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Mémoire présenté par Ruslana Georgieva Sous la Direction de M. Christian SCAPEL Master II "Droit Maritime et des Transports" Année universitaire 2010-2011 LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES (Etude comparative en Droit Français et Droit International)

Saisie conservatoire des navires

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Page 1: Saisie conservatoire des navires

Mémoire présenté par Ruslana Georgieva

Sous la Direction de M. Christian SCAPEL

Master II "Droit Maritime et des Transports"

Année universitaire 2010-2011

LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES (Etude comparative en Droit Français et Droit

International)

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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Remerciements

Avant toute chose, je tiens à remercier un certain nombre de personnes sans

qui la réalisation de mon mémoire n’aurait pas été possible.

Ces personnes qui m’ont beaucoup apporté aussi bien humainement que

professionnellement, qui par leur gentillesse et leur disponibilité m’ont permis de

mieux appréhender les mécanismes du Droit Maritime et des Transports.

Je souhaite remercier toute l’équipe pédagogique du Master II Droit

Maritime et des Transports à l’Université d'Aix-Marseille III, qui m’a aidée à

réaliser le présent Mémoire de fin d'études et d'avancer dans mes recherches. Mes

remerciements vont plus particulièrement à Monsieur Christian SCAPEL et

Monsieur le Professeur Pierre BONASSIES pour m'avoir permis d'intégrer le Master

ainsi que pour leur disponibilité et précieux conseils tout au long de l'année

universitaire.

Je tiens également à remercier Madame Marjorie VIAL qui a toujours été à

notre écoute, en contribuant à la bonne ambiance, et sans qui le Master ne serait pas

le même.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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SOMMAIRE

INTRODUCTION p.5

PARTIE I : LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES : UNE VOIE

D'EXECUTION CONDITIONNEE p.16

CHAPITRE I : CONDITION TENANT A L'ETAT DU PAVILLON DU

NAVIRE p.16

§ I Le navire battant pavillon d'un Etat contractant p.16

§ II Le navire ne battant pas pavillon d'un Etat contractant : Application de

l’article 8-2 de la Convention p.18

CHAPITRE II : LES CONDITIONS TENANT A LA NATURE DE LA

CREANCE ET LE NAVIRE OBJET DE LA SAISIE

p.22

§ I Caractères de la créance autorisant la saisie conservatoire p.22

§ II Le navire objet de la saisie conservatoire p.26

PARTIE II : LA SAISIE CONSERVATOIRE DU NAVIRE : MOYEN DE

CONTRAINTE EFFICACE CONTRE LE DEBITEUR p.31

CHAPITRE I : LES MOYENS DU CREANCIER D'AGIR CONTRE LE

DEBITEUR INSOLVABLE p.32

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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§ I L’action in personam : "le navire débiteur" p.33

§ II L’action in rem : les navires du "débiteur" p.38

CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA SAISIE CONSERVATOIRE p.49

§ I Immobilisation du navire p.50

§ II Les pouvoirs du juge p.53

CONCLUSION p.65

BIBLIOGRAPHIE p.67

TABLE DES MATIERES p.70

ANNEXES p.73

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« La société comme un navire ; tout le monde doit contribuer à la direction du gouvernail.»

Les Démons, Fiodor Dostoïevski

Le navire constitue l'instrument indispensable de l'exercice d'une activité

d'armement maritime. Il est le gage le plus immédiatement accessible pour ceux qui,

au cours de son exploitation, sont amenés à devenir créanciers de l'armateur. Un droit

n'est rien s'il ne peut être exercé. Il suffit au navire pour échapper à ses créanciers de

prendre le large. Pour peu que son armateur ne possède aucun bien dans l'Etat où il a

contracté sa dette, le créancier voit alors s'évanouir ses chances d'être payé ; son droit

devient vain et sa sûreté inutile. Le navire est ainsi le premier bien de l'armateur à

être visé par les mesures destinées à assurer le paiement des créances liées à son

exploitation. Cela explique le fait que le monde maritime a constamment recours aux

saisies de navires à titre conservatoire : procédure qui permet de retenir le navire en

attendant que le litige soit réglé, ou que l'armateur du navire saisi ait constitué une

autre garantie de nature à répondre, le cas échéant, de sa dette.

Néanmoins, il s'agit de délimiter le domaine d'application de la saisie puisque cette

procédure s'applique aux seuls navires de mer. Par conséquent, il convient en premier

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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lieu de s'intéresser à la notion de navire, considéré comme le premier – et parfois le

seul – gage des créanciers maritimes.

Il n'existe en droit français aucune définition du navire. Pourtant, sa qualification

s'avère primordiale afin de pouvoir lui appliquer les règles spécifiques gouvernant le

droit maritime. Apres de longues hésitations, le Doyen Rodière dégage deux critères

cumulatifs permettant de définir le navire, moins en fonction de ses caractéristiques

propres, que par rapport au milieu dans lequel il évolue. Il est qualifié "d'engin

flottant, de nature mobilière, affecté à une navigation qui l'expose habituellement aux

risques de la mer"1.

Du point de vue juridique, le navire apparaît comme un meuble par nature (art. 531

Code Civil2), mais en réalité il répond à un régime juridique proche de celui de

l'immeuble. Ce meuble de grande valeur, mobile entre tous, a une vocation

internationale : il fréquente les ports étrangers, y contracte des dettes, et peut s'y faire

saisir. Sa navigation l'expose, en outre, aux périls de la mer, ce qui légitime sa

protection en droit maritime. A mi-chemin du régime juridique s'appliquant aux

meubles et aux immeubles, le navire a aussi parfois été rapproché des personnes, en

tant que bien fortement individualisé dans le patrimoine de son propriétaire – le

navire est domicilié au port d'immatriculation, son propriétaire lui octroie un nom qui

l'individualise et il dispose d'une nationalité matérialisée par son pavillon. Il est

susceptible d'être grevé d'une hypothèque, laquelle confère au créancier un droit réel

très fort sur le navire. A ce titre on peut mentionner qu'en raison de la forte

individualisation du navire, la saisie de ce dernier est soumise traditionnellement à

une procédure spécifique, plus proche de la saisie immobilière que de la saisie

mobilière.

L'objectif premier du navire est de naviguer et affronter les risques de la mer.

L'autonomie inhérente à la mobilité du navire s'apparente donc mal à toute idée

d'immobilisation. Le navire, destiné à affronter les risques de la mer ne peut se

satisfaire longtemps de la sécurité du port sans méconnaitre son objectif principal.

1 RODIERE et Du PONTAVICE, Emmanuel, Droit maritime, n°31, 12e édition, Dalloz, 1996 2 « Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées par des piliers, et ne faisant point partie de la maison, sont meubles : la saisie de quelques-uns de ces objets peut cependant, à cause de leur importance, être soumises à des formes particulières, ainsi qu’il sera expliqué dans le Code de la procédure civile ».

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Cette immobilisation du navire peut résulter d'une part, du mauvais temps,

empêchant le départ, du fait du prince, de conflits sociaux … et d'autre part, de

l'exercice du droit de gage général sur le patrimoine du débiteur, dont le navire fait

partie. Dans ce dernier cas, comme tout créancier, le créancier bénéficiaire d'un

privilège maritime a le droit de saisir le navire en tant que bien de son débiteur. Tant

que la créance n'est pas payée, le navire n'est pas susceptible de reprendre la mer. La

procédure de saisie conservatoire est une procédure dont l'objectif est de placer sous

main de la justice les biens du débiteur, afin que celui-ci n'en dispose pas ou ne les

fasse disparaître. Elle est pratiquée par les créanciers qui sont démunis du titre

exécutoire et leur permet donc d'éviter la disparition de leur gage. La rapidité est la

condition de l'efficacité de la saisie conservatoire.

Le droit de saisir le navire présente une double particularité.

D'un côté, il s'agit des situations où le créancier privilégié pourra saisir le navire alors

même que celui-ci n'est pas la propriété de son débiteur, ce dans le cas où le navire

est exploité par un affréteur ou armateur non propriétaire. D’autre part, le droit

maritime confère au créancier privilégié un véritable droit de suite, en lui donnant,

pendant un bref délai le droit de saisir le navire dans les mains de l'acquéreur.

Il convient de noter que le droit commun des voies d'exécution connaît deux grandes

catégories de saisies : les saisies conservatoires et les saisies exécution. Les

premières à proprement parler ne sont pas des voies d'exécution, mais plutôt des

moyens de contrainte. Seules les secondes sont véritablement des voies d'exécution

comme leur nom l'indique. En droit maritime, il existe ces deux types de saisies : en

anglais "arrest" et "attachement".

La saisie-exécution en droit maritime est très proche de celle du droit commun, en ce

que cette dernière a un seul objet – la vente forcée du navire et l'affectation de son

prix aux créanciers. En réalité, très peu de saisies conservatoires se terminent par une

saisie exécution. La saisie exécution est un acte grave puisqu'elle aboutit à

déposséder le propriétaire de son navire. Encore faut-il mentionner que la saisie

exécution n'est régie par aucune Convention internationale et seules les dispositions

du droit national – du lieu où la saisie a été effectuée, sont applicables.

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La saisie conservatoire, quant à elle, a pour but principal en droit commun de

protéger le droit de gage général du créancier, préparant la saisie-exécution du bien

auquel elle s'applique. En droit maritime, la saisie conservatoire est largement

ouverte aux créanciers de l'armateur. Elle peut aboutir à la vente judiciaire du navire

et à l'attribution du prix de vente au créancier saisissant. Le plus souvent, elle

représente un simple moyen de pression exercé par le créancier pour obtenir le

paiement des sommes qui lui sont dues. L'immobilisation qui résulte de la saisie est

très préjudiciable à l'armateur. Ce dernier est, en effet, privé des bénéfices

d'exploitation du navire alors que ses coûts continuent à courir, à hauteur de plusieurs

dizaines de milliers d'euros par jour. La saisie conservatoire est "un formidable

moyen de pression sur l'armateur débiteur puisqu'elle paralyse son outil

d'exploitation"3.

Aussi faut-il souligner la fréquence du recours à la saisie conservatoire du navire :

elle est notamment systématiquement pratiquée à la suite d'un abordage. Ce trait

traduit l'esprit même du droit maritime.

Afin de délimiter le régime applicable à la saisie, il convient de distinguer tout

d'abord cette dernière des autres immobilisations, qui sont des procédures

exceptionnelles et auxquelles s'appliquent des règles différentes.

A la différence des saisies classiques de navires, l'immobilisation forcée se conçoit

comme une mesure de puissance publique, prise dans le cadre des missions de

souveraineté et de police d'un Etat, face à un bâtiment qui constitue un danger pour la

sécurité de la navigation ou pour l'ordre public en mer et dans les ports4. L'Etat

agissant jure imperii prend, conformément au droit interne ou au droit international,

la décision d'immobiliser d'autorité le bâtiment, sans passer par les voies judiciaires.

Plusieurs textes nationaux et internationaux permettent le recours à cette mesure5. La

Convention de Montego Bay de 1982 précise que si l'Etat côtier prend toute mesure

dans l'exercice de ses droits souverains, y compris la saisie, pour assurer le respect de

3 VIALARD Antoine, Droit maritime, PUF, 1997, n°365, page 311 4 Rapport présenté par le professeur E. du Pontavice et P. Simon au Colloque de l'AFDM sur L'immobilisation forcée des navires, Bordeaux 1988, publié par PU Bordeaux, 1990 5 En cas d'infraction à la législation douanière, C. douanes, art. 322 bis, 323 et 324-I-a ; en cas de non-respect des ordres des officiers de port, ou pour les besoins de protection du domaine public portuaire, C. ports mar., livre III ; En matière de prévention de pollutions et de protection de l'environnement marin, L. n° 83-587, 5 juillet 1983, portant mise en œuvre du Mémorandum de Paris, et directive communautaire 95/21/CE du Conseil, 19 juin 1995, art. 9-2, et portant communautarisation de ce Mémorandum, Convention MARPOL 1978/1973, art. 2, convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer

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ses lois et règlements conformes à la Convention, il est tenu de procéder à une

"prompte mainlevée" de celle-ci pour le navire, et à la "prompte libération de

l'équipage" dès qu'une caution ou garantie suffisante a été versée (art. 73). Il s'agit

d'une immobilisation, mesure de puissance publique, qui se distingue de la saisie

judiciaire du navire.

Le premier texte qui fait référence explicitement à la saisie conservatoire est le Code

de commerce de 1808 qui interdisait de saisir le navire prêt à faire voile (art.215).

C'était une règle nouvelle, l'Ordonnance de 1681 ne connaissant que la règle suivant

laquelle "les intéressés du navire" pouvaient, moyennant une caution, faire lever la

saisie pratiquée sur une portion du navire lorsqu'il était prêt à faire voile (art.18 du

Titre IV du Livre I).

La loi du 10 Juillet 1885 avait modifié une grande partie de ces textes, même si elle

s'est inspirée également des règles de la saisie immobilière. La question qui s'est

posée était celle de savoir si ces dispositions englobaient également l'exercice de la

saisie conservatoire dans la mesure où le Code de commerce ne donnait aucune

précision. La pratique a apporté une réponse en se basant sur la nature mobilière du

navire et en appliquant l'ancien article 417 du Code de Procédure Civile. D'après cet

article, le Président du Tribunal de commerce peut permettre d'assigner et de saisir

les effets mobiliers.

Les anciens articles 48 et suivants du Code de Procédure civile, repris par la loi du 12

novembre 1955, ont comblé ultérieurement ce vide législatif en établ issant une

procédure générale de saisie conservatoire sur tous les meubles appartenant au

débiteur, y compris sur son navire.

Aujourd'hui, la saisie conservatoire du navire repose sur un droit dont se prévaut le

demandeur. Ce droit est une cause juridique particulière : "allégation d'un droit ou

d'une créance" selon la Convention de Bruxelles du 10 Mai 1952 sur l'unification de

certaines règles sur la saisie des navires de mer6 (art. 1 § 1) et créance paraissant

fondée en son principe en droit français (Loi du 9 Juillet 1991, article 67 ; Décret de

19677, art. 29 ; Article L5114-22 du Code des Transports).

6 Loi du n°55-1475 7 Décret n°67-967 du 27 octobre 1967, portant statut des navires et autres bâtiments de mer

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Le droit applicable en matière de saisie présente une double originalité. D'une part le

dualisme qui régit la matière de la saisie conservatoire du navire fait que deux

normes juridiques entrent en concurrence (le droit interne et le droit international)

lorsque le litige relatif à la saisie comporte un élément d'extranéité. D'autre part, au

niveau procédural, c'est une procédure unique qui s'applique à la saisie internationale

comme à la saisie de la loi de 1967, le législateur international renvoie aux lois

nationales.

Lorsque la saisie trouve son fondement dans le droit international, c'est la

Convention internationale pour l`unification de certaines règles sur la saisie

conservatoire des navires de mer faite à Bruxelles le 10 Mai 1952. Elle a été mise au

point par le Comite Maritime International dans le but d`uniformiser les législations

internationales en la matière8. La France a signé et ratifié cette Convention9,

l'application de celle-ci s'impose donc aux tribunaux français.

S'agissant du régime de droit interne applicable, les textes en vigueur sont

actuellement le Décret de 1967, précité ci-dessus, pris pour l'application de la loi du

3 janvier 196710 portant statut des navires et autres bâtiments de mer et le Code des

Transports (article L 5114-20 et suivants11). La cinquième partie du Code, intitulée

“Transports et Navigation Maritimes” traite du secteur maritime et contient des

dispositions relatives à la saisie conservatoire et la saisie exécution des navires.

Toutefois, il convient de noter que la loi de ratification du Code des Transports n'est

pas encore intervenue, et le texte du Code possède un caractère administratif. C'est la

loi du 3 janvier 1967 qui s'applique en droit français.

En droit commun, la règlementation des voies d'exécution a été bouleversée par la loi

du 9 juillet 199112 portant réforme des procédures civiles d'exécution et son décret

d'application n° 92-755 du 31 juillet 1992. Par rapport au caractère sommaire des

8 Berlingieri F., The ‘Travaux préparatoires’ of the 1910 Collision Convention and of the 1952 Arrest Convention, 234 : ‘At his meeting held in Antwerp on 19th November 1952 the International Sub-Committee appointed by the Bureau Permanent of the Comite Maritime International with the instructions to consider the possibility of insuring uniformity in the area of arrest of ships, requested Mr. Leopold Dor to prepare a draft of an international Convention on arrest of ships’). 9 Décret n°54-14, 4 janvier 1958 : J.O. 14 janvier 1958 10 Loi n°67-5 11 Crée par: Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. (V) ; Journal Officiel de la Republique Française du 3 novembre 2010 12 Loi n°91-650 : J.O. 14 juillet 1991

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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textes de droit maritime, l'incidence de ces textes sur les saisies des navires s'avère

problématique.

D'une part, il y a une thèse qui préconise que les nouvelles règles ont un caractère

général et s'appliquent donc aux saisies de navires13.

D'autre part, selon Monsieur Le Professeur Pierre Bonassies et Maître Scapel, une

telle thèse ne serait pas admise et les règles adoptées par la loi du 9 juillet 1991 ne

s'appliqueraient pas en matière maritime. En effet, le législateur énumère dans cette

loi avec précision la saisie de certains biens spécifiques, tels que les droits d'associés,

les valeurs mobilières et surtout les véhicules à moteur. Les navires n'y figurent pas.

En outre, la loi de 1991 n'a ni abrogé ni modifié les dispositions de l'article 70 de la

loi du 3 janvier 1967 énonçant que "la saisie des navires est régie par des dispositions

réglementaires particulières". Il faut donc conclure que seules s'appliquent en matière

de saisie des navires les dispositions de la loi du 3 janvier 1967 et celles du décret du

27 octobre 1967. Force est de constater que la jurisprudence tranche en ce sens14.

Toutefois, la Cour de Cassation15 s'est réservée le droit de compléter, si nécessaire,

les dispositions insuffisantes des textes de 1967, mais ce, sans poser un principe

général de complémentarité.

En matière internationale, comme il a déjà été précisé, c'est la Convention de

Bruxelles qui s'applique. Elle connaît un succès sur le plan international et obtient la

ratification de la majorité des Etats maritimes (Allemagne, Grèce, Egypte, Italie,

Espagne, Portugal, Grande Bretagne).

En effet, une nouvelle Convention internationale sur la saisie conservatoire des

navires, adoptée le 12 mars 1999 à Genève, est appelée à remplacer la Convention de

Bruxelles de 1952. Cependant, elle n'est pas encore entrée en vigueur et

n'interviendra pas avant plusieurs années. Cette nouvelle Convention n'innove pas en

nombreux points la Convention de 1952. On va aborder les principales différences

entre les deux textes internationaux au fur et à mesure du développement de cette

étude.

13 A. VIALARD, "Les Insaisissables : faut-il faire une croix sur la bannière étrangère?", DMF 1993 14 Dunkerque, 20 octobre 1993, DMF 1994 ; CA Rennes, 13 juillet 1993, JCP 1994, IV, p.5 15 Cass. 5 janvier 1999, navire Gure Maiden, DMF 1999

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Au jour d'aujourd'hui, c'est la Convention de Bruxelles de 1952 qui s'applique dans

tous les Etats signataires.

Mais, malgré son intérêt, ce texte n'est ni suffisant, ni exclusif : par nature, la

procédure relève de la loi du juge saisi (art. 4 et 6, al.2). Force est d'admettre que la

Convention de Bruxelles laisse parfois resurgir la compétence des législations

nationales, soit parce qu'aucun des intérêts concernés par la saisie ne relève d'un Etat

contractant, soit parce que l'un d'entre eux relève d'un Etat qui n'a pas ratifié la

Convention. Il s'est avéré nécessaire pour la France d'adopter un texte spécifique

régissant la saisie conservatoire des navires. Le décret de 1967, précité, édicte des

règles spécifiques à la saisie en droit français de telle sorte que les textes précités ne

s'appliquent plus aux navires que dans le silence des textes nouveaux.

Il faut remarquer que le régime et l'esprit de la Convention diffère à maints égards de

notre loi interne. Même si le principe de primauté de l'ordre international est affirmé,

les incidents de frontière entre la convention et la loi ne sont pas rares. C'est la raison

pour laquelle il convient de s'interroger sur le domaine d'application respectif des

textes internes et internationaux.

En réalité, la Convention s'applique d'une part, lorsque, dans un rapport de droit

international, le navire bat pavillon d'un Etat contractant, et d'autre part, elle est

applicable dans certains cas aux navires battant pavillon d'un Etat non contractant.

Cette extension résulte de l'article 8, §2, selon lequel "un navire battan t pavillon d'un

Etat non contractant peut être saisi dans l'un des Etats contractants, en vertu d'une des

créances énumérées à l'article 1er, ou de toute autre créance permettant la saisie

d'après la loi de cet Etat".

En outre, faut-il s'interroger également sur l'objet même de la saisie. D'un côté, il y a

la Convention de 1952, qui se contente de mentionner des "navires de mer", alors

que, de l'autre, le Décret de 1967 qui s'intéresse "aux navires et bâtiments de mer".

Par conséquent, on peut considérer que sont exclus ainsi du domaine d'application de

la saisie conservatoire les bateaux de rivière, soumis à une réglementation

particulière, et des engins flottants, soumis au droit commun. Ce qui est important,

c'est la qualification de navire. Á partir du moment où le navire devient une épave, le

régime juridique de la saisie serait celui du droit commun de la saisie conservatoire

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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des meubles puisque ce dernier ne serait plus qualifié d'immeuble. Il peut être ainsi

question "d'un navire de commerce, de pêche, de plaisance, de navigation sportive ou

scientifique"16.

Il est important d'évoquer que la saisie n'englobe ni la cargaison, ni les bagages des

passagers et de l'équipage; elle concerne au contraire tous les équipements et

appareils nécessaires à la navigation et à l'exploitation du navire.

Un autre compromis dans l'unification internationale des règles en matière de saisie

des navires devait être fait en ce qui concerne la créance maritime en vertu de

laquelle un navire peut être saisi.

A l'heure actuelle la plupart des navires sont contrôlés par des single ship companies

qui ne possèdent qu'un seul navire. Il reste cependant quelques armateurs qui ont

plusieurs navires à leur nom. Si ces navires battent pavillon d'un Etat qui n'est pas

partie à la Convention de 1952, il est possible de saisir le navire en application du

droit français. Ce dernier est basé sur le principe de la personnalité de la dette - le

créancier ne peut saisir un navire qui n'appartient pas à son débiteur ; quelles que

soient la nature de la créance et la qualité du bien saisi. La créance est gagée sur

l'ensemble du patrimoine du débiteur (il est fait exception quand le fournisseur a pu

croire légitimement que la commande lui était faite par le propriétaire du bâtiment17).

D'autre part, puisque le créancier peut saisir l'ensemble du patrimoine du débiteur, la

saisie est possible aussi bien sur le navire qui est à l'origine de la créance, que sur les

autres navires appartenant à son débiteur.

En ce sens, encore faut-il mentionner dès à présent que la Convention de 1952 est le

résultat d'un compromis entre deux conceptions radicalement opposées en matière de

saisie : celle du droit anglo-saxon et celle du droit continental. A cet égard,

l'unification de la saisie conservatoire s'est faite difficilement, à cause des

divergences existantes entre les droit français et le droit anglais. Nous verrons que la

Convention de 1952 subordonne la saisie à des conditions moins strictes que le

décret de 1967 avant sa modification par le décret de 1971, mais plus strictes (sur la

notion de "créance maritime") que le décret de 1971 précité.

16 Du PONTAVICE (Emmanuel), Le statut des navires, n°304, Litec, 1976 17 Ch. Com., 22 février 1983, DMF 1984.332

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En effet, il a été nécessaire d'articuler le droit international avec la loi française.

Même si le principe de primauté de l'ordre international est affirmé, les incidents de

frontière entre la Convention et la loi ne sont pas rares.

La Convention permet de saisir un navire à titre conservatoire afin d'obtenir garantie

d'une créance maritime "se rapportant" au navire. Elle confère ainsi une action

contre le navire, une action in rem, institution fondamentale du droit anglo-

saxon. Le droit français, ignorant la théorie du patrimoine d'affectation, ne permet

pas d'exercer un droit contre une chose mais seulement contre une personne (action

in personam).

La législation britannique diffère de celle du droit français en ce que sous l'empire de

cette dernière, un navire ne peut être saisi qu'en vertu d'une créance maritime, et

aucun navire, autre que celui auquel la créance se rapporte, ne peut être saisi en vertu

de cette créance, même s'il appartient au même propriétaire. Les pays de Common

Law sont marqués par l'action in rem. Cette théorie permet au titulaire d'"un

maritime lien", notion proche de celle de privilège, de "faire valoir ses droits

directement sur le navire, sans se préoccuper de la personne de son propriétaire"18.

