est faite a la personne du capitaine du navire, ou en son absence,
à la personne qualifiée pour représenter le capitaine, ou le propriétaire.
En outre, une notification est faite au conservateur des hypothèques maritimes. S’il
s`agit d’un navire français, elle est faite au conservateur dans la circonscription
duquel le navire est inscrit. La mention sur le registre des hypothèques maritimes et
au fichier des douanes rend la saisie opposable aux autres créanciers et à tout tiers
acquéreur. Elle doit être faite dans les sept jours suivant la saisie. Le délai est
augmenté de vingt jours « si le lieu de la saisie et le lieu où le fichier est tenu ne se
trouvent pas l’un et l’autre en France métropolitaine, ou dans un même département
d’outre mer, ou un même territoire d`outre mer ».
Enfin, on doit noter que toutes ces significations indiquent le jour de la comparution
devant le TGI (art.38 du décret de 1967). Le délai est fixé a quinze jours par l’article
755 NCPC et majoré de vingt jours à raison des distances, si le domicile élu et le
siège du TGI se situent, l’un en France métropolitaine, l’autre en outre mer (art.38 du
décret de 1967).
Une fois l’autorisation de saisir le navire accordé par le juge, le débiteur dispose en
effet du droit à demander la mainlevée de la saisie.
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
61
B. La mainlevée et les risques de caducité de la saisie
La mainlevée de la saisie est un moyen de défense efficace dont peut se prévaloir le
débiteur (1). Outre la mainlevée, le saisissant doit craindre la caducité de la saisie (2).
1. La mainlevée amiable et judiciaire
Force est de constater que le décret de 1967 ne contient aucune disposition
concernant la suite de la procédure de saisie conservatoire. Les parties ont la
possibilité d'arriver à un accord sans autre intervention du juge. Dans les cas où un
règlement amiable n'est pas possible, le propriétaire du navire ainsi que l'affréteur qui
subit un préjudice du fait de l'immobilisation peuvent assigner en référé le saisissant
et demander la mainlevée judiciaire de la saisie.
a. La mainlevée amiable
Cette mainlevée de la saisie sera accordée contre la fourniture d'une garantie donnée
par le saisi, garantie financière susceptible de couvrir le paiement de la créance
invoquée par le saisissant, et les frais complémentaires. La garantie prend la forme
d'une garantie bancaire, mais le plus souvent c'est une lettre de garantie délivrée par
le P&I Club de l'armateur dont le navire a été saisi128 et en échange de quoi le
créancier s'engage à ne pas saisir le navire. La rédaction de la lettre de garantie
détermine les débiteurs couverts ainsi que les obligations concernées. Sa rédaction
est d'une importance majeure puisqu'elle permet la libération du navire ou encore elle
'empêche' la saisie conservatoire en offrant au réclamant du transporteur une garantie
financière à la place du navire. Cette lettre n'est pas susceptible d'être modifiée
unilatéralement129.
La loi interne (article 72 alinéas 2 et 3 de la loi du 9 juillet 1991130) et la Convention
de Bruxelles admettent de façon expresse le principe de mainlevée de la saisie contre
fourniture d'une garantie.
En droit français, le décret du 27 octobre 1967 ne donne aucune précision en ce qui
concerne la mainlevée de la saisie contre fourniture d'une garantie. Il convient de se
référer à l'article 72 de la loi du 9 juillet 1991 selon lequel : "à la demande du 128 CA Montpellier, 9 janvier 1992, navire Vicky 129 CA Douai, 21 janvier 1993, navire Coop Grain 130 Article 72 alinéa 2 et 3 de la loi du 9 juillet 1991 : "La constitution d'une caution bancaire irrévocable conforme à la mesure sollicitée dans la saisie, entraîne mainlevée de la mesure de sûreté".
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
62
débiteur, le juge peut, le créancier entendu ou appelé, substituer à la mesure
conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts
des parties. La constitution d'une caution bancaire révocable conforme à la mesure
sollicitée dans la saisie, entraîne mainlevée de la mesure de sûreté". La compétence
afin d'ordonner la mainlevée de la saisie est accordée au président du tribunal de
commerce131.
Sur le plan international, c'est l'article 5 de la Convention de Bruxelles qui permet
d'obtenir la mainlevée de la saisie : "le tribunal ou toute autre autorité judiciaire
compétente, dans le ressort duquel le navire a été saisi, accordera la mainlevée de la
saisie lorsqu'une caution ou une garantie auront été fournies…".
Le principe de mainlevée de la saisie contre fourniture d'une garantie est affirmé en
droit interne et en droit international. Il reste à s'interroger sur la détermination du
juge territorialement compétent ainsi que le montant de la garantie. Ces modalités de
la garantie ont toujours fait l'objet de débats jurisprudentiels.
b. La mainlevée judiciaire
Dans le cas où un règlement amiable entre les parties s'avère impossible, le
propriétaire du navire ou l'affréteur qui subit un préjudice du fait de l'immobilisation
peut assigner en référé le saisissant et demander au juge la mainlevée de la saisie. Il
dispose de deux moyens : soit solliciter la mainlevée de la saisie en agissant devant le
TGI, soit demander au Président du Tribunal de Commerce une autorisation de
départ du navire pour un ou plusieurs voyages.
- La demande de rétractation de l'ordonnance d'autorisation
S'il conteste la validité de la saisie, il peut demander la rétractation de l'ordonnance
d'autorisation. Le juge, ayant déjà prononcé la saisie, est libre de revenir sur sa
position et d'ordonner la mainlevée pure et simple de l'immobilisation. Afin d'être
valablement opérée, la rétractation est soumise à des conditions. Seule la voie du
référé est offerte au saisi, mais ce dernier n'a pas à apporter la preuve de l'urgence.
131 Article 218 du décret du 31 juillet 1992
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
63
En outre, seul le juge qui a rendu l'ordonnance est compétent pour la rétracter,
"même si le juge du fond est saisi de l'affaire" (art. 497 NCPC)132.
Le créancier peut faire appel, mais cet appel n'est pas suspensif de la décision de
mainlevée. Les décisions rendues en référé sont exécutoires de droit (art. 489 CPC).
Il faut noter que le décret du 20 août 2004 renforce les compétences du président de
la Cour d'Appel et ce dernier d'arrêter toute exécution provisoire de droit dans le cas
"de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque
l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives" (art. 524,
al. 6 CPC). Cette nouvelle mesure permet d'immobiliser le navire dans le cas où la
décision d'appel infirmant l'ordonnance de référé ayant maintenu l'autorisation de
saisie est tardive et intervient après le départ de ce dernier.
- La demande de l'autorisation de voyage du navire saisi
L'autorisation de voyage du navire saisi, qui figure dans la Convention de Bruxelles
de 1952, a été introduite dans le droit français (articles 27 et 28 du décret de 1966).
Elle autorise le propriétaire ou l'affréteur exploitant le navire à demander
exceptionnellement au président du tribunal de grande instance, statuant en référé,
l'autorisation d'utiliser le navire pour un ou plusieurs voyages déterminés. Cette
disposition figure aussi par le Code des Transports dans l'article 5114-21.
Les textes du décret et de la loi prévoient que l'autorisation est accordée si le
requérant fournit une garantie suffisante. Au cas où le navire n'a pas rejoint le port à
l'expiration du délai fixé, la somme déposée en garantie est acquise aux créanciers.
Dans tous les cas où la mainlevée pure et simple n'a pas été accordée, le saisissant
sera en mesure soit d'exiger le versement de la garantie, soit de faire vendre le navire
en justice.
Outre la mainlevée et les autorisations de départ, le saisissant doit craindre la
caducité de la saisie.
2. La caducité de la saisie
D'après la loi du 9 juillet 1991 (art. 70) et le décret du 31 juillet 1992 (art. 215) la
caducité est encourue pour inaction au fond dans le délai impart i par le juge. Dans le 132 Com. 7 juin 1994, Navire Heidelberg
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
64
cadre du droit français interne, résultant de ces deux textes de droit commun ainsi
que la loi de 1967 et le décret du 27 octobre 1967, la caducité est encourue si, dans le
mois qui suit l'exécution de la saisie, le saisissant n'a pas engagé ou poursuivi une
procédure lui permettant d'obtenir le titre exécutoire qui lui fait défaut. Cette solution
a été confirmée à plusieurs reprises par la Cour de Cassation133.
En revanche, si la saisie est soumise à la Convention de 1952 et le juge n'a pas fixé
de délai pour assigner au fond, la caducité n'est pas encourue. Sur ce point le régime
international de la saisie conservatoire est très différent de celui du droit interne en
ne prévoyant pas la caducité de la mesure. Cela a été confirmé par la Cour de
Cassation dans l'affaire Regent Spirit134 à propos de la prescription atteignant les
privilèges maritimes en cas d’une saisie conservatoire ainsi que la caducité de cette
dernière.
Dans cette affaire le navire Regent Spirit a fait l’objet d’une vente aux enchères
publiques. Le créancier invoque une créance privilégiée au cours de la procédure.
