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savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

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| Prévention au travail | Printemps 2003 | 3

Une belle tête de Bouddha. Les yeux clos de la statue sont tournés

vers l’intérieur, là où poussent et s’épanouissent le savoir, le savoir

être, la conscience aiguë de la vie à préserver, la sienne et celle des

autres. Comment devient-on préventif ? Comment se fait l’appren-

tissage de la prévention ? Il y a une part de mystère là-dessous.

Si l’on pouvait vaporiser une couche de prévention sur la peau

des humains, s’il existait un vaccin contre les accidents en tout genre

et particulièrement les accidents du travail, quel progrès ce serait !

Mais voilà, la prévention n’est en vente nulle part. Ni pour les tra-

vailleurs, ni pour les employeurs. Ni en vaporisateur, ni en vaccin,

ni en poudre, ni en kit. Et personne ne peut se vanter d’en posséder

la recette originale.

La prévention, cette disposition particulière qui permet d’éviter les

dangers étant introuvable à l’extérieur, il faut bien faire comme

Bouddha et regarder à l’intérieur de soi. Car c’est bel et bien là que

tout se passe. Là que le savoir prend racine, pousse, plus ou moins

lentement, mène au savoir-faire, au savoir être et au faire savoir,

à certaines conditions…

Le dossier de ce numéro vous entraîne dans une descente au

cœur de la prévention. Avec à la clé une sorte d’esquisse de l’être

préventif tracée grâce à la curiosité toute professionnelle de la

chercheuse et consultante Renée Cossette et aux travailleurs qui ont

répondu à ses nombreuses questions. De fil en aiguille, ses obser-

vations sur l’« Être préventif » nous mènent aux équipements de

protection. Pourquoi néglige-t-on parfois de s’en servir ? Le chercheur

et professeur Mario Roy répond à la question. Il nous fait prendre

conscience que les apparences sont parfois trompeuses. Non, ce n’est

pas nécessairement par insouciance ou par bravade que des travail-

leurs ne se protègent pas.

Les blocs des reportages et de la recherche à l’IRSST devraient

nourrir, eux aussi, chacun à sa manière, notre « serre intérieure ».

Pour terminer l’exploration en beauté, le magazine vous invite à

suivre, yeux bien ouverts cette fois, l’itinéraire exceptionnel de la

Dre Michelle Cousineau, spécialiste des questions de santé mentale

et de violence au travail.

Bon voyage !

Un voyage intérieur… en sécurité

Préventionau travail

M o t d e l a r é d a c t i o n

Mise en gardeLes photos publiées dans Prévention au travailsont le plus conformes possible aux lois et règlements sur la santé et la sécurité du travail.Cependant nos lectrices et lecteurs comprendrontqu’il peut être difficile, pour des raisons techniques, de représenter la situation idéale.

Printemps 2003 | Volume 16, no 2

Le magazine Prévention au travail est publié par les directions des communications de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) et de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST).

Président du conseil d’administrationet chef de la direction de la CSST,et président de l’IRSSTJacques Lamonde

SECTION CSSTDirecteur des communicationsPierre Benoit

Rédactrice en chefMonique Legault Faucher

Adjoint à la rédactrice en chef, par intérimMarc Tison

Secrétaire de rédactionGisèle Rousseau

CollaborateursJean-Yves Charbonneau, Serge Douville, Suzanne Labrecque, Julie Mélançon, François Messier, Karine Pichette, Marc Tison, Lyse Tremblay, Véronique Voyer

RévisionTranslatex communications +

SECTION IRSSTPrésidente-directrice générale de l’IRSSTDiane Gaudet

Directeur des communications Jacques Millette

Rédactrice en chefMarjolaine Thibeault

CollaborateursYves Beaulieu, Mario Bélisle, Isabelle Labarre, Lucie Lebel, Virginie Martel, Jean-Marc Papineau, Loraine Pichette, Claire Thivierge

Direction artistique, production et retouche numérique des photosJean Frenette Design

Validation des photographies et des illustrationsFrançois Fontaine, Yvon Papin, Pierre Sirois, Charles Taschereau, André Turcot

Photo de la page couvertureGrant V. Faint / ImageBank

ImpressionImprimeries Transcontinental inc.

ComptabilitéMonique Chapdelaine, Danielle Lalonde

DistributionLyse Tremblay

AbonnementsAbonnement Québec525, rue Louis-PasteurBoucherville (Québec) J4B 8E7Tél. 1 877 221-7046

© CSST-IRSST 2003La reproduction des textes est autorisée pourvu que la source en soit mentionnéeet qu’un exemplaire nous en soit adressé :

CSST1199, rue De Bleury C. P. 6056Succursale Centre-villeMontréal (Québec) H3C 4E1Tél. (514) 906-3061, poste 2198Téléc. (514) 906-3016Site Web : www.csst.qc.ca

IRSST505, boulevard De Maisonneuve OuestMontréal (Québec) H3A 3C2Tél. (514) 288-1551Téléc. (514) 288-7636Site Web : www.irsst.qc.ca

Dépôt légalBibliothèque nationale du QuébecISSN 0840 7355

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Troubles musculo-squelettiquesTMS – Un mal sournoisDC 500-234Dépliant, 21,6 cm x 27,9 cm2 volets

TMS – La prévention, ça fonctionne !DC 500-235Feuillet, 21,6 cm x 27,9 cm

TMS – Ça coûte cher à toutle mondeDC 500-236Feuillet, 21,6 cm x 27,9 cm

Les manifestations des troublesmusculo-squelettiques (TMS)sont nombreuses : simple malde dos, entorse lombaire, ten-dinite, bursite, syndrome ducanal carpien, etc. Les TMS ontmalheureusement des réper-cussions considérables sur lesplans humain, social et finan-cier, tant pour les employeursque pour les travailleurs. Pourl’année 2000 seulement, lescoûts d’indemnisation se sontélevés à 500 millions de dollars.

Ces trois documents don-nent un bon aperçu de la ré-partition des pourcentages dedébours par secteur d’activité. Ils permettent de constater, à la lecture de l’information reliée à la démarche préven-tive menée par la CSST dans38 entreprises du Québec, quela prévention, ça fonctionne !Pour prévenir les TMS et cor-riger les situations de travail àrisque, il faut avant tout savoiren reconnaître les signes. Lasérie fournit de l’informationsur toutes les étapes de la dé-marche préventive.

Jeunes travailleurs etétudiants-travailleurs… la prévention des accidentsdu travail, ça commencetout de suite !DC 200-1542-1Brochure, 21,6 cm x 27,9 cm20 pages

Peu importe le secteur dansleque l i l s t r ava i l l en t , l e s 490 000 jeunes qui ont un emploi au Québec sont ex-posés à des risques d’accidents et de maladies profession-nelles. Chaque année, plus de24 000 travailleurs de 24 ans ou moins se blessent au tra-vail et une quinzaine y perdentmême la vie. Conçue pour sensibiliser les jeunes et les étudiants-travailleurs, cettebrochure résume les droits etles obligations de chacun enmatière de santé et de sécuritédu travail. De plus, elle per-met de mieux comprendre lerôle de la CSST, ainsi que lesservices offerts aux travailleurs.On y expose également, sousforme de questions/réponses,des situations de travail parti-culières : « Je travaille dans uneferme l’été, suis-je couvert ? »,« Je suis enceinte. Ai-je desdroits en matière de préven-tion ? », « Je fais du bénévolat.Suis-je couvert pendant mesheures de travail bénévole ? ».Rédigée de façon concise etabondamment illustrée, cettebrochure est un bel outil de départ pour que la préventiondes accidents chez les jeunescommence tout de suite !

Pour favoriser l’intégrationdes jeunes au travail,mettez toutes les chancesde votre côtéDC 200-1552Brochure, 17,8 cm x 25,4 cm8 pages

Accueillir un jeune ou un nou-veau travailleur dans une en-treprise est une responsabilitéque l’employeur ne doit pas négliger, surtout lorsqu’il s’agitde la santé et de la sécurité dutravail. Les statistiques montrenten effet que les travailleurs de24 ans ou moins sont plus vul-nérables aux accidents, en rai-son notamment du manque d’expérience et de formation en santé et sécurité du travail.Cette brochure aidera les em-ployeurs à faciliter l’intégrationdes jeunes ainsi que celle de tout nouveau travailleur. La dé-marche proposée à l’employeurcomporte trois étapes : la des-cription des tâches et la sen-sibilisation à la prévention, la formation et l’accompagne-ment professionnel, le suivi etl’évaluation. Pour chacune deces étapes, on aborde les pointsprincipaux que l’employeur nedoit pas négliger pour assurer la prévention des accidents et des maladies du travail. La solution passe par la mise enplace de mesures concrètes ausein de l’entreprise. Le docu-ment offre une fiche pratiqued’intégration au travail quel’employeur peut remplir pourchaque nouveau travailleur ou travailleuse. En faisant un tel exercice, l’employeur seraamené à repérer les risques liésà chacune des tâches et aux machines, appareils et outilsutilisés par le travailleur. Il devra par ailleurs préciser la formation reçue par le nouvelemployé : un bon moyen de nerien oublier !

Le nettoyage industriel, un travail dangereux.Rendons-le sécuritaire !DC 500-213Dépliant, 21,4 cm x 27,8 cm3 volets

Réalisé par le Comité pari-taire de l’environnement et laCSST, ce document sera utileaux travailleurs et aux em-ployeurs confrontés aux risquesprésents dans le secteur du nettoyage industriel. Pour la plupart des travailleurs de ce milieu, manier un jet d’eau si puissant qu’il peut décou-per le métal ou pomper le contenu d’un réservoir rempli de produits toxiques font partie des tâches du quotidien. Des risques à prendre très au sérieux. En effet, entre 1995 et 2001, 11 travailleurs ont perdu la vie à la suite d’accidents du travail reliés au nettoyage industriel. À la lecture de ce dépliant, travailleurs et employeurs en apprendront davantage sur lestechniques du nettoyage in-dustriel, sur les risques qui s’y rattachent, et ce, qu’ils soientgénéraux, particuliers ou reliésaux espaces clos. Ils pourrontégalement se renseigner sur les mesures de prévention ainsi que sur le cycle de la récupéra-tion des matières dangereusesrésiduelles présenté sous formede schéma.

RéimpressionMonté sur du solide –L’échafaudage sur cadresouverts pour travaux de briquetageDC 100-9031, brochure

Vous pouvez vous procurer ces documents au bureau de laCSST de votre région. OVéronique Voyer

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Vient de paraître à la CSST

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L’ammoniac en agriculture

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Cherchez l’erreur

L’ammoniac anhydre est un engrais très efficace en raison de sa haute

teneur en azote. Il est transporté sous forme liquide dans des citernes

sous très haute pression. Tirée par un tracteur, la citerne est branchée

à une rampe d’application qui griffera le sol en y injectant l’ammoniac.

Efficace ! On veut que ça pousse, mais faut pas pousser ! Pour brancher le tuyau

à haute pression, Gilles a court-circuité toutes les mesures de sécurité.

Pouvez-vous dire lesquelles ?

Simulation

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Méthodes de travailÀ l’extrémité du tuyau à haute pressionse trouvent un robinet et un raccord ra-pide qui simplifie le branchement à laciterne. Il ne faut pas saisir le robinetpar sa poignée, car il risque de s’ouvriraccidentellement. On doit plutôt ma-nipuler le tuyau par le raccord ou par le corps du robinet. Il ne faut jamais utiliser une clé à tuyau pour ouvrir ou fermer un robinet ou pour serrer un raccord rapide. Les filets des robinets dela citerne doivent être protégés par desbouchons de protection. Quand le maté-riel n’est pas sous surveillance, on doitfermer les robinets, débrancher le tuyauet remettre les bouchons en place.

Les corrections Très utile, l’ammoniac anhydre (sanseau), mais dangereux ! À la températureambiante de 25 °C, un litre d’ammoniacliquide produit près de 1 000 litres degaz. Comme il ne contient pas d’eau, cegaz sera attiré par les sources d’humi-dité. Il causera des irritations et des brû-lures s’il entre en contact avec les yeux,le nez ou les poumons. L’ammoniac doitdonc être traité avec la plus grande pru-dence. C’est pourquoi il faut s’assurerd’une position stable pendant le branche-ment du tuyau. Gilles utilise un escabeaubien en appui, placé directement sous la zone de travail. Idéalement, une pas-serelle sur la citerne, munie d’un garde-corps, faciliterait grandement la tâche.

Les erreurs

Gilles se penche sur son travail, mais sa position montre davan-tage d’instabilité que d’attention.

Il tient le tuyau à haute pression par la poignée du robinet. Unepetite rotation et… pschitt !

Une clé à tuyau accrochée à la citerne? Gilles aurait-il la malheu-reuse intention de s’en servir pour serrer le raccord sur le robinetde la citerne?

Les bouchons qui auraient dû protéger les filets des robinets inu-tilisés ne sont pas en place.

Le soleil plombe. Est-ce pour cette raison que Gilles est si légè-rement vêtu, chaussé, et qu’il ne porte pas un équipement deprotection?

Chiffons, débris, vieux pneu… Tout ce qu’il faut pour trébucheret s’étaler !

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Merci au personnel d’Agro-Centre Farnham poursa collaboration : Daniel Brodeur, président, etGilles Campbell, contremaître, qui a aimable-ment prêté son concours comme comédien.

Nos personnes-ressources : FrançoisFontaine, inspecteur à la Direction régionale deSaint-Jean-sur-Richelieu, et Yvon Papin, conseil-ler à la Direction de la prévention-inspection,tous deux de la CSST.

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Équipement de protectionLes effets corrosifs de l’ammoniac im-posent le port d’un équipement de pro-tection approprié. Vêtements de travailcouvrant tout le corps, longs gants faitsde matières étanches, (néoprène oucaoutchouc butylé), masque complet àcartouche pour l’ammoniac ou lunettesde protection étanches combinées à undemi-masque à cartouche, chaussures à embout protecteur.

Le travailleur doit en outre se munird’un matériel d’urgence. Parce qu’il tra-vaille souvent seul dans des champséloignés, il doit informer une personnefiable de l’endroit et de la durée des tra-vaux. Pour entrer rapidement en contactavec des secours en cas d’urgence, il se munira d’un téléphone portable ou d’un émetteur-récepteur portatif. Il doitégalement garder sur lui une bouteille d’eau propre pour rincer rapidement les zones de son corps — spécialement sesyeux — en cas d’éclaboussures d’am-moniac. Il doit conserver une réservesupplémentaire d’au moins 20 litresd’eau fraîche du jour à portée de main.Remarquons au passage que la citerneporte le triangle signalant un véhiculelent, dont la vitesse ne doit pas excéder40 km/h. En matière de prévention, onrécolte ce que l’on sème! O

Marc Tison

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Si l’on ne naît pas « préventif »,on peut heureusement le devenir un jour,au fil des ans, et même inspirer ses pairs…

ou ses employés !

Savoir

Savoir-faire

Savoir être

Faire savoir

PrévenirPrévenir

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Pour Renée Cossette, de la firme Creanim, tout est parti d’une question :

pourquoi des personnes font-elles fi du danger alors

que d’autres adoptent uncomportement de prudence ?

Pourquoi certaines portentleur équipement de

protection et d’autres pas ?

parce qu’ils entrent dans l’entrepriseavec l’intention d’y rester longtemps.Ils s’investissent dans leur travail. Ilsne veulent naturellement pas se blesser,sachant qu’ils seraient sans douteprivés d’une quelconque façon. »

Touché !Faut-il absolument un déclencheur pourchanger d’attitude et de comportement?« Oui, vraisemblablement, du moins ence qui touche la valeur “ prévention ”,répond la chercheuse. Mais il n’existepas, hélas !, de déclencheur universel.Être témoin d’un accident, ça peut êtrele déclic qui incitera un employeur, uncontremaître ou un travailleur à adopterdes attitudes plus préventives. L’acci-dent est, sans contredit, un déclencheurbrutal, mais il n’est heureusement pas leseul. Le changement d’attitude peutaussi se faire si l’employeur sensibiliseles travailleurs à des comportementspréventifs par le biais de formations.Toutefois, ces dernières doivent êtredonnées de façon à toucher, à atteindreles participants dans leur sensibilité,sinon le verbe ne porte pas. Il faut sus-citer chez eux le goût de changer decomportement. “ J’ai intérêt à devenirplus prudent parce que la vie et l’in-tégrité physique sont précieuses. ” »

La prise de conscience peut inciterune personne à se prendre en charge.Ainsi, elle décidera de porter son équi-pement de protection non par obéis-sance, mais parce que cela a du senspour elle. C’est en amenant les per-sonnes à être plus proches de leurs émo-tions, de ce qu’elles ressentent, de leursensibilité, qu’on les incitera à réflé-chir aux gestes accomplis au quotidien.Certaines femmes et certains hommessont plus sensibles et donc plus sensi-bilisés que d’autres, par tempérament ou par suite d’événements. C’est le casdes huit travailleurs désignés par leurscollègues. Le déclic s’est fait plus vitepour eux, assure Mme Cossette. Mais cequi est sûr, c’est qu’il faut se sentirtouché pour vouloir changer quelquechose à sa façon de faire. »

Thierry Pauchant, chercheur et professeur à l’École des hautes études commerciales de Montréal, égale-ment invité au colloque organisé par le Centre patronal, tient depuis des années le même discours. « Une cata-strophe ou une crise, tout comme une maladie, est porteuse d’un en-seignement, d’un levain favorisant le

changement2. » Chez les huit personnesinterviewées par la chercheuse, on cons-tate qu’il y a eu un déclencheur et, parla suite, l’adoption progressive de com-portements préventifs.

Du savoir au savoir-fairePour afficher un comportement pré-ventif, il faut savoir. « Ainsi, on ne peut pas afficher des comportements conformes si on ne connaît pas lesnormes en vigueur. Dans une entre-prise, outre un milieu de travail sûr, la première chose à offrir aux travail-leurs, c’est donc du savoir technique. Ilfaut que les formations données favo-risent l’assimilation, l’intégration destechniques, des méthodes de travail.Dans une situation particulièrementstressante ou urgente, il est vital d’avoir les bons réflexes. Or, il faut 21 jourscontinus de pratique pour qu’un ap-prentissage devienne un réflexe condi-tionné. » Outre le savoir, donc, lesavoir-faire est essentiel. En appliquantles connaissances acquises, celles-ci se transforment en compétences et…en un pouvoir de faire.

Du savoir-faire au savoir êtrePlusieurs observateurs ont noté que, là où règne un bon climat de travail, là où l’environnement est non seule-ment fonctionnel mais relationnel, il ya moins d’accidents du travail. « Toutsimplement parce que les gens se parlent, s’interpellent lorsqu’ils ob-servent chez l’autre un comportementpouvant être à risque. Dans ce contexte,les gestionnaires ont une responsabilitéimportante, celle de créer un bon climatde travail. C’est ce climat qui favori-sera l’éclosion d’une culture relation-nelle, qui influencera directement laculture de prévention au sein de l’en-treprise », fait ressortir Mme Cossette.Et de poursuivre : « La prévention,c’est un très beau dossier pour huma-niser une entreprise. C’est inévitable-ment ce qui la forcera tôt ou tard àadopter des valeurs plus humaines, caril lui en coûtera très cher (accident,épuisement professionnel, harcèle-ment moral, etc.) de faire abstraction de la sensibilité de son personnel. Tousles comportements humains reposentsur des valeurs, nommées ou non. Leshuit messieurs rencontrés en avaient,que leurs collègues ont perçues et

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En apparence, rien ne laissait pré-sager que Renée Cossette, docteure enpsycholinguistique, s’aventurerait dansl’univers de la santé et de la sécurité du travail. Habituée à travailler dans le secteur de l’enseignement et de l’encadrement du personnel, cette uni-versitaire a rencontré la prévention un peu… par accident. Invitée par le Centre patronal de santé et de sécuritédu travail du Québec à participer, à titre de conférencière, au colloque Pourune entreprise en santé : savoir recon-naître et réduire les différents risquesau travail, Mme Cossette a expliquécomment elle était tombée dans la potion magique1.

« Un jour, j’étais dans une entre-prise de pétrochimie — on m’avait demandé de faire de la consolida-tion d’équipes — lorsque le comité de santé-sécurité m’a soumis un pro-blème psychologique assez particu-lier : “ Dites-nous, madame, pourquoides gars qui travaillent avec des pro-duits chimiques et risquent donc d’êtreatteints par des éclaboussures ne por-tent pas pour autant leur équipement de protection ? Ils savent fort bienqu’ils peuvent être défigurés, perdre la vue ! En outre, le problème est plusgrave le soir que le jour… ” Sur le coup,je n’ai pas su quoi répondre, mais leproblème soumis m’a beaucoup inter-pellée ! C’est ainsi qu’est né mon désirde comprendre. Tout le monde saitqu’il est dangereux de conduire si on a pris de l’alcool. Alors pourquoi desgens le font quand même, mettant nonseulement leur vie, mais aussi celle des autres en grand danger? »

La spécialiste a décidé d’aller en-quêter sur le terrain. Elle aurait pu s’in-téresser à l’univers des jeux de hasardqui peuvent aussi entraîner de fortespertes ou encore à la conduite auto-

mobile, mais l’histoire des travailleursrisquant leur intégrité physique avaitpour elle une résonance tout à fait particulière. « Pourquoi des humains— travailleurs, contremaîtres ou em-ployeurs — font-ils fi du danger alorsque d’autres adoptent un comporte-ment préventif ? Qu’est-ce que ces derniers ont que les premiers n’ont pas? La prévention, ce n’est pas dansle lait maternel. Mais alors, ça s’ac-quiert comment? » La chercheuse vou-lait des réponses.

C’est finalement dans une grandeentreprise de Laval spécialisée dans la fabrication de produits en métal que Mme Cossette a pu mener sa re-cherche. « J’ai interrogé 75 travail-leurs. À chacun, j’ai posé la mêmequestion : “ Pouvez-vous me nommertrois personnes qui travaillent ici et que vous percevez comme étant pré-ventives dans leur façon de se com-porter ? ” Je me suis retrouvée avec30 noms dont huit étaient nommés10 fois et plus. » Qu’avaient en com-mun ces travailleurs ? Intriguée, lachercheuse les a interviewés un par un pendant deux heures. « J’ai utiliséune méthode élaborée par un psycho-logue américain, David McClelland.Pendant long-temps, les agents du Foreign Office, en Grande-Bretagne,étaient recrutés en fonction de leur curriculum vitæ. Au fil du temps,

M. McClelland a constaté que certainscandidats, à diplôme égal, réussissaienttrès bien et d’autres, pas du tout. Pastoujours fiable, le CV!, a-t-il conclu. Lechercheur a donc décidé d’étudier leprofil des personnes qui réussissaientafin de savoir si elles avaient des pointsen commun. J’ai fait comme lui. J’airencontré chacun des huit travailleursdésignés par leurs collègues et j’ai suivi la même démarche. J’ai demandéà chacun de me raconter un événementde son passé, qui avait eu une fin heu-reuse, et puis un autre, dont l’issue avaitété moins réjouissante.

« Au fil des rencontres, nous avonseu le temps d’aborder environ quatreévénements. De façon ponctuelle, pendant le déroulement de leurs récits,je leur demandais : “ Qu’avez-vouspensé à ce moment-là, qu’avez-vousressenti, qu’avez-vous dit, qu’avez-vous fait ? ” Je voulais connaître leurmode de perception. »

Mme Cossette a ainsi enregistré unetrentaine d’événements, pour ensuiteles retranscrire et les analyser. Elle a pu de cette façon noter les points deconvergence qu’elle a appelés des com-pétences. Ce qui l’a d’abord frappée,c’est que les huit travailleurs sont dansle Je veux. Ils sont déterminés à ce queles choses changent, s’améliorent au-tour d’eux. Pourquoi ? La chercheusepropose une explication : « Sans doute

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2. « Êtes-vous préventif ou porte-crise ? »,Prévention au travail, mars-avril 1993, p. 6.

1. Renée Cossette a également repris ce thèmelors d’une conférence donnée dans le cadre du colloque du Grand Rendez-vous santé et sécurité du travail organisé par la CSST en octobre 2002, au Palais des congrès deMontréal.

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Par Monique Legault Faucher

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Pour Renée Cossette, de la firme Creanim, tout est parti d’une question :

pourquoi des personnes font-elles fi du danger alors

que d’autres adoptent uncomportement de prudence ?

Pourquoi certaines portentleur équipement de

protection et d’autres pas ?

parce qu’ils entrent dans l’entrepriseavec l’intention d’y rester longtemps.Ils s’investissent dans leur travail. Ilsne veulent naturellement pas se blesser,sachant qu’ils seraient sans douteprivés d’une quelconque façon. »

Touché !Faut-il absolument un déclencheur pourchanger d’attitude et de comportement?« Oui, vraisemblablement, du moins ence qui touche la valeur “ prévention ”,répond la chercheuse. Mais il n’existepas, hélas !, de déclencheur universel.Être témoin d’un accident, ça peut êtrele déclic qui incitera un employeur, uncontremaître ou un travailleur à adopterdes attitudes plus préventives. L’acci-dent est, sans contredit, un déclencheurbrutal, mais il n’est heureusement pas leseul. Le changement d’attitude peutaussi se faire si l’employeur sensibiliseles travailleurs à des comportementspréventifs par le biais de formations.Toutefois, ces dernières doivent êtredonnées de façon à toucher, à atteindreles participants dans leur sensibilité,sinon le verbe ne porte pas. Il faut sus-citer chez eux le goût de changer decomportement. “ J’ai intérêt à devenirplus prudent parce que la vie et l’in-tégrité physique sont précieuses. ” »

La prise de conscience peut inciterune personne à se prendre en charge.Ainsi, elle décidera de porter son équi-pement de protection non par obéis-sance, mais parce que cela a du senspour elle. C’est en amenant les per-sonnes à être plus proches de leurs émo-tions, de ce qu’elles ressentent, de leursensibilité, qu’on les incitera à réflé-chir aux gestes accomplis au quotidien.Certaines femmes et certains hommessont plus sensibles et donc plus sensi-bilisés que d’autres, par tempérament ou par suite d’événements. C’est le casdes huit travailleurs désignés par leurscollègues. Le déclic s’est fait plus vitepour eux, assure Mme Cossette. Mais cequi est sûr, c’est qu’il faut se sentirtouché pour vouloir changer quelquechose à sa façon de faire. »

Thierry Pauchant, chercheur et professeur à l’École des hautes études commerciales de Montréal, égale-ment invité au colloque organisé par le Centre patronal, tient depuis des années le même discours. « Une cata-strophe ou une crise, tout comme une maladie, est porteuse d’un en-seignement, d’un levain favorisant le

changement2. » Chez les huit personnesinterviewées par la chercheuse, on cons-tate qu’il y a eu un déclencheur et, parla suite, l’adoption progressive de com-portements préventifs.

Du savoir au savoir-fairePour afficher un comportement pré-ventif, il faut savoir. « Ainsi, on ne peut pas afficher des comportements conformes si on ne connaît pas lesnormes en vigueur. Dans une entre-prise, outre un milieu de travail sûr, la première chose à offrir aux travail-leurs, c’est donc du savoir technique. Ilfaut que les formations données favo-risent l’assimilation, l’intégration destechniques, des méthodes de travail.Dans une situation particulièrementstressante ou urgente, il est vital d’avoir les bons réflexes. Or, il faut 21 jourscontinus de pratique pour qu’un ap-prentissage devienne un réflexe condi-tionné. » Outre le savoir, donc, lesavoir-faire est essentiel. En appliquantles connaissances acquises, celles-ci se transforment en compétences et…en un pouvoir de faire.

Du savoir-faire au savoir êtrePlusieurs observateurs ont noté que, là où règne un bon climat de travail, là où l’environnement est non seule-ment fonctionnel mais relationnel, il ya moins d’accidents du travail. « Toutsimplement parce que les gens se parlent, s’interpellent lorsqu’ils ob-servent chez l’autre un comportementpouvant être à risque. Dans ce contexte,les gestionnaires ont une responsabilitéimportante, celle de créer un bon climatde travail. C’est ce climat qui favori-sera l’éclosion d’une culture relation-nelle, qui influencera directement laculture de prévention au sein de l’en-treprise », fait ressortir Mme Cossette.Et de poursuivre : « La prévention,c’est un très beau dossier pour huma-niser une entreprise. C’est inévitable-ment ce qui la forcera tôt ou tard àadopter des valeurs plus humaines, caril lui en coûtera très cher (accident,épuisement professionnel, harcèle-ment moral, etc.) de faire abstraction de la sensibilité de son personnel. Tousles comportements humains reposentsur des valeurs, nommées ou non. Leshuit messieurs rencontrés en avaient,que leurs collègues ont perçues et

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En apparence, rien ne laissait pré-sager que Renée Cossette, docteure enpsycholinguistique, s’aventurerait dansl’univers de la santé et de la sécurité du travail. Habituée à travailler dans le secteur de l’enseignement et de l’encadrement du personnel, cette uni-versitaire a rencontré la prévention un peu… par accident. Invitée par le Centre patronal de santé et de sécuritédu travail du Québec à participer, à titre de conférencière, au colloque Pourune entreprise en santé : savoir recon-naître et réduire les différents risquesau travail, Mme Cossette a expliquécomment elle était tombée dans la potion magique1.

« Un jour, j’étais dans une entre-prise de pétrochimie — on m’avait demandé de faire de la consolida-tion d’équipes — lorsque le comité de santé-sécurité m’a soumis un pro-blème psychologique assez particu-lier : “ Dites-nous, madame, pourquoides gars qui travaillent avec des pro-duits chimiques et risquent donc d’êtreatteints par des éclaboussures ne por-tent pas pour autant leur équipement de protection ? Ils savent fort bienqu’ils peuvent être défigurés, perdre la vue ! En outre, le problème est plusgrave le soir que le jour… ” Sur le coup,je n’ai pas su quoi répondre, mais leproblème soumis m’a beaucoup inter-pellée ! C’est ainsi qu’est né mon désirde comprendre. Tout le monde saitqu’il est dangereux de conduire si on a pris de l’alcool. Alors pourquoi desgens le font quand même, mettant nonseulement leur vie, mais aussi celle des autres en grand danger? »

La spécialiste a décidé d’aller en-quêter sur le terrain. Elle aurait pu s’in-téresser à l’univers des jeux de hasardqui peuvent aussi entraîner de fortespertes ou encore à la conduite auto-

mobile, mais l’histoire des travailleursrisquant leur intégrité physique avaitpour elle une résonance tout à fait particulière. « Pourquoi des humains— travailleurs, contremaîtres ou em-ployeurs — font-ils fi du danger alorsque d’autres adoptent un comporte-ment préventif ? Qu’est-ce que ces derniers ont que les premiers n’ont pas? La prévention, ce n’est pas dansle lait maternel. Mais alors, ça s’ac-quiert comment? » La chercheuse vou-lait des réponses.

C’est finalement dans une grandeentreprise de Laval spécialisée dans la fabrication de produits en métal que Mme Cossette a pu mener sa re-cherche. « J’ai interrogé 75 travail-leurs. À chacun, j’ai posé la mêmequestion : “ Pouvez-vous me nommertrois personnes qui travaillent ici et que vous percevez comme étant pré-ventives dans leur façon de se com-porter ? ” Je me suis retrouvée avec30 noms dont huit étaient nommés10 fois et plus. » Qu’avaient en com-mun ces travailleurs ? Intriguée, lachercheuse les a interviewés un par un pendant deux heures. « J’ai utiliséune méthode élaborée par un psycho-logue américain, David McClelland.Pendant long-temps, les agents du Foreign Office, en Grande-Bretagne,étaient recrutés en fonction de leur curriculum vitæ. Au fil du temps,

M. McClelland a constaté que certainscandidats, à diplôme égal, réussissaienttrès bien et d’autres, pas du tout. Pastoujours fiable, le CV!, a-t-il conclu. Lechercheur a donc décidé d’étudier leprofil des personnes qui réussissaientafin de savoir si elles avaient des pointsen commun. J’ai fait comme lui. J’airencontré chacun des huit travailleursdésignés par leurs collègues et j’ai suivi la même démarche. J’ai demandéà chacun de me raconter un événementde son passé, qui avait eu une fin heu-reuse, et puis un autre, dont l’issue avaitété moins réjouissante.

« Au fil des rencontres, nous avonseu le temps d’aborder environ quatreévénements. De façon ponctuelle, pendant le déroulement de leurs récits,je leur demandais : “ Qu’avez-vouspensé à ce moment-là, qu’avez-vousressenti, qu’avez-vous dit, qu’avez-vous fait ? ” Je voulais connaître leurmode de perception. »

Mme Cossette a ainsi enregistré unetrentaine d’événements, pour ensuiteles retranscrire et les analyser. Elle a pu de cette façon noter les points deconvergence qu’elle a appelés des com-pétences. Ce qui l’a d’abord frappée,c’est que les huit travailleurs sont dansle Je veux. Ils sont déterminés à ce queles choses changent, s’améliorent au-tour d’eux. Pourquoi ? La chercheusepropose une explication : « Sans doute

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2. « Êtes-vous préventif ou porte-crise ? »,Prévention au travail, mars-avril 1993, p. 6.

1. Renée Cossette a également repris ce thèmelors d’une conférence donnée dans le cadre du colloque du Grand Rendez-vous santé et sécurité du travail organisé par la CSST en octobre 2002, au Palais des congrès deMontréal.

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Quelles raisons poussent un travailleur à utiliser ou pas un équipement de protectionindividuelle (ÉPI) ? Renée Cossette n’est pas la seule à s’être intéressée à cette question.Mario Roy, titulaire de la chaire d’étude en organisation du travail à la faculté d’administration de l’Université de Sherbrooke,l’a fouillée jusqu’à ce qu’il trouve des réponses.Et les « couleurs » de ces réponses font échoaux propos tenus par Mme Cossette.

notamment, celle d’être “ préventif ”dans un milieu pouvant comporter des risques. Il est clair que ce sont les valeurs qui donnent cours tant aux décisions prises qu’aux attitudes adoptées, c’est-à-dire aux conduites démontrées. »

Du savoir être au faire savoirLes travailleurs interrogés par RenéeCossette ont un autre point en com-mun. Ils interviennent spontanément et librement lorsqu’ils perçoivent uneconduite imprudente autour d’eux.Ainsi, la valeur « sécurité » qu’ils portent en eux les pousse à sensibiliserleurs pairs, en somme à devenir des éducateurs ! Face à un comportementnon conforme, ils communiquent àl’autre, sans aucune obligation, leur observation. Leur expérience et les

valeurs qu’ils ont acquises les mènent,en quelque sorte, dans le faire savoiraux collègues.