Le navire auquel la créance se rapporte est personnellement responsable de la dette.

Il s'agit alors de créer un patrimoine d'affectation en démarquant le navire du reste du

patrimoine du débiteur au bénéfice des seuls créanciers maritimes ayant un lien avec

ce dernier. Cette théorie va à l'encontre de l'unité et la conception personnaliste du

patrimoine19, principe ancré dans le droit français. La Convention de Bruxelles n'est

cependant pas exclusivement inspirée par les principes du droit anglais puisqu'elle

fait également référence à la notion d'action in personam.

Nous verrons que les conditions d'octroi de la faculté donnée au titulaire d'une

créance maritime de saisir à titre conservatoire le navire auquel la créance se rapporte

sont très libérales car la seule "allégation" de créance maritime à l'encontre du

navire permet d'obtenir du juge des saisies une décision tendant à la saisie

conservatoire du navire. Cependant, une fois qu'il a fait procéder à la saisie

conservatoire, la Convention impose au titulaire de la créance maritime d'engager

une procédure "au fond" devant un juge qui statuera selon la lex fori, loi du for

18 REMOND-GOUILLOUD Martine, Droit maritime, n° 257, 2e édition, Pedone, 1993 19 NAVARRE-LAROCHE Cécile, La saisie conservatoire des navires en droit français, Editions MOREUX

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ayant autorisé la saisie. Cependant, les règles de Bruxelles de 1952 ne précisent pas

les moyens que doit soulever le créancier saisissant.

On est amené à se poser la question si le saisissant doit demander aux juges du fond

de se prononcer sur le bien fondé de la saisie conservatoire au regard de la seule

Convention de Bruxelles et ainsi de bien vouloir confirmer la décision du juge de la

saisie ou au contraire, s’il doit se référer à la loi du for afin d'établir que la saisie

conservatoire était bien justifiée?

La dualité du régime de la saisie conservatoire impose une étude comparative du

régime français et international. Ce dualisme du système juridique suscite une

attention particulière puisqu'en matière de saisie conservatoire des navires, deux

normes entrent en concurrence – ce qui fait du régime juridique de la saisie un

régime original.

D'une part, il y a la Convention de Bruxelles de 1952 et, d'autre part, le droit interne

de chaque Etat signataire de la Convention. Dans la présente étude, nous

présenterons la problématique de la délimitation du champ d'application respectif de

chaque norme afin d'envisager leurs conditions de mise en œuvre selon le fondement

invoqué par le créancier saisissant.

Selon le fondement de la saisie (la loi de 1967 ou la Convention de 1952) les

conditions d'exercice de cette dernière diffèrent. En ce sens, il convient de se

demander quel est le droit applicable à la saisie d'un navire ainsi que quelles sont les

conditions préalables afin que le créancier puisse saisir le navire de son débiteur. Le

mémoire va traiter également de la problématique des effets de la saisie sur le plan

procédural et entre les parties.

Il convient d`invoquer successivement les conditions d'exercice de la saisie

conservatoire selon qu'elle se fonde sur la loi de 1967 ou sur la Convention de 1952

(PARTIE I) ainsi que les moyens mis à la disposition du créancier d'agir contre le

débiteur insolvable (PARTIE II).

Page 16: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

17

PARTIE I

LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES : UNE VOIE

D'EXECUTION CONDITIONNEE

Afin de pouvoir saisir un navire, il convient en amont de s'intéresser au droit

permettant l'exercice d'une telle procédure. Les conditions d'exercice de la saisie

conservatoire doivent être analysées d'une part par rapport à l'Etat du pavillon

(Chapitre I) et d'autre part, quant à la nature de la créance et le navire saisissabl e

(Chapitre II).

CHAPITRE I : CONDITIONS TENANT A L'ETAT DU PAVILLON

Le pavillon du navire est l'élément déterminant de l'application de la Convention de

Bruxelles. La subdivision entre navires battant pavillon d'un Etat contractant et

navires ne battant pas pavillon d'un Etat contractant est une distinction propre à la

Convention de 1952.

Par conséquent, il s'agit d'invoquer les conditions d'exercice de la saisie

conservatoire, qui diffèrent selon qu'il s'agisse d'un navire battant pavillon d'Etat

ayant ratifié la Convention de 1952 (§I) ou d’un navire qui ne bat pas pavillon d'un

tel Etat (§II).

§ I Le navire battant pavillon d'un Etat contractant

La Convention de 1952 s'applique exclusivement à la saisie des navires battant

pavillon d'un Etat contractant (A). Cependant, le principe d’application exclusive de

la Convention aux navires battant pavillon d’un des Etats signataires n’est pas absolu

puisque cette dernière prévoit des dérogations (B).

A. Le principe : application de la Convention de 1952

Tous les navires battant pavillon d'un Etat contractant de la Convention de 1952 sont

soumis à l'application de cette dernière, et ce, en vertu du principe de primauté du

droit international sur la loi interne (1). En outre, la Convention représente un

Page 17: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

18

instrument d'unification primordial en matière de saisie conservatoire entre les

législations nationales des Etats (2).

1. Affirmation de la primauté du droit international sur le droit

interne

Le dualisme qui régit la matière de la saisie conservatoire du navire suscite des

interrogations quant à l'application du droit applicable lorsque le litige relatif à la

saisie comporte un élément d'extranéité.

D'une part, l’article 55 de la Constitution française reconnaît la primauté du traité

international sur le droit interne en cas de conflit des deux normes juridiques. D'autre

part, l'article 8-1 de la Convention de 1952 énonce que les dispositions de la

Convention sont applicables dans tous les ports d'un Etat contractant, à tout navire

battant pavillon d'un Etat contractant. Dès lors, la Convention s'applique

impérativement lorsque les conditions sont remplies.

La jurisprudence20 affirme clairement le principe de la primauté du droit international

sur le droit interne : "la loi du 3 janvier 1967, modifiée par le décret du 27 octobre

1967, régit la matière de la saisie conservatoire en droit interne, mais l'autorité de la

convention internationale étant supérieure à celle de la loi interne, les dispositions

particulières du décret ne peuvent être valablement invoquées lorsque la convention

est applicable".

Il s'ensuit qu'un navire battant pavillon d'un Etat contractant ne peut être saisi que sur

le seul fondement de la Convention de 1952. La Convention s'applique

exclusivement à la saisie en France d'un navire battant pavillon d'un Etat contractant.

Ainsi, un navire grec ne peut être saisi en France que sur le fondement de la

Convention de 1952, la Grèce ayant adhéré à la Convention. Encore faut -il souligner

que les armateurs grecs se trouvent protégés par la Convention du fait que celle-ci

restreint le droit de saisir le navire aux seuls créanciers titulaires d'une "créance

maritime".

20 C.A. Rouen, 15 Avril 1982, Navire GME-Atlantico, DMF 1982, p.744

Page 18: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

19

2. La Convention de 1952 – instrument d'uniformisation de

l'exercice de la saisie conservatoire

Par son application automatique dans les Etats signataires, la Convention permet par

conséquent de soumettre le créancier aux mêmes règles dans chaque Etat signataire

et d'uniformiser l'exercice de la saisie comme moyen de pression de la part du

créancier en offrant les mêmes droits et obligations à tout créancier saisissant.

Apres avoir envisagé le principe de l'application exclusive de la Convention de 1952,

il convient de mentionner les cas d'exclusion prévus par le texte même de la

Convention.

B. Les limites prévues par les articles 2 et 8 de la Convention

La Convention de Bruxelles prévoit dans les articles 8 (1) et 2 (2) des cas d'exclusion

de son application. Il s'agit d'envisager les hypothèses dans lesquelles la Convention

ne s'applique pas même si le navire bat pavillon d'un Etat contractant.

1. L’article 8 de la Convention

D'une part, la Convention de Bruxelles abandonne à la loi interne de l'Etat

contractant la saisie d'un navire battant pavillon de cet Etat par une personne

résidant, ou ayant son principal établissement dans cet Etat (art.8-4°) : la loi française

est donc seule compétente pour connaître des saisies pratiquées par des résidents

français sur un navire français. Il ressort de cet article, trois éléments à prendre en

considération :

- le lieu de la saisie ;

- la nationalité du navire ;

- et la résidence ou le principal établissement du créancier saisissant.

Si les trois éléments appartiennent au même Etat contractant, c'est la loi de cet Etat

qui va s'appliquer. Un élément d'extranéité est requis pour que la Convention trouve

à s'appliquer.

D'autre part, l’article 8-3 de la Convention prévoit que "chaque Etat contractant peut

refuser tout ou partie des avantages de la Convention à tout Etat non contractant et à

Page 19: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

20

toute personne qui n'a pas, au jour de la saisie, sa résidence habituelle ou son

principal établissement dans un Etat contractant". D'une part, ce texte peut être

interprété de manière restrictive – si un navire battant pavillon d'un Etat contractant

est saisi dans un Etat contractant, la Convention pourrait être appliquée (art.8-1),

mais si le requérant n'a pas sa résidence habituelle ou son principal établissement

dans un Etat contractant, tout ou partie des avantages de la Convention pourrait lui

être refusé. D'autre part, si une interprétation large s'impose, la Convention ne pourra

pas s'appliquer. Selon le Doyen Rodière21 "entre deux interprétations de la

convention internationale, l'une conduisant à réduire son domaine d'application,

l'autre conduisant à lui donner toute son ampleur, il faut systématiquement choisir

l'interprétation la plus large".

Encore faut-il préciser que, selon article 8-5, même si le créancier ne peut pas se

prévaloir d'une résidence habituelle ou d'un établissement principal dans un Etat

contractant, il ne peut se voir refuser l'application de la convention par l'effet d'"une

subrogation, d'une cession ou autrement", lorsque le cédant ou le subrogeant a sa

résidence habituelle ou son principal établissement dans un Etat contractant.

2. L'article 2 de la Convention

Le droit interne à chaque Etat trouve à s’appliquer lorsqu’il existe des impératifs de

sécurité et d’ordre public. Selon l’article 2 de la Convention, "rien dans les

dispositions de la présente Convention ne pourra être considéré comme une

extension ou une restriction des droits et pouvoirs que les Etats, Autorités publiques

ou Autorités portuaires tiennent de leur loi interne ou de leurs règlements, de saisir,

détenir ou autrement empêcher un navire de prendre la mer dans leur ressort".

L’application de principe de la Convention est donc limitée par le respect des règles

de sécurité et d’ordre public propres à chaque Etat contractant où est pratiquée la

saisie. Les autorités publiques ou portuaires peuvent saisir un navire, même si aucune

créance maritime ne peut être invoquée, s'il y a violation des impératifs de santé ou

des règles de sécurité de la navigation, d'une non-conformité avec les règles et

règlements relatifs à la pollution ou encore s'il y a contrebande (Art. 324 (1) (a), 326,

378 et 414 du Code des Douanes).

21 RODIERE, Traité général de droit maritime, Introduction, n°5 et 30 et s. DALLOZ, 1976

Page 20: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

21

Le problème posé par la saisie d'un navire battant pavillon d'un Etat non contractant

est plus complexe et mérite notre attention.

§II Le navire ne battant pas pavillon d'un Etat contractant :

application de l`article 8-2 de la Convention

L'article 8-2 de la Convention énonce qu'un navire ne battant pas pavillon d'un Etat

contractant peut être saisi dans un Etat contractant soit en vertu de l'une des créances

énumérées à l'article 1er de son texte (créances maritimes), soit en vertu de toute autre

créance permettant la saisie d'après la loi de cet Etat. Ainsi, pour un tel navire , une

saisie conservatoire peut néanmoins être faite en France, si la créance paraît fondée

en son principe. Cet article donne lieu à différentes interprétations de la doctrine (A),

ainsi que de la jurisprudence de la Cour de Cassation (B).

A. Une divergence doctrinale quant à la portée de l’article 8-2

Force est d'admettre que de l'interprétation de cet article découle l'étendue du

domaine d'application de la Convention aux navires ne battant pas pavillon d'un Etat

contractant.

La doctrine est partagée entre deux théories.

D'une part, certains auteurs22 soutiennent la thèse selon laquelle un choix entre la

Convention et la loi du for peut être effectué, ce qui restreint considérablement le

domaine d'application de la Convention. Ils considèrent que selon l’article 8-2, le

créancier saisissant qui souhaite saisir un navire battant pavillon d'un Etat non

contractant dans l'un des Etats contractants, dispose d'un choix :

- soit il se fonde sur la Convention et invoque une créance maritime parmi

celles énumérées à l'article 1er ;

- soit il décide de saisir le navire en invoquant "toute autre créance

permettant la saisie d'après la loi de cet Etat", en se fondant sur la loi de

l'Etat visé.

D'autre part, il y a la théorie selon laquelle la Convention s'applique de manière

générale aux navires battant pavillon d'un Etat non contractant – le créancier pourrait 22 RIPERT Georges, Conférence de CMI à Naples, Bull. n°105 ; Patrick PESTEL-DEBORD et Philippe GARO, La saisie conservatoire de navires, Pratic Export, 1994, p.7 ; VIALARD Antoine, Droit maritime, n°366, PUF, 1997

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

22

se prévaloir de la Convention de 1952 en se fondant sur une créance permise d'après

la loi interne de cet Etat. Selon cette deuxième interprétation, le domaine

d'application de la Convention se trouve élargi.

Maître Christian Scapel et Monsieur le Professeur Pierre Bonassies23 se sont

prononcés sur ce sujet et soutiennent la théorie selon laquelle la Convention

s'applique de manière générale à la saisie d'un navire d'un Etat non contractant, avec

référence complémentaire et partielle aux causes de saisie de la loi du for. En effet,

selon eux, si la thèse opposée est retenue, et la saisie d'un navire d'un Etat non

contractant est soumise à la loi du for, il existe le risque de favoriser les navires des

Etats non contractants – surtout les navires affrétés, saisissables sous le régime de la

Convention mais qui ne le sont pas sous de nombreux régimes nationaux. Les

rédacteurs de la Convention n'ont pas voulu, lors de la rédaction, conférer cet

avantage aux navires des Etats non contractants24.

Les divergences doctrinales ont laissé des traces au sein même de la jurisprudence

concernant l'interprétation de l'article 8-2.

B. Une jurisprudence incertaine

La Cour de Cassation s'est prononcée à plusieurs reprises à propos de l'interprétation

de l'article 8-2. Le débat doctrinal s'est produit au sein même de la Cour de Cassation

où deux interprétations ont été envisageables : la thèse du rejet d'application de la

Convention25 et la théorie selon laquelle la Convention s'applique26.

Elle a jugé tout d'abord que pour un navire ne battant pas pavillon d'un Etat

contractant, une saisie conservatoire peut néanmoins être faite en France, si la

créance paraît fondée en son principe27. Ainsi, la Cour a rejeté le pourvoi contre un

arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 22 mai 1997 en statuant que :"Un

armement dont le navire venait d'être saisi garantissant la vente d'un autre navire. Il

était donc débiteur de l'obligation de garantir l'acquéreur contre les défauts de

conformité du navire vendu. Le navire saisi battant pavillon de la Colombie, Etat non

23 Pierre BONASSIES, Christian SCAPEL, Traité de Droit Maritime, 2e édition p.409 24 Pierre BONASSIES, Le droit positif français en 1997, DMF 1998, Hors série n°2, p.46, n°62 ; F. Berlingieri, Arrest of ships, 3éd., 2000 25 Cass Com, 28 octobre 1999, navire Mediterranea, DMF 2000, p. 709 26 Cass Com, 30 octobre 2000, navire Sargasso, DMF 2000, p.1012 27 C. Cass., 26 octobre 1999, DMF 1997. 692, obs. Delebecque

Page 22: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

23

partie à la Convention de Bruxelles, pouvait donc être saisi en France par application

de l'article 8-2".

Après avoir déterminé le droit applicable, on serait amené à se demander quelles sont

les conditions à remplir pour qu'une saisie conservatoire puisse être effectuée.

CHAPITRE II : LES CONDITIONS TENANT A LA NATURE DE LA

CREANCE ET LE NAVIRE

L’objet de la saisie doit être considéré en fonction de la créance qui la fonde (§1)

ainsi qu’en fonction de la saisissabilité du navire (§2).

§I LES CARACTERES DE LA CREANCE AUTORISANT LA

SAISIE

Les caractères propres de la créance et les circonstances dans lesquelles celle-ci peut

être invoquée à l’appui d’une demande de saisie conservatoire diffèrent selon qu’il

s’agisse du droit interne ou du droit international.

Voie d'exécution, la saisie conservatoire du navire repose sur un droit dont se prévaut

le demandeur. Ce droit est une cause juridique particulière : "allégation d'un droit ou

d'une créance" selon la Convention de Bruxelles (art.1er § 1) et "une créance

paraissant fondée en son principe" en droit français (Loi du 9 juillet 1991, art.67 ;

Décret du 27 octobre 1967, art. 29 ; L 5114-22 du Code des Transports).

Il convient d’envisager, d’une part, les conditions posées quant à la nature de la

créance par la Convention de 1952 (A) afin de s’intéresser aux critères exigés par la

loi française (B).

A. Une créance « maritime » requise par la Convention de 1952

Lorsque la saisie trouve son fondement dans la Convention de 1952, le créancier doit

se prévaloir d'une créance maritime figurant dans la liste de l'article 1 er de cette

dernière (1). Celle-ci présente un caractère unilatéral (2).

1. Liste exhaustive de l`article 1 de la Convention

Page 23: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

24

Force est d’admettre que les conditions d’exercice de la saisie de la Convention de

1952 sont à la fois plus restrictives et plus larges que celles de la loi de 1967. Le

texte de la Convention limite la saisie aux seules « créances maritimes ». En ce sens,

la Convention s’avère plus restrictive que la loi française, puisque cette dernière,

comme nous le verrons, ouvre le droit à la saisie conservatoire à toute créance, peu

importe sa nature, à condition qu'elle soit fondée dans son principe.

a. La nécessité d'une créance de nature "maritime"

La Convention de 1952 réserve la faculté de saisir un navire à des créances ayant un

caractère « maritime », sans démontrer nécessairement l'urgence28. L'"allégation de

créance maritime", critère suffisant et unique, permet au créancier de saisir le navire

de son débiteur sur le fondement de la Convention du 10 mai 1952. Ainsi, la Cour de

Rouen a décidé que "l'allégation d'une créance maritime suffit à elle seule à autoriser

la saisie du navire auquel la créance se rapporte."29, et ceci, peu importe que cette

créance soit "partiellement maritime"30.

Selon l’article 1er de la Convention, la notion de "créance maritime" signifie

l'allégation d'une créance ou d'un droit qui a une des causes énumérées de la lettre a)

à la lettre q). En effet, la Convention donne une énumération exhaustive et limitative

de ce qui doit être considéré comme rentrant dans la catégorie de créances

maritimes : les créances nées d’un abordage, de dommages corporels provenant de

l’exploitation d’un navire, d'avaries communes, de contrats d`affrètement, de

transport et c.

La règle est affirmée par article 2 qui prévoit : “un navire battant pavillon de l’un des

Etats contractants ne pourra être saisi dans le ressort d’un Etat contractant qu’en

vertu d`une créance maritime, le texte anglais ajoute “but in respect of no other

claim” – ce qui renforce la règle. Une chose est sûre : il suffit que la créance figure

sur la liste, le juge n’a pas a vérifier après que la créance est certaine et sérieuse31.

28 Cass, 1ere Civ., 18 novembre 1986, navire Atlantic Triton 29 CA Rouen, 12 juin 1992, 2e ch. Civile, navire Roman et navire Maïpo, DMF 1993, p.752 30 Cass Com, 3 février 1998, navire Vendredi 13 ; T.Com. Marseille, ord. Réf., 4 juin 2003, navire Peljasper 31 Com. 26 mai 1987, DMF 87, 645

Page 24: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

25

Il est intéressant de noter que des débats se sont manifestés lors des travaux

préparatoires de la Convention de 195232 quant à la détermination de la nature de la

créance autorisant la saisie. Les deux conceptions Anglo-Saxonne et Continentale

s'affrontaient, à savoir : selon la loi britannique, une créance "maritime" était requise

afin d'effectuer la saisie, alors que les législations de la plupart des pays continentaux

autorisaient cette dernière peu importe la nature de la créance, maritime ou non

maritime. Un compromis a été adopté – la saisie est autorisée par la Convention en

vertu d'un certain nombre de "créances maritimes" énumérées par l’article 1er, et en

même temps, conformément à la conception continentale, elle peut être effectuée sur

un navire autre que celui auquel la créance se rapporte et qui appartient au même

débiteur.

b. L'interprétation restrictive de l'article 1er de la Convention par la

jurisprudence française

La liste des créances énumérées dans l'article 1er de la Convention est d’interprétation

stricte. La jurisprudence française a confirmé le caractère restrictif de l'interprétation.

En effet, des décisions ont expressément statué en ce sens – à savoir qu'il convient

d'appliquer restrictivement l'article 1er de la Convention de Bruxelles et d'exclure les

créances qui ne figureraient pas dans cet article. Dans cette lignée jurisprudentielle

s'inscrit la décision de la Cour d'Appel d'Aix en Provence33 où les juges ont retenu

que : "La convention doit être interprétée restrictivement, en ce qui concerne la

nature des créances susceptibles d'être considérées comme maritimes, l'affectation

des biens d'une société au paiement d'une créance ne saurait être assimilée à une

hypothèque … Si le législateur a entendu limiter dans un but de clarté et

d'application internationale, les cas où une créance devaient être considérée comme

maritime, il n'appartient pas au juge national lorsqu'il interprète une telle Convention,

d'étendre ces cas prévus".

Aussi longue que soit l'énumération des créances de l'article 1er, elle ne couvre pas la

totalité des créances nées de l'exploitation du navire. Ainsi, se trouvent exclues les

créances trouvant leur justification dans le non paiement des primes d'assurances34,

32 BERLINGIERI Francesco, Arrest of ships, p.48, Lloyd's of London Press, 1992 33 CA Aix-en-Provence, 26 octobre 2001 34 Trib. Com. Le Havre, 4 mars 1984, DMF 81, 740

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

26

les créances résultant d'un contrat de crédit-bail35, les créances de location d'une

flotte de conteneurs à l'armement propriétaire des navires saisis36, les créances de

prêt pour effectuer des réparations sur un navire37, les créances nées de la vente d’un

bâtiment autre que celui faisant l’objet de la saisie38 et de manière générale les

créances non maritimes39.

A titre d'exemple où les juges interprètent restrictivement la notion de créance

maritime, on peut citer la décision de la Cour d'Appel d'Aix en Provence40 rétractant

une ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Saint-Tropez. Dans cette

affaire, une épouse en instance de divorce obtient la confirmation de la saisie

conservatoire du navire de plaisance battant pavillon belge et dont son mari est le

propriétaire, et ce, en garantie d'une importante créance de pension alimentaire d'un

montant de 763.000 euros. Pour la Cour d'Aix, une créance de pension alimentaire de

divorce n'est pas une créance maritime au sens de l'article 1er de la Convention et la

saisie est levée.

En revanche, la jurisprudence réaffirme que sont des créances maritimes, les

créances salariales du capitaine, des officiers et de l'équipage, et que celles-ci

comprennent non seulement les salaires proprement dits, mais encore les primes et

les indemnités de rupture de contrats41.

Il convient de mentionner que la Cour de Cassation a rendu une décision

d'interprétation extensive de la notion de créance maritime42 : les débours du

capitaine et ceux effectués par un consignataire pour le compte d'un navire ont le

caractère d'une créance maritime, dès lors que l'armateur est autorisé à saisir un

navire appartenant au consignataire, pour obtenir le remboursement d'un solde du

compte d'escale.

Concrètement, sont considérées comme bénéficiant d’une créance maritime deux

catégories de créanciers. La première comprend les créanciers titulaires d’un droit

35 CA Aix-en-Provence, 2e ch. Civ., 20 avril 1990 36 CA Aix-en-Provence, 2e Ch. Com, 30 Octobre 2002, navires Tablat et Tlemcen, DMF janvier 2003 37 CA Aix-en-Provence, 14 novembre 1996, navire Zamoura, DMF juin 1997 38 Rouen 15 avril 1982, DMF 82, 744 39 Rouen 9 fevrier 1984, DMF 85.156 40 CA Aix-en-Provence, 14 janvier 2005 41 CA Aix-en-Provence, 18e ch., 13 avril 2004 ; Conseil de Prud'hommes Cannes, 13 mai 2004 42 Cass. Com., 10 mai 1989

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

27

réel sur le navire en cause (créances concernant la propriété ou la copropriété du

navire saisi, ainsi que toute hypothèque maritime ou mortgage43).

