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Le magazine de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale Réforme de la pharmacovigilance Entretien avec Xavier Bertrand Stimulation cérébrale Succès confirmés ! Épidémie à Escherichia coli Une question de résistance Les secrets de l’ apprentissage Cerveau

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Stimulation cérébraleSuccès confirmés !

Épidémie à Escherichia coliUne question de résistance

Les secrets del’apprentissage

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Gardez le lien avec l’Inserm

L’Inserm lance son application iPhoneS&sN°4_Couverture c_2.3.4eV.indd 2 31/08/11 19:13

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 3

Ce mois-ci, Science & Santé consacre son « Grand Angle » aux sciences cognitives et montre que nos capacités cérébrales nous permettent d’acquérir et de sélectionner des informations, de les stocker puis de les utiliser pour prendre des décisions, guider nos pensées et nos actions. Comprendre les bases cérébrales des

particularités de la cognition humaine est un enjeu de recherche fondamentale mais également un enjeu éthique et de santé publique. En effet, depuis quelques années, on voit émerger des phénomènes tels que les méthodes « d’amplifi cation cognitive», qu’il s’agisse de produits pharmaceutiques, d’aliments ou des programmes d’entraînement cérébral plus ou moins rigoureux. La communauté neuroscientifi que a bien évidemment une responsabilité importante dans ce domaine. Nous découvrons également à travers ce dossier que les compétences cognitives (attention et vigilance, capacités d’apprentissage et de mémorisation) varient selon le cycle circadien, pouvant parfois expliquer des dysfonctionnements cognitifs. Un enjeu majeur est l’éducation, processus qui modifi e le fonctionnement cérébral, avec le développement de la neuro-éducation. Les neurosciences de l’apprentissage, qui s’intéressent à l’ontogenèse des systèmes de connaissance (matière scolaire fondamentale mais aussi base du développement social et affectif de l’enfant) et à leurs bases cérébrales, sont appelées à jouer un rôle fondamental dans la conception de nouvelles méthodes d’enseignement et dans le traitement de troubles cognitifs développementaux.

Alexis Brice et Bernard Bioulac, co-directeurs de l’Itmo Neurosciences,

sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

À LA UNE 4 Épidémie

Les bactéries font de la résistance

DÉCOUVERTES 6 Récepteur IRR

Le détecteur de pH 9 Imagerie biphotonique

Dans l’intimité de nos neurones 10 Cancer

Pourquoi les cellules ont la bougeotte 11 Assistance médicale à la procréation

Où en est la France ? 13 Cancer

Un traitement en temps et en heure

TÊTES CHERCHEUSES 14 Atip-Avenir

Des jeunes qui ont le vent en poupe

REGARDS SUR LE MONDE 17 États-Unis Un pas contre la paralysie

CLINIQUEMENT VÔTRE 18 Stimulation cérébrale profonde

Succès confi rmés ! 20 Biotechnologie

Des globules rouges made in France

GRAND ANGLE 22 Cerveau

Les secrets de l’apprentisage

MÉDECINE GÉNÉRALE 38 Télémédecine

Une pratique médicale à part entière 40 Stress professionnel

Le généraliste en première ligne

ENTREPRENDRE 42 MicroARNs Des régulateurs pleins d’avenir

STRATÉGIES 44 Politique du médicament

Xavier Bertrand : « Rebâtir un nouveau système de sécurité sanitaire »

45 Publications La qualité avant la quantité

46 BLOC-NOTES

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 20114

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Les bactéries font de la résistanceLes bactéries semblent toujours plus nombreuses à émerger, responsables d’épidémies qui s’étendent désormais à plusieurs pays. Pour les spécialistes, ce n’est pas le rythme de leur émergence qui est en cause, mais leur résistance toujours plus large aux traitements disponibles.

Erick Denamur : unité 722 Inserm/Paris 7, Ecologie et évolution des micro-organismes

Patrice Nordmann : unité 914 Inserm, Résistances émergentes aux antibiotiques, Service de Bactériologie-Virologie-Parasitologie de l’hôpital de Bicêtre

Mardi 26 juillet 2011. L’épidémie, cau-sée par la bactérie

Escherichia coli entéro-hémorragique (ECEH) et qui se répandait en Europe depuis fin mai, est

terminée. Le micro-organisme a causé la mort de 126 per-sonnes. Les cas de personnes infectées, eux, s’élèvent à près de 8 000. L’espèce bactérienne impliquée n’est pourtant pas une inconnue!: dans les selles humaines, on en trouve natu-rellement de 100 millions à un milliard par gramme!! E. coli est une bactérie commensale, inoffensive lorsqu’elle reste dans le tube digestif. Mais certaines versions modifiées de celle-ci apparaissent, appelées «!souches!», et peuvent se révéler pathogènes pour l’homme. C’est ce qui s’est passé avec la récente vague de contamination européenne!: la souche O104:H4, dont l’origine reste à déterminer, a été transmise à l’homme via l’ingestion d’aliments infectés. À la clé, une intoxication causée par les toxines qu’elle pro-duit, dites de Shiga. Elle entraîne des diarrhées sanglantes voire, dans les configurations les plus graves, la destruc-tion des globules rouges et une insuffisance rénale. Souche O104:H4 en Europe, souche O145 découverte début juillet à Bordeaux, nouvelle bactérie encore non identifiée tou-chant l’hôpital de Rotterdam, aux Pays-Bas... Le rythme d’apparition de nouvelles bactéries s’accélérerait-il!? «!Ces émergences ont toujours existé. Et ce de manière incessante au cours de l’histoire évolutive du genre Escherichia, qui a divergé des salmonelles il y a environ 120!millions d’années!», explique Erick Denamur!!"#, spécialiste de l’écologie et de l’évolution des micro-organismes à l’université Paris-Diderot.

Plasticité et variabilité d’E. ColiDerrière ces émergences, une plasticité génomique remarquable, qui permet aux gènes d’entrer et sortir constamment du génome de ces bactéries. « Ainsi, la

variabilité génétique chez E. coli est très grande, note le chercheur. On sait que le pangénome, c’est-à-dire l’ensemble des gènes différents connus pour une espèce donnée, approche les 20 000 gènes chez E. coli. Le génome propre à chaque spécimen ne contient pourtant que 4 200 à 5 500 gènes. Parmi ceux-ci, seuls 2 000 sont communs à toutes les souches de l’espèce, c’est le " core-genome ". Le génome de cette bactérie est donc très mobile!!!» Dans des travaux publiés en mai 2006 dans Molecular Microbiology et en janvier 2009 dans PloS Genetics, le scientifique et ses collègues avaient mis en lumière les mécanismes-clés de cette plasticité. «!Certaines de ces bactéries sont dites mutatrices, c’est-à-dire qu’elles ont un taux de mutation très élevé, auquel il faut ajouter leur capacité de

Bactéries d’E. Coli (en vert) dans l’intestin d’un enfant

E. Coli, bacille qui colonise naturellement l’appareil digestif humain.

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À LA UNE • DÉCOUVERTES • TÊTES CHERCHEUSES • REGARDS SUR LE MONDE • CLINIQUEMENT VÔTRE • GRAND ANGLE • MÉDECINE GÉNÉRALE • ENTREPRENDRE • OPINIONS • STRATÉGIES • BLOC-NOTES

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 5

Polymorphisme Le fait qu’une espèce présente des individus aux caractéristiques différentes au sein d’une même population.

EntérobactériesHôtes habituels de l’intestin de l’homme et des animaux

recombinaison. Une bactérie peut ainsi recevoir des gènes qu’elles possèdent déjà, mais dans une version différente, ce qui lui confère un polymorphisme!(). Des gènes, qui n’existent pas chez une bactérie, peuvent aussi lui être transférés et lui apporter ainsi une nouvelle propriété. Et à l’inverse, des gènes peuvent aussi être perdus!», rappelle Erick Denamur.

Les antibiotiques coupablesL’émergence de nouvelles souches n’est donc pas nouvelle. Comment expliquer dès lors que l’apparition de ces bactéries nous semblent de plus en plus fréquente!? Pour le spécialiste, il faut regarder du côté du phéno-mène de résistance. «!À la base du processus d’évolu-tion, il y a certes la variabilité génétique, mais modifiée par l’intermédiaire des antibiotiques. En effet, au fur et à mesure de leur utilisation, on sélectionne les variants génétiques résistants et ce sont ceux-là qui nous semblent “ émerger ”!», analyse-t-il. Pour son collègue Patrice Nordmann!!"#, chef de service de bactériologie-virologie-parasitologie, une catégorie de bactéries, à laquelle appartient E. coli, est tout particulièrement au cœur de l’affaire. «!Les entéro-bactéries!() présentent des multirésistances, contre les-quelles nous disposons de peu d’antibiotiques, constate le chercheur. Au cours des décennies passées, l’industrie pharmaceutique s’est focalisée sur le développement de traitements contre les bactéries de type " Gram +". Elles ne possèdent qu’une paroi cellulaire et sont donc plus faciles à attaquer que les " Gram -", qui en possèdent deux. Travailler sur celles-ci semblait aussi moins rentable.!» Résultat!: ces entérobactéries continuent d’émerger, tout comme leurs résistances, et les antibiotiques disponibles ne sont pas assez nombreux pour en venir à bout.

Une situation sous haute surveillanceParmi ces entérobactéries!: les représentants du genre Escherichia donc, mais aussi les Klebsiella, avec K. pneu-moniae, un bacille responsable de pneumonies noso-comiales. «!Le problème est que ces bactéries ne restent

Bactérie connue et reconnue La bactérie ECEH responsable de l’épidémie allemande de mai 2011 a été rapidement identifiée : en un week-end, les méthodes de séquençage à haut débit ont permis de reconnaître le génome de la « bactérie tueuse ». Celle-ci était en fait déjà partiellement connue : dans les années 1990, une souche partageant 93 % de ses séquences avec elle avait été identifiée. « Financer la recherche fondamentale est essentielle. Séquencer la diversité bactérienne devient plus qu’utile lors d’épidémies : si on connaît déjà une souche, il est plus facile de l’appréhender », assure Erick Denamur.

plus cantonnées à l’hôpital, elles se développent en milieu urbain. Et là, leur contrôle est amplement plus compli-qué!», pointe Patrice Nordmann. Les spécialistes sur-veillent de près trois réservoirs majeurs, le Pakistan, le Maroc et la Turquie, ainsi que l’Italie et la Grèce dans une moindre mesure. «!Les conditions locales expliquent la présence de ces réservoirs, notamment en termes d’hygiène. Dans ces pays, les antibiotiques sont employés sans contrôle, les plus aisés n’hésitant pas à utiliser largement tous les traitements disponibles, sans cibler la bactérie. La surpopulation est aussi un facteur essentiel de la plus rapide dissémination bactérienne!», poursuit-il. En France, le nombre d’épidémies reste faible. Mais le risque de voir se déverser dans l’Hexagone des bactéries multirésistantes, issues de ces réservoirs, existe bien. «!Il devient urgent de dépister tous les patients transférés depuis un hôpital étranger. Sinon, des scénarios à la maro-caine, où une large proportion de la population se trouve être porteuse de bactéries multirésistantes, est tout à fait

plausible!», s’alarme-t-il. En ligne de mire! : des difficultés à venir pour traiter les maladies liées à ces bactéries multi-résistantes, mais aussi de sérieux problèmes dans le domaine préventif. «!Le jour où le médecin n’aura plus d’antibio-tiques efficaces à admi-nistrer à un patient en attente de greffe, c’est un pan de la médecine moderne qui s’effon-drera!», augure-t-il. $

Alice Bomboy

Klebsiella pneumoniae, qu’on trouve dans l’appareil respiratoire, digestif ou urinaire.

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À LA UNE

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Le détecteur de pH La collaboration exceptionnelle d’une équipe de l’Inserm avec des chercheurs russes a permis de révéler la fonction dans la régulation du pH d’un récepteur jusqu’alors orphelin : l’IRR.

L’Insulin-receptor Related Receptor (IRR) a été découvert voici une vingtaine d’années.

Comme son nom l’indique, l’IRR est de la même famille que le récep-teur à l’insuline (IR) ou que le récepteur aux IGFs (Insuline Growth Factor, IGF-R). Présent dans certaines cellules de l’orga-nisme!(rein, pancréas ou testicules), on ne savait pas, jusqu’à présent, à quoi il pouvait servir exactement.L’histoire commence par un heureux hasard de laboratoire, en 2005. Une équipe de chercheurs russes, dirigée par Alexander Petrenko, à l’Institut de chimie du vivant Shemyakin-Ovchinnikov à Moscou, réalise des expériences sur l’IRR en utilisant, par souci d’économie, un lot périmé de milieu de culture qui s’est révélé être alcalin. Les chercheurs ont alors observé que l’IRR était activé dans ce milieu basique. Ils en ont déduit que l’anion hydroxyl (OH-), responsable de l’alca-linité du milieu, était capable de déclencher un change-ment de conformation du récepteur. Dans l’organisme, cette nouvelle forme d’IRR entraînerait la sécrétion de bicarbonate par les cellules rénales, jouant ainsi un rôle essentiel dans la régulation du pH du milieu intérieur, l’ensemble des liquides dans lequel baignent nos cellules.Forts de cette découverte et en collaboration avec les chercheurs moscovites, l’équipe de Dominique Eladari !"# a alors voulu préciser les mécanismes en

Dominique Eladari : unité 872 Inserm/Paris 6, Centre de recherche des Cordeliers

I.E. Deyev et al. Cell Metab, juin 2011 8;13(6):679-89

action. En supprimant chez des souris le gène codant pour ce récepteur, les chercheurs ont montré que leur organisme deve-nait incapable de s’adapter à une charge alcaline, apportée par exemple par les aliments. Les rongeurs finissaient par développer une alcalose métabolique, provoquant une hausse toxique du pH interne. Normalement, une telle surcharge les aurait conduits à excréter aussitôt du bicar-bonate de sodium par voie urinaire, ce qui aurait évité toute perturbation du milieu intérieur. «!Ces observations donnent à penser que l’IRR participe à un mécanisme qui permet de détecter les variations de pH de l’organisme afin de pouvoir adapter le transport rénal de bicarbonate et de corriger les anomalies!», explique Dominique Eladari.Si une partie du voile est levée, des questions sub-sistent. Entre autres, quel est le rôle exact du récepteur IRR dans l’estomac!? «!Lorsque l’on mange, l’estomac secrète des acides, ce qui s’accompagne d’une absorption de bicarbonate par les cellules. Ainsi, il est possible que ces ions alcalins en activant le récepteur IRR informent l’organisme… qu’il en train de manger! !!», précise le scientifique. Ces recherches devraient servir également à mieux comprendre les signaux à l’origine de la sensation de satiété et donc l’obésité… Mais aussi à mieux cerner l’hypertension artérielle. En effet, les cellules rénales, qui sécrètent du bicarbonate et possèdent le récepteur IRR, absorbent également le chlorure de sodium dont l’excès favorise l’hypertension. La fructueuse et rare collabora-tion!franco-russe a donc de l’avenir ! $ Clara Delpas

Un pH contrôlé pour des cellules en pleine santéLe pH est un facteur important de la régulation des mécanismes cellulaires. On sait en effet que les protéines sont sensibles aux variations de pH, leur comportement et leurs fonctions peuvent s’en trouver modifiés. Afin de lutter contre le développement d’un milieu intérieur trop acide (induit par exemple par la consommation alimentaire de protéines animales…) ou trop alcalin (régime végétarien…), le rein est capable d’éliminer soit des protons (acides), soit des anions bicarbonates (alcalins).

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ImmunologieLes immunoglobulines sous influenceDes chercheurs de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire !"# viennent d’éclairer les mécanismes à l’origine de la diversification des anticorps, pilier de l’efficacité du système immunitaire. Dans le Journal of Experimental Medicine du 11 juillet, ils expliquent que l’enzyme AID (cytidine désaminase induite par activation) s’associe avec d’autres protéines pour agir sans risques sur les gènes des immunoglobulines et contribuer à leur adaptation. Ce mécanisme pourrait être imité artificiellement pour développer des vaccins plus efficaces et de nouvelles thérapies anti-cancéreuses. A. B.

Unité 964/Université de Strasbourg, Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC)

B. P. Jeevan Raj, et al. J Exp Med, 11 juillet 2011; en ligne : jem.20110118.

CancerSimulation en 3DDes chercheurs lillois !"# ont mis au point un outil de simulation numérique en 3D pour estimer les risques de la thermothérapie interstitielle laser. Encore en développement, cette méthode, peu invasive, utilise un laser de faible puissance afin d’induire la coagulation de la zone nécrosée, dont le volume peut être contrôlé, ce qui réduit les risques de dommage sur les structures saines environnantes. Les résultats des simulations, visant à mesurer l’augmentation de température générée par le laser et le volume de dommages thermiques produits, sont conformes à ceux obtenus lors des tests précliniques réalisés sur des rats. Ce qui laisse augurer de possibles simulations sur le modèle humain. A. B.

Unité 703 Inserm/Lille 2, Thérapies interventionnelles assistées par l’image et la simulation (Thiais)

M. Marqa et al. BioMedical Engineering, 2011; 10:45 doi:10.1186/1475-925X-10-45

comme BiocideLes biocides sont des substances chimiques destinées à détruire des organismes jugés nuisibles par l’homme, en particulier des micro-organismes pathogènes et les insectes ravageurs des cultures. Pesticides et antibiotiques en sont les représentants les plus connus. Mais leurs effets potentiels sur la reproduction sont une préoccupation pour les pouvoirs publics. L’expertise collective de l’Inserm, Reproduction et environnement, fait le point sur leur action de perturbateurs endocriniens. J. C.

www.inserm.fr

QUESACO ?

Troubles bipolairesL’influence des rythmes circadiensPsychologique, physiologique, environnementale ou génétique ? L’origine des troubles bipolaires reste encore mystérieuse, ce qui rend leur approche si difficile. Un marqueur essentiel a cependant récemment été mis en évidence!: une altération des fonctions circadiennes, autrement dit des rythmes veille-sommeil, se manifeste au cours des phases de manie et de dépression par des changements d’humeur, d’appétit, de sommeil ou d’énergie. Plus surprenant, ces anomalies apparaissent également lorsque le malade est serein. Des chercheurs, emmenés par Franck Bellivier !"#, du Pôle de génomique médicale à Créteil, viennent de montrer que cette rythmicité troublée pourrait être liée à des varia-tions au niveau des gènes circadiens, ce qui influencerait l’expression des troubles, mais aussi la réponse aux traitements prodigués. A. B.

Franck Bellivier : unité 955 Inserm/Paris 12 Créteil, Institut Mondor de recherche biomédicale (IMRB)

V. Milhiet et al. J Physiol, 13 juillet 2011

% GÉNÉTIQUE : ÉPISSAGE À GÉOMÉTRIE VARIABLEComment un gène code-t-il pour plusieurs protéines ? Pour répondre, Cameron Mackereth (Institut européen de chimie et biologie) et des collègues allemands et espagnols se sont intéressés au fonctionnement de la protéine U2AF65. Ce facteur d’épissage permet de couper certains segments de l’ARN avant qu’il ne soit transcrit : selon les excisions effectuées, un gène peut ainsi coder pour plusieurs protéines. Les chercheurs, dont les résultats sont publiés dans Nature, ont montré que les variations d’épissage étaient liées à une oscillation de la conformation de U2AF65 : fermée, elle est inactive, alors qu’elle passe en forme ouverte quand elle est en contact avec les segments à exciser. Des mutations affectant cette protéine sont susceptibles de modifier la synthèse protéique. A. B.

C. D. Mackereth et al. Nature, 21 juillet 2011; 475 : 408–411,

Image de synthèse d’un virus (en violet) et d’anticorps (en vert)

L’imagerie en 3D permet de cibler les contours de la tumeur.

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CognitionLe frein de l’anxiétéPour comprendre les bases neurales des interactions entre l’anxiété et le contrôle cognitif, des chercheurs de l’université Pierre-et-Marie-Curie !"# ont comparé sous IRM fonctionnelle les réponses cérébrales de participants en bonne santé et de patients présentant des troubles de l’anxiété. Le but ? Déterminer l’impact du stress sur le réseau cérébral impliqué dans le contrôle cognitif. Les scientifiques ont ainsi remarqué que, face à une tâche stressante, le premier groupe, sain, se caractérisait par une activation accrue dans une région impliquée dans le contrôle cognitif (le cortex gauche préfrontal dorsolatéral), ainsi que par une diminution de l’activation dans une zone liée à l’anxiété (le cortex droit préfrontal ventrolatéral). Chez les patients anxieux, cette modulation différenciée entre cortex n’apparaît pas, ce qui expliquerait les difficultés éprouvées par ces personnes à s’adapter à des tâches cognitives. A. B.

Unité 975 Inserm/Paris 6, Centre de recherches en neurosciences de la Pitié-Salpétrière

L. Koric et al., Hum Brain Mapp, 18 juillet 2011; doi: 10.1002/hbm.21340

NeurosciencesUn cerveau modèleCréer un modèle du cerveau humain et de son activité en 2023, c’est l’objectif que se sont fixé les chercheurs européens du Human Brain Project (HBP), sous la direction du neurobiologiste Henry Markram !"#. À partir de cette simulation informatique, les spécia-listes espèrent mieux comprendre le cerveau humain et en tirer de nouvelles pistes thérapeutiques, contre le vieillissement par exemple. Cela permettrait égale-ment l’élaboration de nouvelles méthodes d’appren-tissage. Dirigé par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, le projet rassemble déjà treize universités ou institutions de recherche, dont l’unité de neuroimagerie cognitive CEA-Inserm de NeuroSpin à Gif-sur-Yvette !"#. Le HBP a été présélectionné parmi cinq autres projets par l’Union européenne. S’il est retenu, il bé-néficiera d’un budget de 100 millions d’euros annuels pendant dix ans. Alors que les États-Unis se lancent dans un projet similaire, la conquête du cerveau humain se révèle désormais le nouveau défi à relever. M.L. L.

Henry Markram : directeur de HBP à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)

Unité 992 Inserm-CEA/Paris 11, Neuroimagerie cognitive

www.humanbrainproject.eu

VisionSous les feux des LED

Les diodes électro-luminescentes sont en passe de devenir la principale source d’éclairage domestique. Des chercheurs de l’Inserm !"# ont été missionnés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour estimer les risques que leur utilisation comporte pour la rétine. Conclusions : les données manquent sur leur toxicité et des évaluations doivent être rapidement menées, notamment afin d’étudier les conséquences d’une exposition à vie à cette nouvelle lumière sur les photorécepteurs rétiniens. A. B.

Unité 872 Inserm/Paris 6 , Physiopathologie des maladies oculaires, Centre de recherche des Cordeliers

F. Behar-Cohen, et al. Progress in Retinal and Eye Research, juillet 2011; 30(4) : 239-257

1,1 an C’est le temps travaillé en moins par les personnes diabétiques au cours de leur vie professionnelle. Retraite anticipée plus fréquente et mise en invalidité accrue seraient responsables de cette diminution du temps de carrière. Des résultats tirés de l’étude menée par une équipe Inserm !"# sur la cohorte de salariés d’EDF-GDF, Gazel, entre 1989 et 2007. J. C.

