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SANS ELLE Yéléna Cillis

SANS ELLE - static.fnac-static.com · Il est jardinier paysagiste depuis trois ans. Marié à Mathilde depuis dix ans, ils ont deux garçons de sept ans. Il était avocat, et à la

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SANS ELLEYéléna Cillis

18.8 614122

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 204 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 16.28 ----------------------------------------------------------------------------

Sans Elle

Yéléna Cillis

Yélé

na C

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Je roule à vive allure, au volant de ma Mercedes Classe

C, sur l’autoroute A16 en direction de Le Touquet. J’écoute en boucle une chanson, à m’en faire exploser les tympans… Ses sonorités reflètent tout à fait l’amertume que je ressens. J’ignore ce que j’ai fait pour en arriver là… Mais je suis brisé, anéanti…

Depuis quinze jours, je vis dans mon atelier, submergé par la tristesse, je me nourris par obligation, je dors à peine quelques heures par nuit et je prépare une pause que je considère comme incontournable. C’est indispensable, si je ne veux pas mettre en péril mon activité professionnelle. C’est la seule chose qui tourne encore. Profitant de l’excuse d’une fermeture estivale, je file chez mon ami de toujours, John.

Il est jardinier paysagiste depuis trois ans. Marié à Mathilde depuis dix ans, ils ont deux garçons de sept ans. Il était avocat, et à la mort de ses parents, n’ayant plus à se confronter à l’avis de son père, qui doit maintenant se retourner dans sa tombe, il a décidé de profiter de son héritage pour changer de vie. Il fait ce dont il a toujours rêvé, pour des clients habitant Le Touquet. Lorsqu’il a compris que je touchais le fonds, il m’a proposé de tout mettre en attente pour quatre semaines, et de le suivre

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dans ses déplacements, histoire de passer du temps « ailleurs ».

Je suis ébéniste indépendant, je fais du négoce de matériaux et travaille pour les particuliers mais aussi avec des professionnels pour des besoins spécifiques, comme des sociétés de restauration de bateaux, des constructeurs de maisons individuelles, des fabricants de fermetures, des cuisinistes… Mon entreprise fonctionne très bien. Je rentre souvent tard le soir, et mon épouse me l’a reproché. Anne est une femme superbe, blonde, un mètre soixante-cinq, très mince, avec des yeux verts magnifiques et un sourire qui illumine son visage. Ces derniers temps, elle ne souriait plus, sauf quand son téléphone lui annonçait l’arrivée de messages. Nous ne pouvions plus être dans la même pièce, au même moment, sans que ma perte ne me soit signifiée. C’est pour cela que ces derniers jours, j’ai préféré m’isoler, me replier dans mon univers situé à l’arrière de la propriété, réservant mon retour à la maison pour des besoins précis, et chronométrés. Nous vivons dans une maison que nous avons faite construire, qui correspondait parfaitement à ce dont nous aspirions, sur un terrain boisé de vingt hectares, au fond duquel j’ai établi mon atelier et mon bureau. Depuis, je ne passe même plus par l’entrée principale quand je pars, lui préférant « la sortie des artistes » par le chemin de terre à l’arrière du jardin. Cela me préserve de tomber malencontreusement sur sa rencontre !!! Il n’est pas sensé être là ! Nous sommes mariés et c’est chez moi, tout autant que chez elle, mais je l’ai déjà vu passer devant chez nous, et je sais qu’il est déjà venu. C’est d’ailleurs suite à l’une de ses visites, que tout a explosé.