Ladite créance est contestée par un autre créancier prétendant que le privilège est
éteint par la prescription. Celui-ci fait prévaloir que le créancier prétendument
privilégié avait omis, après avoir saisi à titre conservatoire le navire, d’assigner au
fond pour valider la saisie et son titre. D’une part, il s’agissait de savoir si la
prescription (selon article 39 de la loi du 3 janvier 1967 elle est de 6 mois ou un an
selon les cas) atteignant un privilège maritime (et non la créance garantie) peut être
interrompue par une saisie conservatoire et d’autre part, si la saisie trouvant son
fondement dans la Convention de Bruxelles de 1952 est susceptible d’être frappée de
caducité à défaut d’assignation au fond. Il ressort de l’arrêt que d'une part la saisie
constitue une cause d'interruption de la prescription selon l’article 2244 du code civil
et d'autre part, elle n'encourt pas la caducité faute d'assignation au fond. En effet, la
Convention de 1952 prévoit dans son article 7 que lorsque le tribunal de la saisie
n'est pas compétent au fond, il lui appartient d'impartir au saisissant un délai pour
exercer son action devant le juge compétent et ce au bénéfice du débiteur saisi qui, à
défaut, peut demander la mainlevée de la saisie. Par conséquent, il résulte que si le
juge n'a pas fixé de délai pour assigner au fond et que le débiteur n'a pas sollicité la
mainlevée de la saisie, la procédure n'est pas caduque et conserve ses effets.
133 Cass. Com, 14 oct. 1997, navire Marine Evangeline ; Cass. 2e Civ. 18 février 1999, navire Motru 134 Com., 17 sept 2002, Navire Regent Spirit – obs. RTD Com. 2003 p.210 Philippe Delebecque
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
65
Soulignons enfin qu'aucun changement de la situation actuelle n'est prévu avec
l'éventuelle entrée en vigueur de la Convention de Genève de 1999 qui contient les
mêmes dispositions que celle de 1952.
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
66
CONCLUSION
Aux termes de cette étude comparative, on a montré que la saisie apparaissait comme
un moyen de pression très efficace mis à la disposition du créancier contre le
débiteur insolvable. La paralysie qui résulte de cette mesure constitue une entrave à
l’activité du débiteur, engendrant souvent des conséquences financières dramatiques.
Face à cette situation, les droits interne et international offrent au débiteur différents
moyens de défense. Ce dernier peut contester le bien fondé de la saisie soit en
sollicitant la mainlevée, soit en demandant une autorisation de voyage.
Comme nous avons développé tout au long de cette étude, nous pouvons constater
que le droit maritime est une matière fortement internationalisée. Force est
d'admettre que les réalités juridiques évoluent assez rapidement et une modernisation
des normes s’avère souvent indispensable. Le régime interne en matière de saisie doit
suivre et s’adapter au régime juridique international, unifié par les Conventions
internationales (principalement la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 et la
Convention de Genève du 12 mars 1999, qui n'est pas encore entrée en vigueur). En
France, les textes légaux qui régissent la matière de la saisie conservatoire sont
principalement la loi n°67-5 du 3 janvier 1967, le décret n°67-967 du 27 octobre
1967 ainsi que l'Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie
législative du Code des Transports.
Le travail effectué avec le Code des Transports est monumental, « un réel progrès
dans la clarification des normes de base en matière de transports et navigation
maritimes »135. Le droit positif se trouve dans le code de transports, mais le texte n’a
qu’une valeur administrative : on trouve des dispositions qui ont une portée générale.
Encore faut-il attendre la loi de ratification adoptée par le Parlement pour que les
dispositions figurant dans le Code des Transports en deviennent la règle en matière
de saisie. La doctrine demeure partagée puisque le Code des Transports n’a pas
repris les textes réglementaires à propos de la détermination de la compétence du
juge autorisant la saisie. Aujourd’hui, afin qu'il puisse procéder à une saisie
conservatoire de navire, le requérant s`adresse soit au Tribunal de commerce, soit au
135 ANGELLELI Pierre, « Le volet maritime du Code des Transports : une nouvelle Ordonnance de la Marine », Février 2011
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juge de l’exécution. Ce qui est critiquable, c’est qu’en principe, le juge de
l’exécution n’a aucune compétence en matière maritime. Faut-il s’attendre à un
nouveau bouleversement des règles de procédure en la matière ? Pour l’instant une
telle solution ne paraît pas envisageable.
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68
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX FRANCAIS:
Ø BEURIER J.- P. ; "Droits maritimes", Dalloz Action, 2006-2007
Ø BONASSIES Pierre, SCAPEL Christian ; "Traité de Droit Maritime", 2e édition, LGDJ Paris
Ø DU PONTAVICE, Emmanuel ; "Le statut des navires", Editions LITEC, 1976
Ø GUINCHARD Serge, MOUSSA Tony ; "Droit et pratique des voies d'exécution 2010-2011" ; 6e édition, Dalloz Action, 2009
Ø NAVARRE-LAROCHE Cécile ; "La saisie conservatoire des navires en droit français", Editions MOREUX, DMF, 2001
Ø REMOND-GOUILLOUD Martine, "Droit Maritime", Editions Pédone, 1988
Ø RIPERT Georges ; "Droit Maritime", mise à jour au 1er Avril 1963 par R. Rodière, DALLOZ
OUVRAGES ETRANGERS :
Ø BERLINGIERI Francesco, “Arrest of Ships, a Commentary on the 1952 Arrest Convention”, p.48, Lloyd's Press Ltd, London, 1992
REVUES JURIDIQUES & ARTICLES :
Ø ANGELLELI Pierre, « Le volet maritime du Code des Transports : une nouvelle Ordonnance de la Marine? », Février 2011
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Ø AUCHTER Gérard, « La Convention internationale de 1993 sur les privilèges et hypothèques maritimes », DMF, 1993, p.595
Ø BONASSIES Pierre ; « Le droit positif français en 1993 », DMF 1994, p. 3
Ø CADIET Hélène ; BRAJEUX Guillaume ; "La procédure de saisie conservatoire de navires entre droit commun et règles spéciales", DMF, Novembre 1998, p.995
Ø DELEBECQUE Philippe ; RTD Com. 2003, p.210 ; “Saisie conservatoire d`un navire et application de la Convention de 1952” (Com. 17 sept.2002, Navire Regent Spirit)
Ø Revue critique de droit international privé, 1997, page 751
Ø RACINE, Jean-Baptiste ; Répertoire de procédure civile, "Saisie des bateaux, navires et aéronefs" – janvier 2008
Ø REZENTHEL Robert ; "Les prestataires de services portuaires et la saisie des navires", DMF Juin 1997, p.649
Ø ROHART J.-S. ; "Faut-il se méfier de l'apparence ou la saisie conservatoire des navires apparentés", DMF 1988, p.499
Ø ROHART J.-S. ; "La saisie des navires apparentés : suite et fin?", DMF mai 1994, p.339
Ø VIALARD Antoine, "Le projet de Convention sur la saisie conservatoire des navires", DMF Juin 1997, p.563
Ø VIALARD Antoine, "Les Insaisissables : faut-il faire une croix sur la bannière étrangère?", DMF 1993, p.28
Ø VIALARD Antoine, "Personnalité morale des sociétés d'armement et apparentement abusif des navires saisis", DMF, Mai 1996, p.467
Ø VIALARD Antoine, "La saisie conservatoire du navire pour dettes de l'affréteur à temps", DMF 1985, p.588
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Table des matières
PARTIE I : LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES : UNE VOIE
D'EXECUTION CONDITIONNEE
CHAPITRE I : CONDITION TENANT A L'ETAT DU PAVILLON DU
NAVIRE
§ I Le navire battant pavillon d'un Etat contractant
A. Le principe : application de la Convention de 1952
1. Affirmation de la primauté du droit international sur le droit interne
2. La Convention de 1952 – instrument d'uniformisation de l'exercice de la saisie
conservatoire
B. Les limites prévues part les articles 8 et 2 de la Convention
1. L'article 8 de la Convention
2. L'article 2 de la Convention
§ II Le navire ne battant pas pavillon d'un Etat contractant : Application de
l’article 8-2 de la Convention
A. Une divergence doctrinale quant à la portée de l'art. 8-2
B. Une jurisprudence incertaine
CHAPITRE II : LES CONDITIONS TENANT A LA NATURE DE LA
CREANCE ET LE NAVIRE OBJET DE LA SAISIE
§ I Caractères de la créance autorisant la saisie conservatoire
A. Une créance "maritime" requise par la Convention de 1952
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1. Liste exhaustive de l'article 1 de la Convention
2. Le caractère unilatéral de la notion de "créance maritime"
B. "Une créance paraissant fondée dans son principe", exigée par la loi
française
1. "Créance paraissant fondée en son principe" : une notion difficile à cerner
2. La certitude : l'urgence de la créance n'est pas requise
§ II Conditions tenant au navire saisissable
A. Les navires susceptibles de faire l'objet d'une saisie
B. Les navires insaisissables
1. Exclusion de la saisie des navires instruments de travail : insaisissabilité de
principe
2. Exclusion de la saisie des navires bénéficiant d'une immunité
PARTIE II : LA SAISIE CONSERVATOIRE DU NAVIRE : MOYEN DE
CONTRAINTE EFFICACE CONTRE LE DEBITEUR
CHAPITRE I : LES MOYENS DU CREANCIER D'AGIR CONTRE LE
DEBITEUR INSOLVABLE