La seconde catégorie de créanciers autorise à saisir conservatoirement un navire, ce

sont ceux dont le titre est né de l’exploitation ou de l’usage du navire.

En tout état de cause, la créance est toujours liée au navire saisi, elle en est

l'accessoire en ce sens qu'elle est soit incorporée au navire, soit produite par lui, soit

affectée à son service.

2. Le caractère unilatéral de la notion de « créance maritime »

La créance maritime présente un caractère unilatéral. Dans un contrat d’affrètement,

la créance que l’affréteur a contre l’armateur, pesant d’abord sur le navire, est une

créance maritime qui donne a l`affréteur le droit de saisir le navire dudit armateur.

Selon Monsieur le Professeur Pierre Bonassies et Monsieur Scapel, la créance de

l’armateur contre l’affréteur n’est pas une créance privilégiée – l’armateur dans ce

cas ne peut saisir un navire « tiers » qui appartient à son débiteur.

En conclusion, il est intéressant de noter que la nouvelle Convention de 1999

n'innove pas en la matière, puisqu'elle reprend le même système de liste a priori

limitative dans son article 1er. Comme le texte de 1952, elle s’avère protectrice de la

liberté du commerce maritime, en limitant le droit d`exercer une saisie conservatoire

aux seuls créanciers titulaires d`une créance maritime, « à l’exclusion de toute autre

créance » (art.2, al.2). Cependant, elle crée, en plus des créances mentionnées, de

nouvelles catégories de "créances maritimes". Cette notion se trouve élargie puisque

la Convention crée de nouvelles catégories de créances, essentiellement inspirées par

de préoccupations environnementales (art.1er § 1c ; art.1er § 1d). A titre d`exemple,

on peut citer la créance pour assistance, qui s’étend a la créance pour indemnité

spéciale, en cas d’assistance à un pétrolier, tandis que la nature de créance maritime

des créances de salaire s’entend aux créances de cotisations d’assurance sociale. Il

faut noter que ces solutions avaient été déjà adoptées par certains tribunaux

nationaux, dont les juges français, comme nous le verrons par la suite (B).

43 Aix-en-Provence, 12 juin 2008, navire Ocean Breeze, DMF 2009.150

Page 27: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

28

B. « Une créance paraissant fondée dans son principe », exigée par la loi

française

Plus large que le texte international, la loi française permet la saisie pour toute espèce

de créance, et alors même qu'elle tiendrait à une activité non maritime du propriétaire

du navire. La seule exigence que pose la loi française est que la créance paraisse

justifiée dans son principe. Les juges se livrent à un examen au cas par cas afin de

déterminer le sérieux de la créance (1).

En outre, le créancier n'a pas à démontrer l'urgence de la créance (2).

1. « Créance paraissant fondée en son principe » : une notion difficile à

cerner

La notion de "créance paraissant fondée dans son principe" est difficile à préciser. Il

appartient aux tribunaux de déterminer au cas par cas si les droits du créancier

paraissent avoir un fondement suffisant.

Quand la saisie conservatoire générale a été introduite, la loi du 12 décembre 1955 a

spécifié que le juge l'autoriserait si le créancier justifiait "d'une créance paraissant

fondée en son principe"44.

Toutefois, la position prise en 1955 s'est révélée insuffisamment protectrice des

droits d'armement. Un navire étant un instrument de travail valant très cher, les

auteurs de la loi du 3 janvier 1967 ont considéré que la notion de "créance fondée en

son principe" était trop vague et pouvait autoriser des saisies abusives. L’article 29

du décret du 27 octobre 1967 exigeait du créancier qu'il démontre "une créance

certaine". Cette règle a été assouplie par un décret du 24 février 1971. Selon le

nouveau texte de la loi de 1967, la saisie conservatoire est ouverte à tout créancier

justifiant "d'une créance paraissant fondée dans son principe".

Par conséquent, les juges doivent procéder à une appréciation souveraine et un

examen de la créance afin de s'assurer qu'elle est sérieuse et que le principe en est

certain45.

44 Article 48 du Code de procédure civile ancien ; Article 29 du Décret du 27 Octobre 1967 45 Trib. Com. Cannes 8 Juillet 1983 ; Rouen 1er Juillet 1985

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

29

Dans la pratique, il apparaît que les tribunaux accordent assez largement le droit

d'exercer une saisie conservatoire46 si la créance leur parait assez sérieuse. Ainsi, la

Cour d'Appel d'Aix-en-Provence47 a jugé que la créance d'un chantier impayé par un

armateur pour des réparations réalisées sur le navire est une créance paraissant

fondée en son principe.

En revanche, la pratique jurisprudentielle révèle des cas où les juges ont refusé cette

qualification48 et notamment lorsque la créance leur apparaissait "douteuse et

insuffisamment fondée en son principe"49.

2. La certitude : l'urgence de la créance n'est pas requise

A la différence de mesures conservatoires de droit commun, aucune condition

d'urgence ou de risque de non-recouvrement de la créance n'est requise pour

l'exercice d'une saisie conservatoire de navire. Le droit commun exige en effet que le

créancier démontre des "circonstances susceptibles de menacer le recouvrement" de

la créance (art. 67 de la loi du 9 juillet 1991).

En revanche, pour la créance paraissant "fondée en son principe" aucune condition

d'urgence ou de risque de non-recouvrement de la créance n'est requise pour

l'exercice d'une saisie conservatoire50.

La preuve de la créance n'est pas suffisante. Le créancier, qui démontre une créance

maritime ou une créance "paraissant fondée en son principe" peut toutefois être

confronté au caractère insaisissable du navire. Ainsi faut-il s'intéresser aux navires

saisissables.

§ II CONDITIONS TENANT AU NAVIRE SAISISSABLE

Pour qu'un navire puisse faire l'objet d'une saisie conservatoire, il faut qu’il soit

saisissable.

Il faut observer que certains navires ne peuvent être saisis car ils bénéficient de

l'insaisissabilité – véritable privilège d'exécution.

46 Rouen, 25 mai 1973, Scapel 1973, 45 ; DMF 1974, 84 47 CA Aix-en-Provence, 28 novembre 1985, Navire Shangri-La, DMF 1986, p.94 48 Trib. Com. Rouen, 11 janvier 1991, Navire Noblesse, DMF 1992.58 49 CA Rennes, 30 Juillet 1975, Navire Pointe du Minou, DMF 1976, p.223 50 Cass. 18 nov. 1985, DMF 1987.696

Page 29: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

30

Dans un premier temps, nous évoquerons les navires susceptibles de faire l'objet

d'une saisie (A) afin d'examiner dans un deuxième temps les navires qui ne sont pas

susceptibles d'être saisis ainsi que le principe d'insaisissabilité des navires dépendant

directement d'un Etat (B).

A. Les navires susceptibles de faire objet d'une saisie

Traditionnellement, en droit français, le législateur a voulu faciliter la liberté de

navigation. Par conséquent, les navires prêts à faire voile ne pouvaient faire l'objet

d'une saisie puisque leur immobilisation entraînait des pertes financières. L’article

215 du Code de Commerce interdisait la saisie des navires prêts à faire voile.

Cette règle a été écartée expressément par la Convention de 1952. Elle ne figure pas

non plus dans la loi de 1967. Désormais, la saisie des navires prêts à faire voile tend

à devenir la règle. Toutefois, étant donné l'importance des préjudices occasionnés par

cette saisie, le juge se livre à un contrôle en tenant compte de la valeur des intérêts en

jeu51. Dans cette affaire, les juges de la Cour d'Appel d'Aix en Provence ont estimé

que la saisie pratiquée sciemment et sans nécessité un vendredi en fin de matinée, sur

un navire en partance et en charge de ses passagers et véhicules, dépassait la fin

légitime d'une saisie conservatoire et exerçait une pression quasi intolérable sur le

débiteur.

B. Les navires insaisissables

Selon l’article 15 de la loi du 9 juillet 1991 "les saisies peuvent porter sur tous les

biens appartenant au débiteur alors même qu'ils seraient détenus par des tiers". La

saisie du navire ne tient pas compte en principe de son affectation au commerce, à la

pêche, à la plaisance…Tous les navires sont saisissables dans les mêmes conditions.

Cependant, ce principe souffre d’exceptions.

Il convient alors d'envisager, d'une part, l'insaisissabilité de principe des navires

instruments de travail (1) afin d'invoquer l'insaisissabilité des navires dépendant de

l'Etat (2).

51 CA Aix-en-Provence, 10 mars 1987, DMF 1988

Page 30: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

31

a. Exclusion de la saisie des navires instruments de travail :

insaisissabilité de principe

La loi52 protège efficacement les navires instruments de travail par une

insaisissabilité de principe, pour autant que sont réunies deux conditions : l'exercice

d'une activité professionnelle (le travail) et l'utilisation du navire allégué (l'instrument

nécessaire et indispensable à l'exercice de cette activité)53. Le principe a été appliqué

par les tribunaux aux navires de pêche54.

Ce principe subit des dérogations selon l’article 592-1, reprises par l’article 14-4 de

la loi du 9 juillet 1991. D'après cet article, les navires sont susceptibles d'être saisis

s'"ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille

habituellement" et s'"ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur

importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère

luxueux". Cependant, il faut noter que cette circonstance reste sans effet si le navire

est l'unique instrument de travail de l'artisan que la loi protège (Montpellier, 19 oct.

1978, navire Phoebus, précité).

b. Exclusion de la saisie des navires bénéficiant d'une immunité

Conformément aux exigences de la Convention de Bruxelles du 10 avril 1926 sur

l'immunité des navires d'Etat55, les navires d'Etat affectés exclusivement à une

activité gouvernementale et non commerciale ne sont pas saisissables, en vertu des

immunités de juridiction et d'exécution qu'on doit leur reconnaître. L'immunité

d'exécution interdit la saisie d'un navire appartenant audit Etat alors que l'immunité

de juridiction interdit d'obtenir sa condamnation par un juge français, si celle-ci est

ordonnée en France.

L'immunité d'exécution protège les navires, tant militaires que civils, appartenant à

l'Etat et aux personnes morales de droit public : collectivités territoriales,

établissements publics, hôpitaux publics, universités et instituts scientifiques. Afin de

bénéficier de l'immunité il faut que le navire soit en rapport avec l'Etat. Les règles du 52 Article 592 de l'ancien Code de procédure Civile, modifié par le décret du 24 Mars 1977, repris par l'article 39 du décret du 31 juillet 1992 53 Trib. Com. Marseille, 16 nov. 1990, DMF 1992, p.129 54 Montpellier, 19 oct. 1978, navire Phoebus, DMF 1979.336 55 Conv. Bruxelles, 10 avril 1926, sur l'immunité des navires d'Etat, entrée en vigueur le 8 janvier 1937 et ratifiée par la France le 27 juillet 1955

Page 31: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

32

droit international public trouvent à s'appliquer. Cette immunité est écartée "quand le

bien saisi a été affecté à l'activité économique et commerciale relevant du droit privé

qui donne lieu à la demande en justice"56. Ainsi, les navires d'Etat affectés à une

activité commerciale sont assimilés entièrement aux navires de commerce ordinaires

et ne bénéficient pas des immunités57.

L'immunité de juridiction, quant à elle, ne se trouve dans aucune convention

internationale. En ce sens, la jurisprudence a dû développer les critères permettant la

mise en œuvre d'une telle immunité.

Encore faut-il mentionner qu'il existe la possibilité pour les parties à un contrat

maritime de prévoir par avance qu'elles n'auront pas recours à la saisie

conservatoire58, que ce soit par une clause compromissoire ou indépendamment d'une

telle clause.

Une fois les conditions d'exercice d'une saisie conservatoire en droit français et en

droit international déterminées, il convient de s'intéresser à l'intérêt même que

présente la saisie d'un navire et les moyens mis à la disposition du créancier pour

obtenir rapidement le paiement de son dû.

PARTIE II

LA SAISIE CONSERVATOIRE DU NAVIRE : MOYEN DE

PRESSION EFFICACE CONTRE LE DEBITEUR

La saisie conservatoire constitue avant tout un moyen de pression efficace dont

dispose le créancier à l'encontre de son débiteur insolvable (Chapitre I). Elle

représente aussi un moyen d'immobiliser le navire rapidement dès que ce dernier

entre dans un port (Chapitre II).

56 Cass. 14 mars 1984 57 V. D. Guyot "Les immunités des navires d'Etat : les thèses en présence" DMF 1987 58 Cass 18 novembre 1986, DMF 1987.696

Page 32: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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CHAPITRE I : LES MOYENS DU CREANCIER D'AGIR CONTRE LE

DEBITEUR INSOLVABLE

L’obligation est un lien entre deux personnes, et un créancier ne peut saisir que les

biens qui appartiennent à son débiteur59. L’affréteur n’étant pas le propriétaire du

navire qu’il exploite, ses créanciers ne peuvent par conséquent le saisir. Selon le

Doyen Rodière « C’est bien entendu le navire du débiteur seul qu’on peut saisir …

l’affrètement d’un navire n’en fait pas la propriété de l’affréteur. Les créanciers de

l’affréteur n’ont donc aucun titre à le saisir »60.

La Convention de 1952 déroge a cette règle en permettant de saisir le navire pour les

dettes d’un autre que le propriétaire. Force est d’admettre que le droit français est un

droit « personnaliste »61 puisqu’il privilégie la relation entre le créancier et son

débiteur. De l’autre côté, la Convention de 1952 est « réaliste » puisqu’elle crée un

lien direct entre le créancier et la chose indépendamment du propriétaire. Nous allons

traiter successivement l'action in personam lorsque le navire est la propriété du

débiteur du navire saisi (§ I) et l'action in rem dans les cas où le débiteur n'est pas le

propriétaire du navire en question ( §II ).

§I ACTION IN PERSONAM : "LE NAVIRE DEBITEUR" (LE

NAVIRE : PROPRIETE DU DEBITEUR)

Le créancier qui fonde sa saisie sur la loi de 1967 peut saisir tout navire appartenant

à son débiteur. La règle découle des principes généraux du droit commun, lesquels

font de chacun des éléments du patrimoine du débiteur le gage de ses créanciers

(article 2093 du Code Civil). Toutefois, il faut mentionner que des cas

problématiques apparaissent lorsqu'il s'agit d'une saisie d'un navire autre que celui

ayant fait l'objet de la créance ou lorsqu'il est difficile de déterminer si le navire

appartient au même débiteur.

Nous allons envisager d'une part la possibilité accordée par le droit français de saisir

les navires auxquels se rapporte la créance maritime (A) puis évoquer les cas de

saisie des navires autres que ceux auxquels la créance se rapporte (B).

59 Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, article 74 ; Cass. 1ere Ch Civ, 18 novembre 1997 60 R.Rodiere, Le navire, Paris, Dalloz, 1980, n° 189 et 200. 61 LOOTGIETER Sébastien, La saisie d`un navire affrété, DMF 716 Juillet-Aout 2010

Page 33: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

34

A. La saisie d'un navire auquel se rapporte la créance

La question qui se pose est celle de savoir quand un requérant invoque une créance

présentant toutes les caractéristiques pour exercer une saisie, pourra-t-il saisir tout

navire de son débiteur? Deux hypothèses sont envisageables, selon qu’il s’agisse de

la loi française qui fonde la saisie ou de la Convention de 1952.

Si le créancier fonde la saisie sur la loi du 3 janvier 1967, il pourra alors saisir tout

navire appartenant à son débiteur (article 2093 C. Civil). En revanche, s'il appuie sa

demande sur la Convention de 1952, l’article 3 de ladite Convention62 prévoit qu'il

devra saisir "le navire auquel la créance se rapporte". Cette notion de "navire auquel

la créance se rapporte" a dû être précisée par la jurisprudence63. En l'espèce, un

armateur créancier de son consignataire a voulu saisir le navire affrété en 1995 par ce

dernier, alors que les sommes en question concernaient les relations d'affaires en

1994. Sa demande a été rejetée.

En second lieu, il résulte des dispositions de l'article 3, al. 3 de la Convention que le

créancier ne pourra saisir qu'un seul navire. Toutefois, ce principe n'a pas un

caractère absolu. L'interdiction faite à un créancier de saisir plus d'un navire ne joue

pas pour les saisies effectuées dans un Etat qui n'est pas partie à la Convention64. De

même, la Convention autorise le créancier à saisir non seulement le navire "auquel la

créance se rapporte", mais aussi "tout autre navire appartenant[…] au […]

propriétaire du navire auquel la créance se rapporte" : c'est-à-dire les "sister-ships"65

– un navire autre que celui générateur de la créance née de son exploitation, à

condition qu'il soit la propriété du débiteur. Il s'agit de la constitution de compagnies

d'armement dotées d'un seul navire.

Ainsi d'une manière indirecte, la Convention aboutit aux mêmes résultats que la loi

française : le créancier peut saisir tout navire appartenant à son débiteur.

Toutefois, il a paru injuste que ceux qui contrôlent la gestion d'un ensemble de

navires ne soient pas poursuivis sur l'un ou l'autre de ceux-ci sous prétexte qu'ils ont

62 Art.3 de la Convention : "Tout demandeur peut saisir soit le navire auquel la créance se rapporte, soit tout autre navire appartenant à celui qui était au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel une créance se rapporte." 63 CA Rouen, 24 mai 1995, Navire Saint-Pierre 64 Ajaccio, 19 octobre 1999, Navire Islandbreeze 65 "Sister ship" signifie "deuxième navire identique au premier"

Page 34: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

35

constitué des sociétés indépendantes. La doctrine et la jurisprudence ont établi une

théorie dite de "navires apparentés".

Ce qui nous amène à étudier la problématique de la saisie d'un navire autre que celui

auquel la créance se rapporte et la théorie des navires apparentés.

B. La saisie d'un navire autre que celui auquel la créance se rapporte –

les navires apparentés

Une fois admis le principe que le créancier maritime peut saisir tout navire

appartenant à son débiteur, le problème qui s'est posé était de savoir si, le débiteur

étant une société A, il n'était pas possible de saisir un navire appartenant à une

société A', étant donné que les deux sociétés A et A' avaient les mêmes actionnaires,

voire un seul et même actionnaire, ces sociétés constituant des "single ship

corporations" et les navires apparaissent comme des navires apparentés : appartenant

à des sociétés qui forment ensemble un groupe économique mais qui ont une

personnalité morale distincte l'une de l'autre.

1. L'élaboration de la "théorie de la communauté d'intérêts" par la

jurisprudence

La question qui se pose est de savoir quand est-ce que deux navires peuvent être

considérés comme ayant le même propriétaire?

Selon la Convention de 1952, les "navires seront réputés avoir le même propriétaire

lorsque toutes les parts de propriété appartiendront à une même ou aux mêmes

personnes" (art.3, al.2). Cette règle implique qu'une saisie conservatoire sur un navire

autre que celui auquel se rapporte la créance, ne peut être effectuée que si le débiteur

de la créance en est le propriétaire direct. En effet, il faut mentionner qu'il s'agit de

parts de propriété dans le navire et non pas d'actions dans la société qui est le

propriétaire du navire. Il ne suffit donc pas, pour que l'autre navire puisse être saisi,

que le débiteur soit actionnaire d'une société, qui à son tour est propriétaire d'un autre

navire, tout comme il ne suffit pas non plus que les sociétés concernées aient les

mêmes actionnaires. Cela explique le fait que beaucoup d'armateurs ont constitué,

pour chaque navire de leur flotte, une société différente et qu'ils ont ainsi créé une

structure de groupe dans laquelle chaque navire appartient à une "single ship

Page 35: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

36

company" différente et où les sociétés-propriétaires affrètent leurs navires ou les

confèrent en gestion à d'autres sociétés du même groupe. Cette structure leur permet,

d'une part, de minimiser les impôts sur les revenus, mais aussi d'éviter qu'un navire

puisse être saisi pour les dettes d'un autre navire de leur flotte.

Les juges sont allés très loin dans l'application du texte de l'article 3 par. 2 de la

Convention puisqu'ils ont considéré qu'il devrait s'appliquer, d'une part, non

seulement aux armements constitués en copropriété, mais aussi aux armements

constitués en sociétés par actions et, d'autre part, alors même que le capital d'une

société A n'appartenait pas en totalité au détenteur du capital d'une société B, les

créanciers de la société A pouvaient saisir un navire de la société B dès qu'il existait

entre les deux sociétés une communauté d'intérêts, manifestée par une même adresse,

les mêmes références bancaires, administrateurs communs ou un autre indice.

La CA de Rennes66 utilise cette notion pour la première fois dans une affaire où les

créanciers de la société à laquelle appartenait le navire Brave Thémis ont effectué

une saisie conservatoire sur le navire Brave Mother, appartenant à une autre société.

Les juges n'ont pas autorisé la saisie même s'il s'agissait d'un petit nombre d'actions

de ces sociétés qui étaient la propriété de tiers, en concluant que les deux navires se

présentaient comme ayant été "la propriété de sociétés dont le patrimoine se trouve

uni, à travers les membres d'une même famille, par une communauté d'intérêts".

Dans le pourvoi, l'armateur du Brave Mother a reproché au juge d'appel d'avoir violé

les dispositions de l'article 3 de la Convention de 1952, lequel exige que toutes les

parts de propriété des navires en cause appartiennent à une même personne pour

autoriser la saisie d'un autre navire auquel la créance se rapporte. Donc, rejet du

moyen67. Selon les juges de fond, le simple fait que les deux sociétés se trouvent unis

"à travers les membres d'une même famille par une communauté d'intérêts" suffit à

justifier la saisie du navire appartenant à l'une d'elles par les créanciers de l'autre.

Certains arrêts sont allés encore plus loin, considérant que la simple apparence d'une

communauté d'intérêts existant entre deux sociétés justifiait la saisie d'un navire

appartenant à l'une d'elles par les créanciers de l'autre68.

66 CA Rennes, 21 juin 1989 67 Cour de Cassation, 12 février 1991 68 CA Rouen, 28 novembre 1991, navire Yumuri

Page 36: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

37

A la suite du développement de la théorie de la communauté d'intérêts les créanciers

du monde entier ont voulu saisir en France, ce qui a donné lieu à un excès de saisies

de navires en France. Les tribunaux ont été amenés à durcir les critères.

La Cour de Cassation a mis un coup d'arrêt au principe de la communauté d'intérêts

et la saisie des navires apparentés dans les arrêts Osiris69, Alexander III70 et Cast

Husky71 dans lesquels elle rappelait le principe d'autonomie du patrimoine et

imposait aux créanciers saisissants de rapporter la preuve de la fictivité des sociétés

X et Y, ce qui est extrêmement difficile à démontrer en pratique. La simple preuve de

la "communauté d'intérêts" ne suffit plus. La Cour exige désormais une volonté réelle

de fraude pour établir la fictivité72.

2. La nécessité de démontrer la fictivité

La notion de « fictivité » permet de dépasser le stade des apparences pour apprécier

la réalité des liens existants entre les différentes sociétés. La société fictive "est le

produit d'une simulation, c'est-à-dire de la création, à l'intention des tiers, d'une

apparence (l'existence d'un contrat de société) non conforme à l'intention réelle des

parties, auxquelles la volonté de se mettre en société, et plus précisément l'affectio

societatis, font défaut"73. Souvent, ces sociétés sont créées dans le but de faire échec

au principe de l'unité de patrimoine et constituent donc une fraude à la loi. Il faut

noter que la notion de fictivité ne figure pas dans les textes régissant la saisie. Lors

de la rédaction de la nouvelle Convention de Genève de 1999 la question s'est posée

de savoir s'il ne fallait pas donner un contenu précis de cette notion. Finalement le

texte ne contient aucune définition de la notion.

La Cour de Cassation approuve régulièrement, depuis un arrêt du 15 octobre 199174,

le recours à la notion de société fictive. Le créancier ne peut pas obtenir la saisie sans

avoir démontré la réalité du lien de propriété existant entre les navires en cause, c'est-

à-dire entre le navire objet de la saisie et le navire auquel la créance se rapporte.

Alors on est amené à se demander quels sont les critères qui permettent de

caractériser cette fictivité? 69 Cour de Cassation, 15 novembre 1994 70 Cour de Cassation, 19 mars 1996 71 Cass Com, 15 nov. 1994, DMF 1995 ; Cass Com. 19 mars 1996 ; Cass Com. 21 janvier 1997 72 J-S. Rohart, "La saisie des navires apparentés – Suite et fin?", DMF 1994 73 Rouast-Bertier (Pascale), Société fictive et simulation, Rev. Soc. 1993 74 Com. 15 octobre 1991, navire Ore Stream, DMF 1992

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

38

A titre d'exemple, on peut citer l'arrêt Alexander III où les juges du fond ont conclu, à

partir de certains indices (siège commun, gestionnaire commun) que deux armements

dissimulaient la même entité économique. Pour la Cour de Cassation, une telle

motivation était impropre à caractériser la fictivité de la société propriétaire du

navire, comme à établir que celle-ci ne disposait pas d'un patrimoine propre, distinct

de celui de la société débitrice.