Autre constat : ils sont vigilantsdans leur façon de communiquer leursremarques. Il faut que règne la bonneentente. De plus, ils deviennent très observateurs de ce qui se passe dansleur milieu de travail. « L’un d’eux m’adit : “ Quand je travaille sur une ma-chine, je deviens hyper conscient desdangers d’accident. J’inspecte conti-nuellement mon environnement. J’aiun œil sur tout ce qui bouge.” »

Les huit travailleurs perçus commepréventifs par leurs pairs affichent unbel esprit d’équipe. Ils respectent leurscollègues et ils sont manifestement res-pectés par eux. « Ce sont des hommesbienveillants. Plusieurs sont très actifsau sein de leur syndicat et la plupartont suivi un cours de premiers soins.Quand un incident survient, ils agissentefficacement, avec sang-froid. Lorsqueles circonstances d’un accident ne leurparaissent pas claires, un peu comme

l’inspecteur Colombo, il leur faut com-prendre comment et pourquoi celui-ci a pu survenir et savoir ce qu’il auraitfallu faire ou ne pas faire pour l’évi-ter. Ils cherchent des solutions et ils insistent pour que la situation ayant provoqué l’accident soit corrigée. L’und’eux, un jour, est même allé jusqu’àmettre son poste en jeu. “ Si vous neposez pas de garde sur cette machine,moi, je ne travaille plus ici ! ” Une telleattitude, une telle conviction, c’est re-marquable ! Et c’est pour ça que ceshommes sont perçus comme des mo-dèles. Ce sont des êtres sur qui on peutcompter. Et le climat de travail autourd’eux s’en trouve amélioré. »

La chercheuse a aussi été impres-sionnée par l’attitude d’autoques-tionnement qu’affichent les hommes interviewés, par leur préoccupationpour leur propre conduite si celle-ci n’a pas été en tout point conforme.« Par ailleurs, avant de faire un gestequi demande de l’attention, ils agissentavec méthode; ils s’arrêtent pour analyser une situation, un incident, et ils passent aux actes ensuite avec à-propos ! Trop souvent, les gens ne prennent pas le temps de réfléchir… »

Des phénomènes, des êtres excep-tionnels, ces hommes-là, avec une au-réole clignotante suspendue au-dessusde leur tête ? « Non, mais ce sont desgens qui ont trouvé un sens à leur travail, ils sont engagés dans leur mi-lieu, ils y tissent des liens significatifset pratiquent l’entraide. »

Il existe par ailleurs, à l’autre pôle,des personnes qui, pour diverses rai-sons, ont plus de mal à trouver un sens à leur travail. Elles se sentent prisonnières, impuissantes. « Qui n’a pas déjà entendu des travailleurs ou des travailleuses dire : “ Moi, il mereste encore cinq ans à faire… ”, oubien encore “ Les gars, en dedans, ilssont écœurés ! ” Ce vocabulaire carcé-ral est tristement lourd de sens et auratôt ou tard une incidence sur le tauxd’accident au sein de l’entreprise. »

Pour terminer sur une note trans-cendante, Mme Cossette rappelle un mot que l’on prête au père de FlorenceNightingale3 et qui colle bien à la per-sonnalité des huit travailleurs inter-rogés : « Que le monde soit meilleurparce que j’y suis passé. » O

A priori incontournable : avantd’opter pour des ÉPI, il faut absolu-ment tenter d’éliminer le danger à lasource. Logique. Lorsque c’est impos-sible, il faut trouver les moyens de leréduire au maximum, et les ÉPI peu-vent alors faire partie de la solution.Toujours très logique. Mais avant deles choisir, qu’il s’agisse de chaus-sures, de lunettes, de gants, de masquesrespiratoires, de harnais, etc., il fauttenir compte de toute une série de facteurs : technologie, esthétique, prixdes équipements et de leur utilisa-tion, inconfort, perte de rendement,normes sociales, politiques et pra-tiques des ressources humaines, etc.D’après Mario Roy, « lorsque l’onparle du comportement préventif, ontient toujours pour acquis que la per-sonne qui ne l’affiche pas est fautive et qu’elle sera, par conséquent, res-ponsable si un jour elle se blesse. Lasolution serait d’agir sur son com-portement. L’idée est louable, maisc’est oublier tous les facteurs qui in-fluencent ce comportement et surlesquels elle a peu de prise. Elle subitpeut-être une pression très forte sur le plan de la production, chaque seconde de son temps compte et elle peut avoir le sentiment que l’ÉPI ralentit son travail. Il se peut encore que ce dernier soit très inconfortable,ou encore que le milieu de travail, pour diverses raisons, en trouve le port inutile ou même ridicule. »

Confort et influenceLa quasi-totalité des chercheurs qui ontétudié la question des ÉPI ont aboutiaux mêmes constatations. Chaque foisque l’on conçoit un équipement de pro-tection, il faut tenir compte du confortde l’utilisateur. Au cours des dernièresannées, les ÉPI se sont améliorés, tantsur ce plan que sur celui du design.Révolue l’époque du modèle et de lataille unique. Les travailleurs l’appré-cient. Ils apprécient aussi qu’on les con-sulte quand on choisit des ÉPI et qu’ilspuissent éventuellement les essayer.

Autre constatation. Le réseau decommunication interpersonnel et lespairs jouent un rôle fondamental. Les médias, la publicité, les affiches peuvent attirer l’attention et éveillerl’intérêt des milieux de travail, maisleur influence ne sera probablement pas assez forte pour déclencher la mo-dification en profondeur des comporte-ments. Ce que pourraient néanmoinsréussir des collègues convaincus etconvaincants et des leaders d’opinion,estime M. Roy. « Parce que ces per-sonnes ont suffisamment d’influenceinformelle pour déterminer le compor-tement acceptable à adopter dans leurmilieu de travail. La meilleure façond’influencer les travailleurs en cette

matière, c’est donc deconvaincre les meneursde groupe. Et ils sontfaciles à repérer. La cré-dibilité de la personne qui propose un change-ment de comportementest essentielle. Ainsi, letémoignage d’un ouvrierqui s’est blessé, qui ra-conte ce qui lui est arrivéet ce qu’est devenue savie depuis l’accident aplus de chance d’avoir unimpact parce que les tra-vailleurs peuvent facile-ment s’identifier à lui !Par ailleurs, le supérieurdoit également montrerl’exemple. Si une per-sonne en autorité, un contremaître, notamment,ne porte pas ses ÉPI, les

travailleurs se diront que le danger n’estpas imminent au point qu’ils doivent se protéger, qu’il s’agit uniquementd’une règle arbitraire ou d’un moyen deles contrôler. Si l’on veut créer une cul-ture d’entreprise axée sur la sécurité,tous ceux qui ont de l’influence doiventse comporter de façon préventive. »

Autre aspect de la question à ne pas négliger. Avant de demander à un travailleur de porter tel ou tel ÉPI, il faut faire les présentations d’usage. Se contenter de les disposer sur destablettes ne suffit pas. Réunion d’in-formation et de sensibilisation avec démonstration, possibilité pour les participants de toucher, d’apprivoiserl’ÉPI, session de formation sur son usage, son entretien et son rangement,argumentaire écrit faisant ressortir ses

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d’entreprise axée sur la sécurité,

tous ceux qui ont de l’influence

doivent se comporter de façon

préventive », estime Mario Roy.

Par Monique Legault Faucher et Julie Mélançon

Peut-on changer les habitudes ?

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Quelles raisons poussent un travailleur à utiliser ou pas un équipement de protectionindividuelle (ÉPI) ? Renée Cossette n’est pas la seule à s’être intéressée à cette question.Mario Roy, titulaire de la chaire d’étude en organisation du travail à la faculté d’administration de l’Université de Sherbrooke,l’a fouillée jusqu’à ce qu’il trouve des réponses.Et les « couleurs » de ces réponses font échoaux propos tenus par Mme Cossette.

notamment, celle d’être “ préventif ”dans un milieu pouvant comporter des risques. Il est clair que ce sont les valeurs qui donnent cours tant aux décisions prises qu’aux attitudes adoptées, c’est-à-dire aux conduites démontrées. »

Du savoir être au faire savoirLes travailleurs interrogés par RenéeCossette ont un autre point en com-mun. Ils interviennent spontanément et librement lorsqu’ils perçoivent uneconduite imprudente autour d’eux.Ainsi, la valeur « sécurité » qu’ils portent en eux les pousse à sensibiliserleurs pairs, en somme à devenir des éducateurs ! Face à un comportementnon conforme, ils communiquent àl’autre, sans aucune obligation, leur observation. Leur expérience et les

valeurs qu’ils ont acquises les mènent,en quelque sorte, dans le faire savoiraux collègues.

Autre constat : ils sont vigilantsdans leur façon de communiquer leursremarques. Il faut que règne la bonneentente. De plus, ils deviennent très observateurs de ce qui se passe dansleur milieu de travail. « L’un d’eux m’adit : “ Quand je travaille sur une ma-chine, je deviens hyper conscient desdangers d’accident. J’inspecte conti-nuellement mon environnement. J’aiun œil sur tout ce qui bouge.” »

Les huit travailleurs perçus commepréventifs par leurs pairs affichent unbel esprit d’équipe. Ils respectent leurscollègues et ils sont manifestement res-pectés par eux. « Ce sont des hommesbienveillants. Plusieurs sont très actifsau sein de leur syndicat et la plupartont suivi un cours de premiers soins.Quand un incident survient, ils agissentefficacement, avec sang-froid. Lorsqueles circonstances d’un accident ne leurparaissent pas claires, un peu comme

l’inspecteur Colombo, il leur faut com-prendre comment et pourquoi celui-ci a pu survenir et savoir ce qu’il auraitfallu faire ou ne pas faire pour l’évi-ter. Ils cherchent des solutions et ils insistent pour que la situation ayant provoqué l’accident soit corrigée. L’und’eux, un jour, est même allé jusqu’àmettre son poste en jeu. “ Si vous neposez pas de garde sur cette machine,moi, je ne travaille plus ici ! ” Une telleattitude, une telle conviction, c’est re-marquable ! Et c’est pour ça que ceshommes sont perçus comme des mo-dèles. Ce sont des êtres sur qui on peutcompter. Et le climat de travail autourd’eux s’en trouve amélioré. »

La chercheuse a aussi été impres-sionnée par l’attitude d’autoques-tionnement qu’affichent les hommes interviewés, par leur préoccupationpour leur propre conduite si celle-ci n’a pas été en tout point conforme.« Par ailleurs, avant de faire un gestequi demande de l’attention, ils agissentavec méthode; ils s’arrêtent pour analyser une situation, un incident, et ils passent aux actes ensuite avec à-propos ! Trop souvent, les gens ne prennent pas le temps de réfléchir… »

Des phénomènes, des êtres excep-tionnels, ces hommes-là, avec une au-réole clignotante suspendue au-dessusde leur tête ? « Non, mais ce sont desgens qui ont trouvé un sens à leur travail, ils sont engagés dans leur mi-lieu, ils y tissent des liens significatifset pratiquent l’entraide. »

Il existe par ailleurs, à l’autre pôle,des personnes qui, pour diverses rai-sons, ont plus de mal à trouver un sens à leur travail. Elles se sentent prisonnières, impuissantes. « Qui n’a pas déjà entendu des travailleurs ou des travailleuses dire : “ Moi, il mereste encore cinq ans à faire… ”, oubien encore “ Les gars, en dedans, ilssont écœurés ! ” Ce vocabulaire carcé-ral est tristement lourd de sens et auratôt ou tard une incidence sur le tauxd’accident au sein de l’entreprise. »

Pour terminer sur une note trans-cendante, Mme Cossette rappelle un mot que l’on prête au père de FlorenceNightingale3 et qui colle bien à la per-sonnalité des huit travailleurs inter-rogés : « Que le monde soit meilleurparce que j’y suis passé. » O

A priori incontournable : avantd’opter pour des ÉPI, il faut absolu-ment tenter d’éliminer le danger à lasource. Logique. Lorsque c’est impos-sible, il faut trouver les moyens de leréduire au maximum, et les ÉPI peu-vent alors faire partie de la solution.Toujours très logique. Mais avant deles choisir, qu’il s’agisse de chaus-sures, de lunettes, de gants, de masquesrespiratoires, de harnais, etc., il fauttenir compte de toute une série de facteurs : technologie, esthétique, prixdes équipements et de leur utilisa-tion, inconfort, perte de rendement,normes sociales, politiques et pra-tiques des ressources humaines, etc.D’après Mario Roy, « lorsque l’onparle du comportement préventif, ontient toujours pour acquis que la per-sonne qui ne l’affiche pas est fautive et qu’elle sera, par conséquent, res-ponsable si un jour elle se blesse. Lasolution serait d’agir sur son com-portement. L’idée est louable, maisc’est oublier tous les facteurs qui in-fluencent ce comportement et surlesquels elle a peu de prise. Elle subitpeut-être une pression très forte sur le plan de la production, chaque seconde de son temps compte et elle peut avoir le sentiment que l’ÉPI ralentit son travail. Il se peut encore que ce dernier soit très inconfortable,ou encore que le milieu de travail, pour diverses raisons, en trouve le port inutile ou même ridicule. »

Confort et influenceLa quasi-totalité des chercheurs qui ontétudié la question des ÉPI ont aboutiaux mêmes constatations. Chaque foisque l’on conçoit un équipement de pro-tection, il faut tenir compte du confortde l’utilisateur. Au cours des dernièresannées, les ÉPI se sont améliorés, tantsur ce plan que sur celui du design.Révolue l’époque du modèle et de lataille unique. Les travailleurs l’appré-cient. Ils apprécient aussi qu’on les con-sulte quand on choisit des ÉPI et qu’ilspuissent éventuellement les essayer.

Autre constatation. Le réseau decommunication interpersonnel et lespairs jouent un rôle fondamental. Les médias, la publicité, les affiches peuvent attirer l’attention et éveillerl’intérêt des milieux de travail, maisleur influence ne sera probablement pas assez forte pour déclencher la mo-dification en profondeur des comporte-ments. Ce que pourraient néanmoinsréussir des collègues convaincus etconvaincants et des leaders d’opinion,estime M. Roy. « Parce que ces per-sonnes ont suffisamment d’influenceinformelle pour déterminer le compor-tement acceptable à adopter dans leurmilieu de travail. La meilleure façond’influencer les travailleurs en cette

matière, c’est donc deconvaincre les meneursde groupe. Et ils sontfaciles à repérer. La cré-dibilité de la personne qui propose un change-ment de comportementest essentielle. Ainsi, letémoignage d’un ouvrierqui s’est blessé, qui ra-conte ce qui lui est arrivéet ce qu’est devenue savie depuis l’accident aplus de chance d’avoir unimpact parce que les tra-vailleurs peuvent facile-ment s’identifier à lui !Par ailleurs, le supérieurdoit également montrerl’exemple. Si une per-sonne en autorité, un contremaître, notamment,ne porte pas ses ÉPI, les

travailleurs se diront que le danger n’estpas imminent au point qu’ils doivent se protéger, qu’il s’agit uniquementd’une règle arbitraire ou d’un moyen deles contrôler. Si l’on veut créer une cul-ture d’entreprise axée sur la sécurité,tous ceux qui ont de l’influence doiventse comporter de façon préventive. »

Autre aspect de la question à ne pas négliger. Avant de demander à un travailleur de porter tel ou tel ÉPI, il faut faire les présentations d’usage. Se contenter de les disposer sur destablettes ne suffit pas. Réunion d’in-formation et de sensibilisation avec démonstration, possibilité pour les participants de toucher, d’apprivoiserl’ÉPI, session de formation sur son usage, son entretien et son rangement,argumentaire écrit faisant ressortir ses

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préventive », estime Mario Roy.

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Peut-on changer les habitudes ?

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avantages réels, vidéo, période d’essai,recueil de commentaires après cettepériode, ajustements éventuels, ren-dront les travailleurs plus réceptifs. Ils se sentiront respectés, partie pre-nante, parce qu’on fait appel à leur intelligence. « L’employeur se souciede ma santé et de ma sécurité, à moid’en faire autant », se diront-ils.

Perceptions et croyancesL’Institut national de recherche et desécurité pour la prévention des acci-dents et des maladies professionnelles(INRS) de France a mené récemmentune enquête sur le port des ÉPI dansdes secteurs d’activité très variés : « uncentre hospitalier, une usine métal-lurgique, les métiers du cheval, les activités d’élagage, de bûcheronnage et celles liées à l’utilisation de produitsphytosanitaires ». Des enquêteurs ontrecueilli l’opinion des utilisateurs àl’aide d’un guide d’entretien semi-directif. Les résultats mettent en évidence « des facteurs d’influence tels que la sensibilisation préalable des salariés, les contraintes socio-économiques de l’entreprise, les mo-dalités de choix et de diffusion des

équipements, la nature de l’informationaccompagnatrice, la variabilité destâches au cours de la journée, etc. Laperception du risque lui-même ou del’efficacité supposée de l’ÉPI sont éga-lement des déterminants importants ».

Le rôle des croyances est effective-ment plus grand qu’on ne l’imagine.Mario Roy explique : « Si je suis per-suadé que les conséquences d’unechute, d’une explosion, d’une coupure,etc., ne se matérialiseront pas ou ontpeu de risque de se concrétiser, je vaisréduire l’importance du danger. Dansun champ où l’on avait épandu des pes-ticides, au Mexique, des travailleursétaient convaincus que le fait de porterun masque de protection ne donnaitrien. Et ils n’avaient pas tout à fait tort.Même ceux qui en portaient souffraientde maladies respiratoires. Alors pour-quoi tolérer un machin qui chauffe levisage et fait transpirer ? Si un travail-leur pense que l’ÉPI qu’on lui demandede porter est inutile, il s’abstiendra oucessera éventuellement de le porter. »La déduction semble logique. Pour-quoi, en effet, porter un ÉPI en per-manence pour des événements qui ne surviendront peut-être jamais ? Si

Robert se brûle chaque fois qu’il toucheun élément chaud, il n’hésitera pas à enfiler des gants. Si, par contre, lerisque de brûlure est faible, disons unefois sur 800, il aura tendance à les oublier.

Convaincre !La gravité de la conséquence a-t-elleune influence sur le port de l’ÉPI ?Mario Roy répond : « Une étude sur le port des coquilles auditives a été réalisée par un chercheur américaindans une usine où les travailleurs neportaient pas leur ÉPI. Toutes sortes de tactiques avaient été tentées : ren-contres de sensibilisation, campagnesd’affiches et mesures disciplinaires.Sans succès. Les travailleurs ont étésoumis à un test d’audiogramme audébut et à la fin de leur période de travail. Les résultats montraient claire-ment le niveau de perte auditive entreles deux tests. Une copie des résultatsa été remise aux travailleurs et uneautre a été affichée au babillard. On lesa informés qu’après un certain temps,la perte d’audition enregistrée devien-drait permanente et constituerait leurnouveau seuil d’audition. Au cours

d’une deuxième étape, les mêmes testsont été repris au début et à la fin de la période, mais cette fois, on s’est assuré que les travailleurs portaientleurs coquilles toute la journée. Ré-sultat ? Aucune perte d’audition. On a alors expliqué aux travailleurs, avec des graphiques, ce qui se produisait.Après cinq mois, on a pu constater que85 à 90% des travailleurs de ce secteurcontinuaient à porter leurs coquilles enpermanence, alors que dans un secteurtémoin comparable de la même usine,le port des coquilles n’était respectéque par 10 % seulement des travail-leurs. D’après l’auteur de l’étude, unsuivi individualisé accompagné del’établissement de normes de groupefortes concernant le port des coquilles,à la suite des discussions sur les résul-tats des tests, ont eu un effet détermi-nant sur les changements d’habitudesdes travailleurs. Si l’on s’était contentéde leur dire : “ Écoutez, dans dix ans,à moins que vous ne portiez vos co-quilles, vous entendrez moins bien ”, ça n’aurait pas fonctionné. »

L’utilisation des émotions ne donnedes résultats que si ces dernièreschangent l’appréciation des travail-leurs quant aux souffrances asso-ciées au danger et à la probabilité

que l’accident se produise. La crainteen effet peut être salutaire, mais si elle est très forte, le message risque de bloquer. Un exemple? « Les ceinturesde sécurité, propose M. Roy. Chaquefois qu’un message publicitaire montreun proche ou même un inconnu victimed’un accident de la route, ce message,en raison de sa violence, frappe l’ima-gination, c’est certain. Mais les imagesmettant en scène la mort du conduc-teur lui-même peuvent aussi déclencher un blocage. On refuse de s’identifier à cette personne parce qu’on a de la difficulté à imaginer qu’on pourraitmourir de la même façon, on ne veutpas l’envisager ! »

Et de poursuivre : « La manière dont on présente l’information, ce surquoi on met l’accent dans un mes-sage, a une incidence directe sur lafaçon dont l’interlocuteur appréciera le risque. Autre exemple ? Une étude a montré que lorsqu’on dit à un ma-lade : “ Si on t’opère, tu as 30% derisque de mourir ”, et à un autre : “ Sion t’opère, tu as 70 % de chance de survivre ”, le deuxième aura plus ten-dance à accepter l’opération que le premier. Encore plus étonnant, les chi-rurgiens confrontés à cette informationréagissent de la même façon. »

Pour qu’un travailleur adopte uncomportement préventif, il faut qu’ilperçoive un avantage relatif par rap-port à la situation dans laquelle il setrouve : compatibilité avec les valeursdu milieu, expérience passée, degré decomplexité perçu, possibilité d’expéri-menter, avantages. « Prenez l’exempledu port du masque de gardien de but,suggère M. Roy. Au départ, personnen’en avait. Un jour, Jacques Plante adécidé d’en porter un. C’était l’un desmeilleurs gardiens de la Ligue natio-nale. Il a fait des marques sur sonmasque pour chaque rondelle ou coupde bâton reçu au visage. Au fil des ans,les masques ont été améliorés. Trèsrapidement, tous les gardiens de but dela Ligue nationale en ont porté un. »

Le cas du harnaisAu Québec, cet ÉPI existe depuis près de 15 ans. Un règlement adoptéen 2001 en a rendu le port obliga-toire en janvier 2002. « Nous avonspréféré soutenir, convaincre avant decontraindre, explique Laurent Desbois,ingénieur et spécialiste des chutes dehauteur à la Direction de la prévention-inspection de la CSST. Maintenant, onpeut dire que le harnais fait partie desmœurs, comme le casque de sécurité.L’évolution s’est faite graduellement. »Au cours des cinq dernières années, un vent de sensibilisation en faveur duport de cet ÉPI a soufflé sur le Québec.Il s’est infiltré dans les colloques et lescampagnes de publicité de la CSST.M. Desbois précise : « Nous avons par-ticipé à la normalisation de ces ÉPIavec les fabricants et les fournisseurs.Le milieu est actuellement beaucoupplus conscient du danger des chutes de hauteur et il comprend mieux com-ment le harnais le protège. Il y a unedizaine d’années, ceux qui en por-taient passaient pour des moumounes.Mais maintenant, c’est très bien vu !Les monteurs d’acier portent généra-lement leur harnais et leur absorbeurd’énergie. De plus en plus, les ins-pecteurs le constatent, les moyens sont là, les points d’ancrages sont fournis par les employeurs et les tra-vailleurs s’attachent. »

Une personne qu i t r ava i l l e à30 mètres du sol, sur un pont ou un immeuble de plusieurs étages, sait qu’il y a un danger de chute. C’est évident. « Le problème, ce sontles travaux exécutés entre trois et dix

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Cette année, la combinaison de travail en velours fripé de lurex fluorescent, signée Giuseppe Saint-Florent,

fera fureur ! A noter, les genouillères en éponge de mer.

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avantages réels, vidéo, période d’essai,recueil de commentaires après cettepériode, ajustements éventuels, ren-dront les travailleurs plus réceptifs. Ils se sentiront respectés, partie pre-nante, parce qu’on fait appel à leur intelligence. « L’employeur se souciede ma santé et de ma sécurité, à moid’en faire autant », se diront-ils.

Perceptions et croyancesL’Institut national de recherche et desécurité pour la prévention des acci-dents et des maladies professionnelles(INRS) de France a mené récemmentune enquête sur le port des ÉPI dansdes secteurs d’activité très variés : « uncentre hospitalier, une usine métal-lurgique, les métiers du cheval, les activités d’élagage, de bûcheronnage et celles liées à l’utilisation de produitsphytosanitaires ». Des enquêteurs ontrecueilli l’opinion des utilisateurs àl’aide d’un guide d’entretien semi-directif. Les résultats mettent en évidence « des facteurs d’influence tels que la sensibilisation préalable des salariés, les contraintes socio-économiques de l’entreprise, les mo-dalités de choix et de diffusion des

équipements, la nature de l’informationaccompagnatrice, la variabilité destâches au cours de la journée, etc. Laperception du risque lui-même ou del’efficacité supposée de l’ÉPI sont éga-lement des déterminants importants ».

Le rôle des croyances est effective-ment plus grand qu’on ne l’imagine.Mario Roy explique : « Si je suis per-suadé que les conséquences d’unechute, d’une explosion, d’une coupure,etc., ne se matérialiseront pas ou ontpeu de risque de se concrétiser, je vaisréduire l’importance du danger. Dansun champ où l’on avait épandu des pes-ticides, au Mexique, des travailleursétaient convaincus que le fait de porterun masque de protection ne donnaitrien. Et ils n’avaient pas tout à fait tort.Même ceux qui en portaient souffraientde maladies respiratoires. Alors pour-quoi tolérer un machin qui chauffe levisage et fait transpirer ? Si un travail-leur pense que l’ÉPI qu’on lui demandede porter est inutile, il s’abstiendra oucessera éventuellement de le porter. »La déduction semble logique. Pour-quoi, en effet, porter un ÉPI en per-manence pour des événements qui ne surviendront peut-être jamais ? Si

Robert se brûle chaque fois qu’il toucheun élément chaud, il n’hésitera pas à enfiler des gants. Si, par contre, lerisque de brûlure est faible, disons unefois sur 800, il aura tendance à les oublier.

Convaincre !La gravité de la conséquence a-t-elleune influence sur le port de l’ÉPI ?Mario Roy répond : « Une étude sur le port des coquilles auditives a été réalisée par un chercheur américaindans une usine où les travailleurs neportaient pas leur ÉPI. Toutes sortes de tactiques avaient été tentées : ren-contres de sensibilisation, campagnesd’affiches et mesures disciplinaires.Sans succès. Les travailleurs ont étésoumis à un test d’audiogramme audébut et à la fin de leur période de travail. Les résultats montraient claire-ment le niveau de perte auditive entreles deux tests. Une copie des résultatsa été remise aux travailleurs et uneautre a été affichée au babillard. On lesa informés qu’après un certain temps,la perte d’audition enregistrée devien-drait permanente et constituerait leurnouveau seuil d’audition. Au cours

d’une deuxième étape, les mêmes testsont été repris au début et à la fin de la période, mais cette fois, on s’est assuré que les travailleurs portaientleurs coquilles toute la journée. Ré-sultat ? Aucune perte d’audition. On a alors expliqué aux travailleurs, avec des graphiques, ce qui se produisait.Après cinq mois, on a pu constater que85 à 90% des travailleurs de ce secteurcontinuaient à porter leurs coquilles enpermanence, alors que dans un secteurtémoin comparable de la même usine,le port des coquilles n’était respectéque par 10 % seulement des travail-leurs. D’après l’auteur de l’étude, unsuivi individualisé accompagné del’établissement de normes de groupefortes concernant le port des coquilles,à la suite des discussions sur les résul-tats des tests, ont eu un effet détermi-nant sur les changements d’habitudesdes travailleurs. Si l’on s’était contentéde leur dire : “ Écoutez, dans dix ans,à moins que vous ne portiez vos co-quilles, vous entendrez moins bien ”, ça n’aurait pas fonctionné. »

L’utilisation des émotions ne donnedes résultats que si ces dernièreschangent l’appréciation des travail-leurs quant aux souffrances asso-ciées au danger et à la probabilité

que l’accident se produise. La crainteen effet peut être salutaire, mais si elle est très forte, le message risque de bloquer. Un exemple? « Les ceinturesde sécurité, propose M. Roy. Chaquefois qu’un message publicitaire montreun proche ou même un inconnu victimed’un accident de la route, ce message,en raison de sa violence, frappe l’ima-gination, c’est certain. Mais les imagesmettant en scène la mort du conduc-teur lui-même peuvent aussi déclencher un blocage. On refuse de s’identifier à cette personne parce qu’on a de la difficulté à imaginer qu’on pourraitmourir de la même façon, on ne veutpas l’envisager ! »

Et de poursuivre : « La manière dont on présente l’information, ce surquoi on met l’accent dans un mes-sage, a une incidence directe sur lafaçon dont l’interlocuteur appréciera le risque. Autre exemple ? Une étude a montré que lorsqu’on dit à un ma-lade : “ Si on t’opère, tu as 30% derisque de mourir ”, et à un autre : “ Sion t’opère, tu as 70 % de chance de survivre ”, le deuxième aura plus ten-dance à accepter l’opération que le premier. Encore plus étonnant, les chi-rurgiens confrontés à cette informationréagissent de la même façon. »

Pour qu’un travailleur adopte uncomportement préventif, il faut qu’ilperçoive un avantage relatif par rap-port à la situation dans laquelle il setrouve : compatibilité avec les valeursdu milieu, expérience passée, degré decomplexité perçu, possibilité d’expéri-menter, avantages. « Prenez l’exempledu port du masque de gardien de but,suggère M. Roy. Au départ, personnen’en avait. Un jour, Jacques Plante adécidé d’en porter un. C’était l’un desmeilleurs gardiens de la Ligue natio-nale. Il a fait des marques sur sonmasque pour chaque rondelle ou coupde bâton reçu au visage. Au fil des ans,les masques ont été améliorés. Trèsrapidement, tous les gardiens de but dela Ligue nationale en ont porté un. »

Le cas du harnaisAu Québec, cet ÉPI existe depuis près de 15 ans. Un règlement adoptéen 2001 en a rendu le port obliga-toire en janvier 2002. « Nous avonspréféré soutenir, convaincre avant decontraindre, explique Laurent Desbois,ingénieur et spécialiste des chutes dehauteur à la Direction de la prévention-inspection de la CSST. Maintenant, onpeut dire que le harnais fait partie desmœurs, comme le casque de sécurité.L’évolution s’est faite graduellement. »Au cours des cinq dernières années, un vent de sensibilisation en faveur duport de cet ÉPI a soufflé sur le Québec.Il s’est infiltré dans les colloques et lescampagnes de publicité de la CSST.M. Desbois précise : « Nous avons par-ticipé à la normalisation de ces ÉPIavec les fabricants et les fournisseurs.Le milieu est actuellement beaucoupplus conscient du danger des chutes de hauteur et il comprend mieux com-ment le harnais le protège. Il y a unedizaine d’années, ceux qui en por-taient passaient pour des moumounes.Mais maintenant, c’est très bien vu !Les monteurs d’acier portent généra-lement leur harnais et leur absorbeurd’énergie. De plus en plus, les ins-pecteurs le constatent, les moyens sont là, les points d’ancrages sont fournis par les employeurs et les tra-vailleurs s’attachent. »

Une personne qu i t r ava i l l e à30 mètres du sol, sur un pont ou un immeuble de plusieurs étages, sait qu’il y a un danger de chute. C’est évident. « Le problème, ce sontles travaux exécutés entre trois et dix

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Cette année, la combinaison de travail en velours fripé de lurex fluorescent, signée Giuseppe Saint-Florent,

fera fureur ! A noter, les genouillères en éponge de mer.

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mètres, admet M. Desbois. Dans ces situations, les travailleurs ne réa-lisent pas toujours qu’ils sont aussi en danger. “ Tomber de trois mètres, bah !, c’est juste un étage ! ” Pourtant, 10% des décès surviennent à la suitede chutes de moins de trois mètres.C’est à ces hauteurs que beaucoup de travailleurs accomplissent leur be-sogne juchés sur des toits, des échafau-dages, des passerelles, sans s’attacher.Ils ne se sentent pas en danger ! Pour-tant la loi de la gravité joue. S’ilstombent sur leurs pieds, ils peuvent sefracturer une cheville, mais s’ils atter-rissent sur la tête, le traumatisme serabeaucoup plus grave, voire fatal. »

Au début, les harnais étaient plu-tôt rudimentaires. Il n’y avait qu’unmodèle, le même pour tout le monde

indépendamment du métier, de la taille et du poids de l’utilisateur. « Leschoses ont changé, note M. Desbois.Les modèles disponibles aujourd’huis’ajustent pour que le travailleur soit àla fois bien retenu et à l’aise. Il existedes harnais pour les monteurs d’acier,d’autres pour les monteurs de ligne.Les commentaires des travailleurs sontà la source des améliorations… et del’esprit de concurrence qui règne entreles fournisseurs. Tous voulaient leurpart du marché. Le marketing s’est fait sur les améliorations à apporter au produit. Exemple, les monteursd’acier préféraient la ceinture au har-nais, parce qu’ils pouvaient y accrocherclés de serrage et boulons. Le fournis-seur qui a observé cette habitude etécouté leurs commentaires a conçu unharnais pour eux, et c’est lui qui est alléchercher cette part du marché. »

Plusieurs campagnes publicitairesont été menées par la CSST sur leschutes de hauteur. « Les coûts humainset financiers dus à une chute nous ont

aidés en ce sens, car nous n’avions pasà justifier l’importance d’améliorer laprotection individuelle, affirme LaurentDesbois. C’est un sujet qui parle à toutle monde. Dans la pub choc, il y a trois ans, où Michel tombait d’un im-meuble en construction, à peu près toutle monde s’est senti touché. La clien-tèle visée par cette vidéo, c’étaient lesmères, les conjointes, les enfants destravailleurs. C’est pourquoi elle a étédiffusée à l’heure du souper. J’ai mêmereçu le téléphone d’une maman quiavait parlé à son fils et l’avait enjointde faire attention à lui. »

M. Desbois a trouvé une astuce pour« vendre » le harnais aux récalcitrants :« Beaucoup de corps de métiers por-taient une ceinture pour les outils. Cetaccessoire était tellement lourd, créaittellement de pression sur la colonnevertébrale et sur les hanches, que lestravailleurs se sont mis à mettre desbretelles avec leur ceinture. Le harnais,c’est ce que ça fait en intégrant la cein-ture d’outils. On n’ajoute rien d’autreque des lanières qui transfèrent lacharge aux masses fessières en cas dechute. Cela a été une bonne façon decontrer la résistance. »

Malgré les progrès accomplis enmatière de prévention des chutes dehauteur, la protection individuelle de-meure le dernier recours. De plus enplus, les milieux de travail cherchentdes protections collectives comme desgarde-corps ou, nettement mieux, l’éli-mination du danger à la source grâce au préassemblage au sol.

Le mot de la fin? M. Desbois s’ex-clame : « Il faut répéter, répéter etrépéter ! Comme dans n’importe quellecampagne de santé et de sécurité, il fautconvaincre travailleurs et employeursque l’accident bête n’arrive pas seule-ment au voisin d’en face ou à l’entre-prise X de la Côte-Nord. » O

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Dans un récent numéro de Vigilance, magazine français publié par la

Délégation à la prévention et à la gestion des risques de ÉDF-GDF, trois

électriciens témoignent. « Les trois reconnaissent qu’un fait extérieur a

modifié leur comportement habituel ».

Un certain 28 mai, Paul1 X ne porte pas ses gants. Il s’active sur tous

les fronts d’un chantier de passage de ligne aérienne en souterrain. « On

avait pris un peu de retard et il fallait que je m’occupe des différents

intervenants : entreprise extérieure, client, etc. » En posant les pinces

crocodiles sur les barres de sortie du transformateur, il déclenche un flash

et un début d’incendie. Seules ses mains sont nues. Bilan : brûlure au

deuxième degré, deux mois d’arrêt de travail.

Un certain 13 juillet, Paul Y ne remet pas ses gants TST pour écarter

deux câbles sur un coffret. Il provoque un flash qui atteint ses deux

mains sans trop de gravité. « Heureusement, je portais les autres ÉPI.

Mais cette mésaventure m’a servi de rappel à l’ordre. On prend parfois de

mauvaises habitudes, qui prennent de l’ampleur au fil du temps. Et un

jour, ça casse ! »

Un certain 26 juillet, Paul Z doit brancher une quinzaine de coffrets

dans la perspective d’une fête foraine. « Outre le soleil qui cognait, les

forains me pressaient pour réaliser leur propre coffret. » Le stress monte.

Entre deux coffrets, le jeune travailleur relève la visière de son casque

pour s’aérer. Et lorsque deux bornes corrodées déclenchent un puissant

flash, le visage de Nicolas est atteint de plein fouet. Brûlure au deuxième

degré. Ses mains, gantées, sont préservées.

Pour en savoir plusROY, Mario, Lucie FORTIER et Anne-Marie ROBERT. Étude sur les facteursd’adoption des mesures préventives, 1994,38 p.

Notes scientifiques et techniques del’INRS (NS 210 à NS 215).

« Protections individuelles : trois électri-ciens témoignent », Vigilance, magazined’ÉDF et de Gaz de France, no 131,décembre 2001, p. 14-15.1. Prénom fictif.

Paroles d’accidentés… en flash

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Depuis quelques mois, Francistravaille dans l’usine de son oncle. Le19 novembre 2002, il participe à uneséance d’information sur le programmede prévention propre à son milieu de travail. En effet, l’entreprise de l’oncleest un établissement qui appartient à une catégorie visée à cette fin par règlement (article 4 et Annexe 1 du Règlement sur le programme de préven-tion1). Par conséquent, il doit mettre en application un programme de pré-vention qui respecte les exigences de l’article 59 de la Loi sur la santé et lasécurité du travail2 (LSST). Notonsqu’un employeur non encore couvertpar ce règlement pourrait en éla-borer un et l’appliquer volontairement.Voyons sommairement ce que peutcontenir ce programme.

L’objectif d’un programme de pré-vention est d’éliminer à la source mêmeles dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.La démarche comporte trois étapes :identifier, corriger et contrôler les dan-gers3. Au départ, l’employeur doit donc identifier les dangers et ensuitepasser à l’action en les éliminant. Si un danger ne peut être éliminé, il fautà tout le moins le réduire et maîtriserles risques, de même que protéger lestravailleurs en attendant les solutionspermanentes. L’employeur doit aussicontrôler le danger en apportant les correctifs nécessaires et en les modi-fiant au besoin.

Le programme de prévention peutprendre diverses formes, par exemple,des fiches de prévention ou d’inspec-tion. Il doit cependant contenir les éléments suivants : des programmesd’adaptation de l’établissement auxnormes prescrites par la réglemen-tation relative à l’aménagement deslieux de travail, l’organisation du travail, l’équipement, le matériel, lescontaminants, les matières dange-reuses, les procédés et les moyens

et équipements de protection col-lectifs ; des mesures de surveillance de la qualité du milieu de travail et des mesures d’entretien préventif ; lesnormes d’hygiène et de sécurité spé-cifiques à l’établissement.

