SARO-WIWA Ken, Sozaboy (Pétit Minitaire), roman écrit en
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Text of SARO-WIWA Ken, Sozaboy (Pétit Minitaire), roman écrit en
SARO-WIWA Ken, Sozaboy (Pétit Minitaire), roman écrit en anglais
« pourri » (Nigeria), traduit par Samuel Millogo &
Amadou Bissiri, Actes Sud, Collection « Afriques », 1998,
311p, 148FTous droits réservés © Association pour l'Étude des
Littératures africaines (APELA), 1998
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Document généré le 23 avr. 2022 22:27
Études littéraires africaines
SARO-WIWA Ken, Sozaboy (Pétit Minitaire), roman écrit en anglais «
pourri » (Nigeria), traduit par Samuel Millogo & Amadou
Bissiri, Actes Sud, Collection « Afriques », 1998, 311p, 148F Jean
Sévry
Numéro 6, 1998
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1042148ar DOI :
https://doi.org/10.7202/1042148ar
Éditeur(s) Association pour l'Étude des Littératures africaines
(APELA)
ISSN 0769-4563 (imprimé) 2270-0374 (numérique)
Découvrir la revue
Citer ce compte rendu Sévry, J. (1998). Compte rendu de [SARO-WIWA
Ken, Sozaboy (Pétit Minitaire), roman écrit en anglais « pourri »
(Nigeria), traduit par Samuel Millogo & Amadou Bissiri, Actes
Sud, Collection « Afriques », 1998, 311p, 148F]. Études littéraires
africaines, (6), 68–72. https://doi.org/10.7202/1042148ar
autogestionnaire et socialiste. Derrière le Socialist Group, les
syndicats, les organisations de jeunes et de femmes, les
fédérations d'agriculteurs, les freedom fighters (guérilleros qui
opéraient derrière les lignes nigérianes)
indiquaient une base de classe qui ferait envie à plus d'un
intellectuel
marxiste. Au sortir de la guerre Achebe définit la culture
nationale de façon fanonienne, en liaison avec une zone d'occulte
déséquilibre qui n'a
rien à voir avec l'entre-deux dont nous parle Ho ni baba de nos
jours, mais qui se situe au cœur de la culture populaire, dans la
philosophie des fous, l'esprit subversif des déshérités et des
femmes, l'ambivalence et la démo
cratie igbo, le rire et la vitalité nigériane. Par rapport à cette
base de clas se et cette zone culturelle, il proclame la nécessité
du suicide de classe des
petits-bourgeois radicaux en des termes empruntés à Amilcar Cabral,
notamment dans son hommage funéraire à Aminu Kano.
L'essai de Kole Omotoso présente donc l'avantage de s'ajouter au
cor
pus de ces polémiques dont une caractéristique essentielle demeure
son caractère de dialogue de sourds. Dans le feu des débats nous
trouvons soudainement le bouillant critique et écrivain faire
contre Soyinka et
Achebe l'apologie du capitalisme (p. 145) et des efforts de
l'Angleterre
pour résoudre en 1957 le problème des minorités ethniques (p. 80)
alors que l'on sait qu'elle les a attisées pour faire reculer
Azikiwe, retarder l'ln dépendance et imposer une alliance des
nationalistes avec la féodalité nor diste préservée pendant
cinquante ans par l'indirect rule. Le paradoxe des positions
politiques et des étiquettes au sein du PRP se poursuit donc dans
l'étude de critique littéraire: le "marxiste" autoproclamé se
retrouve sur des positions plus conservatrices que le "féodal"
Soyinka, le "cultura liste tribaliste" Achebe et le Soufi Aminu
Kano.
• Michel NAUMANN
"POURRI" (NIGERIA). TRADUIT PAR SAMUEL MILLOGO & AMADOU
BISSIRI,
ACTES SuD, COLLECTION "AFRIQUES", 1998, 311P, 148f.