§ I L’action in personam : "le navire débiteur"
A. La saisie d'un navire auquel se rapporte la créance
B. La saisie d'un navire autre que celui auquel se rapporte la créance – les
navires apparentés
1. L'élaboration de la "théorie de la communauté d'intérêts" par la jurisprudence
2. La nécessité de démontrer la fictivité
§ II L’action in rem : les navires du "débiteur"
A. La saisie d'un navire affrété
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1.Le navire affrété et le droit français
2.Le navire affrété et le droit international
B. La saisie d'un navire vendu
1. Le droit international
2. Le droit français
CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA SAISIE CONSERVATOIRE
§ I Immobilisation du navire
A. La responsabilité de la garde du navire saisi
B. Absence de transfert de propriété
§ II Les pouvoirs du juge
A. Le juge compétent et ses pouvoirs
1. La nécessité d'une autorisation judiciaire pour pratiquer une saisie
conservatoire de navire et la détermination du Tribunal compétent
2. La procédure applicable
B. La mainlevée et les risques de caducité
1. La mainlevée amiable et judiciaire
2. La caducité de la saisie
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ANNEXES
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ANNEXE 1
CONVENTION INTERNATIONALE POUR L'UNIFICATION DE
CERTAINES REGLES SUR LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES DE MER
Conclue à Bruxelles, le 10 mai 1952
Les Hautes Parties Contractantes,
Ayant reconnu l'utilité de fixer de commun accord certaines règles uniformes sur la
saisie conservatoire de navires de mer, ont décidé de conclure une convention à cet
effet et ont convenu de ce qui suit:
Art. 1
Dans la présente Convention, les expressions suivantes sont employées, avec les
significations indiquées ci-dessous:
1. «Créance Maritime» signifie allégation d'un droit ou d'une créance ayant l'une des
causes suivantes:
a. Dommages causés par un navire soit par abordage, soit autrement;
b. Pertes de vies humaines ou dommages corporels causés par un navire ou
provenant de l'exploitation d'un navire;
c. Assistance et sauvetage;
d. Contrats relatifs à l'utilisation ou la location d'un navire par charte-partie ou
autrement;
e. Contrats relatifs au transport des marchandises par un navire en vertu d'une charte-
partie, d'un connaissement ou autrement;
f. Pertes ou dommages aux marchandises et bagages transportés par un navire;
g. Avarie commune;
h. Prêt à la grosse;
i. Remorquage;
j. Pilotage;
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k. Fournitures, quel qu'en soit le lieu, de produits ou de matériel faites à un navire en
vue de son exploitation ou de son entretien;
l. Construction, réparations, équipement d'un navire ou frais de cale;
m. Salaires des Capitaine, Officiers ou hommes d'équipage;
n. Débours du Capitaine et ceux effectués par les chargeurs, les affréteurs ou les
Agents pour le compte du navire ou de son propriétaire;
o. La propriété contestée d'un navire;
p. La copropriété contestée d'un navire ou sa possession, ou son exploitation, ou les
droits aux produits d'exploitation d'un navire en copropriété;
q. Toute hypothèque maritime et tout mort-gage.
2. «Saisie» signifie l'immobilisation d'un navire avec l'autorisation de l'autorité
judiciaire compétente pour garantie d'une créance maritime, mais ne comprend pas la
saisie d'un navire pour l'exécution d'un titre.
3. «Personne» comprend toute personne physique ou morale, société de personnes or
de capitaux ainsi que les Etats, les Administrations et Etablissements publics.
4. «Demandeur» signifie une personne, invoquant à son profit, l'existence d'une
créance maritime.
Art. 2
Un navire battant pavillon d'un des Etats contractants ne pourra être saisi dans le
ressort d'un Etat Contractant qu'en vertu d'une créance maritime, mais rien dans les
dispositions de la présente Convention ne pourra être considéré comme une
extension ou une restriction des droits et pouvoirs que les Etats, Autorités publiques
ou Autorités portuaires tiennent de leur loi interne ou de leurs règlements, de saisir,
détenir ou autrement empêcher un navire de prendre la mer dans leur ressort.
Art. 3
1. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 4 et de l'article 10, tout Demandeur
peut saisir soit le navire auquel la créance se rapporte, soit tout autre navire
appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire
du navire auquel cette créance se rapporte alors même que le navire saisie est prêt à
faire voile, mais aucun navire ne pourra être saisi pour une créance prévue aux
alinéas o, p ou q de l'article premier à l'exception du
navire même que concerne la réclamation.
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2. Des navires seront réputés avoir le même propriétaire lorsque toutes les parts de
propriété appartiendront à une même ou aux mêmes personnes.
3. Un navire ne peut être saisi et caution ou garantie ne sera donnée, plus d'une fois
dans la juridiction d'un ou plusieurs des Etats Contractants, pour la même créance et
par le même Demandeur; et si un navire est saisi dans une desdites juridictions et une
caution ou une garantie a été donnée, soit pour obtenir la mainlevée de la saisie, soit
pour éviter celle-ci, toute saisie ultérieure de ce navire, ou de n'importe quel autre
navire, appartenant au même propriétaire, par le Demandeur et pour la même créance
maritime, sera levée et le navire sera libéré par le Tribunal ou toute autre juridiction
compétente du dit Etat, à moins que le Demandeur ne prouve, à la satisfaction du
Tribunal ou de toute autre Autorité Judiciaire compétente, que la garantie ou la
caution a été définitivement libérée avant que la saisie subséquente n'ait été pratiquée
ou qu'il n'y ait une autre raison valable pour la maintenir.
4. Dans le cas d'un affrètement d'un navire avec remise de la gestion nautique,
lorsque l'affréteur répond, seul, d'une créance maritime relative à ce navire, le
Demandeur peut saisir ce navire ou tel autre appartenant à l'affréteur, en observant
les dispositions de la présente Convention, mais nul autre navire appartenant au
propriétaire ne peut être saisi en vertu de cette créance maritime.
L'alinéa qui précède s'applique également à tous les cas où une personne autre que le
propriétaire est tenue d'une créance maritime.
Art. 4
Un navire ne peut être saisi qu'avec l'autorisation d'un Tribunal ou de toute autre
Autorité Judiciaire compétente de l'Etat Contractant dans lequel la saisie est
pratiquée.
Art. 5
Le Tribunal ou toute autre Autorité Judiciaire compétente dans le ressort duquel le
navire a été saisi, accordera la mainlevée de la saisie lorsqu'une caution ou une
garantie suffisantes auront été fournies, sauf dans le cas où la saisie est pratiquée en
raison des créances maritimes énumérées à l 'article premier ci-dessus, sous les lettres
o et p; en ce cas,le juge peut permettre l'exploitation du navire par le Possesseur,
lorsque celui-ci aura fourni des garanties suffisantes, ou régler la gestion du navire
pendant la durée de la saisie.
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77
Faute d'accord entre les Parties sur l'importance de la caution ou de la garantie, le
Tribunal ou l'Autorité Judiciaire compétente en fixera la nature et le montant.
La demande de mainlevée de la saisie moyennant une telle garantie, ne pourra être
interprétée ni comme une reconnaissance de responsabilité, ni comme une
renonciation au bénéfice de la limitation légale de la responsabilité du propriétaire du
navire.
Art. 6
Toutes contestations relatives à la responsabilité du Demandeur, pour dommages
causés à la suite de la saisie du navire ou pour frais de caution ou de garantie fournies
en vue de le libérer ou d'en empêcher la saisie seront réglées par la loi de l'Etat
Contractant dans le ressort duquel la saisie a été pratiquée ou demandée.
Les règles de procédure relatives à la saisie d'un navire, à l'obtention de l'autorisation
visée à l'article 4 et à tous autres incidents de procédure qu'une saisie peut soulever
sont régies par la loi de l'Etat Contractant dans lequel la saisie a été prat iquée ou
demandée.
Art. 7
1. Les Tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie a été opérée seront compétents pour
statuer sur le fond du procès:
- soit si ces Tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'Etat dans lequel
la saisie est pratiquée;
- soit dans les cas suivants, nommément définis:
a. Si le Demandeur a sa résidence habituelle ou son principal établissement dans
l'Etat où la saisie a été pratiquée;
b. Si la créance maritime est elle-même née dans l'Etat Contractant dont dépend le
lieu de la saisie;
c. Si la créance maritime est née au cours d'un voyage pendant lequel la saisie a été
faite;
d. Si la créance provient d'un abordage ou de circonstances visées par l'article 13 de
la Convention Internationale pour l'unification de certaines règles en matière
d'abordage, signée à Bruxelles, le 23 septembre 1910;
e. Si la créance est née d'une assistance ou d'un sauvetage;
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78
f. Si la créance est garantie par une hypothèque maritime ou un mort-gage sur le
navire saisi.
