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1l la personnalité schizoide Introduction, épidémiologie Parmi les personnalités pathologiques, les personnalités schizoïdes sont comparables à ces planètes lointaines, difficilement visibles et dont on devine seulement I'existence à partir de leur influence sur d'autres objets célestes. Il s'agit, en effet, de sujets solitaires, froids, distants, tournés sur eux-mêmes, qui paraissent ne pas en souffrir et, de ce fait, semblent ne pas avoir de motivation particulière pour consulter un psychiatre. Sans amitiés ni fréquentations, ils s'adonnent à des passe- temps solitaires et exercent avec indépendance leurs activités profession- nelles. Ils paraissent flegmatiques, inaptes à la tendresse comme à la colère, indifférents aux éloges et aux critiques, apparemment décon- nectés de leur environnement social, sans pour autant être marginaux ou anticonformistes, bien au contraire. Parfois, leur cercle relationnel se résume à quelques individus (un parent proche, une amie, à l'égard desquels ils maintiennent un contact distant par crainte de I'envahisse- ment). Ce sont donc plutôt ces derniers qui viennent rechercher une aide psychologique à force de déconvenues et d'interrogations sur la nature des sentiments qu'on leur porte. Plus rarement, ils paraissent souffrir de la singularité de leur isolement et de leur froideur émotionnelle, d'autant que leur attachement aux conventions sociales les amène à ressentir inconfortablement leur particularité. Leur conformisme objectif dissi- mule une êtrangeté subjective. C'est pourquoi ils constituent une des personnalités pathologiques dont le diagnostic est le plus rare, peut-être en raison d'un biais de recrutement. En dépit de sa rareté, cette catégorie diagnostique a résisté aux diffé- rents avatars de la classification DSM et persiste dans le CIM-10. Le concept de personnalité schizoïde est, en effet, un grand classique qui tire son origine des observations de Kraepelin sur la similarité entre la person- nalité prémorbide des sujets atteints de dementia praecox et celle de leur proche entourage familial souvent affecté, selon lui, des mêmes caractéris- I I Introducrion. épidémiologie I tiques de timidité, docilité, retrait et incapacité à établir des liens sociaux. La fréquence de la pathologie non psychotique dans la proche famille évoquait, pour le père fondateur de la nosographie psychiatrique, un tempérament prédisposant. Bleuler forgea le terme schizoi'de pour décrire une tendance à I'introspec- tion et à I'isolement, I'absence d'expression émotionnelle, I'association contradictoire d'émoussement affectif et d'hypersensibilité, et la poursuite d'intérêts vagues ou mystérieux. Kretschmer insista sur la contradiction entre une apparente froideur et une hypersensibilité intérieure avec une exaltation de la vie imaginaire, un refuge dans un monde d'abstractions et de rêveries plus ou mois désincar- nées, caractéristiques qui n'ont pas été retenues dans le DSM-IV, mais persistent dans la CIM-10. Cette longue tradition clinique, jointe à I'absence d'argument clinique décisif en faveur de sa suppression, explique la survie de la catégorie < personnalités schizoïdes > dans le DSM-IV, en dépit des controverses sur sa pertinence clinique. L'existence d'un continuum avec les personnalités évitantes et schizotypiques avec lesquelles elles partagent des critères de retrait social est douteuse, en raison de la vive souffrance psychique des premières et des bizarreries des secondes. La prévalence dépend des critères d'inclusion. C'est ainsi que Kalus et Bernstein (1993) ont comparé dans 14 études la prévalence des personna- lités schizoides et retrouvé des pourcentages de 0 à 5Va avec une moyenne 77o dans le DSM-III et des pourcentages de lVo à 167o, avec une moyenne à 8,5Va dans le DSM-III-R. La comparaison par Morey (1988) des critères d'inclusion entre le DSM-III et le DSM-III-R (respec- tivement 3 contre 7) a montré que ce dernier augmentait la sensibilité du tliagnostic au détriment de sa spécificité. De ce fait la fidélité entre les deux classifications est inférieure au seuil de signification statistique (Kappa = 0, 091). En revanche il esr prévisible que la fidélité enrre DSM-III-R et DSM-IV soit bonne, compte tenu des faibles modifications introduites par ce tlcrnier. Même s'ils sont peu fréquents, les troubles de la personnalité de type schizoide sont à I'origine d'une vive souffrance psychique souvent occultée par une indifférence de façade, mais toujours ressentie par les ;lroches importants qui en font les frais. On est donc souvent conduit à rrtiliser les techniques cognitives <(par procuration>, pour aider les victimes d'une quête affective infructueuse, confrontées à I'indifférence rle leur destinataire. Enfin il est nécessaire de différencier la permanence des traits de Pcrsonnalité schizoide et le caractère transitoire ou récent des réactions :riguës d'allure schizoide, qui peuvent être consécutives à une transplanta- tion géographique ou à l'usage de toxiques.

Schizoïdes et schizotypiques

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Portrait de la personnalité pathologique défini par le trouble shizoïde.