La traduction d'une œuvre africaine anglophone comportant des
pas
sages en langue parlée présente des difficultés considérables. En
effet, on
ne peut se contenter de convertir ces parlers nouveaux en "pétit
nèg"', du
style "Moi y en a aimer Banania", dont la littérature coloniale
s'est trop
longtemps contentée. Je m'étais heurté à ce problème en tentant de
tra
duire La Voix de Gabriel Okara, pour m'apercevoir que l'on en ne
pou
vait pas non plus se contenter d'opérations de "placage". En effet,
on court alors le risque de sombrer dans le ridicule en proposant
au lecteur
une langue qui ne correspond en rien à la langue de départ,
puisqu'elle va
se traduire dans la langue d'arrivée par un parler qui n'y existe
pas et n'y
COMPTES RENDUS AFRIQUE NOIRE ANGLOPHONE {&9
est pratiqué que par dérision raciste'. La traduction de The Road
de Wole
:
"Nous avons choisi le "français de Moussa" plutôt que tout autre,
dans la mesure où le FPA est la résultante d'un brassage
linguistique qui cor respond à un niveau de mutation
socio-économique susceptible d'être
rapproché du cas nigérian. En tout état de cause, nous trouvons
regret
table que le pidgin soir traduit depuis trop longtemps par un
"petit nègre" qui n'a aucune réalité linguistique er qui n'est
qu'une caricature de ce que_
les étrangers imaginent être la langue des Africains non lettrés."
Ainsi, le texte de cette pièce de Soyinka se voyait-il traité avec
tout le
respect nécessaire, et il gardait toute la truculence de la langue
de départ.
Mais la fréquence des notes en bas de page révélait une nouvelle
difficul té: ce parler bien africain n'est pas pratiqué en France,
et ces notes consti tuaient donc un second système de traduction
assez encombrant.
A mon sens, avec Sozaboy, Millogo et Bissiri ont trouvé la clef qui
convenait. Ce texte se lit bien, se passe de notes même s'il
demande un temps d'accoutumance. Comme dans l'original, le lecteur
doit faire effort
pour s'adapter à cette invention linguistique. Et il garde toute sa
verdeur, sa drôlerie sur un sujet qui pourtant demeure tragique.
Ken Saro-Wiwa traite en effet ici d'un enfant arraché à la vie
normale pour se retrouver plongé dans l' enfer de la guerre, où il
va sc perdre complètement. Le rire se serre dans notre gorge. On
pourrait croire que les traducteurs ont pris des libertés
scandaleuses par rapport à l'original anglais. Il n'en est rien. En
voici un exemple.
Version anglaise, Sozaboy, a Novel Written in Rotten English, Port
Harcourt, Saros International Publishers, 1986 (1985), pp 111-112
:
"There were many things 1 was thinking. First thar soza captain
who
gave Bullet urine to drink, then Manmuswalk who gave us cigar and
hot drink and rhen killed our people and then he was chooking me to
make
me live again, then Dukana without goat or chicken and people and
now this rotten rubbish human compost pit thar they are calling
refugee camp.
1. On peur dire sans excès que toutes les tentatives de traduction
du "parler nègre" se sont soldées par le même échec, ce que l'on
peut vérifier chez André Bay traduisant Mark Twain (Oeuvres, Roberr
Laffont, Bouquins, 1990), chez Marcel Duhamel et Boris Vian
traduisant Richard Wright (Les enfants de l'oncle Tom, Albin
Michel, 1966),
ou Denise Van Moppès traduisant Alan Paron (Pleure ô pays
bien-aimé, Albin Michel, 1950). Dans tous les cas, qu'il s'agisse
d'un parler authentique (Wright) ou d'un par ler reconstitué
(Paron, ou Twain dans Huckleberry Fynn), le problème demeure: non
compatibilité entre deux systèmes linguistiques. 2. La route,
Paris, Monde Noir Poche, Hatier, 1988, p. 9.
70)
And my marna and my young wife Agnes with J.J.C. SoI was lying down
on the ground and looking into thar black night, the only question
I ask myself is 'which one I dey ?', 'Which one be my own ?'
".
Et voici la proposition de Millogo et Bissiri, qui me semble
remarquable
(p. 269) : "J'étais là à penser beaucoup de choses. Premier,
capitaine militaire qui
a donné La Balle urine pour boire, puis I'Homme-doir-viver qui a
donné
cigarette avec boisson fort er puis ensuite tué nos gens et après
était là me piquer pour que je vais vivre encore, puis Doukana où y
a pas cabri avec poulets avec des gens, et maintenant ce fumier
humain pourri que on est
là appeler camp de réfugiés . Et ma maman et ma jeune femme Agnès
avec
ampoules 100 watts. Alors comme j'étais là coucher sur le sol et
regarder la nuit noire, la chose que je me demande seulement c'est
"C'est quoi je
suis faire là?", "C'est quoi mon affaire dans tout ça là?".