Le programme de prévention doitdéfinir les modalités de mise en œuvredes autres règles relatives à la santé et à la sécurité du travail. Celles-ci doivent inclure, au minimum, le contenu des règlements applicables à l’établissement. Le programme doiten outre définir des moyens et deséquipements de protection indivi-duelle qui, tout en étant conformes aux règlements, sont les mieux adap-tés aux besoins des travailleurs del’établissement. Et finalement, il contiendra des programmes de for-mation et d’information en matière de santé et de sécurité du travail (article 59 de la LSST).

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Droits et obligations

Les programmes de préventionPour mieux gérer la santé

et la sécurité du travail

Les employeurs visés par l’article 58de la LSST qui ne respectent pas l’obli-gation d’appliquer un programme deprévention commettent une infractionet sont passibles d’une amende.

Aujourd’hui, Francis fait son tra-vail en se rappelant à quel point il est important d’être prudent. C’est laraison pour laquelle il met en pratiqueles mesures de sécurité apprises pen-dant la formation qu’il a récemmentreçue. Il sait aussi qu’un bon nombre d’accidents peuvent être évités grâce à l’élaboration d’un programme de prévention qui permet véritablementl’élimination des dangers à la source.Tout comme l’oncle de Francis, il faut garder à l’esprit que c’est à l’em-ployeur que revient la responsabilité de veiller à la mise au point du pro-gramme et de l’appliquer. O

Karine Pichette

1. D. 1282-82.2. L.R.Q., c. S-2.1.3. Source : Guide de prévention en milieu de

travail, 2e édition, CSST.

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5 et 6 mai 2003Québec (Québec)58e congrès du Département des relations industrielles de l’Université LavalSanté mentale et travailL’urgence de penser autrementRenseignementsSite Web : www.rlt.ulaval.ca/congres

6 et 7 mai 2003Saint-Hyacinthe (Québec)Colloque de l’ASSTSASCap sur la préventionRenseignementsAssociation pour la santé et la sécurité du travail, secteur affaires socialesTél. (514) 253-6871 ou 1 800 361-4528Site Web : www.asstsas.qc.ca

10 au 15 mai 2003Dallas (États-Unis)Conférence américaine sur l’hygièneindustrielle (AIHce)RenseignementsSite Web : www.aiha.org/abstract.html

19 au 21 mai 2003Athènes (Grèce)Colloque internationalOutils pour l’application des directiveseuropéennes sur la santé au travailExemple du risque chimiqueRenseignementsSecrétariat du colloque, ELINYAEMS BoraISSA Research Section Symposium2003, Liosion 143 et Thirsiou 6 104 45 AthènesGRÈCETél. 30 10 820 0124Téléc. 30 10 820 0222Courriel : [email protected]

21 au 23 mai 2003Arcachon (France)27es journées nationales de médecinedu travail du bâtiment et des travauxpublicsRenseignementsPalais des Congrès d’Arcachon Boulevard VeyrierMontagnères, 33120 ArcachonFRANCETél. 05 56 22 47 00Téléc. 05 56 22 55 55

22 et 23 mai 2003Francfort-sur-le-Main (Allemagne)20e colloque international du comitéAISS ChimieHomme, sécurité, technologieRenseignementsIVSS-SektionChemie, c/o BG ChemiePostfach 10 14 80D-69004 HeidelbergALLEMAGNESite Web :www.chemistry.prevention.issa.int

8 au 11 juin 2003Rome (Italie)6e congrès international sur la prévention, la réadaptation et la réparation des risques professionnelsRenseignementsSecrétariat du Workcongress 6INAILDirection communicationPiazzale Giulio Pastore6, 1-00144RomeITALIETél. 39 06 5487 ou 2115Téléc. 39 06 5487 ou 2019Courriel : [email protected] Web : www.workcongress6.org

10 juin 2003Québec (Québec)12 et 19 juin 2003Montréal (Québec)17 juin 2003Bromont (Québec)Rencontres médico-administrativesLes problèmes de santé mentale : un sujet névralgique !RenseignementsCentre patronal de santé et sécurité du travail du Québec500, rue Sherbrooke OuestMontréal (Québec) H3A 3C6Tél. (514) 842-8401Courriel : [email protected] Web : www.centrepatronalsst.qc.ca

11 au 13 juin 2003Montpellier (France)4e congrès national de radioprotectionRenseignementsSFRPFRANCETél. 01 46 54 72 85Téléc. 01 46 54 83 59Courriel : [email protected] Web : www.sfrp.asso.fr

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Agenda

24 au 29 août 2003Séoul (Corée)XVe congrès triennal de l’Associationinternationale d’ergonomieRenseignementsSecretariat of IEA2003, KangnamP.O. Box 467 Séoul, 135-646CORÉETél. 82 2 552 9350Téléc. 82 2 552 8325Courriel : [email protected] Web : www.iea2003.org

24 au 26 septembre 2003Paris (France)Congrès SELF 2003Modèles et pratiques de l’analyse dutravail 1988-2003, 15 ans d’évolutionRenseignementsSecrétariat de la SELFVéronique Turbet DelofMaison de la recherche5, allée Antonio Machado31058 ToulouseCedex 9FRANCETél. 05 61 50 35 23Courriel : [email protected]

6 au 10 octobre 2003Québec (Québec)2e séminaire internationalESST – Enseignement en santé-sécuritéau travailRenseignementsSite Web : www.esst.ca

26 au 28 octobre 2003Montréal (Québec)2e forum public de l’Association descommissions des accidents du travaildu CanadaUn coup de jeune à la préventionRenseignementsIsabelle MoïseBureau 203417, rue Saint-Pierre, Montréal (Québec) H2Y 2M4Tél. (514) 395-1808Téléc. (514) 395 1801Site Web : www.opus3.com/forum

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Le travail de pompier n’est pas detout repos. On pense immédiatementaux multiples dangers qu’ils courentsur les lieux d’un incendie. Mais lescombattants du feu doivent aussi selivrer à une foule de tâches à la caserne,lesquelles sont propices à l’apparitionde problèmes musculo-squelettiques.Les statistiques de la Commission de la santé et de la sécurité du travail(CSST) montrent que les foulures et les entorses, particulièrement au dos,aux pieds et aux chevilles, sont les lé-sions les plus courantes. Une recherchemenée par l’IRSST en 1996 précisaitque les douleurs et les entorses cons-tituaient plus de 12 % des accidentsétudiés chez les pompiers.

De juin à septembre 1998, Denis Giguère et Denis Marchand ont passé une bonne partie de leurtemps dans neuf casernes de pom-piers au Québec. Coauteurs d’une étude — unique au Canada — sur leslombalgies et les accidents muculo-squelletiques chez les pompiers, ils ont observé, au cours de cette période,ces travailleurs descendre de leur véhi-cule et manipuler 12 outils et équipe-ments, préalablement identifiés commeétant potentiellement à risque par uncomité formé de représentants du mi-lieu de la lutte aux incendies.

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Rechercheà l’IRSST

L’accès au véhicule et la manutention d’outils pointés du doigt

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Lombalgies etaccidents musculo-squelettiques

chez les pompiers

Dans ce numéro

Lombalgies et accidentsmusculo-squelettiques

chez les pompiers L’accès au véhicule

et la manutention d’outils

pointés du doigt

Rencontre avec Guy Perrault,chercheur principal à l’IRSST

L’heure de la retraite a sonné

mais pas celle de tourner le dos

à la science

Bioaérosols en milieu de travail

Méthodes d’évaluation,

de contrôle et de prévention

réunies dans un seul guide

Abattoirs de volaillesApprendre des autres

pour former au métier

et à la prévention

Programmes stratégiques de formation

On prépare la relève pour

la recherche en santé du travail

Boursier : François LaisnéUniversité de Montréal

La connaissance du processus

de changement du travailleur

accidenté

Nouvelles recherches

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www.irsst.qc.caCliquez recherche

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Lorsque les pompiers descendent

de cabine « dos à la rue » leurs

membres inférieurs reçoivent des

impacts beaucoup moins importants

que lorsqu’ils sont « face à la rue ».

Cette technique leur permet aussi

d’utiliser trois points d’appui pour

contrôler la descente.

Québec à Montréal (UQAM). Pasmoins de 15 types de camions de pom-piers ont ainsi été étudiés, certainsdatant des années 1960, d’autres, plusrécents, différemment aménagés etéquipés selon leur vocation : certainspour lutter contre les incendies dans les tours à bureaux, d’autres pour lesincendies en milieu rural.

« Ce large éventail de véhiculesnous a permis de constater l’évolu-tion des techniques de rangement des outils et de l’équipement, enchaîne Denis Giguère, de l’équipe Sécurité-ergonomie de l’IRSST. Dans certainscas, il fallait carrément se mettre à quatre pattes pour accéder aux équi-pements, tandis que les véhicules lesplus modernes sont munis de portesverticales coulissantes et de tiroirs mobiles, par exemple. »

Dans un monde idéal, un cahier decharges contenant des paramètres ergo-nomiques favoriserait une meilleureconception des camions de pompiers.

« Mais, comme les outils eux-mêmes ne sont pas normalisés, il serait assez difficile pour lesconcepteurs de tout prévoir »,souligne Denis Marchand.

Des manœuvres exigeantes Peu importe la nature de leurs in-terventions, que ce soit pour secou-

rir une victime ou pour éteindreun incendie, les pompiers com-mencent toujours par réaliser des manœuvres à partir de leurvéhicule, soit y monter ou en

descendre, ou encore saisir diffé-rents outils. « Contrairement à ce

que je croyais au départ, dit DenisGiguère, l’impact au sol lors de la des-cente du véhicule s’est avéré beaucoupplus problématique que la manuten-tion des équipements. La descente esten cause dans un très fort pourcen-tage des lésions aux membres in-férieurs. »

La force de l’impact au sol attei-gnait en moyenne près de quatre fois le poids corporel des pompiers descen-dant de la cabine de conduite, située à 100,7 cm du sol, ou de la cabine-équipe, située à 103,2 cm, quand ils descendaient de leur camion « face à la rue », une technique considérée parles pompiers d’une caserne commeétant la plus sécuritaire parce qu’elleassure une meilleure vision de la cir-culation autour du véhicule. « Compte

tenu de la fréquence des accidents dutravail résultant de chutes que nousavions recensée, j’ai été étonné de constater que, dans 95 % des cas, laforce de l’impact au sol se situait à l’intérieur des paramètres accep-tables », dit Luc Bertrand, conseiller à l’APSAM. « Cela dit, avec une telleforce, si le pompier saute sur une sur-face inégale, il est sûr qu’il subira uneentorse à la cheville, si ce n’est unefracture, d’autant que les bottes depompiers n’offrent aucun support auxchevilles », signale Denis Marchand.

En revanche, la force de l’impact au sol s’est révélée significativementmoindre lorsque les travailleurs des-cendaient du véhicule « dos à la rue »,une méthode perçue comme étantmoins risquée d’un point de vue bio-mécanique, par les pompiers d’unecaserne. L’étude a démontré que la descente « face à la rue » augmentel’amplitude des forces retransmises

au corps lorsque le pied touche le sol, tandis que la technique « dos à larue » permet un meilleur contrôle de la vitesse de la descente. À la lumièredes résultats de leur analyse, les cher-cheurs recommandent que les pom-piers aient accès à tous les points desvéhicules au moyen de la technique des « trois points d’appui » : ils devraienttoujours descendre de leur véhicule en se tenant par les deux mains et unpied, ou par les deux pieds et une main.Ce procédé permettrait de réduire lafréquence des lésions attribuables auxchutes en les aidant à mieux contrôlerleur descente.

Un arsenal d’outils imposantScie à découper, génératrice, canon àeau, ventilateur, système de désincar-cération, échelles de différentes lon-gueurs, cales pour vérins hydrauliques,appareil de protection respiratoire au-tonome... l’arsenal du combattant dufeu est imposant. Seul ou en équipe,chacun des pompiers participant à l’étude devait prendre sur son véhiculeces outils indispensables, pesant entre 3 kg et 102 kg, puis les déposer au sol. Après chaque manutention, il éva-luait, sur une échelle psychophysique,sa perception de l’effort et de la diffi-culté de manipulation. Le niveau decompression lombaire était égalementmesuré.

L’étude a fait ressortir que la limiteréputée acceptable de 3 400 Newton (N)a été dépassée pendant la manipula-tion de deux outils, dont le système dedésincarcération, pourtant jugée moinsdifficile. Elle l’a aussi été lors de la manipulation jugée plus difficile de lagénératrice et du canon à eau. Dans lecas d’un vieux modèle de canon à eau,la force de manipulation a même sur-passé la limite d’action de 6400 N. Leschercheurs rappellent qu’en situation deréelle urgence, ces résultats pourraientêtre plus élevés.

La solution ici réside dans l’amé-nagement de compartiments n’exigeantpas que les pompiers prennent des postures inadéquates. « On constate uneabsence d’uniformité à cet égard, et ce, à l’intérieur d’un même service de lutte aux incendies », dit Luc Bertrand.De plus, un pompier peut passer d’unvéhicule à un autre, différemment aménagé. Il doit alors adapter ses tech-niques d’accès au véhicule et de manu-tention des équipements. »

Une grande variété de véhicules et d’équipementsDans le cours de leur recherche, DenisGiguère et Denis Marchand ont eu àcomposer avec une très grande variétéde véhicules, d’outils et d’équipementsde différents modèles et marques, cou-ramment utilisés dans les casernes duQuébec. « J’ai été surpris par une tellediversité d’équipements ayant pour-tant les mêmes fonctions. Et aussi dupoids de certains outils que les pom-piers ont à transporter, compte tenuqu’ils doivent intervenir le plus rapi-dement possible », dit Denis Marchand, professeur-chercheur au Départementde kinanthropologie de l’Université du

| Prévention au travail | Printemps 2003 |18 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 19

Point de départUne étude avait déjà révélé que le travaildes pompiers est propice à l’apparition de problèmes musculo-squelettiques,particulièrement des foulures et des entorses au dos, lors de l’accès auxvéhicules ou de la manutentiond’outils et d’équipements delutte aux incendies.

ResponsablesDenis Giguère 1, de l ’équipe Sécurité-ergonomie de l’IRSST, et Denis Marchand2, du Départementde kinanthropologie de l’Univer-sité du Québec à Montréal.

PartenairesL’Association sectorielle pari-taire – Affaires municipales (APSAM), les services de lutte aux incendies de sept municipalités duQuébec ainsi que divers syndicats et associations de pompiers.

RésultatsDes recommandations précises pour faciliter l’accès aux camions et la manu-tention d’outils et d’équipements de lutte aux incendies. De plus, une grilled’évaluation de l’accès aux camions ainsiqu’un guide de leur aménagement sonten cours d’élaboration.

Utilisateurs potentielsLes comités de santé et de sécurité du travail, l’APSAM, les concepteurs et lesfabricants de camions de pompiers et les différents organismes de normali-sation d’Amérique du Nord.

R e c h e r c h e à l’IRSST

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Les écarts importants de poids et de dimensions des outils répondant à une

même fonction expliquent en partie seulement les différences de stress

physique subi par les pompiers. Outre les caractéristiques des outils, leur

localisation et le type de rangement sur le camion sont aussi des facteurs

déterminants : des objets moins lourds disposés dans des endroits difficiles

d’accès peuvent entraîner des compressions lombaires très importantes.

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Lorsque les pompiers descendent

de cabine « dos à la rue » leurs

membres inférieurs reçoivent des

impacts beaucoup moins importants

que lorsqu’ils sont « face à la rue ».

Cette technique leur permet aussi

d’utiliser trois points d’appui pour

contrôler la descente.

Québec à Montréal (UQAM). Pasmoins de 15 types de camions de pom-piers ont ainsi été étudiés, certainsdatant des années 1960, d’autres, plusrécents, différemment aménagés etéquipés selon leur vocation : certainspour lutter contre les incendies dans les tours à bureaux, d’autres pour lesincendies en milieu rural.

« Ce large éventail de véhiculesnous a permis de constater l’évolu-tion des techniques de rangement des outils et de l’équipement, enchaîne Denis Giguère, de l’équipe Sécurité-ergonomie de l’IRSST. Dans certainscas, il fallait carrément se mettre à quatre pattes pour accéder aux équi-pements, tandis que les véhicules lesplus modernes sont munis de portesverticales coulissantes et de tiroirs mobiles, par exemple. »

Dans un monde idéal, un cahier decharges contenant des paramètres ergo-nomiques favoriserait une meilleureconception des camions de pompiers.

« Mais, comme les outils eux-mêmes ne sont pas normalisés, il serait assez difficile pour lesconcepteurs de tout prévoir »,souligne Denis Marchand.

Des manœuvres exigeantes Peu importe la nature de leurs in-terventions, que ce soit pour secou-

rir une victime ou pour éteindreun incendie, les pompiers com-mencent toujours par réaliser des manœuvres à partir de leurvéhicule, soit y monter ou en

descendre, ou encore saisir diffé-rents outils. « Contrairement à ce

que je croyais au départ, dit DenisGiguère, l’impact au sol lors de la des-cente du véhicule s’est avéré beaucoupplus problématique que la manuten-tion des équipements. La descente esten cause dans un très fort pourcen-tage des lésions aux membres in-férieurs. »

La force de l’impact au sol attei-gnait en moyenne près de quatre fois le poids corporel des pompiers descen-dant de la cabine de conduite, située à 100,7 cm du sol, ou de la cabine-équipe, située à 103,2 cm, quand ils descendaient de leur camion « face à la rue », une technique considérée parles pompiers d’une caserne commeétant la plus sécuritaire parce qu’elleassure une meilleure vision de la cir-culation autour du véhicule. « Compte

tenu de la fréquence des accidents dutravail résultant de chutes que nousavions recensée, j’ai été étonné de constater que, dans 95 % des cas, laforce de l’impact au sol se situait à l’intérieur des paramètres accep-tables », dit Luc Bertrand, conseiller à l’APSAM. « Cela dit, avec une telleforce, si le pompier saute sur une sur-face inégale, il est sûr qu’il subira uneentorse à la cheville, si ce n’est unefracture, d’autant que les bottes depompiers n’offrent aucun support auxchevilles », signale Denis Marchand.

En revanche, la force de l’impact au sol s’est révélée significativementmoindre lorsque les travailleurs des-cendaient du véhicule « dos à la rue »,une méthode perçue comme étantmoins risquée d’un point de vue bio-mécanique, par les pompiers d’unecaserne. L’étude a démontré que la descente « face à la rue » augmentel’amplitude des forces retransmises

au corps lorsque le pied touche le sol, tandis que la technique « dos à larue » permet un meilleur contrôle de la vitesse de la descente. À la lumièredes résultats de leur analyse, les cher-cheurs recommandent que les pom-piers aient accès à tous les points desvéhicules au moyen de la technique des « trois points d’appui » : ils devraienttoujours descendre de leur véhicule en se tenant par les deux mains et unpied, ou par les deux pieds et une main.Ce procédé permettrait de réduire lafréquence des lésions attribuables auxchutes en les aidant à mieux contrôlerleur descente.

Un arsenal d’outils imposantScie à découper, génératrice, canon àeau, ventilateur, système de désincar-cération, échelles de différentes lon-gueurs, cales pour vérins hydrauliques,appareil de protection respiratoire au-tonome... l’arsenal du combattant dufeu est imposant. Seul ou en équipe,chacun des pompiers participant à l’étude devait prendre sur son véhiculeces outils indispensables, pesant entre 3 kg et 102 kg, puis les déposer au sol. Après chaque manutention, il éva-luait, sur une échelle psychophysique,sa perception de l’effort et de la diffi-culté de manipulation. Le niveau decompression lombaire était égalementmesuré.

L’étude a fait ressortir que la limiteréputée acceptable de 3 400 Newton (N)a été dépassée pendant la manipula-tion de deux outils, dont le système dedésincarcération, pourtant jugée moinsdifficile. Elle l’a aussi été lors de la manipulation jugée plus difficile de lagénératrice et du canon à eau. Dans lecas d’un vieux modèle de canon à eau,la force de manipulation a même sur-passé la limite d’action de 6400 N. Leschercheurs rappellent qu’en situation deréelle urgence, ces résultats pourraientêtre plus élevés.

La solution ici réside dans l’amé-nagement de compartiments n’exigeantpas que les pompiers prennent des postures inadéquates. « On constate uneabsence d’uniformité à cet égard, et ce, à l’intérieur d’un même service de lutte aux incendies », dit Luc Bertrand.De plus, un pompier peut passer d’unvéhicule à un autre, différemment aménagé. Il doit alors adapter ses tech-niques d’accès au véhicule et de manu-tention des équipements. »

Une grande variété de véhicules et d’équipementsDans le cours de leur recherche, DenisGiguère et Denis Marchand ont eu àcomposer avec une très grande variétéde véhicules, d’outils et d’équipementsde différents modèles et marques, cou-ramment utilisés dans les casernes duQuébec. « J’ai été surpris par une tellediversité d’équipements ayant pour-tant les mêmes fonctions. Et aussi dupoids de certains outils que les pom-piers ont à transporter, compte tenuqu’ils doivent intervenir le plus rapi-dement possible », dit Denis Marchand, professeur-chercheur au Départementde kinanthropologie de l’Université du

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Point de départUne étude avait déjà révélé que le travaildes pompiers est propice à l’apparition de problèmes musculo-squelettiques,particulièrement des foulures et des entorses au dos, lors de l’accès auxvéhicules ou de la manutentiond’outils et d’équipements delutte aux incendies.

ResponsablesDenis Giguère 1, de l ’équipe Sécurité-ergonomie de l’IRSST, et Denis Marchand2, du Départementde kinanthropologie de l’Univer-sité du Québec à Montréal.

PartenairesL’Association sectorielle pari-taire – Affaires municipales (APSAM), les services de lutte aux incendies de sept municipalités duQuébec ainsi que divers syndicats et associations de pompiers.

RésultatsDes recommandations précises pour faciliter l’accès aux camions et la manu-tention d’outils et d’équipements de lutte aux incendies. De plus, une grilled’évaluation de l’accès aux camions ainsiqu’un guide de leur aménagement sonten cours d’élaboration.

Utilisateurs potentielsLes comités de santé et de sécurité du travail, l’APSAM, les concepteurs et lesfabricants de camions de pompiers et les différents organismes de normali-sation d’Amérique du Nord.

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Les écarts importants de poids et de dimensions des outils répondant à une

même fonction expliquent en partie seulement les différences de stress

physique subi par les pompiers. Outre les caractéristiques des outils, leur

localisation et le type de rangement sur le camion sont aussi des facteurs

déterminants : des objets moins lourds disposés dans des endroits difficiles

d’accès peuvent entraîner des compressions lombaires très importantes.

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Page 20: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

chaque service de lutte aux incendiesd’évaluer l’aménagement de son parcde véhicules et d’y apporter les correc-tifs nécessaires, le cas échéant. Puis, un guide d’aménagement des accès, incluant la grille d’évaluation, com-portera les modes d’aménagement descamions de pompiers les plus suscep-tibles de réduire la fréquence et la gravité des lésions découlant de la ma-nutention des outils et des équipements.Déjà à pied d’œuvre dans l’élaborationde ces deux documents, Denis Giguèreindique qu’ils devraient être disponiblesau cours de 2003.

L’APSAM entend enfin faire ensorte que les résultats de l’étude soientdiffusés le plus largement possible auxpompiers, mais aussi aux concepteurset aux fabricants de camions de pom-piers, par l’entremise des différents organismes de normalisation. O

Jean-Marc Papineau

Deux nouveaux documentsAprès avoir fait part des résultats decette recherche à différentes associa-tions de pompiers, l’APSAM a de-mandé à l’IRSST de produire deuxdocuments. Dans un premier temps,une grille d’évaluation de l’accès auxcamions de pompiers permettra à

| Prévention au travail | Printemps 2003 |20

R e c h e r c h e à l’IRSST

Pour en savoir plusGIGUÈRE, Denis et Denis MARCHAND.Lombalgies et accidents musculo-squelettiques chez les pompiers : identifi-cation et analyse des situations à risquelors de l’accès aux véhicules et de lamanutention d’outils, Rapport R-313,230 pages, 16,05 $.

CLOUTIER, Esther et Danièle CHAMPOUX. Problématique de la santéet de la sécurité du travail chez les pom-piers : résultats de l’analyse de fichiersd’accidents de deux municipalités duQuébec, Rapport R-144, 102 pages, 7,50 $.

Téléchargeables gratuitement àwww.irsst.qc.ca.GIGUÈRE, Denis, Cathé BALLEUX etDenis MARCHAND. « Aménagement descamions de lutte aux incendies : concor-dance des contraintes perçues par lespompiers, et observées par les ergonomes,lors de la manutention d’outils et d’équi-pement », in Les transformations du travail, enjeux pour l’ergonomie : Actesdu congrès conjoint de l’Association canadienne d’ergonomie et de la Société d’ergonomie de langue française, 3-5 octobre 2001, Montréal, cédérom, vol. 4, 2001, p. 172-176.

FATHALLAH, Fadi A. et John P. COTMAN. “Maximum forces sustainedduring various methods of exiting commercial tractors, trailers and trucks”, Applied Ergonomics, no 31, 2000, p. 25-33.

NUWAYHID, Iman A., Walter STEWART et Jeffrey V. JOHNSON.“Work activities and the onset of first-time low back pain among New YorkCity fire fighters”, American Journal ofEpidemiology, no 137 (5), 1993, p. 439-548.

PATENAUDE, Stéphane, Denis MARCHAND, Sabina SAMPERI et Marc BÉLANGER. “The effect of the descent technique and truck cabin layouton the landing impact forces”, AppliedErgonomics, no 32, 2001, p. 573-582.

Même si la coordination des actions

est importante pour la manutention

d’équipements lourds, les risques

de lombalgie diminuent si les

pompiers peuvent bien se placer

pour saisir l’équipement au départ.

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GP O Je travaillais au Centre de recherche pour la défense de Val-Cartier, où des c iv i l s poursu i -vaient des t ravaux sur différents sujets d’intérêt pour les forces armées ca-nadiennes... Je travaillaissur des projets liés, entreautres, aux explosifs, auxpoudres propulsives et auxpoudres pyrotechniques.J’avais planifié y resterdeux ou trois ans. J’y suisresté presque 16 ans. J’engarde un très bon souve-nir. On appartenait à unegrande communauté scien-tifique, très importante depar le monde. C’était unmilieu de recherche riche,avec des ressources très intéressantes. Mais, vint un temps où en s’appro-chant de certaines appli-cations qui ne convenaientpas à mon caractère ni à ma philosophie de vie,

j’ai décidé que c’était terminé. C’étaiten 1981.

PT O C’est cette année-là que vousêtes entré à l’IRSST. Comment est-cearrivé ?

GP O Quand les laboratoires ont été mis en marche, des postes ont été annoncés dans les journaux. J’ai posé ma candidature et j’ai été engagé. On était plusieurs à arriver en même temps. Tout était à faire. Iln’y avait pas beaucoup de recherche en santé et en sécurité du travail auQuébec à cette époque-là, sinon unpeu en toxicologie. Jean Yves Savoie,ex-directeur général de l’IRSST, qui

Prévention au travail O D’oùvient votre intérêt pour les sciences ?

Guy Perrault O C’est un peuanecdotique, mais c’est la vérité.Lorsque j’avais trois ou quatre ans,un Noël, j’ai reçu un jeu de chimieen cadeau. À ce moment-là, j’ai dé-cidé que je serais chimiste et c’est ce que j’ai fait.

PT O L’idée tient bon, puisqu’en1965, vous obtenez un doctorat enchimie organique de l’Université deMontréal. Peu de temps après, vouscommencez à travailler en recherchepour la défense nationale. Quel souvenir en gardez-vous ?

| Prévention au travail | Printemps 2003 | 21

Rencontre avec Guy Perrault,chercheur principal à l’IRSST

Son nom est associé à

9 brevets, 62 publications

scientifiques, 135 confé-

rences, 55 rapports et

à la codirection d’une

vingtaine de thèses de

maîtrise ou de doctorat.

Il a siégé à titre d’expert

à plusieurs comités

nationaux et interna-

tionaux et reçu des

distinctions de la Société

de l’industrie chimique, de

l’Association québécoise

pour l’hygiène, la santé

et la sécurité du travail

ainsi que du ministère

des Ressources naturelles

du Canada. Pourtant,

ce à quoi le nom de

Guy Perrault, docteur en

chimie organique et

chercheur principal

à l’IRSST, est davantage

associé ne se chiffre pas.

Ceux qui le connaissent

vous le diront, c’est

surtout son talent de

vulgarisateur, sa rigueur,

sa disponibilité et la

sagesse dont il fait preuve

en toutes situations qui le

caractérisent. Nous l’avons

rencontré quelques mois

avant qu’il ne prenne sa

retraite, en février dernier.

L’heure de la retraite a sonné mais pas celle de tourner le dos

à la science

Rencontre avec Guy Perrault,

Page 22: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

« Lorsque j’avais trois ou quatre ans, j’ai reçu un jeu de chimie en cadeau.

À ce moment-là, j’ai décidé que je serais chimiste », raconte Guy Perrault

qui prend sa retraite après 38 ans de carrière scientifique.

dossier de l’ajustement des valeursd’exposition admissibles — donc, des normes —, pour les gens qui travaillent à des horaires autres que le classique cinq jours par semaine, huit heures par jour. Ça, c’est le contraire du projet précédent. Enaussi peu que cinq ans, nous sommesvenus à bout de mettre sur pied uncomité international, de nous en-tendre sur une façon de procéder, decaractériser la toxicité de 700 pro-duits différents, pour statuer com-ment fonctionner afin que les gensqui ont des horaires réguliers serventde référence à ceux qui ont des ho-raires atypiques. Nous sommes arri-vés, en ces cinq années, à l’inclusiondans un règlement, au Québec, d’unefaçon de faire pour corriger cesnormes ! Dans tous les cas, le secretest le travail d’équipe. C’était trèssatisfaisant parce qu’on a vu les ap-plications tout de suite. C’est assezrare pour un chercheur.

PT O Et le dossier de l’amiante ?

GP O Comme plusieurs autres dos-siers, celui-là se situe à la frontière

a mis sur pied les laboratoires, avaitdécidé d’aller chercher des gens quin’étaient pas liés au domaine de lasanté et de la sécurité du travail.Plusieurs ont commencé avec leurformation de chercheur sans avoir la base scientifique spécifique à cedomaine. Pour moi comme pourd’autres, c’était une expérience nou-velle, une aventure stimulante.

PT O Puisque vous êtes à l’Institutdepuis les débuts, vous avez été engagé dans plusieurs dossiers. Quelssont ceux que vous avez trouvés particulièrement enthousiasmants ?Ceux dont vous êtes particulièrementfier ?

GP O Les dossiers qui m’ont par-ticulièrement intéressé sont ceux où l’on a ouvert un certain chemin. L’un des premiers dossiers qui nous a étéprésenté, autour de 1982, nous sem-blait au départ presque insurmontabledu point de vue scientifique. C’était ledossier des usines de carbure de sili-cium, près de Shawinigan. Il y avait, à ce moment-là, trois industries dugenre au Québec, avec des travailleursqui avaient des problèmes pulmo-naires importants. Le procédé utilisénous semblait un peu… agressif. Cer-tains contaminants présents dans l’airétaient bien décrits dans la documen-tation, mais on ne pouvait pas établir de lien direct avec la maladie pulmo-naire de ces travailleurs. Avec une série de projets élaborés en collabo-ration avec l’Université McGill et l’Université de Sherbrooke, on est arrivés à très bien comprendre ce qui se passait, à mettre en évidence un nouveau contaminant, les fibres de carbure de silicium, formées involon-tairement par le procédé. Avec les tra-vaux de l’Université de Sherbrooke,avec les résultats obtenus par les cher-cheurs en épidémiologie de l’Univer-sité McGill et en analysant les produitsretrouvés dans les poumons des tra-vailleurs décédés, on a pu comprendrela cause de la maladie et mettre en évidence une nouvelle pneumoconiose(maladie causée par la poussière), in-connue jusque-là chez les spécialistesde la santé pulmonaire. C’était specta-culaire, mais on parle tout de même de 10 ans de recherche !

Il y a eu plusieurs autres dossiersstimulants… Plus récemment, tout le

entre l’expertise et la recherche. Lesparties « recherche » nous aident à acquérir des connaissances, que l’on utilise ensuite pour répondre à des questionnements. Évidem-ment, chaque fois qu’on discute d’interprétation et d’application deconnaissances, reliées à des objec-tifs en milieu de travail, on fait faceà toutes sortes de situations où lespoints de vue et les intérêts diffèrent.Il peut arriver que certains sujetssoient chauds et donnent l ieu à beaucoup de discussions. L’amianteen est un. On a vécu des momentstrès, très intéressants, d’autres, très,très tendus. Au Québec, on donne des avis scientifiques sur certainesquestions, on rencontre des gens pour essayer de mettre au point des façons de faire qui protégeront la santé des travailleurs, on essaied’établir la base de ce qui constitue le bagage des connaissances acquisespar rapport aux opinions, aux suppo-sitions ou aux hypothèses. Puis, auniveau international, on se retrouveavec des écoles de pensée différenteset même opposées. Au Québec, notrecontexte nous a menés à nous forger

une façon d’aborder le problème quepose l’utilisation de l’amiante. AuxÉtats-Unis et en Europe, à l’Orga-nisation mondiale du commerce, onse retrouve face à différentes cultures et diverses écoles de pensée qui serencontrent, qui se confrontent et, detemps en temps, s’affrontent carré-ment. Ce sont des dossiers extrême-ment intéressants, où il faut faire lapart des choses. Cela donne lieu à des échanges souvent très ardus ettrès tendus.

PT O Selon vous, quels seront pourles chimistes les grands dossiers de la recherche en santé et en sécuritédu travail dans l’avenir ?

GP O La façon dont on étudie lesproblèmes complexes m’a tou-jours particulièrement intéressé. Quand j’étais à l’université, dans le cas d’une situation complexe, nous avions appris à la séparer en plusieurs éléments simples. On peut ainsi établir des paramètres, les étudier les uns par rapport auxautres pour comprendre les interac-tions et essayer d’additionner tout ça pour tenter de comprendre l’en-semble. Cela risque de mener à des connaissances fragmentaires.Mais on ne sait pas, en tout cas, je ne sais pas étudier les systèmes com-plexes dans leur entièreté. Pourtant, il faudra arriver à le faire. Toute cettequestion des systèmes complexes est intéressante, passionnante même,et va certainement être appelée à évoluer avec l’amélioration de nosressources informatiques.

Prenons l’exemple du cancer. Engénéral, les cancers ont plusieurscauses et suscitent la mise en œuvrede plusieurs mécanismes de défensedans l’organisme. Il y a beaucoup devariations d’un travailleur à l’autre,d’une population de travailleurs àl’autre. Mettre tout ça ensemble pourcomprendre comment ça se passevraiment, ce n’est pas simple. Jus-qu’à maintenant, on a beaucoup tra-vaillé en termes de populations, dedonnées épidémiologiques, d’expé-rimentations animales, etc. Pour cequi est des populations, on arrive àdes résultats intéressants après desefforts souvent énormes. Mais pourl’individu ? Il y en a de toutes lessortes, il y a évidemment la moyenne

et il y a les exceptions. Ces exceptions,ce sont pourtant des hommes et desfemmes, et il faut aussi arriver à com-prendre ce qui les différencie, ce qui les fait réagir différemment l’un del’autre dans le même contexte.

PT O Vous avez siégé à de nombreuxcomités nationaux et internationaux,côtoyé des experts de partout. Selonvous, comment l’IRSST est-il perçu ?

GP O Il y a eu différentes périodes…La recherche en santé et en sécuritédu travail, c’est un volet qui est déjàun peu à part dans la recherche engénéral, un peu à part dans la re-cherche en santé aussi. Par ailleurs, le plus souvent, les gens qui connais-sent l’IRSST l’apprécient. On a étélongtemps un jeune institut. Pendantles 5 à 10 premières années, dansmon domaine, on a eu beaucoup decontacts avec un organisme améri-cain semblable au nôtre, le NationalInstitute of Occupational Safety andHealth (NIOSH) et avec un orga-nisme français, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS),de Nancy. Ce fut une belle périoded’échanges durant laquelle nousétions encore en apprentissage, mais

aussi déjà en production. Évidem-ment, ils devaient alors nous consi-dérer comme un jeune laboratoire dynamique, qui les « challengeait ».Au Canada, on nous trouve extrê-mement chanceux d’avoir pu créer cet institut, il y a 20 ans. Personned’autre n’a eu cette chance au pays.Ça nous a donné une position pri-vilégiée qu’on a réussi à maintenir,malgré certains épisodes moins fa-ciles. Je crois que, depuis quelquesannées, on fait beaucoup d’effortspour accroître nos ressources et c’estabsolument nécessaire pour notredéveloppement et notre survie.