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Ce soir-là, je rentrais à pied de l’atelier, les phares d’une voiture m’éblouissent et quittent la maison. C’est un 4x4 que je ne connais pas, mais les amies d’Anne sont régulièrement de passage, et je ne me soucie plus des voitures des unes et des autres. Lorsque je suis rentré dans la maison, Anne était sous la douche. Je m’installe sur le tabouret de l’ilot central de la cuisine pour lire le journal, lorsque mon attention est attirée par une cravate, par terre, qui n’est pas à moi. Je respire le parfum qui y a été aspergé. Ce n’est effectivement pas la mienne… Je la pose dans le panier, en proie à la panique. J’essaye de ne pas tirer de conclusions hâtives. Anne arrive, en peignoir, m’annonce le menu du soir, comme si elle s’était parlée à elle-même, sans lever les yeux vers moi. Elle coupe des courgettes. Je m’avance vers elle, et tente de la prendre dans mes bras. J’ai l’impression d’être un étranger dans ma propre maison, face à ma femme. Mon estomac se tord à mesure que je la regarde. Ses cheveux sont mouillés, rassemblés en chignon. Je l’enlace et pose ma tête sur son épaule, essayant de retrouver mon calme. Elle me fait comprendre que ce n’est pas le moment et me repousse sans même détourner le regard des cucurbitacées. Je saute alors, sur le plan de travail pour m’y asseoir. Mon souffle se coupe. Même s’il y a bien longtemps… je suis certain de reconnaître ces étoiles dans ses yeux. Elles sont post-coïtales !!! Et ce n’est pas moi qui lui aie donné ce plaisir, sinon je m’en souviendrais !!! Ses poignets portent encore des marques de liens de serrage… la cravate ? Je suis abattu… je n’aurais pas pensé qu’Anne puisse me tromper. Je me doutais qu’elle était déstabilisée par une rencontre mais pas qu’elle baisait. Je descends du granit, sans voix. J’attrape la cravate, la pose devant elle, et j’observe sa réaction. Son

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visage est pâle, son regard vide. Elle a arrêté de cuisiner, se saisit du tissu, et le met dans sa poche, sans rien dire.

Je roule, en laissant derrière moi ma rupture, embarquant mes larmes en guise de sac à dos. Cette séparation je ne l’ai pas vu venir, et pourtant…

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La première fois que j’ai vu Anne, j’ai été totalement séduit. J’avais rendez-vous avec le banquier, elle se trouvait derrière le guichet avec deux collègues. Elle a rougi lorsque je suis arrivé. J’étais stressé par mon objectif de visite et je lui ai fait un clin d’œil incontrôlé quand je me suis annoncé. J’attendais sur le pallier devant le bureau de mon conseiller financier, et je l’ai entendue glousser avec ses copines, disant qu’elle me proposerait bien un cinq à sept. Du haut de mon mètre quatre-vingt-neuf, je ne me suis pas démonté, j’ai pris mon courage à deux mains, et lui ai laissé ma carte en repartant.

Le soir même elle envoyait un message sur mon portable. Euphorique, tant par l’accord obtenu pour ma création d’entreprise, que par cette rencontre, je me fais entreprenant. Anne est de sept ans mon aînée, je ne voulais surtout pas qu’elle me prenne pour un gamin. Notre relation a démarré sur les chapeaux de roues. Nous nous sommes vus dès le lendemain et ça a tout de suite été très chaud entre nous. Anne disait qu’elle voulait profiter de la vie et que chaque minute passée ne se rattraperait jamais.

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Nous avons donc croqué la vie à pleines dents durant sept ans, allant de projets en projets, tant personnels que professionnels.

J’avais l’impression qu’on s’éclatait. Sexuellement, nous étions sur la même longueur d’ondes. Le cul, c’était indispensable. Si bien que nous ne nous lassions pas des réveils coquins et des soirées épicées. Anne aime jouer, et apprécie plus que tout être « dominée » sans pour autant être soumise. C’est vrai que mon boulot, malgré la proximité de mon équipement, ne me permet pas d’être beaucoup à la maison. C’est à cause de ça que nous n’avons pas d’enfant. Anne dit qu’il faut être deux pour faire un enfant et qu’elle est trop souvent seule. Notre quotidien a commencé à être différent, lorsqu’elle a voulu changer de job. Elle partait du principe que pour faire carrière dans une banque, il faut avoir les crocs acérés, et qu’elle avait trop la fibre sociale pour faire partie de ce « genre d’espèces ». Elle a donc passé les concours pour intégrer l’éducation nationale.