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Page 1: Schizoïdes et schizotypiques

1l

la personnalité schizoide

Introduction, épidémiologie

Parmi les personnalités pathologiques, les personnalités schizoïdessont comparables à ces planètes lointaines, difficilement visibles et donton devine seulement I'existence à partir de leur influence sur d'autresobjets célestes. Il s'agit, en effet, de sujets solitaires, froids, distants,tournés sur eux-mêmes, qui paraissent ne pas en souffrir et, de ce fait,semblent ne pas avoir de motivation particulière pour consulter unpsychiatre. Sans amitiés ni fréquentations, ils s'adonnent à des passe-

temps solitaires et exercent avec indépendance leurs activités profession-nelles. Ils paraissent flegmatiques, inaptes à la tendresse comme à lacolère, indifférents aux éloges et aux critiques, apparemment décon-nectés de leur environnement social, sans pour autant être marginaux ouanticonformistes, bien au contraire. Parfois, leur cercle relationnel se

résume à quelques individus (un parent proche, une amie, à l'égarddesquels ils maintiennent un contact distant par crainte de I'envahisse-ment). Ce sont donc plutôt ces derniers qui viennent rechercher une aidepsychologique à force de déconvenues et d'interrogations sur la naturedes sentiments qu'on leur porte. Plus rarement, ils paraissent souffrir dela singularité de leur isolement et de leur froideur émotionnelle, d'autantque leur attachement aux conventions sociales les amène à ressentirinconfortablement leur particularité. Leur conformisme objectif dissi-mule une êtrangeté subjective. C'est pourquoi ils constituent une des

personnalités pathologiques dont le diagnostic est le plus rare, peut-êtreen raison d'un biais de recrutement.

En dépit de sa rareté, cette catégorie diagnostique a résisté aux diffé-rents avatars de la classification DSM et persiste dans le CIM-10. Leconcept de personnalité schizoïde est, en effet, un grand classique qui tireson origine des observations de Kraepelin sur la similarité entre la person-nalité prémorbide des sujets atteints de dementia praecox et celle de leurproche entourage familial souvent affecté, selon lui, des mêmes caractéris-

II Introducrion. épidémiologie

I

tiques de timidité, docilité, retrait et incapacité à établir des liens sociaux.La fréquence de la pathologie non psychotique dans la proche familleévoquait, pour le père fondateur de la nosographie psychiatrique, untempérament prédisposant.

Bleuler forgea le terme schizoi'de pour décrire une tendance à I'introspec-tion et à I'isolement, I'absence d'expression émotionnelle, I'associationcontradictoire d'émoussement affectif et d'hypersensibilité, et la poursuited'intérêts vagues ou mystérieux.

Kretschmer insista sur la contradiction entre une apparente froideur etune hypersensibilité intérieure avec une exaltation de la vie imaginaire, unrefuge dans un monde d'abstractions et de rêveries plus ou mois désincar-nées, caractéristiques qui n'ont pas été retenues dans le DSM-IV, maispersistent dans la CIM-10.

Cette longue tradition clinique, jointe à I'absence d'argument cliniquedécisif en faveur de sa suppression, explique la survie de la catégorie< personnalités schizoïdes > dans le DSM-IV, en dépit des controverses sursa pertinence clinique. L'existence d'un continuum avec les personnalitésévitantes et schizotypiques avec lesquelles elles partagent des critères deretrait social est douteuse, en raison de la vive souffrance psychique despremières et des bizarreries des secondes.

La prévalence dépend des critères d'inclusion. C'est ainsi que Kalus etBernstein (1993) ont comparé dans 14 études la prévalence des personna-lités schizoides et retrouvé des pourcentages de 0 à 5Va avec unemoyenne 77o dans le DSM-III et des pourcentages de lVo à 167o, avecune moyenne à 8,5Va dans le DSM-III-R. La comparaison par Morey(1988) des critères d'inclusion entre le DSM-III et le DSM-III-R (respec-tivement 3 contre 7) a montré que ce dernier augmentait la sensibilité dutliagnostic au détriment de sa spécificité. De ce fait la fidélité entre lesdeux classifications est inférieure au seuil de signification statistique(Kappa = 0, 091).

En revanche il esr prévisible que la fidélité enrre DSM-III-R et DSM-IVsoit bonne, compte tenu des faibles modifications introduites par cetlcrnier. Même s'ils sont peu fréquents, les troubles de la personnalité detype schizoide sont à I'origine d'une vive souffrance psychique souventoccultée par une indifférence de façade, mais toujours ressentie par les;lroches importants qui en font les frais. On est donc souvent conduit àrrtiliser les techniques cognitives <(par procuration>, pour aider lesvictimes d'une quête affective infructueuse, confrontées à I'indifférencerle leur destinataire.

Enfin il est nécessaire de différencier la permanence des traits dePcrsonnalité schizoide et le caractère transitoire ou récent des réactions:riguës d'allure schizoide, qui peuvent être consécutives à une transplanta-tion géographique ou à l'usage de toxiques.