PT O Vous voulez nous parler un peu de vos projets de retraite ?

GP O Rien de spectaculaire. Les parties satisfaisantes de nos vies, ce sont toujours les parties où l’on a atteint un équilibre entre les diffé-rents éléments qui la composent. Larecherche fait partie de ma vie, maisil y a d’autres choses, plus privées,qui occupent une place tout aussi importante. Tous nos intérêts nousfaçonnent et font de nous ce que nous devenons. On travaille fort pendant des années pour arriver à cultiver ces intérêts et à se bâtir… et j’ai de la difficulté à comprendreque lorsque nous arrivons à un cer-tain point dans la vie, on puisse se dire, c’est fini, j’arrête tout ça et je commence autre chose. Je croisaussi qu’il faut essayer d’exploiterses forces et ne pas s’empêtrer dansses faiblesses. Je pense donc pourl’avenir à une sorte de prolonge-ment, dans des domaines que je connais, que j’aime et auxquels jepeux continuer de contribuer. Je vaisinstaller, à la maison, un endroit où je pourrai consacrer le temps que je veux à la science et poursuivre des activités de recherche et de consultation. On sait que le cerveauautant que le cœur doit être tenu en forme, alors je vais essayer de me garder actif tout en préservant un équilibre avec les autres aspectsde la vie. Ça va se passer avec Monic,avec le reste de ma famille et avec les amis. Il y aura une coupure évi-dente, mais j’espère qu’il y aura aussiune continuité… O

Marjolaine Thibeault

| Prévention au travail | Printemps 2003 |22 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 23

R e c h e r c h e à l’IRSST

« On travaille fortpendant des années

pour arriver à cultiver ses intérêts et à se bâtir...

et j'ai de la difficulté à comprendre que

lorsque nous arrivons à un certain point,on puisse se dire,

bon c'est fini, j'arrêtetout ça et je commence

autre chose. »

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« Lorsque j’avais trois ou quatre ans, j’ai reçu un jeu de chimie en cadeau.

À ce moment-là, j’ai décidé que je serais chimiste », raconte Guy Perrault

qui prend sa retraite après 38 ans de carrière scientifique.

dossier de l’ajustement des valeursd’exposition admissibles — donc, des normes —, pour les gens qui travaillent à des horaires autres que le classique cinq jours par semaine, huit heures par jour. Ça, c’est le contraire du projet précédent. Enaussi peu que cinq ans, nous sommesvenus à bout de mettre sur pied uncomité international, de nous en-tendre sur une façon de procéder, decaractériser la toxicité de 700 pro-duits différents, pour statuer com-ment fonctionner afin que les gensqui ont des horaires réguliers serventde référence à ceux qui ont des ho-raires atypiques. Nous sommes arri-vés, en ces cinq années, à l’inclusiondans un règlement, au Québec, d’unefaçon de faire pour corriger cesnormes ! Dans tous les cas, le secretest le travail d’équipe. C’était trèssatisfaisant parce qu’on a vu les ap-plications tout de suite. C’est assezrare pour un chercheur.

PT O Et le dossier de l’amiante ?

GP O Comme plusieurs autres dos-siers, celui-là se situe à la frontière

a mis sur pied les laboratoires, avaitdécidé d’aller chercher des gens quin’étaient pas liés au domaine de lasanté et de la sécurité du travail.Plusieurs ont commencé avec leurformation de chercheur sans avoir la base scientifique spécifique à cedomaine. Pour moi comme pourd’autres, c’était une expérience nou-velle, une aventure stimulante.

PT O Puisque vous êtes à l’Institutdepuis les débuts, vous avez été engagé dans plusieurs dossiers. Quelssont ceux que vous avez trouvés particulièrement enthousiasmants ?Ceux dont vous êtes particulièrementfier ?

GP O Les dossiers qui m’ont par-ticulièrement intéressé sont ceux où l’on a ouvert un certain chemin. L’un des premiers dossiers qui nous a étéprésenté, autour de 1982, nous sem-blait au départ presque insurmontabledu point de vue scientifique. C’était ledossier des usines de carbure de sili-cium, près de Shawinigan. Il y avait, à ce moment-là, trois industries dugenre au Québec, avec des travailleursqui avaient des problèmes pulmo-naires importants. Le procédé utilisénous semblait un peu… agressif. Cer-tains contaminants présents dans l’airétaient bien décrits dans la documen-tation, mais on ne pouvait pas établir de lien direct avec la maladie pulmo-naire de ces travailleurs. Avec une série de projets élaborés en collabo-ration avec l’Université McGill et l’Université de Sherbrooke, on est arrivés à très bien comprendre ce qui se passait, à mettre en évidence un nouveau contaminant, les fibres de carbure de silicium, formées involon-tairement par le procédé. Avec les tra-vaux de l’Université de Sherbrooke,avec les résultats obtenus par les cher-cheurs en épidémiologie de l’Univer-sité McGill et en analysant les produitsretrouvés dans les poumons des tra-vailleurs décédés, on a pu comprendrela cause de la maladie et mettre en évidence une nouvelle pneumoconiose(maladie causée par la poussière), in-connue jusque-là chez les spécialistesde la santé pulmonaire. C’était specta-culaire, mais on parle tout de même de 10 ans de recherche !

Il y a eu plusieurs autres dossiersstimulants… Plus récemment, tout le

entre l’expertise et la recherche. Lesparties « recherche » nous aident à acquérir des connaissances, que l’on utilise ensuite pour répondre à des questionnements. Évidem-ment, chaque fois qu’on discute d’interprétation et d’application deconnaissances, reliées à des objec-tifs en milieu de travail, on fait faceà toutes sortes de situations où lespoints de vue et les intérêts diffèrent.Il peut arriver que certains sujetssoient chauds et donnent l ieu à beaucoup de discussions. L’amianteen est un. On a vécu des momentstrès, très intéressants, d’autres, très,très tendus. Au Québec, on donne des avis scientifiques sur certainesquestions, on rencontre des gens pour essayer de mettre au point des façons de faire qui protégeront la santé des travailleurs, on essaied’établir la base de ce qui constitue le bagage des connaissances acquisespar rapport aux opinions, aux suppo-sitions ou aux hypothèses. Puis, auniveau international, on se retrouveavec des écoles de pensée différenteset même opposées. Au Québec, notrecontexte nous a menés à nous forger

une façon d’aborder le problème quepose l’utilisation de l’amiante. AuxÉtats-Unis et en Europe, à l’Orga-nisation mondiale du commerce, onse retrouve face à différentes cultures et diverses écoles de pensée qui serencontrent, qui se confrontent et, detemps en temps, s’affrontent carré-ment. Ce sont des dossiers extrême-ment intéressants, où il faut faire lapart des choses. Cela donne lieu à des échanges souvent très ardus ettrès tendus.

PT O Selon vous, quels seront pourles chimistes les grands dossiers de la recherche en santé et en sécuritédu travail dans l’avenir ?

GP O La façon dont on étudie lesproblèmes complexes m’a tou-jours particulièrement intéressé. Quand j’étais à l’université, dans le cas d’une situation complexe, nous avions appris à la séparer en plusieurs éléments simples. On peut ainsi établir des paramètres, les étudier les uns par rapport auxautres pour comprendre les interac-tions et essayer d’additionner tout ça pour tenter de comprendre l’en-semble. Cela risque de mener à des connaissances fragmentaires.Mais on ne sait pas, en tout cas, je ne sais pas étudier les systèmes com-plexes dans leur entièreté. Pourtant, il faudra arriver à le faire. Toute cettequestion des systèmes complexes est intéressante, passionnante même,et va certainement être appelée à évoluer avec l’amélioration de nosressources informatiques.

Prenons l’exemple du cancer. Engénéral, les cancers ont plusieurscauses et suscitent la mise en œuvrede plusieurs mécanismes de défensedans l’organisme. Il y a beaucoup devariations d’un travailleur à l’autre,d’une population de travailleurs àl’autre. Mettre tout ça ensemble pourcomprendre comment ça se passevraiment, ce n’est pas simple. Jus-qu’à maintenant, on a beaucoup tra-vaillé en termes de populations, dedonnées épidémiologiques, d’expé-rimentations animales, etc. Pour cequi est des populations, on arrive àdes résultats intéressants après desefforts souvent énormes. Mais pourl’individu ? Il y en a de toutes lessortes, il y a évidemment la moyenne

et il y a les exceptions. Ces exceptions,ce sont pourtant des hommes et desfemmes, et il faut aussi arriver à com-prendre ce qui les différencie, ce qui les fait réagir différemment l’un del’autre dans le même contexte.

PT O Vous avez siégé à de nombreuxcomités nationaux et internationaux,côtoyé des experts de partout. Selonvous, comment l’IRSST est-il perçu ?

GP O Il y a eu différentes périodes…La recherche en santé et en sécuritédu travail, c’est un volet qui est déjàun peu à part dans la recherche engénéral, un peu à part dans la re-cherche en santé aussi. Par ailleurs, le plus souvent, les gens qui connais-sent l’IRSST l’apprécient. On a étélongtemps un jeune institut. Pendantles 5 à 10 premières années, dansmon domaine, on a eu beaucoup decontacts avec un organisme améri-cain semblable au nôtre, le NationalInstitute of Occupational Safety andHealth (NIOSH) et avec un orga-nisme français, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS),de Nancy. Ce fut une belle périoded’échanges durant laquelle nousétions encore en apprentissage, mais

aussi déjà en production. Évidem-ment, ils devaient alors nous consi-dérer comme un jeune laboratoire dynamique, qui les « challengeait ».Au Canada, on nous trouve extrê-mement chanceux d’avoir pu créer cet institut, il y a 20 ans. Personned’autre n’a eu cette chance au pays.Ça nous a donné une position pri-vilégiée qu’on a réussi à maintenir,malgré certains épisodes moins fa-ciles. Je crois que, depuis quelquesannées, on fait beaucoup d’effortspour accroître nos ressources et c’estabsolument nécessaire pour notredéveloppement et notre survie.

PT O Vous voulez nous parler un peu de vos projets de retraite ?

GP O Rien de spectaculaire. Les parties satisfaisantes de nos vies, ce sont toujours les parties où l’on a atteint un équilibre entre les diffé-rents éléments qui la composent. Larecherche fait partie de ma vie, maisil y a d’autres choses, plus privées,qui occupent une place tout aussi importante. Tous nos intérêts nousfaçonnent et font de nous ce que nous devenons. On travaille fort pendant des années pour arriver à cultiver ces intérêts et à se bâtir… et j’ai de la difficulté à comprendreque lorsque nous arrivons à un cer-tain point dans la vie, on puisse se dire, c’est fini, j’arrête tout ça et je commence autre chose. Je croisaussi qu’il faut essayer d’exploiterses forces et ne pas s’empêtrer dansses faiblesses. Je pense donc pourl’avenir à une sorte de prolonge-ment, dans des domaines que je connais, que j’aime et auxquels jepeux continuer de contribuer. Je vaisinstaller, à la maison, un endroit où je pourrai consacrer le temps que je veux à la science et poursuivre des activités de recherche et de consultation. On sait que le cerveauautant que le cœur doit être tenu en forme, alors je vais essayer de me garder actif tout en préservant un équilibre avec les autres aspectsde la vie. Ça va se passer avec Monic,avec le reste de ma famille et avec les amis. Il y aura une coupure évi-dente, mais j’espère qu’il y aura aussiune continuité… O

Marjolaine Thibeault

| Prévention au travail | Printemps 2003 |22 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 23

R e c h e r c h e à l’IRSST

« On travaille fortpendant des années

pour arriver à cultiver ses intérêts et à se bâtir...

et j'ai de la difficulté à comprendre que

lorsque nous arrivons à un certain point,on puisse se dire,

bon c'est fini, j'arrêtetout ça et je commence

autre chose. »

Page 24: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Le guide pratique d’évaluation, decontrôle et de prévention des bioaé-rosols en milieu de travail, publié parl’IRSST, répond à ces interrogations enpilotant le lecteur dans une démarchede prévention de la contamination, d’iden-tification de ces microorganismes etd’évaluation des risques potentiels pourla santé.

Pourquoi un tel guide ?Les problèmes de santé associés à une exposition à des bioaérosols sont

de trois types. Les réactions d’hyper-sensibilité, ou les allergies, sont les

manifestations les plus couram-ment rapportées à la suite d’unetelle exposition. Ces réactions incluent l’asthme, les rhinites,

les conjonctivites et la pneumonie hypersensitive. Plusieurs chercheurs

lient également l’exacerbation del’asthme ou d’autres problèmesrespiratoires à une exposition auxbioaérosols. Viennent ensuite lesinfections systémiques imputa-bles aux moisissures qu’on trouve

notamment dans les excrémentsd’oiseaux et de chauves-souris. Cesinfections se limitent généralement

aux personnes dont le système immunitaire est déficient. Le troisième type de problèmesconcerne les effets d’irritationscausés entre autres par les com-

posés organiques volatils micro-biens, dont ceux que produisent les

moisissures.Les médecins du travail s’in-

téressent aux effets potentielle-ment nocifs des bioaérosols surla santé depuis déjà longtemps,

en collaboration avec les hygié-nistes du travail. Le bassin des

connaissances nécessaires à l’identifi-cation de ces microorganismes, à leur

Il y a des bioaérosols partout. La question est surtout de savoir com-ment déterminer s’ils sont présents en quantité anormalement élevée. Etprincipalement, comment contrôler son environnement de façon à prévenirune éventuelle contamination.

quantification, à leur présencedans différents milieux de tra-vail et aux effets qu’ils peuventproduire chez les personnes exposées a augmenté depuis les dernières années. « Cepen-dant, un constat demeure : l’ap-proche classique de l’hygièneindustrielle, où les scientifiquesévaluent de façon systématiquel’air ambiant des environne-ments de travail, n’indique au-cunement si l’on fait face à un problème de contaminationpar les bioaérosols », préciseJacques Lavoie, de l’IRSST.

Quel usage peut-on faire de ce guide ?Pour pallier cette lacune, ungroupe de travail a été formé.Nicole Goyer, directrice del’équipe Hygiène du travail à l’IRSST,en est la responsable. Jacques Lavoie,biologiste et hygiéniste industriel,Louis Lazure, ingénieur, et GenevièveMarchand, microbiologiste, travaillentavec elle. Forte d’expertises variées dé-veloppées au cours des années, l’équipea produit un ouvrage pratique, simple à

utiliser. « Nous avons élaboré ce guidepour répondre aux questions des pro-fessionnels de la santé du travail sur les bioaérosols. Il permet de détermi-ner quand et dans quelles conditionsprocéder à une évaluation et d’opterpour la méthode la plus adéquate selonle cas », explique Jacques Lavoie.

indique les endroits les plus propices àdes pénétrations d’eau et à la présencede moisissures et de bactéries.

Le guide est divisé en trois sections.La première synthétise l’information la plus actuelle sur les types de micro-organismes présents dans les milieuxde travail, l’environnement naturel dans lequel ils évoluent et les condi-tions propices à leur croissance et à leur prolifération. Ce chapitre inclut de l’information sur les concentrations de bioaérosols et de bactéries mesuréesdans différents milieux de travail et surles valeurs limites d’exposition. On ytrouve aussi des données générales suc-cinctes sur les effets de ces bioaérosolssur la santé. La seconde partie traite des différentes stratégies d’évaluationd’un milieu de travail. On y suggèredes méthodes, des techniques et desoutils élaborés dans le but de procéderà une estimation juste de la situation.Enfin, la troisième section présente desfiches techniques de contrôle de l’expo-sition aux bioaérosols en milieu de travail et propose des pistes pour pré-venir toute contamination ou prolifé-ration éventuelle.

Les auteurs du guide visent la re-cherche de solutions orientées vers ladiminution des concentrations de bio-aérosols. Les secteurs de l’environ-nement, tels que le traitement des eaux,le recyclage de déchets domestiques et la collecte des ordures, où les micro-organismes se trouvent naturellementen grande quantité, sont particulière-ment visés. Par ailleurs, des méthodesd’évaluation plus rapides et plus spéci-fiques sont en préparation. Elles per-mettront une meilleure caractérisationde l’environnement et une meilleurecompréhension de la relation entre laprésence de bioaérosols et les effets qui y sont associés. O

Virginie Martel

| Prévention au travail | Printemps 2003 |24 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 25

Point de départDifférents intervenants avaient expriméle besoin de disposer d’un guide qui les aiderait à identifier les sources de contamination et qui expli-querait les façons de contrôleret de prévenir la proliféra-tion de bioaérosols, ces micro-organismes présents dans l’airdes environnements de travail.

Responsables Nicole Goyer1, Jacques Lavoie2,Louis Lazure3 et GenevièveMarchand4, de l’équipe Hygiènedu travail de l’IRSST.

RésultatsUn guide technique sur les bioaé-rosols normalement présentsdans l’air de différents environ-nements de travail, qui permetde déterminer les causes decontamination. Son utilisationpermettra d’orchestrer l’éva-luation des bioaérosols et la pré-vention de la contamination.

UtilisateursPrincipalement les hygiénistesindustriels et les autres inter-venants en santé et en sécuritédu travail préoccupés par la pré-sence de bioaérosols dans l’air desmilieux de travail.

3

2

4

1

R e c h e r c h e à l’IRSST

Méthodes d’évaluation,de contrôle et de prévention

réunies dans un seul guide

Bioaérosols en milieu de travail

Pour en savoir plusGOYER, Nicole, Jacques LAVOIE, LouisLAZURE, Geneviève MARCHAND etcoll. Les bioaérosols en milieu de travail –Guide d’évaluation, de contrôle et deprévention, Guide technique T-23, 63 pagesplus annexes, 26,75 $. Aussi offert enanglais.Téléchargeable gratuitement àwww.irsst.qc.ca.

Conçu principalement pour les hy-giénistes industriels, le guide a commeobjectif d’informer sur ce qu’il est nor-mal de trouver dans l’air, ce qui est acceptable ou pas, selon différents mi-lieux de travail. Louis Lazure signaleque « une des particularités du guideporte sur le diagnostic du bâtiment ».

Que trouve-t-on dans ce guide ?Selon M. Lazure, il arrive souvent queles intervenants en santé et en sécuritédu travail possèdent des notions par-tielles ou élémentaires de la construc-tion d’un bâtiment. Ils ne connaissentpas les composantes de son enveloppe,ni le rôle de chacune. À cet égard, l’in-formation contenue dans le guide leurpermet de bien cibler les élémentsd’une démarche efficiente. « Nous y indiquons quelles sont les principalessources d’infiltration d’eau pour cha-cune des composantes ainsi que les causes de ces infiltrations », précise-t-il. L’inspection visuelle de l’enve-loppe du bâtiment, à elle seule, peutpermettre de déterminer si l’on est enprésence d’un problème d’infiltrationd’eau, par exemple. De surcroît, elle

Si le guide s’adresse à l’ensemble

des milieux industriels, les secteurs

de l’environnement, tels que le trai-

tement des eaux usées, le recyclage

des déchets domestiques et la

collecte des ordures, sont particuliè-

rement visés en raison de la grande

quantité de microorganismes qui

s’y trouvent naturellement.

Bioaérosols en milieu de travail

Page 25: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Le guide pratique d’évaluation, decontrôle et de prévention des bioaé-rosols en milieu de travail, publié parl’IRSST, répond à ces interrogations enpilotant le lecteur dans une démarchede prévention de la contamination, d’iden-tification de ces microorganismes etd’évaluation des risques potentiels pourla santé.

Pourquoi un tel guide ?Les problèmes de santé associés à une exposition à des bioaérosols sont

de trois types. Les réactions d’hyper-sensibilité, ou les allergies, sont les

manifestations les plus couram-ment rapportées à la suite d’unetelle exposition. Ces réactions incluent l’asthme, les rhinites,

les conjonctivites et la pneumonie hypersensitive. Plusieurs chercheurs

lient également l’exacerbation del’asthme ou d’autres problèmesrespiratoires à une exposition auxbioaérosols. Viennent ensuite lesinfections systémiques imputa-bles aux moisissures qu’on trouve

notamment dans les excrémentsd’oiseaux et de chauves-souris. Cesinfections se limitent généralement

aux personnes dont le système immunitaire est déficient. Le troisième type de problèmesconcerne les effets d’irritationscausés entre autres par les com-

posés organiques volatils micro-biens, dont ceux que produisent les

moisissures.Les médecins du travail s’in-

téressent aux effets potentielle-ment nocifs des bioaérosols surla santé depuis déjà longtemps,

en collaboration avec les hygié-nistes du travail. Le bassin des

connaissances nécessaires à l’identifi-cation de ces microorganismes, à leur

Il y a des bioaérosols partout. La question est surtout de savoir com-ment déterminer s’ils sont présents en quantité anormalement élevée. Etprincipalement, comment contrôler son environnement de façon à prévenirune éventuelle contamination.

quantification, à leur présencedans différents milieux de tra-vail et aux effets qu’ils peuventproduire chez les personnes exposées a augmenté depuis les dernières années. « Cepen-dant, un constat demeure : l’ap-proche classique de l’hygièneindustrielle, où les scientifiquesévaluent de façon systématiquel’air ambiant des environne-ments de travail, n’indique au-cunement si l’on fait face à un problème de contaminationpar les bioaérosols », préciseJacques Lavoie, de l’IRSST.

Quel usage peut-on faire de ce guide ?Pour pallier cette lacune, ungroupe de travail a été formé.Nicole Goyer, directrice del’équipe Hygiène du travail à l’IRSST,en est la responsable. Jacques Lavoie,biologiste et hygiéniste industriel,Louis Lazure, ingénieur, et GenevièveMarchand, microbiologiste, travaillentavec elle. Forte d’expertises variées dé-veloppées au cours des années, l’équipea produit un ouvrage pratique, simple à

utiliser. « Nous avons élaboré ce guidepour répondre aux questions des pro-fessionnels de la santé du travail sur les bioaérosols. Il permet de détermi-ner quand et dans quelles conditionsprocéder à une évaluation et d’opterpour la méthode la plus adéquate selonle cas », explique Jacques Lavoie.

indique les endroits les plus propices àdes pénétrations d’eau et à la présencede moisissures et de bactéries.

Le guide est divisé en trois sections.La première synthétise l’information la plus actuelle sur les types de micro-organismes présents dans les milieuxde travail, l’environnement naturel dans lequel ils évoluent et les condi-tions propices à leur croissance et à leur prolifération. Ce chapitre inclut de l’information sur les concentrations de bioaérosols et de bactéries mesuréesdans différents milieux de travail et surles valeurs limites d’exposition. On ytrouve aussi des données générales suc-cinctes sur les effets de ces bioaérosolssur la santé. La seconde partie traite des différentes stratégies d’évaluationd’un milieu de travail. On y suggèredes méthodes, des techniques et desoutils élaborés dans le but de procéderà une estimation juste de la situation.Enfin, la troisième section présente desfiches techniques de contrôle de l’expo-sition aux bioaérosols en milieu de travail et propose des pistes pour pré-venir toute contamination ou prolifé-ration éventuelle.

Les auteurs du guide visent la re-cherche de solutions orientées vers ladiminution des concentrations de bio-aérosols. Les secteurs de l’environ-nement, tels que le traitement des eaux,le recyclage de déchets domestiques et la collecte des ordures, où les micro-organismes se trouvent naturellementen grande quantité, sont particulière-ment visés. Par ailleurs, des méthodesd’évaluation plus rapides et plus spéci-fiques sont en préparation. Elles per-mettront une meilleure caractérisationde l’environnement et une meilleurecompréhension de la relation entre laprésence de bioaérosols et les effets qui y sont associés. O

Virginie Martel

| Prévention au travail | Printemps 2003 |24 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 25

Point de départDifférents intervenants avaient expriméle besoin de disposer d’un guide qui les aiderait à identifier les sources de contamination et qui expli-querait les façons de contrôleret de prévenir la proliféra-tion de bioaérosols, ces micro-organismes présents dans l’airdes environnements de travail.

Responsables Nicole Goyer1, Jacques Lavoie2,Louis Lazure3 et GenevièveMarchand4, de l’équipe Hygiènedu travail de l’IRSST.

RésultatsUn guide technique sur les bioaé-rosols normalement présentsdans l’air de différents environ-nements de travail, qui permetde déterminer les causes decontamination. Son utilisationpermettra d’orchestrer l’éva-luation des bioaérosols et la pré-vention de la contamination.

UtilisateursPrincipalement les hygiénistesindustriels et les autres inter-venants en santé et en sécuritédu travail préoccupés par la pré-sence de bioaérosols dans l’air desmilieux de travail.

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Méthodes d’évaluation,de contrôle et de prévention

réunies dans un seul guide

Bioaérosols en milieu de travail

Pour en savoir plusGOYER, Nicole, Jacques LAVOIE, LouisLAZURE, Geneviève MARCHAND etcoll. Les bioaérosols en milieu de travail –Guide d’évaluation, de contrôle et deprévention, Guide technique T-23, 63 pagesplus annexes, 26,75 $. Aussi offert enanglais.Téléchargeable gratuitement àwww.irsst.qc.ca.

Conçu principalement pour les hy-giénistes industriels, le guide a commeobjectif d’informer sur ce qu’il est nor-mal de trouver dans l’air, ce qui est acceptable ou pas, selon différents mi-lieux de travail. Louis Lazure signaleque « une des particularités du guideporte sur le diagnostic du bâtiment ».

Que trouve-t-on dans ce guide ?Selon M. Lazure, il arrive souvent queles intervenants en santé et en sécuritédu travail possèdent des notions par-tielles ou élémentaires de la construc-tion d’un bâtiment. Ils ne connaissentpas les composantes de son enveloppe,ni le rôle de chacune. À cet égard, l’in-formation contenue dans le guide leurpermet de bien cibler les élémentsd’une démarche efficiente. « Nous y indiquons quelles sont les principalessources d’infiltration d’eau pour cha-cune des composantes ainsi que les causes de ces infiltrations », précise-t-il. L’inspection visuelle de l’enve-loppe du bâtiment, à elle seule, peutpermettre de déterminer si l’on est enprésence d’un problème d’infiltrationd’eau, par exemple. De surcroît, elle

Si le guide s’adresse à l’ensemble

des milieux industriels, les secteurs

de l’environnement, tels que le trai-

tement des eaux usées, le recyclage

des déchets domestiques et la

collecte des ordures, sont particuliè-

rement visés en raison de la grande

quantité de microorganismes qui

s’y trouvent naturellement.

Bioaérosols en milieu de travail

Page 26: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Suivre la cadenceLes chiffres parlent : sur les chaînesd’abattage, 12 000 oiseaux sont traitésà l’heure ; les cycles de travail sont souvent de l’ordre de trois à cinq se-condes. Il est vrai que la mécanisationdes chaînes dans les abattoirs avicolesa contribué à diminuer la charge phy-sique du personnel. Ce faisant, elle a parfois augmenté la répétitivité, lamonotonie et le statisme. Les travail-leurs ont donc de moins en moins decontrôle sur les cadences et disposentde peu de marge de manœuvre.

Pour contrer ces inconvénients, la rotation des postes est pratiquée dans de nombreux abattoirs de volailles. Ellese fait généralement aux deux heures et exige du travailleur qu’il maîtrisejusqu’à une dizaine de tâches diffé-rentes. Elle doit être gérée de façon efficace et la formation fait partie decette gestion. L’Institut s’est donc en-gagé dans un projet visant la productiond’outils pour aider à mieux intégrer lesaspects de santé et de sécurité au tra-vail dans la formation des employés etl’encadrement des apprentis. Cette acti-vité devait aussi aider les travailleurs àreconnaître les facteurs de risque asso-ciés au travail répétitif et à mettre enœuvre des moyens de prévention.

L’analyse des besoinsDans le secteur des abattoirs avicoles,la tendance en matière de formationconsiste à confier, dans chaque service,la presque totalité de la responsabi-lité de l’encadrement des nouveauxemployés à certains travailleurs. Lesscientifiques ont mené une série deconsultations avec des responsables dela formation, des formateurs et des travailleurs récemment formés de quatre usines des compagnies Olymelet Exceldor. Quatre points communs en sont ressortis :• le grand nombre de tâches à ap-

prendre, leur complexité et la vitessed’exécution très élevée sont causesde stress chez les apprentis ;

Avec la publication d’une série devidéos de formation, scientifiques,représentants patronaux et syndicaux et travailleurs ont franchi une étape deplus dans la prévention des troublesmusculo-squelettiques chez les em-ployés des abattoirs avicoles. Une autreretombée d’une collaboration, qui acommencé il y a plus de 10 ans, entrel’IRSST et ce secteur.

• l’importance de plus en plus recon-nue de la formation se traduit par unerestructuration des démarches en cesens et par une augmentation desdurées d’apprentissage ;

• le lien important entre formation etprévention est admis par tous ;

• le processus d’apprentissage com-porte trois phases importantes : la découverte, l’approfondissement et le perfectionnement. Or, la rotationnuit souvent aux deux dernières.

Cette consultation a permis de déter-miner deux grands objectifs de la for-mation : • que les travailleurs puissent mieux

comprendre ce qui se passe pourmieux maîtriser leurs propres mé-thodes de travail et ainsi minimiserles douleurs ;

• que les formateurs soient mieux outillés pour intervenir sur plusieursplans : favoriser le climat d’appren-tissage, rendre intelligible la tâche à effectuer, interrelier « situations àrisque, douleurs et moyens de pré-vention » et demeurer vigilant face à ces facteurs.

Miser sur le savoir-faireL’identification et le partage des stra-tégies et des savoir-faire de prudencedéveloppés par les travailleurs au fildes ans est un aspect majeur de ce projet. Les formateurs parlent de« trucs » qui facilitent la tâche et endiminuent les exigences et les risques.Pour les scientifiques, le défi était d’en arriver à faire verbaliser les détenteurs de ces « trucs ». « Nousavons proposé de procéder à partird’exercices de groupe qui consistentd’abord à ‘s’expliquer’ collectivementla tâche, puis de comparer les diffé-rentes façons de les exécuter », relatel’ergonome Jean-Guy Richard.

Pour réaliser les vidéos, les scien-tifiques ont simulé des situations deformation qu’ils ont filmées et en-registrées. « L’étude des dynamiques

de formation nous a convaincus en-core davantage de la puissance decette approche pour analyser les facteurs de risque et les difficultés associées à un type de tâches et pouridentifier les savoir-faire de prudenceappliqués », explique M. Richard. Par exemple, dans le cas du désos-sement des ailes de poulets, les 30 premières minutes d’échanges entre un formateur d’expérience et deux apprentis leur ont permis desaisir l’essentiel des subtilités de la technique et ont fourni une pre-mière liste de « trucs » proposés par le formateur. Cet exercice a dé-montré l’intérêt de s’appuyer sur une analyse des différentes phases

d’apprentissage pour reconnaître lesfacteurs de risque et les améliorationspossibles.

Des outils pédagogiques (voir encadré) facilitant l’intégration de la prévention des troubles musculo-squelettiques au moment de l’appren-tissage de nouvelles tâches dans desétablissements où la rotation est cou-ramment pratiquée ont pu être pro-duits grâce à cette démarche. Ce projet a aussi mis en évidence la complexité du processus d’apprentissage et la nécessité d’en comprendre les diffé-rentes phases pour mieux guider et outiller les travailleurs-formateurs. O

Marjolaine Thibeault

| Prévention au travail | Printemps 2003 |26 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 27

R e c h e r c h e à l’IRSST

Point de départLes entreprises du secteur avicole sou-haitaient se donner des outils pour sensi-biliser leurs employés à la prévention destroubles musculo-squelettiques.

ResponsablesJean-Guy Richard, de Sécurité-ergonomiede l’IRSST, Monique Martin, consultante,André Balleux, de la faculté de l’édu-cation de l’Université de Sherbrooke, Céline Chatigny, du Centre d’étude desinteractions biologiques entre la santé etl’environnement (CINBIOSE) de l’Univer-sité du Québec à Montréal, et Innovision,producteur vidéo.

CollaborateursL’Association des abattoirs avicoles duQuébec, des représentants syndicaux et patronaux d’abattoirs de volailles ettrois grandes centrales syndicales (CSN,FTQ, CSD).

RésultatsLa production de vidéos de formation et d’autres outils pédagogiques qui intègrent des moyens de prévention des troubles musculo-squelettiques à laformation des travailleurs des abattoirsavicoles.

UtilisateursLes animateurs de séances de sensibi-lisation et de formation destinées auxformateurs et aux travailleurs dans lesabattoirs de volailles.

Apprendre des autres pour former au métier et à la prévention

Pour en savoir plusRICHARD, Jean-Guy. Identification desoutils requis pour accroître l’efficacité des stratégies de prévention des lésionsattribuables au travail répétitif dans lesabattoirs et usines de transformation dusecteur avicole, Rapport R-158, 80 pages,7,50 $.

RICHARD, Jean-Guy. Guide d’élabora-tion d’une stratégie de prévention pour lesétablissements du secteur avicole, Guidetechnique RG-158, 15 pages, gratuit.

RICHARD, Jean-Guy et Marie BELLEMARE. Intégration de l’ergonomieau processus de conception d’une usined’abattage de volailles, Rapport R-113,105 pages, 8,00 $.

Téléchargeables gratuitement àwww.irsst.qc.ca.

Les vidéos de formation sur la préven-tion des troubles musculo-squelettiquesconstituent les outils majeurs créés parl’équipe de recherche. La première, quis’adresse aux travailleurs, a pour thèmes :comprendre les facteurs de risque, amé-liorer la méthode et l’environnement detravail, agir sur la douleur. La secondeest destinée aux formateurs. Elle a pourthèmes : intervenir dès les premièresheures, faire apprendre le travail, pré-venir plutôt que guérir.

Pour accompagner ces vidéos,d’autres outils essentiels ont été mis au point :

• un guide destiné aux animateurs deséances de formation ;

• un cahier du formateur ;• une brochure destinée aux travail-

leurs ;• des exercices destinés aux forma-

teurs, portant sur l’identification desstratégies développées et utiliséespour composer avec le stress des apprentis et les différences indivi-duelles, la verbalisation d’une tâche,l’identification et le partage des connaissances et des savoir-faire de prudence développés par chaque formateur.

Tous ces outils ont été conçus parl’IRSST, en collaboration avec les abat-toirs Olymel et Exceldor et avec la par-ticipation de la Centrale des syndicatsdémocratiques (CSD), de la Confédé-ration des syndicats nationaux (CSN) et de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Ils doivent être utilisés dans le cours d’une formation et ne sont pas distri-bués séparément. Pour plus d’infor-mation, s’adresser à Jean-Guy Richard,au (514) 288-1551, poste 229.

Jean-Guy Richard tient à rappelerque « la formation n’est pas le seulmoyen de prévention et qu’il faut s’attaquer à l’élimination des dangers à la source ». En ce sens, les vidéos devraient aider le personnel en entre-prise à acquérir une vision et un lan-gage communs de ce que sont lesrisques et les inciter à rechercher en-semble des solutions. O

Des outils majeursAbattoirs de volaillesAbattoirs de volailles

Page 27: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Suivre la cadenceLes chiffres parlent : sur les chaînesd’abattage, 12 000 oiseaux sont traitésà l’heure ; les cycles de travail sont souvent de l’ordre de trois à cinq se-condes. Il est vrai que la mécanisationdes chaînes dans les abattoirs avicolesa contribué à diminuer la charge phy-sique du personnel. Ce faisant, elle a parfois augmenté la répétitivité, lamonotonie et le statisme. Les travail-leurs ont donc de moins en moins decontrôle sur les cadences et disposentde peu de marge de manœuvre.

Pour contrer ces inconvénients, la rotation des postes est pratiquée dans de nombreux abattoirs de volailles. Ellese fait généralement aux deux heures et exige du travailleur qu’il maîtrisejusqu’à une dizaine de tâches diffé-rentes. Elle doit être gérée de façon efficace et la formation fait partie decette gestion. L’Institut s’est donc en-gagé dans un projet visant la productiond’outils pour aider à mieux intégrer lesaspects de santé et de sécurité au tra-vail dans la formation des employés etl’encadrement des apprentis. Cette acti-vité devait aussi aider les travailleurs àreconnaître les facteurs de risque asso-ciés au travail répétitif et à mettre enœuvre des moyens de prévention.