Dans une autre affaire, la Cour a jugé que le fait pour les sociétés propriétaires des

navires saisis d'être une filiale à 100% du vendeur ou affréteur coque nue de ses

navires et de ne pas justifier de la réalité du paiement de leur prix sont des motifs

impropres à caractériser leur fictivité et à établir qu'elles ne disposent pas d'un

patrimoine propre qui est distinct de celui de l'affréteur coque nue75

Aujourd'hui, la nécessité de démontrer la fictivité des sociétés rend quasiment

impossible la saisie d'un navire sur le fondement de la communauté d'intérêts. On

observe cependant quelques rares cas où le juge relève que les deux sociétés en cause

"étaient dans une dépendance financière telle qu'elles n'ont qu'un seul patrimoine et

forment une seule entité"76.

Après avoir envisagé l'action dont dispose le créancier contre le débiteur, propriétaire

du navire, il convient de s'intéresser au cas où le navire n'est pas la propriété du

débiteur.

§ II L'ACTION IN REM : LES NAVIRES DU "DEBITEUR"

En droit commun, seuls les biens appartenant au débiteur peuvent être saisis, même

par une saisie conservatoire, parce qu'un créancier n'a pour gage que le patrimoine de

son débiteur.

En droit maritime, lorsqu'un navire est exploité par un armateur ou gérant non

propriétaire, les créanciers qui ont subi le dommage du fait de l'exploitation du

navire, ou qui ont porté assistance, bénéficient d'un privilège leur permettant

d'exercer sur le navire une saisie.

Il s'agit de savoir si le créancier peut saisir un navire qui n'appartient pas au débiteur

de l'obligation, situation très fréquente en raison de la dissociation de la propriété et 75 Cass Com, 15 oct 2002, navires Taganroga et Razna 76 Cour de Rouen, 14 septembre 2000

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

39

de l'exploitation du navire. Le droit français et le droit international di ffèrent sur ce

point.

Le premier est gouverné par la conception personnaliste du patrimoine, le second

accepte le

principe d'une obligation de nature particulière, l'obligation in rem.

L'action in rem est l'action directement exercée sur une chose. Cette conception vise

le navire "débiteur" saisi de la dette d'un exploitant non propriétaire tel qu'un

affréteur. Ce navire est toujours saisissable sous réserve du droit de suite et de la

restriction tenant à la possibilité de l'exécution. En effet, l`action in rem se concentre

plus sur le navire auquel se rapporte la créance et non sur le lien de propriété existant

entre le navire et le débiteur.

Cette action vise souvent une tierce personne, soit parce que la créance est née sous

le chef de l’armateur, mais il n`est pas l’exploitant au moment de la saisie, soit parce

que le navire a été vendu au moment de la naissance de la créance. Nous étudierons

successivement le cas de la saisie d'un navire affrété (A) et celui du navire vendu (B).

A. LA SAISIE D'UN NAVIRE AFFRETE

Comme tout créancier, le créancier bénéficiaire d'un privilège maritime a le droit de

saisir le navire en tant que bien de son débiteur.

Toutefois, on est amené à se poser la question qu'en est-il de la saisie par le créancier

privilégié du navire qui n'est pas la propriété de son débiteur, dans le cas où le navire

est exploité par un affréteur ou un armateur non propriétaire.

La saisie du navire affrété dans ce cas diffère selon le fondement sur lequel elle sera

opérée : celui de la Convention de 1952 ou celui de la loi française de 1967.

Il est intéressant de mentionner qu'en ce domaine la plupart des systèmes juridiques

qui n'accordent la saisie qu'aux créances nées de l'exploitation d'un navire tendent à

en admettre la saisie même si ce navire est entré dans les mains d'un tiers. Il y a alors

la liaison entre la notion de "créance maritime" et celle de "maritime lien". C'est ce

qu'admet le droit anglais qui, en cas de location coque nue, admet les créanciers

Page 39: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

40

ayant un maritime lien sur le navire, à le saisir entre les mains du fréteur qui en a

pourtant récupéré la possession77.

Le droit allemand conduit à la même solution avec sa théorie des créanciers du

navire, encore qu'il ne soit pas explicite78. On trouve une solution approchante dans

les systèmes qui ont plus ou moins imité la Convention de 1952 et qui, réduisant le

nombre des saisissants possibles, resserrent le lien entre la créance maritime et le

navire plus qu'avec le débiteur : ainsi, en Suède (art.275), en Grèce (art. 106, al.2), en

Belgique (loi du 4 décembre 1961, art.3 modifiant l'art.1er de la loi de 1908)79.

Le droit français connaît une règle semblable quand il autorise le créancier

hypothécaire et, dans une moindre mesure, le créancier privilégié à exercer un droit

de suite. On comprend dans ce sens la solution italienne qui envisage le cas de la

saisie entreprise par les créanciers de l'armateur non propriétaire nantis d'un privilège

maritime (art.670). La même solution a été adoptée par une Cour égyptienne

autorisant la saisie pour une créance maritime d'un navire affrété à temps par un autre

que le débiteur, lequel avait à l'époque où la créance du saisissant était née, affrété le

navire avec démise80.

Sur le plan interne français, aucune disposition ne se prononce, directement ou

indirectement, sur la possibilité pour un créancier de saisir un navire qui n'appartient

pas à son débiteur (1). Au niveau international, le créancier qui fonde son action sur

la Convention de 1952, se trouve favorisé par rapport à celui qui invoque la loi

française puisque cette dernière autorise la saisie des navires pour dettes de l'affréteur

dans son article 3-4 (2).

1. Le navire affrété et le droit français

a) L'impossibilité de saisir un navire affrété n'appartenant pas au

débiteur du créancier selon la loi française

Le texte de la loi de 1967 ne comporte aucune disposition sur la possibilité pour un

créancier de saisir un navire qui n'appartient pas à son débiteur. En principe, l'action

77 The Lemington (1879) 2 Asp. M.C. 78 § 510, al.2 et 754 H. G. B. 79 1ere instance de Tribunal d'Anvers, 4 mai 1976, Droit européen des transports, 1977, 113 80 Appel Mansourah, 15 mars 1969, D.M.F., 1971, 741. L'affaire relevait de la Convention de 1952 que l'Egypte a ratifiée.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

41

du créancier saisissant se limite aux seuls navires appartenant à son débiteur. Cela

résulte du principe de l'unité du patrimoine en droit français : le créancier fondant la

saisie sur la loi de 1967 peut saisir tout navire appartenant à son débiteur puisqu'il n'a

pour gage que le patrimoine de ce dernier. La théorie de l'unité du patrimoine

s'oppose à la théorie du patrimoine d'affectation. L'action in rem du droit anglais n'est

pas admise en droit français.

L’article 2092 du Code Civil énonce que "quiconque s'est engagé personnellement,

est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers

présents et à venir". Il s'ensuit que le créancier peut saisir tout bien de son débiteur en

garantie de sa dette.

De même, selon le Doyen Rodière l'affrètement d'un navire n'entraîne pas le transfert

de propriété vers l'affréteur, ses créanciers "n'ont donc aucun titre à le saisir".

Cependant, la jurisprudence française a comblé le silence de la loi française et a

apporté des nuances au principe de l'unité du patrimoine et l'impossibilité de saisir

des navires affrétés pour dette de l'affréteur.

b) La saisissabilité du navire affrété pour dette de l'affréteur admise par

la jurisprudence

La jurisprudence justifie fréquemment la saisie du navire pour dette de l'affréteur par

la notion de privilège. Le privilège est une exception à l'égalité du principe des

créanciers. Les juges utilisent la notion de créance privilégiée afin de permettre la

saisie des navires affrétés. Les créances privilégiées passent avant les autres droits

sur le navire, sans qu'il soit nécessaire de les faire enregistrer.

A titre d'exemple, on peut citer l'affaire sur la saisie du navire Saudi-Jamal81, la Cour

d'Appel de Douai s'est basée sur l’article 30 du décret du 27 octobre 1967 et a admis

que le créancier d'un affréteur pouvait saisir conservatoirement le navire affrété à

condition qu'il bénéficie d'un privilège maritime sur le navire affrété. D'après

Monsieur Scapel et Monsieur Bonassies, il n'y a pas de raison d'étendre cette

possibilité aux créanciers non privilégiés puisque c'est l'existence du privilège qui

fonde le droit à la saisie du créancier privilégié.

81 Cour d'Appel de Douai, 31 janvier 1985, Navire Saudi-Jamal

Page 41: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

42

L'affaire sur la saisie du navire Spartan82 où la Cour d'Appel a invoqué les privilèges

sur le navire, est un exemple significatif de ce raisonnement. Dans cette affaire, la

question qui s'est posée aux juges était celle de savoir si la saisie conservatoire d'un

navire pour les dettes contractées par un affréteur à temps de ce navire était possible.

Les juges ont jugé que "les titulaires de créances provenant de contrats passés pour

les besoins de la continuation du voyage ont le droit d'exercer leur privilège légal sur

le navire, sans avoir à rechercher quel est le véritable propriétaire". En l'occurrence,

l'existence du privilège n'a pas été démontrée. A contrario, la saisie conservatoire

aurait pu être valablement opérée si la preuve d'un privilège avait été apportée.

La thèse opposée a été défendue par la CA d'Aix-en-Provence83 où les juges aixois

ont estimé que la possession d'une créance assortie d'un privilège maritime permet de

procéder à la saisie-exécution d'un navire, alors que le propriétaire n'en est pas

personnellement le débiteur. Toutefois, selon les juges "elle n'ouvre pas le droit de

saisir conservatoirement le navire qui n'appartient pas au débiteur, dès lors que la

saisie conservatoire n'est pas un préalable obligatoire ou indispensable à la saisie-

exécution et que l'action in rem reconnue en droit américain n'existe pas en droit

français de la saisie conservatoire".

Maître Scapel et Monsieur Le Professeur Pierre Bonassies critiquent fortement cette

décision en ce que l'analyse de la Cour d'Aix "méconnaît l'originalité fondamentale

du système des privilèges maritimes" qui consiste dans le fait de faire peser sur le

navire l'obligation de payer les dettes nées de l'exploitation de celui-ci84. Rejeter

l'autorisation de saisir conservatoirement le navire aboutirait à enlever "toute

signification concrète" à l'institution des privilèges maritimes et à refuser au

créancier privilégié le moyen concret de procéder à la saisie exécutoire.

Le régime de la saisie du navire affrété en droit international diffère sur plusieurs

points de celui en droit interne.

2. Le navire affrété et le droit international

a. Article 3-4 de la Convention de 1952

82 Cour d'Appel de Pau, 6 décembre 1984, Navire Spartan 83 CA d'Aix-en-Provence 10 janvier 1986, navire Namrata 84 BONASSIES Pierre, SCAPEL Christian, "Traité de droit maritime", page 422, n°607

Page 42: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

43

La question de la saisie des navires pour dettes de l'affréteur est régie par l'article 3-4

de la Convention de 1952. Selon cet article "Dans le cas d'un affrètement d'un navire

avec remise de la gestion nautique, lorsque l'affréteur répond, seul, d'une créance

maritime relative à ce navire, le demandeur peut saisir ce navire ou tel autre

appartenant à l'affréteur, en observant les disposit ions de la présente Convention,

mais nul autre navire appartenant au propriétaire ne peut être saisi en vertu de cette

créance maritime". Le deuxième alinéa énonce que "l'alinéa qui précède s'applique

également à tous les cas où une personne autre que le propriétaire est tenue d'une

créance maritime".

Tout d'abord, nous allons nous intéresser à la notion d'"affrètement avec remise de la

gestion nautique". Elle vise essentiellement les navires faisant l'objet d'un contrat

d'affrètement coque-nue ou d'un contrat de gérance. La question qui se pose

incontestablement est celle de savoir si une saisie pourrait être opérée seulement sur

les navires ayant fait l'objet d'un contrat d'affrètement coque-nue ou bien, tous les

navires faisant l'objet d'un affrètement sont concernés.

L’Association Française du droit maritime a estime le 3 février 1966, lors des

discussions portant sur la reforme du statut du navire, que dans le cas ou il ne s`agit

pas d’un simple time-charter, mais d’un affrètement avec remise de la gestion

nautique à l`affréteur « with demise of the ship », le navire peut faire l’objet d’une

saisie conservatoire pour dettes de l’affréteur. Selon l’Association, tout autre navire

appartenant au même affréteur peut également être saisi pour sureté de cette créance.

La doctrine est partagée.

Notons que selon les auteurs Du Pontavice85 et Rodière86, l’article 3-4 de la

Convention de 1952 vise seulement le cas de l'affrètement à temps « time-charter

with demise of the ship » (affrètement avec remise de la gestion nautique a

l`affréteur) - a fortiori, l'affrètement coque nue. Les mêmes auteurs considèrent que

l'affrètement à temps sans remise de la gestion nautique à l'affréteur n'autoriserait pas

85 Le Statut des navires, p.352, n°352 86 10e édition du précis : "en cas d'affrètement avec remise de la gestion technique à l'affréteur, les créanciers dont le droit est né du chef de cette gérance pourront saisir le navire" (Rodière, du Pontavice, Droit maritime, 10e édition Paris, Dalloz, 1986, n° 178)

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

44

la saisie du navire. Le Professeur Du Pontavice appuie son raisonnement sur une

décision de la Cour d'Appel de Mansourah, Egypte87 qui a statué dans ce sens.

Plus précisément, dans cette affaire la Cour d`Appel égyptienne avait à appliquer la

Convention internationale de 1952. Puisque celle-ci permet de saisir le navire, pour

dettes de l’affréteur à temps, lorsqu’il y a en outre remise de la gestion nautique à

celui-ci (Time-charterer with demise of the ship), a contrario, a-t-elle estimé,

l’affrètement à temps non accompagné de remise de la gestion nautique n’autorise

pas à saisir le navire pour dettes de l’affréteur. Cette solution avait été adoptée par le

Tribunal de Première Instance de Port-Saïd le 25 mai 1966 dans un jugement

confirmé par la décision précitée de la Cour de Mansourah.

Une décision de la Cour d'Appel de Rouen88 a adopté le même raisonnement. Les

juges du fond ont jugé que l'article 3-4 de la Convention ne pouvait fonder la saisie

par le fréteur, d'un navire appartenant à l'affréteur à temps, dès lors que cette

disposition ne trouve à s'appliquer que dans le cas d'un affrètement avec remise de la

gestion nautique, c'est-à-dire affrètement coque nue.

Pourtant cette interprétation est directement contraire aux termes de la Convention.

Quand l’article 3 prévoit que le demandeur peut saisir le navire auquel la créance se

rapporte, il ne précise pas la qualité du débiteur. Ce dernier peut être le propriétaire

mais également l'affréteur, coque nue ou non. En outre, il y a l'alinéa 2 aux termes

duquel : "L'alinéa qui précède s'applique également à tous les cas où une personne

autre que le propriétaire est tenue d'une créance maritime".

La plupart des auteurs, dont Monsieur Vialard89, Maître Scapel et Monsieur le

Professeur Pierre Bonassies90 considèrent que le deuxième alinéa de l'article 3-4° de

la Convention englobe tous les cas d'affrètement à temps, de location de navire, de

gérance, et plus généralement tous les cas où c'est un autre que le propriétaire qui

exploite le navire. Dans ce sens, on peut citer un arrêt du Tribunal de Commerce de

Marseille91 quand il a statué sur la saisie du navire Peljasper par un créancier de

l'affréteur à temps et il a rejeté l'argument du propriétaire qui demandait la mainlevée

87 CA Mansourah (Egypte), Chambre de Port-Saïd, le 15 Mars 1969 88 CA Rouen, 3 décembre 1992, Luctor, JCP 1993, IV 89 Antoine VIALARD, La saisie conservatoire du navire pour dettes de l'affréteur à temps, DMF 1985 90 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Traité de Droit Maritime, 2e édition 91 Trib. Com. Marseille, 4 juin 2003, Peljasper ; St Denis de la Réunion, 29 septembre 1989

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

45

en soutenant que le navire affrété ne pouvait être saisi que pour les dettes de

l'affréteur coque-nue.

Encore faut-il envisager le moment de la saisie opérée.

b. La saisie postérieure à l'affrètement

En principe, le créancier peut saisir le navire affrété pendant la durée du contrat

d'affrètement. Tant que l'affrètement est en cours, il n'y a pas de difficulté. La

solution doit-elle être la même quand la saisie porte sur les dettes d'un ancien

affréteur?

La saisie dans ce cas s'avère problématique à la fin du contrat puisque le navire a été

déjà re-délivré à son propriétaire. Le navire affrété peut-il être saisi par un créancier

de l'affréteur après la fin de l'affrètement?

La jurisprudence tranche dans les deux sens opposés, à savoir d'une part, les juges

ont admis la saisie après la fin de l'affrètement du navire et d'autre part, ils ont jugé

l'impossibilité de saisir après la période du contrat d'affrètement.

Plusieurs Cours d'appel ont estimé que l'article 3 – 4 ne limitait pas la possibilité de

saisir le navire affrété à la seule période de l'affrètement 92 et ils ont étendu la

possibilité de saisir le navire en question "après la redélivrance du navire à la fin de

l'affrètement à temps et qu'elle peut être pratiquée par le créancier soit du

propriétaire, soit de l'affréteur, soit d'un quelconque débiteur".

Dans le même sens, le tribunal de commerce de Nantes93 a autorisé la saisie du

navire pour créance du réparateur à l'encontre de l'affréteur, alors que le navire était

redélivré à son propriétaire. La Cour de Cassation a eu à statuer pour la première fois

sur cette question à l'occasion de la saisie du navire Trident Beauty en confirmant

l'analyse du juge des référés.

Cette décision a repris un raisonnement dégagé quelques années plus tôt par la Cour

dans un arrêt Eal Saphir à propos de la saisie par le manutentionnaire du navire

auquel la créance se rapportait pour les dettes d'un ancien propriétaire94.

92 CA Rouen, 19 juin 1984, Atlantic Mariner ; CA Rouen, 16 novembre 1995 (3 arrêts) 93 Trib. Com. Nantes, 3 septembre 1991, Navire Trident-Beauty 94 Cass Com 31 mars 1992

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

46

Cette jurisprudence aboutissait à la création d'une véritable action in rem, action qui

n'est pas propice au droit français. Par conséquent, une partie de la doctrine

s'opposait à cette conception.

Dans le sens opposé, l'exemple illustratif est l'arrêt rendu par la CA de Montpellier 95.

Les juges constatent en effet que l'article 3 "ne fait aucune distinction relative à la

période pendant laquelle la saisie est possible, et se limite à viser le cas d'affrètement

sans autre précision". Toutefois, selon les juges, afin de savoir si la saisie du navire

affrété est possible après l'expiration du contrat d'affrètement, il faut rechercher le

sens et la portée véritable de ce texte. Par conséquent, la Cour d'Appel déduit que " la

saisie pour une dette de l'affréteur afférente au navire affrété est liée non pas au

navire lui-même, mais au débiteur". Dès lors, la saisie du navire affrété, après la fin

d'affrètement n'est plus possible.

Comme on a déjà mentionné, Monsieur le Professeur Pierre Bonassies et Maître

Scapel estiment que le fondement même du droit de la saisie conservatoire se trouve

dans le privilège du créancier sur le navire. Selon ces deux auteurs, le privilège

"survit" à la fin de l'affrètement dans la limite du délai de préemption de 6 mois ou

d'un an96. Une saisie-exécution reste possible tant que ce délai n'est pas expiré. Ainsi,

la saisie conservatoire est-elle aussi concernée par cette mesure.

Il convient de noter que la nouvelle Convention internationale du 12 mars 1999

apporte d'utiles éclairages et précisions sur l'ensemble de cette matière. Elle prévoit

dans son article 3 § 1-e la possibilité de saisir tout navire s'"il s'agit d'une créance sur

le propriétaire, l'affréteur en dévolution, l'armateur gérant ou l'exploitant du navire,

garantie par un privilège maritime ….".

Une autre situation fréquente dans la pratique en matière de saisie est celle du navire

vendu.

95 CA Montpellier, 19 mai 1992 96 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Traite de Droit Maritime 2e edition, p.422, n°606

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

47

B. LA SAISIE D'UN NAVIRE VENDU

La problématique dans cette matière concerne la saisie conservatoire d'un navire

vendu par l'armateur débiteur. La question qui se pose dans ce cas inévitablement est

de savoir si la saisie conservatoire peut être opérée après la vente du navire effectuée

par l'armateur? La réponse à cette question dépend du texte sur lequel l'opération de

saisie est invoquée.

1. Le droit international

Si l'on se fonde sur la Convention de 1952, la réponse paraît affirmative. L’article 3

de la Convention énonce que le demandeur peut saisir, outre le navire auquel la

créance se rapporte "tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est

née la créance maritime, propriétaire du navire auquel cette créance se rapporte",

sans préjudice des dispositions du paragraphe 4 et de l'article 10.

La référence au navire auquel la créance se rapporte correspond à l'action in rem du

droit anglais. Ce qui importe, ce n'est pas le propriétaire du navire mais le navire lui-

même qui doit répondre des dettes nées de son exploitation. La question qui se pose

est de savoir si, afin de procéder a la saisie conservatoire, le navire doit être la

propriété du débiteur au moment de la naissance de la créance ou s’il est propriétaire

au moment de la saisie?

Afin de pouvoir répondre à cette question, il convient de se référer au paragraphe 4 et

de l'article 9 de la Convention. Comme nous avons déjà envisagé, le même

raisonnement s'impose dans le cas d'un navire vendu : la saisie conservatoire d'un

navire vendu par un débiteur demeure possible, mais seulement si le créancier

bénéficie d'un privilège sur le navire car autrement il y aurait création d'un droit à

une action nouvelle – ce qui s'oppose à l'article 10.

La Cour de Cassation a statué dans un arrêt fondamental en la matière rendu le 4

octobre 200597, l'affaire R. One. Plusieurs créanciers du groupe Rennaissance Cruise

saisissaient à Marseille les navires de croisière R One, R Two et R Five, sur le

fondement de diverses créances se rapportant à chacun de ces navires. Entre le

moment où ces créances étaient nées et les saisies, les navires avaient fait l'objet de

97 Cass Com, 4 Octobre 2005, R. One

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

48

ventes judiciaires à l'étranger. Le nouveau propriétaire a demandé la mainlevée des

saisies. La Cour d'Appel a rejeté sa prétention98 et a jugé qu'il n'y a pas lieu à saisie

conservatoire, contrairement au juge de première instance qui s'est fondé sur la

jurisprudence Eal Saphir. La Cour de cassation a approuvé pleinement la décision

des juges d'appel en considérant que : "la saisie conservatoire d'un navire

n'appartenant plus au débiteur ne peut être autorisée que si le saisissant se prévaut

d'un privilège au sens de la loi du for". Après avoir adopté une interprétation

extensive de la Convention, la cour suprême revient aux principes généraux du droit

français99. Désormais, le créancier peut saisir le navire auquel la créance se rapporte

en se fondant sur une créance maritime si c'est avant la fin de l'affrètement. Pour les

dettes d'un ancien affréteur, il faut que sa créance maritime soit assortie d'un

privilège100.

Cette jurisprudence a le mérite d'être claire et semble faire l'unanimité au sein de la

doctrine. Pourtant, l'article 9 reste ambigu et peut être interprété101 comme une

disposition relative au fond. La référence à la loi du for afin d'apprécier l'existence

d'un privilège soumet l'existence de ce dernier au lieu de la saisie102.

2. Le droit français

En France ce sont les dispositions du décret du 27 octobre 1967 relatives au statut

des navires et autres bâtiments de mer (articles 31 à 58), qui s’appliquent à la vente

judiciaire d’un navire.

Le propriétaire du navire saisi peut être le débiteur du créancier qui exerce alors un

droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur, dont le navire fait partie.

Mais un créancier peut aussi poursuivre la vente dans le cadre de l’exercice d’une

sûreté réelle. C’est le cas du droit de suite et de l’inscription d’une hypothèque

conventionnelle sur le navire. L’article 43, alinéa 1 règle la question de l’hypothèque

sur le navire qui se base sur la Convention des parties.