Ce qui me semble en effet novateur dans cette traduction, c'est
qu'elle sait allier la fidélité, le respect du texte de départ, à
la créativité et à l'ac cueil de l'étranger. Mais plutôt que de
continuer à vous communiquer mes impressions, j'ai pensé qu'il
serait plus intéressant de poser quelques
questions à nos traducteurs qui enseignent à l'université de
Ouagadougou. Voici de larges extraits de leurs réponses à mes
questions.
Pourriez-vous nous dire quelles sont les difficultés majeures
auxquelles vous
vous êtes heurté vis-à-vis du texte anglais ? La langue elle-même
n' a pas été source de difficultés particulières. Nous avons une
certaine connaissance du pidgin anglais , ce qui nous a per mis de
rendre le texte en français sans trop de peine. Cela dit, notre
connaissance du français populaire (pidgin français) a été
également d 'un grand secours. Cependant, tout cela n 'a pas été de
tout repos. Ainsi, dans le cas de l'ancrage du texte au contexte
anglophone à pro
pos de la correspondance entre les niveaux scolaires3 : Cours Moyen
et
Form Six, ou à propos des grades et ordres militaires. Nous nous
sommes alors tournés vers des collègues qui ont fait leur scolarité
au Ghana, et à l'ambassade du Ghana (non à celle du Nigeria, pour
des rai
sons évidentes). De la même façon, la "corruption" des phrases ou
expressions ne suit pas une forme figée. Elle porte sur différents
aspects de la langue : les mots, la structure des phrases, le
temps, l'emploi d'ex
pressions rypées (déictique, exclamation, onomatopée,
idiotismes
propres aux langues africaines, etc.) .
3 . L'au teur nous précise (p. 19, "note de l'auteur") à propos
d'une nouvelle ,
"Highlife", qu ' il avait composée vingt ans plus tô t dans le même
style : "Il ne s'agit
pas de vrai pidgin qui l'aurait rendue pratiquement incompréh
ensible pour le lecteur européen. Il s'agit de la langue d'un élève
du primaire, à peine instruit, qui se garga
rise des n ouveaux m ots qu'il découvre et qui exulte face au n
ouveau monde qui se révèle à lui ."
COMPTES RENDUS AFRIQUE NOIRE ANGLOPHONE (71
Pourriez-vous nous préciser quelles stratégies de traduction vous
avez utili sées? Tout a commencé par la lecture séparée de l'œuvre
pour s'en imprégner.
Ensuite, nous avons traduit les deux premiers chapitres comme
échan tillon à proposer à l'éditeur. L'éditeur a retenu notre
échantillon
(d'autres lui étant proposés en même temps). Il a toutefois
souhaité que le niveau de corruption de la langue d'arrivée ne
constitue pas un obs
tacle infranchissable pour une certaine catégorie de lecteurs, les
franco phones non africains notamment. Cependant, nous avons tenu
à préci ser que nous ne franchirions pas un certain seuil pour ne
pas être ridi
cules à nos propres yeux et à ceux des lecteurs africains. Nous
estimions
que le lecteur provenant d'autres horizons devait consentir un
effort minimum pour s'approprier cette langue. Nous étions disposés
à renon cer à la traduction s'il fallait verser dans le genre
"banania y a bon" ou
petit nègre à la Hergé. Notre souci était de refléter au maximum la
langue de Ken Saro-Wiwa. Nous avons trouvé un terrain
d'entente.