Unité 1018 Inserm/Paris 11, Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations

E. Herquelot et al, Diabetes care, juin 2011; 34(6) : 1344-1349

% CANCER : LES TUMEURS PRÉCOCES DÉBUSQUÉES

Ces tumeurs restent souvent indétectables par l’imagerie médicale, mais des recherches menées sur les petits animaux pourraient changer la donne. Des appareils miniatures, fondés sur la stimulation par une source infrarouge de colorants fluorescents préalablement injectés, ont été mis au point pour étudier rats et souris. Adaptés à l’homme, ils pourraient révéler des mini-structures dans les tissus, comme la formation de petits vaisseaux sanguins (angiogenèse) autour de tumeurs de moins d’un millimètre, espèrent Alain Le Pape, chercheur, et ses collègues tourangeaux !"#. Dans le cas du cancer du sein, par exemple, les mammographies peinent à différencier ce marqueur d’un simple kyste ou d’une calcification. A. B.

Unité 618 Inserm/Université de Tours-François-Rabelais, Protéases et vectorisation pulmonaires

S. Pesnel et al. Eur J Nucl Med Mol Imaging; DOI 10.1007/s00259-011-1857-2

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Modélisation d’un neurone

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Dans l’intimité de nos neurones Plonger au cœur de notre cerveau et voir in vivo son fonctionnement, c’est désormais possible grâce à l’imagerie biphotonique. Une technique qui va permettre de mieux connaître notre encéphale.

Comprendre le fonctionnement du cerveau est le Graal de la physiologie moderne. Or, pour mieux déchiffrer cet organe vital, il faut pouvoir l’obser-

ver!in vivo!par des moyens non invasifs. Un véritable défi que des chercheurs Inserm !"# viennent de relever. Dans la revue Nature Medicine de juin, ils détaillent comment ils sont parvenus à mesurer, de manière non invasive, le flux sanguin et la pression d’oxygène dans le bulbe olfac-tif d’un rat, cette région du cerveau où sont traitées les informations liées au sens de l’odorat. Pour cela, ils ont eu recours à une technologie de microscopie en plein développement : l’imagerie biphotonique qui permet de pallier les problèmes de la microscopie traditionnelle, monophotonique, inefficace au cœur des tissus. En effet, au delà d’une centaine de microns de profondeur, les tissus biologiques diffractent fortement la lumière et les images obtenues sont floues. Combinée à l’emploi de marqueurs moléculaires fluorescents, l’imagerie biphotonique permet, elle, de plonger jusqu’à 1!mm à l’intérieur des organes sans les endommager. «!Au lieu d’exciter les marqueurs fluorescents avec un seul photon de forte énergie, nous utilisons deux pho-

tons d’énergie moitié moindre mais appliqués simultanément, précise Serge Charpak, directeur du labo-ratoire. Cela présente un double avantage,!d’une part, nous pouvons travailler avec des longueurs d’onde de 800 à 1!000 nm qui pénètrent plus profondément les tissus et, d’autre part, l’excitation du mar-queur fluorescent et son émission lumineuse se font sur un point focal extrêmement précis, environ 1!micromètre cube.!» Résultat, la phototoxicité et les interférences lumineuses qui parasitaient l’image en microscopie de fluores-cence traditionnelle sont réduites.Grâce à ce procédé, l’équipe a réussi à mesurer simultanément

CapillairesCe sont les vaisseaux sanguins les plus petits et les plus fins. Déployés en arborescence, ils relient les veinules et les artérioles, et ferment ainsi la boucle du réseau de la circulation sanguine. Les capillaires fournissent aux cellules les nutriments et le dioxygène.

Unité 603 Inserm/Paris 5, Neurophysiologie et nouvelles microscopies

J. Lecoq et al. Nature Medicine, juin 2011 ; 17 (7) : 893-898

Comment ça marche ?Les techniques d’imagerie biphotonique consistent à envoyer deux photons sur les tissus observés au moyen de lasers à impulsions ultracourtes. Lorsque la molécule ciblée absorbe simultanément deux photons infrarouges, elle passe de son état de repos à un état excité. Lors de son retour à l’état de repos, la molécule émet un signal de fluorescence, soit un seul photon d’une longueur d’onde visible.

le flux sanguin dans les capillaires () du cerveau, ainsi que la pression d’oxygène à une profondeur de 300 à 400 micromètres. Le tout avec une précision spatiale de l’ordre du micron et une résolution temporelle inférieure à une seconde. La mesure simultanée de ces deux para-mètres a permis de montrer que la concentration de l’oxy-gène, tant dans les vaisseaux que dans le tissu cérébral, fluctuait au cours d’une activation sensorielle. Quant à la mesure de la pression en oxygène, elle s’effectuait, aupara-vant, via des électrodes de Clark. Ce système très invasif,

puisque les électrodes devaient être plantées dans le cerveau, permettait uniquement de mesurer l’oxygène dans le tissu cérébral. L’étude a également

apporté la preuve de ce que des modèles théoriques laissaient supposer!: dans les capillaires du cerveau, le sang n’est pas oxygéné de manière homogène, les régions entourant les globules rouges sont plus oxygénées que le reste du plasma sanguin. Et grâce à l’imagerie biphoto-nique, ce phénomène peut être observé directement.Par ailleurs, l’imagerie biphotonique devrait permettre à terme d’explorer plus facilement les affections neuro-logiques qui se traduisent par une modification des apports en oxygène des tissus cérébraux, tels que les accidents vasculaires cérébraux ou encore les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. $ Erwan Lecomte

Nouvelle technique d’exploration fine du cerveau www.inserm.fr/Actualités Recherche

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Cartographie de la pression partielle

en oxygène dans les vaisseaux du cerveau. Les couleurs indiquent des taux en oxygène

différents dans les vaisseaux.

“!Une plongée sans dommage dans les organes!„

DÉCOUVERTES

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● N° 4 ● SEPTEMBRE - OCTOBRE 201110 ●

Cellules endothéliales humaines mises en culture. En vert, la VE-cadhérine, qui souligne les jonctions entre les cellules, en bleu, les noyaux des cellules, en rouge, les filaments d’actine qui maintiennent la forme des cellules.

CANCER

Pourquoi les cellules ont la bougeotteL’équipe Inserm de Jacques Camonis, à l’Institut Curie, vient de faire un pas en avant dans la compréhension des mécanismes de la migration des cellules. Impliquée dans les cancers, c’est une cible thérapeutique prometteuse.

Nos cellules bougent, que ce soit lors du déve-loppement de l’embryon, ou de la réponse immunitaire. Mais aussi dans d’autres

situations plus inquiétantes comme les cancers, lorsque des cellules malignes parviennent à migrer et à former des métastases. Cette aptitude à se déplacer, ou motilité, repose sur la formation d’un réseau de �laments d’actine, une pro-téine indispensable à l’architecture et aux mouvements des cellules, au niveau du front de migration (). Comment cette

recherche. Car, si toutes les cellules de notre corps peuvent produire de l’actine, toutes ne sont pas mobiles en temps

la peau, des intestins et des seins. Et pourtant, ces tissus sont le siège des cancers les plus répan-dus. dans le corps parce que ces cellules deviennent mésenchymateuses,

☛ Maria-Carla Parrini, Jacques Camonis : unité 830 Inserm/Paris 5, Génétique et biologie des cancers

� M.-C. Parrini et al. Molecular Cell 42, 650–661, June 10, 2011

Front de migration

Partie avant de la membranaire cellulaire lorsque la cellule se déplace.

c’est-à-dire se désolidarisent les unes des autres et sont résume

Maria-Carla Parrini dans la revue Molecular Cell. La motilité est contrôlée par de nombreuses voies de

en cascade qui permettent aux éléments d’une cellule de détecter les signaux externes et d’y répondre. L’une

la littérature médicale depuis 20 ans, on sait qu’elle déclenche la formation des �laments d’actine.L’équipe de Jacques Camonis a simulé une blessure

dans une monocouche de cellules

y plantant une pipette. Les cher-cheurs ont ensuite observé que les cellules du voisinage commençaient

à migrer pour assurer la cicatrisation de la blessure. Ils ont ainsi montré qu’une protéine, SH3BP1, était essentielle à la migration des cellules réparatrices. En e�et, les cellules chez qui les chercheurs avaient bloqué l’expression du gène codant pour cette protéine migraient moins bien. En temps normal, SH3BP1 inactive Rac, la protéine clé de la voie

d’un réseau d’actine mal organisé, et par conséquent d’avoir du mal à avancer dans la bonne direction.Par ailleurs, il existe un lien entre la voie Rac et une autre voie, dont on connaît depuis une dizaine d’années le rôle dans le tra�c de vésicules de sécrétion vers la membrane cellulaire

complexe protéique de cette voie, l’exocyste, interagit direc-tement avec SH3BP1. transporte SH3BP1 jusqu’au front de migration, schématise Maria-Carla Parrini. Là, SH3BP1 agit sur la voie Rac et la formation du réseau d’actine, permettant ainsi une migration e�cace. » Ces découvertes sont précieuses. En e�et, cette connexion entre ces deux voies que sont Ral et Rac permet d’ores et déjà d’envisager de nouvelles stratégies pour inhiber la migration des cellules cancéreuses. Clara Delpas

SH3BP1, une molécule essentielleLégendes infographieIque nonseruptio quamenimi, sim imilit ullo ea pe accum, quia voluptaquis moluptae dis moluptaquiam rectem quia illab ipiendam, sitatur, assinul liquaeprovid ea que con cullab id mincturepro coressinti omnis es simporeseque laborru ptasimint eatur mo voloris aut laboris no

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les cellules se désolidarisent et

➜DÉCOUVERTES

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 11

Pierre Jouannet : Centre de recherche Sens, éthique, société (CNRS/Université Paris -Descartes), ancien président de la fédération des Cecos

BEH, 4 juin 2011; 23-24 Revue adsp, juin 2011; 75

70 %c’est le pourcentage des couples qui deviennent parents en commençant un parcours de FIV : 41 % lors d’une des 4 tentatives de FIV, 11 % par adoption, 11 % par conception naturelle et 7 % grâce à de nouveaux traitements.

Le 7 juillet dernier, la loi de bioéthique a été publiée au Journal Officiel. Le cadre médical de l’assistance médicale à la procréation (AMP) y a été réaffirmé!:

elle reste limitée aux couples en âge de procréer et qui souffrent d’infertilité. «!Cette stricte réglementation peut expliquer que le nombre de tentatives d’AMP reste stable en France, mais aussi que des personnes recherchent dans d’autres pays des solutions à leur attente!», explique Pierre Jouannet !"# qui a coordonné le numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 14 juin dédié à l’AMP.Couples homosexuels, femmes seules ou ménopausées n’y ont pas accès en France, contrairement à d’autres pays comme la Belgique, l’Espagne ou la Grèce. Et les patientes françaises qui s’y rendent ont surtout recours aux dons de sperme ou d’ovocyte, ou encore à la gestation pour autrui.

Mais certaines pourraient en toute légitimité bénéfi-cier d’une AMP dans notre pays, notamment pour les dons d’ovocyte. Alors pour-quoi traverser les frontières!? Parce que les délais d’attente vont parfois jusqu’à 5 ans…Dans son rapport d’activité de 2010, l’Agence de la bio-médecine (ABM) le recon-naît!: «!La situation du don d’ovocytes en France est pré-

occupante.!» En 2009, seules 328 femmes ont fait des dons, ce qui a permis 933 FIV () et 190 naissances. «!Ce nombre est très largement insuffisant car, à raison de deux couples rece-veurs pouvant bénéficier des ovocytes issus d’une donneuse, il aurait fallu 800 donneuses supplémentaires.!» Résultat!: plus de 1 600 couples étaient en attente d’un don fin 2009. Pour Pierre Jouannet, l’AMP dans notre pays est aussi confrontée à une « épidémie de grossesses multiples!», conséquence du transfert de plusieurs embryons au cours des FIV. «!En 2006, le taux de naissances multiples en France était de 20,6!% contre 5,8!% en Suède. Or ces grossesses multiples comportent des risques non négligeables de complications pour les femmes et les enfants.!» Françoise Merlet, médecin référent AMP à la Direction médicale et

scientifique de l’ABM, souligne cependant les efforts dans ce sens : «!En 2004, nous étions en moyenne à une réim-plantation de 2,15 embryons, aujourd’hui nous sommes à 1,8. D’ailleurs, le taux moyen d’accouchements gémel-laires en FIV en 2009 est de 18!%.!» Pour améliorer encore ces chiffres, Pierre Jouannet prône, chez les femmes les plus jeunes et les plus fertiles, le transfert sélectif d’un embryon, celui doté des meilleures chances de s’implanter. «!Les recherches actuellement menées sur les premiers stades de développement devraient nous permettre de définir des

critères rigoureux de sélection et privilégier le transfert d’un seul embryon!», confirme Françoise Merlet.Autre perspective de l’AMP!: la cryoconser-vation des gamètes et des tissus germinaux (ovaires et testicules), notamment pour contrer les effets destructeurs d’une chimio-thérapie sur les organes reproducteurs. «!Avec l’Institut national du cancer et les pro-fessionnels, nous travaillons sur les possibilités de préserver la fertilité, notamment lorsque le

traitement anticancéreux intervient avant la puberté!», assure Françoise Merlet. Pour les femmes, le tissu ovarien serait prélevé, conservé, puis regreffé après le traitement. Une possibilité qui a déjà fait ses preuves!: en 2009, Ysaline est le premier bébé français né suite à une autogreffe ovarienne. Une naissance naturelle. $ Gaëlle Lahoreau

© CAROLE FUMAT SOURCE : AGENCE DE LA BIOMÉDECINE

Où en est la France!?Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire vient de publier un numéro sur l’assistance médicale à la procréation. Premier constat : en 2009, les techniques d’AMP ont permis la naissance de 21 759 enfants, soit 2,6 % des naissances en France. Un chiffre assez stable depuis 2005. Quelles en sont les raisons ? Et quelles perspectives pour ces techniques ?

•••• ••••••••

© CAROLE FUMAT SOURCE : AGENCE DE LA BI

ons ?

Répartition des actesd’assistance médicale

à la procréation en 2009

5400inséminations

intraconjugales

19 dons d'embryons190 dons d'ovocytes1110 dons de spermatozoïdes

4464FIV classique

8160FIV avec ICSI

2416TEC (transfertd’embryonscongelés)

FIV

Dans 95!%

des cas, les enfants

sont issus des gamètes

du couple.

www.agence-biomedecine.fr

Ysaline, une première en France !

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FIVLa fécondation in vitro repose sur deux techniques : la FIV classique (les spermatozoïdes rencontrent les ovocytes dans un milieu de culture) et l’ICSI. Cette technique consiste en l’injection intra-cytoplasmique d’un spermatozoïde dans l’ovocyte.

DÉCOUVERTES

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201112

Biologie synthétique

Échafaudage d’ARNLa boîte à outils de la biologie synthétique s’enrichit!! Les chercheurs de l’équipe «!Génétique moléculaire évolutive et médicale!» !"#, en adaptant les principes des nanotechnologies à l’expérimentation in vivo, ont pu mettre au point une technique qui permet de contrôler l’emplacement des enzymes au sein des bactéries. Une innovation d’importance car les voies métaboliques sont naturellement organisées spatialement au sein de micro-compartiments cellulaires. Comment y sont-ils parvenus!? En faisant produire par des bactéries des ARN non codants dont la séquence des nucléotides a été conçue pour qu’ils s’auto-assemblent et forment ainsi de larges structures au sein des cellules. Elles servent alors de support pour organiser dans l’espace des enzymes responsables d’une voie de synthèse d’hydrogène. Selon leur géométrie, les chercheurs ont pu observer des variations du rendement de cette voie métabolique. Le système est totalement modulaire et peut être appliqué à d’autres enzymes grâce à des protéines au rôle d’«!adaptateurs!» qui relient les enzymes aux échafaudages d’ARN. J. C.

Unité 1001 Inserm/Paris 5

C.J. Delebecque et al. Science, 22 juillet 2011; 333(6041) : 470-474

GénétiqueDes microARNs régulent le génome mitochondrialLes mitochondries jouent un rôle essentiel dans la production d’énergie des cellules et dans le déclenchement de l’apoptose, la mort cellulaire programmée. Des chercheurs du laboratoire de Biologie intégrative des adaptations à l’exercice, à Évry !"#, et de l’équipe Biopuces et génomique fonctionnelle du CEA, à Grenoble, se sont intéressés au fonctionnement de ces organites cellulaires qui communiquent avec le noyau pour synchroniser ces deux importantes fonctions. Ils ont découvert qu’elles pouvaient être soumises à une régulation de leur génome par des microARNs, ces petits ARN non codants capables de dégrader les ARN messagers ou de supprimer leur traduction en protéines. Les scientifiques, dont les résultats ont été publiés dans PloS One en mai 2011, ont identifié ces microARNs dans des cellules musculo-squelettiques humaines. Reste à déterminer s’ils ont été importés depuis le cytosol, phase liquide où baignent les organites, ou s’ils sont en partie synthétisés dans la mitochondrie. A. B." Unité 902 Inserm/Évry

E. Barrey, et al. PLoS One; 6(5): e20220. doi:10.1371/journal.pone.0020220

% SONDAGE : LA SCIENCE EN TOUTE CONFIANCE

Les Français font globalement confiance à la science et à la communauté qui l’entoure tan-dis que le discours des hommes politiques sur les thèmes scientifiques provoquent plus de méfiance. C’est le résultat du sondage Ipsos réalisé du 17 au 23 mai 2011 pour La Recherche et Le Monde. En effet, les Français accordent volontiers leur confiance aux scientifiques mais restent néanmoins pragmatiques et réservés selon les domaines. L’opinion se forge ainsi par rapport au ressenti personnel. Précisément, par leur irruption directe dans la vie quotidienne, les innovations technologiques sont très bien acceptées. Quant aux actua-lités scientifiques, les Français s’y intéressent d’autant plus qu’ils estiment que la science peut résoudre des problèmes majeurs : 91 % du panel pensent ainsi qu’on pourra un jour guérir du cancer. D’ailleurs, la population estime avoir une meilleure connaissance de la science qu’il y a 10 ans, ce qui lui permet de mieux appréhender les risques. Pour-tant, elle pense ne pas être suffisamment informée sur le nucléaire, les OGM ou le réchauffement climatique, et met en doute la crédibilité des résultats. Pour nos compa-triotes, la science est donc utile. Reste à leur démontrer qu’en plus elle est fiable. M.L. L.

http://extranet.inserm.fr/actualites

76 %C’est la baisse

du risque d’infection par

le VIH chez les hommes circoncis.

Coordonnée par Bertran Auvert !"#, cette étude de

l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), menée dans un bidonville de la banlieue de Johannesburg (Afrique du Sud), a permis de confirmer dans le monde « réel » des résultats obtenus lors d’essais cliniques antérieurs. Toutefois, si la circoncision semble maintenant une méthode de prévention reconnue, elle ne doit pas faire oublier l’usage du préservatif dont l’efficacité est depuis longtemps prouvée. J. C.

Bertran Auvert : unité 1018 Inserm/Paris 11, Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations

www.anrs.fr

Réseaux interconnectés du réticulum endoplasmique (en vert), où sont fabriquées les protéines, et de mitochondries (en rouge) productrices d’énergie

VIH responsable du sida (image

de synthèse)

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 13

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Un traitement en temps et en heureEntre 1990 et 2010, près de 2 600 patients atteints de cancer digestif de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif ont bénéficié d’un traitement, la chronothérapie, dont le principe est de suivre les cycles d’activité des cellules. Avec un but : atténuer les effets secondaires des médicaments.

Détoxification Élimination des substances toxiques et autres déchets de la cellule

Horloges moléculaires

Processus moléculaires dont les rouages impliquent une quinzaine de gènes et de protéines organisés en boucles d’autorégulation, et génèrent une oscillation du métabolisme cellulaire d’environ 24 heures.

Francis Lévi : unité 776 Inserm/Paris 11, Rythmes biologiques et cancers et unité de chronothérapie des cancers de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, membre fondateur de l’Académie des Technologies

F. Lévi et al. Annual Review of Pharmacology and Toxicology, 2010 ;50: 377-421

“!10 % de nos gènes sont actifs selon un cycle d’environ 24 heures!„

À l’automne 2011 s’achèvera Optiliv, un essai clinique européen sur le traitement du can-cer colorectal. Son objectif!? Atténuer la

taille et le nombre de métastases développées secondairement dans le foie, afin d’en faciliter l’ablation chirurgicale et donc améliorer les chances de survie des patients. Son originalité!? La moitié des patients recevront leurs traitements en suivant un rythme chronobiologique.

Chronobiologie, chrono-thérapie... Il ne s’agit pas de médecine parallèle, mais tout simplement de caler un traite-ment sur le rythme d’activité de nos cellules afin d’en amé-liorer l’efficacité et/ou d’en atténuer les effets non désirés. Détoxification!(), transports

membranaires, réparation de l’ADN, ne sont pas des processus actifs sur 24 heures!: il y a des pics d’activité, en lien avec les pics de production des protéines impliquées!! Chez la souris, l’équipe de Francis Lévi!!"#, qui coordonne cet essai, a répertorié 40!agents anticancéreux!dont la toxicité varie en fonction de l’heure d’administration. Chez l’homme, leurs recherches ont porté notamment sur le 5-fluorouracile (5-FU), une chimiothérapie classique des cancers colorectaux. «!Le 5-FU est apparu jusqu’à cinq fois moins toxique lorsqu’il était perfusé avec un pic à 4 heures

du matin plutôt qu’à 16 heures ou à débit constant!», explique le chercheur. Les enzymes de détoxi-fication, capables de neutraliser le 5-FU, sont en effet plus actives la nuit, alors que les cibles molé-culaires inhibées par le 5-FU sont, elles, plus abondantes le jour. «!Comme les effets secondaires

sont moindres, la chrono-thérapie permet aussi de mieux contrôler la proliféra-tion des cellules cancéreuses,

dont les horloges sont déréglées, et d’être ainsi plus efficace, souligne Francis Lévi. Grâce à cette méthode, des patients sont aujourd’hui guéris depuis plus de dix ans, alors qu’à l’époque ils présentaient un cancer colorectal métastatique considéré comme au-delà de toute ressource thérapeutique.!»Mais, ces avancées cliniques sont aujourd’hui peu appliquées dans les hôpitaux. «!La plupart des médecins ne connaissent pas l’existence d’horloges biologiques et ne peuvent appréhender leurs implications. La chronobiologie n’est pas évoquée au cours des études médicales!», constate le chercheur. Par ailleurs, les moyens techniques espérés ne sont pas encore au rendez-vous. Les pompes électroniques programmées pour la chronothérapie se font attendre. Pourtant ses applications ne se limitent pas aux cancers. Les horloges moléculaires !(),!ou leurs dérèglements, interviennent aussi dans des maladies cardiovasculaires, neurologiques, mais aussi parasitaires comme le palu-disme. Les rouages de cette mécanique ne sont donc pas prêts de s’arrêter. $ Gaëlle Lahoreau

www.chrono-tempo.orgJournées Recherche et santé, « Rythmes biologiques et cancer » http://extranet.inserm.fr

Sexe et gènes aussiLe projet européen, Tempo, coordonné par Francis Lévi, a montré que l’heure d’administration était aussi influencée par le sexe et le fonds génétique. Du moins chez la souris ! Les études menées ont porté sur deux molécules, l’irinotecan, un médicament indiqué pour le traitement du cancer colorectal, et le seliclib, une molécule anticancéreuse en développement.« Une méta-analyse récente de 3 essais cliniques randomisés confirme le rôle du sexe dans la tolérance et l’efficacité de la chronothérapie du cancer colo-rectal », indique le chercheur.

