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samedi 21 - dimanche 22 janvier 2012 LE FIGARO A 14 sciences l focus Pénuri i e é écon con on c omi omi om que que d’ d’ d’ d’ eau eau u eau (ré (r (r gio io ions ns ns ne ne ne dis dis dispos pos posant ant ant pa pa pasd d d s d s des es es inf inf f inf inf ras s ras rastru tru tru tru ctu ctu ctures res res (ré o o o s s s e dis s posa a a a as s s es as ast t t t t t es es s (ré é ég g g a p p p de poure l xploit oiter r l’ l’ l’e leau au d des d des ri i ri riviè vi vières res res) ) ) ) ) néc é é ess ess essair air ir air es es es es pou u pou po r r r expl xpl xploit oit er leau des ri riviè vières res) ) x x x es es es es er es s x e ex x t t o o o p po po po p p e e e e è è e e e e éc s essa a ) ) es a es d d d e Pénurie économique d’eau (régions ne disposant pas des infrastructures nécessaires pour exploiter l’eau des rivières) Peu ou pas de pénurie d’eau (- de 25% des eaux de rivières prélevés pour les besoins humains) non estimé Source : Analyses réalisée par IWMI pour l’Evaluation globale de la gestion de l’eau en agriculture (selon modèle Watersim) Accès à l’eau : de la réalité physique à l’enjeu économique Pénurie d’eau imminente (+ de 60% des eaux de rivières prélevés pour les besoins humains) Pénurie physique d’eau (+ de 75% des eaux de rivières prélevés pour les besoins humains) AGRICULTURE* RICU CULTU LTUR 95% EAU POTABLE et INDUSTRIE 5% *y compris l’eau utilisée pour la production des aliments D e m a n d e m o n d i a l e e n e a u L es précipitations continentales (pluie, neige) sont le patrimoine d’eau douce de l’humanité. Mais ce capital, évalué à 110 000 mil- liards de mètres cubes par an (Mds m 3 / an), est inégalement réparti. Les régions arides, qui en reçoivent peu, sont sou- mises à un stress hydrique permanent. On parle alors de pénurie physique. Mais le manque d’eau a aussi une origine éco- nomique. C’est le cas dans de nombreu- ses régions, pourtant bien arrosées, où l’insuffisance des infrastructures hy- drauliques engendre la pénurie. Résul- tat : en 2012, un Terrien sur sept n’a pas accès à une eau potable de qualité. À l’échelle globale, 64 % des précipi- tations sont reprises par évapotranspi- ration** : 57 % dans les forêts, prairies, zones humides et seulement 7 % sur les terres cultivées. Les 36 % restants ali- mentent les écoulements : rivières et nappes souterraines dans lesquelles l’irrigation, pratiquée sur 300 millions d’hectares (Mha), représente la majeu- re partie des prélèvements (70 % soit 2 800 Mds m 3 /an). Les villes, les indus- tries et l’hydroélectricité utilisent le reste (1 200 Mds m 3 ). Plus de 60 % de ces écoulements sont partagés par 150 pays sur plus de 500 fleuves et aqui- fères transfrontaliers. La communauté internationale n’a pu encore s’entendre sur les principes universels d’utilisation de ces ressources et de prévention des conflits : la convention adoptée à cet ef- fet par les Nations unies en 1997 n’est toujours pas en vigueur. Les quantités d’eau consommées par l’agriculture pluviale (non irriguée) et irriguée pour la production des besoins alimentaires de l’humanité représen- tent 95 % de notre demande en eau to- tale, le reste est utilisé par l’eau potable et les industries. De nombreux pays ne produisent pas toute leur alimentation et en importent une part, pour certains très importante, sous forme d’eau vir- tuelle (quantité d’eau mobilisée pour produire les aliments). Les flux atteints par cette eau virtuelle (1 600 Mds m 3 / an) traduisent la mondialisation des ressources en eau. Les pays fortement dépendants n’en éprouvent pas de stress particulier s’ils ont un pouvoir économique suffisant. En revanche, et pour réduire leur facture alimentaire, les moins riches doivent nécessaire- ment optimiser ces flux en développant des capacités locales de production et de stockage de produits alimentaires jugés stratégiques. Des réformes radicales Du fait de la croissance démographique, la demande alimentaire mondiale pourrait doubler d’ici à 2050 (Le Figaro du 17 au 18 décembre 2011). Or les res- sources en eau sont déjà fortement entamées par l’irrigation avec de forts impacts sur l’environnement : surex- ploitation des eaux souterraines (20 millions de puits en Inde !), salinisa- tion des sols (20 Mha affectés), artificia- lisation des rivières et fragilisation des zones humides, dégradation de la quali- té de l’eau. Pour ne rien arranger, le ré- chauffement climatique devrait exa- cerber la situation. Comment, dans ces conditions, continuer à subvenir aux besoins crois- sants de l’irrigation qui permet de pro- duire 40 % de l’alimentation mondiale sur seulement 20 % des terres cultiva- bles ? Les prélèvements d’eau et les su- perficies irriguées devraient en consé- quence croître fortement, en