Page 2: Schizoïdes et schizotypiques

La p e r s onnalit é s c hizoi'd e

Apparence comportementale

Les individus schizoïdes paraissent mous, léthargiques, peu actifs. Leurexpression verbale est rare et monocorde, leur mimique, impassible. Ilsdonnent une impression de manque de vitalité démentie par un état généralflorissant. Ils semblent continuellement préoccupés, peu réactifs auxsources de stimulation, distraits, guindés, maladroits, ennuyeux. Ils fontbande à part et sont préoccupés par des passe-temps solitaires (micro-informatique, collections), ou des centres d'intérêts abstraits, des spécula-tions complexes qui contribuent à les isoler davantage de la société. Ilsaffectionnent notamment les sciences humaines, Ia philosophie, mais defaçon désincarnée, sans pratique sociale concomitante: ils peuvent ainsidevenir des érudits en théologie sans jamais pratiquer aucune religion, êtredes encyclopédies psychanalytiques ambulantes sans s'être jamaisallongés sur un divan, mais non sans décrypter tous les propos ou les actesde leurs proches dans un réseau d'interprétations irréfutables. Ils révèrentou s'adonnent à des formes d'art hermétiques dont ils jouissent solitaire-ment et veillent à préserver le secret de leurs æuvres, quitte à les détruirelorsqu'on les presse trop de les exhiber.

Conduite interpersonnelle

Le splendide isolement, le refuge dans la tour d'ivoire, la prise dedistance à l'égard de tout contact humain, constituent des stratégiespermanentes des individus schizoides. Leur impassibilité témoigne d'uneincapacité à percevoir les sentiments d'autrui ou à les prendre en compte.Il en résulte une incapacité aux échanges, à la réciprocité dans les interac-tions sociales. Ils répondent rarement aux salutations conventionnelles,paraissent absents, amimiques pendant les échanges, sans qu'un hoche-ment de tête permette de déceler leur approbation éventuelle. Ils nedétournent pas pour autant leur regard, mais celui-ci paraît lointain,songeur, comme absorbé en lui-môme. Ils répondent par monosyllabes, oude façon laconique, aux questions pressantes, à moins qu'ils ne restentenfermés dans un mutisme qui peut d'abord paraître oppositionnel, avantd'être perçu comme le témoin d'une froideur incompréhensible. Ils se

montrent incapables de recevoir ou de donner de I'affection, imperméablesaux sentiments amoureux. Ils paraissent se suffire à eux-mêmes et, de ce

fait, exercent paradoxalement une certaine fascination. Certaines femmesromantiques s'éprennent volontiers d'individus schizoides dont la froideurexerce sur elles le même attrait irrésistible que la feinte indifférence d'undon Juan. Ce cercle vicieux passionnel est loin d'être rare ou un pur cas defiction littéraire. Il motive même la plupart des demandes d'aide psycho-thérapique émanant des partenaires de personnalités schizoïdesmalencontreusement élues pour âmes-sæurs. Plus Ia quête d'affection se

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l'i4t re ssion émotionnelle

lait pressante, plus I'intéressé devient inaccessible par peur de I'invasion,ce qui ne manque pas d'exacerber I'ardeur déçue, I'intensité du siègelmoureux et de donner lieu à des péripéties plus ou moins tragiques. Leslares relations sexuelles, dépourvues de tendresse, se déroulent mécani-quement, telles une formalité hygiénique. Leurs partenaires en conçoiventune vive frustration mais leurs griefs se heurtent à une incompréhensiclnglaciale.

Expression émotionnelle

L'humeur habituelle des individus schizoïdes est donc régulière, plate,nronotone. Ils vaquent paisiblement à leurs activités solitaires sans

éprouver d'états d'âme. Leur registre émotionnel est réduit, imperméable à

la joie comme à la tristesse. Leur sang-froid permanent est moins I'indiced'un caractère bien trempé qu'une milrque d'insensibilité, douloureuse-rnent ressentie par leur entourage. Incapables d'enthousiasme, comme decolère, ils traversent I'existence comme ces personnages mystérieux qui,de L'Étranger de Camus aux héros somnambuliques de Modiano, n'ontcL'ssé de fasciner les écrivains.

Cette perpétuelle indifférence peut, en fait, masquer une réelle souf-l'rance, qu'il s'agisse d'un état de tension consécutif à I'obligation decontacts sociaux ou d'une humeur dépressive liée à la prise de conscienced'une singularité qui discorde avec leurs aspirations confbrmistes. Pluslarement, ils peuvent exprimer des accès de rage froide lorsqu'ils ontI'impression que leur espace vital risque d'être envahi par un tiersirnportun.

Style cognitif

Les individus schizoïdes sont aussi avares de leurs émotions que delours pensées : celles-ci paraissent rares, pauvres, alors même que la vieirnaginative est envahie de rêveries complexes et incessantes. Au courstlr:s thérapies cognitives, la récolte des pensées automatiques est difficile,nroins par réticence que par pénurie. Ces patients semblent éprouver degrandes difficultés à les identifier et préfèrent arguer de leur absence.( ir'âce aux techniques de questionnement socratique ou de < flèche descen-rlante>, il est néanmoins possible de mettre à jour le schéma central, <jesuis à part, je suis seul>, masqué par une nébuleuse de pensées floues quis'apparentent à des banalisations du style (à quoi bon!>, <quelle impor-llnce?>>, <ça m'est égal>, ou à des clichés tels que <il vaut mieux êtrescul que mal accompagné>.