A l`échéance, si le débiteur co-contractant de l’acte de constitution de l’hypothèque

n’a pas payé sa dette, le créancier aura le droit d’exercer un droit de suite sur le 98 CA Aix en Provence, 17 mai 2002 99 G. de Monteynard 100 Trib. Com. St Nazaire, 27 juillet 2006, Eagle capital holding Ltd c. Triton marine fuels 101 Sébastien LOOTGIETER, Avocat au barreau de Paris, La saisie d'un navire affrété, Le droit positif français 102 S. Lootgieter, "La saisie du navire auquel la créance se rapporte qui n'appartient pas au débiteur", Rev. Scapel 2006, p. 131

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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navire, c'est-à-dire qu'il va pouvoir le saisir en quelques mains qu’il se trouve aux

fins notamment de le faire vendre et d’être payé sur le prix par référence à tous les

autres créanciers.

Le principe du droit de suite est affirmé par l’article 55 de la loi de 1967 : “les

créanciers ayant hypothèque inscrite sur un bâtiment ou portion de bâtiment le

suivent, en quelques mains qu’il passe, pour être colloqués et payés suivant l’ordre

de leurs inscriptions”. Peu importe que le débiteur, qui a consenti l’hypothèque pour

garantir à son créancier le paiement de sa dette air revendu le navire à un tiers :

l’hypothèque passe dans les mains du tiers. Il ne faut pas oublier que le tiers

acquéreur est nécessairement prévenu de l’existence de l’hypothèque qui fait l’objet

d’une publication. S’il ne purge pas l’hypothèque, et si le débiteur principal ne règle

pas sa dette, une saisie exécution pourrait avoir lieu.

Le créancier hypothécaire bénéficie d’une créance maritime du fait de l`hypothèque

et peut donc conservatoirement saisir le navire auquel se rapporte cette créance.

Reste à envisager le deuxième volet de notre étude, à savoir quels sont les effets de la

saisie conservatoire.

CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA SAISIE

CONSERVATOIRE

La saisie du navire, qu'il s'agit de la saisie conservatoire ou la saisie-exécution, se

caractérise par "la paralysie de l'outil essentiel de l'entreprise d'armement" 103.

L'immobilisation du navire, effet principal de la saisie conservatoire, comporte des

contraintes pour l'armateur, débiteur saisi, en ce que ce dernier subit des préjudices

d'ordre pécuniaire et non pécuniaire. Ce dernier est privé des bénéfices d'exploitation

du navire alors que ses coûts continuent à courir, et notamment s'il s'agit d'une

procédure de longue durée (§I).

Cependant, le débiteur n'est pas démuni contre cette situation et dispose de recours

devant le juge afin de restreindre les contraintes de l'immobilisation et d'amoindrir la

portée de la saisie conservatoire (§II).

103 Vialard Antoine, note sous CA Pau, 17 décembre 1985, DMF 1987

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

50

§ I Immobilisation du navire

Il convient de mentionner en premier lieu que l'effet majeur recherché au cours d'une

saisie conservatoire de navire c'est d'obtenir son immobilisation en empêchant son

départ du port. C'est la raison pour laquelle les autorités portuaires refusent

l’autorisation de départ et ont l'obligation de retenir les documents de bord (article 26

du Décret 67 – 967 du 27 octobre 1967). Selon les articles 29 et 74 de la loi n° 91-

650 du 9 juillet 1991 l'acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l'objet.

Cette prescription confirme l'interdiction imposée par le décret n°67-967 du 27

octobre 1967 qui s'oppose, au départ du port du navire saisi, sauf autorisation donnée

par le juge. Selon la Convention de 1952, la « saisie » signifie l’immobilisation du

navire.

Il résulte de tous ces articles que l'empêchement au départ du navire constitue le

principal effet résultant de la saisie conservatoire et un moyen de pression très fort a

raison de la perte de recettes d`exploitation d’une part et d’autre part de la lourdeur

des charges que l’armateur doit assumer.

De cette immobilisation découlent deux problématiques : d'une part le régime de la

garde du navire saisi (A) ainsi que l'absence d'atteinte aux droits du propriétaire (B).

A. La responsabilité de la garde du navire saisi

La saisie conservatoire produit un premier effet en ce que l'obligation de

conservation du bien saisi est transférée du saisi dépossédé de la garde au gardien du

navire.

La question qui se pose est celle de savoir qui est le gardien du navire saisi – est-ce le

capitaine, "seul maître après Dieu" qui conserve ses fonctions pendant la procédure

de la saisie, le débiteur ou bien, la garde peut être transférée dans les mains du

créancier saisissant? Cette question est d'une importance notable car le navire peut

causer un dommage à autrui, de même qu'il en être la victime. Il faut constater

qu'aucune solution nette ne se dégage du droit positif actuel.

Selon l’article 71 de la loi du 3 janvier 1967 ce n'est qu'à compter de l'adjudication

du navire que la mission du capitaine cesse de s'exercer. Cette disposition est reprise

Page 50: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

51

par le Code des Transports dans l'article L 5114-26. A contrario, on peut constater

que durant la procédure de la saisie, le capitaine conserve ses fonctions.

En outre, l’article 2 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande précise

que le capitaine est "la personne qui exerce régulièrement, en fait, le commandement

du navire", tandis que l'article 4 de la loi n°69-8 de la loi du 3 janvier 1969 relative à

l'armement et aux ventes maritimes dispose que "Le capitaine est désigné par le

propriétaire du navire ou, en cas d'affrètement, par l'armateur selon la convention

conclue entre le propriétaire et l'affréteur". Si on combine ces dispositions avec celles

de l'article 1384104 du Code Civil, il résulte que tant que le capitaine demeure en

fonction, la garde du navire appartient selon le cas, à son propriétaire ou à

l'armateur105. L'article 29 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991 est en parfaite cohérence

avec ce raisonnement puisque ce dernier dispose que : "Si la saisie porte sur des

biens corporels, le débiteur saisi ou le tiers détenteur entre les mains de qui la saisie a

été effectuée est réputé gardien des objets saisis."

Une fois le gardien désigné, "le propriétaire est dépossédé de la garde par

l'établissement d'un gardien sur le navire"106. Cependant, il faut noter que cette

approche est fortement critiquée par Monsieur le Professeur Y. Tassel107 en se basant

sur la jurisprudence de la Cour de Cassation. D'après cette dernière, il convient de

distinguer la garde du navire lui-même de celle de la saisie108. Dans ce cas, le

problème qui se pose est celui de savoir si la responsabilité du propriétaire est

reportée sur la gardien désigné en cas de dommages causés ou subis par le navire. La

jurisprudence a retenu la responsabilité du saisissant, mais l'arrêt de la Cour de

Cassation du 6 Mars 1973 ne peut pas être érigé en arrêt de principe. Dans un

jugement plus récent, la Cour semble attribuer la garde du navire au créancier

saisissant – "la Cour d'Appel devait rechercher si, le propriétaire du navire étant

dessaisi de la possession du navire, il n'incombait pas au saisissant de donner des

instructions appropriées au gardien de la saisie et de prendre lui-même les mesures

nécessaires à la sauvegarde du navire". En ce qui concerne les relations entre le saisi

et le saisissant, le Professeur Y. Tassel estime que : " Il n'est pas convenable que la 104 Art. 1384 du Code Civil dispose que : "On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde." 105 Robert REZENTHEL, "Les prestataires de services portuaires et la saisie des navires", DMF 572, Juin 1997 106 RODIERE, Le navire, n°213-A, Dalloz, 1980 107 "Saisie conservatoire du navire" par Y. Tassel – n° 89 – fasc. N° 1128 108 Cass. Com. 6 Mars 1973 ; CA Pau 24 Octobre 1984, cassé par Cass. 2ième Ch. Civile 11 février 1987

Page 51: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

52

mesure de garantie destinée à protéger puisse de la sorte se retourner contre son

bénéficiaire "109. Selon cet auteur, la garde du navire saisi ne peut pas être transmise

au créancier saisissant. Il ajoute que : " le navire est la chose de son propriétaire qui

le connaît et qui est le mieux à même de savoir les soins qu'il convient de lui apporter

dans sa garde. Secondairement, parce que dégager ainsi le débiteur saisi, c'est le

pousser à se désintéresser de la garde de son navire … Troisièmement parce que les

dispositions relatives à la garde des meubles saisis indiquent que le saisissant ne

pourra être établi gardien ; mais le saisi pourra l'être de son consentement et de celui

du saisissant … ".

Il s'ensuit de ce raisonnement que le propriétaire est celui qui connaît le mieux les

soins qu'il faut apporter au navire. De même, l'entretien de ce dernier est à la charge

de l'armateur110. Ce dernier supporte également les frais divers (frais d'entretien, les

salaires d'équipage), les frais de port111 et le manque à gagner dû à l'immobilisation

du navire112.

Une dualité de la garde113 est envisageable si des dommages sont causés au navire

par un outillage public ou un véhicule doté d'un dynamisme propre - celle qui

concerne la structure de l'installation, qui relève de son propriétaire lorsqu'il assure la

maintenance114 et celle, incombant à l'exploitant115.

Dans certains cas, il peut s’avérer nécessaire que le navire soit déplacé à l’ intérieur

du port sur un autre poste à quai. Cela peut poser des problèmes lorsque le port

dispose d’un nombre limité de postes. Tant que le représentant consignataire de

l’armateur répond du navire en question, l’autorité portuaire n’aura pas de soucis à se

faire. En revanche, s’il s’avère que le consignataire dénonce son mandat et

l’équipage quitte le navire, ce dernier devient source de difficultés pour le port. Dans

ce cas, l’autorité portuaire engagera des dépenses afin de sauvegarder la sécurité des

eaux et des installations portuaires. Si un déplacement est inévitable, l’autorité

portuaire procède à celui-ci sous sa seule responsabilité, même si les frais de

109 Y. TASSEL, "Saisie conservatoire du navire" – n°89 – fasc. N° 1128 Juris Classeur Commercial 110 CA Paris, 5e Chambre Civ, 9 février 1984, navire Léon-Re 111 Cass Com, 15 octobre 2002, navires Taganroga et Razna 112 CA Rouen, 9 mai 1978 113 CA Rennes 20 février 1968 ; Cass Civ 2ieme 13 mai 1981 114 Cass 2ieme 28 octobre 1987 115 Cass Com 9 décembre 1986

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

53

remorquage sont a priori pour le compte de l’armateur116. La question de la garde du

navire se pose aussi lorsque le navire est la cause de dommages provoqués à

l’intérieur du port. Dans ce cas, l’autorité portuaire n’est pas responsable des

dommages provoques par le navire puisqu’elle n’a pas la qualité de « gardien de

navire », sauf si un de ses préposés n’a pas été désigné comme « gardien » par le

Président du Tribunal de Commerce.

Apres la question de la responsabilité de la garde du navire, il convient de

s’intéresser à un autre effet important de l’immobilisation du navire – à savoir la

question de l’affectation des droits du propriétaire du navire.

B. Absence de transfert de propriété

Selon l’article 30 du décret du 27 octobre 1967, la saisie conservatoire ne rend pas le

navire indisponible puisqu'elle ne porte aucune atteinte aux droits du propriétaire qui

est habilité à le fréter, l'hypothéquer ou le vendre. Toutefois ses droits sont

économiquement et pratiquement freinés par la saisie qui immobilise provisoirement

le navire. L'effet qui est recherché par la saisie consiste en effet à empêcher le départ

du navire, c'est-à-dire à empêcher juridiquement le navire de naviguer. Cette

immobilisation soulève la question de l'usage même du navire et la détermination de

la responsabilité des dommages résultant de la présence ou de la gestion du navire

saisi.

La Cour de Cassation considère que la saisie conservatoire du navire ne porte aucune

atteinte aux droits du propriétaire. Elle n'a d'autres conséquences que celle d'affecter

un gage à la garantie de la créance et le propriétaire du navire, qui n'est pas dessaisi

de ses droits, garde la faculté de pourvoir à la conservation du bâtiment : c'est -a-dire

son entretien117. En revanche, la garde du navire résultant de l'opération de la saisie

conservatoire n'est pas opposable aux prestataires de services intervenants lorsqu'il

s'agit d'un déplacement du navire à l'intérieur du port118.

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation119 a jugé que le navire devient

indisponible en condamnant le gardien de la saisie et représentant de l'armateur

débiteur, pour détournement d'objet saisi, sur le fondement de l'article 314-6 du code 116 Tribunal de Commerce de Saint Nazarre, 8 sept 1979, nqvire ROCCO PIAGGIO 117 Cass Com, 19 novembre 1985 118 Cass Com, 12 novembre 1996, société Coach Prestige 119 Cass Com, 3 sept 2002, navire Lynndy

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

54

pénal. La Chambre Criminelle casse cette décision au motif que même si la saisie

rend l'objet saisi indisponible, elle n'en interdit pas l'usage.

Cet arrêt est critiquable dans la mesure où il transpose en droit maritime des

solutions prévues en droit terrestre concernant la saisie des meubles corporels. Le

navire n'est pas un meuble corporel. Il s'agit d'un bien sui generis à qui s'appliquent

les dispositions spéciales et dérogatoires au droit commun.

Reste à s'interroger sur le rôle du juge en matière de saisie et la détermination de sa

compétence respective.

§ II Les pouvoirs du juge

Une fois l’immobilisation ordonnée, elle va déclencher deux réactions de la part du

débiteur et du créancier saisissant : d’une part, le créancier saisissant va tenter

d`obtenir un jugement au fond lui permettant de tirer parti du gage qui lui a été

accordé (A), et d’autre part, le débiteur saisi pourrait faire valoir ses droits au regard

de la paralysie de son navire et va tenter d’obtenir la mainlevée de cette dernière (B).

A. Le juge compétent et ses pouvoirs

L'autorisation de saisir doit être demandée à un juge. Cela nous amène à envisager

dans un premier temps la détermination du Tribunal compétent qui va pouvoir statuer

au fond du litige (1) et deuxièmement, la procédure qui s'applique à la saisie

conservatoire (2).

1. La nécessité d'une autorisation judiciaire pour pratiquer une saisie

conservatoire de navire et la détermination du Tribunal compétent

a. La nécessité d'obtenir une autorisation judiciaire

L’article 4 de la Convention de Bruxelles ainsi que le deuxième alinéa de l'article 6

imposent l'autorisation judiciaire préalable du juge avant toute saisie conservatoire, et

ce, même s'il y a un renvoi après à la loi du for pour fixer les modalités de la saisie.

A titre d'exemple de ce principe, on peut citer un arrêt où les juges de la Cour de

Cassation ont jugé qu'"en vertu de l'article 4 de la Convention de Bruxelles du 10 mai

1952 comme de l'article 29 du décret du 27 octobre 1967, il ne peut être pratiqué de

saisie conservatoire d'un navire sans l'autorisation préalable du juge et qu'à défaut, la

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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saisie est nulle"120. Dans la présente espèce, la société Recofi était créancière de la

société de droit angolais Importang en vertu d'un jugement du tribunal de commerce

de Paris rendu le 13 octobre 1992. Afin de contraindre la débitrice de payer la

somme due, elle a fait saisir conservatoirement le navire "Secil Angola", appartenant

à la société de droit angolais Secil maritima. Dans la présente espèce, la saisie était

pratiquée sans l'autorisation préalable du juge, sur le seul vu du jugement de

condamnation et elle était valide selon les juges du fond. La Cour de Cassation a jugé

qu'une autorisation du juge était nécessaire, l'absence de celle-ci entraîne l'annulation

de la saisie.

Cette solution semble logique pour plusieurs arguments.

En premier lieu, il s'agit d'une condition qui ressort du texte même du décret de 1967

: "La saisie conservatoire est autorisée par ordonnance …".

Ensuite, on peut souligner que le rôle du juge en matière de saisie conservatoire

consiste d'une part à vérifier que le saisissant a une apparence de créance et d'autre

part, que le navire à saisir répond à la dette invoquée. Il paraît nécessaire, avant de

prendre une mesure immédiatement préjudiciable sur le plan économique, telle que

la saisie conservatoire d'un navire, que le juge puisse s'assurer de la réalité des faits

afin d'éviter les saisies abusives121.

Force est alors de constater qu'une autorisation préalable à la saisie accordé par le

juge doit avoir lieu, ne serait-ce que pour ne pas laisser le créancier opérer sans

contrôle.

Afin de déterminer le juge compétent à autoriser une saisie, il faut distinguer d'une

part la compétence territoriale et d'autre part la compétence d'attribution du juge

compétent.

Il convient de relever d'office que la réforme des voies d'exécution, opérée par la loi

n°91-650 du 9 juillet 1991 (art. 67 et suivants) et le décret n°92-755 du 31 juillet

1992 (art. 210 et suivants) modifie le mécanisme de droit commun de la saisie en

confiant la compétence des mesures conservatoires au juge d'exécution. D'après le

120 Ch. Com., 1er octobre 1997, Société Secil Maritima c. Société Recofi 121 Rémond-Gouilloud, "Droit Maritime", Pédone, 2e édition 1993, n°289, p.181

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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Professeur Antoine Vialard122 la réforme remet en cause les solutions habituellement

admises en droit maritime. De même, toujours selon le même auteur, on peut se

poser légitimement la question de savoir si "la saisie conservatoire de navires

étrangers est-elle devenue pratiquement impossible dans un port français" à la suite

de ladite réforme123. En effet, faut-il encore noter l'application de la loi n° 91 – 650

du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution et le décret

d'application n° 92 – 755 du 31 juillet 1992, article 9. Ces deux textes offrent le

choix au demandeur entre le lieu de domicile du débiteur, et celui d'exécution. On

s'est demandé s'ils ont abrogé ou modifié la loi de 1967 et le décret n° 67 – 967 du 25

octobre 1967. La réponse est négative, mais ces derniers s'appliquent de manière

marginale à la procédure de la saisie.

En ce qui concerne la compétence ratione materiae, la saisie conservatoire est

autorisée par le président du tribunal de commerce ou, par le juge d'instance en

l'absence de tribunal de commerce dans le port où se trouve le navire (Décret n°67-

967). La réforme des voies d'exécution rend le juge d'exécution compétent (Décret

du 31 juillet 1992, art. 211)124. Le juge d'exécution est le président du tribunal de

grande instance ou un juge de ce tribunal délégué par le président.

La compétence territoriale, quant à elle, est plus discutable. Les textes restent muets

sur cette question. Dans la pratique, les créanciers se sont toujours adressés au juge

du port ou le navire se trouve. Dans le droit antérieur, cette pratique était en

adéquation avec l`article 48 de l`ancien Code de procédure civile qui attribuait la

compétence en matière de mesure conservatoire au juge dans le ressort duquel sont

situes les biens à saisir.

Aujourd’hui le juge territorialement compétent est " … le juge du lieu où demeure le

débiteur. Toute clause contraire est réputée non avenue. Le juge saisi doit relever

d'office son incompétence" (Décret du 31 juillet 1992, article 211, al. 1 et 3).

122 VIALARD Antoine, DMF 1993, p. 29 "Les Insaisissables : faut-il faire une croix sur la bannière étrangère?" 123 VIALARD Antoine, DMF 1993, p. 28 "Les Insaisissables : faut-il faire une croix sur la bannière étrangère?" 124 TGI Dax, Jex, 27 octobre 1993, navire Felice

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

57

Force est d’admettre cependant que la compétence de principe du tribunal de

commerce du lieu ou le navire se trouve doit être maintenue125, et ce, pour plusieurs

raisons.

Selon le Professeur Vialard, les dispositions de l`article 211, al. 1 et 3 s'opposent à

l'article 9 al.1 du décret, aux termes duquel cette compétence est, au choix du

demandeur : soit le lieu de sa résidence, soit le lieu de l'exécution de la mesure.

L'article 9 fixe des règles de compétence générale. Comme on a déjà mentionné, la

deuxième option n'existe pas dans l'article 211 : le saisissant ne peut adresser sa

demande qu'au Tribunal du lieu où demeure le débiteur. Cet article pose une règle de

compétence spéciale, dérogeant aux règles générales de compétence posées à l'article

9, donc à la compétence du juge du lieu de l'exécution lorsque le débiteur demeure à

l'étranger.

En outre, la compétence du juge dans le ressort duquel est situe le navire, est imposée

par le texte même de la Convention de 1952 pour les saisies fondées sur ce texte. On

peut se référer à l’article 5 de la Convention, il est prévu que « le tribunal ou toute

autre autorité judiciaire compétente dans le ressort duquel le navire a été saisi,

accordera la mainlevée de la saisie lorsqu’une caution ou une garantie suffisante

auront été fournies ». Le texte en anglais dispose encore plus clairement que le juge

compétent pour autoriser la saisie est celui « in which the arrest is made ».

En matière d'abordage, le lieu de la saisie conservatoire du navire justifie la

compétence juridictionnelle (Décret n° 68 – 65, 19 janvier 1968, art. 1er, al.1).

b. La détermination du tribunal compétent pour statuer au fond du

litige

En principe, la saisie conservatoire vise essentiellement à mettre de la pression sur le

débiteur en vue du règlement d'une créance non payée. Cette procédure n'a pas pour

objectif premier à régler le litige au fond.

Cependant, la détermination du tribunal compétent pour statuer sur le fond du litige

ayant donné lieu à la saisie est d'une importance majeure puisque ces litiges

présentent souvent plusieurs facteurs d'extranéité. L'enjeu est considérab le : si la

125 CA Aix en Provence, 29 janvier 2008, navire I am no lady, observations A. VIALARD et P. BONASSIES DMF 2009, Hors série n 13

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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compétence est attribuée aux tribunaux de l'Etat de la saisie, au "forum arresti", le

propriétaire du navire saisi serait obligé de plaider devant une juridiction étrangère.

Le litige risque d'être résolu dans un Etat avec lequel ni les parties, ni le navire n'ont

aucun lien de rattachement. En revanche, dans le cas où la compétence est donnée au

tribunal d'un Etat avec lequel le litige présente des éléments de rattachement, c'est le

créancier qui serait défavorisé.

En effet, il convient de préciser que les parties peuvent s'accorder sur le tribunal

compétent au fond. En absence d'un accord, il y a lieu de déterminer le tribunal

légalement compétent afin de fixer les règles de modalités de la saisie.

Aux termes de l'article 7 de la Convention de Bruxelles, les tribunaux de l'Etat dans

lequel la saisie a été opérée sont également compétents pour statuer sur le fond du

procès. L'article 7 en précise les modalités. C'est la compétence du forum arresti.

Ainsi, la saisie conservatoire d'un navire pour une créance maritime née au cours

d'un voyage suffit à donner compétence aux tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie a

été opérée, pour statuer au fond du procès. La Convention de Genève de 1999 prévoit

dans son article 7 une disposition identique, sauf disposition contraire des parties

intéressées. Il s'ensuit que les saisies intentées ou pratiquées en France sont régies par

la loi française. Le texte applicable est le décret n° 67 – 967 du 27 octobre 1967

portant statut des navires et autres bâtiments de mer (art. 29 et 30). En 1979 la Cour

de Cassation a admis la compétence du juge de la saisie (forum arresti) mais pendant

longtemps après la décision de la Cour, cette compétence a été refusée par le droit

français hormis les cas où elle est affirmée par la Convention de Bruxelles. Ce refus

a fait l'objet de vives critiques de la part de la doctrine, surtout au regard de

l'effectivité du droit d'accès à la justice. La nouvelle Convention de 1999 apporte des

innovations majeures sur ce point puisqu'elle accorde compétence générale au juge

de la saisie pour statuer au fond. Cette règle doit être étendue aux saisies fondées sur

la seule loi française.

Page 58: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

59

2. La procédure applicable

La procédure débute par la requête où doivent figurer quatre éléments, à savoir la

créance pour garantie de laquelle la saisie est demandée, les circonstances qui

menacent le recouvrement (Décret du 31 juillet 1992, art. 210), le montant des

sommes pour la garantie desquelles la saisie est autorisée et la nature des biens sur

lesquels elle porte (Décret du 31 juillet 1992, art. 212). Le requérant demande à un

huissier de justice de notifier au service du port l'autorisation de saisir (Décret n° 67-

967, 27 octobre 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer, art.26). Le

capitaine doit être également notifié.

L'article 18 de la loi du 9 juillet 1991 réserve aux huissiers de justice le monopole de

l'exécution forcée (Loi n° 92-644 du 13 juillet 1992) et des saisies conservatoires, et

les oblige à prêter leur concours lorsqu'ils sont requis. L’huissier de justice doit

notifier au service de port l'autorisation de saisir (article 26 du Décret n° 67-967).

Toutes les opérations d'exécution incombent à l'huissier de justice (art.19), qui est

habilité à demander au juge de l'exécution, ou au Ministère public, les autorisations

ou les mesures nécessaires.