particulier dans les pays qui souffrent déjà de stress hydrique. Sans changement majeur, ce sera difficile. Des réformes radicales vont devoir être mises en œuvre : irri- gation localisée, plantes économes en eau, tarification juste, adhésion des agriculteurs. L’objectif est de produire plus avec moins d’eau, tout en préser- vant les écosystèmes. De son côté, l’agriculture pluviale s’étend sur 1 300 Mha. Elle représente à l’échelle mondiale 80 % des surfaces cultivées (90 % à 95 % au Maghreb et en Afrique subsaharienne) et produit 60 % des aliments de la planète. Dans certaines régions d’Europe et d’Améri- que du Nord, il est possible de dévelop- per des cultures pluviales à haut rende- ment. Mais dans de nombreux pays arides, les rendements agricoles subis- sent des variations dramatiques dues aux aléas climatiques. Dans ces situa- tions, il faut renforcer les capacités tra- ditionnelles d’adaptation à la sécheres- se : cultures en terrasses, banquettes anti-érosives, zones d’épandage de crues pour l’irrigation et la recharge des nappes, variétés résistantes à la séche- resse (voir article ci-dessous). L’industrie est le secteur d’activité dont la demande en eau est appelée à s’accroître le plus en raison de l’équipe- ment des pays émergents. Pour satisfai- re tous ces nouveaux besoins, il faudra développer des ressources alternatives. Actuellement, le recyclage concerne 7 Mds m 3 /an, soit 4 % des eaux usées urbaines collectées et traitées, offrant une perspective intéressante, notam- ment en agriculture. Le dessalement des eaux saumâtres et de l’eau de mer produit 8 Mds m 3 /an, ce qui représente 0,2 % de l’eau douce consommée dans le monde. Les coûts de production de- venant compétitifs, cette ressource pourrait doubler d’ici à 2020, même si son coût énergétique et son impact éco- logique (rejets de saumures) demeurent élevés. L’eau potable pour tous Autre sujet crucial : l’alimentation des villes en eau potable a toujours été une priorité absolue. Si le monde était à 70 % rural en 1950, il sera à 70 % urbain en 2050. L’explosion démographique urbaine qui s’annonce dans les pays en développement fait craindre de nou- velles pénuries : les villes y compteront plus de 5 milliards d’habitants en 2050. Il faudra donc chercher l’eau toujours plus loin et recourir davantage au des- salement, quitte à augmenter la facture de l’eau pour des collectivités parfois dépourvues des moyens nécessaires. Le devoir de coopération internationale est ici primordial, faute de quoi la géné- reuse résolution 64/292 des Nations unies de juillet 2010 reconnaissant le droit à l’eau potable pour tous resterait lettre morte. *À écouter sur Canal Académie www.academie-sciences.fr) dans l’émission « Quelle gestion de l’eau en Tunisie, au Sénégal et au Burkina Faso ? » avec Doudou Ba et Vincent Dabilgou. **Transfert du sol vers l’atmosphère par évaporation et transpiration des plantes. En partenariat avec Christian Dumas BIOLOGISTE, MEMBRE DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES * L a vie et l’eau sont indissociables, tant chez les animaux que chez les végétaux. C’est d’ailleurs tard au cours de l’évolution que cer- tains organismes aquatiques sont parve- nus à affronter la terre ferme. Chez les animaux terrestres, le système circulatoire fermé est une réminiscence de ce milieu aquatique originel. Par op- position, l’eau transite chez les plantes qui l’absorbent par leurs racines et l’éli- minent par évaporation au niveau de leurs feuilles, créant ainsi un système ouvert. Cette évaporation est le résultat d’un rejet d’eau sous forme gazeuse par de microscopiques orifices foliaires : les stomates. La circulation ascendante, des racines jusqu’au sommet des tiges, résul- te d’une poussée racinaire et surtout d’une aspiration par le feuillage qui constitue une véritable pompe. Les plan- tes, fixées par leurs racines, sont assujet- ties aux variations du milieu, notamment la déshydratation. En période estivale, ce stress peut se traduire par la fanaison. Le phénomène de reviviscence Les végétaux ont élaboré deux grandes stratégies pour ne pas succomber au manque d’eau. La première consiste à former des graines, structures déshydra- tées adaptées à surmonter des conditions hostiles, comme c’est le cas en hiver sous nos latitudes. Lorsque les conditions re- deviennent favorables, les graines ger- ment et le cycle de la vie redémarre. Le second mode se rencontre chez des végé- taux comme les mousses ou les lichens capables de se dessécher et de se réhy- drater. Ce phénomène de reviviscence s’observe chez les plantes dites de la « ré- surrection ». Les plantes à fleurs ont le plus souvent recours à d’autres mécanismes adapta- tifs. C’est ainsi que certaines espèces per- dent leurs feuilles pendant la saison sèche et stockent l’eau dans