Les croyances secondaires sont plus rigides: <la vie serait moinst ornpliquée sans les autres >>, < rien ne m'intéresse >, < les gens sont source

Page 3: Schizoïdes et schizotypiques

Étiopathogénie

La personnalité schizolde

de problèmes>>, <<cela ne vaut pas la peine de se compliquer la vie>, <ilvaut mieux que je fasse cela par moi-même. >

Les sujets schizoïdes peuvent donner I'illusion d'un contentement de

soi, mais bien souvent ils se sentent sans vie, maladroits, ennuyeux, ratés.

Leur apparente autosuffisance n'est pas de I'autosatisfaction. Les pensées

dysfonctionnelles les plus fréquemment retrouvées sont < <je me sens

vide>, <je n'ai envie de rien>, <je suis différent>, <je fais semblant de

m'intéresser aux autres, mais dans le fond ils m'ennuient>, et témoignentd'une perception de soi dévalorisée. Les autres sont perçus comme intru-sifs, importuns, sans gêne, cherchant à exercer leur emprise: <les gens

cherchent toujours à me mettre le grappin dessus >, < je préfère rester seul >

est la conclusion de ce constat amer.

Peu de données cliniques sont disponibles pour étayer les différenteshypothèses selon lesquelles les personnalités schizoïdes résultent deprocessus constitutionnels ou acquis par les relations précoces.

Gunderson (1983) suggère que les frontières de la schizophrénie s'éten-dent au-delà des troubles de l'axe I, et concernent à la fois les

personnalités schizoides et schizotypiques, alors que Baron (1985) estimequ'elles ne concernent que les secondes. Selon l'orientation théorique des

auteurs, les facteurs biologiques ou psychologiques, qu'ils soient innés ouacquis, sont mis en exergue mais sont tous largement spéculatifs. Wolff etBarlow (1979) ont émis I'hypothèse que les enfants schizoides utilisaientun nombre réduit de << constructs >> en raison des déficiences de stimulationet d'apprentissage par des parents eux-mêmes inhibés, froids et distants.

Thérapeutique

Peu de sujets schizoides formulent spontanément une demande de trai-tement. Des modifications majeures de leur personnalité sont hautementimprobables (Millon, 1981), aussi les objectifs resteront-ils modestes :

réduire I'isolement social, développer des compétences sociales, aban-

donner progressivement le style de pensée vague et global, accorder uneplus grande importance aux émotions.

Ils se voient recommander la simulation d'émotions, tant positives que

négatives, à I'occasion de jeux de rôle, si possible en groupe, en vue defaire concrètement I'expérience de contacts humains et d'accroître leurscompétences sociales. Les conséquences de I'isolement social sont exami-nées avec leurs avantages et leurs inconvénients. Les pensées

automatiques vagues et dysfonctionnelles sont enregistrées (<à quoibon?>, <quelle importance?>, <quel intérêt?>). Les détails émotionnels

-l'I'hérapeutique

sont identifiés. Un programme d'activités agréables et récréatives estprogrammé en s'aidant des techniques comportementales de Lewinson(échelle d'événements agréables).

Le maintien d'une relation thérapeutique satisfaisante est un véritabledéfi à la patience du thérapeute, non seulement parce que la motivation auchangement paraît faible, mais aussi à cause du retrait, de la réticence deces patients qui ont tendance à percevoir les interventions du thérapeutecomme une intolérable ingérence dans leur territoire privé. Il est doncindispensable, pour le thérapeute, d'utiliser intensivement pour lui-mêmeles techniques cognitives, de s'efforcer de ne pas porter de jugements devaleur sur les réactions du patient, et de renforcer systématiquement toutesles interactions positives à l'égard desquelles il doit être à I'affût.

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Page 4: Schizoïdes et schizotypiques

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la personnalité schizotypique

Définitions, épidémiologie

La personnalité schizotypique a été décrite par Rado en 1953 pour indi-vidualiser certains troubles traduisant une prédisposition génétique à laschizophrénie, troubles bien différents de ceux qui caractérisent la person-

nalité schizoTde. Par la suite, plusieurs auteurs, en particulier Kendler,Gruenberg et Strauss (1981) ont confirmé la présence parmi les proches

des schizophrènes de personnalités schizotypiques, les personnalités schi-

zoides et état-limite n'étant pas retrouvées dans ce contexte. De la sorte,

les éléments paucisymptomatiques retrouvés chez les schizotypiques pour-raient constituer I'amorce fondamentale du trouble schizophrénique lui-même.

Si I'on reprend les différentes définitions données par les DSM, les

traits spécifiques de la personnalité schizotypiques sont les croyances

étranges et les perceptions inhabituelles. Sous le terme d'étrangeté, ces

traits psychologiques ne concernent pas seulement des attitudes déviantespar rapport à un groupe défini culturellement, mais des expériencespsychiques qui se situent en dehors des habitudes naturelles de penser. Leschizotypique n'est pas un hippie, un original ou un marginal qui adopte-

rait, par goût ou par provocation, une idéologie excentrique, c'est un

individu qui, sans doute pour des raisons neuropsychologiques, se trouvesoumis à des débordements intellectuels incontrôlables.