Il convient de mentionner que la saisie conservatoire n'a pas à être publiée,

contrairement à la saisie exécution. Cependant dans ce cas elle est inopposable aux

tiers et entraîne la mainlevée de la saisie : "si l'absence de mention de la saisie

conservatoire sur la fiche matricule du navire n'est assortie d'aucune sanction, le

défaut d'inscription de celle-ci sur le registre des hypothèques comporte une sanction

qui est, non pas la nullité de la saisie, mais son inopposabilité aux tiers, en particulier

à l'acheteur du navire"126. D’après Maitre Scapel et Monsieur le Professeur Pierre

Bonassies127, cet arrêt étend abusivement à la saisie conservatoire, contrairement à

l’opinion du Doyen Rodière, l’obligation d’effectuer une publication du procès

verbal de la saisie inscrite dans l’article 37 du décret du 27 octobre 1967, alors que ce

texte s’applique en principe qu’à la seule saisie exécution.

Le procès verbal de la saisie doit comporter plusieurs éléments, énoncés par l’article

34 du décret du 27 octobre 1967, tels que : nom et qualité de l’officier ministériel,

jour, heure, opérations successives à bord du bateau ; identification complète de son

126 CA Aix-en-Provence, 25 février 1981, vedette Patrick-Victor 127 Pierre BONASSIES, Christian SCAPEL ; Traite de droit maritime, 2e édition, p.426

Page 59: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

60

client, le créancier poursuivant ; mention du titre exécutoire et décompte des sommes

dues ; date du commandement de payer ; indication du tribunal devant lequel se fera

la vente, avec élection de domicile au siège du tribunal et au lieu où le navire est

amarré ; identification du propriétaire du navire ainsi que celle du navire saisi (IMO,

nom, pavillon, tonnage et c.) ; cargaison et état des soutes au moment de la saisie,

carburant et c. Encore faut-il noter que la signature du gardien choisi est exigée à

peine de nullité. La notification immédiate du procès verbal doit être délivrée au

propriétaire du navire, à la requête du saisissant, et elle entraîne pour le commandant

du port l’obligation d’empêcher le départ du navire saisi. La notification consiste

dans la remise de la copie du procès verbal de la saisie ainsi que la citation à

comparaitre devant le TGI du lieu de la saisie. Elle doit avoir lieu dans les 3 jours de

la saisie, si le propriétaire demeure dans le ressort du tribunal ; ce délai est augmenté

de dix jours, s’il demeure hors de ce ressort, mais en France métropolitaine ou en

Europe, et de vingt jours, s’il réside dans une autre partie du monde ; dans ce dernier

cas, la signification est faite a la personne du capitaine du navire, ou en son absence,

à la personne qualifiée pour représenter le capitaine, ou le propriétaire.

En outre, une notification est faite au conservateur des hypothèques maritimes. S’il

s`agit d’un navire français, elle est faite au conservateur dans la circonscription

duquel le navire est inscrit. La mention sur le registre des hypothèques maritimes et

au fichier des douanes rend la saisie opposable aux autres créanciers et à tout tiers

acquéreur. Elle doit être faite dans les sept jours suivant la saisie. Le délai est

augmenté de vingt jours « si le lieu de la saisie et le lieu où le fichier est tenu ne se

trouvent pas l’un et l’autre en France métropolitaine, ou dans un même département

d’outre mer, ou un même territoire d`outre mer ».

Enfin, on doit noter que toutes ces significations indiquent le jour de la comparution

devant le TGI (art.38 du décret de 1967). Le délai est fixé a quinze jours par l’article

755 NCPC et majoré de vingt jours à raison des distances, si le domicile élu et le

siège du TGI se situent, l’un en France métropolitaine, l’autre en outre mer (art.38 du

décret de 1967).

Une fois l’autorisation de saisir le navire accordé par le juge, le débiteur dispose en

effet du droit à demander la mainlevée de la saisie.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

61

B. La mainlevée et les risques de caducité de la saisie

La mainlevée de la saisie est un moyen de défense efficace dont peut se prévaloir le

débiteur (1). Outre la mainlevée, le saisissant doit craindre la caducité de la saisie (2).

1. La mainlevée amiable et judiciaire

Force est de constater que le décret de 1967 ne contient aucune disposition

concernant la suite de la procédure de saisie conservatoire. Les parties ont la

possibilité d'arriver à un accord sans autre intervention du juge. Dans les cas où un

règlement amiable n'est pas possible, le propriétaire du navire ainsi que l'affréteur qui

subit un préjudice du fait de l'immobilisation peuvent assigner en référé le saisissant

et demander la mainlevée judiciaire de la saisie.

a. La mainlevée amiable

Cette mainlevée de la saisie sera accordée contre la fourniture d'une garantie donnée

par le saisi, garantie financière susceptible de couvrir le paiement de la créance

invoquée par le saisissant, et les frais complémentaires. La garantie prend la forme

d'une garantie bancaire, mais le plus souvent c'est une lettre de garantie délivrée par

le P&I Club de l'armateur dont le navire a été saisi128 et en échange de quoi le

créancier s'engage à ne pas saisir le navire. La rédaction de la lettre de garantie

détermine les débiteurs couverts ainsi que les obligations concernées. Sa rédaction

est d'une importance majeure puisqu'elle permet la libération du navire ou encore elle

'empêche' la saisie conservatoire en offrant au réclamant du transporteur une garantie

financière à la place du navire. Cette lettre n'est pas susceptible d'être modifiée

unilatéralement129.

La loi interne (article 72 alinéas 2 et 3 de la loi du 9 juillet 1991130) et la Convention

de Bruxelles admettent de façon expresse le principe de mainlevée de la saisie contre

fourniture d'une garantie.

En droit français, le décret du 27 octobre 1967 ne donne aucune précision en ce qui

concerne la mainlevée de la saisie contre fourniture d'une garantie. Il convient de se

référer à l'article 72 de la loi du 9 juillet 1991 selon lequel : "à la demande du 128 CA Montpellier, 9 janvier 1992, navire Vicky 129 CA Douai, 21 janvier 1993, navire Coop Grain 130 Article 72 alinéa 2 et 3 de la loi du 9 juillet 1991 : "La constitution d'une caution bancaire irrévocable conforme à la mesure sollicitée dans la saisie, entraîne mainlevée de la mesure de sûreté".

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

62

débiteur, le juge peut, le créancier entendu ou appelé, substituer à la mesure

conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts

des parties. La constitution d'une caution bancaire révocable conforme à la mesure

sollicitée dans la saisie, entraîne mainlevée de la mesure de sûreté". La compétence

afin d'ordonner la mainlevée de la saisie est accordée au président du tribunal de

commerce131.

Sur le plan international, c'est l'article 5 de la Convention de Bruxelles qui permet

d'obtenir la mainlevée de la saisie : "le tribunal ou toute autre autorité judiciaire

compétente, dans le ressort duquel le navire a été saisi, accordera la mainlevée de la

saisie lorsqu'une caution ou une garantie auront été fournies…".

Le principe de mainlevée de la saisie contre fourniture d'une garantie est affirmé en

droit interne et en droit international. Il reste à s'interroger sur la détermination du

juge territorialement compétent ainsi que le montant de la garantie. Ces modalités de

la garantie ont toujours fait l'objet de débats jurisprudentiels.

b. La mainlevée judiciaire

Dans le cas où un règlement amiable entre les parties s'avère impossible, le

propriétaire du navire ou l'affréteur qui subit un préjudice du fait de l'immobilisation

peut assigner en référé le saisissant et demander au juge la mainlevée de la saisie. Il

dispose de deux moyens : soit solliciter la mainlevée de la saisie en agissant devant le

TGI, soit demander au Président du Tribunal de Commerce une autorisation de

départ du navire pour un ou plusieurs voyages.

- La demande de rétractation de l'ordonnance d'autorisation

S'il conteste la validité de la saisie, il peut demander la rétractation de l'ordonnance

d'autorisation. Le juge, ayant déjà prononcé la saisie, est libre de revenir sur sa

position et d'ordonner la mainlevée pure et simple de l'immobilisation. Afin d'être

valablement opérée, la rétractation est soumise à des conditions. Seule la voie du

référé est offerte au saisi, mais ce dernier n'a pas à apporter la preuve de l'urgence.

131 Article 218 du décret du 31 juillet 1992

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

63

En outre, seul le juge qui a rendu l'ordonnance est compétent pour la rétracter,

"même si le juge du fond est saisi de l'affaire" (art. 497 NCPC)132.

Le créancier peut faire appel, mais cet appel n'est pas suspensif de la décision de

mainlevée. Les décisions rendues en référé sont exécutoires de droit (art. 489 CPC).

Il faut noter que le décret du 20 août 2004 renforce les compétences du président de

la Cour d'Appel et ce dernier d'arrêter toute exécution provisoire de droit dans le cas

"de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque

l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives" (art. 524,

al. 6 CPC). Cette nouvelle mesure permet d'immobiliser le navire dans le cas où la

décision d'appel infirmant l'ordonnance de référé ayant maintenu l'autorisation de

saisie est tardive et intervient après le départ de ce dernier.

- La demande de l'autorisation de voyage du navire saisi

L'autorisation de voyage du navire saisi, qui figure dans la Convention de Bruxelles

de 1952, a été introduite dans le droit français (articles 27 et 28 du décret de 1966).

Elle autorise le propriétaire ou l'affréteur exploitant le navire à demander

exceptionnellement au président du tribunal de grande instance, statuant en référé,

l'autorisation d'utiliser le navire pour un ou plusieurs voyages déterminés. Cette

disposition figure aussi par le Code des Transports dans l'article 5114-21.

Les textes du décret et de la loi prévoient que l'autorisation est accordée si le

requérant fournit une garantie suffisante. Au cas où le navire n'a pas rejoint le port à

l'expiration du délai fixé, la somme déposée en garantie est acquise aux créanciers.

Dans tous les cas où la mainlevée pure et simple n'a pas été accordée, le saisissant

sera en mesure soit d'exiger le versement de la garantie, soit de faire vendre le navire

en justice.

Outre la mainlevée et les autorisations de départ, le saisissant doit craindre la

caducité de la saisie.

2. La caducité de la saisie

D'après la loi du 9 juillet 1991 (art. 70) et le décret du 31 juillet 1992 (art. 215) la

caducité est encourue pour inaction au fond dans le délai impart i par le juge. Dans le 132 Com. 7 juin 1994, Navire Heidelberg

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

64

cadre du droit français interne, résultant de ces deux textes de droit commun ainsi

que la loi de 1967 et le décret du 27 octobre 1967, la caducité est encourue si, dans le

mois qui suit l'exécution de la saisie, le saisissant n'a pas engagé ou poursuivi une

procédure lui permettant d'obtenir le titre exécutoire qui lui fait défaut. Cette solution

a été confirmée à plusieurs reprises par la Cour de Cassation133.

En revanche, si la saisie est soumise à la Convention de 1952 et le juge n'a pas fixé

de délai pour assigner au fond, la caducité n'est pas encourue. Sur ce point le régime

international de la saisie conservatoire est très différent de celui du droit interne en

ne prévoyant pas la caducité de la mesure. Cela a été confirmé par la Cour de

Cassation dans l'affaire Regent Spirit134 à propos de la prescription atteignant les

privilèges maritimes en cas d’une saisie conservatoire ainsi que la caducité de cette

dernière.

Dans cette affaire le navire Regent Spirit a fait l’objet d’une vente aux enchères

publiques. Le créancier invoque une créance privilégiée au cours de la procédure.

Ladite créance est contestée par un autre créancier prétendant que le privilège est

éteint par la prescription. Celui-ci fait prévaloir que le créancier prétendument

privilégié avait omis, après avoir saisi à titre conservatoire le navire, d’assigner au

fond pour valider la saisie et son titre. D’une part, il s’agissait de savoir si la

prescription (selon article 39 de la loi du 3 janvier 1967 elle est de 6 mois ou un an

selon les cas) atteignant un privilège maritime (et non la créance garantie) peut être

interrompue par une saisie conservatoire et d’autre part, si la saisie trouvant son

fondement dans la Convention de Bruxelles de 1952 est susceptible d’être frappée de

caducité à défaut d’assignation au fond. Il ressort de l’arrêt que d'une part la saisie

constitue une cause d'interruption de la prescription selon l’article 2244 du code civil

et d'autre part, elle n'encourt pas la caducité faute d'assignation au fond. En effet, la

Convention de 1952 prévoit dans son article 7 que lorsque le tribunal de la saisie

n'est pas compétent au fond, il lui appartient d'impartir au saisissant un délai pour

exercer son action devant le juge compétent et ce au bénéfice du débiteur saisi qui, à

défaut, peut demander la mainlevée de la saisie. Par conséquent, il résulte que si le

juge n'a pas fixé de délai pour assigner au fond et que le débiteur n'a pas sollicité la

mainlevée de la saisie, la procédure n'est pas caduque et conserve ses effets.

133 Cass. Com, 14 oct. 1997, navire Marine Evangeline ; Cass. 2e Civ. 18 février 1999, navire Motru 134 Com., 17 sept 2002, Navire Regent Spirit – obs. RTD Com. 2003 p.210 Philippe Delebecque

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

65

Soulignons enfin qu'aucun changement de la situation actuelle n'est prévu avec

l'éventuelle entrée en vigueur de la Convention de Genève de 1999 qui contient les

mêmes dispositions que celle de 1952.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

66

CONCLUSION

Aux termes de cette étude comparative, on a montré que la saisie apparaissait comme

un moyen de pression très efficace mis à la disposition du créancier contre le

débiteur insolvable. La paralysie qui résulte de cette mesure constitue une entrave à

l’activité du débiteur, engendrant souvent des conséquences financières dramatiques.

Face à cette situation, les droits interne et international offrent au débiteur différents

moyens de défense. Ce dernier peut contester le bien fondé de la saisie soit en

sollicitant la mainlevée, soit en demandant une autorisation de voyage.

Comme nous avons développé tout au long de cette étude, nous pouvons constater

que le droit maritime est une matière fortement internationalisée. Force est

d'admettre que les réalités juridiques évoluent assez rapidement et une modernisation

des normes s’avère souvent indispensable. Le régime interne en matière de saisie doit

suivre et s’adapter au régime juridique international, unifié par les Conventions

internationales (principalement la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 et la

Convention de Genève du 12 mars 1999, qui n'est pas encore entrée en vigueur). En

France, les textes légaux qui régissent la matière de la saisie conservatoire sont

principalement la loi n°67-5 du 3 janvier 1967, le décret n°67-967 du 27 octobre

1967 ainsi que l'Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie

législative du Code des Transports.

Le travail effectué avec le Code des Transports est monumental, « un réel progrès

dans la clarification des normes de base en matière de transports et navigation

maritimes »135. Le droit positif se trouve dans le code de transports, mais le texte n’a

qu’une valeur administrative : on trouve des dispositions qui ont une portée générale.

Encore faut-il attendre la loi de ratification adoptée par le Parlement pour que les

dispositions figurant dans le Code des Transports en deviennent la règle en matière

de saisie. La doctrine demeure partagée puisque le Code des Transports n’a pas

repris les textes réglementaires à propos de la détermination de la compétence du

juge autorisant la saisie. Aujourd’hui, afin qu'il puisse procéder à une saisie

conservatoire de navire, le requérant s`adresse soit au Tribunal de commerce, soit au

135 ANGELLELI Pierre, « Le volet maritime du Code des Transports : une nouvelle Ordonnance de la Marine », Février 2011

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

67

juge de l’exécution. Ce qui est critiquable, c’est qu’en principe, le juge de

l’exécution n’a aucune compétence en matière maritime. Faut-il s’attendre à un

nouveau bouleversement des règles de procédure en la matière ? Pour l’instant une

telle solution ne paraît pas envisageable.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

68

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GENERAUX FRANCAIS:

Ø BEURIER J.- P. ; "Droits maritimes", Dalloz Action, 2006-2007

Ø BONASSIES Pierre, SCAPEL Christian ; "Traité de Droit Maritime", 2e édition, LGDJ Paris

Ø DU PONTAVICE, Emmanuel ; "Le statut des navires", Editions LITEC, 1976

Ø GUINCHARD Serge, MOUSSA Tony ; "Droit et pratique des voies d'exécution 2010-2011" ; 6e édition, Dalloz Action, 2009

Ø NAVARRE-LAROCHE Cécile ; "La saisie conservatoire des navires en droit français", Editions MOREUX, DMF, 2001

Ø REMOND-GOUILLOUD Martine, "Droit Maritime", Editions Pédone, 1988

Ø RIPERT Georges ; "Droit Maritime", mise à jour au 1er Avril 1963 par R. Rodière, DALLOZ

OUVRAGES ETRANGERS :

Ø BERLINGIERI Francesco, “Arrest of Ships, a Commentary on the 1952 Arrest Convention”, p.48, Lloyd's Press Ltd, London, 1992

REVUES JURIDIQUES & ARTICLES :

Ø ANGELLELI Pierre, « Le volet maritime du Code des Transports : une nouvelle Ordonnance de la Marine? », Février 2011

Page 68: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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Ø AUCHTER Gérard, « La Convention internationale de 1993 sur les privilèges et hypothèques maritimes », DMF, 1993, p.595

Ø BONASSIES Pierre ; « Le droit positif français en 1993 », DMF 1994, p. 3

Ø CADIET Hélène ; BRAJEUX Guillaume ; "La procédure de saisie conservatoire de navires entre droit commun et règles spéciales", DMF, Novembre 1998, p.995

Ø DELEBECQUE Philippe ; RTD Com. 2003, p.210 ; “Saisie conservatoire d`un navire et application de la Convention de 1952” (Com. 17 sept.2002, Navire Regent Spirit)

Ø Revue critique de droit international privé, 1997, page 751

Ø RACINE, Jean-Baptiste ; Répertoire de procédure civile, "Saisie des bateaux, navires et aéronefs" – janvier 2008

Ø REZENTHEL Robert ; "Les prestataires de services portuaires et la saisie des navires", DMF Juin 1997, p.649

Ø ROHART J.-S. ; "Faut-il se méfier de l'apparence ou la saisie conservatoire des navires apparentés", DMF 1988, p.499

Ø ROHART J.-S. ; "La saisie des navires apparentés : suite et fin?", DMF mai 1994, p.339

Ø VIALARD Antoine, "Le projet de Convention sur la saisie conservatoire des navires", DMF Juin 1997, p.563

Ø VIALARD Antoine, "Les Insaisissables : faut-il faire une croix sur la bannière étrangère?", DMF 1993, p.28

Ø VIALARD Antoine, "Personnalité morale des sociétés d'armement et apparentement abusif des navires saisis", DMF, Mai 1996, p.467

Ø VIALARD Antoine, "La saisie conservatoire du navire pour dettes de l'affréteur à temps", DMF 1985, p.588

Page 69: Saisie conservatoire des navires

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Table des matières

PARTIE I : LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES : UNE VOIE

D'EXECUTION CONDITIONNEE

CHAPITRE I : CONDITION TENANT A L'ETAT DU PAVILLON DU

NAVIRE

§ I Le navire battant pavillon d'un Etat contractant

A. Le principe : application de la Convention de 1952

1. Affirmation de la primauté du droit international sur le droit interne

2. La Convention de 1952 – instrument d'uniformisation de l'exercice de la saisie

conservatoire

B. Les limites prévues part les articles 8 et 2 de la Convention

1. L'article 8 de la Convention

2. L'article 2 de la Convention

§ II Le navire ne battant pas pavillon d'un Etat contractant : Application de

l’article 8-2 de la Convention

A. Une divergence doctrinale quant à la portée de l'art. 8-2

B. Une jurisprudence incertaine

CHAPITRE II : LES CONDITIONS TENANT A LA NATURE DE LA

CREANCE ET LE NAVIRE OBJET DE LA SAISIE

§ I Caractères de la créance autorisant la saisie conservatoire

A. Une créance "maritime" requise par la Convention de 1952

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1. Liste exhaustive de l'article 1 de la Convention

2. Le caractère unilatéral de la notion de "créance maritime"

B. "Une créance paraissant fondée dans son principe", exigée par la loi

française

1. "Créance paraissant fondée en son principe" : une notion difficile à cerner

2. La certitude : l'urgence de la créance n'est pas requise

§ II Conditions tenant au navire saisissable

A. Les navires susceptibles de faire l'objet d'une saisie

B. Les navires insaisissables

1. Exclusion de la saisie des navires instruments de travail : insaisissabilité de

principe

2. Exclusion de la saisie des navires bénéficiant d'une immunité

PARTIE II : LA SAISIE CONSERVATOIRE DU NAVIRE : MOYEN DE

CONTRAINTE EFFICACE CONTRE LE DEBITEUR

CHAPITRE I : LES MOYENS DU CREANCIER D'AGIR CONTRE LE

DEBITEUR INSOLVABLE

§ I L’action in personam : "le navire débiteur"

A. La saisie d'un navire auquel se rapporte la créance

B. La saisie d'un navire autre que celui auquel se rapporte la créance – les

navires apparentés

1. L'élaboration de la "théorie de la communauté d'intérêts" par la jurisprudence

2. La nécessité de démontrer la fictivité

§ II L’action in rem : les navires du "débiteur"

A. La saisie d'un navire affrété

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1.Le navire affrété et le droit français

2.Le navire affrété et le droit international

B. La saisie d'un navire vendu

1. Le droit international

2. Le droit français

CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA SAISIE CONSERVATOIRE

§ I Immobilisation du navire

A. La responsabilité de la garde du navire saisi

B. Absence de transfert de propriété

§ II Les pouvoirs du juge

A. Le juge compétent et ses pouvoirs

1. La nécessité d'une autorisation judiciaire pour pratiquer une saisie

conservatoire de navire et la détermination du Tribunal compétent

2. La procédure applicable

B. La mainlevée et les risques de caducité

1. La mainlevée amiable et judiciaire

2. La caducité de la saisie

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ANNEXES

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ANNEXE 1

CONVENTION INTERNATIONALE POUR L'UNIFICATION DE

CERTAINES REGLES SUR LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES DE MER

Conclue à Bruxelles, le 10 mai 1952

Les Hautes Parties Contractantes,

Ayant reconnu l'utilité de fixer de commun accord certaines règles uniformes sur la

saisie conservatoire de navires de mer, ont décidé de conclure une convention à cet

effet et ont convenu de ce qui suit:

Art. 1

Dans la présente Convention, les expressions suivantes sont employées, avec les

significations indiquées ci-dessous:

1. «Créance Maritime» signifie allégation d'un droit ou d'une créance ayant l'une des

causes suivantes:

a. Dommages causés par un navire soit par abordage, soit autrement;

b. Pertes de vies humaines ou dommages corporels causés par un navire ou

provenant de l'exploitation d'un navire;

c. Assistance et sauvetage;

d. Contrats relatifs à l'utilisation ou la location d'un navire par charte-partie ou

autrement;

e. Contrats relatifs au transport des marchandises par un navire en vertu d'une charte-

partie, d'un connaissement ou autrement;

f. Pertes ou dommages aux marchandises et bagages transportés par un navire;

g. Avarie commune;

h. Prêt à la grosse;

i. Remorquage;

j. Pilotage;

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75

k. Fournitures, quel qu'en soit le lieu, de produits ou de matériel faites à un navire en

vue de son exploitation ou de son entretien;

l. Construction, réparations, équipement d'un navire ou frais de cale;

m. Salaires des Capitaine, Officiers ou hommes d'équipage;

n. Débours du Capitaine et ceux effectués par les chargeurs, les affréteurs ou les

Agents pour le compte du navire ou de son propriétaire;

o. La propriété contestée d'un navire;

p. La copropriété contestée d'un navire ou sa possession, ou son exploitation, ou les

droits aux produits d'exploitation d'un navire en copropriété;

q. Toute hypothèque maritime et tout mort-gage.

2. «Saisie» signifie l'immobilisation d'un navire avec l'autorisation de l'autorité

judiciaire compétente pour garantie d'une créance maritime, mais ne comprend pas la

saisie d'un navire pour l'exécution d'un titre.

3. «Personne» comprend toute personne physique ou morale, société de personnes or

de capitaux ainsi que les Etats, les Administrations et Etablissements publics.

4. «Demandeur» signifie une personne, invoquant à son profit, l'existence d'une

créance maritime.

Art. 2

Un navire battant pavillon d'un des Etats contractants ne pourra être saisi dans le

ressort d'un Etat Contractant qu'en vertu d'une créance maritime, mais rien dans les

dispositions de la présente Convention ne pourra être considéré comme une

extension ou une restriction des droits et pouvoirs que les Etats, Autorités publiques

ou Autorités portuaires tiennent de leur loi interne ou de leurs règlements, de saisir,

détenir ou autrement empêcher un navire de prendre la mer dans leur ressort.