leurs tiges ou leurs organes souterrains. D’autres réduisent leurs feuilles sous forme d’épines (cac- tées) quand d’autres les protègent par des poils formant un manchon d’air protec- teur au niveau de leurs stomates, ces der- niers se fermant le jour pour limiter les pertes d’eau. Au sein d’une même espèce, certains individus résistent aux stress hydriques répétés quand d’autres disparaissent. À l’échelle de l’évolution biologique (quelques centaines de milliers à quel- ques millions d’années), ces stress génè- rent des mutations qui confèrent à la plante la capacité de résister au manque d’eau. Un enjeu agronomique majeur consiste donc à identifier ces gènes mutés afin de les introduire dans des variétés cultivées pour les rendre tolérantes ou résistantes à la sécheresse. Sous nos cli- mats, les céréales de printemps et de nombreuses variétés cultivées n’ont pas trop à souffrir de ce stress. A contrario, les espèces qui fleurissent en été, comme le maïs, ou celles qui poussent sous des climats arides nécessitent soit des varié- tés adaptées soit de l’irrigation. Stress hydrique Blé, riz et maïs représentent 60 % de l’alimentation mondiale. Des recherches ont abouti à la création de maïs transgé- niques plus résistants à la sécheresse et cultivés dans certains pays, comme l’Afrique du Sud. D’autres voies de sélec- tion plus conventionnelles, avec recher- che systématique des nombreux gènes impliqués dans la résistance au stress hy- drique existent, mais sont plus lentes à mettre en œuvre car beaucoup plus com- plexes. Les enjeux sont importants et les stratégies envisagées pour trouver des solutions économiquement et sociale- ment satisfaisantes sont encore sujettes à polémique, notamment en Europe où les sécheresses ne constituent pas, sauf cer- taines années, un problème majeur. Il reste que l’agriculture consomme beau- coup d’eau et qu’importer ou exporter des matières premières agricoles revient à échanger de l’eau « virtuelle » ! * À écouter sur Canal Académie (www.academie-sciences.fr) dans l’émission « L’Ingéniosité des plantes pour assurer leur survie dans les conditions extrêmes ». L’ eau, l’assainissement et l’hygiène sont les fonde- ments oubliés de la santé. Alors que près de 80 % de la population mondiale a désormais ac- cès à l’eau, 40 % de cette population (soit 2,6 milliards d’individus) est dé- pourvue de structures sanitaires de base. La défécation en plein air est en- core pratiquée par 20 % des êtres hu- mains et 300 millions de tonnes d’ex- créments polluent chaque année rivières, mers et lacs. Cet état dramatique a un impact im- portant sur la santé humaine : plus de 20 maladies sont transmissibles par l’eau, au premier rang desquelles les diarrhées qui sont l’une des principales causes de la mortalité infantile avant 5 ans (1,5 million de morts par an, soit 5 000 par jour !), les hépatites A et E, les salmonelloses, sans oublier le cho- léra dont les épidémies ressurgissent régulièrement. Cette situation n’est pas le seul apa- nage des pays en développement. En Europe (notamment l’Est et le Sud), 120 millions de personnes n’ont pas ac- cès à des équipements sanitaires de base. Dans la seule région méditerra- néenne, 47 millions d’individus sont dépourvus de structures d’hygiène dont 25 % des foyers ruraux. Résultat : les diarrhées et les maladies transmises par l’eau y sont responsables de 12 % de la mortalité infantile, soit 14 000 dé- cès annuels. Outre les impacts directs sur la santé auxquels s’ajoutent les risques liés aux polluants organiques et aux micropol- luants, les impacts socio-économiques ou sur l’éducation (absentéisme scolai- re, en particulier chez les filles) font que les stratégies d’assainissement sont l’une des toutes premières priorités du développement (priorité 7 des objectifs du millénaire). Elles dépendent aussi bien d’une volonté politique ferme que de budgets appropriés et parfaitement supportables. Elles reposent enfin sur une triade indissociable : qualité des ressources en eau, équipements sani- taires (notamment en milieu rural et en milieu scolaire), éducation continue à l’hygiène *. * Une récente conférence internationale, organisée par le Groupe interacadémique pour le développement (GID) de l’Acadé- mie des sciences à Rabat : Parmenides 4 « Eau et assainissement » : enjeux et risques sanitaires en Méditerranée a permis l’élaboration des recommanda- tions essentielles (gid. org). Tous les mois dans Le Figaro, des membres de l’Académie des sciences répondent auxgrandes questions de l’actualité scientifique. Mustapha Besbes HYDROLOGUE, MEMBRE ASSOCIÉ ÉTRANGER DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES * André Capron BIOLOGISTE, MEMBRE DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES Du gel conforme dans certaines prothèses PIP www.lefigaro.fr