Elle a consacré beaucoup de temps à étudier le soir après le boulot. J’étais plein d’admiration pour elle, mais lorsque je rentrais, soit elle n’avait d’yeux que pour ses bouquins soit elle était trop épuisée. Je m’installais dans la même pièce qu’elle et j’adorais la regarder. J’espérais qu’elle soit excitée par moi, comme elle pouvait mettre mes sens en émoi, quand elle réfléchissait, en enroulant ses cheveux autour de ses doigts ou quand elle prenait son air si sexy, remontant ses lunettes sur son nez, comme si elle n’était pas certaine d’avoir compris le sens de ce qu’elle venait de lire. Bien au contraire, notre vie sexuelle s’est réduite à peau de chagrin et notre vie sociale a progressivement disparu. Les seules personnes qui

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venaient, étaient ses amies, de temps à autres. J’ai pourtant essayé de lui simplifier la vie en nous équipant de robots ménagers et culinaires, en prenant une femme de ménage et en étant moi-même plus investi dans les tâches quotidiennes. Mais rien n’y a fait, elle était toujours trop occupée, et les activités que je lui proposais étaient systématiquement bottées en touche. J’ai donc attendu sagement, amoureusement, que ce cap soit passé.

Lorsqu’elle a décroché son poste, j’ai été fou de joie, pour elle, mais aussi pour moi, pour nous. Nous avons quelque peu retrouvé une vie de couple « normale », mais son envie pour moi avait, tout de même, grandement diminué. J’ai considéré que, peut-être, je lui paraissais moins appétissant. Sur les conseils de John, qui me répétait malgré tout que j’étais très beau comme ça, j’ai réussi à sculpter mon corps, à domicile, pour rester le plus possible présent. Sans exagération, les formes de mon corps me semblaient plus attrayantes, et Anne disait apprécier. Quand elle avait envie de moi, elle ne manquait pas d’ôter mon tee-shirt, pour caresser mon torse. Quant au mien d’appétit, il était immense, à tel point que je devais retenir mon souffle chaque fois que sa peau venait à être en contact avec la mienne. J’essayais de le réprimer pour ne pas la bousculer, mais c’était difficile. Je n’ai, malgré toutes les opportunités qui se sont présentées, jamais été infidèle. J’aime Anne au plus haut point.

Et puis, un après-midi d’hiver, je rentrais à la maison pour récupérer des documents laissés par inadvertance sur la table de cuisine, quand le téléphone d’Anne a retenti, notifiant l’arrivée de plusieurs messages. Elle avait dû l’oublier en partant. J’étais juste au-dessus de son Iphone,

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et sans le vouloir j’ai aperçu le début d’un des messages, pour le moins déstabilisant. J’étais tellement perturbé, que je n’ai pu me retenir de les consulter. Je ne me serais jamais cru capable de ça, mais je n’ai pas résisté. Je ne connaissais pas de Paul, mais visiblement Anne, oui.

– Tu as un cul irrésistible, Anne, quelle culotte as-tu mise aujourd’hui ?