L’analyse des besoinsDans le secteur des abattoirs avicoles,la tendance en matière de formationconsiste à confier, dans chaque service,la presque totalité de la responsabi-lité de l’encadrement des nouveauxemployés à certains travailleurs. Lesscientifiques ont mené une série deconsultations avec des responsables dela formation, des formateurs et des travailleurs récemment formés de quatre usines des compagnies Olymelet Exceldor. Quatre points communs en sont ressortis :• le grand nombre de tâches à ap-

prendre, leur complexité et la vitessed’exécution très élevée sont causesde stress chez les apprentis ;

Avec la publication d’une série devidéos de formation, scientifiques,représentants patronaux et syndicaux et travailleurs ont franchi une étape deplus dans la prévention des troublesmusculo-squelettiques chez les em-ployés des abattoirs avicoles. Une autreretombée d’une collaboration, qui acommencé il y a plus de 10 ans, entrel’IRSST et ce secteur.

• l’importance de plus en plus recon-nue de la formation se traduit par unerestructuration des démarches en cesens et par une augmentation desdurées d’apprentissage ;

• le lien important entre formation etprévention est admis par tous ;

• le processus d’apprentissage com-porte trois phases importantes : la découverte, l’approfondissement et le perfectionnement. Or, la rotationnuit souvent aux deux dernières.

Cette consultation a permis de déter-miner deux grands objectifs de la for-mation : • que les travailleurs puissent mieux

comprendre ce qui se passe pourmieux maîtriser leurs propres mé-thodes de travail et ainsi minimiserles douleurs ;

• que les formateurs soient mieux outillés pour intervenir sur plusieursplans : favoriser le climat d’appren-tissage, rendre intelligible la tâche à effectuer, interrelier « situations àrisque, douleurs et moyens de pré-vention » et demeurer vigilant face à ces facteurs.

Miser sur le savoir-faireL’identification et le partage des stra-tégies et des savoir-faire de prudencedéveloppés par les travailleurs au fildes ans est un aspect majeur de ce projet. Les formateurs parlent de« trucs » qui facilitent la tâche et endiminuent les exigences et les risques.Pour les scientifiques, le défi était d’en arriver à faire verbaliser les détenteurs de ces « trucs ». « Nousavons proposé de procéder à partird’exercices de groupe qui consistentd’abord à ‘s’expliquer’ collectivementla tâche, puis de comparer les diffé-rentes façons de les exécuter », relatel’ergonome Jean-Guy Richard.

Pour réaliser les vidéos, les scien-tifiques ont simulé des situations deformation qu’ils ont filmées et en-registrées. « L’étude des dynamiques

de formation nous a convaincus en-core davantage de la puissance decette approche pour analyser les facteurs de risque et les difficultés associées à un type de tâches et pouridentifier les savoir-faire de prudenceappliqués », explique M. Richard. Par exemple, dans le cas du désos-sement des ailes de poulets, les 30 premières minutes d’échanges entre un formateur d’expérience et deux apprentis leur ont permis desaisir l’essentiel des subtilités de la technique et ont fourni une pre-mière liste de « trucs » proposés par le formateur. Cet exercice a dé-montré l’intérêt de s’appuyer sur une analyse des différentes phases

d’apprentissage pour reconnaître lesfacteurs de risque et les améliorationspossibles.

Des outils pédagogiques (voir encadré) facilitant l’intégration de la prévention des troubles musculo-squelettiques au moment de l’appren-tissage de nouvelles tâches dans desétablissements où la rotation est cou-ramment pratiquée ont pu être pro-duits grâce à cette démarche. Ce projet a aussi mis en évidence la complexité du processus d’apprentissage et la nécessité d’en comprendre les diffé-rentes phases pour mieux guider et outiller les travailleurs-formateurs. O

Marjolaine Thibeault

| Prévention au travail | Printemps 2003 |26 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 27

R e c h e r c h e à l’IRSST

Point de départLes entreprises du secteur avicole sou-haitaient se donner des outils pour sensi-biliser leurs employés à la prévention destroubles musculo-squelettiques.

ResponsablesJean-Guy Richard, de Sécurité-ergonomiede l’IRSST, Monique Martin, consultante,André Balleux, de la faculté de l’édu-cation de l’Université de Sherbrooke, Céline Chatigny, du Centre d’étude desinteractions biologiques entre la santé etl’environnement (CINBIOSE) de l’Univer-sité du Québec à Montréal, et Innovision,producteur vidéo.

CollaborateursL’Association des abattoirs avicoles duQuébec, des représentants syndicaux et patronaux d’abattoirs de volailles ettrois grandes centrales syndicales (CSN,FTQ, CSD).

RésultatsLa production de vidéos de formation et d’autres outils pédagogiques qui intègrent des moyens de prévention des troubles musculo-squelettiques à laformation des travailleurs des abattoirsavicoles.

UtilisateursLes animateurs de séances de sensibi-lisation et de formation destinées auxformateurs et aux travailleurs dans lesabattoirs de volailles.

Apprendre des autres pour former au métier et à la prévention

Pour en savoir plusRICHARD, Jean-Guy. Identification desoutils requis pour accroître l’efficacité des stratégies de prévention des lésionsattribuables au travail répétitif dans lesabattoirs et usines de transformation dusecteur avicole, Rapport R-158, 80 pages,7,50 $.

RICHARD, Jean-Guy. Guide d’élabora-tion d’une stratégie de prévention pour lesétablissements du secteur avicole, Guidetechnique RG-158, 15 pages, gratuit.

RICHARD, Jean-Guy et Marie BELLEMARE. Intégration de l’ergonomieau processus de conception d’une usined’abattage de volailles, Rapport R-113,105 pages, 8,00 $.

Téléchargeables gratuitement àwww.irsst.qc.ca.

Les vidéos de formation sur la préven-tion des troubles musculo-squelettiquesconstituent les outils majeurs créés parl’équipe de recherche. La première, quis’adresse aux travailleurs, a pour thèmes :comprendre les facteurs de risque, amé-liorer la méthode et l’environnement detravail, agir sur la douleur. La secondeest destinée aux formateurs. Elle a pourthèmes : intervenir dès les premièresheures, faire apprendre le travail, pré-venir plutôt que guérir.

Pour accompagner ces vidéos,d’autres outils essentiels ont été mis au point :

• un guide destiné aux animateurs deséances de formation ;

• un cahier du formateur ;• une brochure destinée aux travail-

leurs ;• des exercices destinés aux forma-

teurs, portant sur l’identification desstratégies développées et utiliséespour composer avec le stress des apprentis et les différences indivi-duelles, la verbalisation d’une tâche,l’identification et le partage des connaissances et des savoir-faire de prudence développés par chaque formateur.

Tous ces outils ont été conçus parl’IRSST, en collaboration avec les abat-toirs Olymel et Exceldor et avec la par-ticipation de la Centrale des syndicatsdémocratiques (CSD), de la Confédé-ration des syndicats nationaux (CSN) et de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Ils doivent être utilisés dans le cours d’une formation et ne sont pas distri-bués séparément. Pour plus d’infor-mation, s’adresser à Jean-Guy Richard,au (514) 288-1551, poste 229.

Jean-Guy Richard tient à rappelerque « la formation n’est pas le seulmoyen de prévention et qu’il faut s’attaquer à l’élimination des dangers à la source ». En ce sens, les vidéos devraient aider le personnel en entre-prise à acquérir une vision et un lan-gage communs de ce que sont lesrisques et les inciter à rechercher en-semble des solutions. O

Des outils majeursAbattoirs de volaillesAbattoirs de volailles

Page 28: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Dr Yvon Cormier, de l’hôpital Laval

(Université Laval).

Dr Patrick Loisel, de l’Univer-

sité de Sherbrooke et du

Centre de recherche clinique

en réadaptation au travail

de l’hôpital Charles LeMoyne.

| Prévention au travail | Printemps 2003 | 29| Prévention au travail | Printemps 2003 |28

Les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, constituent leprincipal organisme fédéral de financement de la recherche en santé aupays. Il a pour objectif l’acquisition de connaissances et la création denouvelles applications, dans le but d’améliorer la santé de la populationcanadienne, d’offrir de meilleurs produits et services de santé, ainsi quede consolider le système de santé du Canada.

Les IRSC ont ainsi mis sur pied un système de subventions devantservir, par la formation et le perfectionnement de chercheurs, à déve-lopper les capacités du secteur de la recherche en santé au pays. Lesprogrammes stratégiques de formation viennent appuyer l’accès desétudiants à des apprentissages conçus et mis en œuvre par des groupesde mentors, de chercheurs et d’éducateurs qui excellent en recherchedans des champs bien précis du domaine de la santé.

Les programmes subventionnés par les IRSC sont donc reconnus auniveau national pour :• l’excellence en recherche des mentors associés, ainsi que les succès

qu’ils ont obtenus dans la formation de chercheurs en santé ;• la nature interdisciplinaire des programmes de formation proposés ;• l’approche innovatrice et l’efficacité du processus de formation ;• l’excellence des pratiques pédagogiques et de la diffusion du matériel

de cours.

La majeure partie des subventions, il faut le mentionner, ne va niaux formateurs ni au personnel de recherche, mais directement auxétudiants, que ce soit sous la forme d’une bourse ou d’une formationgratuite pendant un, deux, ou même trois ans. Globalement, cela repré-sente un investissement d’environ 85 millions de dollars sur six ans,voué entièrement à la formation de la prochaine génération de cher-cheurs en santé.

L’IRSST, dans le contexte d’un partenariat, a ainsi participé au finan-cement de deux programmes de formation stratégiques créés en vertudes subventions des IRSC, car les projets en question impliquaient defaçon significative des équipes de recherche du Québec. O

10 bourses par année, ce qui permettraità une quarantaine d’étudiants de béné-ficier du programme

Déjà, les boursiers se sont mis autravail. Ils étudient, entre autres, lesméthodes d’évaluation de la toxicitédes poussières organiques, les pro-blèmes de santé des travailleurs des forages de pétrole, l’épidémiologie desmaladies pulmonaires en Alberta (enmilieu rural) et les problèmes de santéreliés aux porcheries. Jusqu’à ce jour,une seule étudiante québécoise, ValérieLétourneau, est inscrite au programme.Sous la direction de Caroline Duchaine,de l’Université Laval, elle prépare unemaîtrise sur la mise au point de mé-thodes rapides et simples d’évaluationde la toxicité et de l’immunogénicitédes contaminants aéroportés dans diffé-rents environnements de travail.

Un des grands avantages de cettesubvention, note le Dr Cormier, est sur-tout qu’elle « nous donne une meilleurecapacité d’accueil d’étudiants ; et puis,elle leur donne la chance de bénéficierdes expertises d’autres milieux ». Dansce cas-ci également, l’IRSST participeau financement, en partenariat avec lesIRSC. Il donne ainsi, pour le Québec,l’équivalent de la subvention fédérale.

Place à la relèveIl ne reste donc plus aux jeunes cher-cheurs de partout au pays qu’à pro-fiter de cette occasion en or qui leur est offerte pour entreprendre, ou pour-suivre, une carrière en recherche dansle domaine de la santé au travail. Il estbien rassurant, en tout cas, de savoirque la relève se prépare… O

Loraine Pichette

Prévention d’incapacitésLe Dr Patrick Loisel, professeur titu-laire à l’Université de Sherbrooke,dirige PRÉVICAP, un programme deréadaptation au travail qui réunit en-seignement, recherche et services à lacommunauté, au Centre de recherchede l’hôpital Charles LeMoyne. Il estégalement le fondateur-directeur duRéseau en réadaptation au travail duQuébec (RRTQ), un consortium entrel’hôpital Charles LeMoyne et dix centres de réadaptation en déficiencephysique qui applique le programmeclinique PRÉVICAP dans quatre ré-gions du Québec.

Son groupe a obtenu au printempsdernier une subvention de 1,8 millionde dollars, étalée sur six ans. Selon leDr Loisel, « on développe actuellementle programme et la première cohorted’étudiants est attendue en juin 2003 ».Ce programme transdisciplinaire enprévention d’incapacités au travail seraoffert par l’Université de Sherbrookeaux étudiants inscrits au doctorat ou au postdoctorat. Il s’agit en fait d’unprogramme parallèle aux études docto-rales : un diplôme complémentaire de30 crédits en prévention d’incapacitésau travail. Ces études de 3e cycle serontcomposées de cours, d’activités dementorat, de séminaires, de discussionsde cas, de formation en ligne, etc.

La subvention est en fait majori-tairement destinée à financer les étu-diants eux-mêmes pour qu’ils puissentsuivre le programme. L’IRSST est unpartenaire important du projet puis-qu’il fournit, sur six ans, 100 000 $ des 300000$ accordés, le reste prove-nant des IRSC et des autres partenaires,

soit le Réseau provincial derecherche en adap ta t ion-réadaptation (REPAR) et leFonds de la recherche en santédu Québec (FRSQ). Le recru-tement sera basé sur l’excel-lence et environ 15 étudiantspar année seront admis, le pro-gramme s’étalant sur trois ans.

Les avantages pour les étu-diants et pour le domaine de la recherche en santé sont évi-dents, mais qu’en est-il pourPRÉVICAP et l’Université deSherbrooke? Toujours selon leDr Loisel, « la subvention du

programme de formation stratégiquenous consacre comme étant LE centrede formation en recherche sur la pré-vention d’incapacités au travail. Celanous donne une longueur d’avance et notre spécialité est ainsi reconnue.D’ailleurs, 24 professeurs de 9 univer-sités canadiennes sont associés à ceprojet ». Et puis, le programme est làpour rester, même après les six ans desubventions.

Santé en milieu agricoleQuant à l’équipe du Dr Yvon Cormier,elle participera à un programme de for-mation sur la santé en milieu agricole.Le Dr Cormier est pneumologue etchercheur-clinicien à l’hôpital Laval de Québec. Il est le responsable de lasection Québec du programme de for-mation, dirigé à l’échelle du Canadapar le Dr James Dosman, du Centre de médecine agricole de l’Université de la Saskatchewan.

Le programme a commencé le 1er mars 2002 et se terminera le

Programmes stratégiques de formation

Pour en savoir plusInstituts de recherche en santé du Canada :www.cihr-irsc.gc.caRéseau provincial de recherche en adaptation-réadaptation : www.fmed.ulaval.ca/reparProgramme de formation en santé publiqueet agroécosystème en milieu rural : www.usask.ca/medicine/agmedicineRéseau en réadaptation au travail duQuébec : www.rrtq.qc.caChaire de recherche en réadaptation autravail (Bombardier et Pratt & Whitney) : www.usherbrooke.ca/recherche/centres/loisel.html

28 février 2007, appuyé d’une subven-tion totale de 1,8 million de dollars.S’adressant à des étudiants de la maî-trise, du doctorat et du postdoctorat, ilporte sur les problématiques de santé en milieu agricole. « Actuellement, ditle Dr Cormier, il y a huit étudiants sub-ventionnés qui suivent des conférenceset des cours, surtout par Internet…Nous, ici, on participe à ces activités, on prépare et on donne des cours. »Dans ce cas-ci également, l’argent dessubventions sert directement aux étu-diants, qui sont de partout au pays. On pense pouvoir octroyer ainsi environ

Deux équipes de chercheurs d’ici,soit celle du Dr Patrick Loisel,

de l’Université de Sherbrooke etdu Centre de recherche clinique

en réadaptation au travail de l’hôpital Charles LeMoyne,

et celle du Dr Yvon Cormier, del’hôpital Laval (Université Laval),

ont chacune obtenu, au prin-temps dernier, une subvention

conjointe des Instituts derecherche en santé du Canada

(IRSC) et de l’Institut de rechercheRobert-Sauvé en santé et en

sécurité du travail (IRSST) pourleurs programmes stratégiques

de formation. La bonne nouvelle,c’est que ce sont des étudiants de2e et de 3e cycles, les chercheurs

de demain, qui bénéficierontdirectement de ces subventions.

Ainsi, tout le secteur canadien dela recherche en santé du travailtirera profit de cette initiative.

IRSC et les subventions aux programmes stratégiques de formation

Programmes stratégiques de formation On prépare la relève pour la recherche en santé du travail

R e c h e r c h e à l’IRSST

Page 29: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Dr Yvon Cormier, de l’hôpital Laval

(Université Laval).

Dr Patrick Loisel, de l’Univer-

sité de Sherbrooke et du

Centre de recherche clinique

en réadaptation au travail

de l’hôpital Charles LeMoyne.

| Prévention au travail | Printemps 2003 | 29| Prévention au travail | Printemps 2003 |28

Les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, constituent leprincipal organisme fédéral de financement de la recherche en santé aupays. Il a pour objectif l’acquisition de connaissances et la création denouvelles applications, dans le but d’améliorer la santé de la populationcanadienne, d’offrir de meilleurs produits et services de santé, ainsi quede consolider le système de santé du Canada.

Les IRSC ont ainsi mis sur pied un système de subventions devantservir, par la formation et le perfectionnement de chercheurs, à déve-lopper les capacités du secteur de la recherche en santé au pays. Lesprogrammes stratégiques de formation viennent appuyer l’accès desétudiants à des apprentissages conçus et mis en œuvre par des groupesde mentors, de chercheurs et d’éducateurs qui excellent en recherchedans des champs bien précis du domaine de la santé.

Les programmes subventionnés par les IRSC sont donc reconnus auniveau national pour :• l’excellence en recherche des mentors associés, ainsi que les succès

qu’ils ont obtenus dans la formation de chercheurs en santé ;• la nature interdisciplinaire des programmes de formation proposés ;• l’approche innovatrice et l’efficacité du processus de formation ;• l’excellence des pratiques pédagogiques et de la diffusion du matériel

de cours.

La majeure partie des subventions, il faut le mentionner, ne va niaux formateurs ni au personnel de recherche, mais directement auxétudiants, que ce soit sous la forme d’une bourse ou d’une formationgratuite pendant un, deux, ou même trois ans. Globalement, cela repré-sente un investissement d’environ 85 millions de dollars sur six ans,voué entièrement à la formation de la prochaine génération de cher-cheurs en santé.

L’IRSST, dans le contexte d’un partenariat, a ainsi participé au finan-cement de deux programmes de formation stratégiques créés en vertudes subventions des IRSC, car les projets en question impliquaient defaçon significative des équipes de recherche du Québec. O

10 bourses par année, ce qui permettraità une quarantaine d’étudiants de béné-ficier du programme

Déjà, les boursiers se sont mis autravail. Ils étudient, entre autres, lesméthodes d’évaluation de la toxicitédes poussières organiques, les pro-blèmes de santé des travailleurs des forages de pétrole, l’épidémiologie desmaladies pulmonaires en Alberta (enmilieu rural) et les problèmes de santéreliés aux porcheries. Jusqu’à ce jour,une seule étudiante québécoise, ValérieLétourneau, est inscrite au programme.Sous la direction de Caroline Duchaine,de l’Université Laval, elle prépare unemaîtrise sur la mise au point de mé-thodes rapides et simples d’évaluationde la toxicité et de l’immunogénicitédes contaminants aéroportés dans diffé-rents environnements de travail.

Un des grands avantages de cettesubvention, note le Dr Cormier, est sur-tout qu’elle « nous donne une meilleurecapacité d’accueil d’étudiants ; et puis,elle leur donne la chance de bénéficierdes expertises d’autres milieux ». Dansce cas-ci également, l’IRSST participeau financement, en partenariat avec lesIRSC. Il donne ainsi, pour le Québec,l’équivalent de la subvention fédérale.

Place à la relèveIl ne reste donc plus aux jeunes cher-cheurs de partout au pays qu’à pro-fiter de cette occasion en or qui leur est offerte pour entreprendre, ou pour-suivre, une carrière en recherche dansle domaine de la santé au travail. Il estbien rassurant, en tout cas, de savoirque la relève se prépare… O

Loraine Pichette

Prévention d’incapacitésLe Dr Patrick Loisel, professeur titu-laire à l’Université de Sherbrooke,dirige PRÉVICAP, un programme deréadaptation au travail qui réunit en-seignement, recherche et services à lacommunauté, au Centre de recherchede l’hôpital Charles LeMoyne. Il estégalement le fondateur-directeur duRéseau en réadaptation au travail duQuébec (RRTQ), un consortium entrel’hôpital Charles LeMoyne et dix centres de réadaptation en déficiencephysique qui applique le programmeclinique PRÉVICAP dans quatre ré-gions du Québec.

Son groupe a obtenu au printempsdernier une subvention de 1,8 millionde dollars, étalée sur six ans. Selon leDr Loisel, « on développe actuellementle programme et la première cohorted’étudiants est attendue en juin 2003 ».Ce programme transdisciplinaire enprévention d’incapacités au travail seraoffert par l’Université de Sherbrookeaux étudiants inscrits au doctorat ou au postdoctorat. Il s’agit en fait d’unprogramme parallèle aux études docto-rales : un diplôme complémentaire de30 crédits en prévention d’incapacitésau travail. Ces études de 3e cycle serontcomposées de cours, d’activités dementorat, de séminaires, de discussionsde cas, de formation en ligne, etc.

La subvention est en fait majori-tairement destinée à financer les étu-diants eux-mêmes pour qu’ils puissentsuivre le programme. L’IRSST est unpartenaire important du projet puis-qu’il fournit, sur six ans, 100 000 $ des 300000$ accordés, le reste prove-nant des IRSC et des autres partenaires,

soit le Réseau provincial derecherche en adap ta t ion-réadaptation (REPAR) et leFonds de la recherche en santédu Québec (FRSQ). Le recru-tement sera basé sur l’excel-lence et environ 15 étudiantspar année seront admis, le pro-gramme s’étalant sur trois ans.

Les avantages pour les étu-diants et pour le domaine de la recherche en santé sont évi-dents, mais qu’en est-il pourPRÉVICAP et l’Université deSherbrooke? Toujours selon leDr Loisel, « la subvention du

programme de formation stratégiquenous consacre comme étant LE centrede formation en recherche sur la pré-vention d’incapacités au travail. Celanous donne une longueur d’avance et notre spécialité est ainsi reconnue.D’ailleurs, 24 professeurs de 9 univer-sités canadiennes sont associés à ceprojet ». Et puis, le programme est làpour rester, même après les six ans desubventions.

Santé en milieu agricoleQuant à l’équipe du Dr Yvon Cormier,elle participera à un programme de for-mation sur la santé en milieu agricole.Le Dr Cormier est pneumologue etchercheur-clinicien à l’hôpital Laval de Québec. Il est le responsable de lasection Québec du programme de for-mation, dirigé à l’échelle du Canadapar le Dr James Dosman, du Centre de médecine agricole de l’Université de la Saskatchewan.

Le programme a commencé le 1er mars 2002 et se terminera le

Programmes stratégiques de formation

Pour en savoir plusInstituts de recherche en santé du Canada :www.cihr-irsc.gc.caRéseau provincial de recherche en adaptation-réadaptation : www.fmed.ulaval.ca/reparProgramme de formation en santé publiqueet agroécosystème en milieu rural : www.usask.ca/medicine/agmedicineRéseau en réadaptation au travail duQuébec : www.rrtq.qc.caChaire de recherche en réadaptation autravail (Bombardier et Pratt & Whitney) : www.usherbrooke.ca/recherche/centres/loisel.html

28 février 2007, appuyé d’une subven-tion totale de 1,8 million de dollars.S’adressant à des étudiants de la maî-trise, du doctorat et du postdoctorat, ilporte sur les problématiques de santé en milieu agricole. « Actuellement, ditle Dr Cormier, il y a huit étudiants sub-ventionnés qui suivent des conférenceset des cours, surtout par Internet…Nous, ici, on participe à ces activités, on prépare et on donne des cours. »Dans ce cas-ci également, l’argent dessubventions sert directement aux étu-diants, qui sont de partout au pays. On pense pouvoir octroyer ainsi environ

Deux équipes de chercheurs d’ici,soit celle du Dr Patrick Loisel,

de l’Université de Sherbrooke etdu Centre de recherche clinique

en réadaptation au travail de l’hôpital Charles LeMoyne,

et celle du Dr Yvon Cormier, del’hôpital Laval (Université Laval),

ont chacune obtenu, au prin-temps dernier, une subvention

conjointe des Instituts derecherche en santé du Canada

(IRSC) et de l’Institut de rechercheRobert-Sauvé en santé et en

sécurité du travail (IRSST) pourleurs programmes stratégiques

de formation. La bonne nouvelle,c’est que ce sont des étudiants de2e et de 3e cycles, les chercheurs

de demain, qui bénéficierontdirectement de ces subventions.

Ainsi, tout le secteur canadien dela recherche en santé du travailtirera profit de cette initiative.

IRSC et les subventions aux programmes stratégiques de formation

Programmes stratégiques de formation On prépare la relève pour la recherche en santé du travail

R e c h e r c h e à l’IRSST

Page 30: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

BoursierBoursier

| Prévention au travail | Printemps 2003 |30

Le programme de bourses de l’IRSSTFrançois Laisné est un des étudiantsayant bénéficié du programme de bourses de l’IRSST. Celui-ci vise à former des chercheurs en santé et en sécurité du travail au Québec.

Pour obtenir des informations sur le programme de bourses de l’IRSST, on peut téléphoner au (514) 288-1551,ou écrire à [email protected].

Université de MontréalFrançois Laisné

congrès, de faire du bénévolat et de par-ticiper à d’autres travaux, par exempleà titre de coordonnateur du projet di-rigé par son directeur, Conrad Lecomte, conjointement avec Réginald Savard. Sarecherche doctorale s’inscrit d’ailleursdans le contexte de ce projet sur l’effi-cacité d’un programme d’interventionen réadaptation professionnelle.

L’âme du défricheurLes conséquences néfastes des lésionsprofessionnelles sont maintenant bienconnues des chercheurs. Elles touchentl’intégrité physique ou psychologiquedes travailleurs accidentés et présententdes conséquences sociales et écono-miques importantes. Pourtant, très peu de recherches réalisées au Québec tiennent compte de l’adaptation psy-chologique des victimes de lésions pro-fessionnelles pendant la réadaptation,une variable importante dans la mesuredes chances de succès du processus thé-rapeutique.

François Laisné parle de son intérêtpour le changement thérapeutique avecla lumière du prospecteur dans les yeux :« Mon directeur a beaucoup travaillé surce sujet en collaboration avec la CSST.Comme c’est un domaine malgré toutencore peu étudié au regard de la santéet de la sécurité du travail, j’ai trouvé in-téressant d’explorer un sujet qui ouvriracertainement plusieurs portes tant sur leplan de la formation des intervenants en

Étudiant au doctorat en psy-chologie à l’Université de Montréal etboursier de l’IRSST, François Laisnéemprunte un chemin encore peu fré-quenté de la recherche en santé et ensécurité du travail. En effet, son projetd’étude s’intitule Processus de chan-gement chez le travailleur accidenté :étude des variables prédictrices et del’assimilation de sa problématique.

Concilier travail clinique et rechercheFrançois Laisné sait où il va ! Une foisbachelier en psychologie de l’Universitéde Montréal, il s’inscrit au programmecombiné maîtrise-doctorat, profil re-cherche et intervention, diplôme qu’ilest d’ailleurs sur le point d’achever. Il explique : « Le choix de mon pro-gramme d’études aux cycles supérieurset de mon directeur de thèse, ConradLecomte, professeur titulaire au Dépar-tement de psychologie, découlait direc-tement d’intérêts que j’avais développésau baccalauréat. Je désirais, d’une part,concilier travail clinique et recherche et, d’autre part, explorer plus à fonddeux sujets d’intérêt scientifique bienconnus de mon directeur : les processusthérapeutiques et la réadaptation pro-fessionnelle. »

Entre les cours, les stages cliniques,l’internat et la réalisation de son projetde recherche, le boursier trouve le tempsde présenter des communications à des

La connaissance du processus de changementdu travailleur accidenté

R e c h e r c h e à l’IRSST

santé et en sécurité que sur celui despistes d’intervention. »

Le projet du jeune chercheur devraitpermettre d’abord et avant tout de mieuxcomprendre le processus de changementdes victimes de lésions professionnelles,c’est-à-dire la transition qui leur permetd’assimiler les multiples implications de leurs atteintes (arrêt de travail, limi-tation physique temporaire ou perma-nente, etc.), de même que l’importancede certaines variables dans les résul-tats de la réadaptation. Il s’avère aussiimportant d’en arriver à mieux évaluer les besoins des travailleurs, particu-lièrement de ceux qui risquent d’aban-donner prématurément le traitement, de vivre une rechute ou de développerdes troubles chroniques.

François Laisné utilise deux mo-dèles de changement thérapeutique em-pruntés à la psychothérapie. Il en décritcertains aspects : « Je mets l’accent surles variables du travailleur et non sur leprocessus thérapeutique en tant que tel.Par exemple, sur le plan physique, l’in-tensité de la douleur telle que perçue parl’individu, ses limitations fonctionnelleset autres. Sur le plan psychologique : sapersonnalité, ses réactions posttrauma-tiques, ses antécédents de trauma (évé-nements passés significatifs).

Chercheur et clinicienFrançois Laisné se montre impatient decommencer à pratiquer, cependant il luiparaît clair que son cheminement actuelle prépare à un éventuel postdoctorat.Son objectif : se bâtir une carrière dechercheur et de clinicien. « J’aimeraiscontinuer à travailler en santé et ensécurité du travail tout en intervenantauprès d’autres types de populationscliniques. » O

Isabelle Labarre

Page 31: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

| Prévention au travail | Printemps 2003 | 31

AccidentsÉtude approfondie des horaires de travail des auxiliaires familiales et sociales des services de soins à domicile dans un CLSC(099-279)Cette activité s’insère dans uneétude en cours sur le rôle del’organisation du travail commesoutien aux stratégies protec-trices des auxiliaires familialeset sociales (AFS) qui donnentles services de soins à domiciledes CLSC. En réponse au be-soin du milieu de cerner plusprécisément l’influence des ho-raires de travail et des heuressupplémenta i res , les cher-cheures examineront plus à fond les contraintes de tempsdes AFS d’un CLSC participantà l’étude, ce qui leur permettra de voir dans quelle mesure ces contraintes ont des répercus-sions sur leurs stratégies pro-tectrices. Elles documenterontégalement le processus de prisede décisions relié à l’implan-tation éventuelle d’un logiciel de conception-gestion des ho-raires. Cette recherche permettrad’améliorer les connaissancessur la prévention des risquesprofessionnels pour le per-sonnel vieillissant qui travaille sous contrainte de temps. Lesbénéfices s’étendront aux autres établissements qui gèrent des parcours et des horaires de soinsà domicile. D’autre part, le CLSCparticipant pourra adapter sagestion des horaires en fonctiondu travail réel de ses AFS. Responsables : MadeleineBourdouxhe, Esther Cloutier etÉlise Ledoux, IRSST ; CatherineTeiger, CNRS et CNAM

Bruit et vibrationsConception d’un dispositifde réduction de bruit pourles marteaux à planches(099-259)Pendant l’hiver, la plupart desscieries dotées d’une usine de rabotage utilisent des mar-teaux spéciaux pour séparer les

planches de bois que le gel fait adhérer les unes aux autres.Fabriqués en partie d’acier et actionnés par des cylindrespneumatiques, ces dispositifsproduisent des impacts sonoresqui peuvent atteindre 130 dB. Ils constituent donc une sourcede bruit considérable. À la demande du Comité patronal-syndical du Programme d’in-tervention intégré sur le bruit dans les scieries, le chercheurdéveloppera et validera une approche pour réduire de fa-çon appréciable ce niveau debruit très élevé. Les marteaux à planches ainsi modifiés pour-ront être implantés dans toutesles scieries qui font usage de telsinstruments de travail. Responsable : Phat Nguyen,Produits Acoustiques PN inc.

Substances chimiqueset agentsbiologiquesRevue des risques d’atteintes à la santé reliésà une exposition profes-sionnelle au manganèse(099-233)Plusieurs travailleurs québé-cois sont exposés au manga-nèse, un métal qui peut causerdes atteintes au système ner-veux central. La littérature relate principalement des cas dans les mines et les fonderies,mais aussi chez les soudeurs.Des réclamations à la CSST pardes travailleurs exposés à cette substance pendant des opéra-tions de soudage d’acier té-moignent par ailleurs de cetteréalité. Les chercheurs ferontd’abord une revue de la docu-mentation existante sur lesrisques pour la santé associés à l’exposition professionnelle au manganèse, en accordant une attention particulière auxtravaux de soudage, afin d’éta-blir une position scientifiqueaussi solide que possible pourguider la prise de décisions relatives aux demandes d’in-demnités. Ils réuniront ensuitedes experts internationaux de ce domaine pour faire le point sur l’état des connaissances

actuelles, déterminer la meil-leure façon de gérer cette pro-blématique et proposer descritères de retour sécuritaire autravail des personnes atteintes.Les résultats de cette activitépermettront d’élaborer une stratégie québécoise visant àprévenir les surexpositions au manganèse en milieu de travailet donc, l’apparition de nou-veaux cas de maladies profes-sionnelles s’y rapportant.Responsables : Claude Ostiguy,IRSST ; Sylvain Malo et PaulAsselin, CSST

Évaluation des indices de contrainte thermiqueen mines profondes(099-258)Cette recherche répond à unedemande de l’Association mi-nière du Québec et du Comité de révision du Règlement sur la santé et la sécurité dans les mines. Ces instances sou-haitent voir évaluer l’indice decontrainte thermique dans lesmines souterraines appelé AirCooling Power (ACP), lequelpourra i t ê t re p lus adéquat que le WBGT, soit l’indice de température au thermomètre àglobe à boule humide spécifiépar le règlement et utilisé dansl’ensemble des secteurs indus-triels. Le chercheur mesureral’ensemble des paramètresphysiques pertinents dans unéventail de situations de travailreprésentatives, afin d’analyserla performance des différents indices existants, dont le WBGTet l’ACP, quant à la protectionadéquate des travailleurs desmines profondes contre les af-fections imputables au travailsous contraintes thermiques. Ilfera aussi une analyse compa-rative du niveau d’expositionpermis par ces deux indices etproposera une démarche de gestion globale de la contraintethermique dans ces milieux. Les résultats de cette activitésuggéreront des approches ap-plicables dans toute ambiancethermique de même nature (mo-dérément chaude et très humide)et, par conséquent, exportables àd’autres secteurs d’activité.Responsable : Pierre C.Dessureault, Université duQuébec à Trois-Rivières

Troubles musculo-squelettiquesPratique des physiothéra-peutes dans le traitementde travailleurs souffrantde maux de dos subaigus(099-156)Les physiothérapeutes traitentcouramment des travailleurssouffrant de maux de dos subai-gus, lesquels représentent unepart importante des cas indem-nisés par la CSST. Cependant,bien qu’elle soit courammentemployée, on connaît peu dechoses sur l’efficacité réelle dela physiothérapie pour réduire la douleur, améliorer l’état fonc-tionnel des personnes atteinteset favoriser leur retour au tra-vail. Cette étude vise à décrire lapratique des physiothérapeuteset les variations de leurs choixd’interventions, ainsi qu’à iden-tifier les facteurs liés à ces varia-tions. Reconnaissant l’absenced’évidences scientifiques poursoutenir des modèles de prise en charge des travailleurs souf-frant de maux de dos subaigus, l’Ordre professionnel des phy-siothérapeutes du Québec ap-puie ce projet, notamment ensollicitant la participation de sesmembres exerçant leur profes-sion dans des cliniques privéesqui collaborent avec la CSST.Les données proviendront d’unéchantillon de praticiens quinoteront, de façon prospective,leurs interventions auprès deleurs clients souffrant de mauxde dos. Cette recherche, qui per-mettra d’identifier les approchesthérapeutiques les plus cou-rantes des physiothérapeutes,pourrait mener à la réalisationd’un essai clinique afin d’éva-luer leur efficacité pour réduirela douleur, améliorer l’état fonc-tionnel des travailleurs victimesd’une lésion au dos et les réin-tégrer en emploi. Responsables : Régis Blais etBonnie Swaine, Université deMontréal ; Michel Rossignol,Université McGill O

Claire Thivierge

Nouvelles recherches

Page 32: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

| Prévention au travail | Printemps 2003 |32

Mi-juin 2001 : canicule

hâtive. Dans la cour

d’une scierie des

Cantons-de-l’Est, un

ouvrier vacille, puis

s’évanouit. Le len-

demain, en Abitibi,

un travailleur forestier

s’effondre pendant un

déplacement en forêt.

Coups de chaleur.

Dans les deux cas, les victimes tra-vaillaient depuis à peine deux jours enambiance chaude et n’avaient pas étésensibilisées au danger des coups dechaleur. L’employeur doit aménager deszones d’ombre et planifier des périodesde repos plus fréquentes. Les postes detravail doivent être ravitaillés en eaufraîche. Les travailleurs doivent abso-lument boire l’équivalent d’un verred’eau à intervalle de 15 à 20 minutes,qu’ils aient soif ou pas. Ils porteront des vêtements légers, de couleur claire,et se protégeront la tête du soleil.