samedi21-dimanche22janvier2012 sciences lfocus En · Les flux atteints par cette eau ... stomates. La circulation ascendante, des racinesjusqu’ausommetdestiges,résul- ... individus

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samedi 21 - dimanche 22 janvier 2012 LE FIGARO

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14 sciences l focus

Pénuriie ée éconconconc omiomiom quequeq d’ d’ d’d’eaueauueau(ré(r(r gioioionsnsns nenene disdisdisposposposantantant pa pa pas ddds ds deses es infinffinfinf srassrasrastrutrutruutrutructuctucturesresres(rég ooo sss e dis sposaaa aasss es asasttt ttt esess

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Pénurie économique d’eau(régions ne disposant pas des infrastructuresnécessaires pour exploiter l’eau des rivières)

Peu ou pas de pénurie d’eau(- de 25% des eaux de rivières prélevéspour les besoins humains)

non estimé

Source : Analyses réalisée par IWMI pour l’Evaluation globale de la gestion de l’eau

en agriculture (selon modèle Watersim)

Accès à l’eau : de la réalité physique à l’enjeu économique

Pénurie d’eau imminente(+ de 60% des eaux de rivières prélevéspour les besoins humains)

Pénurie physique d’eau(+ de 75% des eaux de rivières prélevéspour les besoins humains)

AGRICULTURE*RICUCULTULTUR95%

EAU POTABLE et INDUSTRIE

5%

*y compris l’eauutilisée pour la production des aliments

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ande mondiale en eau

Les précipitations continentales(pluie, neige) sont le patrimoined’eau douce de l’humanité. Maisce capital, évalué à 110 000 mil-

liards de mètres cubes par an (Mds m3/an), est inégalement réparti. Les régionsarides, qui en reçoivent peu, sont sou-mises à un stress hydrique permanent.On parle alors de pénurie physique. Maisle manque d’eau a aussi une origine éco-nomique. C’est le cas dans de nombreu-ses régions, pourtant bien arrosées, oùl’insuffisance des infrastructures hy-drauliques engendre la pénurie. Résul-tat : en 2012, un Terrien sur sept n’a pasaccès à une eau potable de qualité.À l’échelle globale, 64 % des précipi-