Art. 3

1. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 4 et de l'article 10, tout Demandeur

peut saisir soit le navire auquel la créance se rapporte, soit tout autre navire

appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire

du navire auquel cette créance se rapporte alors même que le navire saisie est prêt à

faire voile, mais aucun navire ne pourra être saisi pour une créance prévue aux

alinéas o, p ou q de l'article premier à l'exception du

navire même que concerne la réclamation.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

76

2. Des navires seront réputés avoir le même propriétaire lorsque toutes les parts de

propriété appartiendront à une même ou aux mêmes personnes.

3. Un navire ne peut être saisi et caution ou garantie ne sera donnée, plus d'une fois

dans la juridiction d'un ou plusieurs des Etats Contractants, pour la même créance et

par le même Demandeur; et si un navire est saisi dans une desdites juridictions et une

caution ou une garantie a été donnée, soit pour obtenir la mainlevée de la saisie, soit

pour éviter celle-ci, toute saisie ultérieure de ce navire, ou de n'importe quel autre

navire, appartenant au même propriétaire, par le Demandeur et pour la même créance

maritime, sera levée et le navire sera libéré par le Tribunal ou toute autre juridiction

compétente du dit Etat, à moins que le Demandeur ne prouve, à la satisfaction du

Tribunal ou de toute autre Autorité Judiciaire compétente, que la garantie ou la

caution a été définitivement libérée avant que la saisie subséquente n'ait été pratiquée

ou qu'il n'y ait une autre raison valable pour la maintenir.

4. Dans le cas d'un affrètement d'un navire avec remise de la gestion nautique,

lorsque l'affréteur répond, seul, d'une créance maritime relative à ce navire, le

Demandeur peut saisir ce navire ou tel autre appartenant à l'affréteur, en observant

les dispositions de la présente Convention, mais nul autre navire appartenant au

propriétaire ne peut être saisi en vertu de cette créance maritime.

L'alinéa qui précède s'applique également à tous les cas où une personne autre que le

propriétaire est tenue d'une créance maritime.

Art. 4

Un navire ne peut être saisi qu'avec l'autorisation d'un Tribunal ou de toute autre

Autorité Judiciaire compétente de l'Etat Contractant dans lequel la saisie est

pratiquée.

Art. 5

Le Tribunal ou toute autre Autorité Judiciaire compétente dans le ressort duquel le

navire a été saisi, accordera la mainlevée de la saisie lorsqu'une caution ou une

garantie suffisantes auront été fournies, sauf dans le cas où la saisie est pratiquée en

raison des créances maritimes énumérées à l 'article premier ci-dessus, sous les lettres

o et p; en ce cas,le juge peut permettre l'exploitation du navire par le Possesseur,

lorsque celui-ci aura fourni des garanties suffisantes, ou régler la gestion du navire

pendant la durée de la saisie.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

77

Faute d'accord entre les Parties sur l'importance de la caution ou de la garantie, le

Tribunal ou l'Autorité Judiciaire compétente en fixera la nature et le montant.

La demande de mainlevée de la saisie moyennant une telle garantie, ne pourra être

interprétée ni comme une reconnaissance de responsabilité, ni comme une

renonciation au bénéfice de la limitation légale de la responsabilité du propriétaire du

navire.

Art. 6

Toutes contestations relatives à la responsabilité du Demandeur, pour dommages

causés à la suite de la saisie du navire ou pour frais de caution ou de garantie fournies

en vue de le libérer ou d'en empêcher la saisie seront réglées par la loi de l'Etat

Contractant dans le ressort duquel la saisie a été pratiquée ou demandée.

Les règles de procédure relatives à la saisie d'un navire, à l'obtention de l'autorisation

visée à l'article 4 et à tous autres incidents de procédure qu'une saisie peut soulever

sont régies par la loi de l'Etat Contractant dans lequel la saisie a été prat iquée ou

demandée.

Art. 7

1. Les Tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie a été opérée seront compétents pour

statuer sur le fond du procès:

- soit si ces Tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'Etat dans lequel

la saisie est pratiquée;

- soit dans les cas suivants, nommément définis:

a. Si le Demandeur a sa résidence habituelle ou son principal établissement dans

l'Etat où la saisie a été pratiquée;

b. Si la créance maritime est elle-même née dans l'Etat Contractant dont dépend le

lieu de la saisie;

c. Si la créance maritime est née au cours d'un voyage pendant lequel la saisie a été

faite;

d. Si la créance provient d'un abordage ou de circonstances visées par l'article 13 de

la Convention Internationale pour l'unification de certaines règles en matière

d'abordage, signée à Bruxelles, le 23 septembre 1910;

e. Si la créance est née d'une assistance ou d'un sauvetage;

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

78

f. Si la créance est garantie par une hypothèque maritime ou un mort-gage sur le

navire saisi.

2. Si le Tribunal, dans le ressort duquel le navire a été saisi n'a pas compétence pour

statuer sur le fond, la caution ou la garantie à fournir conformément à l'article 5 pour

obtenir la mainlevée de la saisie, devra garantir l'exécution de toutes les

condamnations qui seraient ultérieurement prononcées par le Tribunal compétent de

statuer sur le fond, et le Tribunal ou toute autre Autorité Judiciaire du lieu de la

saisie, fixera le délai dans lequel le Demandeur devra introduire une action devant le

Tribunal compétent.

3. Si les conventions des parties contiennent soit une clause attributive de

compétence à une autre juridiction, soit une clause arbitrale, le Tribunal pourra fixer

un délai dans lequel le saisissant devra engager son action au fond.

4. Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, si l'action n'est pas introduite

dans le délai imparti, le Défendeur pourra demander la mainlevée de la saisie ou la

libération de la caution fournie.

5. Cet article ne s'appliquera pas aux cas visés par les dispositions de la convention

révisée sur la navigation du Rhin du 17 octobre 1868.

Art. 8

1. Les dispositions de la présente Convention sont applicables dans tout Etat

Contractant à tout navire battant pavillon d'un Etat Contractant.

2. Un navire battant pavillon d'un Etat non Contractant peut être saisi dans l'un des

Etats Contractants, en vertu d'une des créances énumérées à l'article 1er, ou de toute

autre créance permettant la saisie d'après la loi de cet Etat.

3. Toutefois, chaque Etat Contractant peut refuser tout ou partie des avantages de la

présente Convention à tout Etat non Contractant et à toute personne qui n'a pas, au

jour de la saisie, sa résidence habituelle ou son principal établissement dans un Etat

Contractant.

4. Aucune disposition de la présente Convention ne modifiera ou n'affectera la loi

interne des Etats Contractants en ce qui concerne la saisie d'un navire dans le ressort

de l'Etat dont il bat pavillon par une personne ayant sa résidence habituelle ou son

principal établissement dans cet Etat.

5. Tout tiers, autre que le Demandeur originaire qui excipe d'une créance maritime

par l'effet d'une subrogation, d'une cession ou autrement, sera réputé, pour

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

79

l'application de la présente Convention, avoir la même résidence habituelle ou le

même établissement principal que le créancier originaire.

Art. 9

Rien dans cette Convention ne doit être considéré comme créant un droit à une action

qui, en dehors des stipulations de cette Convention, n'existerait pas d'après la loi à

appliquer par le Tribunal saisi du litige.

La présente Convention ne confère aux Demandeurs aucun droit de suite, autre que

celui accordé par cette dernière loi ou par la Convention Internationale sur les

Privilèges et Hypothèques maritimes1 si celle-ci est applicable.

Art. 10

Les Hautes Parties Contractantes peuvent au moment de la signature du dépôt des

ratifications ou lors de leur adhésion à la Convention, se réserver

a. Le droit de ne pas appliquer les dispositions de la présente Convention à la saisie

d'un navire pratiquée en raison d'une des créances maritimes visées aux o et p de

l'article premier et d'appliquer à cette saisie leur loi nationale;

b. Le droit de ne pas appliquer les dispositions du premier paragraphe de l'article 3 à

la saisie pratiquée sur leur territoire en raison des créances prévues à l'alinéa q de

l'article 1.

Art. 11

Les Hautes Parties Contractantes s'engagent à soumettre à arbitrage tous différends

entre Etats pouvant résulter de l'interprétation ou l'application de la présente

Convention, sans préjudice toutefois des obligations des Hautes Parties

Contractantes qui ont convenu de soumettre leurs différends à la Cour Internationale

de Justice.

Art. 12

La présente Convention est ouverte à la signature des Etats représentés à la neuvième

Conférence diplomatique deDroit Maritime. Le procès-verbal de signature sera

dressé par les soins du Ministère des Affaires étrangères de

Belgique.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

80

Art. 13

La présente Convention sera ratifiée et les instruments de ratification seront déposés

auprès du Ministère des Affaires étrangères de Belgique qui en notifiera le dépôt à

tous les Etats signataires et adhérents.

Art. 14

a. La présente Convention entrera en vigueur entre les deux premiers Etats qui

l'auront ratifiée, six mois après la date du dépôt du deuxième instrument de

ratification.

b. Pour chaque Etat signataire ratifiant la Convention après le deuxième dépôt, celle-

ci entrera en vigueur six mois après la date du dépôt de son instrument de

ratification.

Art. 15

Tout Etat non représenté à la neuvième Conférence diplomatique de Droit Maritime

pourra adhérer à la présente Convention.

Les adhésions seront notifiées au Ministère des Affaires étrangères de Belgique qui

en avisera par la voie diplomatique tous les Etats signataires et adhérents.

La Convention entrera en vigueur pour l'Etat adhérent six mois après la date de

réception de cette notification, mais pas avant la date de son entrée en vigueur telle

qu'elle est fixée à l'article 14a.

Art. 16

Toute Haute Partie Contractante pourra à l'expiration du délai de trois ans qui suivra

l'entrée en vigueur à son égard de la présente Convention, demander la réunion d'une

Conférence chargée de statuer sur toutes les propositions tendant à la révision de la

Convention.

Toute Haute Partie Contractante qui désirerait faire usage de cette faculté en avisera

le Gouvernement belge qui se chargera de convoquer la conférence dans les six mois.

Art. 17

Chacune des Hautes Parties Contractantes aura le droit de dénoncer la présente

Convention à tout moment après son entrée en vigueur à son égard. Toutefois, cette

dénonciation ne prendra effet qu'un an après la date de réception de la notification de

Page 80: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

81

dénonciation au Gouvernement belge qui en avisera les autres Parties Contractantes

par la voie diplomatique.

Art. 18

a. Toute Haute Partie Contractante peut, au moment de la ratification, de l'adhésion,

or à tout moment ultérieur, notifier par écrit au Gouvernement belge que la présente

Convention s'applique aux territoires ou à certains des territoires dont elle assure les

relations internationales. La Convention sera applicable aux dits territoires six mois

après la date de réception de cette notification par le Ministère des Affaires

étrangères de Belgique, mais pas avant la date d'entrée en vigueur de la présente

Convention à l'égard de cette Haute Partie Contractante.

b. Toute Haute Partie Contractante qui a souscrit une déclaration au titre du

paragraphe a de cet article pourra à tout moment aviser le Ministère des Affaires

étrangères de Belgique que la Convention cesse de s'appliquer au Territoire en

question. Cette dénonciation prendra effet dans le délai d'un an prévu à l'article 17.

c. Le Ministère des Affaires étrangères de Belgique avisera par la voie diplomatique

tous les Etats signataires et adhérents de toute notification reçue par lui au titre du

présent article.

Fait à Bruxelles, le 10 mai 1952, en langues française et anglaise, les deux textes

faisant également foi.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

82

ANNEXE 2

CONVENTION INTERNATIONALE DE 1999 SUR LA SAISIE

CONSERVATOIRE DES NAVIRES

Les États Parties à la présente Convention,

Considérant qu'il est souhaitable de faciliter le développement harmonieux et

ordonné du commerce maritime mondial,

Convaincus de la nécessité d'un instrument juridique établissant une

uniformité internationale dans le domaine de la saisie conservatoire des navires, qui

tienne compte de l'évolution récente dans les domaines connexes,

Sont convenus de ce qui suit :

Article premier

DÉFINITIONS

Aux fins de la présente Convention :

1. Par "créance maritime", il faut entendre une créance découlant d'une ou

plusieurs des causes suivantes :

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

83

a) Pertes ou dommages causés par l'exploitation du navire;

b) Mort ou lésions corporelles survenant, sur terre ou sur eau, en relation

directe avec l'exploitation du navire;

c) Opérations de sauvetage ou d'assistance ainsi que tout contrat de

sauvetage ou d'assistance, y compris, le cas échéant, une indemnité spéciale

concernant des opérations de sauvetage ou d'assistance à l'égard d'un navire qui par

lui-même ou par sa cargaison menaçait de causer des dommages à l'environnement;

d) Dommages causés ou risquant d'être causés par le navire au milieu, au

littoral ou à des intérêts connexes; mesures prises pour prévenir, réduire ou éliminer

ces dommages; indemnisation de ces dommages; coût des mesures raisonnables de

remise en état du milieu qui ont été effectivement prises ou qui le seront; pertes

subies ou risquant d'être subies par des tiers en rapport avec ces dommages; et

dommages, coûts ou pertes de nature similaire à ceux qui sont indiqués dans le

présent alinéa d);

e) Frais et dépenses relatifs au relèvement, à l'enlèvement, à la

récupération, à la destruction ou à la neutralisation d'un navire coulé, naufragé,

échoué ou abandonné, y compris tout ce qui se trouve ou se trouvait à bord de ce

navire, et frais et dépenses relatifs à la conservation d'un navire abandonné et à

l'entretien de son équipage;

f) Tout contrat relatif à l'utilisation ou à la location du navire par

affrètement ou autrement;

g) Tout contrat relatif au transport de marchandises ou de passagers par

le navire, par affrètement ou autrement;

h) Pertes ou dommages subis par, ou en relation avec, les biens (y

compris les bagages) transportés par le navire;

i) Avarie commune;

j) Remorquage;

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

84

k) Pilotage;

l) Marchandises, matériels, approvisionnement, soutes, équipements (y

compris conteneurs) fournis ou services rendus au navire pour son exploitation, sa

gestion, sa conservation ou son entretien;

m) Construction, reconstruction, réparation, transformation ou

équipement du navire;

n) Droits et redevances de port, de canal, de bassin, de mouillage et

d'autres voies navigables;

o) Gages et autres sommes dus au capitaine, aux officiers et autres

membres du personnel de bord, en vertu de leur engagement à bord du navire, y

compris les frais de rapatriement et les cotisations d'assurance sociale payables pour

leur compte;

p) Paiements effectués pour le compte du navire ou de ses propriétaires;

q) Primes d'assurance (y compris cotisations d'assurance mutuelle) en

relation avec le navire, payables par le propriétaire du navire ou par l'affréteur en

dévolution ou pour leur compte;

r) Frais d'agence ou commissions de courtage ou autres en relation avec

le navire, payables par le propriétaire du navire ou par l'affréteur en dévolution ou

pour leur compte;

s) Tout litige quant à la propriété ou à la possession du navire;

t) Tout litige entre les copropriétaires du navire au sujet de l'exploitation

ou des droits aux produits d'exploitation de ce navire;

u) Hypothèque, "mortgage" ou droit de même nature sur le navire;

v) Tout litige découlant d'un contrat de vente du navire.

2. Par "saisie", il faut entendre toute immobilisation ou restriction au départ

d'un navire en vertu d'une décision judiciaire pour garantir une créance maritime,

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

85

mais non la saisie d'un navire pour l'exécution d'un jugement ou d'un autre

instrument exécutoire.

3. Par "personne", il faut entendre toute personne physique ou morale ou

toute société de personnes, de droit public ou de droit privé, y compris un État et ses

subdivisions politiques.

4. Par "créancier", il faut entendre toute personne alléguant une créance

maritime.

5. Par "tribunal", il faut entendre toute autorité judiciaire compétente d'un

État.

Article 2

POUVOIRS DE SAISIE

1. Un navire ne peut être saisi, ou libéré de cette saisie, que par décision d'un

tribunal de l'État Partie dans lequel la saisie est pratiquée.

2. Un navire ne peut être saisi qu'en vertu d'une créance maritime, à

l'exclusion de toute autre créance.

3. Un navire peut être saisi aux fins d'obtenir une sûreté, malgré l'existence,

dans tout contrat considéré, d'une clause attributive de compétence judiciaire ou

arbitrale, ou de toute autre disposition, prévoyant de soumettre la créance maritime à

l'origine de la saisie à l'examen au fond du tribunal d'un État autre que celui dans

lequel la saisie est pratiquée, ou d'un tribunal arbitral, ou d'une clause prévoyant

l'application de la loi d'un autre État à ce contrat.

4. Sous réserve des dispositions de la présente Convention, la procédure

relative à la saisie d'un navire ou à sa mainlevée est régie par la loi de l'État dans

lequel la saisie a été pratiquée ou demandée.

Article 3

EXERCICE DU DROIT DE SAISIE

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

86

1. La saisie de tout navire au sujet duquel une créance maritime est alléguée

peut être pratiquée si :

a) La personne qui était propriétaire du navire au moment où la créance

maritime est née est obligée à raison de cette créance et est propriétaire du navire au

moment où la saisie est pratiquée; ou

b) L'affréteur en dévolution du navire au moment où la créance maritime

est née est obligé à raison de cette créance et est affréteur en dévolution ou

propriétaire du navire au moment où la saisie est pratiquée; ou

c) La créance repose sur une hypothèque, un "mortgage" ou un droit de

même nature sur le navire; ou

d) La créance est relative à la propriété ou à la possession du navire; ou

e) Il s'agit d'une créance sur le propriétaire, l'affréteur en dévolution,

l'armateur gérant ou l'exploitant du navire, garantie par un privilège maritime qui est

accordé ou applicable en vertu de la législation de l'État dans lequel la saisie est

demandée.

2. Peut également être pratiquée la saisie de tout autre navire ou de tous

autres navires qui, au moment où la saisie est pratiquée, est ou sont propriété de la

personne qui est obligée à raison de la créance maritime et qui, au moment où la

créance est née, était :

a) Propriétaire du navire auquel la créance maritime se rapporte; ou

b) Affréteur en dévolution, affréteur à temps ou affréteur au voyage de

ce navire.

Cette disposition ne s'applique pas aux créances relatives à la propriété ou à la

possession d'un navire.

3. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2 du présent article, la

saisie d'un navire qui n'est pas propriété d'une personne prétendument obligée à

raison de la créance ne peut être autorisée que si, selon la loi de l'État où la saisie est

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

87

demandée, un jugement rendu en vertu de cette créance peut être exécuté contre ce

navire par une vente judiciaire ou forcée de ce navire.

Article 4

MAINLEVÉE DE LA SAISIE

1. Un navire qui a été saisi doit être libéré lorsqu'une sûreté d'un montant

suffisant et sous une forme satisfaisante a été constituée, sauf dans le cas où la saisie

est pratiquée en raison des créances maritimes énumérées aux alinéas s) et t) du

paragraphe 1 de l'article premier. En ce cas, le tribunal peut permettre l'exploitation

du navire par la personne qui en a la possession, lorsque celle-ci aura constitué une

sûreté d'un montant suffisant, ou régler de toute autre façon la question de la gestion

du navire pendant la durée de la saisie.

2. Si les parties intéressées ne parviennent pas à un accord sur l'importance et

la forme de la sûreté, le tribunal en détermine la nature et le montant, qui ne peut

excéder la valeur du navire saisi.

3. Aucune demande tendant à la libération du navire contre la constitution

d'une sûreté ne peut être interprétée comme une reconnaissance de responsabilité ni

comme une renonciation à toute défense ou tout droit de limiter la responsabilité.

4. Si un navire a été saisi dans un État non partie et n'est pas libéré malgré la

constitution d'une sûreté concernant ce navire dans un État Partie relativement à la

même créance, la mainlevée de cette sûreté est autorisée par le tribunal de l'État

Partie, par ordonnance rendue sur requête;

5. Si, dans un État non partie, le navire est libéré contre la constitution d'une

sûreté suffisante concernant ce navire, la mainlevée de toute sûreté constituée dans

un État Partie relativement à la même créance est autorisée par ordonnance si le

montant total de la sûreté constituée dans les deux États dépasse :

a) Soit le montant de la créance au titre de laquelle la saisie a été

pratiquée;

b) Soit la valeur du navire;

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

88

la moins élevée des deux devant prévaloir. Cette mainlevée n'est toutefois autorisée

par ordonnance que si la sûreté constituée est effectivement disponible dans l'État

non partie et librement transférable au profit du créancier.

6. Toute personne qui a constitué une sûreté en vertu des dispositions du

paragraphe 1 du présent article peut, à tout moment, demander au tribunal de réduire,

modifier ou annuler cette sûreté.

Article 5

DROIT DE NOUVELLE SAISIE ET SAISIES MULTIPLES

1. Lorsque, dans un État, un navire a déjà été saisi et libéré ou qu'une sûreté a

déjà été constituée pour garantir une créance maritime, ce navire ne peut ensuite faire

l'objet d'aucune saisie fondée sur la même créance maritime, à moins que :

a) La nature ou le montant de la sûreté concernant ce navire déjà

constituée en vertu de la même créance ne soit pas suffisant, à condition que le

montant total des sûretés ne dépasse pas la valeur du navire; ou

b) La personne qui a déjà constitué la sûreté ne soit ou ne paraisse pas

capable d'exécuter tout ou partie de ses obligations; ou

c) La mainlevée de la saisie ou la libération de la sûreté ne soit

intervenue :

i) Soit à la demande ou avec le consentement du créancier agissant

pour des motifs raisonnables,

ii) Soit parce que le créancier n'a pu par des mesures raisonnables

empêcher cette mainlevée ou cette libération.

2. Tout autre navire qui serait autrement susceptible d'être saisi en vertu de la

même créance maritime ne peut être saisi à moins que :

a) La nature ou le montant de la sûreté déjà constituée en vertu de la

même créance ne soit pas suffisant; ou

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

89

b) Les dispositions du paragraphe 1 b) ou c) du présent article ne soient

applicables.

3. La "mainlevée" aux fins du présent article exclut tout départ ou toute

libération du navire de nature illégale.

Article 6

PROTECTION DES PROPRIÉTAIRES ET AFFRÉTEURS

EN DÉVOLUTION DE NAVIRES SAISIS

1. Le tribunal peut, comme condition à l'autorisation de saisir un navire ou de

maintenir une saisie déjà pratiquée, imposer au créancier saisissant ou ayant fait

saisir le navire l'obligation de constituer une sûreté sous une forme, pour un montant

et selon des conditions fixées par ce tribunal, à raison de toute perte causée par la

saisie susceptible d'être subie par le défendeur et dans laquelle la responsabilité du

créancier peut être prouvée, notamment mais non exclusivement, à raison de la perte

ou du dommage éventuels subis par le défendeur par suite :

a) D'une saisie abusive ou injustifiée; ou

b) D'une sûreté excessive demandée et constituée.

2. Les tribunaux de l'État dans lequel une saisie a été pratiquée sont

compétents pour déterminer l'étendue de la responsabilité éventuelle du créancier à

raison de pertes ou dommages causés par la saisie d'un navire, notamment mais non

exclusivement, de ceux qui seraient subis par suite :

a) D'une saisie abusive ou injustifiée; ou

b) D'une sûreté excessive demandée et constituée.

3. La responsabilité éventuelle du créancier, visée au paragraphe 2 du présent

article, est déterminée par application de la loi de l'État où la saisie a été pratiquée.

4. Au cas où le litige est, conformément aux dispositions de l'article 7, soumis

à l'examen au fond d'un tribunal d'un autre État ou d'un tribunal arbitral, la procédure

Page 89: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

90

relative à la responsabilité du créancier prévue au paragraphe 2 du présent article

peut être suspendue dans l'attente de la décision au fond.

5. Toute personne qui a constitué une sûreté en vertu des dispositions du

paragraphe 1 du présent article peut à tout moment demander au tribunal de réduire,

modifier ou annuler cette sûreté.

Article 7

COMPÉTENCE SUR LE FOND DU LITIGE

1. Les tribunaux de l'État dans lequel une saisie a été pratiquée ou une sûreté

constituée pour obtenir la libération du navire sont compétents pour juger le litige au

fond, à moins que les parties, de façon valable, ne conviennent ou ne soient

convenues de soumettre le litige au tribunal d'un autre État se déclarant compétent,

ou à l'arbitrage.

2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 du présent article, les

tribunaux de l'État dans lequel une saisie a été pratiquée, ou une sûreté constituée

pour obtenir la libération du navire, peuvent décliner leur compétence si le droit de

cet État le leur permet et si le tribunal d'un autre État se reconnaît compétent.