En cas de coup de chaleur, il faut réagir sans tarder. La personne incom-modée doit être portée à l’ombre ou dans un endroit frais. Pour abaisser rapidement sa température corporelle, il faut lui retirer ses vêtements, la ra-fraîchir en l’aspergeant d’eau fraîche et faire le plus de ventilation possible. Si elle est consciente, on lui donnera de l’eau en petite quantité à la fois. Si-multanément, les services ambulanciers(911) auront été alertés. O

Marc Tison

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Les accidents nous parlent

Coup de chaleur,coup sur coup

Pour en savoir plusAttention au coup de chaleur, dépliant, CSSTet Régies régionales de la santé et des ser-vices sociaux. DC 100-1113-2.

Nos personnes ressources : Yvon Papin, conseil-ler, et André Turcot, ingénieur, tous deux de laDirection de la prévention-inspection de la CSST.

Que s’est-il passé ?Le premier jour de canicule de la saisonprend tout le monde par surprise. Dansla cour de la scierie, le thermomètre affiche plus de 30 °C. Un travailleur est chargé d’empiler des planches. C’estsa deuxième journée de travail après une longue période d’inactivité. Malgré la chaleur, on maintient l’horaire de travail, qui comporte une pause de10 minutes en matinée et une autre enaprès-midi. Après le dîner, le travail-leur est pris de vertige. Ses collèguesl’amènent à l’ombre dans l’entrepôt ettentent de le rafraîchir en humectant son visage. Un secouriste puis un mé-decin interviennent. Ni l’un ni l’autre ne reconnaissent le coup de chaleur. Le travailleur de 36 ans, maintenant inconscient, est transporté à l’hôpital. Il y meurt le lendemain.

Entre-temps, la bouffée caniculaire a gagné l’Abitibi. En forêt, la moiteurgénérée par la végétation ajoute au ma-laise d’une température de 33 °C. Uneéquipe de cinq travailleurs, récemmentengagés par une petite entreprise d’amé-nagement forestier, est chargée de dé-broussailler un secteur. Travail ardu,surtout par une telle touffeur. Vers onzeheures, trois travailleurs décident declore la journée et entreprennent une difficile marche pour en aviser leursdeux collègues. Sur le chemin du retour,l’homme qui ferme la marche s’égare.On ne le retrouve qu’en début d’après-

midi, titubant. Après quelques pas, il s’effondre, inconscient. Ses collègues le portent jusqu’à leur véhicule et se rendent au Centre de santé de la petiteville la plus proche. Le lendemain, il esttransporté dans un hôpital de Montréal,où il meurt le jour suivant. Deux coupsde chaleur. Deux coups du sort évitables.

Qu’aurait-il fallu faire ?Le coup de chaleur survient lorsque latempérature du corps s’élève sous les effets combinés d’un travail physique,de la chaleur ambiante et de la déshy-dratation. La sudation n’est alors plus en mesure d’effectuer son travail de refroidissement du corps par évapora-tion. La température de la victime peutatteindre 40 °C et plus.

Parce qu’on n’a pas su reconnaîtresuffisamment tôt les signes du coup dechaleur, ni l’une ni l’autre des victimesn’ont reçu en temps voulu les soins ap-propriés. Lors d’un travail en ambiancechaude, une grande faiblesse, une grandefatigue, des étourdissements ou des vertiges peuvent signaler le début d’un coup de chaleur. Si le travailleur tientdes propos incohérents, perd l’équilibreou conscience, le doute n’est plus per-mis. Il est en danger de mort.

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| Prévention au travail | Printemps 2003 | 33

● Information grand public▲ Information spécialisée■ Avec document ou guide

d’accompagnement

● ■ Verrouillage étiquetageCote VC-001460 – Durée 18 minutes

La mise en marche accidentelle d’un équipement peut causer des blessures et même entraîner la mort. Solution : le verrouillage et l’étiquetage. Quand est-ce nécessaire ? Chaque fois qu’il faut exécuter des travaux de maintenance sur une machine ou un appareil. Pour une installation, un montage, un ajustement, une inspection, une réparation, etc. Lescadenas et les étiquettes doivent être posés sur toutes les sources d’énergie, primaires et secon-daires. Le responsable du verrouillage doit êtrefacilement identifiable. La vidéo explique laméthode complète de verrouillage, en six étapes.Elle souligne également l’importance d’une bonne communication, essentielle entre les travailleurs.Le tout est entrecoupé d’extraits humoristiquesdont une remise de prix loufoque et une parodie de l’émission « Who wants to be a millionaire ? ». Et pour conclure, trois mises en situation sont présentées. Le spectateur doittrouver quelles erreurs ont été commises. Et ce qui aurait dû être fait pour éviter que cesincidents se produisent. La vidéo est réaliséepar Coastal.

Santé et sécurité en images

● ■ Quand la main choisit son gantCote VC-001320 – Durée 12 minutes

L’histoire débute dans un cabinet demédecin. Un travailleur s’est blessé à la main. Il ne portait pas de gants.Ensuite, un cariste, un plombier, une laborantine, un contremaître expliquentpourquoi ils ne portent pas de gants.C’est chaud, ça colle, la main trans-pire, elle a du mal à accomplir cer-taines tâches de précision, etc. Unmédecin du travail affirme que, pourtoutes ces raisons, il vaut mieux éli-miner le danger à la source. Par-fois, c’est possible et une entreprise l’illustre bien. Parfois c’est impos-sible. Le gant universel n’existe pas. Il faut donc trouver le meilleur com-promis, le gant qui protège contre le risque prédominant du poste et quiest en même temps le plus adapté.Cela peut vouloir dire que le gant ne protégera pas à 100 %, mais qu’il sera plus confortable, donc plus porté. Il faut le choisir avec les uti-lisateurs et prendre le temps de fairedes essais. La vidéo présente des situations réelles, des témoignagesd’entreprises qui se donnent lesmoyens de choisir un gant adapté à

la situation de travail et aux risques.Le document a été conçu et réalisé par l’Institut national de recherche etde sécurité (INRS).

▲ ■ Mots de chantierCote VC-001471 – Durée 8 minutes

Cette vidéocassette se présente commeun outil pédagogique pour les ensei-gnants qui donnent une formation à laprévention des risques professionnels.Elle vise à faire progresser la préven-tion dans les métiers du bâtiment etdes travaux publics (BTP). De jeunessalariés témoignent de l’importance des’intégrer au groupe lors de l’entréedans le monde du travail. Des risquesdu métier, de leur négation du risque.De leur évaluation des situations dangereuses. De la formation à laprévention reçue. De la prévention etdu respect de règles. De leur pre-mière confrontation avec l’accident.Le livret d’accompagnement invite aurapprochement entre ces témoignageset les statistiques alarmantes sur les jeunes salariés du BTP. Une produc-tion de l’INRS. O

Julie Mélançon

Modalités d’emprunt à l’audiovidéothèque de la CSSTLes documents vidéo sont prêtés gratui-tement. Il suffit de remplir et de signerune demande d’emprunt. Toute personnepeut venir chercher et rapporter les vidéo-cassettes, pendant les heures de bureau— 8 h 30 à 16 h 30 —, du lundi au ven-dredi. Le visionnement peut se faire surplace, moyennant réservation de la salle(capacité de quatre personnes). L’au-diovidéothèque peut aussi expédier lesdocuments à l’emprunteur ; la CSST paieles frais d’expédition mais les frais de retour sont à la charge de l’emprunteur.

Pour obtenir un formulaire de de-mande, pour réserver la salle de visionne-ment ou emprunter une vidéocassette :

Téléc. (514) 906-3024Tél. (514) 906-3085 ou 1 888 873-3160Courriel : [email protected], rue De Bleury, 4e étage Montréal (Québec) H3B 3J1

Page 34: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Pour commencer, définition sché-matique de la chose : la tendinite,qu’elle survienne au poignet, au coudeou à l’épaule, est l’inflammation d’untendon. Ce dernier est le prolongementd’un muscle, et son rôle consiste à per-mettre au muscle auquel il est uni des’insérer sur un os.

Déshabillons le poignet pour dé-couvrir sa face cachée. On y trouve desos, des muscles, des ligaments, dix ten-dons, des nerfs et des fascias. Gros plansur les tendons : le clan habite dans uncreux de trois millimètres de diamètre,juste entre les os carpes. Chacun estconstitué de fibrilles de collagène. Ondirait des fils de nylon, blanc nacré,baignant dans une substance gélati-neuse. Cette « mer », en bonne mère,fournit aux tendons tous les élémentsnutritifs dont ils ont besoin pour se bienporter et faire leur boulot correctement.Les ligaments, pour leur part, unissentdeux os ou deux cartilages. Ils sontfaits d’une matière fibreuse blanchâtretrès résistante et peu extensible.

Action ! Les petits fils de nylon ontla capacité de glisser les uns sur lesautres dans leur mer de gélatine. Ilssont plus ou moins nombreux, plus ou moins élastiques, selon notammentle bagage génétique de la personne.S’ils dépassent un certain seuil dechevauchement, s’ils sont stressésd’une quelconque manière, ils peuventse rompre.

Par chance, les tendons du poignetportent une gaine de protection, quisécrète une substance facilitant le mouvement. On dirait un petit moule huilé par un pinceau habile… Parmalchance, il n’y a pas beaucoup decirculation sanguine dans le décor, saufautour du tendon. C’est là que l’ontrouve aussi les nerfs, là encore que lanourriture est servie, si l’on peut dire.Idem pour le ligament.

Lorsque les mains et les poignetssont au repos, les tendons se prélassenten vagues. Si leur propriétaire entre en action — elle tape sur un clavier d’ordinateur, il coupe des légumes, elle joue du violoncelle, il fend du bois, elle plante une haie, il décape un gros meuble, elle découpe du carton, il fait des boules de crème glacée à l’aide d’une cuillère actionnée par lepouce —, les tendons sont sous ten-sion. Ils travaillent ! Bien des choses

peuvent leur arriver. Tout dépend enfait de leur capacité de résistance. Ungeste trop brusque, un coup sec, unelongue répétition de gestes inhabituels,des gestes répétitifs demandant de laforce et exécutés dans une position contraignante et paf ! Il peut y avoirrupture partielle de la structure anato-mique d’un tendon, soit à l’attache ou,le plus souvent, à la jonction, là où ildevient muscle. « Lorsque le tendon estmis sous tension dans une ligne donnéeet que la personne subit un contrecoup,mais pas dans la même ligne de force,c’est là qu’il est le plus susceptibled’être endommagé. Il y a alors rupturedu collagène et ça saigne. Si la ruptureest petite, la personne ne sent rien. Nila circulation périphérique ni le nerf nesont atteints. » Les facteurs de risquesle plus souvent en cause? La force, larépétition, une posture contraignante,l’absence de repos, la vibration.

Comme un 911 intérieurSi la rupture est de taille, l’organismelance un appel de détresse. Des cellulesappelées fibroblastes, contenues entreles fibrilles, se pointent dare-dare surles lieux du sinistre et elles commen-cent à réparer la blessure. « Lorsqu’il y a rupture de l’intégrité d’un tendon, y compris la circulation sanguine péri-phérique, l’organisme réagit en consé-quence. Il apporte, sur le site de lablessure, des substances de nettoyage et de guérison. »

En temps normal, la guérison se feraen trois étapes. La première, dite phaseinflammatoire, dure quelques jours, cinqau maximum. « Le sang se coagule. Des cellules macrophages viennent net-toyer le terrain, elles le débarrassent de toutes les cellules mortes. » La deuxièmephase, qui survient à partir du cinquièmejour, est celle de la fibroplasie. « Les fibroblastes commencent à fabriquer ducollagène en grand. Puis, ils déposent la substance réparatrice. » Mais gare !Cette substance est fragile, comme duciment frais coulé. « Elle ne disposed’aucune capacité de résistance. C’estpourquoi le praticien met généralementle poignet de la victime au repos. Il faudra 21 jours avant que le ciment soitcomplètement sec. » La dernière phaseest celle du remodelage. Terminé, le repos. « On peut commencer à mettredes lignes de force, à faire travailler le poignet en douceur. C’est une étape décisive : les fibroblastes ont déposé lematériel rapidement, pendant que lepoignet était au repos. Mais ce dernier

doit se remettre à bouger. Les fibro-blastes reçoivent un autre message. “ Hé ! Vous avez mis un bout de colla-gène dans le sens contraire de la lignede tension. Voyez-y ! ”. Les fibroblastespeaufinent leur travail. Mangent un petit bout de collagène ici, en remettentun paquet là, juste dans la ligne deforce. »

Cette troisième phase de la guérisonprend, elle aussi, trois autres semaines.Au bout de ce temps, il y a une cica-trice fonctionnelle. Affaire classée ? Pas encore. « Les fibroblastes restent actifs. Ils attendent les messages quileur sont envoyés au fur et à mesure que la personne — et son poignet ! — reprennent leurs activités normales. Ils vont poursuivre leur travail pen-dant environ un an. Tout dépendra en fait du sérieux de la lésion. Si, unefois le ciment solidifié, la personne nefait pas d’exercices, ne reprend pas ses activités normales, il peut y avoirune cicatrisation fibreuse, de faible qualité. Conséquence : le tendon ne pourra pas retrouver sa capacité de résistance, parce que les fibres sonttoutes pêle-mêle dans la cicatrice. Il suffira d’un coup sec, et ça déchirera à nouveau. Seulement, cette fois, ce sera plus grave. »

Le hicÀ première vue, la guérison d’une ten-dinite, c’est simple comme bonjour-bonsoir. Minute ! Comme dit le renardau Petit prince, rien n’est parfait. « Iln’est pas facile pour le médecin, à l’examen du poignet du patient, d’évaluer l’ampleur des dégâts. » Le questionnaire clinique est capital, tout comme sa connaissance de la

biomécanique des mouvements. « Lemédecin a tout intérêt à demander aupatient quels gestes il a fait. En com-bien de temps a-t-il perdu l’usage nor-mal de son poignet ? Ça a été soudain?Progressif ? Dans le courant d’une jour-née, d’un après-midi, d’une semaine,d’un mois ou de plusieurs? Ça fait malcomment? Ces renseignements peuventau moins le situer, sur le plan anato-mique, et l’aider à se faire une idée.Quand la blessure est sérieuse, l’orga-nisme envoie un signal douloureux quine trompe pas. Les gens le décrivent en général assez bien. » Selon les renseignements obtenus lors du ques-tionnaire et de l’examen clinique, lemédecin décidera s’il faut immobili-ser ou pas et pour combien de temps.« Quand la tendinite est grave, il n’apas le choix. Si, par ailleurs, il s’agitd’une ténosynovite de De Quervain, ce n’est pas utile d’immobiliser trèslongtemps parce que c’est la gaine qui est malade. Il vaut mieux immo-biliser le poignet pendant quatre oucinq jours et prescrire un traitementanti-inflammatoire. »

Comme dit l’adage, il vaut mieuxprévenir (les tendinites) que guérir. O

| Prévention au travail | Printemps 2003 |34 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 35

La tendinite du poignetComment ça guérit, docteur?

Ils tirent au poignet…Les troubles musculo-squelettiques (TMS) aux poignets et aux mainsont des identités différentes selon le siège de la lésion.

Ténosynovite. Il s’agit d’une inflammation de la gaine synoviale.L’une des plus fréquentes est celle dite de De Quervain. Elle touche es-sentiellement les deux tendons du pouce qui partagent la même gaine.La gaine enfle et le liquide qu’elle sécrète comprime le tendon, l’étouffe,mais dans ce cas, c’est la gaine qui est malade, pas le tendon. Il fautdonc traiter la gaine si on veut sauver le tendon.

Canal carpien. Le mot canal évoque le passage sous le ligamentcarpien, dans lequel s’enfilent le nerf médian et les tendons actionnantles doigts. Des flexions ou des extensions répétitives des poignets peu-vent provoquer une enflure de la membrane entourant les tendons.Cette enflure rétrécit le canal et comprime les nerfs médians. Il s’ensuitdes sensations d’engourdissement, de picotement au poignet, auxdoigts, ou même à l’avant-bras et une douleur. O

À noterLe médecin peut éventuellementdemander des examens plus précis. Il peut aussi prescrire des médicaments. Mais, n’étantpas le sujet de cet article, cesquestions ont été intentionnel-lement écartées au profit duprocessus de guérison. O

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Autre vue de l’intérieur du poignet Début de l’inflammation Le mal s’aggrave

TendiniteNerf médian

Ligamentannulaire

du carpe

Gainesentourant les tendons

Par Monique Legault Faucher

Nous avons posé la question au Dr JacquesDuranceau, physiatreet auteur de plusieurscommunicationsscientifiques.L’anatomie, l’appareillocomoteur,il connaît ! Et lesmaladies en ite aussi.Une petite leçon, pourne pas guérir idiot ?

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Pour commencer, définition sché-matique de la chose : la tendinite,qu’elle survienne au poignet, au coudeou à l’épaule, est l’inflammation d’untendon. Ce dernier est le prolongementd’un muscle, et son rôle consiste à per-mettre au muscle auquel il est uni des’insérer sur un os.

Déshabillons le poignet pour dé-couvrir sa face cachée. On y trouve desos, des muscles, des ligaments, dix ten-dons, des nerfs et des fascias. Gros plansur les tendons : le clan habite dans uncreux de trois millimètres de diamètre,juste entre les os carpes. Chacun estconstitué de fibrilles de collagène. Ondirait des fils de nylon, blanc nacré,baignant dans une substance gélati-neuse. Cette « mer », en bonne mère,fournit aux tendons tous les élémentsnutritifs dont ils ont besoin pour se bienporter et faire leur boulot correctement.Les ligaments, pour leur part, unissentdeux os ou deux cartilages. Ils sontfaits d’une matière fibreuse blanchâtretrès résistante et peu extensible.

Action ! Les petits fils de nylon ontla capacité de glisser les uns sur lesautres dans leur mer de gélatine. Ilssont plus ou moins nombreux, plus ou moins élastiques, selon notammentle bagage génétique de la personne.S’ils dépassent un certain seuil dechevauchement, s’ils sont stressésd’une quelconque manière, ils peuventse rompre.

Par chance, les tendons du poignetportent une gaine de protection, quisécrète une substance facilitant le mouvement. On dirait un petit moule huilé par un pinceau habile… Parmalchance, il n’y a pas beaucoup decirculation sanguine dans le décor, saufautour du tendon. C’est là que l’ontrouve aussi les nerfs, là encore que lanourriture est servie, si l’on peut dire.Idem pour le ligament.

Lorsque les mains et les poignetssont au repos, les tendons se prélassenten vagues. Si leur propriétaire entre en action — elle tape sur un clavier d’ordinateur, il coupe des légumes, elle joue du violoncelle, il fend du bois, elle plante une haie, il décape un gros meuble, elle découpe du carton, il fait des boules de crème glacée à l’aide d’une cuillère actionnée par lepouce —, les tendons sont sous ten-sion. Ils travaillent ! Bien des choses

peuvent leur arriver. Tout dépend enfait de leur capacité de résistance. Ungeste trop brusque, un coup sec, unelongue répétition de gestes inhabituels,des gestes répétitifs demandant de laforce et exécutés dans une position contraignante et paf ! Il peut y avoirrupture partielle de la structure anato-mique d’un tendon, soit à l’attache ou,le plus souvent, à la jonction, là où ildevient muscle. « Lorsque le tendon estmis sous tension dans une ligne donnéeet que la personne subit un contrecoup,mais pas dans la même ligne de force,c’est là qu’il est le plus susceptibled’être endommagé. Il y a alors rupturedu collagène et ça saigne. Si la ruptureest petite, la personne ne sent rien. Nila circulation périphérique ni le nerf nesont atteints. » Les facteurs de risquesle plus souvent en cause? La force, larépétition, une posture contraignante,l’absence de repos, la vibration.

Comme un 911 intérieurSi la rupture est de taille, l’organismelance un appel de détresse. Des cellulesappelées fibroblastes, contenues entreles fibrilles, se pointent dare-dare surles lieux du sinistre et elles commen-cent à réparer la blessure. « Lorsqu’il y a rupture de l’intégrité d’un tendon, y compris la circulation sanguine péri-phérique, l’organisme réagit en consé-quence. Il apporte, sur le site de lablessure, des substances de nettoyage et de guérison. »

En temps normal, la guérison se feraen trois étapes. La première, dite phaseinflammatoire, dure quelques jours, cinqau maximum. « Le sang se coagule. Des cellules macrophages viennent net-toyer le terrain, elles le débarrassent de toutes les cellules mortes. » La deuxièmephase, qui survient à partir du cinquièmejour, est celle de la fibroplasie. « Les fibroblastes commencent à fabriquer ducollagène en grand. Puis, ils déposent la substance réparatrice. » Mais gare !Cette substance est fragile, comme duciment frais coulé. « Elle ne disposed’aucune capacité de résistance. C’estpourquoi le praticien met généralementle poignet de la victime au repos. Il faudra 21 jours avant que le ciment soitcomplètement sec. » La dernière phaseest celle du remodelage. Terminé, le repos. « On peut commencer à mettredes lignes de force, à faire travailler le poignet en douceur. C’est une étape décisive : les fibroblastes ont déposé lematériel rapidement, pendant que lepoignet était au repos. Mais ce dernier

doit se remettre à bouger. Les fibro-blastes reçoivent un autre message. “ Hé ! Vous avez mis un bout de colla-gène dans le sens contraire de la lignede tension. Voyez-y ! ”. Les fibroblastespeaufinent leur travail. Mangent un petit bout de collagène ici, en remettentun paquet là, juste dans la ligne deforce. »

Cette troisième phase de la guérisonprend, elle aussi, trois autres semaines.Au bout de ce temps, il y a une cica-trice fonctionnelle. Affaire classée ? Pas encore. « Les fibroblastes restent actifs. Ils attendent les messages quileur sont envoyés au fur et à mesure que la personne — et son poignet ! — reprennent leurs activités normales. Ils vont poursuivre leur travail pen-dant environ un an. Tout dépendra en fait du sérieux de la lésion. Si, unefois le ciment solidifié, la personne nefait pas d’exercices, ne reprend pas ses activités normales, il peut y avoirune cicatrisation fibreuse, de faible qualité. Conséquence : le tendon ne pourra pas retrouver sa capacité de résistance, parce que les fibres sonttoutes pêle-mêle dans la cicatrice. Il suffira d’un coup sec, et ça déchirera à nouveau. Seulement, cette fois, ce sera plus grave. »

Le hicÀ première vue, la guérison d’une ten-dinite, c’est simple comme bonjour-bonsoir. Minute ! Comme dit le renardau Petit prince, rien n’est parfait. « Iln’est pas facile pour le médecin, à l’examen du poignet du patient, d’évaluer l’ampleur des dégâts. » Le questionnaire clinique est capital, tout comme sa connaissance de la

biomécanique des mouvements. « Lemédecin a tout intérêt à demander aupatient quels gestes il a fait. En com-bien de temps a-t-il perdu l’usage nor-mal de son poignet ? Ça a été soudain?Progressif ? Dans le courant d’une jour-née, d’un après-midi, d’une semaine,d’un mois ou de plusieurs? Ça fait malcomment? Ces renseignements peuventau moins le situer, sur le plan anato-mique, et l’aider à se faire une idée.Quand la blessure est sérieuse, l’orga-nisme envoie un signal douloureux quine trompe pas. Les gens le décrivent en général assez bien. » Selon les renseignements obtenus lors du ques-tionnaire et de l’examen clinique, lemédecin décidera s’il faut immobili-ser ou pas et pour combien de temps.« Quand la tendinite est grave, il n’apas le choix. Si, par ailleurs, il s’agitd’une ténosynovite de De Quervain, ce n’est pas utile d’immobiliser trèslongtemps parce que c’est la gaine qui est malade. Il vaut mieux immo-biliser le poignet pendant quatre oucinq jours et prescrire un traitementanti-inflammatoire. »

Comme dit l’adage, il vaut mieuxprévenir (les tendinites) que guérir. O

| Prévention au travail | Printemps 2003 |34 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 35

La tendinite du poignetComment ça guérit, docteur?

Ils tirent au poignet…Les troubles musculo-squelettiques (TMS) aux poignets et aux mainsont des identités différentes selon le siège de la lésion.

Ténosynovite. Il s’agit d’une inflammation de la gaine synoviale.L’une des plus fréquentes est celle dite de De Quervain. Elle touche es-sentiellement les deux tendons du pouce qui partagent la même gaine.La gaine enfle et le liquide qu’elle sécrète comprime le tendon, l’étouffe,mais dans ce cas, c’est la gaine qui est malade, pas le tendon. Il fautdonc traiter la gaine si on veut sauver le tendon.

Canal carpien. Le mot canal évoque le passage sous le ligamentcarpien, dans lequel s’enfilent le nerf médian et les tendons actionnantles doigts. Des flexions ou des extensions répétitives des poignets peu-vent provoquer une enflure de la membrane entourant les tendons.Cette enflure rétrécit le canal et comprime les nerfs médians. Il s’ensuitdes sensations d’engourdissement, de picotement au poignet, auxdoigts, ou même à l’avant-bras et une douleur. O

À noterLe médecin peut éventuellementdemander des examens plus précis. Il peut aussi prescrire des médicaments. Mais, n’étantpas le sujet de cet article, cesquestions ont été intentionnel-lement écartées au profit duprocessus de guérison. O

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Autre vue de l’intérieur du poignet Début de l’inflammation Le mal s’aggrave

TendiniteNerf médian

Ligamentannulaire

du carpe

Gainesentourant les tendons

Par Monique Legault Faucher

Nous avons posé la question au Dr JacquesDuranceau, physiatreet auteur de plusieurscommunicationsscientifiques.L’anatomie, l’appareillocomoteur,il connaît ! Et lesmaladies en ite aussi.Une petite leçon, pourne pas guérir idiot ?

Page 36: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

régions connaissent des pointes d’acti-vités. À l’automne 2002, la Gaspésie et la Côte-Nord trinquaient. En 2000, les régions de Québec et de l’Outaouaisy ont goûté. « Tout dépend de ce quis’est passé durant l’été, explique Maurice Carrier, de la Direction descommunications à la Société de la fauneet des parcs du Québec. L’automne, lesours ont peu de temps pour s’engraisser.S’ils ne trouvent pas ce qu’il leur faut en forêt, ils sortent. Dans presque tousles cas d’incidents, il y avait de la nour-riture humaine à proximité. »

| Prévention au travail | Printemps 2003 | 37

Dans le coin gauche : ours noir(ursus americanus). Poids moyen dumâle à l’âge adulte au Québec : 87 kg ;longueur 150 cm ; hauteur au garrot100 à 120 cm. Dans le coin droit :homme (homo sapiens). Poids moyendu mâle à l’âge adulte : 75 kg ; hauteurmoyenne à l’occiput 173 cm. Lorsqueles deux se rencontrent sur le mêmering, l’avantage va souvent au pluslourd. Le salut dans la fuite ? Guèreutile, car malgré l’allure pataude quelui confère son pelage coupé deuxtailles trop grand, la bête peut atteindre50 km/h. Pour fin de comparaison, lesmeilleurs sprinters poussent des pointesà 42 km/h, pendant 60 mètres maxi-mum. Rien ne sert donc de courir, ilfaut — doucement — partir à point.

À l’automne 2002, quelques ren-contres entre ours noirs et humains ontfait les manchettes. Le pire drame estsurvenu dans la vallée de la Matapédia,fin septembre, quand un septuagénaire

a été attaqué et tué par un ours à la sortie de son chalet. Quelques joursplus tôt, un jeune chasseur de la Côte-Nord avait été attaqué par un ours.Gravement griffé et mordu, il a réussià faire fuir l’animal en tirant unedécharge de plomb. En juin 2000, une jeune biathlonienne a été tuée alors qu’elle faisait du jogging dans un sentier du Centre d’entraînement Myriam-Bédard, sur la base militairede Valcartier, près de Québec.

Les morts sont pourtant relative-ment rares. Le seul autre décès attri-buable à des attaques de plantigradesremonterait à 1983. Le Dr YvanTurmel, coroner qui a enquêté sur lamort de la biathlonienne, a tenté de dédramatiser la situation dans son rapport déposé en décembre 2001 :« Suite à ce malheureux événement et à sa médiatisation, une psychose s’est instituée au Québec concernantles rencontres d’ours noirs. Il nous fauttoutefois retenir que dans notre pro-vince il existe d’autres espèces respon-sables de beaucoup plus de dommages.Par exemple, la guêpe est au premierrang avec les chocs anaphylactiques, laréaction respiratoire et les dermatitesqu’elle engendre. »

En augmentation ?On compte environ 60000 ours noirsau Québec, répartis dans toutes les régions. Chaque année, au moins uncas sérieux d’attaque est signalé. Les

incidents sont-ils en augmentation ? À la suite de la mort de Maurice Malenfant, il y a indiscutablement euun effet média. « Les rencontres sontplus souvent rapportées, et de façonplus spectaculaire », déclare HélèneJolicœur, biologiste à la direction dudéveloppement de la faune (équipeGrande faune) à la Société de la fauneet des parcs du Québec (FAPAQ). Lesaccidents avec les ours relèvent d’abordde la probabilité. « Plus il y a d’ours etde personnes en situation potentielle decontact, plus les risques de rencontresfortuites et d’accidents se multiplient »,indique-t-elle dans un document publiéen mai 2001. « Mais il n’y a pas de raison qu’il y ait plus d’agressivité chez les ours », affirme-t-elle.

Édith Cadieux, auteure d’un mé-moire de maîtrise sur les ours noirs importuns, abonde dans son sens : « Lanourriture d’origine humaine est de plus en plus disponible. Il y a de plusen plus de chasseurs, de chalets, demaisons à proximité de la forêt. L’ours devient de plus en plus audacieux. Il associe l’odeur de l’homme à la nourri-ture. » Selon son étude, si la plupart des États américains et des provincescanadiennes subissent une augmenta-tion des cas de dérangements, il est difficile d’arriver pour le Québec à uneconclusion définitive en raison de la variation entre les années et les régions. Le nombre de plaintes ne semble pas en augmentation. Par contre, certaines

| Prévention au travail | Printemps 2003 |36

Mode d’emploi et étiquette

L’ours noir

Nous nous invitons chezlui sans prévenir. Il s’en

vexe parfois. Mieux vautd’abord faire les présen-

tations. Et rester poli.

Pour se protéger, il faut comprendre la psychologieursienne. Nul n’en parle mieux que l’animal lui-même.Entretien avec Ursule Plantigrade, porte-parole officiel.— Quelle est la composante fondamentale du com-portement de l’ours ?— Sachez avant tout que manger est pour nous uneobsession. Winnie l’ourson, toujours à la recherched’un pot de miel, en est un bon exemple, quoiqu’unpeu réducteur. Afin de survivre pendant l’hiver dansnos tanières — et nos femelles doivent au surplusallaiter les nouveau-nés ! —, nous avons six mois pournous constituer une réserve de graisse suffisante. Pasde temps à perdre.— Quel régime engraissant suivez-vous ?— Tout est bon : bulbes, jeunes pousses de feuilles,insectes, baies, glands, carcasses d’animaux, jeunescervidés à l’occasion… Quand cette nourriture devientrare, nous nous rapprochons des installations hu-maines. Votre nourriture est avantageuse pour nous,car elle est très concentrée et énergétique. Lorsquenous en trouvons un approvisionnement, nous ne lelâchons plus jusqu’à ce qu’il soit épuisé. Ce phénomènea été plaisamment illustré par Yogi s’emparant depaniers de pique-nique. Mais qu’arrive-t-il alors ? Nousvous associons à de la nourriture facile à obtenir etnous perdons la crainte de votre espèce.— Quelles sont les conséquences ?— Certains de mes congénères peuvent se montrerimpatients ou agressifs si vous ne leur fournissez pasleur dû. Nous pourrons également attaquer pour pro-téger une source de nourriture abondante, comme unecarcasse d’animal ou un dépotoir sauvage. Il arriveaussi qu’un ours blessé, souffrant et affamé, chercheà obtenir de la nourriture d’origine humaine à toutprix. Dans de très rares cas, c’est l’humain lui-mêmequi sera visé. Nous avancerons sans peur vers notreproie en marchant rapidement ou en courant.— Quels sont les autres motifs qui vous incitent aucomportement agressif ?— Redressons d’abord un mythe : jamais la rage n’aété la cause d’une attaque envers un humain. Par

contre, nous préservons une sphère d’intimité à l’in-térieur de laquelle tout intrus sera considéré commeune menace. Nous sommes conscients de notre allurepataude et de notre faciès engageant, qui nous ontvalu d’être à l’origine d’une lucrative industrie denounours en peluche. Mais les touristes qui s’ap-prochent pour nous photographier le font à leursrisques et périls !— Vous avez également la réputation de protéger vos petits.— Réputation méritée, celle-là ! Nos femelles charge-ront l’intrus qui les surprend ou qui semble menacerleurs petits. Votre problème, c’est qu’il vous est diffi-cile de suivre la consigne traditionnelle de ne pas seplacer entre la mère et ses oursons parce que vousvoyez rarement ces derniers, qui sont cachés. Mais nenoircissons pas le portrait de l’ours noir, si j’ose dire.Nous sommes des animaux discrets et non belliqueux,et nous préférons vous fuir. Savez-vous que les pro-babilités qu’une rencontre avec un ours tourne malsont plus faibles que les risques d’être heurté par unevoiture ou frappé par la foudre ? Sur ce, je dois mettreun terme à notre entretien : c’est l’heure du lunch. O

Un printemps hâtif, par exemple,peut accélérer la maturation des bleuets,qui ne seront plus disponibles à la mi-août. Pour les ours, il s’ensuivra unepériode de disette de deux ou trois semaines avant qu’un autre aliment soit disponible. Les ours cherchent alors d’autres sources de nourriture.« Ils agrandissent leur territoire et se déplacent sans cesse, décrit Hélène Jolicœur. Ils passent 20 heures sur 24 àse nourrir. Ils trouvent une source prèsd’une maison et ils ne retournent pasdans la forêt. Nous faisons de la bonne

nourriture et l’ours s’en délecte. Et tantqu’ils sont en contact avec les humains,ils se façonnent une opinion sur nous. »

La thèse d’Édith Cadieux conclutque « la principale solution pour ré-soudre la majorité des conflits résidedans l’éducation et la sensibilisation du public, afin que celui-ci modifiequelques habitudes… L’éducation devrait se faire de façon plus pousséeet plus ciblée dans certaines régions, au cours des prochaines années, afin deréduire le sentiment de crainte et lenombre de plaintes non justifiées. »

Psychologie de l’ours

L’ours noir

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Par Marc Tison

Mode d’emploi et étiquette

Page 37: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

régions connaissent des pointes d’acti-vités. À l’automne 2002, la Gaspésie et la Côte-Nord trinquaient. En 2000, les régions de Québec et de l’Outaouaisy ont goûté. « Tout dépend de ce quis’est passé durant l’été, explique Maurice Carrier, de la Direction descommunications à la Société de la fauneet des parcs du Québec. L’automne, lesours ont peu de temps pour s’engraisser.S’ils ne trouvent pas ce qu’il leur faut en forêt, ils sortent. Dans presque tousles cas d’incidents, il y avait de la nour-riture humaine à proximité. »

| Prévention au travail | Printemps 2003 | 37

Dans le coin gauche : ours noir(ursus americanus). Poids moyen dumâle à l’âge adulte au Québec : 87 kg ;longueur 150 cm ; hauteur au garrot100 à 120 cm. Dans le coin droit :homme (homo sapiens). Poids moyendu mâle à l’âge adulte : 75 kg ; hauteurmoyenne à l’occiput 173 cm. Lorsqueles deux se rencontrent sur le mêmering, l’avantage va souvent au pluslourd. Le salut dans la fuite ? Guèreutile, car malgré l’allure pataude quelui confère son pelage coupé deuxtailles trop grand, la bête peut atteindre50 km/h. Pour fin de comparaison, lesmeilleurs sprinters poussent des pointesà 42 km/h, pendant 60 mètres maxi-mum. Rien ne sert donc de courir, ilfaut — doucement — partir à point.

À l’automne 2002, quelques ren-contres entre ours noirs et humains ontfait les manchettes. Le pire drame estsurvenu dans la vallée de la Matapédia,fin septembre, quand un septuagénaire

a été attaqué et tué par un ours à la sortie de son chalet. Quelques joursplus tôt, un jeune chasseur de la Côte-Nord avait été attaqué par un ours.Gravement griffé et mordu, il a réussià faire fuir l’animal en tirant unedécharge de plomb. En juin 2000, une jeune biathlonienne a été tuée alors qu’elle faisait du jogging dans un sentier du Centre d’entraînement Myriam-Bédard, sur la base militairede Valcartier, près de Québec.