tations sont reprises par évapotranspi-ration** : 57 % dans les forêts, prairies,zones humides et seulement 7 % sur lesterres cultivées. Les 36 % restants ali-mentent les écoulements : rivières etnappes souterraines dans lesquellesl’irrigation, pratiquée sur 300 millionsd’hectares (Mha), représente la majeu-re partie des prélèvements (70 % soit2 800 Mds m3/an). Les villes, les indus-tries et l’hydroélectricité utilisent lereste (1 200 Mds m3). Plus de 60% deces écoulements sont partagés par150 pays sur plus de 500 fleuves et aqui-fères transfrontaliers. La communautéinternationale n’a pu encore s’entendre

sur les principes universels d’utilisationde ces ressources et de prévention desconflits : la convention adoptée à cet ef-fet par les Nations unies en 1997 n’esttoujours pas en vigueur.Les quantités d’eau consommées par

l’agriculture pluviale (non irriguée) etirriguée pour la production des besoinsalimentaires de l’humanité représen-tent 95 % de notre demande en eau to-tale, le reste est utilisé par l’eau potableet les industries. De nombreux pays neproduisent pas toute leur alimentationet en importent une part, pour certainstrès importante, sous forme d’eau vir-tuelle (quantité d’eau mobilisée pourproduire les aliments). Les flux atteintspar cette eau virtuelle (1 600 Mds m3/an) traduisent la mondialisation desressources en eau. Les pays fortementdépendants n’en éprouvent pas destress particulier s’ils ont un pouvoiréconomique suffisant. En revanche, etpour réduire leur facture alimentaire,les moins riches doivent nécessaire-ment optimiser ces flux en développantdes capacités locales de production etde stockage de produits alimentairesjugés stratégiques.

Des réformes radicales

Du fait de la croissance démographique,la demande alimentaire mondialepourrait doubler d’ici à 2050 (Le Figarodu 17 au 18 décembre 2011). Or les res-sources en eau sont déjà fortemententamées par l’irrigation avec de fortsimpacts sur l’environnement : surex-ploitation des eaux souterraines(20millions de puits en Inde !), salinisa-tion des sols (20Mha affectés), artificia-lisation des rivières et fragilisation deszones humides, dégradation de la quali-té de l’eau. Pour ne rien arranger, le ré-chauffement climatique devrait exa-cerber la situation.Comment, dans ces conditions,

continuer à subvenir aux besoins crois-

sants de l’irrigation qui permet de pro-duire 40% de l’alimentation mondialesur seulement 20 % des terres cultiva-bles ? Les prélèvements d’eau et les su-perficies irriguées devraient en consé-quence croître fortement, en particulierdans les pays qui souffrent déjà de stresshydrique. Sans changement majeur, cesera difficile. Des réformes radicalesvont devoir être mises en œuvre : irri-gation localisée, plantes économes eneau, tarification juste, adhésion desagriculteurs. L’objectif est de produireplus avec moins d’eau, tout en préser-vant les écosystèmes.De son côté, l’agriculture pluviale

s’étend sur 1 300 Mha. Elle représente àl’échelle mondiale 80 % des surfacescultivées (90 % à 95 % au Maghreb eten Afrique subsaharienne) et produit

60 % des aliments de la planète. Danscertaines régions d’Europe et d’Améri-que du Nord, il est possible de dévelop-per des cultures pluviales à haut rende-ment. Mais dans de nombreux paysarides, les rendements agricoles subis-sent des variations dramatiques duesaux aléas climatiques. Dans ces situa-tions, il faut renforcer les capacités tra-ditionnelles d’adaptation à la sécheres-se : cultures en terrasses, banquettesanti-érosives, zones d’épandage decrues pour l’irrigation et la recharge desnappes, variétés résistantes à la séche-resse (voir article ci-dessous).L’industrie est le secteur d’activité

dont la demande en eau est appelée às’accroître le plus en raison de l’équipe-ment des pays émergents. Pour satisfai-re tous ces nouveaux besoins, il faudradévelopper des ressources alternatives.Actuellement, le recyclage concerne7 Mds m3/an, soit 4 % des eaux uséesurbaines collectées et traitées, offrantune perspective intéressante, notam-

ment en agriculture. Le dessalementdes eaux saumâtres et de l’eau de merproduit 8 Mds m3/an, ce qui représente0,2 % de l’eau douce consommée dansle monde. Les coûts de production de-venant compétitifs, cette ressourcepourrait doubler d’ici à 2020, même sison coût énergétique et son impact éco-logique (rejets de saumures) demeurentélevés.