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1997Découverte du premier gène de l’horloge moléculaire chez la souris

DÉCOUVERTES

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201114

Entre 16 et 22 ans, Chris Jopling travaillait sur des plates-formes pétrolières. À 40 ans, il est lauréat

du programme Atip-Avenir. Un prix dont il est très fier, étant donné «!la

qualité des recherches de tous les candidats!». Retour sur une trajectoire atypique. «!Si j’ai quitté l’école tôt, c’est parce que je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire. Mais finalement, j’ai réalisé que je ne pourrais rien faire de motivant sans qualification. J’ai donc décidé de suivre des cours du soir pour pouvoir retourner à l’université. » Une période de deux ans que le futur chercheur qualifie de difficile, mais enthousiasmante car elle lui a apporté une grande stimulation intellectuelle. Pourquoi avoir choisi de s’orienter vers la biologie!? «!Depuis toujours, je me demande d’où vient la vie. Et je n’étais pas d’accord

CHRIS JOPLINGUn Anglais qui a du cœur

Transfert horizontal de gènes

Processus par lequel un organisme reçoit du matériel génétique d’un autre organisme, sans qu’il en soit le descendant.

LocusEmplacement défini sur un chromosome

PhénotypeEnsemble des caractères observables d’un organisme

EucaryoteOrganisme dont la cellule possède un « vrai » noyau, entouré d’une membrane.

Des jeunes qui ont le vent en poupeLes noms des nouveaux lauréats du programme Atip-Avenir sont annoncés. Depuis 2009, le CNRS et l’Inserm unissent leurs efforts pour encourager les jeunes chercheurs méritants. Les meilleurs bénéficient ainsi d’une structure d’accueil qui va leur permettre de développer leur propre équipe de recherche et d’une dotation de 270 000 euros sur trois ans. Alors que 406 chercheurs ont déjà intégré ce programme, les 27 lauréats 2011 vont les rejoindre. Parmi eux, 4 parcours à découvrir...

GIANNI LITIL’homme des levures

% LE PRIX LAMONICA DE NEUROLOGIE DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES est attribué cette année à Alexis Brice !"#, PU-PH au sein du CHU de la Pitié-Salpêtrière et co-directeur

de l’institut thématique « Neurosciences, sciences cognitives, neurologie et psychiatrie » d’Aviesan. Le prix servira à financer un projet d’analyse du spectre et de la fréquence des mutations pathogènes

dans une cohorte de 120 familles avec consanguinité et début précoce de la maladie de Parkinson.

Alexis Brice : unité 975 Inserm/Paris 6

www.aviesan.fr

% SÉVERINE BOILLÉE, chercheuse Inserm au Centre de recherche en neurosciences à la Pitié-Salpétrière !"#, a reçu le prix scientifique de la fondation NRJ pour ses travaux sur la sclérose latérale amyotrophique. Elle a notamment

Tout petit déjà, Gianni Liti voulait être cher-cheur. Le lauréat

italien du programme Atip-Avenir se souvient! : «! Mes parents devaient le savoir car ils m’avaient

offert une boîte de jeux pour jouer au petit chimiste!!!» De plus, Gianni est un homme fidèle. Depuis le début, la levure Saccharomyces cerevisiae l’accompagne dans ses recherches. Dès sa thèse à l’université de Pérouse, en Italie, dont il est originaire, il s’inté-resse au transfert horizontal de gènes () chez les levures. «!L’université possède plus de 6!000 lignées cellulaires!!!» Puis c’est le départ pour Leicester, où il s’applique d’abord à comparer les génomes des diffé-rentes levures du genre Saccharomyces. Il faut dire que ce micro-organisme présente un énorme intérêt pour le projet de Gianni. En effet, de nombreuses maladies,

telles le cancer ou le diabète, sont régulées par plusieurs zones d’un chromosome, les loci (), et malgré toutes les études d’associations, on ne peut expliquer que par-tiellement leur héritabilité!: en cause, entre autres, les nombreuses interactions entre les gènes, ainsi qu’entre gène et environnement. Quel rapport avec la levure!? Et bien, justement, les multiples souches de S. cerevisiae offrent une grande variabilité génétique naturelle. Et la combinaison de ces variations donne lieu à une grande

diversité de phénotypes (). Le projet de Gianni, commencé à l’université de Nottingham, est de modéliser ces carac-tères complexes à partir d’un

système génétique eucaryote () simple. À terme, il espère ainsi décrypter les mécanismes génétiques impli-qués dans les maladies humaines. Un projet de grande envergure!qui le passionne et qu’il développera au labo-ratoire de biologie et pathologie des génomes, à Nice !

“!La boîte du petit chimiste pour commencer „

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• À LA UNE • DÉCOUVERTES TÊTES CHERCHEUSES • REGARDS SUR LE MONDE • CLINIQUEMENT VÔTRE • GRAND ANGLE • MÉDECINE GÉNÉRALE • ENTREPRENDRE • OPINIONS • STRATÉGIES • BLOC-NOTES

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 15

Médecin hématologue et chercheuse dans l’unité «!Adaptation cardiovasculaire à l’ischémie!», à l’université de Bordeaux, Chloé James a découvert son attrait pour l’hématologie, située à l’interface de la médecine clinique, de la biologie

et de la recherche, pendant ses études de médecine. Désormais, elle s’attaque à un problème de santé publique majeur!: les thromboses. La survenue de ces caillots sanguins intempestifs demeure en effet mystérieuse. Pour élucider leur formation, Chloé prend comme modèle de travail les syndromes myéloprolifératifs (SMP), maladies au cours desquelles des cellules sanguines normales sont produites en trop grande quantité, et où l’on observe fréquemment des thromboses inexpliquées. «!La plupart des patients souffrant de SMP portent une anomalie sur le gène JAK2, codant pour une protéine à activité tyrosine kinase!(), dans leurs cellules sanguines. Il s’agit de la mutation JAK2V617F. Mon hypothèse est que la présence de cette mutation modifie l’interaction entre les cellules endothéliales, qui forment les vaisseaux sanguins, et les plaquettes, ces éléments du sang qui interviennent en premier pour stopper les saignements en cas de blessure.!» La jeune chercheuse se propose donc d’utiliser des souris porteuses de cette mutation afin d’identifier les acteurs de ces thromboses inexpliquées.

Sont-elles dues à des plaquettes anormales!? À des cellules endothéliales modifiées!? Ou aux deux!? Passionnée par ses recherches, Chloé apprécie tout autant le contact avec les patients lors des consultations qu’elle donne à l’hôpital Haut-Lévêque (CHU de Bordeaux) dans le service d’hémato-logie biologique. Entre ses activités professionnelles et ses deux enfants, aura-t-elle le temps d’apprendre à piloter un avion, son rêve pas si secret!?

CHLOÉ JAMESLa recherche dans le sang

DAMIEN COUDREUSELe goût du risque en toute simplicité

Ce jeune biologiste prend la science à contre-pied. Alors que la plupart des recherches menées en biologie cellulaire ont pour but

d’identifier le plus grand nombre de molécules intervenant dans un processus biologique donné, quitte à entrer de plus en plus dans sa complexité, ce chercheur essaie au

contraire de simplifier les cellules. Après son parcours à l’École normale supé-rieure puis aux Pays-Bas pour sa thèse, où il travaille sur la voie Wnt (), Damien s’accorde une pause pendant laquelle il traverse l’Afrique d’est en ouest. Une fois rentré de son périple, il se décide, non sans hésitation, à faire un post-doc. Il jette son

dévolu sur un laboratoire à New York et se passionne pour la biologie synthétique, un domaine dans le vent dont le but est de créer des systèmes biologiques artificiels. Ce qui lui plaît surtout!? L’aspect conceptuel de ces recherches, destinées à approfondir les connaissances fondamentales. Pour ses études, il choisit la levure Schizosaccharomyces pombe. «!Pour réguler tout cycle cellulaire, de nombreuses protéines interagissent. J’ai décidé de simplifier tout cela, en fusionnant par exemple les gènes codant pour deux sous-unités d’un même complexe protéique. Le gène et la protéine obtenus ne font alors plus l’objet que d’un nombre réduit de contrôles. Et à notre grande surprise, bien que son système de régulation ait été

drastiquement simplifié, la cellule fonctionne très bien!!!»Les défis qu’il s’est lancés avec sa future équipe!? «!Identifier dans quelles conditions ce système cellulaire simplifié sera en difficulté et observer comment il va s’adapter.!» Le jeune chercheur a conscience que son sujet «!est risqué, mais j’ai envie de me faire plaisir et ces recherches me passionnent.!» Pour son retour en Europe, Damien a choisi l’Institut de génétique et développement de Rennes. Un retour dans sa Bretagne natale qui lui permettra de s’adonner à son activité sportive favorite!: la planche à voile. $

Rubrique réalisée par Julie Coquart

La voie de signalisation Wnt

est impliquée dans de nombreux processus : embryogenèse, cancer, mise en place des axes de polarité...

“!Je me demande d’où vient la vie!?!„

“!Percer le secret des thromboses inexpliquées „

démontré la participation des cellules de la microglie dans la dégénérescence des motoneurones.

Séverine Boillée : unité 975 Inserm/Paris 6

www.institut-de-france.fr/grands-prix-2011

% LE GRAND PRIX CANCÉROLOGIE DE LA FONDATION SIMONE ET CINO DEL DUCA 2011, est décerné à Jérôme Galon !"#, directeur du Laboratoire d’immunologie et de cancérologie

intégratives au Centre de recherche des Cordeliers à Paris, pour ses découvertes ayant permis une avancée significative dans la connaissance des mécanismes cellulaires

conduisant à la transformation tumorale.

Unité 872 Inserm/Paris 6

www.academie-sciences.fr/activite/prix

“!Simplifier les systèmes cellulaires „

avec les points de vue religieux!!!» Après une licence en biochimie, puis un DEA et une thèse en neuro-sciences, le jeune chercheur trouve enfin sa voie lors de son post-doc!: l’étude de la régénération du cœur chez le poisson-zèbre. «!Cette capacité est tout à fait surprenante!! Grâce à la prolifération des cellules du muscle cardiaque différenciées, ce poisson peut ainsi régénérer jusqu’à 20 % de son cœur. Mes recherches ont donc pour but d’identifier les gènes impliqués dans ce mécanisme.!» Mais Chris vise plus

loin!: «!Dans le monde occidental, les maladies cardiaques sont une des premières causes de décès et d’invalidité.

À terme, l’idée est d’identifier les gènes homologues chez les mammifères et parvenir un jour à induire une régénération du cœur chez l’homme.!» L’installation en France, à l’Institut de génomique fonctionnelle, à Montpellier, inquiète-t-elle le chercheur!? Pas du tout. «!Le rayonnement de ce labo est international et vivre en France est très agréable.!» D’autant plus que sa compagne est française!!

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Tyrosine kinase

Enzyme qui catalyse le transfert d’un groupe phosphate sur une protéine.

TÊTES CHERCHEUSES

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CancerUne trachée de remplacement

Lorsque les thérapies habituelles ne sont plus d’aucun secours, il ne reste que l’ablation de l’organe atteint... mais encore faut-il qu’on puisse le remplacer. A priori, rien ne permettait donc à ce Suédois de 36 ans d’espérer une heureuse issue à son cancer de la trachée. Contre toute attente, c’est un tour de force qu’a réussi l’équipe du Pr Paolo Macchiarini, de l’hôpital Karolinska dans la banlieue de Stockholm, avec l’aide du Pr Alexander Seifalian, de l’University College de Londres. Ce dernier, après avoir conçu une trachée artificielle, était parvenu à la recouvrir de cellules souches issues du patient. Ainsi, la greffe a pu prendre. Adieu donc cancer et traitements immuno-suppresseurs...

GénétiqueLa faute au père ?

En 1947, JBS Haldane avait émis l’hypothèse qu’en raison d’une plus grande production de gamètes, le père était davantage susceptible de transmettre des mutations à sa descendance. La récente publication dans Nature Genetics amène cependant à nuancer ce propos. Bien que ce soit majoritairement le cas, les chercheurs ont noté, sans pour autant l’expliquer, que dans certaines familles, les mutations étaient essentiellement transmises par la mère. Autre point important, seulement une trentaine de mutations seraient transmises par génération. La fréquence du taux de mutation de l’ADN, et donc la rapidité d’évolution de l’espèce humaine, semble finalement plus faible que ce qui était jusqu’alors envisagé. De quoi réviser le temps qui nous sépare des grands singes…

D. F. Conrad et al. Nature Genetics, 2011; 43, 712–714

Rubrique réalisée par Gaël Estève

TabagismeDes SMS

pour arrêterRecevoir des messages textos personna-lisés et motivants sur son mobile aiderait à arrêter de fumer. C’est le résultat d’une étude intitulée Txt2stop, basée sur un essai en simple aveugle, mené par la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Un total de 5 800 personnes a été affecté au programme. Au terme des six mois d’enquête, alors que seu-lement 4,9 % des personnes destinataires de SMS d’ordre général étaient parvenus à mainte-nir leur sevrage, 10,7!% de ceux qui recevaient des messages ciblés et encourageants avaient atteint ce même résultat. Le SMS, un ami qui vous veut du bien!?

C. Free et al. Lancet, juillet 2011 ; 378 : 49-55

ImmunologiePapillomavirus :

vacciné jeune ou jamais !L’enquête épidémiologique qui vient d’être publiée dans The Lancet aboutit à des résultats contrastés quant au vaccin contre le papillomavirus (HPV). Elle concerne l’état de Victoria, en Australie, qui a bénéficié de 2007 à 2009 d’un vaste programme de vaccination incluant les femmes âgées de 12 à 26 ans. Elle a per-mis de dresser un « avant » et « après » campagne. Si, chez les femmes vaccinées avant 18 ans le vaccin permet bien une baisse significative des cancers, le résul-tat apparaît en revanche plus mitigé pour les autres tranches d’âge et, de manière plus générale, pour les lésions bénignes telles que verrues ou kystes.

J. ML Brotherton et al. The Lancet, 18 juin 2011; 377(9783) : 2085 - 2092

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Gastro-entérologieL’aventure

intérieureCe qui ressemblait fortement à de la science-fiction il y a seulement quelques années est devenu une réalité. Développée par des équipes japonaises de l’Université Ryukoku et du Collège de médecine d’Osaka, une capsule endoscopique autopropulsée est parvenue à recueillir des images du côlon et de l’estomac de plusieurs patients. D’une dimension de 1 cm de diamètre pour 4,5 de longueur, cet endoscope autonome, appelé “Sirène”, est piloté à distance par un médecin à l’aide d’une sorte de joystick. Nouveauté, il est muni d’une nageoire qui lui permet de se déplacer indépendamment de la motilité digestive. Reste à miniaturiser les voyageurs…

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 17

Science&Santé : Que pensez-vous de ce résultat ?Luc Bauchet : C’est une grande avancée et une confirmation scientifique plus qu’un réel progrès pratique. Ces travaux prouvent bien l’existence, dans la moelle épinière, d’un réseau neuronal spécifique qui est capable de produire son propre mouvement locomo-teur. La moelle est donc elle-même très pro-bablement douée de la capacité de marche. Le cerveau se contente de moduler et com-mander ces réseaux neuronaux en donnant l’ordre d’effectuer l’action, de la ralentir... En stimulant la moelle épinière du patient, ces chercheurs sont cependant parvenus à réveiller des fibres jusqu’alors silencieuses, et cela, c’est un exploit.

S&S : Et selon vous, cette technique peut-elle être améliorée ?L. B. : L’électrostimula-tion était utilisée jusqu’ici pour amoindrir la dou-leur. Dans ce cas précis,

Un pas contre la paralysieÀ la suite d’un accident, Rob Summers, un jeune homme de 23 ans, s’est retrouvé atteint d’une lésion haute de la moelle épinière. Il ne pouvait ni contracter ni bouger les muscles des membres inférieurs et du tronc, mais conservait en revanche quelques sen-sations au toucher ou à la piqûre. Des chercheurs américains, dirigés par Susan Harkema de l’Université de Louisville (Kentucky), ont réussi une première mondiale : grâce à l’électro-stimulation () associée à une ré-éducation intensive, le patient peut désormais se lever et marcher à l’aide d’un dispositif médical.

avec Luc Bauchet

ne tient pas debout sans être en permanence lourdement appareillé. Il faudrait probable-ment en plus une stimulation par greffe, ou encore par thérapie génique ou injection de cellules souches.

S&S : Justement, n’est-ce pas une de vos pistes de recherche ?L. B. : Nous avions effectivement débuté des travaux dans ce domaine. Mais, la réinjection de cellules souches pluripotentes neuronales n’a pas porté ses fruits. Les cellules ne survi-vaient pas longtemps et ne se différenciaient pas seulement en neurones. Il faut donc en-core affiner les lignées cellulaires employées. Alain Privat, ancien directeur d’unité à

l’Inserm, avec qui nous travaillons, a utilisé la thérapie génique. Un gène stimulant la différen-ciation neuronale a

permis une réorganisation des voies séroto-ninergiques (). Les résultats ont été promet-teurs et, en 2003, nous avons assisté, chez le rat, à une récupération partielle de la motri-cité des membres inférieurs ! Toutefois, il faut continuer à explorer les différentes voies de la régénération cellulaire. Aujourd’hui, l’électro-stimulation, une ancienne méthode, vient de déboucher sur des résultats spectaculaires et j’espère que, demain, ces autres techniques aboutiront, elles aussi. $

Propos recueillis par Gaël Estève

Neurochirurgien au CHU de Montpellier, chercheur dans l’unité 1051 Inserm/Montpellier 1, Pathologies sensorielles, neuroplasticité et thérapies, attaché au centre de rééducation Propara (Centre mutualiste neurologique)

“!Le réveil de fibres jusque-là silencieuses!„

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elle a été grandement améliorée mais on peut, à mon avis, aller encore plus loin... Finalement, on continue à employer un gros canon pour toucher des cibles extrêmement fines. Ces fameux circuits de la moelle épinière ne font en effet que quelques millimètres et ils devraient être les seuls à être stimulés. Si on identifie les fibres qu’il faut toucher, nous gagnerons en efficacité.

S&S : Alors, quel espoir pour les patients ?L. B. : Bien que ce soit spectaculaire, cette technique n’est pas applicable en l’état. Il faut

tout d’abord que des fibres aient pu subsister malgré la lésion. C’est le plus souvent le cas mais pas toujours. Ensuite, je ne suis pas per-suadé de la fonctionnalité de ce système. Le patient, même s’il récupère cer-taines capacités muscu-laires, ne retrouve pas le sens de l’équilibre... Et, il

Voies sérotoninergiques

Voies de transmission de l’influx nerveux impliquant la sérotonine, un neurotransmetteur qui agit notamment sur la contraction des muscles lisses (artères, voies digestives, voies respiratoires).

Électrostimulation Stimulation de la moelle épinière par des électrodes implantées lors d’une intervention chirurgicale

S.Harkema et al, The Lancet, juin 2011; 377 (9781) : 1938-1947

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REGARDS SUR LE MONDE

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Succès confirmés!!Utilisée avec succès dans le traitement de certaines formes graves de la maladie de Parkinson et de troubles obsessionnels compulsifs, la stimulation cérébrale profonde, qui est encore perfectible, devrait bientôt s’appliquer à d’autres pathologies.

StéréotaxieTechnique utilisée pour atteindre, grâce à un système de coordonnées dans l’espace, des zones du cerveau de manière précise pour procéder à un traitement, un prélèvement, etc.

Luc Mallet : unité 975 Inserm/Paris 6, Centre de recherche en neurosciences de la Pitié-Salptrière, Centre d’investigation clinique neurosciences Pitié-Salpétrière

Pierre Jannin : unité 746 Inserm/Rennes 1, Visages : vision, action et gestion d’informations en santé

Inventée par des équipes Inserm en 1987, cette technique consiste à implanter des électrodes dans une zone particulière du cerveau et à les

relier à un stimulateur électrique externe. Elle est aujourd’hui pratiquée en routine pour les patients atteints de maladie de Parkinson réfractaires aux traite-ments classiques. Ses applications à d’autres pathologies commencent à être reconnues, notamment pour les troubles obsessionnels compulsifs (TOC).

Une intervention de haute précisionC’est dans un Institut du cerveau et de la moelle épinière flambant neuf, au cœur de l’hôpital de la Pitié-Salpê-trière à Paris, que Luc Mallet, psychiatre !"#, confie à des neurochirurgiens des patients atteints de TOC si sévères que toute vie normale en société devient impos-sible. L’intervention consiste à introduire des électrodes par stéréotaxie (), sans ouvrir totalement la boîte crânienne, pour atteindre le noyau sous-thalamique, une région impliquée dans la motricité. Les électrodes sont positionnées au millimètre près grâce à l’imagerie par résonnance magnétique (IRM), puis guidées jusqu’au cœur du cerveau par des microélectrodes qui effectuent un enregistre-ment électrophysiologique des zones traversées. «!Il faut implanter une électrode fine comme un spaghetti dans le premier tiers du noyau sous-thalamique, une zone de 6x4x4 mm, à peine grosse comme une amande!: c’est un exercice de précision impossible, à moins d’être guidé par l’ordinateur et de nombreuses sources d’informa-tions dont l’imagerie, précise Pierre Jannin !"#,

chercheur à Rennes. Le noyau sous-thalamique présente en outre un fonc-tionnement extrêmement complexe, tel un autre petit cerveau à l’intérieur du cerveau, avec ses propres aires associatives!!!» Ainsi, l’enregistrement électrophy-siologique permet de confirmer que l’on est bien dans le noyau sous-thalamique et non plus dans la matière blanche, composée des fibres nerveuses ou axones. Lorsque l’endroit a été précisément repéré et la trajectoire retenue, l’électrode définitive, de 1,27 mm de diamètre,

Structures cérébrales profondes en 3D des hémisphères droit

et gauche du cerveau. En vert et en rouge, les deux

noyaux sous-thalamiques.

Noyaux caudés avec deux électrodes implantées dans les noyaux sous-thalamiques (traitement des TOC)

© LUC MALLET/JÉRÔME YELNIK/ERIC BARDINET (INSERM, CNRS-INRIA)

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peut être introduite. À son extrémité, 4 plots permettent de distribuer les impulsions électriques. Celles-ci sont conduites par un câble relié à un stimulateur et qui passe sous la peau du crâne et derrière les oreilles. Cette sorte de «!pile!» génère des impulsions électroniques de fréquence et voltage modulables par télémétrie (pilotable depuis l’extérieur). Elle peut être implantée dans un second temps, dans l’abdomen par!exemple.