Les morts sont pourtant relative-ment rares. Le seul autre décès attri-buable à des attaques de plantigradesremonterait à 1983. Le Dr YvanTurmel, coroner qui a enquêté sur lamort de la biathlonienne, a tenté de dédramatiser la situation dans son rapport déposé en décembre 2001 :« Suite à ce malheureux événement et à sa médiatisation, une psychose s’est instituée au Québec concernantles rencontres d’ours noirs. Il nous fauttoutefois retenir que dans notre pro-vince il existe d’autres espèces respon-sables de beaucoup plus de dommages.Par exemple, la guêpe est au premierrang avec les chocs anaphylactiques, laréaction respiratoire et les dermatitesqu’elle engendre. »

En augmentation ?On compte environ 60000 ours noirsau Québec, répartis dans toutes les régions. Chaque année, au moins uncas sérieux d’attaque est signalé. Les

incidents sont-ils en augmentation ? À la suite de la mort de Maurice Malenfant, il y a indiscutablement euun effet média. « Les rencontres sontplus souvent rapportées, et de façonplus spectaculaire », déclare HélèneJolicœur, biologiste à la direction dudéveloppement de la faune (équipeGrande faune) à la Société de la fauneet des parcs du Québec (FAPAQ). Lesaccidents avec les ours relèvent d’abordde la probabilité. « Plus il y a d’ours etde personnes en situation potentielle decontact, plus les risques de rencontresfortuites et d’accidents se multiplient »,indique-t-elle dans un document publiéen mai 2001. « Mais il n’y a pas de raison qu’il y ait plus d’agressivité chez les ours », affirme-t-elle.

Édith Cadieux, auteure d’un mé-moire de maîtrise sur les ours noirs importuns, abonde dans son sens : « Lanourriture d’origine humaine est de plus en plus disponible. Il y a de plusen plus de chasseurs, de chalets, demaisons à proximité de la forêt. L’ours devient de plus en plus audacieux. Il associe l’odeur de l’homme à la nourri-ture. » Selon son étude, si la plupart des États américains et des provincescanadiennes subissent une augmenta-tion des cas de dérangements, il est difficile d’arriver pour le Québec à uneconclusion définitive en raison de la variation entre les années et les régions. Le nombre de plaintes ne semble pas en augmentation. Par contre, certaines

| Prévention au travail | Printemps 2003 |36

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L’ours noir

Nous nous invitons chezlui sans prévenir. Il s’en

vexe parfois. Mieux vautd’abord faire les présen-

tations. Et rester poli.

Pour se protéger, il faut comprendre la psychologieursienne. Nul n’en parle mieux que l’animal lui-même.Entretien avec Ursule Plantigrade, porte-parole officiel.— Quelle est la composante fondamentale du com-portement de l’ours ?— Sachez avant tout que manger est pour nous uneobsession. Winnie l’ourson, toujours à la recherched’un pot de miel, en est un bon exemple, quoiqu’unpeu réducteur. Afin de survivre pendant l’hiver dansnos tanières — et nos femelles doivent au surplusallaiter les nouveau-nés ! —, nous avons six mois pournous constituer une réserve de graisse suffisante. Pasde temps à perdre.— Quel régime engraissant suivez-vous ?— Tout est bon : bulbes, jeunes pousses de feuilles,insectes, baies, glands, carcasses d’animaux, jeunescervidés à l’occasion… Quand cette nourriture devientrare, nous nous rapprochons des installations hu-maines. Votre nourriture est avantageuse pour nous,car elle est très concentrée et énergétique. Lorsquenous en trouvons un approvisionnement, nous ne lelâchons plus jusqu’à ce qu’il soit épuisé. Ce phénomènea été plaisamment illustré par Yogi s’emparant depaniers de pique-nique. Mais qu’arrive-t-il alors ? Nousvous associons à de la nourriture facile à obtenir etnous perdons la crainte de votre espèce.— Quelles sont les conséquences ?— Certains de mes congénères peuvent se montrerimpatients ou agressifs si vous ne leur fournissez pasleur dû. Nous pourrons également attaquer pour pro-téger une source de nourriture abondante, comme unecarcasse d’animal ou un dépotoir sauvage. Il arriveaussi qu’un ours blessé, souffrant et affamé, chercheà obtenir de la nourriture d’origine humaine à toutprix. Dans de très rares cas, c’est l’humain lui-mêmequi sera visé. Nous avancerons sans peur vers notreproie en marchant rapidement ou en courant.— Quels sont les autres motifs qui vous incitent aucomportement agressif ?— Redressons d’abord un mythe : jamais la rage n’aété la cause d’une attaque envers un humain. Par

contre, nous préservons une sphère d’intimité à l’in-térieur de laquelle tout intrus sera considéré commeune menace. Nous sommes conscients de notre allurepataude et de notre faciès engageant, qui nous ontvalu d’être à l’origine d’une lucrative industrie denounours en peluche. Mais les touristes qui s’ap-prochent pour nous photographier le font à leursrisques et périls !— Vous avez également la réputation de protéger vos petits.— Réputation méritée, celle-là ! Nos femelles charge-ront l’intrus qui les surprend ou qui semble menacerleurs petits. Votre problème, c’est qu’il vous est diffi-cile de suivre la consigne traditionnelle de ne pas seplacer entre la mère et ses oursons parce que vousvoyez rarement ces derniers, qui sont cachés. Mais nenoircissons pas le portrait de l’ours noir, si j’ose dire.Nous sommes des animaux discrets et non belliqueux,et nous préférons vous fuir. Savez-vous que les pro-babilités qu’une rencontre avec un ours tourne malsont plus faibles que les risques d’être heurté par unevoiture ou frappé par la foudre ? Sur ce, je dois mettreun terme à notre entretien : c’est l’heure du lunch. O

Un printemps hâtif, par exemple,peut accélérer la maturation des bleuets,qui ne seront plus disponibles à la mi-août. Pour les ours, il s’ensuivra unepériode de disette de deux ou trois semaines avant qu’un autre aliment soit disponible. Les ours cherchent alors d’autres sources de nourriture.« Ils agrandissent leur territoire et se déplacent sans cesse, décrit Hélène Jolicœur. Ils passent 20 heures sur 24 àse nourrir. Ils trouvent une source prèsd’une maison et ils ne retournent pasdans la forêt. Nous faisons de la bonne

nourriture et l’ours s’en délecte. Et tantqu’ils sont en contact avec les humains,ils se façonnent une opinion sur nous. »

La thèse d’Édith Cadieux conclutque « la principale solution pour ré-soudre la majorité des conflits résidedans l’éducation et la sensibilisation du public, afin que celui-ci modifiequelques habitudes… L’éducation devrait se faire de façon plus pousséeet plus ciblée dans certaines régions, au cours des prochaines années, afin deréduire le sentiment de crainte et lenombre de plaintes non justifiées. »

Psychologie de l’ours

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Par Marc Tison

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Page 38: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Il y a donc un message corporel et postural important. » Avoir ledos ployé est un signe de soumis-sion. Elle cite le cas d’un travail-leur forestier qui s’était accroupi pour faire du reboisement et quis’est fait agresser par derrière.Vous devez impressionner l’ours.« Quand l’enjeu devient sérieux,la dernière carte à jouer est ladominance, assure-t-elle. Il fautle fixer dans les yeux et ne jamais détourner le regard. »Dressez-vous alors de toutevotre taille. Criez, gesticulez.Si l’ours attaque, défendez-vous avec ce qui voustombe sous la main : roches,bâton, rame, hache, etc. Il

n’est pas recommandé de faire le mort, ce qui facilitera la

tâche de l’ours prédateur qui attaquepour se nourrir.

Après quelques recherches sur l’uti-lisation du poivre de cayenne commerépulsif, Hélène Jolicœur a acquis unecertaine confiance en ce procédé, large-ment utilisé dans l’Ouest et aux États-Unis. « Quand on s’est manifesté et quel’ours ne veut pas faire demi-tour, çapeut être une solution de rechange »,dit-elle. Le coroner Yvan Turmel avaitd’ailleurs recommandé que le CentreMyriam-Bédard, durant les saisons sansneige, fournisse aux athlètes à l’en-traînement une bouteille de répulsifportée en harnais. Hélène Jolicœursoulève toutefois le problème du ventde face, qui peut retourner une partiede l’assaisonnement à l’envoyeur. LaNature est imprévisible ! O

| Prévention au travail | Printemps 2003 |38

Pour en savoir plusL’ours noir et vous ! ou Comment éviterles problèmes avec les ours noirs, HélèneJolicœur.

Les ours noirs importuns : portrait de lasituation au Québec et évaluation desméthodes de contrôle, Édith Cadieux. Mé-moire de maîtrise en gestion de la fauneet des habitats sous la direction de JeanFerron, Université du Québec à Rimouski.

Vivre en sécurité avec l’ours noir, une ques-tion de responsabilité, brochure, 6 pages.

Connaître l’ours noir, brochure, 8 pages.

Tous ces documents sont publiés par la Société de la faune et des parcs du Québec. Tél. 1 800 561-1616. Site Web : www.fapaq.gouv.qc.ca.

Mieux vaut prévenirTrois principes de base devraient régirnos comportements. Un, ne jamaisnourrir les ours intentionnellement.Deux, entreposer toutes les sources denourriture imaginables ou les orduresménagères hors de la portée des ours.Trois, minimiser les odeurs associées à la nourriture et aux déchets. Outre ces considérations générales, voiciquelques consignes pour des cas plusspécifiques.

Agriculteurs et apiculteurs Les ours apprennent rapidement, et il est difficile de leur faire renoncer à une source d’approvisionnement facileune fois qu’ils l’ont mise en pratique.Mieux vaut donc prévenir que guérir.Placez les ruches à au moins 50 m desboisés, cours d’eau ou fossés. Si lesours mettent quand même la patte à l’ouvrage, on pourra protéger lesruches à l’aide de clôtures électrifiées.La même solution pourra être appli-quée aux grands vergers qui reçoiventde trop fréquentes visites. Pour éviterles déprédations dans les champs demaïs ou d’avoine, la meilleure façonconsiste à varier les méthodes cultu-rales et à éviter de semer les champssitués à proximité des boisés. L’uti-lisation de clôtures électriques et l’effarouchement avec des sources de bruits et de lumière sont relativementefficaces.

Travailleurs forestiersLaissez les glacières contenant vosrepas dans la cabine d’un véhicule. Ne

jetez pas vos restes en forêt. Si pos-sible, travaillez en groupe. Sinon, portezun objet qui tinte au rythme de vos mouvements pour avertir les ours devotre présence. Indiquez à une autrepersonne l’endroit où vous vous rendezet l’heure de votre retour. Ayez sur vousun appareil de communication.

Et si malgré tout…Si un ours à bonne distance est actif etgarde la tête baissée, c’est qu’il n’a pasencore détecté votre présence. Gardezvotre calme et éloignez-vous silencieu-sement. S’il a la tête levée, il a entenduun bruit ou senti votre odeur. Arrêtez-vous et faites connaître votre présenceen parlant d’une voix normale et en agi-tant doucement les bras pour qu’il vousidentifie comme un humain. Gardez lecontact visuel et éloignez-vous sans lecoincer. Si la bête s’intéresse à vous et se rapproche, éloignez-vous en par-lant doucement. Pour le distraire, jetez devant lui des objets qui ne pourraientpas vous servir à vous défendre. Loca-lisez un arbre où vous pourriez vousréfugier si nécessaire. Les ours adultesne grimpent pas spontanément aux arbres. Ne regardez pas l’animal dans les yeux, ce qu’il tiendrait pour unemenace. Ne tournez pas le dos à un ourset ne courez pas, vous pourriez l’inciterà vous poursuivre et vous prendre pourune proie…

Si l’ours vous prend en chasse, il se montrera menaçant et émettra desgrognements. Faites-lui face. « Les ani-maux fonctionnent selon le mode de ladomination, fait valoir Hélène Jolicœur.

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Page 39: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Au Québec, en 2000, le coût d’indemnisation destroubles musculo-squelettiques (TMS) s’élevait

à 500 millions de dollars. Contre-mesure ? La CSSTrelance son programme

d’intervention.

Les TMS sont au premier rangdes maladies indemnisées par la CSST.Gestes répétitifs, travail musculaire sta-tique, postures contraignantes, effortsexcessifs peuvent entraîner maux dedos, tendinites, bursites, épicondyliteset autres lésions en ite. Mis sur pied parla CSST et ses partenaires — Institutde recherche Robert-Sauvé en santé eten sécurité au travail (IRSST), asso-ciations sectorielles paritaires, réseaude la santé au travail — un programmed’intervention s’est attaqué une pre-mière fois au problème entre 1996et 1999. Dans le cadre d’une premièreévaluation, des 78 entreprises suivies,38 ont mené la démarche à terme. Chez celles-ci, les lésions ont diminuéde 54%.

Face à ce résultat encourageant etbien déterminée à poursuivre le proces-sus d’amélioration, la CSST s’apprêteà récidiver. « Après avoir évalué le pro-gramme, nous prévoyons le relancer enmettant cette fois l’accent sur la miseen place de moyens visant à assurer la pérennité de la prise en charge de la prévention par l’entreprise », in-dique Ketty Michèle Archer, ingénieure, ergonome, conseillère en prévention et responsable du programme d’inter-vention sur les TMS à la Direction dela prévention-inspection. Le premierprogramme préconisait une approche participative, où employeurs et travail-leurs, soutenus par des intervenantsspécialisés, étaient activement asso-ciés dans l’analyse des problèmes et la recherche de solutions. « C’est une approche intéressante, mais qui exigeun investissement en temps et en res-sources, fait remarquer Mme Archer. Ilfaut améliorer la façon dont elle est appliquée et offrir d’autres possibilitésaux entreprises. »

Depuis le début de 2003, un comitéd’orientation formé des partenaires ensanté et en sécurité travaille sur les différents aspects du programme d’in-tervention. Son mandat ? Trouver lesstratégies qui inciteront les employeursà se prendre en main. « Régulièrement,des entreprises m’appellent pour avoirdu soutien, confie Mme Archer. Elles réclament des outils. Plusieurs sont prêtes à se prendre en main sans néces-sairement l’assistance de la CSST. Mais elles ont besoin de connaissances sur laprévention des TMS. Jusqu’à ce jour,les outils d’intervention nécessitaient lesoutien des intervenants. Un des défisdu programme consiste à concevoir desoutils simples et facilement utilisablespar les entreprises pour des problèmespouvant s’avérer complexes. » La boîteà outils idéale pourrait contenir du ma-tériel d’autoformation (vidéo, cd-rom,etc.) portant sur l’analyse des situationsde travail, un guide sur la démarche etde l’information sur les ressources pou-vant leur être utiles.

Le comité aura également le man-dat de revoir la formation des personnes

ressources appelées à soutenir les en-treprises. Il s’agit, en fait, de poursuivrele développement des compétencespour offrir à ces dernières une assis-tance adaptée à la réalité de leur milieu.On en profitera pour préciser et pouroptimiser les rôles des inspecteurs,

des conseillers des ASPet des intervenants duréseau de la santé autravail. Le nouveau pro-gramme incitera les en-treprises à développeret à mettre en applica-tion un plan d’actiondéfini par le comité surla base des connais-sances actuelles, issuesdes expériences natio-nales et internationalesen la matière. « Dès queles interventions vontdémarrer selon cettenouvelle façon de faire,l’IRSST, dans un pro-cessus d’améliorationcontinue, les évaluera,souligne Mme Archer.Nous espérons ainsimieux comprendre cequi amène une entre-

prise à se prendre en main, et à décou-vrir les stratégies gagnantes. »

Plus concrètement, comment ce programme se déploiera-t-il ? « Dès la première année de la relance, il y auraun plan de communication qui serviraà informer et à sensibiliser les entre-prises. Il y aura également sélectiond’un certain nombre d’entreprises, surla base du nombre de TMS et des coûtsqui y sont associés. Elles recevront lavisite d’un inspecteur qui, après avoiranalysé leur dossier, leur demandera de préparer, s’il y a lieu, un plan d’action et de le mettre en application.Chacune de ces entreprises pourra uti-liser la ressource de son choix pourl’assister dans sa démarche — ASP,réseau de la santé, consultants. » Si toutse déroule comme prévu, les premiersprojets devraient démarrer à la finde 2003. « Nous voulons créer une synergie et mobiliser les gens, lanceKetty Michèle Archer. Car la préven-tion des troubles musculo-squelettiquesdoit devenir une préoccupation de tousles jours. » Qui veut la fin des TMSprend les moyens. O

| Prévention au travail | Printemps 2003 | 39

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Par Marc Tison

Relance du programme d’interventionsur lesTMS

Page 40: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Dimanche 14 avril 2002, 10h15. Sur la petite place du marché,les acheteurs se pressent. Les pré-sentoirs et les étals sont couverts defruits et de légumes vendus à la criée.Soudain, une série de coups de feuclaquent. Un individu fend la foule en courant, poursuivi par un homme qui tire du revolver au jugé. Ils s’en-gouffrent dans un immeuble au bout de l’impasse. Derrière eux, c’est lechaos. Une marchande de légumes s’est écroulée, l’épaule couverte desang. Son jeune fils, de l’autre côté de

la rue, l’appelle, affolé. Plus loin, sur un étal de melons renversé, un hommegît inconscient, blessé à la tête et aubras, fracture ouverte. Le marchand demelons, les yeux hagards, maintientd’une main ce qui reste de son oreillesanguinolente. Partout, des cris, des visages hébétés. On découvrira bien-tôt, dans la cage de l’escalier de l’im-meuble, le corps du fuyard, abattu detrois projectiles à la poitrine.

Une équipe de quatre secouristes serue hors d’une camionnette arrivée surles entrefaites. Ils jugent la scène du regard et s’éparpillent en courant. YvonLuang Xay s’accroupit près du blesséinconscient et panse rapidement la fracture ouverte. « Je prends les signesvitaux. Le teint est pâle. Sang au niveaudes oreilles : fracture à la tête. » Le pe-tit garçon qui appelait sa maman faitmaintenant de l’hyperventilation. Lasecouriste Cynthia Cantin lui demandes’il a des allergies et vérifie s’il porte un bracelet Medic Alert. « Te rends-tucompte que tu respires rapidement? luidemande-t-elle. Prends de grandes res-pirations. » Huit minutes après le débutdu drame, une sirène retentit.

Toute une mise en scèneLes blessés se relèvent, souriants. Les secouristes reprennent leur souffle, jettent un regard aux juges qui ont coté leur performance sur une feuille de pointage. Ils récupèrent bandages et couvertures, puis s’éloignent rapi-dement. Yvon Luang Xay, étudiant aucégep Bois-de-Boulogne, s’en est bientiré : le juge ne lui a décerné qu’une pénalité pour avoir fait bouger le brasblessé après avoir constaté la fractureouverte. « C’était passionnant, pas tropmentalement déstabilisant, constate-t-ilaprès coup. Ça s’est très bien déroulé. »Les figurants replacent les ballons fai-sant office de melons. Des officiers de la51e ambulance de la réserve de l’Arméecanadienne retouchent les maquillages.Tous les acteurs prennent leurs marquespour refaire la scène au profit d’uneautre équipe de secouristes.

Je suis dans une cour du cégepÉdouard-Montpetit, à Longueuil, et je

viens d’assister à une des six mises enscène du 15e Championnat provincialintercollégial de secourisme. Du 12 au14 avril, ce championnat est disputé par dix équipes de quatre secouristes, en provenance de huit cégeps, et quatreautres équipes hors compétition.

L’organisation est impressionnante.Elle comprend près de 80 personnes :organisateurs, bénévoles, juges et figu-rants. La compétition est mise sur pied par l’équipe qui a remporté le

championnat de l’année précédente. Il a fallu huit mois de travail à FrançoisNadon, Catherine Blais, Mélanie Rousselle, Marie-Ève Saint-Hilaire etPierre-Julien Hamel. « Lorsque nousnous sommes lancés dans la compéti-tion, nous espérions gagner un cham-pionnat provincial afin d’en organiser unà notre tour, explique ce dernier. Quandla compétition est bien organisée, c’estagréable et revigorant. C’est aussi unetrès bonne expérience. Nous avons fait

une ou deux rencontres chaque semaine,sans compter le temps passé à chercher des commanditaires. » Curieusement,depuis ses premiers balbutiements en1990, le championnat n’est chapeautépar aucune association ou organisa-tion permanente. « D’année en année, les étudiants se transmettent un dossier dans une reliure à anneaux ! », s’esclaffePierre-Julien Hamel.

Cette année, au cégep Édouard-Montpetit, la compétition se déroule à l’enseigne des arts. « Chacune des sixépreuves a un thème précis », expliquema cicérone, Julie Saint-Jean, étu-diante en intervention psychosociale à l’UQAM. La scène du marché s’ins-pire d’une séquence de poursuite tirée du film-culte La Matrice. Le plateaucompte une vingtaine de personnages,dont six blessés. C’est la simulation qui occupe le plus grand terrain. L’autreépreuve de la matinée, visuellement fort réussie, a trouvé son inspirationdans la peinture. Dans une salle sombre tendue de velours noir, la reproduc-tion grand format d’une peinture est accrochée sur chacun des quatre murs.Sous le tableau, des figurants déguisésreproduisent sommairement la scène illustrée, blessures en plus. Pour ajouterà l’ambiance surréaliste, chaque scène

est accompagnée de sa propre musiqueet toute la salle baigne dans un brouil-lard blanchâtre produit par un petit appareil électrique. « On essaie de lesmettre en situation difficile dans un contexte abstrait », explique le juge en chef du tableau, Martin Forcier. Il y a eu également une reproduction de jeu-questionnaire télévisé sur le secou-risme et même une épreuve de nuit inspirée des romans d’Harry Potter. « Je n’ai dormi que quatre heures depuisvendredi soir », me lance dimancheaprès-midi la juge Isabelle Tremblay,une technicienne en loisir qui a cinq ans de compétition à son actif.

Chaque plateau comporte un juge en chef, un juge responsable de la simulation, un autre chargé d’évaluer la qualité de la communication entre les secouristes, un juge attitré à chaqueblessé, des victimes et même des figu-rants. C’est le cas de Robert Paquette,informaticien de son métier, qui a été recruté par l’organisateur Pierre-JulienHamel : « Nous sommes là pour que lascène ne comporte pas que des blessés,pour rendre la chose plus difficile », explique-t-il. Les juges sont pour la plu-part d’anciens compétiteurs qui étudientmaintenant à l’université ou qui sont surle marché du travail depuis peu.

| Prévention au travail | Printemps 2003 |40 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 41

Coupures. Fractures. Brûlures.

Adrénaline. Tension. Amitié.

Voilà quelques-uns des ingré-

dients au menu d’un événement

exemplaire. Sauve qui veut !

13e Championnat provincial intercollégial de secourisme

Fusillade, course effrénée, c’est la pagaille sur la place du marché.

Dans quelques secondes, les blessés joncheront le sol.

Yvon Luang Xay,

étudiant au cégep

Bois-de-Boulogne,

panse consciencieuse-

ment une fracture

ouverte à l’avant-bras.

AU SECOURS ! BOBO !

Cynthia Cantin, du cégep de Sainte-Foy, prend soin d’un jeune garçon

sous le regard attentif d’un juge : « Je pense que j’aurais pu mieux faire,

mais ce que j’ai fait, je l’ai bien fait », a-t-elle commenté après coup.

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Par Marc Tison

Page 41: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Dimanche 14 avril 2002, 10h15. Sur la petite place du marché,les acheteurs se pressent. Les pré-sentoirs et les étals sont couverts defruits et de légumes vendus à la criée.Soudain, une série de coups de feuclaquent. Un individu fend la foule en courant, poursuivi par un homme qui tire du revolver au jugé. Ils s’en-gouffrent dans un immeuble au bout de l’impasse. Derrière eux, c’est lechaos. Une marchande de légumes s’est écroulée, l’épaule couverte desang. Son jeune fils, de l’autre côté de

la rue, l’appelle, affolé. Plus loin, sur un étal de melons renversé, un hommegît inconscient, blessé à la tête et aubras, fracture ouverte. Le marchand demelons, les yeux hagards, maintientd’une main ce qui reste de son oreillesanguinolente. Partout, des cris, des visages hébétés. On découvrira bien-tôt, dans la cage de l’escalier de l’im-meuble, le corps du fuyard, abattu detrois projectiles à la poitrine.

Une équipe de quatre secouristes serue hors d’une camionnette arrivée surles entrefaites. Ils jugent la scène du regard et s’éparpillent en courant. YvonLuang Xay s’accroupit près du blesséinconscient et panse rapidement la fracture ouverte. « Je prends les signesvitaux. Le teint est pâle. Sang au niveaudes oreilles : fracture à la tête. » Le pe-tit garçon qui appelait sa maman faitmaintenant de l’hyperventilation. Lasecouriste Cynthia Cantin lui demandes’il a des allergies et vérifie s’il porte un bracelet Medic Alert. « Te rends-tucompte que tu respires rapidement? luidemande-t-elle. Prends de grandes res-pirations. » Huit minutes après le débutdu drame, une sirène retentit.

Toute une mise en scèneLes blessés se relèvent, souriants. Les secouristes reprennent leur souffle, jettent un regard aux juges qui ont coté leur performance sur une feuille de pointage. Ils récupèrent bandages et couvertures, puis s’éloignent rapi-dement. Yvon Luang Xay, étudiant aucégep Bois-de-Boulogne, s’en est bientiré : le juge ne lui a décerné qu’une pénalité pour avoir fait bouger le brasblessé après avoir constaté la fractureouverte. « C’était passionnant, pas tropmentalement déstabilisant, constate-t-ilaprès coup. Ça s’est très bien déroulé. »Les figurants replacent les ballons fai-sant office de melons. Des officiers de la51e ambulance de la réserve de l’Arméecanadienne retouchent les maquillages.Tous les acteurs prennent leurs marquespour refaire la scène au profit d’uneautre équipe de secouristes.

Je suis dans une cour du cégepÉdouard-Montpetit, à Longueuil, et je

viens d’assister à une des six mises enscène du 15e Championnat provincialintercollégial de secourisme. Du 12 au14 avril, ce championnat est disputé par dix équipes de quatre secouristes, en provenance de huit cégeps, et quatreautres équipes hors compétition.

L’organisation est impressionnante.Elle comprend près de 80 personnes :organisateurs, bénévoles, juges et figu-rants. La compétition est mise sur pied par l’équipe qui a remporté le

championnat de l’année précédente. Il a fallu huit mois de travail à FrançoisNadon, Catherine Blais, Mélanie Rousselle, Marie-Ève Saint-Hilaire etPierre-Julien Hamel. « Lorsque nousnous sommes lancés dans la compéti-tion, nous espérions gagner un cham-pionnat provincial afin d’en organiser unà notre tour, explique ce dernier. Quandla compétition est bien organisée, c’estagréable et revigorant. C’est aussi unetrès bonne expérience. Nous avons fait

une ou deux rencontres chaque semaine,sans compter le temps passé à chercher des commanditaires. » Curieusement,depuis ses premiers balbutiements en1990, le championnat n’est chapeautépar aucune association ou organisa-tion permanente. « D’année en année, les étudiants se transmettent un dossier dans une reliure à anneaux ! », s’esclaffePierre-Julien Hamel.

Cette année, au cégep Édouard-Montpetit, la compétition se déroule à l’enseigne des arts. « Chacune des sixépreuves a un thème précis », expliquema cicérone, Julie Saint-Jean, étu-diante en intervention psychosociale à l’UQAM. La scène du marché s’ins-pire d’une séquence de poursuite tirée du film-culte La Matrice. Le plateaucompte une vingtaine de personnages,dont six blessés. C’est la simulation qui occupe le plus grand terrain. L’autreépreuve de la matinée, visuellement fort réussie, a trouvé son inspirationdans la peinture. Dans une salle sombre tendue de velours noir, la reproduc-tion grand format d’une peinture est accrochée sur chacun des quatre murs.Sous le tableau, des figurants déguisésreproduisent sommairement la scène illustrée, blessures en plus. Pour ajouterà l’ambiance surréaliste, chaque scène

est accompagnée de sa propre musiqueet toute la salle baigne dans un brouil-lard blanchâtre produit par un petit appareil électrique. « On essaie de lesmettre en situation difficile dans un contexte abstrait », explique le juge en chef du tableau, Martin Forcier. Il y a eu également une reproduction de jeu-questionnaire télévisé sur le secou-risme et même une épreuve de nuit inspirée des romans d’Harry Potter. « Je n’ai dormi que quatre heures depuisvendredi soir », me lance dimancheaprès-midi la juge Isabelle Tremblay,une technicienne en loisir qui a cinq ans de compétition à son actif.

Chaque plateau comporte un juge en chef, un juge responsable de la simulation, un autre chargé d’évaluer la qualité de la communication entre les secouristes, un juge attitré à chaqueblessé, des victimes et même des figu-rants. C’est le cas de Robert Paquette,informaticien de son métier, qui a été recruté par l’organisateur Pierre-JulienHamel : « Nous sommes là pour que lascène ne comporte pas que des blessés,pour rendre la chose plus difficile », explique-t-il. Les juges sont pour la plu-part d’anciens compétiteurs qui étudientmaintenant à l’université ou qui sont surle marché du travail depuis peu.

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Coupures. Fractures. Brûlures.

Adrénaline. Tension. Amitié.

Voilà quelques-uns des ingré-

dients au menu d’un événement

exemplaire. Sauve qui veut !

13e Championnat provincial intercollégial de secourisme

Fusillade, course effrénée, c’est la pagaille sur la place du marché.

Dans quelques secondes, les blessés joncheront le sol.

Yvon Luang Xay,

étudiant au cégep

Bois-de-Boulogne,

panse consciencieuse-

ment une fracture

ouverte à l’avant-bras.

AU SECOURS ! BOBO !

Cynthia Cantin, du cégep de Sainte-Foy, prend soin d’un jeune garçon

sous le regard attentif d’un juge : « Je pense que j’aurais pu mieux faire,

mais ce que j’ai fait, je l’ai bien fait », a-t-elle commenté après coup.

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Par Marc Tison

Page 42: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

bagarreuses. Après huit intenses mi-nutes, coup de sifflet. Applaudisse-ments, fin de l’épreuve. On entraînerapidement l’équipe épuisée, mais sou-lagée, vers un escalier de service pourlaisser le terrain aux prochains compé-titeurs. Dans l’escalier, surprise et coupde Jarnac1 : deux blessés inconscients,l’un sur l’autre. Et c’est reparti pour huit minutes ! Les secouristes jugentqu’il faut absolument déplacer les victimes et les descendre de quelquesmarches, jusqu’au pallier inférieur. De-vant la périlleuse manœuvre, la moni-trice de l’équipe, qui observe la scènedepuis le pallier supérieur, se couvre les yeux de la main et se détourne, découragée. Une secouriste vérifie la température d’une victime, ce qui sus-cite cette fois une manifestation silen-cieuse d’approbation de la part de samonitrice. Coup de sifflet. C’est la fin.La vraie. L’équipe reprend son souffle.« J’ai été surprise dans l’escalier, com-mente Annie Jubinville. J’ai adoré ! »« On est plein d’adrénaline, lance poursa part Josiane Proulx. C’est tellementréaliste ! »

Au terme de la compétition, c’estl’équipe des « Inhalateurs enchantés »du cégep Bois-de-Boulogne qui a rem-porté la victoire et le trophée Henri-Dunant. Mais il fallait voir l’équipe deMaisonneuve quitter la scène, soudée,les bras se cerclant mutuellement lesépaules, pour comprendre que l’essen-tiel, comme l’a dit un quelconque ba-ron à propos d’une autre compétition,c’était de participer. O

Pour établir le contenu des épreuves,les organisateurs s’inspirent des tech-niques de l’Ambulance Saint-Jean, de la Société de la Croix-rouge cana-dienne, de la Fondation des maladies du cœur du Canada, de la Société desauvetage et de la CSST. « C’est unévénement très pertinent et très intéres-sant », estime Gordon Perreault, chef deservice, secteurs primaire et manufac-turier et sauvetage minier, à la Directionde la prévention-inspection de la CSSTet responsable du programme de forma-tion des secouristes en milieu de travail.« Il sensibilise au secourisme les étu-diants qui évolueront par la suite dansun milieu de travail. L’aspect compéti-tif maintient l’intérêt et valorise l’actiondes participants. Il est vital que l’onfasse la promotion des techniques debase en réanimation cardiovasculaire et en secourisme et il est essentiel quecet apprentissage commence tôt. » C’estpourquoi la Vice-présidence aux rela-tions avec les clientèles et les parte-naires, commanditaire de l’événementpour une deuxième année, a offert unecontribution de 2000 $.

La finaleDimanche 14 avril, 14h30. On met enplace les derniers détails de la grande finale, d’une durée de 30 minutes. Lescinq équipes finalistes sont mainte-nues à l’écart. Dans la salle de réu-nion qui fera bientôt office de poste de secourisme, on apporte la touche finale aux maquillages des victimes. Un ma-quilleur fiche soigneusement dans le dos d’une étudiante une pince à épiler,maintenue à l’aide de latex couleurchair. Observant la scène avec intérêt,une jeune femme porte au front unelarge et profonde lacération. Plus loin,une autre victime a subi une déchargeélectrique, ce dont témoigne éloquem-ment la peau noircie et tombante de samain et de son pied. Le second lieute-nant Érik Simard, de la 51e ambulancede campagne, colore avec dextérité leflanc d’une jeune femme étendue surune table, qui montrera sous peu toutesles évidences d’une fracture des côtes etd’un pneumothorax. Une fausse femmeenceinte se promène avec un melon…pardon, un ballon sous son chandail. Unblessé léger se fait apposer une échardeau bout du doigt avec une colle transpa-rente. J’observe dans un bol à mélangerune mixture grumeleuse et grisâtre, tropépaisse aux yeux d’un maquilleur qui y

rajoute une bonne rasade de jus depomme avant de s’en déclarer satisfait :« Voilà la bonne consistance d’un vraivomi », décrète-t-il en connaisseur.

Le drame peut commencer. Tous les blessés prennent position dans les locaux, ascenseurs et escaliers du cégep.La sixième équipe au classement testele dispositif, puis l’équipe des Plastersradioactifs du cégep Maisonneuve entreen scène. Première étape : ils sont degarde au poste de secourisme. Un pas-sant vient chercher de l’aide pour unefemme en état de choc coincée dans unascenseur. Puis on signale un blessé quia glissé sur une flaque d’eau. Les inci-dents déboulent ainsi, à intervalle de90 secondes, pendant huit minutes. Onamène ensuite toute l’équipe sur leslieux de la seconde partie de l’épreuve :au pied du grand escalier central, huitblessés sont étendus. Un garçon s’estfracturé un orteil. Une femme est éten-due face contre terre, la bouche en sang,une dent brisée. Notre électrifiée de tout à l’heure est allongée le long de la fenêtre. La blessée avec une pince àépiler dans le dos et sa copine au frontlacéré viennent de toute évidence de se faire un mauvais parti et se crient desinsultes. Une épileptique est parcouruede tremblements. Dans un coin, affalée,une victime d’intoxication alimentaireest couverte de la mixture observée plustôt, dont un filet lui coule de la bouche.Enfin, un homme brandit à la ronde sonécharde au doigt, ce qui ne lui attire pasbeaucoup d’attention. C’est la ruée desquatre secouristes du cégep Maison-neuve, Pauline Vrain, Josiane Proulx,Annie Jubinville, Rémi Bélanger, quidonnent soins et réconfort en essayanttant bien que mal de séparer les deux

| Prévention au travail | Printemps 2003 |42

1. Coup porté par surprise et perfidie, du nom dubaron de Jarnac, qui plaça une estocade inéditeau jarret de son adversaire, lors d’un duel àl’épée.

Pendant la finale, Pauline Vrain, du cégep Maisonneuve, s’apprête

à soigner la coupure au front d’une blessée. « C’est rushant !Il fait chaud ! », a-t-elle lancé, soulagée, au terme de l’épreuve.

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Page 43: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

VIH-SIDA

Ce portrait mondial tra-gique en cache un autre. Ces personnesont en effet une famille, des amis, descollègues, un employeur, tous inévita-blement touchés d’une manière ou d’uneautre. Il existe, par exemple, un nombrecroissant de veuves, de personnes âgéeset d’enfants obligés de faire face à unesituation de grande insécurité écono-mique. Dans certaines familles, des jeunes de moins de 15 ans, tout commedes vieillards, sont contraints de travail-ler pour payer les médicaments de lapersonne malade ou simplement poursurvivre. Des enfants sont odieusementexploités, leurs droits bafoués et leursanté et leur sécurité gravement mena-cées. Pour les entreprises, il y a aussi uncoût à payer : baisse de la productivitéet du rendement, absentéisme, perte de savoir-faire, etc. Enfin, sur le planmacro-économique, on note un ralen-tissement de la croissance, une augmen-tation de la pauvreté, un effondrementde la production agricole, une aggrava-tion de l’état de santé liée notamment à la malnutrition.