2. Si le Tribunal, dans le ressort duquel le navire a été saisi n'a pas compétence pour
statuer sur le fond, la caution ou la garantie à fournir conformément à l'article 5 pour
obtenir la mainlevée de la saisie, devra garantir l'exécution de toutes les
condamnations qui seraient ultérieurement prononcées par le Tribunal compétent de
statuer sur le fond, et le Tribunal ou toute autre Autorité Judiciaire du lieu de la
saisie, fixera le délai dans lequel le Demandeur devra introduire une action devant le
Tribunal compétent.
3. Si les conventions des parties contiennent soit une clause attributive de
compétence à une autre juridiction, soit une clause arbitrale, le Tribunal pourra fixer
un délai dans lequel le saisissant devra engager son action au fond.
4. Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, si l'action n'est pas introduite
dans le délai imparti, le Défendeur pourra demander la mainlevée de la saisie ou la
libération de la caution fournie.
5. Cet article ne s'appliquera pas aux cas visés par les dispositions de la convention
révisée sur la navigation du Rhin du 17 octobre 1868.
Art. 8
1. Les dispositions de la présente Convention sont applicables dans tout Etat
Contractant à tout navire battant pavillon d'un Etat Contractant.
2. Un navire battant pavillon d'un Etat non Contractant peut être saisi dans l'un des
Etats Contractants, en vertu d'une des créances énumérées à l'article 1er, ou de toute
autre créance permettant la saisie d'après la loi de cet Etat.
3. Toutefois, chaque Etat Contractant peut refuser tout ou partie des avantages de la
présente Convention à tout Etat non Contractant et à toute personne qui n'a pas, au
jour de la saisie, sa résidence habituelle ou son principal établissement dans un Etat
Contractant.
4. Aucune disposition de la présente Convention ne modifiera ou n'affectera la loi
interne des Etats Contractants en ce qui concerne la saisie d'un navire dans le ressort
de l'Etat dont il bat pavillon par une personne ayant sa résidence habituelle ou son
principal établissement dans cet Etat.
5. Tout tiers, autre que le Demandeur originaire qui excipe d'une créance maritime
par l'effet d'une subrogation, d'une cession ou autrement, sera réputé, pour
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79
l'application de la présente Convention, avoir la même résidence habituelle ou le
même établissement principal que le créancier originaire.
Art. 9
Rien dans cette Convention ne doit être considéré comme créant un droit à une action
qui, en dehors des stipulations de cette Convention, n'existerait pas d'après la loi à
appliquer par le Tribunal saisi du litige.
La présente Convention ne confère aux Demandeurs aucun droit de suite, autre que
celui accordé par cette dernière loi ou par la Convention Internationale sur les
Privilèges et Hypothèques maritimes1 si celle-ci est applicable.
Art. 10
Les Hautes Parties Contractantes peuvent au moment de la signature du dépôt des
ratifications ou lors de leur adhésion à la Convention, se réserver
a. Le droit de ne pas appliquer les dispositions de la présente Convention à la saisie
d'un navire pratiquée en raison d'une des créances maritimes visées aux o et p de
l'article premier et d'appliquer à cette saisie leur loi nationale;
b. Le droit de ne pas appliquer les dispositions du premier paragraphe de l'article 3 à
la saisie pratiquée sur leur territoire en raison des créances prévues à l'alinéa q de
l'article 1.
Art. 11
Les Hautes Parties Contractantes s'engagent à soumettre à arbitrage tous différends
entre Etats pouvant résulter de l'interprétation ou l'application de la présente
Convention, sans préjudice toutefois des obligations des Hautes Parties
Contractantes qui ont convenu de soumettre leurs différends à la Cour Internationale
de Justice.
Art. 12
La présente Convention est ouverte à la signature des Etats représentés à la neuvième
Conférence diplomatique deDroit Maritime. Le procès-verbal de signature sera
dressé par les soins du Ministère des Affaires étrangères de
Belgique.
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Art. 13
La présente Convention sera ratifiée et les instruments de ratification seront déposés
auprès du Ministère des Affaires étrangères de Belgique qui en notifiera le dépôt à
tous les Etats signataires et adhérents.
Art. 14
a. La présente Convention entrera en vigueur entre les deux premiers Etats qui
l'auront ratifiée, six mois après la date du dépôt du deuxième instrument de
ratification.
b. Pour chaque Etat signataire ratifiant la Convention après le deuxième dépôt, celle-
ci entrera en vigueur six mois après la date du dépôt de son instrument de
ratification.
Art. 15
Tout Etat non représenté à la neuvième Conférence diplomatique de Droit Maritime
pourra adhérer à la présente Convention.
Les adhésions seront notifiées au Ministère des Affaires étrangères de Belgique qui
en avisera par la voie diplomatique tous les Etats signataires et adhérents.
La Convention entrera en vigueur pour l'Etat adhérent six mois après la date de
réception de cette notification, mais pas avant la date de son entrée en vigueur telle
qu'elle est fixée à l'article 14a.
Art. 16
Toute Haute Partie Contractante pourra à l'expiration du délai de trois ans qui suivra
l'entrée en vigueur à son égard de la présente Convention, demander la réunion d'une
Conférence chargée de statuer sur toutes les propositions tendant à la révision de la
Convention.
Toute Haute Partie Contractante qui désirerait faire usage de cette faculté en avisera
le Gouvernement belge qui se chargera de convoquer la conférence dans les six mois.
Art. 17
Chacune des Hautes Parties Contractantes aura le droit de dénoncer la présente
Convention à tout moment après son entrée en vigueur à son égard. Toutefois, cette
dénonciation ne prendra effet qu'un an après la date de réception de la notification de
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81
dénonciation au Gouvernement belge qui en avisera les autres Parties Contractantes
par la voie diplomatique.
Art. 18
a. Toute Haute Partie Contractante peut, au moment de la ratification, de l'adhésion,
or à tout moment ultérieur, notifier par écrit au Gouvernement belge que la présente
Convention s'applique aux territoires ou à certains des territoires dont elle assure les
relations internationales. La Convention sera applicable aux dits territoires six mois
après la date de réception de cette notification par le Ministère des Affaires
étrangères de Belgique, mais pas avant la date d'entrée en vigueur de la présente
Convention à l'égard de cette Haute Partie Contractante.
b. Toute Haute Partie Contractante qui a souscrit une déclaration au titre du
paragraphe a de cet article pourra à tout moment aviser le Ministère des Affaires
étrangères de Belgique que la Convention cesse de s'appliquer au Territoire en
question. Cette dénonciation prendra effet dans le délai d'un an prévu à l'article 17.
c. Le Ministère des Affaires étrangères de Belgique avisera par la voie diplomatique
tous les Etats signataires et adhérents de toute notification reçue par lui au titre du
présent article.
Fait à Bruxelles, le 10 mai 1952, en langues française et anglaise, les deux textes
faisant également foi.
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ANNEXE 2
CONVENTION INTERNATIONALE DE 1999 SUR LA SAISIE
CONSERVATOIRE DES NAVIRES
Les États Parties à la présente Convention,
Considérant qu'il est souhaitable de faciliter le développement harmonieux et
ordonné du commerce maritime mondial,
Convaincus de la nécessité d'un instrument juridique établissant une
uniformité internationale dans le domaine de la saisie conservatoire des navires, qui
tienne compte de l'évolution récente dans les domaines connexes,
Sont convenus de ce qui suit :
Article premier
DÉFINITIONS
Aux fins de la présente Convention :
1. Par "créance maritime", il faut entendre une créance découlant d'une ou
plusieurs des causes suivantes :
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a) Pertes ou dommages causés par l'exploitation du navire;
b) Mort ou lésions corporelles survenant, sur terre ou sur eau, en relation
directe avec l'exploitation du navire;
c) Opérations de sauvetage ou d'assistance ainsi que tout contrat de
sauvetage ou d'assistance, y compris, le cas échéant, une indemnité spéciale
concernant des opérations de sauvetage ou d'assistance à l'égard d'un navire qui par
lui-même ou par sa cargaison menaçait de causer des dommages à l'environnement;
d) Dommages causés ou risquant d'être causés par le navire au milieu, au
littoral ou à des intérêts connexes; mesures prises pour prévenir, réduire ou éliminer
ces dommages; indemnisation de ces dommages; coût des mesures raisonnables de
remise en état du milieu qui ont été effectivement prises ou qui le seront; pertes
subies ou risquant d'être subies par des tiers en rapport avec ces dommages; et
dommages, coûts ou pertes de nature similaire à ceux qui sont indiqués dans le
présent alinéa d);
e) Frais et dépenses relatifs au relèvement, à l'enlèvement, à la
récupération, à la destruction ou à la neutralisation d'un navire coulé, naufragé,
échoué ou abandonné, y compris tout ce qui se trouve ou se trouvait à bord de ce
navire, et frais et dépenses relatifs à la conservation d'un navire abandonné et à
l'entretien de son équipage;
f) Tout contrat relatif à l'utilisation ou à la location du navire par
affrètement ou autrement;
g) Tout contrat relatif au transport de marchandises ou de passagers par
le navire, par affrètement ou autrement;
h) Pertes ou dommages subis par, ou en relation avec, les biens (y
compris les bagages) transportés par le navire;
i) Avarie commune;
j) Remorquage;
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k) Pilotage;
l) Marchandises, matériels, approvisionnement, soutes, équipements (y
compris conteneurs) fournis ou services rendus au navire pour son exploitation, sa
gestion, sa conservation ou son entretien;
m) Construction, reconstruction, réparation, transformation ou
équipement du navire;
n) Droits et redevances de port, de canal, de bassin, de mouillage et
d'autres voies navigables;
o) Gages et autres sommes dus au capitaine, aux officiers et autres
membres du personnel de bord, en vertu de leur engagement à bord du navire, y
compris les frais de rapatriement et les cotisations d'assurance sociale payables pour
leur compte;
p) Paiements effectués pour le compte du navire ou de ses propriétaires;
q) Primes d'assurance (y compris cotisations d'assurance mutuelle) en
relation avec le navire, payables par le propriétaire du navire ou par l'affréteur en
dévolution ou pour leur compte;
r) Frais d'agence ou commissions de courtage ou autres en relation avec
le navire, payables par le propriétaire du navire ou par l'affréteur en dévolution ou
pour leur compte;
s) Tout litige quant à la propriété ou à la possession du navire;
t) Tout litige entre les copropriétaires du navire au sujet de l'exploitation
ou des droits aux produits d'exploitation de ce navire;
u) Hypothèque, "mortgage" ou droit de même nature sur le navire;
v) Tout litige découlant d'un contrat de vente du navire.