Visionnaire, illuminé, inspiré, le schizotypique se trouve pris dans des

phénomènes de déréalisation et de dépersonnalisation intenses qui lui fontdouter de laréalité habituelle et qui I'amènent à développer des croyances

surnaturelles. L'étrange ou le surprenant, les sentiments de déjà-vu et de

déjà-vécu réalisent des ambiances, des illuminations - au sens rimbaldiendu terme - qui rivalisent avec le quotidien ordinaire. Les souvenirs

s'imposent avec force, I'avenir paraît vécu en direct, un autre monde se

réalise qui prime sur les permanences sensorielles. Ces états de rêveries

trop fortes peuvent être identifiés comme tels, s'apparenter à l'évocation

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D ëfi nitions. ë p i d é mi o I o gi e

poétique ou à la création romanesque. A un stade de plus, cependant, leschizotypique va construire sur ces exaltations non contrôlées descroyances plus structurées qu'il tente de faire partager aux autres : il croitrevenir à une époque antérieure, communique avec une personne disparue,pressent I'avenir, développe des rapprochements superstitieux; il est undevin, un mage, un visionnaire que l'intuition dirige. A un stade de plusencore, le schizotypique attribue ces différentes sensations à une autrepersonne. Nous entrons dans le domaine des communications extra-sensorielles : télépathie, influence, devinement de la pensée, impression dene plus être soi-même, de ne plus s'appartenir. C'est la durée des phéno-mènes en question, leur caractère récurrent, contrôlable ou imposé quivont en déterminer la nature plus ou moins pathologique.

Ces expériences étranges peuvent être recherchées par le poète - le

voyant au sens de Rimbaud -, le mystique ou le toxicomane. Ellespeuvent s'imposer de façon forte, mais temporaires, tout en générant descroyances permanentes, spiritistes ou parascientifiques, et il s'agit alorsd'un trouble schizotypique. Elles peuvent enfin prendre un caractère chro-nique et retentir de façon importante sur I'insertion sociale; le trouble estalors schizophrénique.

Il en va de même dans I'ordre du langage qui se surcharge de méta-phores, de digressions et de détails inutiles. Le soliloque est fréquent toutcomme le maniérisme, parfois surchargé de stéréotypies et de rires auto-matiques. Le cursus scolaire et I'insertion sociale sont difficiles mais nondouloureux. Le sujet, occupé par son théâtre intérieur, se consacre à destâches personnelles, bricolages ou collections, éruditions ou talents, àcaractère ésotérique. Il n'est pas forcément timide et, à I'occasion, répandsans retenue ses expériences intérieures, confidence que ne bride aucunsouci de reconnaissance. Se sentant lui-même étranger, le schizotypiquene poursuit guère I'illusion de convaincre ou de partager. Il en résulte defâciles ruptures, peu d'attachements, et bien souvent des errances margi-nales, sans toit ni loi, qui sont à Ia limite du voyage pathologique.Plusieurs personnages romanesques, souvent décrits au début du siècle, àune époque où les flux de populations faisaient sortir du fond de leurrnonde intérieur ces papillons de nuit, ont illustré ces trajectoires fasci-nantes. Le prince Muichkine, I'Idiot de Dostoi'evski, Johan Nagel, le hérostle Mystères de Knut Hamsun, le Loup des Steppes de Herman Hesse ensont quelques exemples.

Autour de ce noyau central que constituent les croyances étranges et les

;rerceptions inhabituelles, d'autres troubles retrouvés chez le schizoty-pique sont à la fois moins spécifiques et plus apparents. Ils concernentlrois domaines: les relations sociales, qui sont perturbées, le sujet étantsolitaire, distant, marginal; la logique mentale et le langage qui sontcomplexes et inhabituels; I'affectivité qui est inappropriée et réservée.

Page 5: Schizoïdes et schizotypiques

La p e rsonnalité s c hizotypique

L'ensemble de ces troubles doivent être considérés, pour des raisons

étiologiques, comme proches de la schizophrénie et leur compréhensionpsychopathologique se fera dans le champ de cette affection. Selon l'étudeévolutive pratiquée par W.S. Fenton et T.H. MacGlashan (1989), 167o

parmi 105 sujets schizotypiques ont été considérés comme schizophrènes

lorsqu'ils oît été réexaminés quinze ans après le premier diagnostic.

Enfin, les personnalités schizotypiques sont fréquentes chez les proches du

premier degré des sujets schizophrènes : 14,6Va contre 2,17o dans des

familles de témoins avec l'échelle SADS pour Baron (1985).

Étudiée dans le population générale grâce à plusieurs questionnaires, lapersonnalité schizotypique se révèle assez fréquente. Elle est retrouvée

avec une prévalence de 0,6 7o avec le SCID en Allemagne par Maier(t992). Les taux sont beaucoup plus élevés dans les études américaines:5,17o pour Reich avec le PDQ (1989), 5,67o pow Zimmerman et Coryellavec le même instrument, la prévalence étant à 3 Vo pour les mêmes

auteurs avec le SIDP (1990) (auteurs cités par G. de Girolamo et J.J. Reich(1ee3).