En juin 2001, conscient de l’am-pleur du problème, le Bureau inter-national du travail (BIT) publiait unRecueil de directives pratiques sur leVIH et le SIDA et le monde du travail.L’objectif : « fournir aux travailleurs,aux employeurs et aux gouvernementsdes règles globales nouvelles qui s’ap-puient sur des normes internationalesdu travail et qui s’attaquent à la pro-blématique du SIDA et de son im-pact au niveau de l’entreprise, de lacommunauté et de la nation dans sonensemble ». Le document est basé surquelques principes : « le respect desdroits fondamentaux au travail, dont la non-discrimination ; la reconnais-sance du VIH/SIDA en tant que ques-tion liée au travail ; l’égalité entrehommes et femmes ; le dialogue social ; la confidentialité ainsi que la prise en charge et le soutien. » Comme l’annonçait, lors du lancement, JuanSomavia, directeur général du BIT, il s’agit « non seulement de donner un coup d’accélérateur aux efforts deprévention, de contrôler l’impact de la maladie, de prodiguer des soins àceux qui en souffrent, mais également

d’endiguer la discrimination et l’ostra-cisme qui souvent en découlent. »

Le recueil fournit des directives sur la politique en matière de test, dedépistage, de confidentialité et de non-discrimination en matière d’embauche,tant pour les hommes que pour lesfemmes. Selon M. Somavia, ce docu-ment « est le plus complet jamais pro-duit sur la problématique du SIDA enmilieu de travail. Toutefois, il vaut plusque la somme de ses parties. Ce qui esten jeu ici, souligne-t-il, c’est le respectde la dignité d’autrui, autrement ditcomment nous devons tous apprendre à vivre au quotidien avec la réalité decette maladie ».

Le directeur général du BIT a dis-cuté de la mise en pratique du nouveaurecueil avec Kofi Annan, secrétairegénéral des Nations Unies, les Étatsmembres de l’ONU, les représentantsdes travailleurs et les PDG des plusgrandes multinationales. Car même si la publication du recueil est un succès,c’est son application qui sera vraimentdéterminante. La préface du documentest on ne peut plus claire quant aux ob-jectifs visés : « Fournir des directivespratiques inestimables aux décideurs,aux organisations d’employeurs et detravailleurs et à leurs partenaires dans lasociété. » Le recueil devrait être utilisépour « formuler et mettre en œuvre desprogrammes et des mesures de préven-tion et de prise en charge adaptés au lieude travail, ainsi que des stratégies à l’in-tention des travailleurs engagés dans lesecteur informel de l’économie. »

Le BIT fait remarquer, et voilà unenouvelle encourageante, que quelquespays sont parvenus « à freiner la pro-pagation de l’infection et à réduire seseffets sur les individus et les com-munautés. Parmi les pratiques les meilleures figurent l’engagement desdirigeants, les approches multisecto-rielles, le partenariat avec la sociétécivile, sans oublier les personnes séro-positives, et l’éducation. »

Le recueil en question compte plu-sieurs chapitres et sept annexes. Pour en obtenir un exemplaire, écrire au Bu-reau international du travail, CH-1211Genève 22, Suisse. Courriel : [email protected]. Site web : www.ilo.org/pblns. O

| Prévention au travail | Printemps 2003 | 43

Selon des statistiques

récentes compilées spéciale-

ment pour la session spéciale

de l’Assemblée générale

de l’ONU, qui s’est tenue

en juin 2001, 23 millions de

travailleuses et de travail-

leurs âgés de 15 à 49 ans sont

séropositifs ou malades du

SIDA. De ce nombre, 17,5 mil-

lions vivent dans 43 pays

d’Afrique, 3,5 millions en

Asie, 700 000 en Amérique

du Nord, 543 000 en Europe,

416 000 en Amérique latine

et 226 000 dans les Antilles. Illu

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Des directives pratiques du BITsur le

Par Monique Legault Faucher

Page 44: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Bien « cousue », la vidéo…Que faire lorsque ceux et celles à qui vous destinez un film deprévention parlent 47 langues différentes ? Vous optez pour des images animées muettes, mais ô combien porteuses de milliers de mots, de consignes, le tout accompagné d’une drôle de petite musique dansante et de judicieuses touches d’humour bien ourlées. C’est la stratégie qu’a choisie la CSSTpour passer des messages de prévention aux 45000 personnestravaillant dans le secteur de l’habillement et de la bonneterie et plus spécifiquement aux femmes, trois fois plus nombreusesque les hommes, dans ces secteurs et plus fréquemment vic-times d’accidents du travail que leurs collègues masculins.

Dans la vidéo intitulée La prévention sous toutes ses cou-tures, trois sympathiques personnages symbolisant la travail-leuse ou le travailleur, l’employeur et un futé de la préventionsur mesure vont droit au but. Voici une situation dangereuse?

Voilà la solution ! La vidéo, fruit de la collaboration

entre l’Association sectorielle pari-taire de l’habillement, Préventex et la CSST, a été réalisée dans le cadre des engagements de cette dernière en matière de condition féminine. Le document a été officiellement lancé le 11 février 2003 dans une ancienneusine de couture. Le film sera distribuéaux 2000 entreprises ciblées du secteurde l’habillement et de la bonneterie.On peut le regarder tout à son aise en faisant une visite dans le site Web de la CSST. Sur la photo, Juliette P.Bailly, vice-présidente aux relationsavec les clientèles et les partenaires de la CSST, s’adresse aux invités pré-sents lors du lancement. O MLF

| Prévention au travail | Printemps 2003 |44 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 45

En raccourci

VIH et emploiEn France, les résultats d’une enquête menée par AIDES (organisationfrançaise de lutte au sida) et l’Institut de l’Humanitaire ont fait ressortir avecacuité toutes les difficultés auxquelles se heurtent les personnes atteintes du VIH-SIDA en recherche d’emploi. « Cent pour cent des employeurs interrogés disent ne pas donner suite à un entretien d’embauche durant lequel une personne mentionnerait sa séropositivité au VIH ». Un programmebaptisé VIH-SIDA en milieu de travail a été mis en place et une table rondeorganisée par la délégation régionale Nord Ouest de AIDES et consacrée àcet épineux problème a eu lieu à Lille, en décembre 2002. O MLFSource : Lettre du Centre régional d’information et de prévention du SIDA Nord–Pas-de-Calais,no 26, décembre 2002.

Santé Sécurité & Transformation du travailChacun le sait et le constate :l’organisation du travail a subidepuis quelques années de pro-fondes mutations, notammentsous l’effet des nouvelles tech-nologies et des plus récentesméthodes de gestion. Quels sontleurs impacts sur la santé et la sécurité ? Un nouvel ouvrageparu aux Presses de l’Universitédu Québec s’intéresse à cettequestion. Sous la direction dessociologues Denis Harrisson etCamil Legendre, une douzainede chercheurs ont réuni les résultats de leurs travaux en dixchapitres. Ils abordent des sujetsaussi variés que la contributiondes sciences sociales à l’amélio-ration de la santé au travail, les technologies de l’informationet la santé au travail dans lesecteur bancaire, les modes degestion et la sécurité dans leschantiers de construction, la ges-tion de la santé et de la sécuritédans un contexte de changementorganisationnel et même… leprix d’un sourire (travail, émo-tions et santé dans les services).Santé Sécurité & Transforma-tion du travail – Réflexions etrecherches sur le risque profes-sionnel. Presses de l’Universitédu Québec, 2002. O MT

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Tête d’affiche !Contremaître pour la compagnie ferroviaire Rutland & Burlington,Phineas Gage supervisait, en 1848, les travaux de dynamitage d’untronçon de chemin de fer, près de Cavendish, au Vermont. Pourbourrer les trous de mine, il utilisait une barre de fer d’un mètre de long et de 3 cm de diamètre. Phineas ne se doutait pas qu’une explosion accidentelle allait projeter l’outil sur son visage, perforersa joue gauche, effleurer son nerf optique, traverser son cerveauavant d’atterrir... 30 mètres plus loin ! Il se doutait encore moinsqu’il survivrait à l’accident pendant 12 ans et qu’il allait engendrer,150 ans plus tard, une attraction touristique !

Ce dénouement miraculeux a permis à des scientifiques d’établir,pour la première fois, un lien entre certaines zones du cerveau et la personnalité d’un individu. Car notre contremaître, on le devine,n’était plus le même homme. Efficace et apprécié de ses collèguesavant l’accident, il devint ensuite bourru et irascible.

La Ville de Cavendish a choisi de commémorer l’événement en organisant des visites guidées du lieu de l’accident, de la taverne où le contremaître fut transporté, et de la maison du Dr Harlow, qui étudia son cas et en rendit compte dans le Boston Medical and Surgical Journal. O FMSource : Agence Science Presse.

Hygiène du travail : on réédite !L’Association québécoise pour l’hygiène, la santé et la sécurité du travail (AQHSST) a décidé de travailler à la réédition du livre Hygiène du travail (Éditions Le Griffon d’argile). Un comité, qui agità titre de rédacteur en chef, a été mis sur pied. Des spécialistesseront appelés à rédiger des textes de référence relatifs à leur spécialité. Le concept adopté par les membres du comité est trèsdifférent de celui de la première édition et on entend « répondreaux besoins des lecteurs, apprentis du métier ou professionnelsaguerris ». Des représentants de l’IRSST et de la Direction de laprévention-inspection de la CSST mettront la main à la pâte. Sitout va bien, le lancement du livre pourrait avoir lieu en mai 2004et coïncider avec le congrès annuel de l’AQHSST. O MLFSource : L’incontournable, bulletin électronique de l’AQHSST, vol. 2 no 5, août 2002.

Formation en toxicologie et santé au travailDepuis 1993, l’Université de Montréal offre un programme d’études de 2e cycledans le domaine de la toxicologie, sanc-tionné par un diplôme d’études supé-rieures spécialisées (DESS). Deux optionssont offertes : toxicologie générale etanalyse du risque. Les objectifs du pro-gramme : former des scientifiques possé-dant une connaissance des principes et de la méthodologie propre à la toxicologieet qui seront en mesure de reconnaître lesproblèmes causés par l’exposition à desagents chimiques, d’évaluer les propriétéstoxiques de ces agents, de prévoir la por-tée d’un risque et d’intervenir utilementdans la solution des problèmes d’ordretoxicologique.

Le programme s’adresse à des candidatstravaillant déjà dans un champ d’activitésspécialisées (professionnels des sciencesde la santé humaine ou animale, cher-cheurs en sciences biomédicales ou en sciences naturelles) ou en voie d’acquérirune formation spécialisée. Il leur permetd’enrichir leurs connaissances en toxicolo-gie pour d’éventuelles applications dansleur spécialité respective. Pour plusieurscandidats, l’admission au programme per-mettra une réorientation de leur carrièrevers la toxicologie. Le programme de DESSen toxicologie et analyse du risque ouvreégalement le passage à la maîtrise ensanté environnementale et santé au tra-vail de l’Université de Montréal. Pour plusde renseignements, tél. (514) 343-2280,téléc. (514) 343-6668 ; courriel : [email protected] ; site Web :www.mdtrav.umontreal.ca. O

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Page 45: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Bien « cousue », la vidéo…Que faire lorsque ceux et celles à qui vous destinez un film deprévention parlent 47 langues différentes ? Vous optez pour des images animées muettes, mais ô combien porteuses de milliers de mots, de consignes, le tout accompagné d’une drôle de petite musique dansante et de judicieuses touches d’humour bien ourlées. C’est la stratégie qu’a choisie la CSSTpour passer des messages de prévention aux 45000 personnestravaillant dans le secteur de l’habillement et de la bonneterie et plus spécifiquement aux femmes, trois fois plus nombreusesque les hommes, dans ces secteurs et plus fréquemment vic-times d’accidents du travail que leurs collègues masculins.

Dans la vidéo intitulée La prévention sous toutes ses cou-tures, trois sympathiques personnages symbolisant la travail-leuse ou le travailleur, l’employeur et un futé de la préventionsur mesure vont droit au but. Voici une situation dangereuse?

Voilà la solution ! La vidéo, fruit de la collaboration

entre l’Association sectorielle pari-taire de l’habillement, Préventex et la CSST, a été réalisée dans le cadre des engagements de cette dernière en matière de condition féminine. Le document a été officiellement lancé le 11 février 2003 dans une ancienneusine de couture. Le film sera distribuéaux 2000 entreprises ciblées du secteurde l’habillement et de la bonneterie.On peut le regarder tout à son aise en faisant une visite dans le site Web de la CSST. Sur la photo, Juliette P.Bailly, vice-présidente aux relationsavec les clientèles et les partenaires de la CSST, s’adresse aux invités pré-sents lors du lancement. O MLF

| Prévention au travail | Printemps 2003 |44 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 45

En raccourci

VIH et emploiEn France, les résultats d’une enquête menée par AIDES (organisationfrançaise de lutte au sida) et l’Institut de l’Humanitaire ont fait ressortir avecacuité toutes les difficultés auxquelles se heurtent les personnes atteintes du VIH-SIDA en recherche d’emploi. « Cent pour cent des employeurs interrogés disent ne pas donner suite à un entretien d’embauche durant lequel une personne mentionnerait sa séropositivité au VIH ». Un programmebaptisé VIH-SIDA en milieu de travail a été mis en place et une table rondeorganisée par la délégation régionale Nord Ouest de AIDES et consacrée àcet épineux problème a eu lieu à Lille, en décembre 2002. O MLFSource : Lettre du Centre régional d’information et de prévention du SIDA Nord–Pas-de-Calais,no 26, décembre 2002.

Santé Sécurité & Transformation du travailChacun le sait et le constate :l’organisation du travail a subidepuis quelques années de pro-fondes mutations, notammentsous l’effet des nouvelles tech-nologies et des plus récentesméthodes de gestion. Quels sontleurs impacts sur la santé et la sécurité ? Un nouvel ouvrageparu aux Presses de l’Universitédu Québec s’intéresse à cettequestion. Sous la direction dessociologues Denis Harrisson etCamil Legendre, une douzainede chercheurs ont réuni les résultats de leurs travaux en dixchapitres. Ils abordent des sujetsaussi variés que la contributiondes sciences sociales à l’amélio-ration de la santé au travail, les technologies de l’informationet la santé au travail dans lesecteur bancaire, les modes degestion et la sécurité dans leschantiers de construction, la ges-tion de la santé et de la sécuritédans un contexte de changementorganisationnel et même… leprix d’un sourire (travail, émo-tions et santé dans les services).Santé Sécurité & Transforma-tion du travail – Réflexions etrecherches sur le risque profes-sionnel. Presses de l’Universitédu Québec, 2002. O MT

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Tête d’affiche !Contremaître pour la compagnie ferroviaire Rutland & Burlington,Phineas Gage supervisait, en 1848, les travaux de dynamitage d’untronçon de chemin de fer, près de Cavendish, au Vermont. Pourbourrer les trous de mine, il utilisait une barre de fer d’un mètre de long et de 3 cm de diamètre. Phineas ne se doutait pas qu’une explosion accidentelle allait projeter l’outil sur son visage, perforersa joue gauche, effleurer son nerf optique, traverser son cerveauavant d’atterrir... 30 mètres plus loin ! Il se doutait encore moinsqu’il survivrait à l’accident pendant 12 ans et qu’il allait engendrer,150 ans plus tard, une attraction touristique !

Ce dénouement miraculeux a permis à des scientifiques d’établir,pour la première fois, un lien entre certaines zones du cerveau et la personnalité d’un individu. Car notre contremaître, on le devine,n’était plus le même homme. Efficace et apprécié de ses collèguesavant l’accident, il devint ensuite bourru et irascible.

La Ville de Cavendish a choisi de commémorer l’événement en organisant des visites guidées du lieu de l’accident, de la taverne où le contremaître fut transporté, et de la maison du Dr Harlow, qui étudia son cas et en rendit compte dans le Boston Medical and Surgical Journal. O FMSource : Agence Science Presse.

Hygiène du travail : on réédite !L’Association québécoise pour l’hygiène, la santé et la sécurité du travail (AQHSST) a décidé de travailler à la réédition du livre Hygiène du travail (Éditions Le Griffon d’argile). Un comité, qui agità titre de rédacteur en chef, a été mis sur pied. Des spécialistesseront appelés à rédiger des textes de référence relatifs à leur spécialité. Le concept adopté par les membres du comité est trèsdifférent de celui de la première édition et on entend « répondreaux besoins des lecteurs, apprentis du métier ou professionnelsaguerris ». Des représentants de l’IRSST et de la Direction de laprévention-inspection de la CSST mettront la main à la pâte. Sitout va bien, le lancement du livre pourrait avoir lieu en mai 2004et coïncider avec le congrès annuel de l’AQHSST. O MLFSource : L’incontournable, bulletin électronique de l’AQHSST, vol. 2 no 5, août 2002.

Formation en toxicologie et santé au travailDepuis 1993, l’Université de Montréal offre un programme d’études de 2e cycledans le domaine de la toxicologie, sanc-tionné par un diplôme d’études supé-rieures spécialisées (DESS). Deux optionssont offertes : toxicologie générale etanalyse du risque. Les objectifs du pro-gramme : former des scientifiques possé-dant une connaissance des principes et de la méthodologie propre à la toxicologieet qui seront en mesure de reconnaître lesproblèmes causés par l’exposition à desagents chimiques, d’évaluer les propriétéstoxiques de ces agents, de prévoir la por-tée d’un risque et d’intervenir utilementdans la solution des problèmes d’ordretoxicologique.

Le programme s’adresse à des candidatstravaillant déjà dans un champ d’activitésspécialisées (professionnels des sciencesde la santé humaine ou animale, cher-cheurs en sciences biomédicales ou en sciences naturelles) ou en voie d’acquérirune formation spécialisée. Il leur permetd’enrichir leurs connaissances en toxicolo-gie pour d’éventuelles applications dansleur spécialité respective. Pour plusieurscandidats, l’admission au programme per-mettra une réorientation de leur carrièrevers la toxicologie. Le programme de DESSen toxicologie et analyse du risque ouvreégalement le passage à la maîtrise ensanté environnementale et santé au tra-vail de l’Université de Montréal. Pour plusde renseignements, tél. (514) 343-2280,téléc. (514) 343-6668 ; courriel : [email protected] ; site Web :www.mdtrav.umontreal.ca. O

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Page 46: savoir,savoir-faire, savoir être, faire savoir

Prévention au travail O AuQuébec, vous avez été une précurseuredans le domaine ?

Dre Michelle Cousineau O Oui,d’une certaine manière. Le concept desanté mentale a émergé en 1974. Maisc’est véritablement en 1981 qu’il a com-mencé à prendre forme. Cette année-là,l’Association canadienne pour la santémentale (ACSM), division du Québec, aorganisé une table ronde à Montebello.Ça m’a intéressée et j’y suis allée. J’étais déjà préoccupée par la question.En fait, je pressentais le problème. Cequi me paraissait inquiétant, c’était qu’à peu près personne ne semblait se rendre compte de ce qui se passait dans les milieux de travail. On parlait alors essentiellement de la santé physique…Après la table ronde, mon nom a com-mencé à circuler. On m’a demandé defaire des évaluations, de participer à diverses réunions de réflexion. Maisc’est grâce à l’épuisement professionnelque la santé mentale est devenue uneréalité. Vous vous souvenez? Au début,c’était glorifié. Quand une personnes’épuise au travail, ça veut dire qu’elleest extraordinaire ! Je me suis intéresséeau phénomène, j’ai donné des confé-rences jusqu’au moment où je me suisdit : « Minute, il n’y a pas que l’épui-sement. Il y a plus. » Un autre concept

Michelle Cousineau, médecin généraliste, a derrière elle une fructueuse carrière.

Ses modèles ? Deux médecins, son père et Albert Schweitzer. Son parcours ? Quelques

années d’exercice clinique suivies de 12 ans de travail en toxicomanie et d’une formation

intensive en intervention psychosociale. En 1978, adieu toxicomanie, bonjour santé au

travail. Ses employeurs : Hydro-Québec, la Ville et la Communauté urbaine de Montréal.

Puis, la praticienne devient adjointe au directeur du programme d’aide aux médecins

du Québec. Depuis 1998, elle est médecin conseil à la CSST et siège à un comité de travail

consacré à la santé mentale au travail. En 2002, elle décide de prendre sa retraite.

Mais avant de laisser partir cette femme exceptionnelle, Prévention au travail a voulu

lui poser quelques questions sur un sujet préoccupant qui lui tient à cœur et touche

désormais toute la planète, la santé mentale au travail et, par ricochet, la violence.

nous a aidés, celui du choc post-traumatique. On a découvert que les victimes de hold-up pouvaient subir des lésions physiques, certes, mais elles pouvaient aussi souffrir d’un choccérébral et de symptômes différents deceux observés dans les cas de dépres-sion. Il existait donc autre chose que la surcharge de travail ! Et c’est là quele concept de violence au travail a surgi.La violence pouvait venir des clients,oui, mais aussi des organisations. Et lesresponsables n’étaient pas seulementdes patrons, mais également des tra-vailleurs entre eux.

PT O Alors, quand la CSST vous a demandé de participer aux travauxde son comité sur la violence au travail, en 1998, vous ne pouviez pasrefuser…

MC O J’ai dit oui avec plaisir ! J’ai participé à presque toutes les réunions et cheminé avec les représentants des Directions de l’indemnisation et de laréadaptation, de la prévention-inspec-tion, des services médicaux, de la statis-tique et de la gestion de l’information etde quelques directions régionales. Notrepremière constatation, l’heure n’est plus au questionnement. Il faut accepter la réalité, ne plus se fermer les yeux, admettre que dans un milieu de travail

des événements, des circonstances peuvent surgir qui vont violenter une ou des personnes. Mais il nous fallaitnéanmoins progresser avec prudence,nous assurer de marcher sur du solide.Nous avons travaillé de façon métho-dique. D’abord, nous avons pris connais-sance de tout ce qui a été écrit sur la violence au travail ici et ailleurs dans lemonde. Puis nous avons analysé toutesles statistiques disponibles à la CSST.

PT O La situation s’aggrave-t-elle ouest-ce seulement parce qu’on en parledavantage ?

MC O La violence existe depuis que lemonde est monde, seules ses manifes-tations changent au fil des siècles. Le11 septembre 2001, nous avons assisté à une de ses manifestations les plus extrêmes. Mais il faut prendre cons-cience que chaque être humain a un potentiel intérieur de violence. Si l’onveut faire de la prévention, il faut com-mencer à travailler sur soi, à apprendreà utiliser autrement cette énergie-là. Par ailleurs, ce qui est différent, aujour-d’hui, c’est que l’on commence à nom-mer les choses, à cerner les multiplesmasques de la violence. C’est excellentparce que ça encourage les victimes àparler, mais ça ne veut pas dire qu’ellesvont s’en remettre pour autant !

PT O Justement, quels sont les effetsde la violence sur la victime ?

MC O Elle est fortement ébranlée, démolie dans son estime de soi. Sur le plan strictement physique, elle dort mal, digère mal, se sent mal. C’est graveparce qu’elle peut, à cause de sa grandevulnérabilité, souffrir de dépression,d’anxiété chronique, de phobie. Cer-taines victimes peuvent éventuellementse suicider ou encore devenir agresseurset attaquer ceux qui les ont fait souffrir.Vous me rétorquerez : « Oui, mais ça se soigne ! » Ce n’est pas si simple.L’estime de soi, c’est difficile à recons-truire, et c’est du reste pour cette rai-son que l’ACSM, division du Québec,souhaite faire de la prévention auprès des enfants afin de favoriser chez eux,très tôt, une forte estime d’eux-mêmes. Les personnes qui viennent en aide aux victimes de harcèlement psycholo-gique commencent à comprendre que les chances de réadaptation de celles-cisont souvent minces. On n’a pas encoretrouvé comment leur redonner la joie devivre. La blessure est extrêmement pro-fonde. Peut-être en partie parce que leharcèlement peut durer très longtempsavant que la personne craque ou parle.

Elle se tait parce qu’elle a peur de perdre son emploi, d’aggraver sa situa-tion. Parfois elle se dit même que fina-lement, ce qui arrive est de sa faute.

PT O Les milieux de travail ont-ilssaisi la complexité et la gravité de lasituation ?

MC O La prise de conscience est inégale. Certains milieux progressentplus vite que d’autres, particulièrementen matière de prévention. Le premier exemple de prévention dont j’ai été té-moin m’a impressionnée. Ça s’est passéà l’aluminerie Alouette de Sept-Îles. Uninfirmier des services de santé a élaboréde façon intelligente, avec le soutien dessyndicats et des patrons, un programmequi a été un franc succès. Au départ, l’usine venait d’embaucher des femmesdans des métiers non traditionnels. Il devenait urgent de corriger certainscomportements violents, un langage etdes relations humaines « un peu beau-coup rudes ». L’infirmier a organisé unecampagne de respect avec des pièces de théâtre jouées par des travailleurs invités à illustrer des situations d’irres-pect. L’initiative semble avoir eu poureffet de changer les comportements.

PT O Au cours des deux ou troisdernières années, employeurs et syndicats ont organisé des colloquessur la violence au travail. C’est unbon signe, non ?

MC O Oui, on sent que ça commenceà bouger. En mai 2001, l’ACSM, divi-sion du Québec, avec la collaboration de l’Université du Québec à Montréal etla CSST, a organisé une rencontre depersonnes travaillant dans les domainesde la santé mentale et de la violence autravail. On s’est rendu compte que leQuébec n’était pas en retard. Nous avonsdes spécialistes pour parler de ces ques-tions. Des recherches sont en cours. À la CSST, le comité sur la violence enmilieu de travail dont je fais partie en està l’étape de l’information et de la for-mation. Une session commencera souspeu pour les inspecteurs qui auront à in-tervenir. Si un milieu est insalubre, qu’ily règne une atmosphère de violence, ilappartient à ce milieu de se prendre encharge. En présence de conditions detravail anormales, les inspecteurs de laCSST feront leur travail. Le comité aaussi produit un dépliant pour le secteurbancaire et il entend inviter employeurset travailleurs à produire eux-mêmes desdocuments de ce genre. La CSST estprête à encourager et à sensibiliser lesmilieux de travail, à mettre à leur dispo-sition l’impressionnante documentationdisponible à son Centre de documenta-tion, mais elle ne peut pas agir à la placedes travailleurs et des employeurs… Parailleurs, le comité interministériel sur le harcèlement psychologique au tra-vail a repris ses travaux avec un objec-tif clair : « outiller les milieux de travailpour améliorer la prévention du harcè-lement psychologique et le soutien auxvictimes ». Enfin, un projet me tient à cœur, celui de participer à la créationd’un organisme voué à la santé mentaleau travail qui aura pour but de « générerl’engagement des personnes et des orga-nisations intéressées par des objectifs deprévention et de promotion de la santémentale au travail ». L’existence d’un tel organisme favoriserait la cohésion et éviterait les dédoublements entre les acteurs du domaine. Il ferait connaîtreles initiatives pratiques et les travaux derecherche. On saurait qui fait quoi et ceque ça donne sur le terrain. Souhaitez-nous bonne chance ! O

Monique Legault Faucher

| Prévention au travail | Printemps 2003 |46 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 47

Perspectives

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« Si un milieu est insalubre, qu’il y règne une atmosphère de violence,

il lui appartient de se prendre en charge. En présence de conditions

de travail anormales, les inspecteurs de la CSST feront leur travail »,

précise la Dre Cousineau.

Violence au travailComprendre et... agir

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Prévention au travail O AuQuébec, vous avez été une précurseuredans le domaine ?

Dre Michelle Cousineau O Oui,d’une certaine manière. Le concept desanté mentale a émergé en 1974. Maisc’est véritablement en 1981 qu’il a com-mencé à prendre forme. Cette année-là,l’Association canadienne pour la santémentale (ACSM), division du Québec, aorganisé une table ronde à Montebello.Ça m’a intéressée et j’y suis allée. J’étais déjà préoccupée par la question.En fait, je pressentais le problème. Cequi me paraissait inquiétant, c’était qu’à peu près personne ne semblait se rendre compte de ce qui se passait dans les milieux de travail. On parlait alors essentiellement de la santé physique…Après la table ronde, mon nom a com-mencé à circuler. On m’a demandé defaire des évaluations, de participer à diverses réunions de réflexion. Maisc’est grâce à l’épuisement professionnelque la santé mentale est devenue uneréalité. Vous vous souvenez? Au début,c’était glorifié. Quand une personnes’épuise au travail, ça veut dire qu’elleest extraordinaire ! Je me suis intéresséeau phénomène, j’ai donné des confé-rences jusqu’au moment où je me suisdit : « Minute, il n’y a pas que l’épui-sement. Il y a plus. » Un autre concept

Michelle Cousineau, médecin généraliste, a derrière elle une fructueuse carrière.

Ses modèles ? Deux médecins, son père et Albert Schweitzer. Son parcours ? Quelques

années d’exercice clinique suivies de 12 ans de travail en toxicomanie et d’une formation

intensive en intervention psychosociale. En 1978, adieu toxicomanie, bonjour santé au

travail. Ses employeurs : Hydro-Québec, la Ville et la Communauté urbaine de Montréal.

Puis, la praticienne devient adjointe au directeur du programme d’aide aux médecins

du Québec. Depuis 1998, elle est médecin conseil à la CSST et siège à un comité de travail

consacré à la santé mentale au travail. En 2002, elle décide de prendre sa retraite.

Mais avant de laisser partir cette femme exceptionnelle, Prévention au travail a voulu

lui poser quelques questions sur un sujet préoccupant qui lui tient à cœur et touche

désormais toute la planète, la santé mentale au travail et, par ricochet, la violence.

nous a aidés, celui du choc post-traumatique. On a découvert que les victimes de hold-up pouvaient subir des lésions physiques, certes, mais elles pouvaient aussi souffrir d’un choccérébral et de symptômes différents deceux observés dans les cas de dépres-sion. Il existait donc autre chose que la surcharge de travail ! Et c’est là quele concept de violence au travail a surgi.La violence pouvait venir des clients,oui, mais aussi des organisations. Et lesresponsables n’étaient pas seulementdes patrons, mais également des tra-vailleurs entre eux.

PT O Alors, quand la CSST vous a demandé de participer aux travauxde son comité sur la violence au travail, en 1998, vous ne pouviez pasrefuser…

MC O J’ai dit oui avec plaisir ! J’ai participé à presque toutes les réunions et cheminé avec les représentants des Directions de l’indemnisation et de laréadaptation, de la prévention-inspec-tion, des services médicaux, de la statis-tique et de la gestion de l’information etde quelques directions régionales. Notrepremière constatation, l’heure n’est plus au questionnement. Il faut accepter la réalité, ne plus se fermer les yeux, admettre que dans un milieu de travail

des événements, des circonstances peuvent surgir qui vont violenter une ou des personnes. Mais il nous fallaitnéanmoins progresser avec prudence,nous assurer de marcher sur du solide.Nous avons travaillé de façon métho-dique. D’abord, nous avons pris connais-sance de tout ce qui a été écrit sur la violence au travail ici et ailleurs dans lemonde. Puis nous avons analysé toutesles statistiques disponibles à la CSST.

PT O La situation s’aggrave-t-elle ouest-ce seulement parce qu’on en parledavantage ?

MC O La violence existe depuis que lemonde est monde, seules ses manifes-tations changent au fil des siècles. Le11 septembre 2001, nous avons assisté à une de ses manifestations les plus extrêmes. Mais il faut prendre cons-cience que chaque être humain a un potentiel intérieur de violence. Si l’onveut faire de la prévention, il faut com-mencer à travailler sur soi, à apprendreà utiliser autrement cette énergie-là. Par ailleurs, ce qui est différent, aujour-d’hui, c’est que l’on commence à nom-mer les choses, à cerner les multiplesmasques de la violence. C’est excellentparce que ça encourage les victimes àparler, mais ça ne veut pas dire qu’ellesvont s’en remettre pour autant !

PT O Justement, quels sont les effetsde la violence sur la victime ?

MC O Elle est fortement ébranlée, démolie dans son estime de soi. Sur le plan strictement physique, elle dort mal, digère mal, se sent mal. C’est graveparce qu’elle peut, à cause de sa grandevulnérabilité, souffrir de dépression,d’anxiété chronique, de phobie. Cer-taines victimes peuvent éventuellementse suicider ou encore devenir agresseurset attaquer ceux qui les ont fait souffrir.Vous me rétorquerez : « Oui, mais ça se soigne ! » Ce n’est pas si simple.L’estime de soi, c’est difficile à recons-truire, et c’est du reste pour cette rai-son que l’ACSM, division du Québec,souhaite faire de la prévention auprès des enfants afin de favoriser chez eux,très tôt, une forte estime d’eux-mêmes. Les personnes qui viennent en aide aux victimes de harcèlement psycholo-gique commencent à comprendre que les chances de réadaptation de celles-cisont souvent minces. On n’a pas encoretrouvé comment leur redonner la joie devivre. La blessure est extrêmement pro-fonde. Peut-être en partie parce que leharcèlement peut durer très longtempsavant que la personne craque ou parle.

Elle se tait parce qu’elle a peur de perdre son emploi, d’aggraver sa situa-tion. Parfois elle se dit même que fina-lement, ce qui arrive est de sa faute.

PT O Les milieux de travail ont-ilssaisi la complexité et la gravité de lasituation ?

MC O La prise de conscience est inégale. Certains milieux progressentplus vite que d’autres, particulièrementen matière de prévention. Le premier exemple de prévention dont j’ai été té-moin m’a impressionnée. Ça s’est passéà l’aluminerie Alouette de Sept-Îles. Uninfirmier des services de santé a élaboréde façon intelligente, avec le soutien dessyndicats et des patrons, un programmequi a été un franc succès. Au départ, l’usine venait d’embaucher des femmesdans des métiers non traditionnels. Il devenait urgent de corriger certainscomportements violents, un langage etdes relations humaines « un peu beau-coup rudes ». L’infirmier a organisé unecampagne de respect avec des pièces de théâtre jouées par des travailleurs invités à illustrer des situations d’irres-pect. L’initiative semble avoir eu poureffet de changer les comportements.

PT O Au cours des deux ou troisdernières années, employeurs et syndicats ont organisé des colloquessur la violence au travail. C’est unbon signe, non ?

MC O Oui, on sent que ça commenceà bouger. En mai 2001, l’ACSM, divi-sion du Québec, avec la collaboration de l’Université du Québec à Montréal etla CSST, a organisé une rencontre depersonnes travaillant dans les domainesde la santé mentale et de la violence autravail. On s’est rendu compte que leQuébec n’était pas en retard. Nous avonsdes spécialistes pour parler de ces ques-tions. Des recherches sont en cours. À la CSST, le comité sur la violence enmilieu de travail dont je fais partie en està l’étape de l’information et de la for-mation. Une session commencera souspeu pour les inspecteurs qui auront à in-tervenir. Si un milieu est insalubre, qu’ily règne une atmosphère de violence, ilappartient à ce milieu de se prendre encharge. En présence de conditions detravail anormales, les inspecteurs de laCSST feront leur travail. Le comité aaussi produit un dépliant pour le secteurbancaire et il entend inviter employeurset travailleurs à produire eux-mêmes desdocuments de ce genre. La CSST estprête à encourager et à sensibiliser lesmilieux de travail, à mettre à leur dispo-sition l’impressionnante documentationdisponible à son Centre de documenta-tion, mais elle ne peut pas agir à la placedes travailleurs et des employeurs… Parailleurs, le comité interministériel sur le harcèlement psychologique au tra-vail a repris ses travaux avec un objec-tif clair : « outiller les milieux de travailpour améliorer la prévention du harcè-lement psychologique et le soutien auxvictimes ». Enfin, un projet me tient à cœur, celui de participer à la créationd’un organisme voué à la santé mentaleau travail qui aura pour but de « générerl’engagement des personnes et des orga-nisations intéressées par des objectifs deprévention et de promotion de la santémentale au travail ». L’existence d’un tel organisme favoriserait la cohésion et éviterait les dédoublements entre les acteurs du domaine. Il ferait connaîtreles initiatives pratiques et les travaux derecherche. On saurait qui fait quoi et ceque ça donne sur le terrain. Souhaitez-nous bonne chance ! O

Monique Legault Faucher

| Prévention au travail | Printemps 2003 |46 | Prévention au travail | Printemps 2003 | 47

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« Si un milieu est insalubre, qu’il y règne une atmosphère de violence,

il lui appartient de se prendre en charge. En présence de conditions

de travail anormales, les inspecteurs de la CSST feront leur travail »,

précise la Dre Cousineau.

Violence au travailComprendre et... agir

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