2. Par "saisie", il faut entendre toute immobilisation ou restriction au départ
d'un navire en vertu d'une décision judiciaire pour garantir une créance maritime,
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85
mais non la saisie d'un navire pour l'exécution d'un jugement ou d'un autre
instrument exécutoire.
3. Par "personne", il faut entendre toute personne physique ou morale ou
toute société de personnes, de droit public ou de droit privé, y compris un État et ses
subdivisions politiques.
4. Par "créancier", il faut entendre toute personne alléguant une créance
maritime.
5. Par "tribunal", il faut entendre toute autorité judiciaire compétente d'un
État.
Article 2
POUVOIRS DE SAISIE
1. Un navire ne peut être saisi, ou libéré de cette saisie, que par décision d'un
tribunal de l'État Partie dans lequel la saisie est pratiquée.
2. Un navire ne peut être saisi qu'en vertu d'une créance maritime, à
l'exclusion de toute autre créance.
3. Un navire peut être saisi aux fins d'obtenir une sûreté, malgré l'existence,
dans tout contrat considéré, d'une clause attributive de compétence judiciaire ou
arbitrale, ou de toute autre disposition, prévoyant de soumettre la créance maritime à
l'origine de la saisie à l'examen au fond du tribunal d'un État autre que celui dans
lequel la saisie est pratiquée, ou d'un tribunal arbitral, ou d'une clause prévoyant
l'application de la loi d'un autre État à ce contrat.
4. Sous réserve des dispositions de la présente Convention, la procédure
relative à la saisie d'un navire ou à sa mainlevée est régie par la loi de l'État dans
lequel la saisie a été pratiquée ou demandée.
Article 3
EXERCICE DU DROIT DE SAISIE
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1. La saisie de tout navire au sujet duquel une créance maritime est alléguée
peut être pratiquée si :
a) La personne qui était propriétaire du navire au moment où la créance
maritime est née est obligée à raison de cette créance et est propriétaire du navire au
moment où la saisie est pratiquée; ou
b) L'affréteur en dévolution du navire au moment où la créance maritime
est née est obligé à raison de cette créance et est affréteur en dévolution ou
propriétaire du navire au moment où la saisie est pratiquée; ou
c) La créance repose sur une hypothèque, un "mortgage" ou un droit de
même nature sur le navire; ou
d) La créance est relative à la propriété ou à la possession du navire; ou
e) Il s'agit d'une créance sur le propriétaire, l'affréteur en dévolution,
l'armateur gérant ou l'exploitant du navire, garantie par un privilège maritime qui est
accordé ou applicable en vertu de la législation de l'État dans lequel la saisie est
demandée.
2. Peut également être pratiquée la saisie de tout autre navire ou de tous
autres navires qui, au moment où la saisie est pratiquée, est ou sont propriété de la
personne qui est obligée à raison de la créance maritime et qui, au moment où la
créance est née, était :
a) Propriétaire du navire auquel la créance maritime se rapporte; ou
b) Affréteur en dévolution, affréteur à temps ou affréteur au voyage de
ce navire.
Cette disposition ne s'applique pas aux créances relatives à la propriété ou à la
possession d'un navire.
3. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2 du présent article, la
saisie d'un navire qui n'est pas propriété d'une personne prétendument obligée à
raison de la créance ne peut être autorisée que si, selon la loi de l'État où la saisie est
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demandée, un jugement rendu en vertu de cette créance peut être exécuté contre ce
navire par une vente judiciaire ou forcée de ce navire.
Article 4
MAINLEVÉE DE LA SAISIE
1. Un navire qui a été saisi doit être libéré lorsqu'une sûreté d'un montant
suffisant et sous une forme satisfaisante a été constituée, sauf dans le cas où la saisie
est pratiquée en raison des créances maritimes énumérées aux alinéas s) et t) du
paragraphe 1 de l'article premier. En ce cas, le tribunal peut permettre l'exploitation
du navire par la personne qui en a la possession, lorsque celle-ci aura constitué une
sûreté d'un montant suffisant, ou régler de toute autre façon la question de la gestion
du navire pendant la durée de la saisie.
2. Si les parties intéressées ne parviennent pas à un accord sur l'importance et
la forme de la sûreté, le tribunal en détermine la nature et le montant, qui ne peut
excéder la valeur du navire saisi.
3. Aucune demande tendant à la libération du navire contre la constitution
d'une sûreté ne peut être interprétée comme une reconnaissance de responsabilité ni
comme une renonciation à toute défense ou tout droit de limiter la responsabilité.
4. Si un navire a été saisi dans un État non partie et n'est pas libéré malgré la
constitution d'une sûreté concernant ce navire dans un État Partie relativement à la
même créance, la mainlevée de cette sûreté est autorisée par le tribunal de l'État
Partie, par ordonnance rendue sur requête;
5. Si, dans un État non partie, le navire est libéré contre la constitution d'une
sûreté suffisante concernant ce navire, la mainlevée de toute sûreté constituée dans
un État Partie relativement à la même créance est autorisée par ordonnance si le
montant total de la sûreté constituée dans les deux États dépasse :
a) Soit le montant de la créance au titre de laquelle la saisie a été
pratiquée;
b) Soit la valeur du navire;
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la moins élevée des deux devant prévaloir. Cette mainlevée n'est toutefois autorisée
par ordonnance que si la sûreté constituée est effectivement disponible dans l'État
non partie et librement transférable au profit du créancier.
6. Toute personne qui a constitué une sûreté en vertu des dispositions du
paragraphe 1 du présent article peut, à tout moment, demander au tribunal de réduire,
modifier ou annuler cette sûreté.
Article 5
DROIT DE NOUVELLE SAISIE ET SAISIES MULTIPLES
1. Lorsque, dans un État, un navire a déjà été saisi et libéré ou qu'une sûreté a
déjà été constituée pour garantir une créance maritime, ce navire ne peut ensuite faire
l'objet d'aucune saisie fondée sur la même créance maritime, à moins que :
a) La nature ou le montant de la sûreté concernant ce navire déjà
constituée en vertu de la même créance ne soit pas suffisant, à condition que le
montant total des sûretés ne dépasse pas la valeur du navire; ou
b) La personne qui a déjà constitué la sûreté ne soit ou ne paraisse pas
capable d'exécuter tout ou partie de ses obligations; ou
c) La mainlevée de la saisie ou la libération de la sûreté ne soit
intervenue :
i) Soit à la demande ou avec le consentement du créancier agissant
pour des motifs raisonnables,
ii) Soit parce que le créancier n'a pu par des mesures raisonnables
empêcher cette mainlevée ou cette libération.
2. Tout autre navire qui serait autrement susceptible d'être saisi en vertu de la
même créance maritime ne peut être saisi à moins que :
a) La nature ou le montant de la sûreté déjà constituée en vertu de la
même créance ne soit pas suffisant; ou
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b) Les dispositions du paragraphe 1 b) ou c) du présent article ne soient
applicables.
3. La "mainlevée" aux fins du présent article exclut tout départ ou toute
libération du navire de nature illégale.