Ça m’est tellement insupportable, que je suis obligé de m’asseoir. Je clique donc sur le message et l’ensemble de leur communication par sms s’affiche à l’écran. Les premiers textos ont l’air de remonter à septembre, sobres et professionnels au départ, puis sur le ton de la blague du séducteur de base, et depuis décembre, c’est très explicite, et même si Anne ne répond pas aussi chaudement que lui, elle ne le renvoie pas non plus dans ses buts…

Je me les repasse plusieurs fois… pour être bien sûr ! Il fait allusion à une scène à la photocopieuse, où il aurait été très excité. Il l’invite à une pause gourmande et croustillante. Il la complimente pour son décolleté, et ses formes exquises, lui parle de son attirance pour elle. Une autre fois, il la remercie de lui avoir permis de passer du temps avec elle, en le raccompagnant. Ce qui me chagrine, c’est de ne pas être au courant de l’existence de ce sale con et qu’elle lui réponde. Elle n’a pas la même attitude que lui, mais elle en plaisante et, ainsi, se fait suggestive. Elle est bien moins loquace avec moi et n’est pas pareille quand je lui dis qu’elle est belle ! Que s’est-il passé entre eux ? Anne déteste les crises de jalousie, il faut donc que je me calme et que je trouve le moyen d’aborder ça en douceur.

Sur la route de mon rendez-vous, j’appelle celle qui a toujours été de très bons conseils, mon amie, Claire. Avec

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John, nous formions un sacré trio. Sans ambiguïté possible, elle est la mieux placée pour me parler des femmes, puisqu’elle en est une et surtout, parce qu’elle aussi les aime…

– Salut mon beau, comment vas-tu ? – Eh bien écoute, c’est plutôt pas mal ces derniers

temps, mieux que ça n’a été en tout cas. Mais j’ai un souci. Je t’appelle parce que j’aimerais ton avis éclairé…

– Je t’écoute… – C’est Anne. Je suis tombé sur des sms d’un gars, assez

précis sur ses intentions et j’aimerais avoir une explication avec elle, mais j’voudrais éviter de mettre de l’huile sur le feu…

– Penses-tu qu’elle ait couché avec lui ? – Non, non… Et rien dans leurs messages ne dit ça…

Non, non… – Ohhh ! Je connais ce timbre de voix… Là, ce sont tes

craintes qui parlent… mais faut que tu fasses gaffe pour ne pas te friter avec elle… Tu connais le mec en question ?

– Non, non. C’est à son boulot apparemment. J’ai fait une photo de ces messages, je te les envoie à l’instant…

– Bon, pas de panique… Le mieux c’est que tu ravales ton côté méditerranéen qui te va si bien, et tu esquives… parle-lui d’une cliente qui t’aurait fait comprendre que tu lui plais, pour commencer, voir quels conseils elle te donne… ou alors tu t’assumes, et tu y vas franco… mais là faut que tu gères les conséquences, parce que tu sais ce qu’elle pense de la jalousie.

– Non, mais en plus je pense qu’elle n’a rien à se reprocher, elle ne ferait pas quelque chose d’aussi con ! J’aimerais juste qu’elle soit claire avec lui, pour qu’il passe à autre chose. Tu as reçu mon mms ?

– Je suis en train de lire… hmmm, je ne voudrais pas

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dire, mais il y met de la volonté… Tu veux vraiment mon avis, le mien…

– Oui, Claire, sinon je ne t’aurais pas téléphoné. – Gare-toi. – Tu me fais flipper… Ça y est, je suis sur le bas-côté. – Il semble manquer des messages. Comme si elle avait

gardé ses sms à lui, et seulement certaines des réponses qu’elle a rédigées. Prends par exemple l’échange bien chaud de la photocopieuse… ça te paraît spontané ? Et celui où elle le raccompagne… c’est pareil… Je ne pense pas que ce soit si clair que ça… Je n’ai jamais trop aimé ta femme, Gabriel, tu le sais, mais je ne pense pas me tromper… je ne dis pas qu’elle va voir ailleurs, mais ce qu’il y a de sûr, c’est que certains textos ne sont plus là, et que donc ta vision de leurs échanges est tronquée. Et puis ça a l’air de remonter à longtemps, leur manège !

– Si elle avait voulu effacer, elle aurait tout viré… pourquoi en garder et laisser le doute ?