Les différences de prévalence observées d'une étude à I'autre pourraientêtre dues à I'influence culturelle. Laréféretce à la schizophrénie ne nous

délivre pas de ce facteur. Si, en dehors des études directement psychiatri-ques, nous nous tournons vers I'abord psychologique des croyances et des

états modifiés de la conscience, ceux-ci apparaissent comme fréquents et

variables selon les milieux.

Une étude sociologique réalisée en France par Guy Michelat en 1993

nous montre que 55 7o des sujets croient à la transmission de pensée et auxguérisons par un magnétiseur, que 46 Ea croient à I'explication du carac-

tère par I'astrologie (G. Michelat, 1993). Ces croyances sont en

augmentation par rapport à une étude semblable pratiquée dix ans aupara-

vant, elles sont plus fréquentes chez les femmes et chez les jeunes, chez les

employés par rapport aux ruraux. Elles vont de pair avec une mauvaise

insertion sociale, avec l'intérêt pour la science. Elles sont moins

fréquentes chez les sujets qui pratiquent une religion officielle.

Les états modifiés de la conscience (EMC) étudiés par Georges Lapas-

sade (1987) dans des contextes hypnotiques et religieux, tout comme les

états étranges de la conscience (EEC) étudiés par Jean-Pierre Valla(1992) dans des circonstances à caractère exceptionnel, apparaissent

assez fréquents. Pour MacCready et Greeley, des épisodes d'EEC sont

rapportés par 35 7o des sujets de la population générale de Chicago en

1976. Pour J.-P. Valla, qui a étudié avec soin 49 sujets ayant signalé des

EEC dans la population de Westmount, un quartier de Montréal, ces

états ne relèvent de la pathologie que dans 6,6 7o des cas. Ils sont liés à

des émotions artistiques et religieuses, à la contemplation de la nature,

mais aussi à des événements stressants (25 7o des cas).

Comportement et stratégie interpersonnelle

Le sentiment océanique, avec perte des limites de soi, des émotions etdes sentiments ineffables, un mode de pensée archarQue, un sentiment dedéconnexion, de dédoublement et de dépersonnalisation caractérisent cesétats qui, par définition, sont considérés par les sujets comme des fonction-nements inhabituels de la conscience. Plusieurs auteurs s'opposent selonqu'ils tiennent ces états pour physiologiquement différents de l'état habi-tuel de la conscience (auteurs étatistes) ou pour non différents de l'étathabituel (auteurs non étatistes). Pour les seconds, les EMC ne sont que desrites culturels au cours desquels les sujets s'imaginent être dans un étatparticulier. L'EMC serait alors assimilé à un jeu où la conscience lucidedemeure présente en parallèle: <Dans toute transe, il y a toujours unveilleur. > (G. Lapassade). De ce point de vue, il n'est pas impossible queles réponses à I'enquête de G. Michelat se situent dans une perspectivequasi ludique.

Mais comment différencier nettement les EMC physiologiques et lescroyances populaires des symptômes présentés par les schizotypiques?L'abondance, I'intensité, le caractère récurrent et surtout le non-contrôledes EMC chez les patients constituent une première différence. L'attribu-tion de ces états à des puissances surnaturelles ou à I'influence d'une autrepersonne plutôt qu'à un dérèglement de la conscience constitue undeuxième repère. Enfin et surtout, I'isolement social et la méfiance sépa-rent nettement le schizotypique de l'amateur éclairé d'EMC.

Comportement et stratégie interpersonnelle

Plus qu'isolé et distant, le schizotypique est excentrique, bizarre,anormal. Il vit dans une crainte sensitive des autres, mais celle-ci est plusfàite d'incompréhension mutuelle que de persécution. Le schizotypique viten effet dans un système où l'étrange et I'anormal sont sans cesse premiers

. par rapport au sens commun. Original, le schizotypique ne I'est pas parf; goût mais parce qu'il n'arrive pas à savoir - du fait des perceptions inha-', bituelles qui brisent sans cesse la banalité - de quoi est faite la normalité.it Autrement dit, le sujet, sans cesse sollicité par son ivresse intérieure, n,àlj guère le temps ni le loisir de se documenter sur I'opinion des autres. D'où:, tles accoutrements, des mimiques et des ameublements qui se situent entreI I'extravagance, l'à-côté, I'incurie et la stéréotypie.

Gestion des émotions

Les affects du schizotypique se développent en vase clos, de soi à soi,ilu cours de dialogues imaginaires. Sans expériences externes, sans accès àrrtte culture commune des émotions, ces affects sont inappropriés, jaillis-slnt de façon excessive à travers de maigres relations sociales qu'ils

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Page 6: Schizoïdes et schizotypiques

Ikt pe rs onnalité s c hizotypique

brisent au lieu de les étayer. Ainsi, les colères irrationnelles, les émotionsindicibles, les tendresses mal à propos alternent avec les rires inattendus et

les mimiques grimacières - toutes expressions qui n'attendent guère de

retour de la part d'un partenaire plus étonné que compatissant.

Ces bizarreries éloignent le schizotypique du monde social, accroissentson incompétence, sa maladresse, son enfermement en lui-même. Désin-vesti, distrait, bientôt insensible à toute relation suivie, il risque de passer

progressivement de I'anxiété sensitive à la persécution.