Un bilan coût/efficacité positifNul besoin d’anesthésie pour cette intervention!: le cerveau n’est en effet pas sensible à la douleur. Le fait que les patients restent éveillés est utile au chirurgien qui peut ainsi vérifier immédiatement que les électrodes sont implantées préci-sément où elles doivent l’être!! L’équipe peut aussi, à des fins de recherche, faire accomplir aux patients des tâches expérimentales. «!Par exemple, nous cherchons actuelle-ment à reproduire en laboratoire le fait qu’un patient atteint de TOC peut éprouver un doute sur une décision, illustre Luc Mallet. Dans les TOC, l’obsession à vouloir vérifier qu’on a fermé sa porte à clef vient que l’on doute de l’avoir fait!: d’où vient ce doute!? L’idée est d’étudier les mécanismes cérébraux à l’œuvre dans la maladie, ainsi que l’intérêt thérapeutique éventuel d’aller modifier l’activité de certains neurones pour corriger ces mécanismes pathologiques…!»La technique est efficace. Dans le traitement de la maladie de Parkinson, le coût du stimulateur (17!000 euros) est même entièrement remboursé par la Sécurité sociale puisque les études ont toutes souligné l’avantage économique de l’intervention sur le coût de la prise en charge des malades non traités. Dans les TOC, le recul, à 5 ans, montre aussi d’excellents résultats!: des patients pour lesquels toute vie sociale était impossible ont pu, grâce à l’intervention et à un accompagnement psychologique, s’intégrer et trou-ver du travail. Comme toute technique, cette stimulation cérébrale s’améliore avec les années. «!L’implantation dans le noyau sous-thalamique pour

traiter la maladie de Parkinson peut être aujourd’hui réalisée en 4 heures… alors qu’il fallait trois fois plus de temps à ses débuts, il y a 16 ans », rappelle Luc Mallet.! Tous les patients opérés restent une quinzaine de jours en neurochirurgie, le temps de la cicatrisation du cerveau. Ils garderont le dis-positif toute leur vie. Au besoin, seule la pile sera changée.

Une technique de dernier recoursPar ailleurs, la technique n’est pas sans risque!: des patients parkinsoniens implantés peuvent présenter des troubles

de l’humeur, avec de la tristesse et de l’apathie… Parmi les effets secondaires bien connus de la stimulation cérébrale profonde, on peut noter un risque de perte de la capacité à reconnaître les émotions sur le visage (prosodie émotionnelle) ou des difficultés à citer le maximum de mots commençant par une même lettre (troubles de la fluence lexicale). «!Dans les années qui viennent, les progrès prévisibles seront d’avoir des dispositifs beaucoup plus subtils, et le développement de tech-niques comme les ultrasons focalisés qui permet-tront de ne plus avoir à ouvrir la boîte crânienne!», pronostique Luc Mallet. D’autres protocoles de stimulation sont en cours, comme dans le syndrome de Gilles de la Tourette. Des perspectives de traitement par électrostimulation d’addictions sévères à l’alcool ou à la cocaïne sont à l’étude en Allemagne. De même pour les dépressions sévères. Mais comme le conclut Luc Mallet!: «!Il faut rester sur des principes éthiques très fermes, le traitement par stimulation cérébrale profonde ne peut être envisagé que si l’on a épuisé auparavant toutes les autres si tuations…!» $ Clara Delpas

Cette image montre les points des électrodes stimulés pour les patients parkinsoniens dans le noyau sous-thalamique.La couleur indique la qualité de l’amélioration de la maladie calculée avec les scores UPDRS3Groupe rouge : meilleure améliorationGroupe vert : amélioration moyenneGroupe bleu : moins bonne amélioration

L’électrode est introduite dans le noyau sous-thalamique &. Les impulsions électriques sont conduites par un câble ' relié à un stimulateur (.

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CLINIQUEMENT VÔTRE

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201120

Luc Douay : unité 938 Inserm/Paris 6, Prolifération et différenciation des cellules souches : application à la thérapie cellulaire hématopoïétique, chef du service d’hématologie et d’immunologie biologiques de l’hôpital Saint-Antoine, professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC) et directeur scientifique de l’Établissement français du sang (EFS) d’Île-de-France

C. Mazurier, L. Douay, H. Lapillonne. Curr Opin Hematol, juillet 2011;18(4) : 249-53

Cellule soucheCellule indifférenciée qui peut devenir une cellule de n’importe quel type de tissu ou d’organe.

Cellule souche hématopoïétique

Cellule mère des cellules sanguines présentes dans la moelle osseuse et le sang du cordon ombilical

Patients polytransfusés

Patients dont les maladies nécessitent de pratiquer régulièrement des transfusions. Certains d’entre eux s’immunisent progressivement contre les antigènes présents à la surface des globules rouges.

Mi-juillet, face à des stocks de sang qui n’avaient jamais été aussi bas depuis cinq ans, la Suisse lance un

appel au don. La France n’est pas non plus à l’abri d’une pénurie, surtout en période

estivale en raison de la baisse des dons. «!Avec l’augmen-tation de l’espérance de vie, les besoins vont croissant, alors que le nombre de personnes en âge de donner diminue!», souligne Luc Douay !"#. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux pays caressent aujourd’hui l’idée de produire des globules rouges de manière industrielle. Les potentia-lités de marché vers les pays du Sud, où les circuits de dons sont peu développés, sont en outre gigantesques. L’équipe de Luc Douay est pionnière dans ces recherches. En 2004, elle réussit à générer in vitro des globules rouges fonctionnels à partir de cellules souches!() hématopoïétiques (CSH)!() prélevées dans le sang de cordon ombilical humain. Publiée dans Nature Biotechnology, la preuve du concept est faite. Mars 2011, l’équipe lance le projet StemRed en collaboration avec les entreprises Cellectis et Bertin Technologies, l’université Pierre-et-Marie-Curie, l’Établissement français du sang et le Centre d’étude des cellules souches. Son objectif!: relever le défi d’une production automatisée. «!Un obs-tacle technologique va-t-il apparaître!? D’ici trois ans, nous devrions le savoir!», affirme le chercheur.Les États-Unis et la Grande-Bretagne se sont aussi lancés dans la course. Chacun suivant une approche différente, focalisant leurs efforts sur des cellules souches «!précur-seurs!»!des globules rouges distinctes. Les États-Unis

misent sur les CSH issues du cordon ombilical. «!Cette approche est intéressante mais elle implique la collecte des cordons et impose une production par lots. Pour appro-visionner les patients polytransfusés!() ou ceux au groupe sanguin rare, il faudrait au moins recueillir 5 % de tous les cordons ombilicaux des États-Unis sur une année!», selon Luc Douay. Côté anglais, on se concentre sur les cellules souches embryonnaires issues d’embryons nés de fécon-dation in vitro. Mais des questions d’ordre éthique se posent. «!Il n’est pas non plus possible de choisir son donneur!», ajoute le chercheur.La France a pris un virage plus novateur avec les cellules souches pluripotentes induites (iPS). Issues de n’importe quelle cellule différenciée, elles sont reprogrammées en cellules souches. En 2010, l’équipe a montré qu’il était possible d’induire la différenciation d’iPS vers des globules rouges matures. Mais les quantités obtenues sont faibles : 1 500 globules rouges à partir d’une iPS, contre 4 500 à partir d’une cellule souche embryonnaire et plusieurs millions à partir d’une CSH!! Pourquoi s’engager alors sur une telle piste!? «!Avec seulement trois lignées d’iPS, nous pourrions transfuser 99!% des personnes polytransfusées ou ayant un groupe sanguin rare. Nous avons là la source de globules rouges “universels’’!!!» Les inconvénients!? En plus de la faible prolifération actuelle des iPS, leur capacité de maturation terminale est encore limitée. C’est tout l’objectif du projet StemRed que d’améliorer ces deux aspects. En attendant les usines à globules rouges, peut-être d’ici une dizaine d’années, les dons de sang restent vitaux. $ Gaëlle Lahoreau

Des globules rouges made in FranceProduire de façon automatisée des globules rouges de « culture » à partir de cellules souches humaines ? La France veut relever le défi. Mais d’ici là, les dons sont toujours nécessaires !

La preuve du concept chez l’hommeL’équipe de Luc Douay avait déjà montré que les globules rouges de « culture », fabriqués à partir de cellules souches hématopoïétiques, se comportaient comme des globules rouges natifs, ou transférés, chez les souris. Il en est de même chez l’homme ! Ces résultats, fondés sur le premier essai clinique, sont à paraître dans Blood. Reste maintenant à savoir à partir de quelles cellules souches on va les fabriquer !

Cellules souches en culture, à droite 10 jours après : plusieurs millions de globules rouges

Procédure de fabrication « industrielle » de globules rouges

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Page 21: Science sante derniere_version

Hépatite CL’entrée dans l’ère des trithérapiesUne chance sur deux. Aujourd’hui, un patient infecté par le virus de l’hépatite C de génotype 1, le plus répandu en France, a 50 % de chance de guérir avec la bithérapie classique (peg-interféron et ribavirine). Vu autrement, un patient sur deux risque de voir sa cirrhose empirer. L’arrivée de deux nouvelles molécules sur le marché d’ici à la fin 2011 pourrait chambouler la donne : télaprévir et bocéprévir s’attaquent directement à des protéines virales intervenant dans la multiplication du virus. Associées au traitement standard, elles permettraient de guérir 20 à 30 % de patients supplémentaires. Ainsi, on pourrait voir affluer entre 15 000 et 19 400 nouveaux malades dans les hôpitaux en 2012, soit trois à quatre fois le nombre de patients soignés en 2010. Mais la durée du traitement pourrait être deux fois moins longue : 24 semaines au lieu de 48 actuellement.

M. Corouge, S. Pol. Med Mal Infect, 15 juillet 2011 S. Deuffic-Burban et al. Communication à l’European Association for the Study of the Liver, Berlin (30 mars-3 avril 2011)

% REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN : MÉDICAMENT OU CHIRURGIE?

Les remontées acides vers la gorge ne sont jamais très agréables, surtout après un bon repas ! Fréquentes et prolongées, elles peuvent entraîner des inflammations et des lésions de l’œsophage. Deux options sont possibles pour soigner ce reflux gastro-œsophagien pathologique : la chirurgie ou les médicaments. Laquelle choisir ? Une étude menée par le professeur Galmiche !"# a suivi 372 patients européens ayant accepté de laisser le hasard décider pour eux. Pour un succès comparable ! Après cinq ans, la maladie était toujours sous contrôle pour 92 % des personnes traitées avec l’ésoméprazole, une molécule diminuant les sécrétions gastriques, contre 85 % pour les patients qui avaient opté pour une chirurgie cœlioscopique, une technique mini-invasive permettant d’accéder à la cavité abdominale par le nombril. « La chirurgie semble meilleure pour soulager les régurgitations, souligne le chercheur, mais au prix d’un peu plus de risque de dysphagie (sensation de gêne lors de la déglutition), de flatulences et de ballonnements. » Reste donc à assumer les effets secondaires…

J.-P. Galmiche : unité 913 Inserm/université de Nantes, Neuropathies du système nerveux entérique et pathologies digestives, et Centre d’investigation clinique-biothérapie de Nantes

J.-P. Galmiche et al. JAMA, 2011; 305(19) : 1969-1977

GreffeL’allergie surpriseC’est l’histoire d’une femme de 62 ans à qui on a greffé le foie d’un jeune homme décédé dans un accident de voiture. Trois semaines plus tard, elle croque une cacahuète et développe, pour la première fois de sa vie, une réaction allergique exacerbée. Heureusement, elle est admise aux urgences en moins de 15 minutes. Que s’est-il passé! ? Pour l’équipe de Pascale Dewachter !"#, l’explication

AlzheimerLe lama, nouvel allié des chercheurs ?

la plus vraisemblable est que le foie transplanté hébergeait des lymphocytes « anti-cacahuète », l’allergie du jeune homme étant connue. Huit mois après la greffe, les tests cutanés, les concentrations d’anticorps et les tests réels (ingestion de «!Curly!»!et de vraies cacahuètes) étant négatifs, la patiente a été autorisée, de nouveau, à consommer des arachides. Certes passagère, cette allergie aurait néanmoins pu être fatale!!

Pascale Dewachter : unité 970 Inserm/Paris 5, Service d’anesthésie-réanimation, Samu de Paris et hôpital Necker-Enfants malades

P. Dewachter et al. American Journal of Transplantation, 2011; 11 : 1531–1534

Le lama connu pour ses crachats, pourrait l’être bientôt pour ses anticorps ! Ces derniers sont au cœur d’un projet lancé le 21 juillet 2011 par l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, le CEA, l’Institut Roche, le CNRS et l’Institut Pasteur. Contrairement aux autres mammifères, les lamas possèdent des anticorps si petits qu’ils sont capables de

traverser la barrière hémato-encéphalique qui protège le cerveau. L’idée est de les utiliser pour illuminer les amas de protéines Tau et de protéines ß-amyloïdes, responsables des lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer. Une simple IRM (imagerie par résonance magnétique)

serait alors suffisante pour les visualiser. Actuellement, aucune technique ne permet de détecter la maladie avant l’apparition des premiers signes de démence. Or, elle pourrait toucher deux millions de personnes d’ici à 2040.

web icm-institute.org

Rubrique réalisée par Gaëlle Lahoreau

Virus de l’hépatite C, en orange : les glycoprotéines qui lui permettent de se fixer à la cellule cible.

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201122

Dossier élaboré avec la collaboration de l’institut thématique multiorganisme (Itmo) Neurosciences

Les secrets de l’apprentissage

• À LA UNE • DÉCOUVERTES • TÊTES CHERCHEUSES • REGARDS SUR LE MONDE • CLINIQUEMENT VÔTRE GRAND ANGLE • MÉDECINE GÉNÉRALE • ENTREPRENDRE • OPINIONS • STRATÉGIES • BLOC-NOTES

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 23

C’est la rentrée. Chaque jour, pendant 10 mois, les élèves vont apprendre. Des théorèmes de géométrie, des règles de grammaire, et pour les

plus jeunes, l’écriture et la lecture. Comment font-ils ? Quels mécanismes permettent d’engranger tant d’informations et surtout de pouvoir y accéder lorsqu’on en a besoin ? La mémoire joue ici un rôle essentiel. Mais d’autres fonctions cognitives entrent également en jeu. Quelles sont-elles ? Peut-on les améliorer et apprendre plus facilement ?

• Les arcanes de la mémoire 24

• Comment notre cerveau apprend ? 26

• Apprendre à apprendre 28

• Lire et écrire : rien que du plaisir ? 31

• Mathématiques : de l’intuition à la manipulation 34

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201124

Les arcanes de la mémoire Tout au long de notre vie, nous apprenons. Lors de la scolarité, l’apprentissage est encore plus présent. Or, pour apprendre,il faut mémoriser. Comment cette mémoire fonctionne-t-elle ?

Francis Eustache : unité 923 Inserm/EPHE/Université Caen Basse-Normandie

«C’est la mémoire qui fait toute la profondeur de l’Homme!», disait Charles Péguy. Mais

comment est organisée cette fonction qui nous permet de faire revenir à l’es-prit un savoir, une expérience acquise antérieurement!? La mémoire n’est pas une entité unique. «!On parle plutôt de systèmes de mémoires, définies en fonc-tion de leur rôle!», fait remarquer Francis Eustache!!"#, neuropsychologue au Laboratoire de Neuropsychologie cognitive et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine, à Caen. Ainsi, la mémoire de travail, autre-fois appelée «!à court terme!», permet de mémoriser un numéro de téléphone le temps de le composer. En parallèle, quatre autres systèmes interviennent dans le stockage des informations à long terme. La mémoire procédurale, elle, consigne tous nos savoir-faire!: conduire une voiture, passer la tondeuse, faire du vélo… Quant à la mémoire déclarative, celle qu’on peut exprimer par

le langage, elle regroupe deux autres systèmes. D’abord la mémoire épisodique qui renferme les souvenirs personnellement vécus!: «!Ma première leçon de piano, j’avais 10 ans et aucune envie d’y aller, mais j’y ai fait la connaissance d’une autre élève, devenue ma meilleure amie.!» C’est cette mémoire qui est sollicitée quand on revit des expériences du passé… ou que l’on se projette dans le futur. Ensuite, la mémoire sémantique, qui compile les connaissances générales sur le monde!: la France est en Europe, les roses ont des épines, l’eau mouille… «!On se souvient rarement du contexte d’apprentissage

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MNESISDans ce modèle de la mémoire MNESIS, Francis Eustache et Béatrice Desgranges mettent en avant son organisation en plusieurs systèmes, mais aussi son aspect constructif et dynamique. Au centre, le buffer (tampon en anglais) se rapproche de la notion de conscience de soi, puisqu’il est en prise directe avec les différents systèmes.

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de ce type d’informations », souligne Francis Eustache. En parallèle, la mémoire perceptive permet, par exemple, de reconnaître une forme plus rapidement si on l’a déjà vue auparavant.

Encoder, stocker… et récupérerTrois étapes permettent de mémoriser des informations et surtout, de s’en rappeler : l’encodage, le stockage et la récupération. « Surtout, la mémoire se construit, insiste Francis Eustache. Et pour que la construction s’opère, pour que la mémoire soit fluide, il faut que l’on oublie beaucoup. »

Imaginons que vous venez d’assister à une réunion. Immé-diatement après, vous vous souvenez que le dernier orateur n’avait pas de cravate, mais vous avez déjà oublié son nom. De plus, bien que vous n’ayez pas trouvé un intérêt parti-culier à son discours, et que vous soyez incapable d’en citer une phrase, celui-ci vous a changé. Vous avez appris des informations sans en avoir vraiment conscience. C’est alors qu’intervient la phase de stockage, celle qui vous permet de consolider les souvenirs. Allez-vous enregistrer de façon permanente toutes les informations entendues ? Non. « Plus ou moins volontairement, chacun va agréger d’une

façon ou d’une autre ce qu’il a appris en fonction de ce qu’il connaît. Processus d’oubli, d’une part, et de sémantisation, d’autre part, sont alors à l’œuvre : nous gardons en mémoire les éléments-clés, ceux qui renforcent nos croyances ou au contraire ceux qui les remettent en cause », précise Francis Eustache.

Mais ces systèmes de mémoire ne sont pas étanches et la mémoire est loin d’être figée. Ainsi, des souvenirs très précis d’une ville, enregistrés suite à une visite, vont devenir au fil du temps des connaissances générales sur cette même ville, indépendamment du contexte qui a permis de les apprendre. n Julie Coquart

La mémoire fourmille d’informations, de savoir-faire, de souvenirs… Comment s’organise-t-elle ?

L’imagerie cérébrale permet d’étudier le fonctionnement de la mémoire.

Test�La mémoire

est un processus actif

Faites passer ce test à votre entourage : recopiez la liste de mots suivante et présentez-la avec pour consigne de les retenir. Caramel, loukoum, dragée, ganache, réglisse, sucette, chewing-gum, calisson, nougat, bergamote, praline, guimauve, truffe, orangette, marrons glacés Quelques instants plus tard, citez certains de ces mots en leur demandant s’ils appartiennent à la liste. parmi ceux-là, glissez le mot « sucreries ». La plupart des gens répondront qu’il fait effectivement partie des mots à retenir. ce qui est faux. mais qui prouve bien que le cerveau n’a pas enregistré les mots sans traitement: il les a analysés et les a répertoriés comme étant tous des sucreries. c’est la mémoire sémantique qui est ici à l’œuvre.

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Renfermant une centaine de milliards de neurones, notre cerveau est le centre de contrôle de notre organisme et le siège de toutes les fonctions cognitives. Il permet, entre autres, d’acquérir de nouvelles connaissances et de les réutiliser. Mais comment fait-il ?

Notre cerveau est constitué de la substance blanche, composée d’une multitude de fibres nerveuses, les axones, reliant les différentes régions cérébrales, et

de la substance grise, composée des corps cellulaires des neurones qui communiquent grâce aux synapses. Toutes deux présentent une certaine plasticité!: les circuits céré-braux sont donc capables de se remodeler sous l’effet de l’expérience. Plus on apprend, plus il y a de connexions synaptiques qui s’établissent entre les neurones et plus ces synapses se renforcent. Les signaux sont ainsi transmis encore plus rapidement et plus efficacement. La subs-tance grise se développe quant à elle avec la création de nouvelles synapses et même de nouveaux neurones dans certaines régions du cerveau comme l’hippocampe. Ces synapses utilisent comme neurotransmetteur le gluta-mate, qui se fixe sur des récepteurs spécifiques au niveau du neurone post-synaptique, les récepteurs AMPA.

Mais, lorsque la stimulation est forte ou répétée et que la concentration de glutamate libéré est importante, d’autres récepteurs du glutamate entrent en action, les récepteurs NMDA. L’activation de ces derniers déclenche l’entrée d’ions calcium dans le neurone post-synaptique. S’en suit une cascade de réactions chimiques aboutissant à l’expression de certains gènes qui permettent la synthèse de protéines nécessaires à la modification des connexions entre les cellules nerveuses. Serge Laroche !"# et son équipe du Centre de neurosciences Paris-Sud à Orsay ont identifié certains de ces gènes, dont zif268. En inac-tivant celui-ci chez des souris, ils ont constaté que les petits rongeurs ne pouvaient pas retenir les informations apprises plus de quelques heures. En réalité, zif268 permettrait de stabiliser les modifications synaptiques et serait essentiel à la consolidation mnésique, c’est-à-dire à la mémorisation à long terme.

Serge Laroche : UMR 8195 CNRS/Université Paris-Sud 11 Stéphane Oliet : Unité 862 Inserm « Physiopathologie de la plasticité neuronale » Édith Lesburguères et Bruno Bontempi : UMR 5293 CNRS/Université Bordeaux 2-Victor Segalen

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Aire de Broca

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L’hippocampe, le chef d’orchestre de nos souvenirsC’est une petite structure limbique enfouie au fond de notre cerveau ressemblant au poisson du même nom. Durant le sommeil, des

interactions répétées entre l’hippocampe et

des régions spécifiques du néocortex - la couche

externe des hémisphères cérébraux - ont lieu, permettant

la consolidation mnésique.

Comment notre cerveau apprend ?

N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201126

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Récemment, de nombreux travaux se sont accumulés en faveur d’un rôle actif d’un autre acteur de la plasticité cérébrale!: les cellules gliales, et notamment des astro-cytes, en forme d’étoiles.

Des modifications durablesStéphane Oliet!!"# et son équipe du Neurocentre Magendie à Bordeaux ont découvert qu’un acide aminé libéré par les astrocytes, la d-sérine, était nécessaire à l’activation des récepteurs NMDA, eux-mêmes indispensables au phénomène de plasticité synaptique et au maintien à long terme de ces modifications. À un niveau plus structurel, l’hippocampe jouerait lui aussi un rôle dans cette «!consolidation mnésique!»!qui se déroule au cours de phases de repos ou de sommeil. L’hippocampe trie les informations pertinentes, pour les mémoriser. Ensuite, celles-ci sont stockées de façon durable dans

différentes zones du néocortex. Édith Lesburguères et Bruno Bontempi !"#, à l’Institut de maladies neurodégé-nératives à Bordeaux, ont précisé comment s’instaurait ce «!dialogue!». Selon eux, l’hippocampe relèverait les «!adresses!» des réseaux de neurones impliqués dans la formation d’un souvenir. Il les utiliserait ensuite pour réactiver de façon répétée ces réseaux, permettant ainsi le renforcement des connexions neuronales et la forma-tion d’un souvenir durable et stable.Cette «!plasticité synaptique!» est donc essentielle à l’apprentissage car elle permet de conserver, dans un réseau de neurones, la trace d’un chemin spécifique à un souvenir ou à une information apprise. Ainsi, apprendre modifie la structure de notre cerveau, et ces modifica-tions conduisent à l’amélioration de nos performances. Un phénomène qui s’opère tout au long de notre vie. $

Yann Cornillier

Récemment, de nombreux travaux se sont accumulés en faveur d’un rôle actif d’un autre acteur de la plasticité cérébrale!: les cellules gliales, et notamment des astro-cytes, en forme d’étoiles.