– Peut-être aime-t-elle relire ses avances ! Le conseil que je te donne est de laisser redescendre la pression avant tout… tu laisses tomber pour aujourd’hui et tu vois ça demain, quelque-soit la façon dont tu lui en parles. Après aussi, tu peux ne rien lui dire du tout, et prendre l’info pour ce qu’elle est… des emmerdes qui t’arrivent dans la gueule… et tu te bats pour ta femme plus que jamais…

– Ok ma belle. Faut vraiment que j’y aille… Je t’avoue, je suis perdu, mais je pense que ça va aller.

– Mais oui, beau et amoureux comme tu l’es, ça ne peut pas foirer. Repense à ce qui l’a séduite, et sors-lui le grand jeu. Bizettes, et donne-moi des news !

– Bizettes.

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Je regarde à nouveau les photos. C’est vrai que c’est l’impression que ça donne ! Il manque des morceaux. L’émotion m’envahit et une boule d’angoisse grossit dans ma gorge. Je reprends difficilement la route, l’esprit dans le vague. Mon client propose de trinquer à la signature de sa commande de cuisine faite sur mesure, et sort une bouteille de champagne. Je me jette sur l’occasion pour tenter de désamorcer la bombe que je suis, pour certains, l’alcool rend dingue, mais chez moi, il adoucit les mœurs. C’est donc légèrement anesthésié que je rentre à la maison.

À mon retour, Anne est dans la cuisine. Pas de blablas. Surprise par mon assaut, elle perd l’équilibre. Je la renverse, lui dévorant fougueusement le cou. Saisissant sa bouche, ma langue emporte la sienne, avec l’intention inébranlable de la faire mienne ce soir. Couchés sur le sol, je lui retire son top, révélant ses seins. Bon sang, ma femme a de sacrés nichons ! Je lui mordille les tétons, et j’ai bien l’intention de faire en sorte que le désir monte en elle. Elle ferme les yeux. Je glisse mes doigts à l’intérieur de ses cuisses, et brutalement, je lui arrache sa culotte. J’entre mon majeur en elle, lui soutirant un gémissement. Elle est chaude et humide… Je me libère de mon pantalon, et je la prends sans attendre, elle aimait que je procède ainsi. Elle ferme à nouveau les yeux. C’est une attitude qu’Anne adopte très souvent lorsque nous faisons l’amour, mais là, je ne peux pas, je ne veux pas ! Si elle pensait à lui… cette idée est insoutenable. Alors en elle, je m’immobilise. Je caresse son visage, et lui murmure :

– Ouvre-les yeux Anne, regarde-moi s’il te plaît ? Regarde-nous !

Mes doigts s’agrippent à ses cheveux, tirant sa queue

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de cheval en arrière. Je la pilonne avec en toile de fond, l’espoir de la reconquête amoureuse de ma femme ! Elle semble se laisser emporter par le désir, je la soulève et passe mes mains sous ses fesses. Dieu ce qu’elles sont douces ! Je ne résiste pas à l’appel de son anus. J’y glisse délicatement mon index mouillé. Il y avait très longtemps que ce contact n’avait pas eu lieu, c’était devenu comme une forteresse inaccessible, alors que nous avions tous les deux tant aimé ces étreintes. Elle se laisse faire, et paraît apprécier. Je joue avec elle, j’aimerais qu’elle jouisse, qu’elle ait les yeux illuminés, comme avant.