Article 6
PROTECTION DES PROPRIÉTAIRES ET AFFRÉTEURS
EN DÉVOLUTION DE NAVIRES SAISIS
1. Le tribunal peut, comme condition à l'autorisation de saisir un navire ou de
maintenir une saisie déjà pratiquée, imposer au créancier saisissant ou ayant fait
saisir le navire l'obligation de constituer une sûreté sous une forme, pour un montant
et selon des conditions fixées par ce tribunal, à raison de toute perte causée par la
saisie susceptible d'être subie par le défendeur et dans laquelle la responsabilité du
créancier peut être prouvée, notamment mais non exclusivement, à raison de la perte
ou du dommage éventuels subis par le défendeur par suite :
a) D'une saisie abusive ou injustifiée; ou
b) D'une sûreté excessive demandée et constituée.
2. Les tribunaux de l'État dans lequel une saisie a été pratiquée sont
compétents pour déterminer l'étendue de la responsabilité éventuelle du créancier à
raison de pertes ou dommages causés par la saisie d'un navire, notamment mais non
exclusivement, de ceux qui seraient subis par suite :
a) D'une saisie abusive ou injustifiée; ou
b) D'une sûreté excessive demandée et constituée.
3. La responsabilité éventuelle du créancier, visée au paragraphe 2 du présent
article, est déterminée par application de la loi de l'État où la saisie a été pratiquée.
4. Au cas où le litige est, conformément aux dispositions de l'article 7, soumis
à l'examen au fond d'un tribunal d'un autre État ou d'un tribunal arbitral, la procédure
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relative à la responsabilité du créancier prévue au paragraphe 2 du présent article
peut être suspendue dans l'attente de la décision au fond.
5. Toute personne qui a constitué une sûreté en vertu des dispositions du
paragraphe 1 du présent article peut à tout moment demander au tribunal de réduire,
modifier ou annuler cette sûreté.
Article 7
COMPÉTENCE SUR LE FOND DU LITIGE
1. Les tribunaux de l'État dans lequel une saisie a été pratiquée ou une sûreté
constituée pour obtenir la libération du navire sont compétents pour juger le litige au
fond, à moins que les parties, de façon valable, ne conviennent ou ne soient
convenues de soumettre le litige au tribunal d'un autre État se déclarant compétent,
ou à l'arbitrage.
2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 du présent article, les
tribunaux de l'État dans lequel une saisie a été pratiquée, ou une sûreté constituée
pour obtenir la libération du navire, peuvent décliner leur compétence si le droit de
cet État le leur permet et si le tribunal d'un autre État se reconnaît compétent.
3. Lorsqu'un tribunal de l'État dans lequel une saisie a été pratiquée ou une
sûreté constituée pour obtenir la libération du navire :
a) N'est pas compétent pour statuer au fond sur le litige; ou
b) A décliné sa compétence en vertu des dispositions du paragraphe 2 du
présent article,
ce tribunal peut et, sur requête, doit fixer au créancier un délai pour engager la
procédure au fond devant un tribunal compétent ou une juridiction arbitrale.
4. Si, au terme du délai fixé conformément au paragraphe 3 du présent article,
la procédure au fond n'a pas été engagée, la mainlevée de la saisie ou de la sûreté
constituée est, sur requête, autorisée par ordonnance.
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91
5. Si la procédure est engagée avant le terme du délai fixé conformément au
paragraphe 3 du présent article, ou si la procédure devant un tribunal compétent ou
un tribunal arbitral d'un autre État est engagée en l'absence de fixation d'un délai,
toute décision définitive prononcée à l'issue de cette procédure est reconnue et prend
effet à l'égard du navire saisi ou de la sûreté constituée pour prévenir la saisie du
navire ou obtenir sa libération, à condition que :
a) Le défendeur ait été averti de cette procédure dans des délais
raisonnables et mis en mesure de présenter sa défense;
b) Cette reconnaissance ne soit pas contraire à l'ordre public.
6. Aucune des dispositions du paragraphe 5 du présent article ne limite la
portée d'un jugement ou d'une sentence arbitrale étrangers rendus selon la loi de
l'État où la saisie du navire a été pratiquée ou une sûreté constituée pour en obtenir la
libération.
Article 8
APPLICATION
1. La présente Convention est applicable à tout navire relevant de la
juridiction d'un État Partie, quel qu'il soit, et battant ou non pavillon d'un État Partie.
2. La présente Convention n'est pas applicable aux navires de guerre, navires
de guerre auxiliaires et autres navires appartenant à un État ou exploités par lui et
exclusivement affectés, jusqu'à nouvel ordre, à un service public non commercial.
3. La présente Convention ne porte atteinte à aucun des droits ou pouvoirs,
dévolus par une convention internationale, une loi ou réglementation interne à un
État ou à ses administrations, à un établissement public ou à une autorité portuaire,
de retenir un navire ou d'en interdire le départ dans le ressort de leur juridiction.
4. La présente Convention ne porte pas atteinte au pouvoir d'un État ou
tribunal de rendre des ordonnances applicables à la totalité du patrimoine d'un
débiteur.
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92
5. Aucune disposition de la présente Convention ne porte atteinte à
l'application de conventions internationales ni d'aucune loi interne leur donnant effet,
autorisant la limitation de responsabilité dans l'État où une saisie est pratiquée.
6. Aucune disposition de la présente Convention ne modifie ou ne concerne
les textes de loi en vigueur dans les États Parties relativement à la saisie d'un navire
dans la juridiction de l'État dont il bat pavillon, obtenue par une personne ayant sa
résidence habituelle ou son principal établissement dans cet État, ou par toute autre
personne qui a acquis une créance de ladite personne par voie de subrogation, de
cession, ou par tout autre moyen.
Article 9
NON-CRÉATION DE PRIVILÈGES MARITIMES
Aucune disposition de la présente Convention ne peut être interprétée comme
créant un privilège maritime.
Article 10
RÉSERVES
1. Un État peut, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation,
de l'approbation ou de l'adhésion, ou à tout moment par la suite, se réserver le droit
d'exclure du champ d'application de la présente Convention :
a) Les bâtiments autres que les navires de mer;
b) Les navires ne battant pas le pavillon d'un État Partie;
c) Les créances visées à l'alinéa s) du paragraphe 1 de l'article premier.
2. Un État qui est aussi Partie à un traité sur la navigation intérieure, peut
déclarer, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation ou de
l'approbation de la présente Convention ou de l'adhésion à celle-ci, que les
dispositions de ce traité concernant la compétence des tribunaux et la reconnaissance
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
93
et l'exécution de leurs décisions prévalent sur les dispositions de l'article 7 de la
présente Convention.
Article 11
DÉPOSITAIRE
La présente Convention est déposée auprès du Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies.
Article 12
SIGNATURE, RATIFICATION, ACCEPTATION,
APPROBATION ET ADHÉSION
1. La présente Convention est ouverte à la signature des États au Siège de
l'Organisation des Nations Unies, à New York, du 1er septembre 1999 au 31 août
2000. Elle reste ensuite ouverte à l'adhésion.
2. Les États peuvent exprimer leur consentement à être liés par la présente
Convention par :
a) Signature sans réserve quant à la ratification, l'acceptation ou
l'approbation; ou
b) Signature sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation,
suivie de ratification, d'acceptation ou d'approbation; ou
c) Adhésion.
3. La ratification, l'acceptation, l'approbation ou l'adhésion s'effectuent par le
dépôt d'un instrument à cet effet auprès du dépositaire.
Article 13
ÉTATS AYANT PLUS D'UN RÉGIME JURIDIQUE
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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1. S'il possède deux ou plusieurs unités territoriales dans lesquelles des
régimes juridiques différents sont applicables pour ce qui est des matières traitées
dans la présente Convention, un État peut, au moment de la signature, de la
ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, déclarer que la
présente Convention s'applique à l'ensemble de ses unités territoriales ou seulement à
une ou plusieurs d'entre elles, et il peut modifier cette déclaration en présentant une
autre déclaration à tout moment.
2. La déclaration est notifiée au dépositaire et précise expressément les unités
territoriales auxquelles s'applique la Convention.
3. Dans le cas d'un État Partie qui possède deux ou plusieurs régimes
juridiques concernant la saisie conservatoire des navires applicables dans différentes
unités territoriales, les références dans la présente Convention au tribunal d'un État et
à la loi ou au droit d'un État sont considérées comme renvoyant , respectivement, au
tribunal et à la loi ou au droit de l'unité territoriale pertinente de cet État.
Article 14
ENTRÉE EN VIGUEUR
1. La présente Convention entre en vigueur six mois après la date à laquelle
10 États ont exprimé leur consentement à être liés par elle.
2. Pour un État qui exprime son consentement à être lié par la présente
Convention après que les conditions de son entrée en vigueur ont été remplies, ce
consentement prend effet trois mois après la date à laquelle il a été exprimé.
Article 15
RÉVISION ET AMENDEMENT
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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1. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies convoque une
conférence des États Parties pour réviser ou modifier la présente Convention, à la
demande d'un tiers des États Parties.
2. Tout consentement à être lié par la présente Convention exprimé après la
date d'entrée en vigueur d'un amendement à la présente Convent ion est réputé
s'appliquer à la Convention telle que modifiée.
Article 16
DÉNONCIATION
1. La présente Convention peut être dénoncée par l'un quelconque des États
Parties à tout moment à compter de la date à laquelle elle entre en vigueur à l'égard
de cet État.