Des modifications durablesStéphane Oliet!!"# et son équipe du Neurocentre Magendie #

à Bordeaux ont découvert qu’un acide aminé libéré par

différentes zones du néocortex. Édith Lesburguères et Bruno Bontempi !"#, à l’Institut de maladies neurodégé-nératives à Bordeaux, ont précisé comment s’instaurait ce «!dialogue!». Selon eux, l’hippocampe relèverait les «!adresses!» des réseaux de neurones impliqués dans la formation d’un souvenir. Il les utiliserait ensuite pour réactiver de façon répétée ces réseaux, permettant ainsi le renforcement des connexions neuronales et la forma-

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Le neurone, l’agent de liaison

Les cellules nerveuses ou neurones sont les unités

de traitement de l’information. Les neurones communiquent

grâce aux axones qui établissent des liaisons entre eux. Mis bout

à bout, ils représentent 15 fois la circonférence de la Terre. Les

informations perçues par nos sens déclenchent l’activation de neurones qui vont véhiculer des impulsions électriques - l’influx

nerveux - le long de leurs axones et jusqu’à la synapse.

Les synapses,

chemins de la mémoireUne synapse est l’espace qui sépare deux neurones et au niveau duquel ils communiquent. L’arrivée de l’influx nerveux entraîne la libération des neurotransmetteurs à l’extrémité de l’axone du premier neurone. Des récepteurs à la surface de la membrane du second captent ces composés chimiques, déclenchant ainsi la transmission d’un nouvel influx nerveux.

La myéline, le turbo des neuronesC’est elle qui donne sa couleur à la substance blanche. Elle sert à isoler et à protéger les fibres nerveuses. La myéline permet d’augmenter la vitesse de propagation de l’influx nerveux, assurant ainsi une communication rapide entre les neurones.

Les astrocytes, des stars enfin reconnuesLes cellules gliales - auxquelles appartiennent les astrocytes - représentent près de la moitié du volume cérébral. Ces cellules ont longtemps été cantonnées à un rôle de soutien auprès des cellules nerveuses, assurant leur maintien et leur protection. Aujourd’hui, on pense qu’elles jouent un rôle important dans la plasticité cérébrale.

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201128

Apprendre à apprendre!Comment perfectionner notre capacité à améliorer nos connaissances ? En s’appuyant sur les trois piliers de l’apprentissage, répondent les chercheurs : attention, inhibition, motivation. Démonstration.

De quelle façon peut-on ancrer de nouvelles infor-mations dans sa mémoire!? Premier élément de réponse!: on se souvient d’autant plus d’une infor-

mation que l’on retrouve au moment où on en a besoin des indices similaires aux conditions dans laquelle on l’a apprise. «!Savoir de quelle manière on va être interrogé peut conditionner la façon dont on apprend une leçon!», détaille Francis Eustache. Ainsi, dans le cadre des examens par exemple, si un étudiant sait qu’il va être interrogé sous forme de questionnaire à choix multiples, il aura tout intérêt à ordonner ses cours sous la même forme. «!Mais un traitement profond, c’est-à-dire sémantique, permet d’ancrer l’info de façon plus pérenne!», précise le chercheur. En effet, la vitesse à laquelle les informa-tions sont oubliées est fonction de la façon dont elles ont été encodées. Premiers à disparaître, les souvenirs sensoriels, comme les odeurs. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à une halte dans une parfumerie, où l’on veut tester plusieurs parfums. Généralement,il faut

humer plusieurs fois une essence pour pouvoir la comparer aux autres. Il est donc très difficile de retenir une nouvelle odeur. «!À l’inverse, nuance Béatrice Desgranges, neuropsychologue dans le même labora-toire que Francis Eustache, les odeurs que l’on connaît très bien ont un fort pouvoir évocateur.!» Marcel Proust, avec ses madeleines, ne dira pas le contraire. Viennent ensuite les souvenirs passés par le filtre du codage lexical. Dans une expérience où des participants doivent apprendre un texte, on vérifie leur mémoire en leur faisant comparer des phrases exactes du texte à des phrases transformées, dans lesquelles certains termes ont été remplacés par leurs synonymes, comme «!bateau!» par «!voilier!». «!Au-delà d’une semaine, la mémoire lexicale, celle des

Le cerveau n’est pas un muscle, mais peut-on quand même l’entraîner ?Surfant sur la peur que provoque la maladie d’Alzheimer, de nombreux programmes proposent d’entraîner son cerveau, voire de faire rajeunir son âge cérébral. Info ou intox ? Pour Alain Lieury, il s’agit de supercherie. En effet, une expérience menée avec des enfants d’âge scolaire n’a pas montré d’amélioration dans les matières scolaires chez les jeunes ayant suivi ce type d’entraînement par rapport à ceux qui s’étaient adonnés aux jeux du style Journal de Mickey. Si l’on constate une amélioration des scores à ce type de jeux sur console, elle serait uniquement due à un effet d’habituation. Francis Eustache n’est pas aussi catégorique. « Les mots fléchés, également mis en avant pour entretenir son cerveau existaient avant l’arrivée de ces programmes. » Sa critique porte plus sur le marketing à outrance qui peut aller jusqu’à la tromperie. « Il ne faut pas y jouer trois heures par jour, en espérant améliorer sa mémoire ou sa capacité de raisonnement au détriment des relations sociales. Ces dernières, par leur complexité, et la nécessité qu’elles impliquent de se mettre à la place de l’autre, sont tout autant importantes dans le maintien des fonctions cognitives. »

Être attentif, l’une des conditions de l’apprentissage

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Jean-Philippe Lachaux : unité 1028 Inserm/Université Lyon 1

mots, n’est plus fiable, rapporte Alain Lieury, ancien directeur du labo-ratoire de psychologie expérimentale de Rennes. Mais les idées ont cependant été retenues. » Les images mettent plus de temps à être oubliées. Quant aux informations sémantiques, porteuses du sens donc, elles résistent plus longtemps aux charmes de Léthé, la déesse grecque de l’oubli. De plus, si l’on est amené à retenir une grande quantité d’informations, il est essentiel d’étaler les périodes de mémorisation dans le temps. Ménager des temps de repos entre les phases d’apprentissage permet aux informations nouvelles d’être consolidées. Les séances de bachotage intensif jusqu’à des heures tardives ne sont donc pas efficaces sur le long terme.

AttentionPour Jean-Philippe Lachaux !"#, neurobiologiste au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, la condition princi-pale d’un bon apprentissage reste l’attention. Mais comment faire attention à son attention!? Il est en effet bien difficile de la définir, sauf par exclusion!: tout le monde sait ce que cela signifie de ne pas faire attention!! Le chercheur invite ainsi chacun à mener sa propre introspection et à identifier les facteurs distrayants, ceux qui justement détournent notre attention. Dans son livre, Le cerveau attentif, Jean-Philippe Lachaux raconte ainsi une expérience menée dans son laboratoire. Des volontaires avaient pour mission de retenir les mots qui s’inscrivaient sur un écran d’ordinateur, mais seulement s’ils étaient en vert. Dans l’expérience, des mots rouges s’intercalaient entre les mots verts, apparaissant suffisamment longtemps pour que les participants puissent les lire. Ces derniers devaient ensuite raconter l’histoire

énoncée par les mots verts. En général, aucun problème. Mais lorsqu’il s’agissait de raconter celle décrite par les mots rouges, ils en étaient incapables. L’expérience montre ainsi à quel point l’attention ne peut être focalisée que sur un seul objet, et qu’elle inhibe ainsi la prise en compte de tout autre stimulus. «!L’attention est un bien rare et précieux, elle ne peut être partout à la fois!», explique le chercheur. C’est d’ailleurs bien ainsi que Jean-Philippe Lachaux la définit!: par la mise de côté des autres objectifs qui pourraient parasiter la tâche du moment. Un exercice difficile à mettre en œuvre, car cela demande «!de se faire confiance, de passer une sorte de contrat avec soi-même!». On accepte de focaliser son attention sur un seul but, à l’exclusion de tout autre, comme penser à une liste de courses, aux mails en attente, à ce bourdonnement de mouche dans la pièce. Mais cet état attentif ne peut durer très longtemps. Un conseil!? Relever la tête de la tâche du moment, sortir de sa bulle, comme pour respirer et vérifier que rien d’autre ne mérite notre attention, puis… s’y replonger.

InhibitionQuant à Olivier Houdé, professeur de psychologie à l’Université Paris-Descartes et titulaire de la chaire de Sciences des apprentissages à l’Institut universitaire de France, il va encore plus loin. Au-delà de la simple focalisation de l’attention, l’inhibition doit aussi être mise en œuvre lors d’apprentissage. S’inspirant des travaux de Piaget, le psychologue, ancien instituteur, a développé une nouvelle théorie sur le développement cognitif des enfants. Contrairement à Piaget qui énon-

çait que ce développement passait par différents stades, Olivier Houdé considère que les enfants possèdent, à chaque âge, différentes stra-tégies cognitives. Et selon leur âge, ils en utilisent

Dormir permet de mieux apprendre… mais pas pendant les cours !

Lus sans attention (à droite), les mots n’activent pas l’aire du langage (aire de Broca).

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Dormir pour mieux apprendreMémoriser, c’est sélectionner des informations à enregistrer et en oublier d’autres. Les travaux menés par Géraldine Rauchs !"# et Pierre Maquet de l’université de Liège (Belgique) ont montré l’importance du sommeil dans ce processus de sélection. Les participants de l’expérience devaient retenir ou, au contraire, oublier certains mots qui leur étaient présentés. La moitié du groupe était ensuite privée de sommeil la première nuit après l’apprentissage. Trois jours plus tard, des tests montraient que les sujets n’ayant pas pu dormir avaient retenu autant de mots à mémoriser que les sujets ayant dormi, mais avaient aussi mémorisé plus de mots qu’ils avaient pour consigne d’oublier. Sans sommeil, le tri entre les informations pertinentes et celles qui ne le sont pas ne s’est pas fait correctement. Cette expérience confirme l’importance du sommeil dans la consolidation des souvenirs. De plus, l’IRMf a montré que l’activation de l’hippocampe lors de l’apprentissage différencie les mots qui seront retenus de ceux qui seront oubliés au cours du sommeil. Un résultat qui concorde avec ceux d’Edith Lesburgères (voir p. 27).

Géraldine Rauchs : unité 923 Inserm/Université Caen Basse-Normandie

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une préférentiellement. Ce qui peut les conduire à donner des réponses erronées. Il s’agit alors de leur apprendre à inhiber la stratégie inadéquate pour utiliser celle qui est la plus propice à la situation. Grâce à ses recherches, Olivier Houdé a réussi à mettre en évidence ce qui se passe dans le cerveau lorsqu’une stratégie est inhibée. L’expérience consistait, par exemple, à présen-ter deux rangées d’objets placés en correspondance un à un, en nombre identique et à demander à des enfants s’il y en avait le même nombre. À cette étape de l’expérience, la plupart des enfants répondent correctement oui. Ensuite, les objets de la rangée du dessous sont espacés, mais sans que leur nombre soit changé. Lorsqu’on demande à nouveau aux enfants d’indiquer s’il y a ou non le même nombre d’objets, ceux de moins de 7 ans répondent généralement «!non!». Ils se fondent, pour répondre, sur la stratégie «!longueur égale nombre!». Les plus âgés, eux, parviennent à inhiber cette réponse automatique, et à choisir l’algorithme de quantification exacte. Grâce à l’IRMf, Olivier Houdé a mis en évidence la reconfiguration cérébrale qui s’opère chez les enfants selon la situation!: «!Lorsqu’ils inhibent la stratégie " longueur égale nombre ", on observe l’émergence d’un nouveau réseau pariétal et préfrontal, siège des fonctions exécutives.!»

MotivationEt si le plus important pour mieux apprendre, ce n’était pas tout simplement la motivation!? Dans ces derniers travaux, Mathias Pessiglione !"#, neuropsychologue au Centre de recherche en neurosciences de la Pitié-Salpêtrière, a

TestSavez-vous inhiber ?

À l’aide des symboles présentésci-contre, indiquez où placer deux d’entre eux pour réfuter la règle suivante « S’il n’y a pas de carré rouge à gauche, alors il y a un cercle jaune à droite ».

Il y a de fortes chances pour que vous placiez un carré rouge à gauche d’un cercle jaune… ce qui est une erreur. Vous avez été victime du biais d’appariement perceptif, piégés par la perception des figures citées dans le texte. Pour répondre correctement, il vous faut inhiber cette stratégie perceptive erronée et mettre en place la stratégie logique : pour réfuter cette règle conditionnelle, il suffit de choisir une situation où l’antécédent de la règle « s’il n’y a pas de carré rouge à gauche » est vrai et le conséquent « alors il y a un cercle jaune à droite » est faux. Un losange vert à gauche et un carré bleu à droite conviennent très bien par exemple.

Psychostimulants : peut-on doper son intelligence ?Avec la réputation d’améliorer les performances intellectuelles, certaines substances psychoactives circulent de plus en plus sur les campus ainsi que dans le monde du travail. Mais ces médicaments rendent-il véritablement plus intelligent ? « C’est là où réside toute l’ambiguïté de ces produits, souligne Hervé Chneiweiss !"# du Centre de psychiatrie et neurosciences à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Si on prend l’exemple du modafinil et du méthylphénidate, ils augmentent uniquement la durée d’éveil et la vigilance, en aucun cas les capacités intellectuelles. Vous travaillerez plus longtemps mais le résultat de votre labeur n’en sera pas pour autant de meilleure qualité. » De plus, ces substances peuvent avoir de graves effets secondaires. Si le modafinil, un médicament prescrit dans le traitement de la narcolepsie et l’hypersomnie, permet de sauter une ou deux nuits, le manque de sommeil qu’il entraîne peut déclencher certains troubles psychiatriques (anxiété, paranoïa, trouble schizoïde…). Pour les dérivés des amphétamines (méthylphénidate), dont le représentant le plus connu est la Ritaline®, un médicament employé dans le traitement de l’hyperactivité, ils peuvent avoir de graves conséquences cardiovasculaires. Mieux vaut donc bien réfléchir avant de se lancer dans le dopage intellectuel. Peut-être que la meilleure solution, et sans doute la plus efficace, reste encore d’étudier régulièrement et sérieusement.

Hervé Chneiweiss : Unité 894 Inserm/Paris 5, équipe Plasticité gliale et tumeurs au cerveau

ainsi montré le rôle des récompenses financières dans l’apprentissage moteur. Dans l’expérience mise en œuvre, les participants devaient appuyer sur trois des cinq touches à leur disposition de façon simultanée. Le choix des trois touches était indiqué par une image sur un écran d’ordinateur. Pour chaque combinaison de touches, une motivation financière de 10 euros ou 10 centimes, était associée. Et le résultat est sans appel!: plus la récompense associée était élevée, plus les parti-cipants apprenaient rapidement à exécuter la tâche. Le plus surprenant dans cette expérience!? Les volontaires n’étaient pas conscients de la somme associée à chaque tâche!: ils voyaient juste leur cagnotte augmenter pro-gressivement. Comment transposer ces constatations à l’apprentissage scolaire!? «!Les bons points, les félici-tations ou les encouragements obtenus après un effort pourraient faciliter l’apprentissage à l’école, comme dans notre expérience!», suggère Mathias Pessiglione. Et le sport alors!? Ne recommande-t-on pas de prati-quer une activité sportive régulière pour améliorer ses performances!? Et c’est avec raison. En effet, au cours d’une activité physique, la sécrétion d’une molécule, la brain-derived neutrophic factor (BDNF), augmente. Or, elle joue un rôle dans la plasticité synaptique, dans la croissance neuritique () et la synaptogenèse (), dans la maturation et la survie des nouveaux neurones, en par-ticulier dans l’hippocampe. «!Bien que ces résultats aient été observés chez l’animal, la communauté scientifique a tendance à les considérer comme applicables à l’homme!», confirme Serge Laroche. $ Julie Coquart

NeuriteProlongement du corps cellulaire d’un neurone (axone ou dendrite)

SynaptogenèseFormation des synapses

Mathias Pessiglione : unité 975 Inserm/Université Pierre et Marie Curie

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 31

Johannes Ziegler : unité 6146 CNRS/Université Aix-Marseille Stanislas Dehaene : unité 992 Inserm/Paris 11 Laurent Cohen : unité 975 Inserm/Université Pierre-et-Marie-Curie

Vous ne vous en rendez pas compte, mais à l’instant même, vous faites quelque chose d’extraordinaire. Si, si. Vous lisez. Or, cette opération n’a rien de

simple. Elle implique en effet de faire correspondre des symboles écrits avec du sens. Mais pour cela, il faut passer par le «!son!», car les lettres représentent les sons de la parole. C’est en effet le principe des systèmes d’écri-ture alphabétique, comme le français. Apprendre à lire signifie que l’on comprend cette règle. Une première étape se caractérise donc par une procé-dure de lecture phonologique!: autrement dit, traduire la séquence de lettres d’un mot lu en une séquence de sons correspondants. Pour Johannes Ziegler!!"#, du laboratoire de Psychologie cognitive d’Aix-Marseille, «!ce décodage phonologique est le mécanisme essentiel de l’apprentissage de la lecture, permettant de récupérer en mémoire la forme sonore des mots dont l’enfant connaît déjà la signification.!» Et point besoin de lire à haute voix!: même lors de la lecture silencieuse, cette «!musique des mots!» est acti-vée. La preuve!? Lors d’une expérience, des pseudo-mots - une suite de caractères ressemblant à un mot réel mais n’ayant pas de signification - sont présentés sur un écran aux enfants. Ils doivent alors préciser si le mot existe en français ou pas. Or, ils mettent plus de temps

à rejeter un pseudo-mot produisant le même son qu’un mot réel, comme «!balaine!», qu’un pseudo-mot comme «!baloine!». Ce délai indique que la forme phonologique de «!baleine!» a été repérée, mais qu’il faut ensuite réa-liser que l’orthographe n’est pas la bonne. La présence de cette petite voix qui résonne lors de la lecture rejoint les résultats des recherches de Stanislas Dehaene !"#, qui dirige l’unité de Neuroimagerie cognitive du centre Neurospin à Gif-sur-Yvette. Le chercheur s’intéresse en effet aux bases neurologiques de la lecture dont l’appa-rition est très récente au regard de l’âge de l’humanité. Sur quels réseaux de neurones s’appuie cette capacité!?

Recyclage cérébralStanislas Dehaene et Laurent Cohen !"#, neuropsy-chologue au Centre de recherche en neurosciences de la Pitié-Salpêtrière à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), ont regardé directement dans notre cerveau. Ou presque. Grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) qui permet de visua-liser, quasiment en temps réel, quelles zones du cerveau sont activées, les chercheurs ont montré que celui-ci est un adepte du recyclage. Hé oui, dans la zone occipi-tale gauche, les réseaux de neurones spécialement

Avant de s’automatiser, la lecture nécessite un apprentissage, plus ou moins difficile.

Lire et écrire Rien que du plaisir!? Lire et écrire nous semblent des activités automatiques. Pourtant, les principes et les mécanismes qui les sous-tendent sont loin d’être simples. Comment les enfants parviennent-ils à les maîtriser ? Et peut-on leur simplifier la tâche ?

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201132

MusapDys Influence de l’apprentissage de la musique sur le traitement des aspects temporels du langage et sur la remédiation de la dyslexie

dédiés à la reconnaissance des visages et des objets se convertissent à la reconnaissance des mots! ! Le cortex visuel se réorganise donc, par

compétition entre une nouvelle activité - la lecture - et les activités plus anciennes de reconnaissance des visages et des objets. Cette zone spécialisée du traitement des lettres projette ensuite vers les zones dédiées au langage parlé…Encore du recyclage!! Le nouveau lien entre lecture et parole devient si fort que l’apprentissage de la lecture modifiera même le traitement de la parole dans le cor-tex auditif (hémisphère gauche). La lecture agit comme un virus!: une fois attrapé, le langage n’est plus le même!!

Apprendre à lire autrementL’apprentissage de la lecture repose donc sur la mise en rela-tion de la graphie et de la phonie!: ceci passe par un couplage entre des unités visuelles et leurs correspondants phonolo-giques. «!Que ce soit de façon explicite ou implicite, l’enfant doit apprendre que les groupes de lettres correspondent aux sons de la langue parlée!», explique Johannes Ziegler. La vitesse

d’apprentissage dépend ainsi de l’efficacité et de l’automa-tisation de ce couplage. Pour le chercheur, «!la conscience phonologique est le meilleur prédicteur de la facilité à apprendre à lire!». Or, chez les enfants dyslexiques, c’est justement ce qui pose souvent problème. Julie Chobert !"#, doctorante dans l’équipe Langage, musique et motricité de l’Institut de neuro-sciences cognitives de Méditerrannée, a fait l’hypothèse que l’apprentissage de la musique pourrait remédier aux difficultés rencontrées par les dyslexiques, en développant leurs capacités à traiter les sons. Ainsi, 70 élèves de CE2 ont participé au programme MusapDys (). Au bout de deux ans, les résultats sont là!: les enfants dyslexiques ayant béné-ficié d’un apprentissage musical ont amélioré leur capacité à traiter les sons. Tout comme les normo-lecteurs!!Et si l’apprentissage de l’écriture se faisait à l’aide d’un clavier!? Quelles seraient les conséquences sur la lecture!? Une ques-tion d’actualité puisque l’usage des nouvelles technologies se répand et se démocratise. Jean-Luc Velay !"#, chercheur

TestSavez-vous ne pas lire ?

Énoncez à haute voix la couleur des suites de lettres ci-dessus.Si vos réponses vous semblent plus lentes quand les lettres forment des mots, c’est normal. C’est un coup de « la petite musique des mots » qui résonne dans votre tête : vous ne pouvez vous empêcher de lire, alors que c’est totalement inutile…et que cela prend du temps !

L’apprentissage de la lecture nécessite une bonne coordination motrice.

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De plus en plus, les nouvelles technologies permettent de lire sur d’autres supports que le papier. La lecture sur écran, et notamment sur Internet, modifie-t-elle notre façon de lire ? « Assurément », d’après Thierry Baccino, professeur de psychologie cognitive et ergonomique et directeur scientifique du laboratoire des usages en technologies d’information numérique. Le chercheur va même jusqu’à comparer la révolution actuelle à celle qui s’est produite lorsqu’au VIIIe siècle, ont été introduits les espaces dans l’écriture jusqu’alors continue. L’une des caractéristiques de la lecture

sur écran est de pouvoir faire défiler le texte grâce à la barre de défilement. Or, au cours de la lecture classique, un codage spatial intervient, qui permet de mémoriser où se trouve un terme : cela permet de le retrouver et d’y revenir si besoin. Or, avec le défilement du texte, cette tâche devient plus difficile. De plus, la profusion des liens hypertextes et la multiplicité des médias peuvent conduire le lecteur à une situation de désorientation cognitive. En cliquant à chaque fois sur un nouveau lien, le lecteur s’égare dans l’architecture globale du document jusqu’à perdre l’objectif de sa lecture !