Nous avons procédé paragraphe par paragraphe, en discutant de
la
structure, de la musicalité, du rythme, pour rendre la truculence
dans la langue d'arrivée. A tour de rôle, chacun proposait une
traduction à
haute voix. Nous sommes rentrés progressivement dans le texte en
affi nant notre méthode, avec un rythme de travail soutenu mais
détendu . Et dans tout ceci, quelle a été la part d'invention
langagière ? Il est difficile de quantifier la parr d'invention du
traducteur. Une ques tion récurrente durant tout le processus a
été celle-ci : "Est-ce que un chauffeur de brousse, un apprenti
chauffeur, un élève du primaire, ou simplement un homme de la rue
dirait ceci ou cela, de relie ou celle
manière ?". Ainsi, tout comme chez l'auteur en ce qui concerne
l'an glais, l'originalité de la langue de Sozaboy dans sa version
française rési
de en ce que la langue n'est ni du français correct ni du français
incor rect. Elle comporte un grand degré de variabilité dans
l'incorrection. Et contrairement à ce qu'avance jeune Afrique
(n°1961) la langue n'est pas du "français de Ouaga", encore moins
du français d'Abidjan. C'est une
langue qui emprunte à un registre fort varié et porte la marque de
l'ima gination et de la sensibilité des traducteurs.
Ce texte a-t-il été soumis à des lecteurs francophones africains,
afin d'ob server leurs réactions ? Non, à aucun stade. Toutefois,
deux collègues françaises ont pris connaissance de l'échantillon
soumis à l'éditeur. Toutes deux ont pro
posé un allègement du niveau de corruption. L'une d'elles nous a
rap pelé la lumineuse expression "Ampoules 100 Watts" employée
dans un
numéro de la chronique de Moussa du magazine Ivoire Dimanche
(Côte-d'Ivoire) pour décrire les "seins debout" d'Agnès ... "
Il me semble que cette opération est une réussite. Et si vous lisez
cette
version française du roman de Ken Saro-Wiwa, vous retrouverez
toutes les
72)
qualités de l'original, et la même difficulté de lecture : une
lecture active,
que l'on a tout intérêt à faire à voix haute. Le récit parlé
devient un texte, ce qui me remet en mémoire quelques réflexions
d'Edouard Glissant dans Le discours antillais\ qui salue cette
"oralisation de l'écrit", ces textes qui
se situent "à la conjonction de l'oral et de l'écrit" , dans une
plus grande liberté.
• Jean SÉVRY
Nl(iE~lA
• QKRI, INFINITE RICHES, PHOENIX, LONDRES, 1998. 340 P. L
16.99.
Ben Okri n'est plus à présenter: Booker Prize 1991, Prix des
écrivains
du Commonwealth pour l'Afrique, Prix Agha Khan de Paris, Prix
inter national Chianti Rufino-Antico Fattore, Prix Pre mio
Grinzane Cavour ...
The Famished Road, qu'il ne fallait surtout pas traduire par La
route des ajjàmés, titre trop lourd de clichés paternalistes et
humanitaires, mais La route ajjàmée, nous contait l'histoire d'un
enfant-abuki des quartiers pauvres, capable d'entrevoir en de
fascinantes visions le monde des
esprits. Ces intrusions dans une autre réalité lui permettaient de
guider sa mère et son père. Dad, une magistrale création de Ben
Okri, le Tigre noir, Sysiphe africain , devenait un pourfendeur
d'esprits monstrueux qui sym bolisent les forces régressives et
oppressives qui menacent les nations afri caines. Songs of
Enchantment continuait le récit des aventures et visions d'Azaro.
En même temps l'écrivain nigérian poursuivait une œuvre qui auprès
de cette veine fantastique savait aussi faire appel à de solides
qua lités d'auteur réaliste. Il sut également, grâce à son roman
Dangerous Love, se situer avec bonheur entre ces deux
extrêmes.
Le fantastique démoniaque, plutôt que le fantastique angélique et
l'œuvre réaliste, constitue à notre avis le point fort de l'œuvre
de Ben Okri. La suite des expériences d'Azaro vient de paraître
sous le titre d'Infinite Riches. Nous y retrouvons ce quadruple
chronotope (la maison, la rue, le bar de Mme Koto, la forêt) qui
permet à l'auteur d'organiser son récit, d'incarner ses intuitions,
de poser les grandes questions de l'Afrique
en crise. Les personnages des deux romans précédents sont toujours
là,
certains réapparaissent même après une longue absence. Le style
nous donne encore de grands moments d'émerveillement.
Déformations
inquiétantes, passages surprenants du réel au rêve, narrateur à la
premiè
re personne qui, grâce à ses pouvoirs, entre dans les rêves des
autres per sonnages, noms et épithètes étrangement associés parce
qu'ils relèvent de
registres différents, mystère des nombres, répétitions syntaxiques
et accu mulations lancinantes, personnifications ...