2. La dénonciation s'effectue au moyen du dépôt d'un instrument de
dénonciation auprès du dépositaire.
3. La dénonciation prend effet un an après la date à laquelle le dépositaire a
reçu l'instrument de dénonciation ou à l'expiration de tout délai plus long énoncé
dans cet instrument.
Article 17
LANGUES
La présente Convention est établie en un seul exemplaire original en langues
anglaise, arabe, chinoise, espagnole, française et russe, chaque texte faisant
également foi.
FAIT à Genève, le douze mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.
EN FOI DE QUOI, les soussignés, dûment autorisés à cet effet par leurs
gouvernements respectifs, ont apposé leur signature à la présente Convention.
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ANNEXE 3
Loi n°67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer
Article 70
Abrogé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7
La saisie des navires est régie par des dispositions réglementaires particulières.
Article 71
Abrogé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7
En cas de saisie, l'adjudication du navire fait cesser les fonctions du capitaine, sauf à
lui à se pourvoir en dédommagement contre qui de droit.
ANNEXE 4
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Décret n°67-967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer du 27 octobre 1967
Chapitre VI
Saisie des navires
Section I. – Dispositions générales
Article 26 Abrogé par l’Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7
Lorsqu'il est avisé d'une saisie par la notification de la décision qui l'a autorisée, le service du port refuse l'autorisation de départ du navire.
Article 27 Abrogé par l’Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7
Nonobstant toute saisie, le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés peut autoriser le départ du navire pour un ou plusieurs voyages déterminés. Pour obtenir cette autorisation, le requérant doit fournir une garantie suffisante.
Article 28 Abrogé par l’Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7
Le président fixe le délai dans lequel le navire devra regagner le port de la saisie. Il peut ultérieurement modifier ce délai pour tenir compte des circonstances et, le cas échéant, autoriser le navire à faire des voyages.
Si, à l'expiration du délai fixé, le navire n'a pas rejoint son port, la somme déposée en garantie est acquise aux créanciers, sauf le jeu de l'assurance en cas de sinistre couvert par la police.
Section II. – Saisie conservatoire
Article 29
Modifié par le décret 71-161 1971-02-24 art. 1 JORF 3 mars 1971 Abrogé par l’Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7 La saisie conservatoire est autorisée par ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de commerce ou, à défaut, par le juge d'instance.
L'autorisation peut être accordée dès lors qu'il est justifié d'une créance paraissant fondée dans son principe.
Article 30 La saisie conservatoire empêche le départ du navire. Elle ne porte aucune atteinte aux droits du propriétaire.
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ANNEXE 5
Code des Transports – Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010
(Section 4 : Saisie)
Article L5114-20
Créé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. (V)
La saisie du navire est régie par les dispositions de la présente section.
Sous-section 1 : Dispositions communes Article L5114-21 Créé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. (V)
Le navire qui fait l'objet d'une saisie ne peut quitter le port, sauf autorisation donnée par le juge de l'exécution pour un ou plusieurs voyages déterminés, sur justification d'une garantie suffisante. Dans ce cas, si, à l'expiration du délai imparti par le juge, le navire n'a pas rejoint son port, la somme déposée en garantie est acquise aux créanciers, sauf le jeu de l'assurance en cas de sinistre couvert par la police.
Sous-section 2 : Saisie conservatoire Article L5114-22 Créé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. (V)
Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire d'un navire.
ANNEXE 6
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
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Loi n°91-650 portant réforme des procédures civiles d’exécution
du 9 juillet 1991
Article 1 Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard.
Tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits.
L'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution.
Chapitre II : Dispositions générales
Section 1 : Les biens saisissables
Article 13
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu'ils seraient détenus par des tiers.
Elles peuvent également porter sur les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive. Les modalités propres à ces obligations s'imposent au créancier saisissant.
Article 14
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
Ne peuvent être saisis :
1° Les biens que la loi déclare insaisissables ;
2° Les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie ;
3° Les biens disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur, si ce n'est, avec la permission du juge et pour la portion qu'il détermine, par les créanciers postérieurs à l'acte de donation ou à l'ouverture du legs ;
4° Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat et sous réserve des dispositions du septième alinéa du présent article ; ils demeurent cependant saisissables s'ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s'ils sont des biens de valeur, en raison
La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011
100
notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux, s'ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou s'ils constituent des éléments corporels d'un fonds de commerce ;
5° Les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades.
Les biens visés au 4° ne peuvent être saisis, même pour paiement de leur prix, lorsqu'ils sont la propriété des bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance prévue aux articles 150 à 155 du code de la famille et de l'aide sociale.
Les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment de l'immeuble, sauf pour paiement de leur prix.
Chapitre IV : Dispositions spécifiques aux mesures conservatoires
Section 1 : Dispositions communes
Article 67
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.
Article 68
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
Une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeubles.
Article 69
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
L'autorisation est donnée par le juge de l'exécution. Toutefois, elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale.
A peine de nullité, le juge précise l'objet de la mesure autorisée.
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En autorisant la mesure conservatoire, le juge peut décider de réexaminer sa décision ou les modalités de son exécution au vu d'un débat contradictoire.
Article 70
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
A peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier doit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, engager ou poursuivre une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire s'il n'en possède pas.
Article 71
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
La notification au débiteur de l'exécution de la mesure conservatoire interrompt la prescription de la créance cause de cette mesure.
Article 72
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
Même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut, à tout moment, au vu des éléments qui sont fournis par le débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article 67 ne sont pas réunies.
A la demande du débiteur, le juge peut, le créancier entendu ou appelé, substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties.
La constitution d'une caution bancaire irrévocable conforme à la mesure sollicitée dans la saisie entraîne mainlevée de la mesure de sûreté, sous réserve des dispositions de l'article 70.
Article 73
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
Les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur sauf décision contraire du juge à l'issue de la procédure.
Lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.
Section 2 : Les saisies conservatoires.
Article 74
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
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La saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur. Elle les rend indisponibles.
Article 75
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
Lorsque la saisie porte sur une créance ayant pour objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n'est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée. La saisie emporte de plein droit consignation des sommes indisponibles et produit les effets prévus à l'article 2075-1 du code civil.
Sous réserve des dispositions de l'alinéa précédent, un bien peut faire l'objet de plusieurs saisies conservatoires.
Les dispositions de l'article 47 sont applicables en cas de saisie conservatoire pratiquée entre les mains d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt.
Article 76
Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992
Le créancier qui a obtenu ou possède un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la vente des biens qui ont été rendus indisponibles jusqu'à concurrence du montant de sa créance.
Si la saisie conservatoire porte sur une créance, le créancier, muni d'un titre exécutoire, peut en demander le paiement. Cette demande emporte attribution immédiate de la créance saisie jusqu'à concurrence du montant de la condamnation et des sommes dont le tiers saisi s'est reconnu ou a été déclaré débiteur.
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103
ANNEXE 7
Décret n°92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux
procédures civiles d’exécution pour l’application de la loi n°91-650 du 9 juillet
1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution
TITRE II : Dispositions générales
CHAPITRE Ier : Les biens saisissables.
Article 38
Tous les biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels appartenant au débiteur peuvent faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée ou d'une mesure conservatoire, si ce n'est dans les cas où la loi prescrit ou permet leur insaisissabilité.
Section I : Les biens mobiliers corporels et les créances.
Article 39
Modifié par décret n°97-375 du 17 avril 1997 - art. 1 JORF 20 avril 1997 Pour l'application de l'article 14 (4°) de la lo i du 9 juillet 1991, sont insaisissables comme étant nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille :
Les vêtements ;
La literie ;
Le linge de maison ;
Les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l'entretien des lieux ;
Les denrées alimentaires ;
Les objets de ménage nécessaires à la conservation, à la préparation et à la consommation des aliments ;
Les appareils nécessaires au chauffage ;
La table et les chaises permettant de prendre les repas en commun ;
Un meuble pour abriter le linge et les vêtements et un meuble pour ranger les objets ménagers ;
Une machine à laver le linge ;
Les livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle ;
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Les objets d'enfants ;
Les souvenirs à caractère personnel ou familial ;
Les animaux d'appartement ou de garde ;
Les animaux destinés à la subsistance du saisi, ainsi que les denrées nécessaires à leur élevage ;
Les instruments de travail nécessaires à l'exercice personnel de l'activité professionnelle.
Un poste téléphonique permettant l'accès au service téléphonique fixe.
Article 40
Toutefois, les biens énumérés à l'article précédent restent saisissables dans les conditions prévues à l'article 14 (4°) de la loi du 9 juillet 1991.
TITRE X : Les mesures conservatoires et les sûretés judiciaires
CHAPITRE Ier : Dispositions communes
Section I : Les conditions de validité.
Article 210
Tout créancier peut, par requête, demander au juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire s'il se prévaut d'une créance qui paraît fondée en son principe et si les circonstances sont susceptibles d'en menacer le recouvrement.
Sauf dans les cas prévus à l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991, une autorisation préalable du juge est nécessaire.