Style cognitif

Le domaine cognitif rassemble les symptômes les plus spécifiques de lapersonnalité schizotypique.

Les perceptions inhabituelles constituent le symptôme le plus évident. Ils'agit moins d'hallucinations que d'illusions, de sentiments de déréalisa-tion et de dépersonnalisation. Ce sont des irruptions d'ambiance, des

sensations de déjà-vu, des présences, des atmosphères qui charrient des

souvenirs, évoquent I'avenir, s'imposent de façon prégnante. Le sujet, parexemple, a l'impression de sentir près de lui une personne pourtantabsente ou décédée. Ou il croit se retrouver dans une époque révolue, vivreune ambiance théâtrale. Ces états étranges sont décrits, on le sait, lors des

auras des crises d'épilepsie. Limités dans le temps, critiqués, ils ne parais-sent pas entraîner de croyances délirantes.

Il en va tout autrement chez les schizotypiques qui vont greffer sur ces

perceptions étranges diverses croyances. Ces sujets paraissent en effetprivilégier l'invisible par rapport au visible, le surnaturel par rapport au

naturel. Ils ont le goût du mystère, de l'énigme, de I'au-delà. Animés depressentiments, ils prévoient I'avenir, décèlent les pensées des autres partélépathie. Ils communiquent avec les morts, croient aux coïncidences, à

I'astrologie. Superstitieux, ils refusent le hasard.

A un degré de plus, ils attribuent aux autres I'origine des sentimentsincontrôlés qui les animent. Nous entrons alors dans le syndromed'influence qui peut se produire dans deux sens: ce qui se passe en moiprovient de l'action d'une autre personne; ce qui se passe chez une autrepersonne provient de moi. La personnalisation, proposée par A.T. Beck, leconcernement, décrit par H. Grivois (1995), s'attachent à des phénomènessimilaires que I'on peut résumer de la façon suivante : il existe un lienentre ce qui se passe à I'extérieur de moi-même et mes mouvements inté-rieurs. Dans la personnalisation, le lien est la responsabilité; dans leconcernement, le lien est d'être désigné, interprêté, requis par les autrespour une mission dont le sens est initialement inconnu.

A.T. Beck propose un autre mécanisme : le raisonnement émotionnel.Cette fois-ci, les émotions intérieures, les perceptions inhabituelles sontd'une telle puissance qu'elles s'afïichent comme des certitudes et prennent

Crotances

le pouvoir par rapport aux événements extérieurs; plus précisément, ceux-ci n'en sont plus que les conséquences. C'est donc le règne consacré deI'intuition, qui s'impose sans recours à la moindre logique.

Une telle primauté des certitudes intuitives peut expliquer le caractèreincompréhensible des raisonnements exprimés par les schizotypiques. Lapensée de ces patients est considérée comme peu claire, caractérisée pardes glissements, des interférences, des métaphores originales, des détailspeu démonstratifs. Les raisonnements sont personnels, ne partageant pas lalogique commune. Ils sont sans doute perturbés par des barrages et des

incohérences liés au caractère tumultueux du flux de conscience.

Perception de soi

Les sujets schizotypiques, sans cesse remis en question par leurs percep-tions inhabituelles, se connaissent et s'analysent mal. Ils se sententétrangers à eux-mêmes comme à la société qui les environne. Leur origi-nalité extrême les éloigne en effet des autres qui ne les intéressent pas etqu'ils n'intéressent pas non plus. Ils n'ont guère 1'occasion de s'affirmer etd'être reconnus. De ce fait, ils se sentent particulièrement faibles, vides,incertains. Ainsi leur existence est-elle composée d'une alternance d'exal-tations indicibles et de tristesse solitaire.

Perception des autres

Le sujet schizotypique envie et redoute les autres qui lui paraissent vivredans le confort et la facilité. I1 les sent alternativement lointains, incompré-hensibles, puis soudain intrusifs, disponibles. Ce sont alors desconfidences surabondantes, émouvantes, disproportionnées. A cette tropgrande proximité succèdent la méfiance, bilatérale, l'éloignement et ladéception. Ces relations trop compliquées amènent le plus souvent le sujetà rentrer dans sa solitude et à renforcer sa citadelle intérieure.

Croyances

Les croyances fondamentales du schizotypique s'orientent autour d'unpoint majeur: .l'important esl. ce que je sens et que je ne vois pas". Apartir de là, les différentes croyances comportent les formulationssuivantes : <je sens qu'un événement dramatique va survenir>, <je sens

qu'ils ne vont pas m'aimer>>, <je sais ce qu'il pense)>.

La même ambiance d'agissements impalpables et invisibles amène des

croyances ésotériques. Le schizotypique croit à la télépathie, aux revenants,i\ l'astrologie, etc. Il donne une signification aux coïncidences : <Il y a des

laisons pour tout, rien n'arrive par hasard>. Dans la même perspective, il

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Page 7: Schizoïdes et schizotypiques

La pe rsonnalité schizotypique

est sur ses gardes : <<on ne peut pas se fier aux apparences>. Derrière ce quise montre, 7l sent d'autres réalités, malveillantes.