La lecture sur écran, de plus en plus présente dans nos sociétés industrielles

Les nouvelles technologies modifient-elles la lecture ?

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Julie Chobert et Jean-Luc Velay : UMR 6193, CNRS/Université de la Méditerranée Édouard Gentaz : UMR 5105 CNRS/Université Pierre Mendès France Michel Fayol : UMR 6024 CNRS/Université Blaise-Pascal Clermont-Ferrand 2, équipe Langage et autres systèmes symboliques»

dans le même institut à Marseille, a donc comparé l’appren-tissage traditionnel de la lecture/écriture et celui avec un clavier. Le chercheur et son équipe ont fait apprendre à des enfants, âgés de 33 à 57!mois, 12!lettres écrites en majuscules dont l’image en miroir est différente de la lettre elle-même. Un premier groupe se voyait présenter les lettres sur une feuille de papier et devait les reproduire à la main. Pour le second, les lettres apparaissaient sur un écran et ils devaient les reproduire à l’aide des touches d’un clavier. Après trois semaines d’apprentissage, les enfants devaient reconnaître ces mêmes lettres parmi des distracteurs (autres lettres, image miroir des lettres). Et le résultat est sans appel!: ceux qui avaient suivi l’enseignement manuscrit étaient meilleurs. Ils se trompaient moins dans la distinction entre une lettre et son image en miroir. L’écriture manuscrite semble donc contribuer à une meilleure mémorisation des caractères. Mais le chercheur ne rejette pas pour autant l’usage du clavier : «!Si l’écriture manuscrite enrichit la représentation des caractères et facilite leur reconnaissance chez la majorité des enfants, elle pourrait produire l’effet inverse chez ceux qui, pour des raisons diverses, ont des difficultés à effectuer les mouvements fins et précis imposés par l’écriture. Dans ce cas, l’usage du clavier, beaucoup plus simple au plan moteur, associé à l’ordinateur pour lequel les enfants manifestent un engouement prononcé, pourrait constituer une étape pour préparer le passage à l’écriture manuscrite.!»

Lire, écouter… toucherCes résultats rejoignent les recherches menées par Édouard Gentaz !"#, au Laboratoire de psychologie et neurocognition de Grenoble. Le chercheur explore en effet l’avantage d’un apprentissage faisant intervenir plusieurs modalités sensorielles, permettant d’associer plus facilement la forme d’une lettre au son correspon-dant. Une des difficultés de l’apprentissage de la lecture réside en effet dans le travail d’élaboration des connexions entre les représentations orthographiques des lettres et les représentations phonologiques. Le lien entre la lettre traitée visuellement et le son traité auditivement serait difficile à établir. Lors de l’apprentissage multimodal, les élèves de grande section de maternelle sont invi-tés à suivre des doigts le contour d’une lettre en relief

La dyslexie se caractérise par des difficultés spécifiques d’apprentissage de la lecture : son diagnostic ne peut être posé que si on constate un retard de 18 mois entre l’âge réel et l’âge de lecture. Touchant 10 % de la population, la dyslexie aurait des bases génétiques : un enfant aura plus de risques de souffrir de dyslexie si des membres de sa famille en sont déjà atteints. Elle se traduit par une lecture lente, hésitante, des inversions de lettres comme « b » et

« p », des difficultés de compréhension… Alors que plusieurs formes cliniques sont décelées, mettant en cause soit la conscience phonologique, soit le mécanisme visuo-attentionnel, cette capacité à appréhender les lettres qui entourent celle sur laquelle le regard est posé, la communauté scientifique a mis en évidence deux types d’anomalies cérébrales. D’une part, une atteinte des aires du langage de l’hémisphère

gauche, la plus fréquente. Et d’autre part, un dysfonctionnement au niveau du cervelet, cette petite zone du cerveau impliquée dans le contrôle des mouvements. Aux troubles d’apprentissage de la lecture s’ajoutent en effet parfois des troubles de coordination motrice. Très active, la recherche sur la dyslexie explore différentes pistes, avec comme objectif d’améliorer les techniques de remédiation qui existent déjà.

Dyslexie : quand la lecture ne se laisse pas apprivoiser

(graphème) qu’ils apprennent, afin de bien identifier sa forme et le son (phonème) correspondant. Tandis qu’un autre groupe suit un apprentissage classique associant seulement la vision d’une lettre et le son qui lui correspond. Au bout de plusieurs semaines, les enfants ayant suivi l’entraînement visuo-haptique (qui concerne à la fois la vision et le toucher) lisent deux fois plus de pseudo-mots que ceux ayant suivi l’entraînement classique. «!Les enfants ne peuvent les lire que s’ils ont compris le principe de la représentation des sons par les lettres!», explique Édouard Gentaz. Le toucher agirait ainsi comme un ciment pour renforcer l’association audition (son de lettre)-vision (forme de la lettre). $ Julie Coquart

De la difficulté de maîtriser « l’aurtografe » en françaisApprendre l’orthographe, pour les écoliers français, n’est pas une mince affaire. À peine ont-ils compris le système de correspondance entre une lettre et un son, qu’ils réalisent que le français est une langue inconsistante : certains phonèmes peuvent se traduire par plusieurs graphèmes et vice versa. Le son / o / peut ainsi s’orthographier « eau », « o » ou « au ». Comment choisir le bon graphème ? L’enfant a deux stratégies complémentaires : il peut mémoriser dans son lexique orthographique les mots connus au fur et à mesure de l’apprentissage ; il peut aussi déduire l’orthographe correcte grâce à la régularité statistique. Le graphème « eau » ne se trouve en effet jamais en début de mot et beaucoup plus fréquemment en position finale. Cet apprentissage implicite permet souvent à l’élève de faire le bon choix. Mais, nouvel écueil dans l’apprentissage : les lettres muettes. Elles sont souvent l’apanage des marques du pluriel : « chat » et « chats » se prononcent de la même façon, tout comme «mange » et « mangent ». « C’est d’abord en appliquant les règles de grammaire que l’enfant saura comment accorder le verbe ou le nom. Ensuite, ces règles vont devenir procédures, et s’automatiser. » Pour les accords, Michel Fayol !"#, professeur en psychologie cognitive, au Laboratoire de psychologie sociale et cognitive de Clermont-Ferrand, fait l’hypothèse que les noms et les verbes (et sans doute les adjectifs) les plus fréquents sont appris par cœur, mémorisés : au lieu de raisonner, ceux qui rédigent font appel à la mémoire pour les transcrire, ce qui est moins coûteux et généralement permet de fournir la bonne réponse. Encore faut-il les avoir acquis !

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Mathématiques De l’intuition à la manipulationBonne nouvelle pour les enfants qui souffrent lors du calcul mental et des tables de multiplication : nous avons tous à la naissance la « bosse des maths ». Percevoir les nombres et les quantités est en effet inné et universel. Toutefois, cette perception reste approximative. Pour résoudre des opérations exactes, l’apprentissage scolaire est nécessaire, avec comme outil de réussite : la manipulation.

Véronique Izard : UMR 8158 CNRS/Université Paris-Descartes, Sorbonne Paris Cité Pierre Pica : UMR 7023 CNRS/Paris 8

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est pas

nécessaire d’aller à l’école ni même d’être en âge de parler pour faire des mathématiques. En réa-

lité, nous possédons dès la naissance la faculté innée de percevoir le sens des nombres et d’avoir une impres-sion immédiate des quantités. Selon Stanislas Dehaene, cette faculté reposerait sur des bases cognitives «!issues d’intuitions fondamen-tales de l’espace, du temps et du nombre, et que nous avons héritées d’un lointain passé où elles jouaient un rôle essentiel à notre survie!». Dans notre cerveau, il existerait même des «!neurones des nombres!», des circuits cérébraux spécifiques aux mathématiques, qui répondent chacun en fonction du nombre d’objets présentés, et que l’on retrouve également chez d’autres primates. Stanislas Dehaene les situe dans le cortex préfrontal et le sillon intrapariétal.Ce caractère inné a été confirmé par les travaux de Véronique Izard !"#, du laboratoire Psychologie de la perception, à Paris. «!En présentant, à des bébés de moins de 3 mois, une succession d’images représentant une certaine quantité d’objets, comme 4 canards puis 8!canards, nous avons enregistré une modification de leur activité cérébrale, ce qui montre qu’ils perçoivent intuitivement les différences de quantités!», raconte la jeune chercheuse. En faisant entendre à des bébés à peine nés (de 0 à 3 jours) une répétition de syllabes, puis en leur montrant des images illustrant une quantité d’objets correspondant ou non au nombre de syllabes

précédemment énoncées, elle a également pu consta-ter que les nouveau-nés fixaient beaucoup plus long-temps les images lorsque les quantités correspondaient. Il semble donc que l’on soit capable dès la naissance d’apparier et de différencier des quantités, même pré-sentées par des stimuli différents. «!Le nouveau-né vit dans l’abstraction, d’autant plus que son acuité visuelle et auditive est limitée, explique Véronique Izard. Ainsi, il arriverait seulement à saisir des principes très géné-raux sur le monde. Le sens du nombre serait l’un d’entre eux.!»

Des intuitions innées et universellesCes intuitions numériques sont de plus universelles, puisqu’on les retrouve dans les sociétés humaines où il n’existe aucun ensei-gnement des mathé-matiques, ainsi que chez de nombreuses espèces animales (pigeons, rats, lions, singes, dauphins…). Véronique Izard et Pierre Pica !"#, de l’unité Structures formelles du langage à Saint-Denis, ont étudié les Indiens Mundurucus, une peuplade d’Amazonie vierge de toute ins-truction aux mathé-matiques. D’abord, en

Un mélange d’intuition et de manipulation est le secret d’un apprentissage des mathématiques réussi.

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leur faisant voir des images sur lesquelles figurait une certaine quantité de points, les chercheurs ont été sur-pris de constater que les indigènes étaient capables de juger si une quantité de points était plus importante qu’une autre. Ensuite, avec des images représentant des points qui tombent dans une boîte ou bien que l’on retire de cette même boîte, ils ont montré que les Mundurucus pouvaient estimer approximativement les quantités obtenues (plus ou moins qu’avant). Ils n’avaient donc aucune difficulté à résoudre menta-lement des additions ou des soustractions, même si leurs réponses restaient approximatives.Toutefois, même s’ils avaient la capacité de réaliser certaines tâches arithmétiques simples, les Indiens Mundurucus présentaient donc une conception du nombre différente de la nôtre, fondée sur des quantités approximatives et non des quantités exactes. Les cher-cheurs leur ont demandé de positionner sur une ligne des images représentant une certaine quantité de points (de 1 à 9 points), avec, à une extrémité, l’image d’un point et, à l’autre, l’image de 10 points. Résultat!: plutôt que de les disperser à équidistance les uns des autres comme nous le ferions instinctivement, les indigènes ont placé de façon éparpillée les petites quantités à l’extré-mité basse, et tassé les grandes quantités à l’extrémité haute, à la façon d’une échelle logarithmique, comme celle des décibels. «!C’est ce qu’on observe chez des enfants de moins de 5 ans, précise Véronique Izard. Cette repré-sentation logarithmique serait donc innée, tandis que l’échelle graduée que nous connaissons bien serait issue de notre culture et viendrait avec l’apprentissage. C’est cette représentation graduée qui nous permettrait de réaliser des calculs de quantités exactes.!»Concernant la géométrie, les Mundurucus se sont montrés tout aussi habiles à résoudre des problèmes élémentaires. Les chercheurs leur ont décrit un monde imaginaire, où les chemins permettaient d’illustrer la notion de droite, et les villages celle de point. Ils leur ont ensuite posé quelques questions très simples. «!Est-ce que deux chemins peuvent ne jamais se croiser!?!» : une

très grande majorité des indigènes à répondu «!oui!». «!Est-ce qu’à ces deux chemins, on peut ajouter un troisième qui croisera l’un d’eux mais pas l’autre!?!»!: la très grande majorité a répondu «!non!». Ce qui sug-gère qu’ils peuvent envisager le parallélisme et aussi l’infinité d’une droite. Ainsi, nous aurions tous une connaissance implicite des concepts géométriques élémentaires, indépendamment de notre culture ou

de notre niveau d’éducation.Toutefois, en proposant ces tests à des jeunes enfants nord-américains de 5-6 ans, n’ayant pas encore appris la géométrie à l’école, Véronique Izard et Pierre Pica ont obtenu des résultats plus mitigés, en particulier sur les questions de parallélisme. Ce qui signifierait que la géométrie

À gauche, un homme Mundurucus réalisant la mesure d’un angle.À droite, une femme compare des quantités de points.

© PIERRE PICA/CNRS PHOTOTHÈQUE

Les enfants atteints de dyscalculie ont une mauvaise perception des nombres et des quantités, qui explique les difficultés inhabituelles qu’ils rencontrent lors de l’apprentissage des mathématiques. Certains d’entre eux ne parviennent pas à résoudre des calculs aussi simples que « 7 - 3 » par exemple, d’autres ne comprennent pas qu’un nombre peut être plus grand qu’un autre et n’arrivent pas à faire la différence entre des quantités même très petites. Comme la dyslexie, il s’agit d’un trouble de l’apprentissage qui survient chez des enfants d’une intelligence normale, vivant dans un environnement social et familial tout aussi normal. Elle est souvent associée par ailleurs à d’autres troubles cognitifs : déficits spatio-temporels (problèmes d’orientation dans l’espace

par exemple), troubles de l’attention… Environ 5 % de la population française souffrirait de ce trouble encore méconnu et négligé, en comparaison de la dyslexie.Les causes exactes de la dyscalculie restent encore à définir. L’hypothèse avancée est que, sous l’influence de facteurs génétiques et environnementaux, il existerait une anomalie du développement des réseaux neuronaux impliqués dans la perception des nombres, en particulier une désorganisation anatomique au niveau du lobe pariétal (sillon intrapariétal). Ce trouble peut être traité grâce à une rééducation personnalisée, notamment en développant le sens élémentaire des quantités numériques chez les enfants qui en souffrent. Les jeux et les manipulations d’objets permettent alors de travailler directement sur les nombres et les quantités sans passer par le langage.

Dyscalculie : Le sens perdu des nombres

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Les nombres venus de l’espaceAu sein de l’unité de Neuroimagerie cognitive dirigé par Stanislas Dehaene, André Knops !"# a mis en évidence pour la première fois que le calcul mental s’apparentait à un déplacement spatial au niveau cérébral. En effet, grâce à l’imagerie par résonnance magnétique, il a montré, chez des volontaires qui effectuaient soit des additions et des soustractions dans leur tête, soit des mouvements oculaires vers la gauche ou vers la droite, que le calcul mental activait des aires cérébrales impliquées dans l’attention spatiale. Par exemple, lorsqu’une personne, qui a appris à lire de gauche à droite, réalise dans sa tête l’addition « 18 + 5 », son attention se déplace vers la droite de

18 à 23 dans l’espace des nombres, comme si les nombres étaient représentés sur une ligne virtuelle. En démontrant l’interconnexion entre le sens des nombres et celui de l’espace, ces travaux nous éclairent sur l’organisation de fonctions cognitives

liées à l’arithmétique dans le cerveau. Ils montrent aussi que, chez des enfants en difficulté, l’utilisation de jeux qui insistent sur la correspondance entre les nombres et l’espace, tels que le jeu des petits chevaux, peut améliorer les compétences arithmétiques. Sur ce principe, l’équipe de Stanislas Dehaene a développé un logiciel ludo-pédagogique en libre accès, « La course aux nombres », destiné aux enfants de 4 à 8 ans dyscalculiques ou qui présentent des difficultés d’apprentissage des mathématiques. Téléchargeable facilement sur le web, le jeu se présente sous la forme d’une course entre deux personnages, dont l’un est incarné par l’enfant. Pour devancer son adversaire, ce dernier doit résoudre des calculs simples et reconnaître des nombres.

André Knops : unité 992 Inserm/Paris 11

« La course aux nombres », le logiciel pour apprendre à mieux calculer

sur les expériences communes à tous les êtres humains!», suggère la chercheuse.À leur entrée à l’école primaire, les enfants semblent donc naturellement armés pour entamer le programme de mathé-matiques. En général, la plupart d’entre eux savent déjà compter oralement. Mais cette capacité est trompeuse. En effet, leur perception des nombres et des quantités reste approximative. La première étape de l’apprentissage scolaire va donc être de faire correspondre des quantités précises à des codes symboliques représentant les nombres!: les mots de la langue française (un, deux, trois, quatre, cinq…), les sym-boles arabes (1, 2, 3, 4, 5…), ou encore les chiffres romains (I, II, III, IV, V…).

Manipuler pour bien calculer«!C’est grâce à la manipulation de petites quantités que les enfants vont connaître ce que sont véritablement les nombres, à quelle grandeur chacun correspond, que 2 c’est 1+1, que 3 c’est 2+1, que 4 c’est 1+1+1+1 ou 2+2 ou encore 3+1, explique Michel Fayol du Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (Lapsco). Les exercices avec des billes par exemple permettent de voir et de sentir ces quantités.!» Cet apprentissage est

difficile et va durer jusqu’à la fin du cours prépara-toire, mais il est essentiel pour la suite et notamment pour résoudre des opérations. «!L’enfant doit apprendre qu’en réalisant une addition ou une soustraction sur des

Stimuler ces intuitions mathématiquesIl existe des petits exercices illustrés qui permettent d’étudier et de stimuler la perception intuitive des nombres et des quantités chez des enfants, avant leur entrée à l’école primaire. En voici deux exemples.

Racontez l’histoire illustrée à votre enfant vignette après vignette, puis demandez-lui de répondre à la question finale. Ses réponses seront approximatives mais correctes. Il sera tout à fait capable de juger où il y a le plus de billes ou de points.

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Mike obtient encore beaucoup de billes qu'il met aussi dans sa boîte.Maintenant, toutes les billes de Mikesont dans sa boîte.

Mike et Kim sont en train de joueravec des billes.

Mike gagne plein de billesqu'il met dans sa boîte.

Mais Kim aussi a gagné plein de billes.Alors, qui en a le plus ?

ne s’appréhende qu’à partir de 6-7!ans. «!Soit ces intuitions géométriques sont innées mais n’émergent que vers l’âge de 6-7 ans. Soit elles sont acquises entre la naissance et cet âge, grâce à un apprentissage fondé

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Les chemins de la mémoireFrancis Eustache et Béatrice DesgrangesÉditions Le Pommier/Inserm, 2010, 514 p., 29 !

Le cerveau attentifJean-Philippe LachauxÉditions Odile Jacob, mars 2011, 368 p., 23,90 !

La bosse des maths : quinze ans aprèsStanislas DehaeneÉditions Odile Jacob, 2010, 380 p., 24,90 !

Les neurones de la lectureStanislas DehaeneÉditions Odile Jacob, 2007, 478 p., 29 !

Apprendre et transmettre Nicolas Balacheff et Michel Fayol Le Mook, éditions Autrement à paraître

symboles, on obtiendrait la même chose en opérant sur de vraies quantités dans le monde réel!», précise le chercheur.Là encore, les nombreux exercices où il faut manipuler des objets sont essentiels pour comprendre. Par exemple, prendre deux billes, en ajouter trois, puis dénombrer l’ensemble. Ensuite, l’enfant pourra remplacer les billes par ces doigts, puis enfin compter mentalement. Progressivement, il ne sera plus obligé de compter pour trouver le résultat d’une opération, il ira directement chercher dans sa mémoire les résultats acquis par expérience. Cette dernière stra-tégie sera à la fois plus rapide et moins coûteuse en attention que les précédentes.

Mémoriser pour calculer facilePuis, vient le tour de l’apprentissage de la multi-plication. Pour l’enfant, il s’agit d’abord d’intégrer un nouveau symbole d’opération, le «!X!», et de savoir dans quelles situations l’utiliser. L’objectif de l’enseignement est alors de l’amener à mémo-riser les tables de multiplication, la meilleure des stratégies pour résoudre cette opération rapide-ment et efficacement. Et il s’agit de celle utilisée automatiquement par les enfants. «!Si on regarde les mauvaises réponses données à la question " combien font 3x8 ", on constate que 32 est bien plus souvent avancé que 23, remarque Michel Fayol. En effet, 32 est enregistré dans la mémoire de l’enfant comme étant une solution à une multiplication " 4x8 ". En

revanche, 23 ne correspond à aucun résultat dans les tables.!»Un autre exemple montre que la mémorisation est essentielle à la résolution d’opération, que ce soit

pour une addition ou une multiplication. Vers la fin du CE1 et le début du CE2, les erreurs du type 3+4=12 se produisent fréquemment. Or, c’est à ce moment que les enfants apprennent la multiplica-tion. Associé aux chiffres 3 et 4, le chiffre 12, résultat de la multiplication, est enregistré. Comme l’indique Michel Fayol : «!Quand l’enfant répond 3x8=32 ou 3+4=12, il n’a pas tout faux, il a simplement mal sélec-tionné la réponse. Mais allez dire ça au professeur !!» Concernant la division, les choses se compliquent, puisqu’elle ne peut pas être automatisée comme une addition ou une multiplication. Pour résoudre ce type d’opération, la plupart des individus utilisent en mémoire la réciproque des tables de multiplication!: si nous devons diviser 20 par 5, on sait que dans la table de 5, 5x4=20, donc on en déduit que 20:5=4.À la fin de l’école primaire, l’enfant connaît l’addition et la soustraction d’un côté, la multiplication et la division de l’autre, ainsi que la relation d’inversion de chacun de ces couples. «!Encore une fois, c’est la manipulation qui va permettre à l’enfant de comprendre le sens des nombres, pour qu’à terme il puisse réaliser facilement des opérations sur des symboles, tout en respectant les règles qui y sont liées!», souligne Michel Fayol. Ajoutez à cela une bonne mémorisation et vous aurez un crack en calcul mental!! $ Yann Cornillier

La manipulation permet de comprendre le sens des nombres.

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Une pratique médicale à part entièreIl y a un an, l’exercice de la médecine à distance entrait précisément dans le cadre de la loi. Mais comment passer de l’expérimentation à la pratique ?

La domomédecine

est un concept né des travaux de l’Académie des Technologies. Son objectif!: le développement et l’intégration de nouvelles technologies et procédures pour le suivi médical et les soins de patients en autonomie ou en maintien à domicile. Elle se définit comme une médecine de proximité centrée sur le patient avec des exigences de qualité et de progrès médical.

En septembre 2001, la télémédecine entrait dans les annales avec une première mondiale : une patiente hospitalisée à Strasbourg est opérée par le

professeur Jacques Marescaux… à New York!! L’inter-vention sur la vésicule biliaire est réalisée grâce à un robot, commandé par le chirurgien à 7 000!km de la salle d’opération. La prouesse consacre l’image idéalisée de la télémédecine. Mais au-delà des équipements de pointe et des expérimentations réussies, ce n’est pas par ce biais spectaculaire que la médecine à distance investit aujourd’hui notre quotidien. En effet, depuis octobre 2010, à côté de la téléassistance (notamment en chirurgie), d’autres prestations sont désormais inscrites dans la loi!: la téléconsultation et la téléexpertise qui permettent à un praticien d’établir un diagnostic ou de donner une prescription à distance et le télésuivi des personnes atteintes de maladies chroniques. En est exclu le téléconseil via un site web ou un service téléphonique, exception faite du 15.