Pris d’une angoisse terrible, je stoppe tout, elle se redresse, ne dit rien et me regarde perplexe. Elle commence à s’éloigner, mais je la retiens par la main. Mes yeux se remplissent de larmes, je la rapproche de moi. J’ai besoin de sentir sa chaleur, d’entendre les battements de son cœur, de la voir, de la toucher. Je retire alors doucement son soutien-gorge, et sa jupe, je la caresse tendrement. Elle est totalement nue devant moi. Je me lève, et je me dévêtis à mon tour. Je constate son étonnement. Elle a l’air intéressée par ce qu’elle voit. Je lui fais un clin d’œil, comme lors de notre rencontre. Je la porte jusqu’à notre chambre, et debout devant le lit, chaque centimètre carré de son corps est visité. Je vois son corps réagir… là je suis sûr qu’elle aime ce que je lui fais. Ma langue tournoie et mes mains jouent à lui faire perdre la tête. Elle passe sa main dans mes cheveux lorsque ma langue entre en elle et que mes doigts l’emportent. Elle commence enfin à gémir. Elle accompagne mes mouvements, se cambre. Je me redresse, et l’embrasse amoureusement. Je m’assois sur le bord du lit et l’attire sur moi. Ce que nous faisons ce soir est très différent du sexe

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que nous vivons habituellement. Il faut que ce soit autre chose… Elle s’installe à califourchon sur mes cuisses, je dévore ses seins et la caresse. Je guide mon pénis en elle, et la fais bouger en prenant ses hanches. Langoureusement, je la pénètre, profitant de cette opportunité de disposer de ses fesses. Je veux qu’elle savoure chaque centimètre glissant en elle. Anne jouit, mais reste silencieuse. Je veux l’entendre, bordel ! Je décide donc de la prendre plus fortement. Ses cris sont enfin là… elle jouit, elle jouit vraiment avec moi, en me regardant, et je ne tarde pas à venir. Avant qu’elle ne se lève, je saisis à nouveau sa bouche, puis lui murmure, en guettant sa réaction.

– Je t’aime Anne, tu es MA femme, et je t’aime… tu entends ? Je t’aime.

Elle hoche la tête, puis va à la salle d’eau. Elle se fait couler un bain. Le bruit de l’eau remplissant la baignoire se fait entendre, mais il y a autre chose. Je colle alors mon oreille à la porte pour être sûr, elle sanglote. Anne pleure !

Je suis dans le fauteuil lorsqu’elle descend en nuisette. Surpris à mon tour, car ces derniers temps elle se contentait d’un legging avec un vieux tee-shirt, le tout emmitouflé dans un gros peignoir. Elle s’est coiffée et parfumée… qu’est-ce qu’elle est belle ! Je me lève pour l’accueillir, arborant le plus craquant de mes sourires. Nos attentions du moment me montrent à quel point, nous avions laissé s’installer la routine, oubliant de nous regarder, de nous aimer. Il faut rattraper tout ça. J’ai préparé des plateaux repas, et nous soupons assis dans le canapé.

À partir de ce moment-là, j’ai eu le sentiment que nous avions repris en main, notre couple. Nous sommes

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allés tous les deux à Barcelone pour un week-end, et avant ça à Londres. J’ai couvert ma dulcinée de petits présents, et d’attentions au quotidien, allant jusqu’à lui faire livrer des fleurs au boulot, permettant par la même occasion au fameux Paul de constater de lui-même, qu’Anne et moi c’était reparti. Je me suis débrouillé pour la rejoindre directement là-bas, certains midis pour déjeuner avec elle. De temps à autre, malgré une lutte intérieure féroce, je me surprenais à regarder dans son téléphone. Mais rien. Elle avait effacé les messages de Paul et nous n’en n’avons jamais discuté. Anne était redevenue plus joviale. Je lui posais régulièrement des questions sur son travail, et à aucun moment elle n’a abordé le cas « Paul ». J’avais réussi à le repérer, grâce à Lucie, qui l’avait interpellé alors qu’il quittait le bâtiment. C’est un bel homme, particulièrement différent de moi, mais séduisant. Non pas que je me considère mieux que lui, c’est que je ne pensais pas que ce type de gars pouvait plaire à Anne. Je suis grand, brun, les yeux noisette, virant au vert lorsqu’il y a du soleil, j’ai le teint hâlé du fait de mes origines méditerranéennes. Sans avoir les chevilles qui gonflent, je ne peux que constater que les femmes me matent assez souvent, certaines n’hésitent pas à me dire que je suis beau gosse et me font des propositions plus ou moins décentes… Claire m’a toujours dit que si elle avait été hétéro, elle se serait forcément éprise de moi. Et je vous garantis qu’elle a très bon goût. Nat, sa femme, est sublime. Paul est blond, les cheveux longs, rassemblés en queue. Il est grand aussi, plutôt bien foutu, à priori, pâle de peau, vêtu de noir. Il doit avoir mon âge, je pense. Il est marié puisque lorsque Lucie l’avait rattrapé, c’était pour lui passer une communication de sa femme.