Psychopathologie, étiologie

La personnalité schizotypique étant par définition reliée à la schizo-phrénie, c'est vers ce syndrome que nous allons nous tourner pour aborderl'étiologie cognitive de ce trouble. Pour Christopher Frith {1992), la schi-zophrénie comporte des déclenchements automatiques ou involontaires depensées, de paroles, de gestes ou de sensations qui ne sont pas perçus parle sujet comme provenant de lui-même. Le champ de conscience du schi-zophrène est ainsi envahi en pennanence par des éléments intrusifs quidésorganisent sa logique et ses représentations du monde. Les stéréoty-pies, le syndrome d'influence, l'automatisme mental se situent dans ce

contexte. Ne pouvant expliquer ces intrusions anormales par des phéno-mènes naturels - ou médicaux - les sujets les attribuent à des puissancesextérieures : voisins, ondes, divinité. Les croyances délirantes se greffentsur ces raisonnements. D'une façon générale, les phénomènes étranges,situés au-delà, deviennent plus obsédants que la quotidienneté régulière.Aussi bien les connaissances culturelles, sémantiques, que la logiquecomparative, hiérarchisée, référal:rt au bon sens s'en trouvent ébranlées.

Pour expliquer ces phénomènes, C. Frith suppose que chacune de nosactions, pensées, paroles, sensations comporte une copie de réafférencequi renseigne la conscience - ou un moniteur central - sur ce que lesujet effectue, c'est ce que I'on appelle awsi le feed-back. Le phénomèneest bien connu pour I'oculo-motricité. Quand nous tournons rapidementles yeux d'un côté à I'autre, notre monde ne vacille pas parce que lesmuscles oculo-moteurs renseignent notre cortex visuel quant à ces mouve-ments. Mais cela ne se produit pas quand avec notre doigt nous mobilisonsnotre globe oculaire; dès lors notre monde est ébranlé.

Plusieurs recherches pratiquées en imagerie fonctionnelle paraissentconfirmer les hypothèses de C. Frith. Les hallucinations verbales iraient depair avec une augmentation du métabolisme dans les ganglions de la baseet certaines régions temporales, le métabolisme frontal étant réduit(M. Musalek, 1989). Parallèlement, on observerait aussi une diminutiondu métabolisme temporal postéro-supérieur correspondant à I'aire deWernicke, ce qui pourrait correspondre au défaut de copie de réafférence(Cleghorn, 1992).Le cortex cingulaire, dont le métabolisme est augmenté,serait impliqué dans la discrimination entre les vocalisations et les autresinformations auditives (Gray, 1991).

L'incontrôle - pulsionnel, émotionnel, gestuel - est le fait d'unegrande partie de la pathologie psychiatrique, qu'il s'agisse d'anxiété, de

dépression ou de personnalités pathologiques. C'est le sentiment de non-appartenance à soi de ces impulsions qui fait la spécificité de la schizo-

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phrénie et des personnalités schizotypiques. Les troubles du raisonnementet de l'organisation de la pensée évoluent en parallèle et pourraients'expliquer, en partie, par I'isolement social.

Reste à démêler I'origine véritable de ces troubles. On peut avecT. Millon les considérer comme secondaires à un isolement sensoriel etsocial. Hypostimulés, peu sollicités par des stimuli venant de I'extérieur,la réticulée ascendante et le système limbique se verraient envahis par lesrêveries intérieures qui prendraient le pouvoir. Dans certains cas, une atti-tude carrément hostile de l'entourage renforcerait ce processus en yajoutant une note paranorde. Une fois ces fonctionnements mis en place, lamaladresse, le maniérisme, I'incompétence du schizotypique renforce-raient toutes ces tendances. A côté de cette étiologie psychologique, uneautre perspective, éventuellement compatible avec la première, metI'accent sur I'origine génétique des troubles. Elle a I'avantage d'êtreappuyée par des résultats objectifs (Baron, 1985).

Thérapeutique

Ces approches étiologiques variées n'empêchent pas la thérapeutiquequ'4. Beck aborde courageusement. La première étape du traitement estcomportementale. Il faut inviter le schizotypique à nouer des relationssociales, à s'y adapter, c'est-à-dire à répondre aux sollicitations des autrespar des réponses appropriées. Cette invitation aux bonnes mæurs et à uneprésentation plus conforme a surtout pour but de réduire I'agressivité quipourrait se manifester à l'égard du patient. On peut espérer qu'il seramieux accueilli. Il faut ensuite travailler sur les pensées automatiques enamenant le schizotypique à faire un tri serré entre tout ce qui concerneI'imaginaire, I'intuitif et le supposé d'une part, et ce qui est objectif etvérifié d'autre part. De la même façon les raisonnements émotionnels etimpulsifs seront ralentis, domestiqués, soumis à I'exigence de la preuve oude la démonstration. Ainsi les idées de malveillance, les procès d'inten-tion, les soupçons seront-ils amenuisés. Mais il sera difficile d'évacuerl'ésotérisme qui offre - ou plutôt qui vend - dans le champ médiatiqueses sectes et ses prophètes. Le thérapeute amènera enfin le schizotypique àhiérarchiser les détails qu'il observe dans l'environnement. Il devra faire letri entre ce qui est important, majeur, culturellement signifiant et ce qui n'aque des résonances personnelles ou poétiques.