L’eau potable pour tous

Autre sujet crucial : l’alimentation desvilles en eau potable a toujours été unepriorité absolue. Si le monde était à70 % rural en 1950, il sera à 70%urbainen 2050. L’explosion démographiqueurbaine qui s’annonce dans les pays endéveloppement fait craindre de nou-velles pénuries : les villes y compterontplus de 5 milliards d’habitants en 2050.Il faudra donc chercher l’eau toujoursplus loin et recourir davantage au des-salement, quitte à augmenter la facturede l’eau pour des collectivités parfoisdépourvues des moyens nécessaires. Ledevoir de coopération internationaleest ici primordial, faute de quoi la géné-reuse résolution 64/292 des Nationsunies de juillet 2010 reconnaissant ledroit à l’eau potable pour tous resteraitlettremorte. �

*À écouter sur Canal Académiewww.academie-sciences.fr)dans l’émission «Quelle gestionde l’eau en Tunisie, au Sénégalet au Burkina Faso ?»avec Doudou Ba et Vincent Dabilgou.**Transfert du sol vers l’atmosphèrepar évaporation et transpirationdes plantes.

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Enpartenariat

avec

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BIOLOGISTE, MEMBREDE L’ACADÉMIEDES SCIENCES *

La vie et l’eau sont indissociables,tant chez les animaux que chezles végétaux. C’est d’ailleurs tardau cours de l’évolution que cer-

tains organismes aquatiques sont parve-nus à affronter la terre ferme.

Chez les animaux terrestres, le systèmecirculatoire fermé est une réminiscencede ce milieu aquatique originel. Par op-position, l’eau transite chez les plantesqui l’absorbent par leurs racines et l’éli-minent par évaporation au niveau deleurs feuilles, créant ainsi un systèmeouvert. Cette évaporation est le résultatd’un rejet d’eau sous forme gazeuse parde microscopiques orifices foliaires : lesstomates. La circulation ascendante, desracines jusqu’au sommet des tiges, résul-te d’une poussée racinaire et surtoutd’une aspiration par le feuillage quiconstitue une véritable pompe. Les plan-tes, fixées par leurs racines, sont assujet-ties aux variations dumilieu, notammentla déshydratation. En période estivale, cestress peut se traduire par la fanaison.

Le phénomène de reviviscence

Les végétaux ont élaboré deux grandesstratégies pour ne pas succomber aumanque d’eau. La première consiste àformer des graines, structures déshydra-tées adaptées à surmonter des conditionshostiles, comme c’est le cas en hiver sousnos latitudes. Lorsque les conditions re-deviennent favorables, les graines ger-ment et le cycle de la vie redémarre. Lesecondmode se rencontre chezdes végé-taux comme les mousses ou les lichenscapables de se dessécher et de se réhy-drater. Ce phénomène de reviviscences’observe chez les plantes dites de la« ré-surrection ».

Les plantes à fleurs ont le plus souventrecours à d’autres mécanismes adapta-tifs. C’est ainsi que certaines espèces per-dent leurs feuilles pendant la saison sècheet stockent l’eau dans leurs tiges ou leursorganes souterrains. D’autres réduisentleurs feuilles sous forme d’épines (cac-tées) quandd’autres les protègent par despoils formant un manchon d’air protec-teur auniveau de leurs stomates, ces der-niers se fermant le jour pour limiter lespertes d’eau.