Le futur quotidien des médecinsEn devenant une profession réglementée, la médecine à distance doit s’inscrire dans la pratique quoti-dienne des médecins. Il faut donc mettre en conformité avec la loi les diverses initiatives expé-rimentales menées ces dernières années, telles que la «! télédialyse! », réalisée entre Lannion et Saint-Brieuc via visiocon-férence, les téléexpertises

instaurées pour la prise en charge des AVC dans la région de Rennes, ou encore pour celle des traumatismes crâniens dans le Nord-Pas-de-Calais en connexion avec les hôpitaux lillois… Avec, à la clé, une solution d’avenir pour assurer en tout point du territoire une équité dans l’accès aux soins.Côté télésuivi, les dispositifs dédiés au diabète ont déjà pris leurs marques, en Lorraine notamment, pour aider le patient à mieux contrôler sa glycémie. Alors que l’Hôpital européen Georges-Pompidou à Paris fait figure d’exemple avec son système de contrôle à distance de la pression artérielle : le patient prend sa tension à domicile avec un tensiomètre qui expédie automatiquement les données à l’ordinateur du service concerné. Ce dernier les analyse, rédige des comptes rendus, puis les adresse au médecin responsable, et éventuel-lement déclenche une alarme en cas d’anomalie. L’avènement de la télé-médecine, c’est aussi la

Dans le cadre de la loiLa loi HPST (hôpital, patients, santé et territoires), promulguée le 21 juillet 2009, inclut la définition du cadre juridique de la télémédecine. Un décret publié le 19 octobre 2010 donne les modalités de sa mise en œuvre pratique. L’acte de télémédecine (consultation, assistance, suivi, expertise) doit obligatoirement être effectué par un médecin et faire l’objet d’un programme agréé par le ministère de la Santé ou l’Agence régionale de santé. La transmission des données s’effectue selon un protocole établi et sécurisé, et l’acte est inscrit dans le dossier médical du patient.

Grâce à sa valise de télémédecine, le Pr Bolly pratique un électrocardiogramme dont les résultats seront envoyés au spécialiste.

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• À LA UNE • DÉCOUVERTES • TÊTES CHERCHEUSES • REGARDS SUR LE MONDE • CLINIQUEMENT VÔTRE • GRAND ANGLE MÉDECINE GÉNÉRALE • ENTREPRENDRE • OPINIONS • STRATÉGIES • BLOC-NOTES

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“!Il faut que la télémédecine se développe dans le concret des situations!„

Jacques LucasVice-Président du Conseil national de l’Ordre des médecins, chargé des Systèmes d’information en santé

Science & Santé : La loi tend à faire de la télémédecine un exer-cice médical précisément défi ni, mais comment va-t-il s’inscrire dans la pratique?Jacques Lucas : C’est tout ce qu’il reste à construire ! La télémédecine dispose aujourd’hui d’un cadre, il est temps de sortir de l’expérimentation. Nous avons proposé au ministre en charge de la santé, Xavier Bertrand, que des protocoles de pratique de la télémédecine soient rédigés pour chaque spécialité par les conseils profes-sionnels concernés, comme, par exemple, la cardiologie, la radiologie, la dermatologie, l’urologie...

S&S : Quid de la rémunération et de la prise en charge de ces actes? J.L. : Il faut envisager une rémunération du médecin à l’acte, pour une téléexpertise ou une téléconsultation, et une rému-nération pouvant être forfaitisée pour les pratiques de télésuivi de pathologies au long cours. De fait, les organisations profes-sionnelles attendent le retour de l’assurance maladie...

S&S : Se pose aussi la question de la responsabilité...J.L. : Effectivement, il faut que l’acte médical soit juridique-ment encadré pour pouvoir être pris en charge par les assu-rances. Nous menons pour cela une réflexion avec les assureurs. Comme il s’agit d’une activité médicale à part entière, elle doit être reconnue à l’identique. Toutefois se posent des questions particulières. Prenons le cas d’un médecin dans une maison de santé qui demande la confirmation d’un diagnostic au médecin expert du centre référent. Ce dernier indique une prescription. Le traitement est appliqué en bonne et due forme, et l’état du patient s’aggrave. Qui est responsable ? Le bon sens indique que c’est le médecin qui a prescrit le soin, plus que celui qui l’a exécuté. Il est essentiel de faire évoluer le droit médical pour clarifier ce point, sans attendre des contentieux. Sinon, les établissements de soins et les praticiens seront forcément réticents vis-à-vis de ces pratiques. Il faut que la télémédecine se développe dans le concret des situations!!

Francis Lévi : unité 776 Inserm/Paris 11, Rythmes biologiques et cancers

perspective de voir s’étendre et s’améliorer le champ des soins et de l’hospitalisation à domicile pour un meilleur suivi et confort du malade. «!C’est toute l’ambition de la “domo-médecine”!(), dont la finalité est la prise en charge globale du patient dans son cadre de vie!», relève Francis Lévi !"#, cancérologue, et membre fondateur de l’Académie des Technologies.

Maintenir le patient dans son cadre de vie Dans le cadre du projet européen «!In Casa!», son équipe expérimente le télésuivi d’une trentaine de patients sous chimiothérapie à domicile. Ceux-ci seront équipés d’un bracelet électronique qui livrera les informations rela-tives à leur état de santé en temps réel. «!L’enjeu est de suivre au quotidien l’effet des traitements et l’évolution de la maladie, sans avoir besoin d’hospitaliser le patient ni de mobiliser à plein temps une équipe médicale. Et c’est aussi une formidable opportunité pour recueillir des données inédites pour la recherche!!!» D’autres pays (Italie, Grèce, Angleterre, Espagne,...) participent à l’expérience pour d’autres pathologies (maladies cardiovasculaires et neuro-dégénératives, diabète, rééducation fonctionnelle...) sur au total près de 400!patients. Objectif!: établir fin!2012, après analyse des résultats, de véritables modèles «!multi-pathologies!» de prise en charge des patients à distance. À plus long terme, un projet plus ambitieux encore sera développé en Champagne-Ardenne et en Île-de-France, avec le déploiement d’une plateforme de services de domomédecine auprès de 10 000 patients. «!Les technologies existent, les projets prennent forme mais il reste des points cruciaux à dénouer pour leur faisabilité!», souligne cependant Francis Lévi. Protocoles et organisation des prestations, formation des praticiens,

Consultation médicale entre deux établissements. Réseau TéléGéria, système développé à l’Hôpital européen Georges-Pompidou

responsabilité juridique, prise en charge par l’assurance maladie... Il reste encore en effet à déterminer le modèle organisationnel et économique de cette médecine à distance pour en faire une médecine à part entière. $ Betty Mamane

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201140

Le généraliste en première ligne

Le stress professionnel est l’un des grands maux de notre époque et de nos sociétés industrialisées, et les travailleurs indépendants n’échappent pas à

la règle. Au vu des conséquences possibles sur la santé (maladies cardiovasculaires, anxiété, dépression, burn out, troubles musculosquelettiques…), ce syndrome nécessite une prise en charge adaptée.Mais, dans la mosaïque des professions libérales, le médecin généraliste tient une place à part. En effet, il occupe à la fois le rôle du dépisteur de stress chez ses patients mais peut en être lui-même victime. «!Le contact avec le public, le temps et les contraintes des rythmes de travail, ou encore les exigences émotionnelles et le devoir

Valérie Pezet-Langevin : Institut national de recherche et de sécurité (INRS)

Stress au travail et santé - situation chez les indépendants. Inserm, collection Expertise collective, juin 2011. Disponible sur www.inserm.fr Diffusion Lavoisier

Prochaines conférencesL’Inserm organise deux ateliers aux 10e Journées nationales de médecine générale au CNIT à Paris - La Défense, le vendredi 7 octobre 2011 de 14h15 à 15h45. Le premier tentera de répondre à la question : quels impacts peuvent avoir les polluants environnementaux sur la santé et la fertilité ? Le second débattra de l’utilisation du très controversé baclofène dans le traitement de l’alcoolodépendance.

Renseignements et inscriptions : www.jnmg.org

En juin dernier, une expertise collective de l’Inserm pointait les risques liés au stress chez les travailleurs indépendants. Quelques jours plus tard, l’Inserm organisait une conférence sur ce thème au Congrès de médecine générale de Nice. L’occasion de faire le point sur la place toute particulière qu’occupe le généraliste dans la prise en charge de ce syndrome.

de façonner ses émotions et celles du patient sont autant de facteurs qui peuvent créer des situations à risque!», a souli-gné, lors de la conférence In-

serm, Valérie Pezet-Langevin !"#, psychologue sociale et experte en assistance conseil sur les risques psycho-sociaux. Il existe deux combinaisons particulièrement délétères, communes par ailleurs à toute profession!: de fortes exigences en termes de rentabilité, la marge de manœuvre étant très mince pour les professionnels de santé, et un manque de reconnaissance au vu des efforts fournis.Ainsi, gérer les facteurs de stress dans son cabinet n’est pas évident, il n’existe pas de recette toute prête. Néanmoins, contrairement à de nombreux travailleurs indépendants, les médecins ont la chance de bénéficier d’une bonne structuration du corps de métier, avec l’existence de réseaux d’entraide, qui peuvent soutenir le généraliste dans sa pratique quotidienne. Un atout qu’il convient de renforcer et d’étendre aux autres professions libérales. Enfin, un second point a fait consensus en conclusion de la conférence Inserm à Nice!: la médecine du travail, une spécialité de plus en plus désavouée, doit retrouver ses titres de noblesse, la prise en charge du stress pro-fessionnel étant son cœur de métier. $ Gaël Esteve

LES MÉDECINS INDÉPENDANTS ET LES AUTRES• En moyenne, ils sont plus âgés de 6 ans,

• Avec 12 % d’arrêts de travail en moins,

• 1,5 année d’espérance de vie en plus, à 35 ans,

• et 15 heures de travail hebdomadaire de plus.

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MÉDECINE GÉNÉRALE

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% ALCOOL ET CO-INFECTION VIH/VHC : UN AVEU DIFFICILE

% SANTÉ PUBLIQUE :PNNS 3, LA SURVEILLANCE S’INTENSIFIE

Le troisième programme national Nutrition Santé (PNNS) est lancé ! Dans la lignée des deux premiers, dont Science & Santé s’est déjà fait l’écho*, il a pour quadruple objectif de réduire l’obésité et le surpoids, d’aug-menter l’activité physique et diminuer

la sédentarité à tout âge, d’améliorer les pratiques alimen-taires et les apports nutritionnels et de réduire la prévalence des pathologies nutritionnelles. Afin d’amplifier son action, ce troisième PNNS (2011-2015) s’accompagne d’un plan « Obésité » souhaité par le gouvernement.

* Science & Santé n° 3, p. 14-15

www.sante.gouv.fr

Allergies aux médicamentsQue faire après des tests négatifs ?Après une réaction cutanée à un médicament, des tests oraux et cutanés, voire la réadministration du médicament à l’hôpital, permettent de savoir si le patient y est allergique. Une étude sur 10 ans montre pourtant que près des trois quarts des patients qui avaient réagi à un médicament, mais dont le test était négatif, ne l’ont pas repris. En cause ? Souvent un manque de compréhension ou un refus de leur médecin traitant. Parmi ceux qui l’ont repris, 9 % seulement ont développé des réactions. Une meilleure information des généralistes et des patients à ce sujet semble indispensable.

J. Waton et al. Allergy, 2011; 66: 941–947

HypertensionDes pratiques trop tolérantesEntre mai et décembre 2009, 2 629 médecins ont répondu au sondage SHARE (Supporting Hypertension Awareness and Research Europe-wide) portant sur l’évalua-tion de la tension artérielle qu’ils avaient réalisée sur leurs patients hypertendus. Les résultats révèlent la forte hésitation des praticiens à traiter leurs patients pour réduire leur tension aux niveaux recommandés par la Société européenne de l’hypertension. La raison ? 90 % considèrent que les seuils préconisés sont inférieurs aux seuils d’alerte au-delà desquels les médecins estiment qu’ils doivent intervenir. Pourtant, dès le dépassement des niveaux conseillés, le risque de développer une maladie cardiovasculaire augmenterait…

J. Redon et al. J Hypertens, août 2011; 29(8):1633-1640

Rubrique réalisée par Nicolas Rigaud

Face à un médecin, les patients co-infectés par le virus du sida (VIH) et celui de l’hépa-tite C (VHC) minimisent leur consommation d’alcool, selon une étude menée sur la cohorte de patients co-infectés ANRS-CO13-HEPAVIH. C’est en examinant les résultats des questionnaires auxquels ces patients doivent répondre pour être inclus dans cette cohorte qu’il apparaît que la consom-mation d’alcool est bien plus élevée que

celle avouée lors des entretiens médicaux. Cet écart concerne surtout ceux qui ne sont pas traités pour le VIH, qui ont consommé des drogues injectables, ou qui sont suivis par un hépatologue, surtout s’ils savent que le traitement anti-VHC impose de boire nettement moins. Pourtant, une consom-mation contrôlée d’alcool est indispensable pour un traitement efficace de ces patients.

P. Roux, et al. Drug and Alcohol Dependence 116 (2011) 228–232

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RecommandationsLe malaise de la vitamine DDestinée à prévenir le rachitisme, l’administration de vitamine D aux nourrissons peut provoquer des malaises dus à une «!fausse route! » lors de la déglutition. Les résultats d’un questionnaire de l’Inserm montrent que moins de la moitié des pédiatres et des généralistes interrogés, et 67!%

des pharmaciens, connaissent la lettre de recommandations envoyée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) aux prescrip-teurs. Parmi ceux qui en avaient pris connaissance, la moitié des pédiatres et près de 70! % des généralistes et pharmaciens

auraient modifié leurs pratiques. Des méthodes de sensibilisation plus efficaces que ces lettres gagne-raient donc à être développées.

H. Théophile et al. F. Eur J Clin Pharmacol, juillet 2011; 67(7):681-6.

MÉDECINE GÉNÉRALE

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201142

Des régulateurs pleins d’avenirL’équipe d’Alexandra Henrion Caude vient de dévoiler le rôle de régulateurs de gènes que tiennent les microARNs dans les mitochondries. Une découverte au fort potentiel thérapeutique et commercial.

C’est au cours d’une conférence des «!Lun-dis de Saint-Antoine!»

en 2007, qu’Alexandra Henrion Caude !"#, co-responsable de l’animation scientifique du site hospi-talo-universitaire, entend parler, pour la première fois, des microARNs, ces petits fragments d’ARN non codants, impliqués dans la régulation de l’expression des gènes. Ce fut le déclic et le début d’une aventure scientifique aux forts accents entrepreneuriaux. Sans partenaire clinicien, la chercheuse décide de poursuivre une recherche académique. Avec une idée en tête!: déboucher sur des applications thérapeutiques et donc créer une entreprise. D’ailleurs, confirme-t-elle, «!le projet a été conçu dès le départ comme une start-up afin d’en accélérer la mise en œuvre!». Et elle se souvient avoir fait alors «!un joli rêve,

celui où l’on pourrait soigner les enfants par les microARNs. Et éventuellement même, in utero.!»Première étape capitale pour cette mère de cinq enfants!: vérifier si ses intuitions sont exactes. En effet, elle soup-çonne qu’il existe un lien entre les microARNs et les maladies génétiques. Tels les informaticiens de génie des années 1980 dans leur garage, Alexandra Henrion Caude travaille d’arrache-pied pendant six mois en parallèle de ses activités à Saint-Antoine. Elle établit le cahier des charges d’un logiciel qui permettrait justement d’étudier le rôle des microARNs dans les maladies génétiques. Claude Mugnier, bio-informaticien, la rejoint et le pro-gramme Mirifix, «!fix the diseases by the miRs!» (soigner les maladies par les microARNs), voit le jour.

Destiné à la collecte d’informations sur lesquelles s’appliquent des algorithmes computationnels qui per-mettent de définir les maladies à étudier, le logiciel est voulu dès le départ en accès libre sur Internet. Toutefois, les intérêts économiques potentiels, notamment pour des fabricants de machines et produits moléculaires, n’échappent pas à l’équipe, ni à Inserm Transfert. Alexandra Henrion Caude dépose le brevet et la filiale privée de l’Inserm se charge alors de la valorisation du programme informatique. Néanmoins, malgré quelques pistes, il n’y a pas de retombée financière. Qu’à cela ne tienne, les recherches se poursuivent.Et finalement, grâce au logiciel, les hypothèses de la cher-cheuse se confirment. Pour certaines pathologies, comme des syndromes polymalformatifs qui affectent le développe-ment de l’enfant lors de sa formation squelettique, l’équipe identifie le microARN responsable. Elle découvre également que ces petits ARN non codants parviennent à entrer dans les mitochondries, ces «!carrefours du métabolisme et de la programmation de la mort de la cellule,!impliquées dans de très nombreuses maladies tels les cancers!», pour contrôler la bonne régulation des gènes. La démonstration est donc faite!: en interférant avec les microARNs, il est possible de moduler la fonction mitochondriale. Les débouchés théra-peutiques sont immenses, notamment dans les maladies neurodégénératives comme l’ataxie de Friedreich où les microARNs sont impliqués. Immédiatement, un nouveau brevet est déposé et Inserm Transfert décide, dès l’annonce de la publication, de valoriser ces découvertes. Quatre ans après s’être lancé un véritable défi scientifique, Alexandra Henrion Caude voit enfin se concrétiser ses espoirs de débouchés commerciaux. $ Pascal Nguyên

www.mirifix.comwww.inserm-transfert.fr

Alexandra Henrion Caude : unité 781 Inserm/Paris 5, Génétique et épigénétique des maladies métaboliques, neurosensorielles et du développement

Bandiera S. et al. PLoS One, 13 juin 2011 ; 6 (6) : e20746

“!Un joli rêve, celui où on pourrait soigner les enfants par les microARNs!„

Mitochondrie d’une cellule de pancréas

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Rubrique réalisée par Pascal Nguyên

Création d’entrepriseDeux jeunes poussesDeux start-up créées par des chercheurs de l’Inserm ont récemment vu le jour. La première, Adipophyt, se propose, à l’initiative de Karine Clément !"#, de valoriser les recherches du laboratoire Inserm « Nutrition et obésité » à Paris. La société a mis en place une offre de service pour tester l’effet d’alicaments, de nutraceutiques, de produits cosmétiques ou pharmaceutiques sur des cellules graisseuses en culture. La seconde, Vaiomer, est basée à Toulouse aux portes de l’équipe dirigée par Rémy Burcelin !"#. Elle développera des biomarqueurs, issus de fragments bactériens et présents dans le sang de l’hôte, afin de dépister le diabète et ses complications cardiovasculaires.

Karine Clément : unité 872 Inserm/Paris 6, Centre de recherche des Cordeliers

Rémy Burcelin : unité 1048 Inserm/Toulouse 3-Paul Sabatier, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires

www.adipophyt.com

BiotechnologieDes polymères donnent un coup de pouce à la cicatrisationPour son concours annuel de l’entre-prise innovante, la Jeune Chambre économique de Rezé et Sud Loire a distingué Biomedical Tissues, entre-prise dirigée notamment par Pierre Layrolle !"#, chercheur Inserm à Nantes. La firme a mis au point et commercialise un support biodégra-dable à base de microfibres de poly-mères qui accélère le développement de cellules de tissus humains et favorise ainsi la cicatrisation tissulaire. Cette technologie trouve de multiples appli-cations en chirurgie dentaire, orthopé-dique ou viscérale, mais aussi en tant que substituts cutanés ou prothèses vasculaires. Un procédé qui avait déjà permis à Biomedical Tissues d’être lauréat du concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes en 2009 et 2010.

Pierrre Layrolle : unité 957/Nantes, Physiopathologie de la résorption osseuse et thérapie des tumeurs osseuses primitives

www.biometiss.com

% LES SCIENCES

DU VIVANT GAGNANTES

Organisée par le ministère de la Recherche et Oséo, la 13ème édition du concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes a récompensé, en juin dernier, 149 lauréats. Les 67 lauréats de la catégorie « création-développement » bénéficient d’une subvention d’un peu plus de 214 000 euros en moyenne. Les 82 lauréats « en émergence » décrochent une aide d’un montant moyen de 31 000 euros. Cette année, la recherche publique aura été fortement à l’honneur puisque plus de 63 % des projets lauréats sont issus des résultats de recherche institutionnelle. Sur les six domaines du concours, c’est le secteur « Pharmacie, sciences du vivant et biotechnologies » le plus prisé, avec 36,2 % des projets lauréats.

% IRCAD : ET DE TROIS !Le 9 juillet dernier, l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad) a inauguré un site à Barretos dans l’état de São Paulo au Brésil. Après Taïwan en 2008, Ircad Brazil est donc le second centre de recherche et d’enseignement ouvert à l’international, créé sur le modèle de l’institut strasbourgeois. Selon le professeur Marescaux, président de l’Ircad et de ses antennes à l’étranger, les 17 millions d’euros nécessaires à la construction de ce nouveau site ont été déboursés par un investisseur local. De quoi confirmer la réputation de l’institut qui, depuis 2009, mène une collaboration scientifique avec l’Inserm.

www.ircad.fr

Maladie d’AlzheimerDépister avec une simple prise de sangLa société alsacienne IHD (Innovative Health Diagnostics) s’est spécialisée dans le dépistage de la maladie d’Alzheimer. Se fondant sur les travaux de Jean de Barry, chercheur Inserm au sein de l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives (INCI) à Strasbourg et conseiller scientifique d’IHD, l’entreprise effectue ses premiers essais cliniques sur un procédé de dépistage fiable qui utilise de simples prises de sang. Et ce, sans que le patient n’ait déclaré les premiers symptômes cliniques de la maladie. Si ces tests se révèlent concluants, IHD commercialisera alors des kits de diagnostic qui permettront un dépistage suffisamment précoce pour traiter les patients avant que les fonctions cognitives ne commencent à décliner.

www.ihdiag.com

Préparation des échantillons sanguins

Le tissu adipeux, support de recherche et développement

ENTREPRENDRE

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THIERRY DAMERVAL DEVIENT DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DE L’INSERM. Actuel directeur général délégué à la stratégie, il exercera, en plus de ses fonctions actuelles, celles d’Hervé Douchin, directeur général délégué aux affaires administratives et financières de l’Inserm qui vient d’être nommé Inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche de 1ère classe.

N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201144

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Xavier Bertrand :«!Rebâtir un nouveau système de sécurité sanitaire!»

Science & Santé : Quels étaient vos objectifs en lançant les Assises de médicament ?Xavier Bertrand : Dès la remise du premier rap-port de l’IGAS le 15 janvier 2011, nous avons affirmé, avec Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la Santé, notre volonté de rebâtir un nouveau système de sécurité sanitaire avec un objectif!: qu’il n’y ait pas demain de nouveau «!Mediator!».! Pour cela, nous avons voulu engager la concertation la plus large possible. C’est dans cet esprit que nous avons lancé ces Assises pilotées par Édouard Couty, rapporteur général.