Article 211
Le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur.
Toutefois, si la mesure tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence d'une juridiction commerciale, elle peut être autorisée, avant tout procès, par le président du tribunal de commerce de ce même lieu.
Toute clause contraire est réputée non avenue. Le juge saisi doit relever d'office son incompétence.
Article 212
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A peine de nullité de son ordonnance, le juge détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et précise la nature des biens sur lesquels elle porte.
Article 213
Si le juge se réserve de réexaminer sa décision ou ses modalités d'exécution au vu d'un débat contradictoire, il fixe la date de l'audience, sans préjudice du droit pour le débiteur de le saisir à une date plus rapprochée.
Le débiteur est assigné par le créancier, le cas échéant, dans l'acte qui dénonce la saisie.
Article 214
L'autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n'a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l'ordonnance.
Article 215
Si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.
Toutefois, en cas de rejet d'une requête en injonction de payer présentée dans le délai imparti à l'alinéa précédent, le juge du fond peut encore être valablement saisi dans le mois qui suit l'ordonnance de rejet.
Article 216
Lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d'un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l'article 215, dans un délai de huit jours à compter de leur date. A défaut, la mesure conservatoire est caduque.
Section II : Les contestations
Article 217 Si les conditions prescrites aux articles 210 à 216 ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure peut être ordonnée à tout moment, même dans les cas où l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 permet que cette mesure soit prise sans autorisation du juge.
Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.
Article 218
La demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure. Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la demande est portée devant le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur, si ce n'est lorsque la mesure est fondée
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sur une créance relevant de la compétence d'une juridiction commerciale, auquel cas la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.
Article 219
Les autres contestations, notamment celles relatives à l'exécution de la mesure, sont portées devant le juge de l'exécution du lieu où sont situés les biens saisis.
CHAPITRE II : Les saisies conservatoires.
Article 220
Sur présentation, selon le cas, de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet une mesure conservatoire, une saisie peut être pratiquée sur les biens meubles corporels ou incorporels appartenant au débiteur, même s'ils sont détenus par un tiers ou s'ils ont fait l'objet d'une saisie conservatoire antérieure.
Section I : La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels
Sous-section 1 : Opérations de saisie.
Article 221
Modifié par décret n°2004-836 du 20 août 2004 - art. 57 JORF 22 août 2004 en vigueur le 1er janvier 2005
Après avoir rappelé au débiteur qu'il est tenu de lui indiquer les biens qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure et de lui en communiquer le procès-verbal, l'huissier de justice dresse un acte de saisie.
Cet acte contient, à peine de nullité :
1° La mention de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ; ces documents sont annexés à l'acte ; toutefois, s'il s'agit d'une obligation notariée ou d'une créance de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre, ainsi que du montant de la dette ;
2° La désignation détaillée des biens saisis ;
3° Si le débiteur est présent, sa déclaration au sujet d'une éventuelle saisie antérieure sur les mêmes biens ;
4° La mention, en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu'ils sont placés sous la garde du débiteur, qu'ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, si ce n'est dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 91, sous peine des sanctions prévues à l'article 314-6 du code pénal, et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie sur les mêmes biens ;
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5° La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d'en demander la mainlevée au juge de l'exécution du lieu de son domicile ;
6° La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l'exécution de la saisie ;
7° L'indication, le cas échéant, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles doivent apposer leur signature sur l'original et les copies ; en cas de refus, il en est fait mention dans l'acte ;
8° La reproduction de l'article 314-6 du code pénal et celle des articles 210 à 219 du présent décret.
Il peut être fait application des dispositions de l'article 90.
Article 222
Si le débiteur est présent aux opérations de saisie, l'huissier de justice lui rappelle verbalement le contenu des mentions des 4° et 5° de l'article 221. Une copie de l'acte portant les mêmes signatures que l'original lui est immédiatement remise ; cette remise vaut signification.
Lorsque le débiteur n'a pas assisté aux opérations de saisie, une copie de l'acte lui est signifiée, en lui impartissant un délai de huit jours pour qu'il porte à la connaissance de l'huissier de justice toute information relative à l'existence d'une éventuelle saisie antérieure et qu'il lui en communique le procès-verbal.
Article 223
Les dispositions des articles 92 et 97 sont applicables à la saisie conservatoire des meubles corporels.
Article 224
Si la saisie conservatoire est pratiquée entre les mains d'un tiers, il est procédé comme il est dit aux articles 99 à 106, sauf en ce qui concerne l'alinéa premier de l'article 99 et l'article 103 qui ne sont pas applicables.
L'acte de saisie est signifié au débiteur dans un délai de huit jours. Il contient en outre, à peine de nullité :
1° Une copie de l'autorisation du juge ou du titre, selon le cas, en vertu duquel la saisie a été pratiquée ;
2° La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d'en demander la nullité au juge de l'exécution du lieu de son propre domicile ;
3° La reproduction des articles 210 à 219.
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Article 225
Les incidents relatifs à l'exécution de la saisie sont soumis, en tant que de besoin, aux dispositions des articles 126 à 133.
Sous-section 2 : Conversion en saisie-vente.
Article 226
Le créancier qui obtient un titre exécutoire constatant l'existence de sa créance signifie au débiteur un acte de conversion qui contient, à peine de nullité :
1° La référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
2° L'énonciation du titre exécutoire ;
3° Le décompte distinct des sommes à payer, en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l'indication du taux des intérêts ;
4° Un commandement d'avoir à payer cette somme dans un délai de huit jours, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis.
La conversion peut être signifiée dans le même acte que le jugement.
Si la saisie a été effectuée entre les mains d'un tiers, une copie de l'acte de conversion est dénoncée à ce dernier.
Article 227
A l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la date de l'acte de conversion, l'huissier de justice procède à la vérification des biens saisis. Il est dressé acte des biens manquants ou dégradés.
Dans cet acte, il est donné connaissance au débiteur qu'il dispose d'un délai d'un mois pour vendre à l'amiable les biens saisis dans les conditions prescrites aux articles 107 à 109 qui sont reproduits.
Article 228
Si les biens ne se retrouvent plus au lieu où ils avaient été saisis, l'huissier de justice fait injonction au débiteur de l'informer dans un délai de huit jours du lieu où ils se trouvent et, s'ils ont fait l'objet d'une saisie-vente, de lui communiquer le nom et l'adresse, soit de l'huissier de justice qui y a procédé, soit du créancier pour le compte de qui elle a été diligentée.
A défaut de réponse, le créancier saisit le juge de l'exécution qui peut ordonner la remise de ces informations sous astreinte, le tout sans préjudice d'une action pénale pour détournement de biens saisis.
Article 229
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A défaut de vente amiable dans le délai prévu, il est procédé à la vente forcée des biens saisis.
Sous-section 3 : Pluralité de saisies.
Article 230
L'huissier de justice qui procède à une saisie conservatoire sur des biens rendus indisponibles par une ou plusieurs saisies conservatoires antérieures signifie une copie du procès-verbal de saisie à chacun des créanciers dont les diligences sont antérieures aux siennes.
Article 231
Si des biens saisis à titre conservatoire font ensuite l'objet d'une saisie-vente, l'huissier de justice signifie le procès-verbal de saisie aux créanciers qui ont pratiqué antérieurement les saisies conservatoires.
De même, l'acte de conversion d'une saisie conservatoire en saisie-vente doit être signifié aux créanciers qui, avant cette conversion, ont saisi les mêmes biens à titre conservatoire.
Article 232
Si le débiteur présente des propositions de vente amiable, le créancier saisissant qui les accepte en communique la teneur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, aux créanciers qui ont saisi les mêmes biens à titre conservatoire, soit avant l'acte de saisie, soit avant l'acte de conversion, selon le cas. A peine de nullité, la lettre reproduit en caractères très apparents les trois alinéas qui suivent.
Chaque créancier doit, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre, prendre parti sur les propositions de vente amiable et faire connaître au créancier saisissant la nature et le montant de sa créance.
A défaut de réponse dans le délai imparti, le créancier est réputé avoir accepté les propositions de vente.
Si, dans le même délai, il ne fournit aucune indication sur la nature et le montant de sa créance, il perd le droit de concourir à la distribution des deniers résultant de la vente amiable, sauf à faire valoir ses droits sur un solde éventuel après la répartition.
Article 233
Le créancier saisissant qui fait procéder à l'enlèvement des biens en vue de leur vente forcée doit en informer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les créanciers qui ont pratiqué une saisie conservatoire sur les mêmes biens avant l'acte de saisie ou l'acte de conversion, selon le cas. A peine de nullité, cette lettre
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indique le nom et l'adresse de l'officier ministériel chargé de la vente et reproduit en caractères très apparents l'alinéa qui suit.
Chaque créancier doit, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre, faire connaître à l'officier ministériel chargé de la vente, la nature et le montant de sa créance au jour de l'enlèvement. A défaut de réponse dans le délai imparti, il perd le droit de concourir à la distribution des deniers résultant de la vente forcée, sauf à faire valoir ses droits sur un solde éventuel après répartition.