Au sein d’une même espèce, certainsindividus résistent aux stress hydriquesrépétés quand d’autres disparaissent.À l’échelle de l’évolution biologique(quelques centaines de milliers à quel-

ques millions d’années), ces stress génè-rent des mutations qui confèrent à laplante la capacité de résister au manqued’eau. Un enjeu agronomique majeurconsiste donc à identifier ces gènesmutésafin de les introduire dans des variétéscultivées pour les rendre tolérantes ourésistantes à la sécheresse. Sous nos cli-mats, les céréales de printemps et denombreuses variétés cultivées n’ont pastrop à souffrir de ce stress. A contrario,les espèces qui fleurissent en été, commele maïs, ou celles qui poussent sous desclimats arides nécessitent soit des varié-tés adaptées soit de l’irrigation.

Stress hydrique

Blé, riz et maïs représentent 60% del’alimentation mondiale. Des recherchesont abouti à la création de maïs transgé-niques plus résistants à la sécheresse etcultivés dans certains pays, commel’Afrique du Sud. D’autres voies de sélec-tion plus conventionnelles, avec recher-che systématique des nombreux gènesimpliqués dans la résistance au stress hy-drique existent, mais sont plus lentes àmettre enœuvre car beaucoupplus com-plexes. Les enjeux sont importants et lesstratégies envisagées pour trouver dessolutions économiquement et sociale-ment satisfaisantes sont encore sujettes àpolémique, notamment en Europe où lessécheresses ne constituent pas, sauf cer-taines années, un problème majeur. Ilreste que l’agriculture consomme beau-coup d’eau et qu’importer ou exporterdes matières premières agricoles revientà échanger de l’eau« virtuelle » !�

* À écouter sur Canal Académie(www.academie-sciences.fr)dans l’émission« L’Ingéniositédes plantes pour assurer leur surviedans les conditions extrêmes ».

L’eau, l’assainissement etl’hygiène sont les fonde-ments oubliés de la santé.Alors que près de 80% de

la populationmondiale a désormais ac-cès à l’eau, 40 % de cette population(soit 2,6 milliards d’individus) est dé-pourvue de structures sanitaires debase. La défécation en plein air est en-core pratiquée par 20% des êtres hu-mains et 300 millions de tonnes d’ex-créments polluent chaque annéerivières,mers et lacs.Cet état dramatique a un impact im-

portant sur la santé humaine : plus de20 maladies sont transmissibles parl’eau, au premier rang desquelles lesdiarrhées qui sont l’une des principalescauses de la mortalité infantile avant5ans (1,5 million de morts par an, soit5 000 par jour !), les hépatites A et E,les salmonelloses, sans oublier le cho-léra dont les épidémies ressurgissentrégulièrement.Cette situation n’est pas le seul apa-

nage des pays en développement. En

Europe (notamment l’Est et le Sud),120millions de personnes n’ont pas ac-cès à des équipements sanitaires debase. Dans la seule région méditerra-néenne, 47 millions d’individus sontdépourvus de structures d’hygiènedont 25% des foyers ruraux. Résultat :les diarrhées et les maladies transmisespar l’eau y sont responsables de 12 %de lamortalité infantile, soit 14 000dé-cès annuels.

Outre les impacts directs sur la santéauxquels s’ajoutent les risques liés auxpolluants organiques et aux micropol-luants, les impacts socio-économiquesou sur l’éducation (absentéisme scolai-re, en particulier chez les filles) fontque les stratégies d’assainissement sontl’une des toutes premières priorités dudéveloppement (priorité 7 des objectifsdu millénaire). Elles dépendent aussibien d’une volonté politique ferme quede budgets appropriés et parfaitementsupportables. Elles reposent enfin surune triade indissociable : qualité desressources en eau, équipements sani-taires (notamment enmilieu rural et enmilieu scolaire), éducation continue àl’hygiène *. �

* Une récente conférence internationale,organisée par le Groupe interacadémiquepour le développement (GID) de l’Acadé-mie des sciences à Rabat : Parmenides 4«Eau et assainissement » : enjeux etrisques sanitaires en Méditerranée apermis l’élaboration des recommanda-tions essentielles (gid. org).

Tous lesmois dans

Le Figaro, desmembres

de l’Académie

des sciences répondent

aux grandes

questions de l’actualité

scientifique.

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MustaphaBesbes

HYDROLOGUE, MEMBREASSOCIÉ ÉTRANGER DEL’ACADÉMIE DES SCIENCES*

AndréCapron

BIOLOGISTE, MEMBREDE L’ACADÉMIEDES SCIENCES

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