3. Lorsqu'un tribunal de l'État dans lequel une saisie a été pratiquée ou une

sûreté constituée pour obtenir la libération du navire :

a) N'est pas compétent pour statuer au fond sur le litige; ou

b) A décliné sa compétence en vertu des dispositions du paragraphe 2 du

présent article,

ce tribunal peut et, sur requête, doit fixer au créancier un délai pour engager la

procédure au fond devant un tribunal compétent ou une juridiction arbitrale.

4. Si, au terme du délai fixé conformément au paragraphe 3 du présent article,

la procédure au fond n'a pas été engagée, la mainlevée de la saisie ou de la sûreté

constituée est, sur requête, autorisée par ordonnance.

Page 90: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

91

5. Si la procédure est engagée avant le terme du délai fixé conformément au

paragraphe 3 du présent article, ou si la procédure devant un tribunal compétent ou

un tribunal arbitral d'un autre État est engagée en l'absence de fixation d'un délai,

toute décision définitive prononcée à l'issue de cette procédure est reconnue et prend

effet à l'égard du navire saisi ou de la sûreté constituée pour prévenir la saisie du

navire ou obtenir sa libération, à condition que :

a) Le défendeur ait été averti de cette procédure dans des délais

raisonnables et mis en mesure de présenter sa défense;

b) Cette reconnaissance ne soit pas contraire à l'ordre public.

6. Aucune des dispositions du paragraphe 5 du présent article ne limite la

portée d'un jugement ou d'une sentence arbitrale étrangers rendus selon la loi de

l'État où la saisie du navire a été pratiquée ou une sûreté constituée pour en obtenir la

libération.

Article 8

APPLICATION

1. La présente Convention est applicable à tout navire relevant de la

juridiction d'un État Partie, quel qu'il soit, et battant ou non pavillon d'un État Partie.

2. La présente Convention n'est pas applicable aux navires de guerre, navires

de guerre auxiliaires et autres navires appartenant à un État ou exploités par lui et

exclusivement affectés, jusqu'à nouvel ordre, à un service public non commercial.

3. La présente Convention ne porte atteinte à aucun des droits ou pouvoirs,

dévolus par une convention internationale, une loi ou réglementation interne à un

État ou à ses administrations, à un établissement public ou à une autorité portuaire,

de retenir un navire ou d'en interdire le départ dans le ressort de leur juridiction.

4. La présente Convention ne porte pas atteinte au pouvoir d'un État ou

tribunal de rendre des ordonnances applicables à la totalité du patrimoine d'un

débiteur.

Page 91: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

92

5. Aucune disposition de la présente Convention ne porte atteinte à

l'application de conventions internationales ni d'aucune loi interne leur donnant effet,

autorisant la limitation de responsabilité dans l'État où une saisie est pratiquée.

6. Aucune disposition de la présente Convention ne modifie ou ne concerne

les textes de loi en vigueur dans les États Parties relativement à la saisie d'un navire

dans la juridiction de l'État dont il bat pavillon, obtenue par une personne ayant sa

résidence habituelle ou son principal établissement dans cet État, ou par toute autre

personne qui a acquis une créance de ladite personne par voie de subrogation, de

cession, ou par tout autre moyen.

Article 9

NON-CRÉATION DE PRIVILÈGES MARITIMES

Aucune disposition de la présente Convention ne peut être interprétée comme

créant un privilège maritime.

Article 10

RÉSERVES

1. Un État peut, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation,

de l'approbation ou de l'adhésion, ou à tout moment par la suite, se réserver le droit

d'exclure du champ d'application de la présente Convention :

a) Les bâtiments autres que les navires de mer;

b) Les navires ne battant pas le pavillon d'un État Partie;

c) Les créances visées à l'alinéa s) du paragraphe 1 de l'article premier.

2. Un État qui est aussi Partie à un traité sur la navigation intérieure, peut

déclarer, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation ou de

l'approbation de la présente Convention ou de l'adhésion à celle-ci, que les

dispositions de ce traité concernant la compétence des tribunaux et la reconnaissance

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

93

et l'exécution de leurs décisions prévalent sur les dispositions de l'article 7 de la

présente Convention.

Article 11

DÉPOSITAIRE

La présente Convention est déposée auprès du Secrétaire général de

l'Organisation des Nations Unies.

Article 12

SIGNATURE, RATIFICATION, ACCEPTATION,

APPROBATION ET ADHÉSION

1. La présente Convention est ouverte à la signature des États au Siège de

l'Organisation des Nations Unies, à New York, du 1er septembre 1999 au 31 août

2000. Elle reste ensuite ouverte à l'adhésion.

2. Les États peuvent exprimer leur consentement à être liés par la présente

Convention par :

a) Signature sans réserve quant à la ratification, l'acceptation ou

l'approbation; ou

b) Signature sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation,

suivie de ratification, d'acceptation ou d'approbation; ou

c) Adhésion.

3. La ratification, l'acceptation, l'approbation ou l'adhésion s'effectuent par le

dépôt d'un instrument à cet effet auprès du dépositaire.

Article 13

ÉTATS AYANT PLUS D'UN RÉGIME JURIDIQUE

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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1. S'il possède deux ou plusieurs unités territoriales dans lesquelles des

régimes juridiques différents sont applicables pour ce qui est des matières traitées

dans la présente Convention, un État peut, au moment de la signature, de la

ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, déclarer que la

présente Convention s'applique à l'ensemble de ses unités territoriales ou seulement à

une ou plusieurs d'entre elles, et il peut modifier cette déclaration en présentant une

autre déclaration à tout moment.

2. La déclaration est notifiée au dépositaire et précise expressément les unités

territoriales auxquelles s'applique la Convention.

3. Dans le cas d'un État Partie qui possède deux ou plusieurs régimes

juridiques concernant la saisie conservatoire des navires applicables dans différentes

unités territoriales, les références dans la présente Convention au tribunal d'un État et

à la loi ou au droit d'un État sont considérées comme renvoyant , respectivement, au

tribunal et à la loi ou au droit de l'unité territoriale pertinente de cet État.

Article 14

ENTRÉE EN VIGUEUR

1. La présente Convention entre en vigueur six mois après la date à laquelle

10 États ont exprimé leur consentement à être liés par elle.

2. Pour un État qui exprime son consentement à être lié par la présente

Convention après que les conditions de son entrée en vigueur ont été remplies, ce

consentement prend effet trois mois après la date à laquelle il a été exprimé.

Article 15

RÉVISION ET AMENDEMENT

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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1. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies convoque une

conférence des États Parties pour réviser ou modifier la présente Convention, à la

demande d'un tiers des États Parties.

2. Tout consentement à être lié par la présente Convention exprimé après la

date d'entrée en vigueur d'un amendement à la présente Convent ion est réputé

s'appliquer à la Convention telle que modifiée.

Article 16

DÉNONCIATION

1. La présente Convention peut être dénoncée par l'un quelconque des États

Parties à tout moment à compter de la date à laquelle elle entre en vigueur à l'égard

de cet État.

2. La dénonciation s'effectue au moyen du dépôt d'un instrument de

dénonciation auprès du dépositaire.

3. La dénonciation prend effet un an après la date à laquelle le dépositaire a

reçu l'instrument de dénonciation ou à l'expiration de tout délai plus long énoncé

dans cet instrument.

Article 17

LANGUES

La présente Convention est établie en un seul exemplaire original en langues

anglaise, arabe, chinoise, espagnole, française et russe, chaque texte faisant

également foi.

FAIT à Genève, le douze mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.

EN FOI DE QUOI, les soussignés, dûment autorisés à cet effet par leurs

gouvernements respectifs, ont apposé leur signature à la présente Convention.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

96

ANNEXE 3

Loi n°67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer

Article 70

Abrogé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7

La saisie des navires est régie par des dispositions réglementaires particulières.

Article 71

Abrogé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7

En cas de saisie, l'adjudication du navire fait cesser les fonctions du capitaine, sauf à

lui à se pourvoir en dédommagement contre qui de droit.

ANNEXE 4

Page 96: Saisie conservatoire des navires

La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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Décret n°67-967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer du 27 octobre 1967

Chapitre VI

Saisie des navires

Section I. – Dispositions générales

Article 26 Abrogé par l’Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7

Lorsqu'il est avisé d'une saisie par la notification de la décision qui l'a autorisée, le service du port refuse l'autorisation de départ du navire.

Article 27 Abrogé par l’Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7

Nonobstant toute saisie, le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés peut autoriser le départ du navire pour un ou plusieurs voyages déterminés. Pour obtenir cette autorisation, le requérant doit fournir une garantie suffisante.

Article 28 Abrogé par l’Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7

Le président fixe le délai dans lequel le navire devra regagner le port de la saisie. Il peut ultérieurement modifier ce délai pour tenir compte des circonstances et, le cas échéant, autoriser le navire à faire des voyages.

Si, à l'expiration du délai fixé, le navire n'a pas rejoint son port, la somme déposée en garantie est acquise aux créanciers, sauf le jeu de l'assurance en cas de sinistre couvert par la police.

Section II. – Saisie conservatoire

Article 29

Modifié par le décret 71-161 1971-02-24 art. 1 JORF 3 mars 1971 Abrogé par l’Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7 La saisie conservatoire est autorisée par ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de commerce ou, à défaut, par le juge d'instance.

L'autorisation peut être accordée dès lors qu'il est justifié d'une créance paraissant fondée dans son principe.

Article 30 La saisie conservatoire empêche le départ du navire. Elle ne porte aucune atteinte aux droits du propriétaire.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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ANNEXE 5

Code des Transports – Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010

(Section 4 : Saisie)

Article L5114-20

Créé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. (V)

La saisie du navire est régie par les dispositions de la présente section.

Sous-section 1 : Dispositions communes Article L5114-21 Créé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. (V)

Le navire qui fait l'objet d'une saisie ne peut quitter le port, sauf autorisation donnée par le juge de l'exécution pour un ou plusieurs voyages déterminés, sur justification d'une garantie suffisante. Dans ce cas, si, à l'expiration du délai imparti par le juge, le navire n'a pas rejoint son port, la somme déposée en garantie est acquise aux créanciers, sauf le jeu de l'assurance en cas de sinistre couvert par la police.

Sous-section 2 : Saisie conservatoire Article L5114-22 Créé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. (V)

Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire d'un navire.

ANNEXE 6

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

99

Loi n°91-650 portant réforme des procédures civiles d’exécution

du 9 juillet 1991

Article 1 Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard.

Tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits.

L'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution.

Chapitre II : Dispositions générales

Section 1 : Les biens saisissables

Article 13

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu'ils seraient détenus par des tiers.

Elles peuvent également porter sur les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive. Les modalités propres à ces obligations s'imposent au créancier saisissant.

Article 14

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

Ne peuvent être saisis :

1° Les biens que la loi déclare insaisissables ;

2° Les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie ;

3° Les biens disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur, si ce n'est, avec la permission du juge et pour la portion qu'il détermine, par les créanciers postérieurs à l'acte de donation ou à l'ouverture du legs ;

4° Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat et sous réserve des dispositions du septième alinéa du présent article ; ils demeurent cependant saisissables s'ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s'ils sont des biens de valeur, en raison

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

100

notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux, s'ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou s'ils constituent des éléments corporels d'un fonds de commerce ;

5° Les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades.

Les biens visés au 4° ne peuvent être saisis, même pour paiement de leur prix, lorsqu'ils sont la propriété des bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance prévue aux articles 150 à 155 du code de la famille et de l'aide sociale.

Les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment de l'immeuble, sauf pour paiement de leur prix.

Chapitre IV : Dispositions spécifiques aux mesures conservatoires

Section 1 : Dispositions communes

Article 67

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.

Article 68

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

Une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeubles.

Article 69

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

L'autorisation est donnée par le juge de l'exécution. Toutefois, elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale.

A peine de nullité, le juge précise l'objet de la mesure autorisée.

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

101

En autorisant la mesure conservatoire, le juge peut décider de réexaminer sa décision ou les modalités de son exécution au vu d'un débat contradictoire.

Article 70

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

A peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier doit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, engager ou poursuivre une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire s'il n'en possède pas.

Article 71

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

La notification au débiteur de l'exécution de la mesure conservatoire interrompt la prescription de la créance cause de cette mesure.

Article 72

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

Même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut, à tout moment, au vu des éléments qui sont fournis par le débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article 67 ne sont pas réunies.

A la demande du débiteur, le juge peut, le créancier entendu ou appelé, substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties.

La constitution d'une caution bancaire irrévocable conforme à la mesure sollicitée dans la saisie entraîne mainlevée de la mesure de sûreté, sous réserve des dispositions de l'article 70.

Article 73

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

Les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur sauf décision contraire du juge à l'issue de la procédure.

Lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.

Section 2 : Les saisies conservatoires.

Article 74

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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La saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur. Elle les rend indisponibles.

Article 75

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

Lorsque la saisie porte sur une créance ayant pour objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n'est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée. La saisie emporte de plein droit consignation des sommes indisponibles et produit les effets prévus à l'article 2075-1 du code civil.

Sous réserve des dispositions de l'alinéa précédent, un bien peut faire l'objet de plusieurs saisies conservatoires.

Les dispositions de l'article 47 sont applicables en cas de saisie conservatoire pratiquée entre les mains d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt.

Article 76

Modifié par Loi n°92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3 JORF 14 juillet 1992

Le créancier qui a obtenu ou possède un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la vente des biens qui ont été rendus indisponibles jusqu'à concurrence du montant de sa créance.

Si la saisie conservatoire porte sur une créance, le créancier, muni d'un titre exécutoire, peut en demander le paiement. Cette demande emporte attribution immédiate de la créance saisie jusqu'à concurrence du montant de la condamnation et des sommes dont le tiers saisi s'est reconnu ou a été déclaré débiteur.

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ANNEXE 7

Décret n°92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux

procédures civiles d’exécution pour l’application de la loi n°91-650 du 9 juillet

1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution

TITRE II : Dispositions générales

CHAPITRE Ier : Les biens saisissables.

Article 38

Tous les biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels appartenant au débiteur peuvent faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée ou d'une mesure conservatoire, si ce n'est dans les cas où la loi prescrit ou permet leur insaisissabilité.

Section I : Les biens mobiliers corporels et les créances.

Article 39

Modifié par décret n°97-375 du 17 avril 1997 - art. 1 JORF 20 avril 1997 Pour l'application de l'article 14 (4°) de la lo i du 9 juillet 1991, sont insaisissables comme étant nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille :

Les vêtements ;

La literie ;

Le linge de maison ;

Les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l'entretien des lieux ;

Les denrées alimentaires ;

Les objets de ménage nécessaires à la conservation, à la préparation et à la consommation des aliments ;

Les appareils nécessaires au chauffage ;

La table et les chaises permettant de prendre les repas en commun ;

Un meuble pour abriter le linge et les vêtements et un meuble pour ranger les objets ménagers ;

Une machine à laver le linge ;

Les livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle ;

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Les objets d'enfants ;

Les souvenirs à caractère personnel ou familial ;

Les animaux d'appartement ou de garde ;

Les animaux destinés à la subsistance du saisi, ainsi que les denrées nécessaires à leur élevage ;

Les instruments de travail nécessaires à l'exercice personnel de l'activité professionnelle.

Un poste téléphonique permettant l'accès au service téléphonique fixe.

Article 40

Toutefois, les biens énumérés à l'article précédent restent saisissables dans les conditions prévues à l'article 14 (4°) de la loi du 9 juillet 1991.

TITRE X : Les mesures conservatoires et les sûretés judiciaires

CHAPITRE Ier : Dispositions communes

Section I : Les conditions de validité.

Article 210

Tout créancier peut, par requête, demander au juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire s'il se prévaut d'une créance qui paraît fondée en son principe et si les circonstances sont susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Sauf dans les cas prévus à l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991, une autorisation préalable du juge est nécessaire.

Article 211

Le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur.

Toutefois, si la mesure tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence d'une juridiction commerciale, elle peut être autorisée, avant tout procès, par le président du tribunal de commerce de ce même lieu.

Toute clause contraire est réputée non avenue. Le juge saisi doit relever d'office son incompétence.

Article 212

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A peine de nullité de son ordonnance, le juge détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et précise la nature des biens sur lesquels elle porte.

Article 213

Si le juge se réserve de réexaminer sa décision ou ses modalités d'exécution au vu d'un débat contradictoire, il fixe la date de l'audience, sans préjudice du droit pour le débiteur de le saisir à une date plus rapprochée.

Le débiteur est assigné par le créancier, le cas échéant, dans l'acte qui dénonce la saisie.

Article 214

L'autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n'a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l'ordonnance.

Article 215

Si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.

Toutefois, en cas de rejet d'une requête en injonction de payer présentée dans le délai imparti à l'alinéa précédent, le juge du fond peut encore être valablement saisi dans le mois qui suit l'ordonnance de rejet.

Article 216

Lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d'un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l'article 215, dans un délai de huit jours à compter de leur date. A défaut, la mesure conservatoire est caduque.

Section II : Les contestations

Article 217 Si les conditions prescrites aux articles 210 à 216 ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure peut être ordonnée à tout moment, même dans les cas où l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 permet que cette mesure soit prise sans autorisation du juge.

Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.

Article 218

La demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure. Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la demande est portée devant le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur, si ce n'est lorsque la mesure est fondée

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sur une créance relevant de la compétence d'une juridiction commerciale, auquel cas la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.

Article 219

Les autres contestations, notamment celles relatives à l'exécution de la mesure, sont portées devant le juge de l'exécution du lieu où sont situés les biens saisis.

CHAPITRE II : Les saisies conservatoires.

Article 220

Sur présentation, selon le cas, de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet une mesure conservatoire, une saisie peut être pratiquée sur les biens meubles corporels ou incorporels appartenant au débiteur, même s'ils sont détenus par un tiers ou s'ils ont fait l'objet d'une saisie conservatoire antérieure.

Section I : La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels

Sous-section 1 : Opérations de saisie.

Article 221

Modifié par décret n°2004-836 du 20 août 2004 - art. 57 JORF 22 août 2004 en vigueur le 1er janvier 2005

Après avoir rappelé au débiteur qu'il est tenu de lui indiquer les biens qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure et de lui en communiquer le procès-verbal, l'huissier de justice dresse un acte de saisie.

Cet acte contient, à peine de nullité :

1° La mention de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ; ces documents sont annexés à l'acte ; toutefois, s'il s'agit d'une obligation notariée ou d'une créance de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre, ainsi que du montant de la dette ;

2° La désignation détaillée des biens saisis ;

3° Si le débiteur est présent, sa déclaration au sujet d'une éventuelle saisie antérieure sur les mêmes biens ;

4° La mention, en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu'ils sont placés sous la garde du débiteur, qu'ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, si ce n'est dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 91, sous peine des sanctions prévues à l'article 314-6 du code pénal, et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie sur les mêmes biens ;

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La saisie conservatoire des navires Année universitaire 2010-2011

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5° La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d'en demander la mainlevée au juge de l'exécution du lieu de son domicile ;

6° La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l'exécution de la saisie ;

7° L'indication, le cas échéant, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles doivent apposer leur signature sur l'original et les copies ; en cas de refus, il en est fait mention dans l'acte ;

8° La reproduction de l'article 314-6 du code pénal et celle des articles 210 à 219 du présent décret.

Il peut être fait application des dispositions de l'article 90.

Article 222

Si le débiteur est présent aux opérations de saisie, l'huissier de justice lui rappelle verbalement le contenu des mentions des 4° et 5° de l'article 221. Une copie de l'acte portant les mêmes signatures que l'original lui est immédiatement remise ; cette remise vaut signification.

Lorsque le débiteur n'a pas assisté aux opérations de saisie, une copie de l'acte lui est signifiée, en lui impartissant un délai de huit jours pour qu'il porte à la connaissance de l'huissier de justice toute information relative à l'existence d'une éventuelle saisie antérieure et qu'il lui en communique le procès-verbal.

Article 223

Les dispositions des articles 92 et 97 sont applicables à la saisie conservatoire des meubles corporels.

Article 224

Si la saisie conservatoire est pratiquée entre les mains d'un tiers, il est procédé comme il est dit aux articles 99 à 106, sauf en ce qui concerne l'alinéa premier de l'article 99 et l'article 103 qui ne sont pas applicables.

L'acte de saisie est signifié au débiteur dans un délai de huit jours. Il contient en outre, à peine de nullité :

1° Une copie de l'autorisation du juge ou du titre, selon le cas, en vertu duquel la saisie a été pratiquée ;

2° La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d'en demander la nullité au juge de l'exécution du lieu de son propre domicile ;

3° La reproduction des articles 210 à 219.

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Article 225

Les incidents relatifs à l'exécution de la saisie sont soumis, en tant que de besoin, aux dispositions des articles 126 à 133.

Sous-section 2 : Conversion en saisie-vente.

Article 226

Le créancier qui obtient un titre exécutoire constatant l'existence de sa créance signifie au débiteur un acte de conversion qui contient, à peine de nullité :

1° La référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;

2° L'énonciation du titre exécutoire ;

3° Le décompte distinct des sommes à payer, en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l'indication du taux des intérêts ;

4° Un commandement d'avoir à payer cette somme dans un délai de huit jours, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis.

La conversion peut être signifiée dans le même acte que le jugement.

Si la saisie a été effectuée entre les mains d'un tiers, une copie de l'acte de conversion est dénoncée à ce dernier.

Article 227

A l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la date de l'acte de conversion, l'huissier de justice procède à la vérification des biens saisis. Il est dressé acte des biens manquants ou dégradés.

Dans cet acte, il est donné connaissance au débiteur qu'il dispose d'un délai d'un mois pour vendre à l'amiable les biens saisis dans les conditions prescrites aux articles 107 à 109 qui sont reproduits.

Article 228

Si les biens ne se retrouvent plus au lieu où ils avaient été saisis, l'huissier de justice fait injonction au débiteur de l'informer dans un délai de huit jours du lieu où ils se trouvent et, s'ils ont fait l'objet d'une saisie-vente, de lui communiquer le nom et l'adresse, soit de l'huissier de justice qui y a procédé, soit du créancier pour le compte de qui elle a été diligentée.

A défaut de réponse, le créancier saisit le juge de l'exécution qui peut ordonner la remise de ces informations sous astreinte, le tout sans préjudice d'une action pénale pour détournement de biens saisis.

Article 229

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A défaut de vente amiable dans le délai prévu, il est procédé à la vente forcée des biens saisis.

Sous-section 3 : Pluralité de saisies.

Article 230

L'huissier de justice qui procède à une saisie conservatoire sur des biens rendus indisponibles par une ou plusieurs saisies conservatoires antérieures signifie une copie du procès-verbal de saisie à chacun des créanciers dont les diligences sont antérieures aux siennes.

Article 231

Si des biens saisis à titre conservatoire font ensuite l'objet d'une saisie-vente, l'huissier de justice signifie le procès-verbal de saisie aux créanciers qui ont pratiqué antérieurement les saisies conservatoires.

De même, l'acte de conversion d'une saisie conservatoire en saisie-vente doit être signifié aux créanciers qui, avant cette conversion, ont saisi les mêmes biens à titre conservatoire.

Article 232

Si le débiteur présente des propositions de vente amiable, le créancier saisissant qui les accepte en communique la teneur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, aux créanciers qui ont saisi les mêmes biens à titre conservatoire, soit avant l'acte de saisie, soit avant l'acte de conversion, selon le cas. A peine de nullité, la lettre reproduit en caractères très apparents les trois alinéas qui suivent.

Chaque créancier doit, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre, prendre parti sur les propositions de vente amiable et faire connaître au créancier saisissant la nature et le montant de sa créance.

A défaut de réponse dans le délai imparti, le créancier est réputé avoir accepté les propositions de vente.

Si, dans le même délai, il ne fournit aucune indication sur la nature et le montant de sa créance, il perd le droit de concourir à la distribution des deniers résultant de la vente amiable, sauf à faire valoir ses droits sur un solde éventuel après la répartition.

Article 233

Le créancier saisissant qui fait procéder à l'enlèvement des biens en vue de leur vente forcée doit en informer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les créanciers qui ont pratiqué une saisie conservatoire sur les mêmes biens avant l'acte de saisie ou l'acte de conversion, selon le cas. A peine de nullité, cette lettre

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indique le nom et l'adresse de l'officier ministériel chargé de la vente et reproduit en caractères très apparents l'alinéa qui suit.

Chaque créancier doit, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre, faire connaître à l'officier ministériel chargé de la vente, la nature et le montant de sa créance au jour de l'enlèvement. A défaut de réponse dans le délai imparti, il perd le droit de concourir à la distribution des deniers résultant de la vente forcée, sauf à faire valoir ses droits sur un solde éventuel après répartition.