S&S : Comment s’est déroulée cette concer-tation ?X.B. : Elle a réuni l’ensemble des acteurs du monde de la santé!: professionnels de santé, associations de patients, autorités de régulation, lanceurs d’alerte, experts académiques, industriels de santé… Ainsi, c’est près de 300 personnes, divisées en 6 groupes de travail, qui ont été chargées d’échanger et de formuler des propositions sur l’évaluation, le suivi, ou encore l’utilisation et la promo-tion des produits de santé, pour restaurer la confiance et garantir une sécurité optimale aux patients tout en préservant les capacités d’accès à l’innovation. Les experts consultés ont rendu leurs travaux en juin dernier. À partir de ces contributions, mais aussi de celles du rapport de l’IGAS sur la pharmacovigilance et la gouvernance de la chaîne du médicament en France, des rapports des missions parlementaires, ainsi que du rapport des profes-seurs Bernard Debré et Philippe Even, nous avons, avec Nora Berra, présenté une grande réforme du médicament.

S&S : Et quels en sont les points forts ?X.B : Elle repose sur 3 piliers. Tout d’abord, elle doit permettre qu’à l’avenir les décisions soient prises en toute transparence, que le doute bénéficie systématiquement au malade, et enfin que les patients et les professionnels de santé soient bien formés et bien informés. Concrètement, cela veut dire prévenir les conflits d’intérêts et assurer la transparence des décisions, instaurer des règles plus strictes pour l’admission au remboursement des médicaments, ou encore revoir le rôle des visiteurs médicaux pour que la

promotion ne prenne pas le pas sur l’information. Nous avons également décidé, pour plus de lisibilité dans la mise sur le marché des médicaments, d’identifier

clairement l’agence en charge de la police du médicament, ainsi, l’Afssaps devient l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et voit son expertise renforcée. Par ailleurs, j’ai souhaité la création d’un comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire dans lequel toutes les agences et les directions d’administration centrale concernées seront parties prenantes. Notre réforme, présentée en conseil des ministres le 1er août, sera soumise au Parlement à l’au-tomne. Je le redis, la santé de chacun est l’affaire de tous, c’est pourquoi j’ai souhaité une réforme en profondeur et qui ait du sens, avec un objectif!: l’intérêt du patient. $ Propos recueillis par Yann Cornillier

Début 2011, l’affaire du Médiator éclate à la suite du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui pointe certains dysfonctionnementsde l’organisation de la sécurité sanitaire des produits de santé. Xavier Bertranddécide alors de lancer le 17 février dernier les Assises du

médicament, une vaste concertation sur la refonte de ce système. Aujourd’hui, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé nous explique le pourquoi de ces Assises et les grandes lignes de la réforme qu’il propose.

“!La santé de chacun est l’affaire de tous!„

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 45

La qualité avant la quantitéEn janvier, l’Académie des sciences publiait un rapport sur l’évaluation bibliométrique. L’occasion d’ouvrir le débat avec José-Alain Sahel, qui commente ce rapport dans Science Translational Medicine, et Nicole Haeffner-Cavaillon, responsable de la cellule Bibliométrie de l’Inserm. Que faut-il savoir sur les critères bibliométriques et quelle stratégie de publication adopter ?

José-Alain Sahel : Médecin ophtalmologue, membre de l’Académie des sciences, José-Alain Sahel est directeur de l’Institut de la Vision, UMR S-968 Inserm / UPMC / CNRS / CHNO Quinze-Vingts

Henk F. Moed et Martijn S. Visser. Appraisal of Citation Data Sources, septembre 2008

E. Garfield. Science, 122, 108–111; 1955

Du bon usage de la bibliométrie pour l’évaluation individuelle des chercheurs. Académie des sciences de l’Institut de France, janvier 2011

J.A. Sahel. Sci Transl Med 3, 84cm13 (2011), - sur la base du rapport de l’Académie des sciences

Il est loin le temps où l’évaluation des équipes de recherche ne dépendait que du jugement des pairs!! Depuis 1955, la qualité d’un travail est de plus en plus

mesurée par des critères quantitatifs!: d’abord l’impact des revues où sont publiés les articles, puis le nombre total de citations dans les revues scientifiques, leur nombre moyen par article ou par année, etc. Avec l’émergence des bases de données informatiques, on a pu multiplier et croiser ces différents indicateurs et établir une évaluation

chiffrée des individus et des struc-tures. Ainsi, son objectivité

présente un intérêt particulier dans les commissions pluri-disciplinaires, où plusieurs membres du jury n’ont pas forcément une connaissance approfondie du domaine du

candidat.

Néanmoins, «!seule l’évaluation qualitative peut appré-cier l’originalité et l’esprit d’innovation d’un chercheur!», rétorque l’Académie des sciences. Aucune machine, donc, ne pourra remplacer les membres du jury!: il est indispen-sable que des spécialistes connaissent bien le domaine et le parcours du candidat, car aucune donnée chiffrée ne permet de mesurer l’intelligence réelle du travail accompli. «!Devenus incontournables, les critères bibliométriques répondent à un besoin d’information chiffrée, adapté à l’ère de la pensée de masse et au numérique, analyse José-Alain Sahel !"#. Mais c’est la "malmesure" de la science!: ils n’en donnent qu’une indication à gros trait, toujours lacunaire, sans mise en perspective. D’ailleurs les idées les plus origi-nales mettent parfois des années avant d’être reconnues!!!»À l’Inserm, l’évaluation de la recherche s’appuie sur des critères bibliométriques depuis 2004. Mais, «!nous ne les utilisons pas pour des chercheurs débutants, car nous avons accès à toutes leurs publications, tempère Nicole Haeffner-Cavaillon. En revanche, ils sont bien utiles aux jurys pluridisciplinaires, pour des chercheurs confirmés.!» Ces données sont toujours pondérées par le parcours et la situation réelle du chercheur. Le nombre d’articles ne suffit pas, et encore faut-il savoir si l’auteur a seulement collaboré ou bien dirigé ces recherches. Les données sont aussi rapportées aux chiffres moyens de la discipline. Par exemple, «!les articles d’immunologie sont beaucoup plus cités que ceux de microbiologie. Il faut en tenir compte.!» Et lorsque le nombre de citations est faible, l’évaluateur est poussé à montrer en quoi le candidat lui semble excellent.Et le chercheur, comment doit-il prendre en compte la bibliométrie!? «!Il doit adopter une stratégie de publication, soutient la responsable Bibliométrie. Ce qui compte n’est pas tant la quantité des publications que la qualité des revues. Nos conseils et formations vont dans ce sens.!» Quantitativement, en effet, un article n’est pas beaucoup plus cité s’il est publié dans une revue généraliste à fort impact comme Nature ou Science que dans une revue haut de gamme de la spécialité.

Donc qualitativement, rien ne sert de viser un journal que ne lisent pas les chercheurs de la discipline. «!La leçon est toujours la même : mieux vaut ne pas s’éparpiller!!!» $

Nicolas Rigaud

“!La bibliométrie est la " malmesure " de la science !„ http://

extranet.inserm.fr

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N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201146

Fête de la science

20 ans!!Pour fêter cet anniversaire, les principaux organismes de recherche proposent pour la première fois « Quartier des sciences » à Paris, au cœur du campus de la Montagne Sainte-Geneviève. Expositions, conférences, séances de ciné-débat, ateliers, circuits pédestres vers les laboratoires de recherche, pour tous les goûts, toutes les curiosités, tous les âges ! Cette année internationale de la chimie est aussi celle du centenaire du prix Nobel de chimie décerné à Marie Curie.À noter que l’Inserm proposera, entre autres, une exposition et des jeux pour tout dire sur la chimie de l’amour, une animation ambulante, « Boîte de science », qui expliquera la conception d’un médicament, et de multiples rencontres avec les chercheurs.La fête se décline partout en France, à découvrir près de chez vous… 12 - 16 octobre 2011

www.fetedelascience.fr

PariscienceCe festival international du film scientifique, créé en 2005 par l’Association Science & Télévision (AST), propose d’aborder les sciences de façon ludique et attractive à travers des films éton nants et des rencontres passionnantes. Les projections sont suivies de débats avec des chercheurs, des réalisateurs et des producteurs. Chaque année un hommage est rendu à un grand scientifique pour sa carrière et son rôle de « passeur de science ». Pour cette édition 2011, le professeur René Frydman, le « père » d’Amandine, premier bébé-éprouvette français, sera à l’honneur.

www.pariscience.fr6 - 11 octobre 2011, Paris, Muséum

national d’histoire naturelle

Paris-Montagne

L’Inserm et les « Science Ac’ » font un festivalQue font les jeunes pendant leurs vacances ? La question semble clas-sique, la réponse un peu moins : passer une semaine avec une équipe de recherche. En collaboration avec l’Association Paris-Montagne, l’Institut Carmen, au sein d’un laboratoire Inserm de Lyon !"#, a accueilli, du 2 au 6 mai, dix lycéens lors d’une semaine thématique d’immersion en laboratoire. Inscrit dans le programme «! Science

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 N° 4 47

Académie!» de l’association, le sujet, «!Contrôle de la glycémie, de l’assiette aux gènes!», a permis aux jeunes «!Science Ac’!» de se fami-liariser avec la vie quotidienne du laboratoire en faisant eux-mêmes des expériences. L’objectif! : découvrir le parcours d’une recherche, du moléculaire, ici les protéines impliquées dans le fonctionnement de l’insuline, jusqu’aux applications en recherche biomédicale, en les alertant notamment sur les enjeux de santé publique liés à l’obésité, au diabète et aux maladies cardiovasculaires. Pari gagné! ! À la fin de la semaine, les lycéens ont tous montré leur désir de poursuivre leur chemin dans les sciences. Certains des «!Science Ac’!» encadrés par les organisateurs, étudiants ou chercheurs, sont ensuite venus de toute la France pour organiser le festival de l’association, du 20 au 23! juillet. Au cœur de l’École normale supérieure de Paris, plus de 2!000 enfants et jeunes ont pu ainsi échanger avec les médiateurs et scientifiques sur le sujet surprenant de cette année!: «!Tout sur le rien!». Du zéro absolu à l’air, en passant par les microbes, tout le rien y est passé!! À travers des ateliers, des spectacles, des animations et des rencontres, le public s’est ainsi initié aux sciences. Tous ont pu décou-vrir notamment un atelier sur l’invisible où l’on observe l’infiniment petit grâce à un microscope et une animation sur les environnements extrêmes où rien ne peut à priori vivre. Finalement, autour du rien, on peut comprendre beaucoup ! Élodie Cheyrou et Patricia Lefort

Unité 1060 Inserm/Lyon 1-Claude-Bernard, Laboratoire de recherche en cardiovasculaire, métabolisme, diabétologie et nutrition

www.paris-montagne.org

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du XXIè sièclePerspectives architecturales, maquettes, vidéos, schémas d’aménagement, autant

de supports qui montrent des campus réinventés, des lieux de vie intégrés dans les villes, attractifs pour les étudiants et les chercheurs du monde entier. 8 juin au 31 décembre 2011, Paris (Sorbonne)

Atelier BD-neurosciences « Cerveaux en cartoon : ça planche ! »Dessiner la science et exposer ses p lanches pendant la Fête de la Science ! Le temps de cet atelier, les jeunes participants côtoient un dessinateur professionnel et un jeune chercheur en neurosciences, l’occasion pour eux d’être mis à l’épreuve de la pratique de la BD. Il est prudent de s’inscrire, le nombre de places est limité ! Aude Védrines

28 septembre, 1er et 5 octobre 2011, de 14 heures à 18 heures, Bibliothèque Claude-Lévi-Strauss, Paris 19e

Inscriptions : au 01 40 35 96 46 ou par mail [email protected] (objet : atelier bd.)

Exposition inaugurale, labellisée par la « Fête de la science » : 15 octobre 2011 de 13 heures à 18 heures

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«!Amphithéâtre!», un binôme réussiUniverscience et l’Inserm, en coproduction avec La compagnie les sens des mots et Le Centre national du théâtre, ont présenté le 19 juillet, en Avignon, et devant près de 150 personnes, la première représentation du binôme « Amphithéâtre ». Le texte, né d’un échange de 50 minutes entre Scali Delpeyrat, auteur, et Karin Tarte !"#, immunologiste à l’Inserm, a été mis en lecture par Florian Sitbon et Camille Chamoux. Une vidéo a rendu compte des temps forts de la rencontre entre l’auteur et la scientifique, puis, ce fut la lecture remarquable du texte à 3 voix, par Anne Loiret, Sandrine Lanno et Thibault Rossigneux. L’improvisation musicale de Pierre Jodlowski et Christophe Ruetsch en a rythmé le cours. Une seconde

vidéo a révélé une chercheuse troublée et enthousiaste lorsqu’elle a découvert le texte dans son labo rennais. Sans dévoiler l’histoire, ce pont entre le monde du théâtre et celui de la recherche a permis à l’émotion de la science de conduire à celle de la vie. L’ « amphithéâtre » de l’université est devenu une tribune pour venir parler d’amour et de rupture. Le rejet et l’attirance entre deux êtres se mêlent à la réalité de la découverte scientifique et du travail de recherche en équipe. Un binôme qu’on aura plaisir à retrouver, en novembre, sur les deux sites d’Universcience (Cité des sciences et de l’industrie et Palais de la découverte) ! Élodie Cheyrou

Karin Tarte : unité 917 Inserm/Rennes 1, Micro-environnement et cancer

Les UtopialesDepuis sa création en 2000, le festival interna-tional de science-fiction de Nantes est devenu l’événement incontournable du genre en Europe. Près de 43 000 visiteurs à l’édition 2010 ! Il a pour objectif d’ouvrir au plus grand nombre et faire découvrir le monde de la pros-pective, des technologies nouvelles et de l’imaginaire. Littérature, cinéma, BD, arts plastiques s’offriront aux curieux. Pour sa part, l’Inserm participera, entre autres, à la remise des prix qui récompenseront les meilleures nouvelles écrites par lycéens et collégiens !9-13 novembre 2011, Nantes

www.utopiales.org

Ma vie pour la tienne, de Nick CassavetesProjection suivie d’un débat sur les bébés-médicaments, en présence notamment de Valérie Sebag (Inserm/université Paris 13).Un ciné-débat le 4 octobre 2011

au Grand Action (Paris 5è)

La photo scientifique, une vision artistiqueLe regard du chercheur peut se confronter à celui de l’artiste photographe. Un pari que l’Inserm engage en nouant un par-tenariat avec l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Ainsi, à partir de septembre 2011, un parcours péda-gogique lié à l’image scientifique sera proposé aux étudiants de 2ème année de l’École. Stage en immersion dans un laboratoire à Marseille-Luminy grâce à «!Tous chercheurs*!», conférences et réalisation d’un documentaire jalonneront cette année d’une formation innovante.* « Tous chercheurs », cf S&S n° 1

www.enp-arles.com

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Les Journées du patrimoine• À cette occasion, on pourra retrouver

l’exposition de l’Inserm, Science/Fiction : voyage au cœur du vivant, dans le pavillon C de l’hôpital Sainte-Anne (Paris 14è) les 17-18 septembre 2011

• et voir ou revoir le film en 3D relief, Voyage au coeur du vivant, dans les Salons vénitiens aux Pavillons de Bercy (Paris 12è).

Les Sciences sur la Place Dans le cadre de la 33e édition du «!Livre sur la Place!» de Nancy, le stand multi-partenarial «!Les Sciences sur la Place!», dans lequel s’inscrit l’Inserm Grand-Est, reconduit sa présence au salon, pendant 3 jours, avec 20 auteurs-chercheurs scien-tifiques en dédicaces et plus de 130 titres proposés. Les «!Sciences sur la Place!» est un lieu privilégié d’échanges. Cet espace comprend

présentations et ventes d’ouvrages à carac-tère scientifique adaptés au grand public, séances de dédicaces, causeries scienti-fiques et animations scolaires. Il propose au grand public de rencontrer les acteurs de la recherche. Anna Lazar16-18 septembre 2011, Nancy

www.sciencesurlaplace.fr

Communiquer la science vers les publics scolaires!Transmettre aux jeunes le goût et l’envie des sciences, tel est le but de ce colloque organisé à l’initiative des organismes de recherche et des collectivités territo-riales, sous l’égide de Communication publique, l’association des responsables de

communication des institutions publiques. Producteurs de science et communauté éducative vont partager leurs pratiques, leurs attentes et leurs recherches de nouvelles pistes de collaboration.21 septembre 2011, Paris (Institut Pasteur)

La Nuit des chercheursOn pourra retrouver l’Inserm, en partenariat avec l’université Paris-Descartes et le CNRS, pour des animations au Réfectoire des Cordeliers. L’occasion aussi de visiter, gratuitement, le musée d’Histoire de la médecine.23 septembre 2011, de 18 heures à minuit, École de médecine (Paris 6è)

www.nuitdeschercheurs-france.eu

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Regards croisésentre producteurs de science

et communauté éducative

Communiquerla sciencevers les publicsscolaires

« En passant

par la chimie avec ses labos »La Lorraine propose une exposition itinérante et de nombreuses rencontres pour découvrir les dernières avancées de la recherche en chimie, leurs applications dans le quotidien et leur impact sur notre société.

Inaugurée en octobre 2011 à Nancy, puis à Metz, l’exposition sillonnera la Lorraine, voire plus, en 2012

www.enpassantparla-chimie.com

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Biologie de l’évolution et médecineChristian Frelin et Bernard Swynghedauwmars 2011, Éditions Lavoisier, 178 p., 39 !

Connaître l’histoire de la vie à partir de ses origines apporte un éclairage essentiel en médecine moderne et constitue un élément important de décision pour les pro-fessionnels de santé. Cet ouvrage a pour vocation d’être le

premier à introduire les éléments essentiels de la biologie de l’évolution dans l’enseignement de la biologie médicale. Il est écrit par deux auteurs complémentaires qui utilisent depuis longtemps le concept évolutionniste dans leurs recherches biomédicales.

Toutes les questions que vous vous posez sur votre cerveauF.-Xavier Alariomai 2011, Odile Jacob, 366 p., 22,90 !

Le cerveau reste l’organe le plus mystérieux du corps humain. Néanmoins on sait répondre à un certain nombre de ques-tions. L’auteur, chercheur au Laboratoire de psycholologie

cognitive du CNRS, convoque ici neurologues, neurophysiologistes, psy-chologues, éthologues pour tenter de répondre aux interrogations du public.

Sortir de l’eau - De la vie aquatique à la vie terrestrePierre Corvol et Jean-Luc Elghozimai 2011, Odile Jacob, 240 p., 28,90 !

Le développement de l’embryon humain dans la poche amniotique maternelle, la présence de près de 95!% d’eau dans sa composition aux premiers jours et de

60!% encore à l’âge adulte, tout rappelle à l’homme ses origines marines. La composition des liquides extracellulaires n’est pas très éloignée de celle de la mer. Le passage de la vie aquatique à la vie terrestre est le résultat d’un long processus évolutif, fait d’adaptations progressives aux conditions d’abord hostiles du nouvel environnement. Biologistes, physiologistes, médecins et philosophes font le point sur cette aven-ture étonnante… dont rien ne dit qu’elle soit dé" nitivement achevée.

De la vie biologique à la vie socialeApproches sociologiques et anthropologiquesSous la direction de Joëlle Vailly, Janina Kehr et Hörg Niewohnerjuin 2011, La Découverte, coll. Recherches, 336 p., 25 !

Le développement des sciences de la vie et de la biomédecine, mais aussi les approches plus classiques de la santé publique

et l’épidémiologie in# uent considérablement sur la dé" nition des maladies, les soins et, au-delà, sur notre vie quotidienne. Fruit d’une collaboration franco-allemande, cet ouvrage analyse, en s’appuyant sur de nombreuses enquêtes ethnologiques et sociologiques, la vie non plus seulement en tant que concept scienti" que et philosophique, mais aussi comme expérience vécue d’êtres humains situés dans des con" gurations sociales et politiques.

adsp, actualité et dossier en santé publique« L’assistance médicale à la procréation », dossier coordonné par Françoise Merlet et Bénédicte Vincent La documentation Française, juin 2011, n° 75, 72 p., 15 !

Actualité et dossier en santé publique (adsp) est la revue trimestrielle du Haut conseil de la santé publique. Elle apporte des repères à tous ceux qui doivent connaître l’actualité en santé publique dans son ensemble (épidémiologie, juridique, économique, sociologie, institutionnel).

Les maladies infectieuses émergentes : état de la situation et perspectivesHaut Conseil de la santé publiquejuin 2011, La documentation Française, 208 p., 18 !Les maladies infectieuses émergentes suscitent aujourd’hui de nombreuses inquiétudes sanitaires, économiques et socio-politiques, qu’ampli" e encore la mondialisation. Les auteurs proposent vingt-cinq recommandations

portant en priorité sur la recherche et l’enseignement, la surveillance sanitaire et la gestion raisonnée des crises sanitaires.

Controverses Université, science et progrèsValérie Pécresse, Axel Kahnmai 2011, éditions du Nil, 256 p., 19 !

Un dialogue parfois vif entre deux personnalités que tout sépare sauf leur passion pour l’université. Ils se rejoignent sur la nécessité de garantir la bonne santé des universités et

«!éviter la fuite des cerveaux!» mais leurs priorités ne sont pas forcément les mêmes.

Au-delà de nos limites biologiquesLes secrets de la longévitéMiroslav Radman (avec Daniel Carton)mai 2011, éditions Plon, 168 p., 18,90 !

Découvreur de la bactérie Deinoccocus radiodurans, capable de réparer et réorganiser son matériel génétique, le chercheur suggère que l’on pourrait transférer dans le

génome humain cet étonnant pouvoir de lutte contre l’usure de l’orga-nisme. La voie vers l’immortalité!?

Comment (et pourquoi) vieillissons-nous ?Marc Billaud et Florence Solarijuin 2011, éditions Le Pommier, 64 p., 4,90 !

Bien des questions se posent sur le processus de vieillisse-ment, et, éventuellement, pourrait-on le modi" er!?

Rubrique réalisée par Maryse Cournut

N° 4 SEPTEMBRE - OCTOBRE 201150

Directeur de la publication Pr André Syrota Directeur de la rédaction Arnaud Benedetti Directrice adjointe de la rédaction Emmanuelle Chollet Rédacteur en chefYann Cornillier

Secrétaire de rédactionMaryse Cournut Journaliste Julie CoquartAssistante d’édition Coralie BaudOnt collaboré à ce numéro Alice Bomboy, Élodie Cheyrou, Clara Delpas, Gaël Estève, Anna Lazar, Patricia Lefort, Betty

Mamane, François Guénet, Gaëlle Lahoreau, Marie-Laurence Lorenzi, Erwan Lecomte, Pascal Nguyên, Nicolas Rigaud, Aude VédrinesConception graphique et direction artistique Ghislaine Salmon-Legagneur Iconographie Alinéa + Communications

Consultante projetFrançoise Harrois-MoninCrédit de couverture Illustration : Jean Manuel DuvivierImpression Groupe Burlat

Dépôt légal : à parution

N° 4 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011

Pour s’abonner :

science-et-sante@ inserm.fr

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[email protected]

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Café des sciences

Quartier Les Curie

Quartier Chimie du vivant

Quartier Forêts

Quartier Numérique

Quartier Santé

12 au 16 octobre 2011

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