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Bref, notre vie avait l’air d’être retournée sur des rails rassurants. Jusqu’à ce samedi de juin. Je tondais la pelouse, lorsqu’une voiture est passée une dizaine de fois devant chez nous, je ne pouvais pas distinguer le conducteur. C’est assez surprenant, d’autant que nous sommes seuls propriétaires de cette ruelle, et que les personnes qui l’empruntent, viennent forcément nous rendre visite. Puis, le téléphone d’Anne a sonné une bonne dizaine de fois également sans que le contact ne soit identifiable. Anne était plus dans les nuages que les autres jours, mais d’humeur guillerette. Ce n’est que le lundi midi, que le doute s’est levé. J’ai vu Paul monter dans ce même véhicule noir, le midi alors que j’attendais Anne pour aller au restaurant. Malgré l’envie qui me rongeait, je me suis retenu de lui exploser le nez avant de partir et abstenu d’en parler durant le repas. Nous avons profité de notre moment, et à 13h30, lorsque j’enclenche ma marche arrière après avoir déposé ma chère et tendre, j’aperçois dans mon rétroviseur, Paul se garer. Je sors de la voiture, et je l’interpelle, la gorge nouée, et ma mâchoire tellement serrée que la douleur irradie jusqu’à ma nuque.

– Bonjour, excusez-moi, vous êtes bien Paul ? Lui dis-je en le toisant.

– Oui, je m’appelle bien Paul, à qui ai-je l’honneur ? Je le vois perdre le peu de couleur qu’il a. – Il me semble que nous connaissons tous les deux,

Anne, n’est-ce pas ? – Effectivement, je travaille avec elle. Vous êtes ?

M’interroge-t-il, n’en croyant pas ses yeux, attendant que je confirme mon identité.

– Son mari ! Paul est devenu translucide, et mal à l’aise.

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– Ok… et que puis-je pour vous ? Demande-t-il, en reculant légèrement.

– Anne est MA femme… et je l’aime… la prochaine fois, attendez d’avoir une invitation avant de vous présenter chez nous. Je pense que nous nous sommes compris… j’espère ne pas avoir à me répéter.

Je le laisse les bras pendants et je monte dans ma classe C, pour m’en aller. Claire dira plus tard que je suis parti comme un prince ! Je ne sais pas s’il en a parlé avec Anne, mais elle n’y a pas fait allusion. Par contre, elle n’a plus laissé son téléphone traîner à compter de ce jour-là… sans doute, encore, une étrange coïncidence.

Mes doutes ont redoublé, lorsqu’il y a un mois, je devais partir en métropole lilloise, pour signer un partenariat avec une entreprise de construction. Ce déplacement a été annulé à la dernière minute. J’étais dans ma voiture, dans la rue, lorsque le commercial a téléphoné, il venait de se faire hospitaliser et remettait notre rendez-vous. Plutôt que de rentrer, j’ai filé à l’atelier par le chemin de terre. Mais, en milieu de matinée, je me promenais, téléphone à la main dans le sous bois, et au loin, sur la terrasse, j’ai aperçu Anne avec un homme. J’étais trop loin pour le reconnaître, ne pouvant que les entendre rire aux éclats. Il y avait longtemps que je n’avais pas entendu ma femme hilare.

Le cœur serré, j’ai dû rebrousser chemin, parce que mon interlocuteur m’a demandé des renseignements que je n’ai que dans l’atelier… Après avoir apporté les réponses à ses questions, je suis retourné vers la maison, mais il n’y avait plus personne, j’ai juste pu voir une voiture sortir de notre ruelle. Il y avait donc bien, quelqu’un là, avec elle. À

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son retour le soir, Anne m’a dit avoir travaillé sans relâche et être particulièrement fatiguée. Alors qu’elle était sous la douche, son téléphone a bipé sur la console du couloir de l’étage. Le sms d’un interlocuteur non renseigné s’affiche.

– Que c’était bon cette journée avec toi ! Intérieurement, je me sens bouillir… Il fallait que je

me calme. Je me suis servi un whisky et j’ai agi comme si je n’avais pas vu ce qui s’était produit. Anne est redescendue avec son téléphone. Il a bipé plusieurs fois ce soir-là, et chaque fois, elle était radieuse, ce qui ne manquait pas de rajouter à mon inquiétude. Quand je lui demandais qui lui envoyait tous ces messages, elle me disait que c’était sa nouvelle collègue, avec qui elle s’entend vraiment bien. J’avais très sincèrement du mal à la croire mais une partie de mon être exigeait que j’avale ce qui ressemblait fort à des couleuvres.

À compter de ce jour, Anne a, à nouveau, été mystérieuse. J’ai eu, à de multiples reprises, la drôle d’impression que la maison avait été visitée, sans jamais avoir de preuve, si bien que John m’avait même conseillé ironiquement d’aller en parler à un thérapeute. Deux semaines plus tard, je trouve cette fameuse cravate… et ce jour-là, je n’ai pas pu me retenir, s’en était trop.

– Anne… tu me prends pour un con depuis quand exactement ? Décembre ou juin ?

– Je ne comprends pas ! Dit-elle, en devenant pâle comme la mort.

– Cette cravate elle est aussi à ta nouvelle collègue ? – Non, ce n’est pas ce que tu crois. Ajoute-t-elle avec une

lueur dans son regard qui ressemble à de la peur. – Ah bon, alors, dis-moi !

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– C’est un collègue qui est passé me rendre mon portefeuille que j’avais laissé au boulot, il s’est dit que ça pouvait être utile, parce que c’est le week-end. Je lui ai donc proposé de boire un verre et il a dû retirer sa cravate sans que je ne m’en rende compte, explique-t-elle en tournant les talons.

– Et c’est aussi lui qui t’a mis ces étoiles de retour de baise dans les yeux… C’était en buvant un verre ou en retirant sa cravate ? Je lui attrape le poignet pour la retenir.

– Ne dis pas n’importe quoi ! Fait-elle, en se dégageant. – Anne, sois honnête, je l’avais mis en garde, te l’a-t-il

dit ? – Mais de quoi parles-tu ? Elle semble effectivement surprise, alors j’enchaîne,

profitant de l’avoir déstabilisée. – De ta relation avec Paul, c’est bien de ce collègue-là

dont il est question ? Acceptes-tu de me passer ton téléphone, qu’on y regarde tous les deux ?

Je m’approche d’elle en lui tendant gentiment la main, mais elle préfère fuir.

– Mais je ne vois pas pourquoi ! – Ok, garde-le… j’ai noté son numéro de toute façon,

comme ça on va pouvoir l’appeler ensemble. Ma tentative fonctionne, et elle panique véritablement. – Non, que veux-tu savoir ? S’adoucit-elle. – Nous y voilà quand même. Je veux tout savoir. Je lui fais signe de s’asseoir sur le fauteuil et je

m’installe face à elle. – C’est très simple, Paul est arrivé pratiquement en

même temps que moi, il a une petite fille malade et il a quelques fois des coups de mou. Je suis amie avec lui, je lui prête donc une oreille attentive.